Tandis que la terre tourne/N’es-tu pas dans mon sein

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N’ES-TU PAS DANS MON SEIN…


N’es-tu pas dans mon sein le jeune enfant Amour
Qui, le dernier printemps, me parlait sous les roses,
Toi qui nous mens parfois dans ton œil de velours
Et qui tiens un carquois dans tes menottes closes !

Tu me disais : je veux connaître les jardins
Où votre âme se mire à de tristes fontaines,
Je veux descendre en vous par les rayons câlins
Que jettent sous les cils vos prunelles châtaines.


Laissez ; n’ayez pas peur de mes flèches d’argent,
Des capricornes noirs et des abeilles folles,
Lorsque vous vous plaisez aux flots du lac changeant
Et que les taons velus sont douillets aux corolles.

C’est depuis ce jour-là que je te porte en moi,
Dieu frêle, et ma pensée observe ton image,
Les ongles sont si mous aux pointes de tes doigts
Que je me flatte encor que tu n’es pas volage.

Ah ! que te voilà doux, candide et somnolent,
Tu dors comme un oiseau couvé par ma tendresse,
Jamais, quand tu dansais dans le jour ruisselant,
Tu ne m’as enchantée avec tant de jeunesse.

Je chasse de ton front les abeilles, j ai mis
Des baisers cotonneux sur l’épine des flèches
Et quand tu surviendras, après avoir dormi,
Mes rires ondoiront dans tes paupières fraîches.


Alors tu resteras pour jouer à mes pieds,
Tu mettras au travers des rayons ta main grasse
Afin d’y voir fuser le sang des groseilliers
Lorsque la grappe boit la lumière qui passe.

Et tu ne seras plus cet amour voltigeur
Qui piétine le lis et blesse la bergère,
Car pour avoir logé ton être dans mon cœur
Tu seras mon enfant et je serai ta mère.