Te souviens-tu

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La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 197-198).


TE SOUVIENS-TU


Te souviens-tu, disait un capitaine
Au vétéran qui mendiait son pain,
Te souviens-tu qu’autrefois dans la plaine
Tu détournas un sabre de mon sein ?
Sous les drapeaux d’une mère chérie,
Tous deux jadis nous avons combattu,

Je m’en souviens, car je te dois la vie.
Mais toi, soldat, dis-moi, t’en souviens-tu ?

Bis.


Te souviens-tu de ces jours trop rapides,
Où le Français acquit tant de renom,
Te souviens-tu que sur les Pyramides
Chacun de nous osa graver son nom ?
Malgré les vents, malgré la terre et l’onde,
On vit flotter, après l’avoir vaincu,

Notre étendard sur le berceau du monde.
Dis-moi, soldat, dis-moi, t’en souviens-tu ?

Bis.


Te souviens-tu que les preux d’Italie
Ont vainement combattu contre nous ?
Te souviens-tu que les preux d’Ibérie
Devant nos chefs ont plié les genoux ?
Te souviens-tu qu’aux champs de l’Allemagne,
Nos bataillons, arrivant impromptu,

En quatre jours ont fait une campagne,
Dis-moi, soldat, dis-moi, t’en souviens-tu ?

Bis.


Te souviens-tu de ces plaines glacées,
Où le Français, abordant en vainqueur,
Vit sur son front les neiges amassées,
Glacer son corps sans refroidir son cœur ?

Souvent alors, au milieu des alarmes,
Nos pleurs coulaient, mais notre œil abattu

Brillait encor lorsqu’on volait aux armes.
Dis-moi, soldat, dis-moi, t’en souviens-tu ?

Bis.


T’en souviens-tu qu’un jour notre patrie,
Vivante encor, descendit au cercueil,
Et que l’on vit dans Lutèce flétrie
Des étrangers marcher avec orgueil ?
Grave en ton cœur ce jour pour le maudire,
Et quand Bellone enfin aura paru,

Qu’un chef jamais n’ait besoin de te dire,
Dis-moi, soldat, dis-moi, t’en souviens-tu ?

bis.
Debraux.