Teatro celeste

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Teatro celeste
Revue des Deux Mondes, période initialetome 20 (p. 1090-1109).

TEATRO CELESTE


(LES COMEDIENS EN PARADIS).




LES COMMENCEMENS DE LA COMEDIE ITALIENNE EN FRANCE.




Aujourd’hui que les yeux de la critique sont incessamment ouverts sur les moindres productions nouvelles, tout ouvrage venant au monde est sûr de rencontrer dans les revues et les journaux des introducteurs empressés, et d’avoir, au pis aller, sa place dans le grand registre de l’état civil intellectuel, le Journal de la Librairie. Il n’y a donc plus de nos jours de livre, si peu important qu’il soit, qui n’ait son acte de naissance en bonne et due forme, et, pour peu qu’il soit né viable, des parrains presque assurés. Il n’en était pas ainsi, à beaucoup près, avant que nous possédassions en France des journaux scientifiques, c’est-à-dire avant l’année 1665, époque de la fondation du Journal des Savans, le plus ancien recueil ouvert à la critique des livres, à moins qu’on ne veuille faire remonter l’ère de l’enregistrement périodique des faits littéraires à la Muse historique du sieur Loret, gazette en vers à demi burlesques, commencée en 1650, sous les auspices de Mlle de Longueville et du cardinal Mazarin. Toujours est-il, même en adoptant cette dernière date, que, pendant les deux siècles environ qui séparent la découverte de l’imprimerie et l’année 1650, bien des ouvrages plus ou moins dignes de souvenir n’ont obtenu qu’une part de publicité très imparfaite. Aussi, deux sciences réparatrices, et dont les travaux marchent de conserve, la bibliographie et l’histoire littéraire, s’appliquent-elles laborieusement, l’une à rechercher et à constater l’existence, l’autre à apprécier la valeur de ces écrits oubliés, enfans presque perdus de la pensée de nos pères. Quelquefois même, quand les faits et les preuves de filiation se dérobent trop obstinément à l’investigation scientifique, la fantaisie et la conjecture viennent abréger la tâche, et l’on a vu, sous la plume de quelques écrivains de plus d’imagination que de patience, se produire un nouveau genre de littérature hybride qu’on pourrait appeler la bibliographie romanesque. Pour moi, qui m’obstine à croire que la vérité nue, quand on peut l’atteindre, a autant et plus d’attraits que la fiction, j’aimerais qu’à côté du compte-rendu journalier des productions contemporaines, et concurremment avec l’étude toujours nouvelle des chefs-d’œuvre consacrés, l’érudition sévère ne dédaignât pas de temps à autre de tirer de leurs ténèbres certains livrets poudreux qu’aucune main n’a probablement touchés depuis leur publication. Il y aurait, si je ne m’abuse, une sorte de plaisir de découverte à diriger le télescope de la critique vers quelques-uns de ces petits astres lointains, étoiles obscurcies du XVIe siècle. Il faudrait seulement exiger du Mathanasius qui ne craindrait pas de se plonger dans ces recherches, de ne ramener au jour que des inconnus offrant une singularité véritable, et dont l’étude fût propre à ouvrir quelques nouveaux points de vue aux théories littéraires ou à ajouter quelques faits intéressans à l’histoire de la littérature et des mœurs.

J’ai cru reconnaître plusieurs de ces conditions dans l’opuscule dont on vient de lire plus haut le titre abrégé. Ce livret m’a paru d’une originalité assez piquante, et de plus il me fournira, j’espère, l’occasion de réunir quelques documens pour une histoire qui est à faire, celle des quatre-vingts premières années de l’établissement du théâtre italien en France. Il faut vraiment que nous ayons eu, jusqu’à ces derniers temps, une bien profonde aversion des origines, pour avoir ainsi refusé toute attention aux premières visites de ces joyeuses et poétiques caravanes qui, depuis Henri III jusqu’à Mazarin, n’ont cessé de nous apporter les prémices de cette comédie vive, enjouée, naturelle, que nous ne possédions pas encore, et dont le rire, à la fois fantasque et sensé, a eu tant d’influence sur le génie naissant de Molière.

Quoique imprimé à Paris par Nicolas Callemont, le Teatro celeste n’a été cité, je crois, par aucun bibliographe français. Il ne figure ni dans le catalogue, si riche en littérature italienne, de M. L***, ni dans l’immense collection théâtrale qu’avait rassemblée M. de Soleinne. Il est mentionné, il est vrai, par les maîtres de l’érudition italienne, mais avec une telle inexactitude, qu’on peut douter qu’ils l’aient jamais vu. Voici le titre de ce livre fidèlement traduit : « Théâtre céleste, où l’on voit comment la bonté divine a appelé au rang de bienheureux et de saints plusieurs comédiens pénitens et martyrs, et où l’on exhorte poétiquement ceux qui exercent la profession du théâtre à pratiquer leur art sans offenser la vertu, tant pour laisser sur la terre un nom honoré, que pour ne pas se fermer par le vice la route qui mène au paradis ; dédié à mon illustrissime et révérendissime seigneur et très respecté patron, le cardinal de Richelieu ; par Gio.-Batt. Andreini, de Florence, appelé au théâtre Lelio ; Paris (sans date). »

La dédicace qui suit ce long titre est écrite, comme les vingt et un sonnets eux-mêmes, dans le style prétentieux et métaphorique de l’école alors dominante de Marino et des seicentistes. Par une première bizarrerie, l’auteur ne fait hommage au cardinal que des cinq premiers sonnets du recueil, ceux où il a célébré des acteurs sanctifiés ou béatifiés ; mais, au lieu d’exposer une à une chaque singularité de cette épître, il sera plus court de la transcrire en entier. La voici donc :

« O cygne revêtu de la pourpre du Vatican, j’ai ébauché à Compiègne et terminé à Paris, en unissant mes chants grossiers aux accords de la lyre céleste, cinq sonnets qui brillent d’un éclat divin.

« Ceux que je célèbre furent des comédiens pleins de piété, bienheureux et saints, qui pleurèrent amèrement leurs fautes et se convertirent. Moi seul, comédien pécheur, je suis demeuré, oiseau de marais, pour chanter leurs heureuses conversions, afin qu’ils présentassent, non-seulement à moi, mais à tous les autres comédiens, l’occasion d’imiter leurs vertus, tant sur la scène que dans la retraite. Puisse votre très illustre seigneurie accueillir l’humble hommage que je lui présente, en la suppliant d’avoir plutôt égard à l’affection du cœur qu’à l’imperfection de l’œuvre, et en augurant pour elle, en récompense de ses gloires, les triples couronnes qui, dans le Capitole de la sainte église, ceignent le front de ceux dont la poitrine est revêtue de la pourpre ! Je finis, en m’inclinant profondément devant votre révérendissime seigneurie. »

Un tel présage, adressé à bout portant par l’amoureux de la troupe italienne au cardinal de Richelieu, a droit, assurément, de nous surprendre. A quelle époque de la carrière du grand ministre remonte-t-il ? Est-ce au temps où Richelieu, passionné du théâtre, s’était fait lui-même auteur et presque entrepreneur dramatique, vers 1635 ? Non ; car l’imprimeur de nos sonnets, Nicolas Callemont, mourut à la fin de 1630. D’ailleurs, un heureux hasard, qui met, fort à propos, sous ma main un second exemplaire de ce rare volume, lève tous les doutes. Ce second exemplaire contient, à la suite du titre et de la dédicace, deux cartons destinés à les remplacer. Le nouveau titre, beaucoup plus simple et moins métaphorique que le premier[1], porte, de plus, la date de 1624. Le second carton renferme un sonnet adressé au cardinal : « Sonnetto fatto e solo donato all’ illustrissimo signor cardinal de Richelieu… » Cette expression, solo donato, semble rétracter la dédicace des cinq premiers sonnets, qui peut-être avait déplu à Richelieu. Le premier vers donnera une idée suffisante de la pièce entière :

Porporato Solon, sacro Lycurgo…

L’auteur finit, comme dans la dédicace en prose, par une allusion à la future papauté d’Armand du Plessis :

Tre diademate cingendo…

La date de 1624, qui est celle de l’entrée même de Richelieu au conseil, et qui, par conséquent, est antérieure à tous les grands résultats qui ont illustré son ministère, rend moins concevable encore la prédiction du comédien à l’éminence. Au reste, cet hyperbolique horoscope prouve au moins une chose, l’attente immense et universelle qu’excitaient, dès leurs débuts, le génie et la fortune de Richelieu.

Le premier sonnet du Teatro celeste est composé en l’honneur de saint Genest, qui devait bientôt être plus dignement célébré par la tragi-comédie de notre Rotrou :


« Tandis que Genest, sur la scène antique, mêle à la cythare d’or les accens des théâtres d’Orphée, les hommes attentifs semblent de marbre, et toutes les sirènes se taisent comme endormies.

« Mais au moment où, comme un dragon farouche, il va lancer sa morsure contre le baptême, Dieu émousse sur ses lèvres l’altière dérision, et, puissant correcteur, réfrène sa témérité impie.

« Comme l’avide guerrier de Tarse renversé de son cheval se releva, touché de repentir et ne désirant que la croix avec le Christ, ainsi Genest, au moment où il va se jouer du baptême, a reconnu son erreur véritable dans des eaux feintes. Tout dans le début était infernal ; tout est divin dans le dénoûment. »

Le second sonnet adressé à saint Sylvain, autre comédien converti, se termine par un jeu de mots intraduisible :

« Scènes, quittez vos antiques honneurs ! Ne vous enorgueillissez plus de vos parures d’or, ni de vos pierres précieuses ! Les herbes recouvrent maintenant vos grandeurs ; votre antique beauté n’est plus qu’une horrible misère.

« L’éternité, cette incessante ouvrière, réserve ses trésors pour les théâtres du ciel. Là s’épanouit la fleur, là reverdissent les gazons ; là, pour musiciens, on a les chœurs des anges. C’est à la clarté de la lune et du soleil que le poète en trois personnes fournit le sujet sublime. Les spectateurs sont l’assemblée des bienheureux.

« Voyez-vous ce comédien qui tresse des palmes avec une pieuse et ineffable grace, c’est Sylvain, le nouvel hôte des forêts du ciel (Selvano… selve). »

Les deux sonnets suivans sont à la louange, l’un de saint Ardélion, acteur païen, qui souffrit le martyre, comme saint Genest, l’autre en l’honneur du comédien Giovanni Buono, de Mantoue, qui venait de se retirer dans un cloître où il pleurait ses fautes et vivait en odeur de sainteté. « … Celui qui excita si long-temps le rire s’est changé en une source de larmes… » Le cinquième sonnet prédit la béatification à frère Jean le pécheur, long-temps comédien à Adria, et alors retiré dans une cellule, « où il donnait aux anges le spectacle de ses mortifications et de sa piété. » Les huit sonnets qui suivent sont un éloge du théâtre honnête et des comédiens qui exercent l’art dramatique vertueusement. Celui de ces sonnets qui serait le plus intéressant de tous, s’il était un peu plus intelligible, est consacré à la mémoire de la mère de l’auteur, la célèbre Isabella Andreini, dont nous reparlerons bientôt. Le quatorzième sonnet est une comparaison de la vie humaine, telle qu’elle s’accomplit sur le théâtre du monde, avec une frivole et vaine représentation théâtrale. Dans cinq autres sonnets, le poète exhorte les acteurs déréglés à rentrer dans la pratique honnête de leur art. Le vingtième est intitulé : « Adieu de l’auteur au théâtre, » et le dernier est une aspiration mystique à la pénitence. « Scènes trompeuses, je pars ! Jamais il ne m’arrivera dorénavant de me dresser fier et paré sur votre sol. Oui, j’abandonne tout ce vain éclat, en même temps que je m’éloigne des beaux sites de la France… »

Qui ne croirait, en lisant ces vers, que J.-B. Andreini avait pris la ferme résolution de changer de vie en quittant la France, et de s’enfermer dans la solitude ? Il n’en fut pas ainsi, cependant, et, durant près de trente années encore, nous le voyons toujours comédien et chef de troupe, accroître, sans interruption, la liste déjà si considérable de ses succès dramatiques.

Il ne faut pas croire que le Teatro celeste soit la seule réclamation passionnée que les auteurs italiens des XVIe et XVIIe siècles aient élevée en faveur de la pureté de leur profession. Dès l’année 1614, J.-B. Andreini avait préludé à ces apologies poétiques par un opuscule intitulé la Saggia Egiziana, dialogue en vers à la louange de l’art théâtral (Florence, in-4o). Il fit encore imprimer à Paris, un an après le Teatro celeste, et par le même Nicolas Callemont, une défense presque théologique de la comédie, toute remplie d’extraits des saints pères. Ce livre, dédié au duc de Nemours, est intitulé : « Lo specchio, composizione sacra e poetica, nella quale si rappresenta al vivo l’imagine della comedia quanto vaga e deforme sia alhor[2] che da comici virtuosi o viziosi rappresentata viene. » Au reste, cette ardeur à défendre la comédie n’était pas particulière à notre auteur ; tous les comédiens d’Italie la partageaient. En 1614, Pietro Maria Cecchini, acteur de la troupe des Accesi, connu au théâtre sous le nom de Frittellino, avait publié à Vicence et dédié au marquis Clemente Sanezio un petit traité sous le titre de : « Discorso intorno alle comedie, comedianti e spettatori[3]. » Un autre acteur du même temps, Niccolo Barbieri, si célèbre en France et en Italie sous le nom de Beltrame, plaida aussi très vivement la cause du théâtre dans un écrit ingénieux, la Supplica, discorso familiare intorno alle comedie, dans lequel, au milieu de beaucoup de curieuses anecdotes relatives aux comédiens de son temps, il développe la même pensée et jusqu’aux mêmes argumens que J.-B. Andreini. Dans le chapitre X, intitulé « qu’il ne faut pas se risquer inconsidérément à mal parler des comédiens, attendu qu’il y a souvent parmi eux de très galans hommes et, qui mieux est, quelquefois des saints, » après les exemples de saint Genest, de saint Ardélion, de saint Sylvain, de saint Giovanni Buono, il nous raconte la mort exemplaire d’un de ses camarades qui portait au théâtre le nom formidable de Capitano Rinoceronte, et dans le lit duquel on trouva, quand il mourut[4], un très rude cilice, « ce qui causa, dit Beltrame, quelque surprise, car nous n’ignorions pas qu’il était pieux et buon devoto, mais nous ne savions rien de ce cilice. » Beltrame ne peut s’empêcher de remarquer le contraste étrange qu’il y a entre ce cilice et la comédie, entre les macérations de la pénitence et les lazzi de la parade ; mais il ne s’aperçoit pas le moins du monde que le même contraste se retrouve en lui-même, et que ce mélange de dévotion et de mœurs plus ou moins libres est le génie même des populations méridionales. Ces braves comédiens, qui réclamaient avec tant d’énergie et de conviction contre le blâme ecclésiastique et recommandaient si chaleureusement la comédie honnête, ne se faisaient faute ni scrupule de représenter chaque soir les scènes les moins décentes. Louis Riccoboni, dont le jugement à cet égard n’est pas suspect, reconnaît que beaucoup des canevas de Flaminio Scala et nombre de pièces de J.-B. Andreini lui-même sont entachés d’une extrême obscénité. Mais, bons catholiques comme ils étaient, ces honnêtes comédiens ne pouvaient consentir à se voir confondre avec les idolâtres, les hérétiques et les juifs, eux qui avaient si pleinement conscience de n’être rien de tout cela, d’être simplement de joyeux compères, pleins de bonne humeur et d’entrain, redemandant qu’à tirer innocemment parti de leurs heureuses qualités. D’ailleurs, ces artistes cosmopolites adressaient leurs apologies du théâtre beaucoup moins à leur patrie, où la comédie ne fut jamais expressément condamnée, qu’aux nations étrangères, la France, l’Allemagne et l’Angleterre, chez lesquelles, surtout depuis les progrès de la réforme, on commençait à élever de grandes objections contre le théâtre. En Italie, au contraire, où la renaissance théâtrale s’était opérée sous le patronage, des cardinaux et des papes, où beaucoup de doctes académies s’étaient fondées uniquement dans le dessein de composer et de représenter des pièces de théâtre, où non-seulement la comédie savante, mais la comédie impromptu (la comedia dell’ arte) était une passion, que satisfaisaient sans esclandre des gens de tous les états, témoin le peintre Salvator Rosa, qui, sous le masque de Coviello, se fit applaudir de toute la ville de Rome dans sa piquante création du personnage de Formica ; en Italie, dis-je, les théologiens les plus sévères ne condamnaient point le théâtre en lui-même, mais seulement dans ses écarts. Et nous ne trouvons pas seulement cette tolérance à Rome, nous la trouvons à Venise, à Florence, à Milan même, du temps de saint Charles Borromée. Des récits contemporains nous apprennent que le gouverneur de cette ville, avant appelé en 1583 Adriano Valerini avec la troupe qu’il dirigeait, fit suspendre leurs représentations, ému par de soudains scrupules de conscience. Le pauvre directeur réclama, et le gouverneur embarrassé s’en remit à la décision de l’archevêque. Le bon prélat donna audience aux comédiens, discuta leurs raisons, et, finalement, les autorisa à continuer leurs jeux dans son diocèse, à la condition de déposer entre ses mains le canevas des pièces qu’ils voudraient représenter. Il chargea de l’examen le prévôt de Saint-Barnaba, et, quand il ne s’y trouvait rien de répréhensible, le saint archevêque donnait son approbation, et signait les canevas de sa main. Louis Riccoboni raconte que dans sa jeunesse il avait connu une vieille actrice, nommée Livinia, qui avait trouvé dans l’héritage de son père, comédien comme elle, un assez grand nombre de ces précieux canevas revêtus de la signature de Charles Borromée.

En France même, à cette époque, la doctrine sévère qui devait, soixante ans plus tard, faire refuser une sépulture chrétienne à Molière, commençait seulement à se produire. Il est à la fois curieux et triste de comparer ce qui se passa à Paris dans la nuit du 18 février 1673 avec les honneurs publics qui furent rendus à Lyon, le 10 juin 1604, à la mère de notre auteur, la belle et illustre comédienne Isabella Andreini, morte dans cette ville au milieu de ses succès. Pierre Mathieu n’a pas dédaigné de mentionner cet événement dans son histoire[5]. Niccolo Barbieri (Beltrame), qui faisait alors partie de la même troupe, nous apprend que les échevins de Lyon envoyèrent aux obsèques de la grande artiste les bannières de la ville, avec leurs massiers, et que la corporation des marchands suivit le convoi avec des torches. Le mari de cette femme célèbre, Francesco Andreini, fit graver sur sa tombe une épitaphe qu’on peut lire dans Mazuchelli, et qui existe peut-être toujours à Lyon, où on la voyait encore à la fin du dernier siècle. Cette épitaphe se terminait ainsi : « … Religiosa, pia, musis amica et artis scenicae caput, hic resurrectionem exspectat. » - D’où il résulte, comme le remarque Bayle, qu’en 1604 non-seulement les magistrats de Lyon accordèrent des honneurs funèbres et une tombe en terre sainte à une actrice, mais qu’on « n’hésita pas à mettre tout joignant sa profession de comédienne l’espérance de la résurrection. » J’ajouterai qu’on frappa, à l’effigie d’Isabella Andreini, une belle médaille, avec son nom suivi des deux lettres C. G., qui signifie comica Gelosa (comédienne de la troupe des Gelosi), et avant au revers une renommée avec ces mots oeterna fama. Le cabinet des médailles de la Bibliothèque royale possède deux exemplaires à fleur de coin de cette pièce, l’un d’argent et l’autre de cuivre[6]. Ce médaillon confirme les nombreux éloges adressés à la beauté d’Isabelle : son profil est à la fois correct et expressif, et ; en la voyant dans ses gracieux atours florentins, on croit presque avoir sous les yeux un portrait de Mlle Rachel dans le costume de Marie Stuart. Cette femme illustre, la gloire des Gelosi, fut, très jeune encore, couronnée, puis proclamée membre de l’académie des Intinti de Pavie, où elle prit le nom académique d’Accesa. Elle avait mérité toutes ces distinctions non-seulement par la richesse d’imagination qu’elle déployait dans la comedia dell’ arte, c’est-à-dire dans la comédie improvisée, mais par plusieurs productions imprimées, tant en vers qu’en prose. Pendant ses divers séjours à Paris, dont le dernier eut lieu en 1603, elle s’était acquis l’admiration de la cour et de la ville, et jouissait d’une faveur toute particulière auprès de Marie de Médicis et d’Henri IV.

Conçoit-on que cette brillante période de la comédie italienne n’ait fourni aux historiens spéciaux du théâtre italien en France qu’une ou deux pages, tout-à-fait vides de documens et d’intérêt ? Nous connaissons, en effet, assez bien ce qui concerne les comédiens que le cardinal Mazarin manda d’Italie en 1645, leur établissement stable en 1660, et la brusque fermeture de leur théâtre en 1695 ; nous connaissons mieux encore l’histoire de la nouvelle comédie italienne, rétablie en 1716 par le régent, et nous pouvons suivre à peu près toutes les vicissitudes de son existence jusqu’à la fin du dernier siècle : sur ces deux périodes, Gueulette, les frères Parfait, Riccoboni, Gherardi, d’Origny, ne laissent que peu de choses à désirer ; mais, sur la première période, celle qui s’étend depuis les premiers comédiens venus d’Italie sous Henri III, jusqu’aux troupes que Mazarin appela en 1645, nous ne savons à peu près rien. Les frères Parfait et ceux qui les ont copiés se sont contentés de transcrire trois paragraphes du Journal de l’Étoile, très curieux assurément, mais qui ne peuvent se passer de développemens et de commentaires. Nous allons, à notre tour, reproduire ces trois précieux passages, mais avec plus d’exactitude qu’on ne l’a fait, et nous tâcherons ensuite de les compléter par quelques informations puisées aux sources originales.

Voici d’abord ce qu’on lit dans l’Étoile : « En ce mois (février 1577), les comédiens italiens appelés Li Gelosi, que le Roy avoit fait venir de Venise et desquels il avoit payé la rançon ayant été pris par les Huguenots, commencèrent à jouer leurs comédies dans la salle des États à Blois ; et leur permit le Roy de prendre demi teston de tous ceux qui les viendroient voir jouer. » L’Étoile ajoute un peu plus loin : « Le dimanche 19 may, les comédiens italiens surnommez Li Gelosi commencèrent leurs comédies à l’hostel de Bourbon à Paris ; ils prenoient quatre sols de salaire par teste de tous les François, et il y avoit tel concours que les quatre meilleurs prédicateurs de Paris n’en avoient pas tous ensemble autant quand ils preschoient. » Enfin, on lit cette dernière mention : « Le samedi 27 juillet, Li Gelosi, comédiens d’Italie, après avoir présenté à la cour les lettres-patentes, par eux obtenues du Roy, afin qu’il leur fût permis de jouer leurs comédies nonobstant les deffenses de la Cour, furent renvoyés par fin de non recevoir, et deffenses à eux faites de plus obtenir et présenter à la Cour de telles lettres, sous peine de dix mille livres parisis d’amende applicable à la boëtte des pauvres ; nonobstant lesquelles deffenses, au commencement de septembre suivant, ils recommencèrent à jouer leurs comédies en l’hostel de Bourbon, comme auparavant, par jussion expresse du Roy la corruption de ce teins étant telle, que les farceurs, bouffons, p… et mignons avoient tout crédit auprès du Roy. »

Les frères Parfait se contentent d’ajouter qu’il parut, en 1584, une seconde troupe italienne à Paris, et une troisième en 1588 ; « mais, disent-ils, les auteurs qui ont fait mention de ces différentes compagnies n’ont marqué ni le nom des acteurs et actrices qui les composaient, ni les titres et sujets de pièces qu’ils représentèrent. » C’était précisément à ce silence regrettable que les historiens de la comédie italienne auraient dû tâcher de suppléer. A leur défaut, je vais essayer de retrouver les noms des acteurs et des actrices qui composaient ces troupes, et, autant que possible, les titres et les sujets des ouvrages qu’ils représentèrent.

Et, d’abord, il est une chose que les frères Parfait n’ont pas dite, et qu’il était pourtant fort nécessaire d’établir en commençant : c’est qu’avant l’arrivée à. Paris de la troupe de 1577, deux compagnies d’acteurs italiens parcouraient nos provinces et donnaient dans les principales villes de France des représentations, suivant les habitudes de leur nation, c’est-à-dire le plus ordinairement sous le masque et à l’impromptu. L’une de ces troupes, et, je crois, la plus ancienne, était celle des Comici Confidenti ; l’autre portait le nom devenu si célèbre de Comici Gelosi. Les Confidenti étaient venus en France vers 1572 et peut-être plus tôt. Cette compagnie eut vers cette époque, pour principal ornement, une actrice d’une grande beauté et pourvue des plus rares talens littéraires ; elle se nommait Maria Malloni, et au théâtre Celia. Le chevalier Marino l’a surnommée dans l’Adone « une quatrième Grace. » Elle devint bientôt si célèbre, qu’en 1611 Gio.-Pietro Pinelli put composer un volume entier de vers faits à sa louange : « Corona di lodi alla signora Maria Malloni, detta Celia comica. » Elle jouait avec une égale perfection la comédie, la tragédie, la pastorale. Un sonnet du comte Ridolfo Campeggi nous apprend qu’elle excellait dans le rôle de Silvia de l’Aminta. Il est probable (sans cependant que le fait soit certain) qu’elle accompagna les Conidenti dans leurs premiers voyages en France. C’est ici le lieu de faire remarquer que l’immense succès qu’obtinrent dans toute l’Europe les actrices italiennes de la seconde moitié du XVIe siècle vient, indépendamment de leur mérite très réel, de ce qu’elles étaient alors les seules femmes qui parussent sur le théâtre. Pietro-Maria Cecchini nous apprend dans ses Discorsi intorno alle comedie, qui furent publiés en 1644, qu’il n’y avait guère plus de cinquante ans que les femmes avaient commencé à se montrer sur la scène. Niccolo Barbieri discute, dans un chapitre ad hoc de son traité sur la comédie, s’il est plus convenable de laisser jouer les rôles de femmes à des femmes que de confier ces rôles à de jeunes garçons vêtus en femmes. Sur ce point, comme sur tant d’autres, l’Italie donna l’exemple à l’Europe. Chez nous, par exemple, je n’ai pu encore rencontrer d’actrices sur les théâtres de Paris avant l’année 1600 ou environ.

A côté de Celia se faisaient applaudir Bernardino Lombardi, acteur et poète distingué, qui publia en 1583 à Ferrare une comédie en cinq actes, plusieurs fois réimprimée, l’Alchimista[7], et Fabritio de Fornaris, gentilhomme napolitain, plein d’esprit et de verve comique, qui avait su donner une physionomie toute particulière au capitan espagnol, dont il jouait le personnage sous le nom de Coccodrillo.

La seconde troupe qui, vers la même époque, parcourait nos provinces, était celle des Gelosi. Elle possédait également de fort bons acteurs. Orazio Nobili, de Padoue, tenait l’emploi d’innamorato ; Adriano Valerini, gentilhomme véronais, remplissait les mêmes rôles sous le nom d’Aurelio ; Lucio Burchiella était très divertissant dans le Graziano (le docteur bolonais) ; enfin les amoureuses avaient pour interprète la belle et trop tendre Lidia de Bagnacavallo, dont la passion jalouse et trop peu déguisée pour son camarade Adriano Valerini fit quelque peu de scandale, chose rare à cette époque, où les comédiennes ne se piquaient de rien tant que de vertu. Cette troupe avait pour devise un Janus à deux faces, avec cette légende, qui jouait sur leur nom de Gelosi :

Virtù, fama ed onor ne’ ser Gelosi.

En 1574, les deux compagnies rivales s’unirent en une seule troupe sous le nom de Comici Uniti ; mais, dès la fin de 1576, ils se séparèrent de nouveau. Flaminio Scala, dans la fleur de l’âge et du talent, se mit à la tête des Gelosi, qui, sous son habile direction, ne cessèrent, pendant vingt-huit ans, d’obtenir les applaudissemens de la France et de l’Italie. C’est précisément cette troupe, reconstituée depuis un an à Venise, dont nous venons de lire dans le Journal de l’Étoile l’arrivée difficile à Blois et les débuts à l’hôtel de Bourbon. Cet hôtel, pour le dire en passant, bâti entre le Louvre et Saint-Germain-l’Auxerrois, ne consistait plus alors qu’en une chapelle et une galerie, où l’on établissait à l’occasion un théâtre pour les fêtes de cour. Quant au personnel de cette compagnie, Flaminio Scala joignit aux acteurs que nous avons nommés plus haut une jeune actrice, née, comme lui, à Vérone, la signora Prudenza, qui jouait les secondes amoureuses. Lui-même remplissait les rôles d’amoureux, en même temps qu’il fournissait la troupe de canevas nouveaux.

Cependant, malgré l’accueil empressé que les Gelosi reçurent des habitans de Paris, ils n’y demeurèrent que peu de temps. Les longs séjours n’étaient pas dans les habitudes de ces troupes ambulantes, et d’ailleurs les magistrats, peu favorables à l’établissement de nouveaux théâtres, soutenaient avec rigueur le monopole des anciens confrères de la Passion, alors exploité par des comédiens de profession, locataires de l’hôtel de Bourgogne. De retour à Florence, en 1578, les Gelosi firent de très importantes recrues. C’est alors que Flaminio Scala parvint à réunir dans sa troupe Giulio Pasquati, de Padoue, pour les emplois de Pantalon et du Magnifico ; Gabriello, de Bologne, créateur de l’excellent personnage pantagruélique de Francatrippe ; Simone, de Bologne, qui jouait le second Zani, sous le nom alors très nouveau d’Arlequin[8] ; Girolamo Salimbeni, de Florence, très amusant sous les traits du Zanobio (le vieux bourgeois de Piombino) ; la signora Silvia Roncagli, de Bergame, qui remplissait à merveille les rôles de soubrettes sous le nom de Francheschina ; Lodovico, de Bologne, qui portait très plaisamment la robe du Dottore Graziano ; enfin Francesco Andreini, de Pistoie, qui jouait de tous les instrumens de musique, parlait six ou sept langues, et était, suivant l’expression du savant comédien Francesco Bartoli, un acteur universel. Il avait, en effet, commencé par l’emploi des amoureux, puis il s’était appliqué à rajeunir le rôle de capitan, qu’il jouait avec une grande supériorité sous le nom de Capitano Spavento della valle inferna, ce qui ne l’empêcha pas de créer à l’occasion d’autres types fort amusans, celui du Dottore siciliano, par exemple, et celui d’un certain magicien, nommé Falcirone, auquel, suivant son propre témoignage, il faisait parler le français, l’espagnol, l’esclavon, le grec moderne et même le turc. Mais le vrai diamant de cette troupe, la gloire des Gelosi, était une jeune fille de Padoue, nommée Isabella, qui, à peine âgée de seize ans, se faisait admirer par sa beauté, ses rares talens en tous genres et sa vertu. Francesco Andreini devint passionnément amoureux de cette belle personne, et fut assez heureux pour lui faire accepter sa main. L’année suivante (1579), la troupe des Gelosi étant encore à Florence, Isabella mit au monde un fils, J.-B. Andreini, l’auteur de notre Teatro celeste.

Vers le même temps, les Gelosi éprouvèrent une perte sensible. Adriano Valerini les quitta pour prendre la direction des Comici Uniti. C’est vraisemblablement à la tête de cette troupe qu’il fut, en 1583, honorablement accueilli à Milan par le cardinal Borromée. Cependant les Confidenti et les Gelosi continuèrent à faire de temps à autre des voyages en France. Nous trouvons des tracés du séjour des Confidenti à Paris en 1584 et 1585. Un acteur de cette troupe, Fabritio de Fornaris, fit jouer par ses camarades et publia en 1584, chez Abel l’Angelier, une pastorale de Bartolomeo Rossi intitulée Fiammella ; il fit paraître, l’année suivante, chez le même libraire, une comédie de sa façon, Angelica, jouée d’abord all’ iinprovviso, avec beaucoup de succès, notamment chez le duc de Joyeuse, qui en accepta la dédicace. L’auteur représentait dans sa pièce le fameux personnage de Coccodrillo qu’il avait créé, et qui ne parlait qu’espagnol[9].

Nous avons des preuves également certaines de la présence des acteurs italiens à Paris en 1588. On lit dans une remontrance adressée au roi à l’occasion de l’ouverture des seconds états de Blois, parmi beaucoup d’autres griefs, que « les jeux des estrangers italiens sont un grand mal qu’on avait tort de tolérer. » Aussi un arrêt du 10 août de cette année renouvela-t-il la défense faite à tous comédiens, tant italiens que français, de donner aucune représentation ailleurs qu’en l’hôtel de Bourgogne. Le malheur des temps, plus que cette défense, força les acteurs italiens à repasser les monts. Pendant cette triste époque, en effet, il n’y avait plus de place en France pour les joyeux ébats d’Arlequin, de Pantalon, du docteur bolonais, de Francatrippe, de Francheschina, du capitano Spavento. Les seize et leurs adhérens donnaient à la France d’autres spectacles. Nous ne suivrons pas la troupe de Flaminio Scala dans toutes les visites qu’elle rendit, pendant ces années de troubles, aux principales villes d’Italie, Bologne, Venise, Rome et Milan. Le chef-lieu de la compagnie paraît avoir été à Florence. Nous l’y trouvons établie, notamment en 1594, comme nous l’apprend l’agréable récit que Domenico Bruni nous a fait de la manière dont il entra dans cette société, âgé à peine de quatorze ans. Fils d’un vieux comédien, errant et presque nu, il fut bien accueilli et engagé tout aussitôt pour réciter quelques prologues et jouer les amoureux dès qu’il aurait de la barbe au menton ; ce moment arriva bien vite et il s’acquitta fort galamment de l’emploi d’innamorato sous le nom de Fulvio. Appelé quelques années plus tard au service de Mme la princesse de Piémont, il fut remplacé par le jeune J.-B. Andreini, qui prit au théâtre le nom de Lelio. Cette belle troupe, toujours dirigée par Scala, fut rappelée à Paris par Henri IV après la paix de Savoie, vers l’époque de son mariage avec Marie de Médicis (1600). Cette fois, les Gelosi s’arrangèrent avec les comédiens de l’hôtel de Bourgogne, pour pouvoir jouer alternativement avec eux sur le théâtre de la rue Mauconseil. Alors la belle et sage Isabella, dans tout l’éclat de sa beauté et de son talent, honorée des plus illustres suffrages (de ceux du Tasse, de Chiabrera, de Marino, pour ne parler ni des cardinaux, ni des princes, ni des souverains), admise dans la célèbre académie des Intinti de Pavie, comme son mari dans celle des Spensierati de Florence, presque couronnée à Rome[10], Isabella, dis-je, était l’honneur, l’ame et comme la reine de cette troupe. Les frères Parfait, qui nous ont appris si peu de chose sur Isabella, ont pourtant cité deux échantillons des hommages poétiques qui lui furent prodigués par les beaux esprits de France. L’une de ces pièces est un sonnet du sieur de la Roque, auquel ils en auraient pu joindre un second qui n’est ni plus ni moins mauvais ; l’autre pièce est une requête en vers présentée par Isaac du Ryer à la belle actrice pour l’engager au nom du public à ne pas quitter la France. Du Ryer a inséré cette galante supplique dans un volume de vers qu’il a modestement et trop justement intitulé le Temps perdu.

Cependant, malgré de si flatteuses instances, Isabella quitta Paris. Arrêtée à Lyon par un accident funeste, elle y mourut, comme je l’ai dit. Cet événement fut le signal de la dispersion des Comici Gelosi. Francesco Andreini, frappé dans son affection la plus chère, ne voulut plus traîner sur la scène la rapière de capitan, et ne s’occupa plus du théâtre que comme écrivain[11]. J.-B. Andreini prit la même résolution, qu’il ne tint pas comme son père. Flaminio Scala, fatigué de ses vingt-huit années de travaux dramatiques, quitta la scène pour vaquer à l’impression de ses ouvrages et aider son ami Francesco dans la publication de quelques écrits qu’Isabella avait laissés manuscrits. Le reste de la troupe se dispersa : les uns s’associèrent aux Comici Uniti, les autres aux Confidenti ; mais la véritable héritière de la gloire des Gelosi fut une compagnie nouvelle, dont aucun des historiens du théâtre italien en France n’a même prononcé le nom, quoiqu’elle ait, pendant quarante-sept ans, brillé du plus vif éclat dans toute l’Europe ; je veux parler de la troupe des Comici Fedeli, dont J.-B. Andreini prit la conduite vers 1605, et qui, plusieurs fois renouvelée, ne se sépara qu’en 1652, lorsqu’enfin le poids des années força son actif directeur à dire un adieu définitif au théâtre. Les principaux acteurs de cette compagnie pendant les vingt premières années de son existence furent Gio.-Paolo Fabri, qui avait commencé à se distinguer dans la troupe des Comici Uniti, sous le nom de Flaminio ; Niccolo Barbieri, qui rendit si célèbres le masque et le nom de Beltrame, et qui, vers 1625, devint aussi directeur de troupe ; une jeune et belle Milanaise, Verginia Ramponi, que J.-B. Andreini avait épousée en 1601, à Milan, et pour laquelle il composa sa première pièce de théâtre, la tragédie de Florinda, ainsi nommée du nom que Verginia Ramponi portait au théâtre ; Girolamo Gavarini de Ferrare, ce même capitano Rinoceronte, qui mourut si dévotement à Paris, sur un cilice, le 2 octobre 1624, comme nous l’avons raconté ; enfin, la femme de Gavarini, Margherita Luciani, presque aussi dévote que son mari, auquel elle ne survécut que peu de mois. Plus tard, nous voyons se distinguer, parmi les Comici Fedeli, une actrice d’un grand mérite, nommée Lidia, qu’Andreini, devenu veuf, épousa vers 1635 ; puis, à un plus long intervalle encore, nous apparaît une jeune et charmante comédienne, Eularia Coris, qui vint jeter un dernier éclat sur cette troupe affaiblie. En 1652, elle contribua, avec Lidia, au bon accueil que reçut à Milan la reprise de la Maddelena lasciva e penitente. Cette bizarre composition, intitulée par l’auteur une action dramatique et dévote, avait été jouée pour la première fois en 1607. La liste des personnages est curieuse. Outre Madeleine, Marthe et Lazare, les principaux acteurs sont l’archange Michel et plusieurs anges, la Grace divine, trois amans de Madeleine, son page, ses servantes, son sommelier, son cuisinier, ses deux nains et trois vieilles de mauvaise renommée, di bassa stima. Dans les trois premiers actes, il n’est question que de galanteries, de fêtes, de festins. Madeleine, livrée à tout l’emportement des sens, ferme l’oreille aux sages conseils que lui donne Marthe, sa soeur. Dans le troisième acte, pénitente et contrite, elle renonce aux plaisirs, se couvre d’un cilice, est favorisée de visions extatiques, et monte enfin au ciel, portée sur les bras de quinze chérubins, tandis que l’archange Michel et la Grace divine exhortent l’auditoire à suivre l’exemple de la pécheresse réconciliée.

Je ferais un livre, au lieu d’un article, si j’entreprenais d’exposer, même sommairement, toutes les productions lyriques, épiques et dramatiques de ce trop fécond écrivain ; je sortirais également du cercle que je me suis tracé, si j’essayais de suivre les Comici Fedeli dans toutes leurs pérégrinations en Italie et jusqu’au fond de l’Allemagne. Cette tâche appartient à la critique italienne, qui ne l’a jusqu’ici que très confusément remplie. Je dois me borner à indiquer ce qu’Andreini et ses acteurs ont fait plus particulièrement pour la France.

En 1613, Andreini composa une pièce religieuse en vers (sacra rappresentazione), qu’il dédia à Marie de Médicis. C’était une sorte d’opéra ou plutôt de mystère, intitulé l’Adamo, joué et imprimé pour la première fois, cette année même, à Milan, avec de curieuses figures de Procaccini[12]. Cet ouvrage a conservé jusqu’à nos jours quelque célébrité pour avoir servi de texte à une accusation de plagiat dirigée contre Milton. On a prétendu que ce grand poète, ayant vu représenter l’Adamo, ou l’ayant lu, ce qui est plus vraisemblable, y avait pris l’idée de son Paradis perdu. On s’est particulièrement appuyé sur l’identité des personnages. On voit, en effet, figurer dans la pièce italienne, comme dans le poème, Adam et Ève, le Père éternel, l’archange Michel, Satan, Béelzebuth, Lucifer, des chœurs de séraphins et de chérubins, des bandes d’esprits élémentaires, ignés, aériens, aquatiques, infernaux, les sept péchés mortels, le monde, la mort, la faim, la chair, la vaine gloire et le serpent. Mais que prouvent ces ressemblances ? Ne sont-ce pas là les mêmes personnages que nous trouvons dans toutes les diableries, dans toutes les moralités, dans tous les mystères des XVe et XVIe siècles ? Il importe, en vérité, assez peu que Milton ait vu ou lu l’Adamo. La gloire de l’Homère anglais est tout entière dans les grandes et originales fictions dont il a su orner, sans disparate, le vieux thème biblique (le pont jeté sur le chaos, le compas qui sert au Père éternel à mesurer les mondes, etc.) ; ces grandioses créations appartiennent bien évidemment à son fier et vigoureux génie ; le reste n’est rien.

La dédicace de l’Adamo inspira à Marie de Médicis le désir de connaître l’auteur et sa troupe. Andreini s’empressa d’obéir à l’ancienne protectrice de sa mère et demeura à Paris jusqu’en 1618, jouant l’ancien répertoire des Gelosi et le sien propre, soit à la cour, soit, d’accord avec les comédiens français, sur le théâtre de l’hôtel de Bourgogne. Il fut rappelé à Paris en 1621, et y séjourna jusqu’à la fin du carnaval de 1623, ayant pendant ces deux années représenté avec applaudissemens et fait imprimer, à Paris même, cinq ou six pièces de sa façon. Après un court voyage au-delà des monts, il vient encore passer à Paris l’année 1624 et le commencement de 1625. C’est alors qu’il fit, dans le Teatro celeste, ses adieux à la France et au théâtre, résolution que lui inspira peut-être la mort récente de son père et qui se dissipa avec ses regrets. Cependant, s’il est resté vingt-cinq ans encore engagé dans la carrière théâtrale, nous ne croyons pas qu’il ait revu la France, où des talens nouveaux et plus jeunes, Scaramuccia, Scarpino, Trivelino, commencèrent à se montrer et à s’emparer de la faveur publique.

On voit, quoi qu’en aient dit les frères Parfait, qu’il n’est nullement impossible de retrouver les traces des diverses troupes italiennes qui, de 1570 à 1645, sont venues récréer la France. Nous avons tâché de donner une idée de ces compagnies et de leur personnel. Cherchons à présent quelle sorte d’ouvrages elles représentaient.

Le répertoire des acteurs italiens se composait de deux sortes de pièces entièrement différentes : c’étaient 1° des comédies à l’impromptu, jouées sur des canevas que l’on affichait dans la coulisse et que brodait la fantaisie des artistes ; 2° des comédies, des pastorales, des tragédies et des tragi-comédies écrites.

Il semble assez difficile de se former une idée exacte des ouvrages de la première classe. Les improvisations ne périssaient-elles pas chaque soir ? et les canevas manuscrits, où les retrouver ? Quand les frères Parfait déclarent qu’on ne peut savoir quelles pièces les premières troupes italiennes représentèrent, peut-on espérer d’arriver à les connaître ? Oui, vraiment ; et même sans beaucoup de peine. Flaminio Scala, le spirituel et laborieux directeur des Gelosi, eut l’heureuse idée, quand il se fut retiré du théâtre, de réunir et de publier les nombreux sujets d’improvisation qu’il avait disposés pour sa troupe pendant sa longue carrière théâtrale. La première partie, la seule malheureusement qu’il ait eu le temps ou la volonté de mettre au jour, ne contient pas moins de cinquante canevas. Ce recueil est intitulé : Il teatro delle favole rappresentative, overo la recreatione comica, boscareccia e tragica ; Venise, 1611, in-4. Bien des personnes, qui ont ouvert ce livre, n’ont pas cru qu’il renfermât des canevas ; elles ont passé outre, croyant avoir sous les yeux des pièces dialoguées ordinaires. Leur erreur est venue de ce que, bien que sous forme narrative, les noms de personnages sont détachés du texte et placés à la marge, ce qui donne au récit un faux air de dialogue.

Ce recueil nous met, lui seul, en possession de près de la moitié du répertoire des Gelosi. On est frappé au premier examen, et même à la simple lecture du titre, de voir que non-seulement on jouait alors des comédies improvisées, mais que l’on représentait encore, sur canevas, des pastorales, des tragédies et des tragi-comédies. Quant à la prétention, si souvent affichée par les comédiens d’alors, de pratiquer vertueusement leur art, on peut, en parcourant ce recueil, se convaincre que les thèmes qu’ils avaient à développer étaient, la plupart du temps, d’une liberté excessive, et il est bien douteux, à vrai dire, que le dialogue et l’action corrigeassent ce qu’il y avait de peu décent dans les sujets.

Quant à la seconde classe de pièces, je remarquerai d’abord que Louis Riccoboni s’est étrangement trompé en avançant qu’à la fin du XVIe siècle et au commencement du XVIIe les comédiens cultivaient exclusivement la comedia dell’ arte, tandis que les académiciens et les gens du monde représentaient seuls des pièces écrites, plus ou moins régulières. Cette distinction est absolument inexacte. Les académiciens et les gens du monde jouaient assez souvent all’ improvviso, témoin les farces de Salvator Rosa et les canevas composés par J.-B. Porta pour fournir aux improvisations de ses amis. D’une autre part, les comédiens pratiquaient incontestablement les deux genres. N’avons-nous pas vu la signora Maria Malloni enlever tous les suffrages dans le rôle de l’Aminta du Tasse ? Le principal titre poétique d’Isabella Andreini n’est-il pas sa pastorale de Mirtilla[13] ? On peut affirmer qu’il n’y eut pas alors un seul comédien de quelque talent poétique qui n’ait fait représenter par ses camarades des pièces écrites plus ou moins régulières, mais au moins très soigneusement travaillées. J.-B. Andreini a composé, lui seul, un nombre si considérable de pièces destinées à la fois à la scène et à la lecture, qu’aucun biographe italien n’en a jusqu’à présent réuni la liste complète. Pour ne parler que de celles qu’il a publiées à Paris, j’en compte cinq, toutes imprimées par de La Vigne, en la seule année 1622. Ce sont la Sultana, l’Amor nello specchio, la Ferinda, Li duo Leli simili, la Centaura. Ces pièces, il faut le dire, donnent une fort triste idée du goût littéraire de l’auteur et de son époque. Ce sont des œuvres d’une imagination malade et déréglée. L’Amer nello specchio (l’Amour au miroir) est une extravagante féerie dédiée à Bassompierre, dans laquelle apparaissent la Mort et des Esprits follets ; la Ferinda vaut un peu mieux ; c’est une comédie chantée, une sorte d’opéra-comique, dans lequel sept ou huit dialectes se livrent bataille, le mauvais allemand, le français corrompu, le patois vénitien, napolitain, génois, ferrarais, le langage pédantesque, sans compter un bègue qui ne peut, lui, parler aucune langue. Mais le comble de la bizarrerie et de l’extravagance est la Centaura, véritable monstre dramatique, dédié cependant à Marie de Médicis. Cette pièce est divisée en trois actes : le premier est une comédie, le second une pastorale, et le troisième une tragédie ; le tout est écrit en prose mêlée de quelques stances disposées pour le chant. Les personnages de la pastorale, le croirait-on ? sont toute une famille de Centaures, père, mère, fils et fille. La mise en scène, comme on voit, devait offrir de grandes difficultés ; elle exigeait des masques bien étranges, même à côté des masques fantastiques de la comédie italienne. Après une suite d’aventures compliquées et romanesques, les deux Centaures, père et mère, qui combattaient pour recouvrer la couronne de l’île de Chypre, se tuent de désespoir, et la petite Centauresse, leur fille, monte sur le trône, ce qui devait lui être (qu’on nous permette de le dire) plus aisé que de s’y asseoir. L’extravagance de la dédicace surpasse encore, s’il est possible, celle de la pièce même. L’auteur expose le plus gravement du monde l’analogie qu’il aperçoit, d’abord entre la partie supérieure et noble de ses personnages et la dédicace qu’il présente à sa majesté, puis entre la partie basse et monstrueuse de ses héros et l’œuvre qu’il dépose aux pieds de la reine.

Je dois ajouter que les acteurs italiens, sachant tous un peu notre langue, prirent peu à peu l’habitude, pour être mieux compris, d’entremêler leur dialogue d’un certain nombre d’expressions françaises. Quelquefois même ils se hasardèrent à improviser dans les deux langues de piquantes parades, vraies satires politiques, dont la hardiesse était un peu émoussée par la demi-obscurité de leur jargon. Je trouve une de ces Atellanes agréablement racontée dans le Journal de Henri IV, d’où je m’étonne que tant d’auteurs, qui ont écrit sur le théâtre, m’aient laissé le plaisir de la tirer. Comme c’est à l’hôtel de Bourgogne que cette petite pièce a été représentée en 1607, et que nous connaissons les titres des ouvrages joués cette année par les comédiens français, dont aucun ne ressemble à la parade que nous a conservée l’Étoile, on est, ce me semble, fondé à l’attribuer à une troupe venue d’Italie. Je ne puis mieux faire que de laisser parler l’Étoile :


« Le vendredi 26 de ce mois (janvier 1607) fut jouée à l’hôtel de Bourgogne à Paris une plaisante farce, à laquelle assistèrent le roy, la reine et la plupart des princes, seigneurs et dames de la cour. C’étoit un mari et une femme qui querelloient ensemble ; la femme crioit après son mari de ce qu’il ne bougeoit tout le jour de la taverne, et cependant qu’on les exécutoit tous les jours pour la taille qu’il falloit payer au roy, qui prenoit tout ce qu’ils avoient, et qu’aussitôt qu’ils avoient gagné quelque chose, c’étoit pour lui et non pas pour eux. — C’est pourquoi, disoit le mari se défendant, il en faut faire meilleure chère ; car, que diable nous serviroit tout le bien que nous pourrions amasser, puisque aussi bien ce ne seroit pas pour nous, mais pour ce beau roy. Cela fera que j’en boirai encore davantage et du meilleur. J’avois accoutumé de n’en boire qu’à trois sols ; mais, par Dieu ! j’en boirai dorénavant à six pour le moins. Monsieur le roy n’en croquera pas de celui-là. Va m’en quérir tout à cette heure et marche ! — Ah ! malheureux ! répliqua cette femme et à belles injures, merci Dieu ! vilain, me veux-tu ruiner avec tes enfans ? Ah ! foi de moi, il n’en ira pas ainsi. Sur ces entrefaites, voici arriver un conseiller de la cour des aydes, un commissaire et un sergent, qui viennent demander la taille à ces pauvres gens, et, à faute de payer, veulent exécuter. La femme commence à crier après ; aussi fait le mari qui leur demande qui ils sont. — Nous sommes gens de justice, disent-ils. — Comment ! de justice ! dit le mari. Ceux qui sont de justice doivent faire ceci, doivent faire cela, et vous faites ceci et cela (décrivant naïvement en son patois toute la corruption de la justice du temps présent). Je ne pense point que vous soyez ce que vous dites. Montrez-moi votre commission. — Voici un arrêt, dit le conseiller. Sur ces entrefaites, la femme s’étoit saisie subitement d’un coffret sur lequel elle se tenoit assise ; le commissaire, l’ayant avisé, lui fait commandement de se lever de par le roy et leur en faire l’ouverture. Après plusieurs altercations, la femme ayant été contrainte de se lever, on ouvre ce coffret duquel sortent à l’instant trois diables qui emportent et troussent en masse M. le conseiller, le commissaire et le sergent ; chaque diable s’étant chargé du sien. Ce fut la fin de la farce de ces beaux jeux, mais non de ceux que voulurent jouer après les conseillers des aydes, commissaires et sergens, lesquels, se prétendant injuriés, se joignirent ensemble et envoyèrent en prison MM. les joueurs ; mais ils furent mis dehors le Jour même par exprès commandement du roy qui les appela sots, disant, sa majesté, que s’il falloit parler d’intérêt, il en avoit reçu plus qu’eux tous, mais qu’il leur avoit pardonné et pardonneroit de bon cœur, d’autant qu’ils l’avoient fait rire, voire jusqu’aux larmes. Chacun disoit que de long-temps on n’avoit vu à Paris farce plus plaisante, mieux jouée ni d’une plus gentille invention, mêmement à l’hôtel de Bourgogne, où ils sont assez coutumiers de ne jouer chose qui vaille. »

Je m’arrête et me résume : j’ai montré assez clairement, je crois, qu’outre les troupes italiennes qui ont pu ne pas laisser de traces de leur passage, cinq grandes compagnies d’acteurs italiens sont venues, de 1570 à 1645, c’est-à-dire de Henri III à Mazarin, divertir la cour et la ville. Ces troupes sont les Confidenti, les premiers Gelosi, les Comici Uniti, les seconds Gelosi, les Fedeli. J’ai tâché de prouver que ces comédiens ne jouaient pas seulement sous le masque des comédies improvisées, mais aussi des pièces régulières, comme l’Aminta, en un mot des drames écrits, ayant, sinon de grands mérites, du moins de grandes prétentions littéraires. Enfin je crois avoir rendu probable que ces comédiens étrangers mêlèrent quelquefois le français à leur patois, et se risquèrent, sous cette sorte de masque, à tenter quelques essais de comédie politique. D’ailleurs, en jetant sur le papier ces pages trop rapides, je n’ai pas eu la prétention d’écrire une histoire ; j’ai voulu seulement tâcher de fixer quelques points, tracer quelques lignes, ouvrir et disposer un cadre. De plus habiles le rempliront.


CHARLES MAGNIN.

  1. Ce titre commence ainsi : « Comici martiri e penitenti, della divina bonta chiamati al titolo de beatitudine e di santita… » Le reste est de même.
  2. Je suis partout, pour les noms et les titres, l’orthographe des ouvrages même que j’ai sous les yeux.
  3. On cite une autre édition de 1616, dédiée au cardinal de Borghèse.
  4. Ce comédien mourut à Paris, à la fin de 1624 sans doute, avant la publication du Teatro celeste, car J : B. Andreini n’aurait pas manqué de l’ajouter à sa légende théâtrale, et de lui consacrer un sonnet.
  5. Histoire de France sous le règne de Henry III. Paris, 1609 ; in-8o, t. II, p. 446.
  6. Il existe un portrait gravé sur bois dans le recueil de ses Rime (Milan, 1601, in-4o), lequel est loin d’être aussi satisfaisant. Raphaël Sadeler, en 1602, en a gravé un autre d’une expression et d’une touche beaucoup plus fines.
  7. Giul. Fontanini a donné place à cette comédie dans son catalogue des meilleurs écrivains. Elle est, suivant le goût de l’époque, égayée par le mélange de plusieurs dialectes, notamment de bolonais, de vénitien et de français corrompu.
  8. Rien n’est plus ancien assurément que le personnage de Zani, avec sa tête rasée, sa face noircie, son costume bariolé. C’est bien le descendant des anciens mimes, des Sanniones ; mais, quant au nom d’Arlecchino, il est, suivant moi, assez moderne. C’est un nom de fantaisie, comme Fritellino, Coccodrillo, Francheschinavi, et je crois qu’on a eu tort d’en rechercher l’origine hors de l’Italie.
  9. Cette comédie a été traduite par le sieur L. C. (peut-être Larivey, Champenois), et mise en vente chez Abel l’Angelier, en 1599. (Catalogue de M. de Soleinne, n° 4422.)
  10. Un portrait couronné d’Isabella fut placé entre ceux de Plutarque et du Tasse dans une fête donnée à cette femme illustre par un de ses plus fervens admirateurs, le cardinal Aldobrandini.
  11. Le Quadrio et les écrivains qui l’ont suivi ont gravement erré en disant que Fr. Andreini prit le rôle de capitan après la mort de sa femme ; c’est le contraire. Parmi les ouvrages que Francesco a publiés depuis sa sortie du théâtre, le plus remarquable est intitulé Le Bravure del capitano Spavento. La première partie parut en 1607 et la seconde en 1618 ; la première partie fut traduite en français presque aussitôt après sa publication sous le titre de les Bravacheries du capitaine Spavento. J’ai sous les yeux une édition du texte imprimé à Venise, en 1621, ornée d’un portrait de l’auteur.
  12. On trouve joint à quelques exemplaires un beau portrait de l’auteur.
  13. Il existe deux traductions françaises de cette pastorale d’Isabella Andreini. Le traducteur de 1609 a dédié son travail à l’auteur, qu’il appelle la belle des belles. La seconde version est beaucoup plus récente ; elle se trouve à la tête du Parnasse des Dames. Paris, 1773 ; elle est due à Mlle Fatné de Morville.