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Textes choisis (Léonard de Vinci, 1907)/Réfutation des sciences occultes

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Traduction par Joséphin Péladan.
Société du Mercure de France (p. 164-172).

XI

RÉFUTATION
DES
SCIENCES OCCULTES

347. — Le plus stupide des discours humains et qui doit être tenu pour tel, est celui qui s’adresse à la crédulité pour la nigromantie, sœur de l’alchimie, laquelle cependant accouche de choses simples et naturelles. Mais la nigromantie est plus blâmable que l’alchimie d’autant qu’elle n’accouche de rien, sinon d’une chose identique à elle-même, savoir : le mensonge.

Il n’y a pas de mensonge dans l’alchimie qui est administratrice des simples produits de la nature et dont l’office ne peut être produit par la nature elle-même, parce qu’en elle il n’y a pas d’instruments organiques avec lesquels elle puisse opérer ce que l’homme opère avec ses mains et ainsi elle a fait le verre, etc…

Mais cette nigromantie, étendard et vraie bannière claquante au vent, entraîne une folle multitude qui atteste sans cesse avec clameur les infinis effets d’un tel art ; et les livres remplis de ces choses affirment que les esprits incarnés apparaissent et parlent, sans langue, sans instrument organique nécessaire au langage ; et non seulement parlent, mais soulèvent des poids très lourds, font tempêter et pleuvoir ; et que les hommes se changent en chats, loups et autres bêtes, bien que parmi elles le plus bête est celui qui affirme de telles choses !

Et certainement si la nigromantie était telle que les bas esprits la croient, aucune chose sur la terre ne l’égalerait, pour le service de l’homme et pour sa perdition. S’il était vrai que cet art donne la puissance de troubler la tranquille sérénité de l’air et la changer en aspect nocturne, de déchaîner les vents avec d’effrayants tonnerres et des éclairs déchirant les ténèbres, et avec des ouragans de renverser les édifices, de déraciner les forêts et d’exterminer les armées et les dispersant et couchant à terre ; en outre de fomenter les terribles tempêtes privant les cultivateurs du prix de leurs fatigues : quelle guerre pourrait égaler un tel dommage, pour attaquer son ennemi, que d’avoir la puissance de le priver de ses récoltes ? Quelle bataille maritime pourrait être assimilée à celle où l’on commande aux vents et qui fait la fortune ruineuse et submergeante de toute flotte ? Certes, celui qui commande à de si impétueuses puissances sera seigneur des peuples et aucun génie humain ne pourra résister à ses implacables forces.

Les trésors cachés et les gemmes enfoncées dans le sein de la terre lui seront tous révélés. Il se fera porter à travers les airs d’orient et occident et à tous les coins les plus opposés de l’univers…

Mais pourquoi m’étendre davantage ? Quelle chose résisterait encore à un tel artifice ? Presque aucune, excepté supprimer la mort. Et si la magie est vraie, pourquoi n’est-elle pas restée parmi les hommes qui la désirent tant, n’ayant égard à aucune déité ?

Et cela est de conséquence infinie pour l’homme qui abolirait Dieu avec tout l’univers pour satisfaire ses appétits.

Si la magie n’est pas restée parmi les hommes leur étant si nécessaire, c’est qu’elle n’a jamais existé et n’existera jamais.

Par définition, l’esprit est ce qui est invisible dans un corps : et dans les autres éléments il n’y a pas de chose incorporelle, car où il n’y a pas de corps, il y a vide et le vide n’existe pas dans les éléments, parce qu’il serait aussitôt rempli par eux. (R. 1213.)

346. — Je veux faire des miracles ! Ayant moins que les autres hommes plus tranquilles : ceux-là veulent s’enrichir en un jour, vivent longtemps dans la plus grande pauvreté, comme il arrive et comme il arrivera éternellement aux alchimistes, à ceux qui veulent créer l’or et l’argent, à ces esprits qui croient que l’eau morte donne de la vie active, à elle-même, avec un mouvement continu, et au souverain sot le nigromant et l’incantateur. (R. 766.)

347. — Nous avons justement, pour cette face de la question, la définition de l’esprit : — une puissance unie à un corps, qui ne peut se régir lui-même, ni faire aucunement un mouvement local.

Et tu dis que le corps se régit de lui-même ; cela ne peut être dans les éléments, parce que si l’esprit est une quantité incorporelle, cette quantité est dite vide et il n’y a pas de vide dans la nature ; et, donné ce qui se doit, aussitôt serait rempli de la ruine de l’élément où le vide se produirait.

Donc, par la définition du poids qui dit : — la gravité est une puissance accidentelle, créée par un élément tiré d’un autre ou poussé dans un autre, il s’ensuit qu’aucun élément qui ne pèse pas dans son propre élément n’est un point dans l’élément supérieur plus subtil que lui, comme il se voit. Une partie d’eau n’a pas plus de poids ou de légèreté qu’une autre : mais si tu l’attires dans l’air, alors elle acquerra du poids et ce poids ne peut se soutenir ; d’où sa ruine est fatale, et la chose qui tombe dans l’eau, n’importe où, déplace cette eau.

Ainsi il arriverait pour l’esprit, se trouvant parmi les éléments ; continuellement il génèrerait du vide dans l’élément où il se trouverait et pour cela, il lui serait nécessaire de fuir sans cesse vers le ciel jusqu’à ce qu’il sortît de la zone élémentaire. (R. 1213.)

348. — Nous avons prouvé que l’esprit ne peut se tenir dans les éléments sans un corps ni par lui-même se mouvoir, par acte volontaire si ce n’est en soi. À présent, nous dirons que si l’esprit prend un corps aérien, il est nécessaire qu’il s’incorpore dans cet air, parce que s’il ne lui était uni, il serait séparé et tomberait à générer du vide, comme il est dit ci-dessus,

Donc il est nécessaire, à vouloir rester dans l’air, qu’il s’infuse dans une quantité d’air et s’il s’unit à l’air (se volatilise) il s’ensuit deux inconvénients, savoir : il rendra trop légère la quantité d’air à laquelle il s’est uni, et pour cela l’air, par lui-même, le portera en haut ; il ne se maintiendra pas dans l’air plus lourd que lui. En outre, la vertu spirituelle éparse se dispersera et perdra sa nature et ainsi s’éteindra.

Ajoutons un troisième inconvénient : ce corps aérien pris par l’esprit est soumis à la pénétration des vents qui sans cesse désunissent et séparent les parties unies de l’air, tournent et tournoient dans l’autre air. Donc, l’esprit infus dans de l’air serait démembré et vraiment déchiré et rompu par le démembrement de l’air dans lequel il est infus. (R. 1214.)

349. — Il est impossible que l’esprit infusé dans une quantité d’air puisse mouvoir cet air et cela est manifeste : l’esprit rend légère la quantité d’air dans laquelle il s’infuse. Donc, cet air se lèvera en hauteur, au-dessus de l’autre air, et ce sera par la propre légèreté de l’air, et non selon la volonté de l’esprit ; et si cet air subit l’action du vent ? (R. 1215.)

350. — Voulant montrer si l’esprit peut parler ou non, il est nécessaire de définir ce qu’est la voix : la voix est un mouvement de l’air frotté dans un corps dense ; et un corps dense frotté par l’air (ce qui est la même chose), ce frottement du dense avec l’air le condense, le raréfie, et forme résistance ; et encore par la rapidité du raréfié dans le raréfié lent se condensent l’un et l’autre, par le contact et donnent un son et grand bruit.

Et le son ou murmure fait par le raréfié qui se meut dans le raréfié avec peu de mouvement, comme la grande flamme qui génère des sons dans l’air ; et le grand bruit fait par le raréfié dans le raréfié, quand le raréfié rapide pénètre dans le raréfié mobile, comme la flamme du feu sortie de la bombarde et éclatant dans l’air ; et encore la flamme sortie des nuées qui déchire l’air pour engendrer la foudre.

Nous dirons donc que l’esprit ne peut générer de voix, sans un mouvement d’air ; et il n’y a pas d’air dans l’esprit, et s’il y en avait, il ne pourrait pas le chasser et s’il veut émouvoir celui dans lequel il est infus, il faudra que l’esprit le multiplie ; or, il ne le peut, s’il n’a pas de quantité, par la raison qui dit : — rien de raréfié ne se meut s’il n’a un lieu stable d’où il prend le mouvement ; et surtout ayant à mouvoir l’élément, dans l’élément, qui ne se meut de lui-même que par vaporisation uniforme au centre de la matière vaporeuse, comme il arrive dans l’éponge serrée par la main qui se tient sous l’eau ; d’où l’eau fuit par quelque côté avec un mouvement égal à travers les ouvertures des doigts de la main qui la pressent.

Si l’esprit a voix articulée et si on peut l’entendre ?

Et quelle chose est entendre et voix ? l’onde de la voix va à travers l’air, comme l’image des objets va à l’œil.

Ô mathématiciens, faites lumière sur cette erreur !

L’esprit n’a pas de voix, parce qu’où il y a voix il y a corps ; et où il y a corps, il y a occupation de lieu, ce qui empêche l’œil de voir les choses placées après ce lieu.

Donc ce corps emplit tout l’air environnant, savoir, par ses images. (C. A. 1872.)

351. — Il ne peut y avoir de voix là où il n’y a pas de mouvement ni de percussion d’air, et il n’y a pas de percussion d’air, là où il n’y a pas instrument, et il n’y a pas d’instrument incorporel.

Ceci posé, un esprit ne peut avoir ni voix, ni forme, ni force ; et s’il prend corps, il ne pourra ni pénétrer, ni entrer là où les issues seront fermées. Et si quelqu’un dit : — par congrégation d’air et en l’attirant à lui, l’esprit prend corps de forme variée et par ce moyen parle et se meut avec force, — à cela je dis que là où il n’y a ni nerfs, ni os, il n’existe pas de force opératoire, pour aucun mouvement fait par des esprits imaginaires. (B. 4, c.)

352. — Physionomie : De la fallacieuse physionomie et chiromancie je ne traiterai pas, parce qu’il n’y a pas de vérité en elles ; cela est manifeste ; et de telles chimères n’ont aucun fondement scientifique.

Il est vrai que les traits du visage montrent en partie la nature de l’homme, ses vices et son tempérament. Mais dans le visage :

a) Les signes qui séparent les joues des lèvres de la bouche et les narines du nez et les trous des yeux sont saillants chez les hommes allègres et toujours riants ; ceux qui ont ces traits peu marqués sont au contraire adonnés à la méditation.

b) Ceux qui ont les parties du visage de grand relief et profondeur sont gens bestiaux, violents et de peu raisonnement.

c) Ceux qui ont des lignes placées entre les sourcils et très accentuées sont irascibles.

d) Ceux qui ont les lignes transversales du front fortement marquées sont des hommes qui se lamentent beaucoup en secret ou en public.

On peut en dire autant de beaucoup de traits.

Mais de la main ? Tu trouveras une grande armée exterminée en une même heure sous l’épée, et aucun n’aura dans sa main les mêmes lignes que l’autre ; il en est de même pour un naufrage. (LU. 292.)

353. — Ô chercheurs du mouvement perpétuel, que vos desseins sont vains que vous poursuivez en semblable recherche. Rejoignez les chercheurs d’or. (R. 1206.)

354. — On ne doit pas désirer l’impossible. (E. 31, v.)