Théagène et Chariclée

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Théagène et Chariclée
Traduction par Charles Zévort.
Charpentier, Libraire-éditeur (2p. 13-330).


HÉLIODORE.


THÉAGÈNE ET CHARICLÉE.



LIVRE I.


I. Le jour commençait à sourire, et le soleil éclairait les hautes cimes : des hommes, qu’à leur équipement on reconnaissait pour des brigands, apparaissaient au sommet de la montagne qui s’étend au-dessus de l’embouchure du Nil, vers la bouche appelée Héracléotique. Ils s’arrêtèrent un peu et parcoururent des yeux la mer couchée à leurs pieds ; mais, après avoir promené leur vue au large, n’y découvrant aucun bâtiment dont ils pussent faire leur proie, ils reportèrent leurs regards vers le prochain rivage. Voici le spectacle qu’il présentait : un navire était amarré avec des câbles ; nulle trace d’équipage, et pourtant on pouvait aisément juger, même de loin, qu’il avait son chargement complet ; car le poids le faisait enfoncer dans l’eau jusqu’au troisième bordage. Partout sur le rivage les traces d’un récent massacre : des cadavres, des mourants, des membres encore palpitants qui témoignaient que le carnage avait cessé depuis peu. Aux traces d’un combat se trouvaient tristement mêlés les restes d’un lamentable festin qui avait eu cette affreuse issue : des tables encore chargées de mets, d’autres renversées à terre et encore aux mains de ceux qui s’en étaient fait des armes dans la mêlée (tant l’engagement avait été soudain) ! sous d’autres, les corps des malheureux qui paraissaient y avoir cherché un abri ; des coupes jetées pêle-mêle, ou s’échappant des mains de ceux qui s’en étaient servis, soit pour boire, soit en guise de pierres ; car la soudaineté du mal leur avait appris à employer les coupes à ce nouvel usage, en guise de projectiles. Les convives étaient là gisants, tel blessé d’un coup de hache, tel frappé d’un caillou ramassé à l’endroit même sur la grève ; celui-ci assommé à coups de bâton, celui-là brûlé d’un tison, et ainsi du reste. La plupart cependant étaient tombés percés de traits et de javelots. Un mauvais génie avait entassé sur un étroit espace mille chose affreuses : du vin souillé de sang, un festin mêlé aux horreurs de la guerre, la boisson et le meurtre, les libations et le carnage ; et, pour contempler ce spectacle, des pirates égyptiens. Du haut de la montagne, ils admiraient cette scène sans y pouvoir rien comprendre : ils avaient bien devant eux des vaincus, mais nulle part n’apparaissaient les vainqueurs ; ils voyaient une victoire éclatante, et pourtant les dépouilles intactes ; un vaisseau était là, abandonné, dépourvu d’équipage, et cependant sans aucune trace de pillage, comme s’il y avait eu nombre de gens à le garder ; il se balançait comme dans une paix profonde. Néanmoins, malgré l’impossibilité de rien comprendre à l’événement, envisageant le profit et le butin, ils se constituèrent eux-mêmes vainqueurs et s’élancèrent vers leur proie.

II. Déjà ils étaient près du vaisseau et du champ de carnage, lorsque s’offrit à eux un spectacle bien plus étrange encore : sur un rocher était assise une jeune fille d’une admirable beauté ; on l’eût prise pour une déesse. Malgré ses angoisses, elle respirait encore une noble fierté : sa tête était couronnée de laurier ; un carquois pendait à ses épaules ; son bras gauche était appuyé sur son arc ; la main pendait négligemment ; l’autre coude pressait la cuisse droite, et sur la main sa joue reposait appuyée. Ses yeux, dirigés vers la terre, contemplaient un jeune homme étendu devant elle ; sa tête était immobile. Le jeune homme, criblé de blessures, semblait, quoique bien faiblement, revenir à lui ; il était comme au sortir d’un long sommeil et semblait presque se réveiller de la mort. Il n’en brillait pas moins d’une beauté virile ; le sang qui couvrait sa joue en relevait l’éclatante blancheur. L’abattement appesantissait ses paupières, et pourtant la jeune fille attirait à elle ses regards ; une seule chose pouvait forcer ses yeux à voir, c’était de la voir elle-même. Il recueillit un peu ses esprits, et, exhalant un soupir du plus profond de sa poitrine, il lui dit d’une voix languissante : « ma douce amie, es-tu véritablement sauvée, ou bien as-tu été, toi aussi, victime de la guerre ? Serait-ce que tu ne peux supporter, même après la mort, d’être séparée de moi, et que ton ombre et ton âme veillent encore sur mon infortune ? — De toi dépend mon sort, reprit la jeune fille, mon salut ou ma mort : vois ceci (et elle lui montrait une épée sur ses genoux), si elle ne m’a point frappée jusqu’ici, c’est que tu respirais encore. » Elle dit, et déjà elle a quitté son siége de pierre ; elle est debout. À cet aspect, les brigands qui la contemplaient du penchant de la montagne, avec un étonnement mêlé d’effroi, se précipitèrent çà et là sous les buissons, comme si un éclair eût ébloui leur vue ; car debout, elle avait quelque chose de plus grand, de plus divin encore. La rapidité du mouvement faisait résonner ses flèches ; sa robe, tissue d’or, resplendissait aux rayons du soleil ; ses cheveux flottaient à la manière des Bacchantes sous sa couronne de laurier et retombaient bien avant sur son dos. Ce spectacle et bien plus encore l’impossibilité de s’en rendre compte, glaçaient d’effroi les brigands. Les uns voyaient en elle une déesse, ceux-ci Diane, ceux-là Isis, adorée dans le pays ; les autres disaient que c’était quelque prêtresse, transportée de la fureur divine et auteur de cet immense carnage. Telles étaient leurs conjectures ; mais la vérité leur échappait encore.

Elle, cependant, s’était précipitée sur le jeune homme, qu’elle tenait tout entier embrassé : elle pleurait ; elle le baisait en essuyant ses blessures ; elle poussait des gémissements et doutait encore de sa possession. Cette vue inspira aux Égyptiens de tout autres sentiments « Comment seraient-ce là, disaient-ils, les actions d’une déesse ; comment une divinité embrasserait-elle avec cette ardeur passionnée un cadavre ? » Ils firent donc effort sur eux-mêmes, reprirent un peu confiance, et résolurent d’approcher pour savoir au juste ce que cela signifiait. Le premier moment de stupeur passé, ils coururent au rivage, surprirent la jeune fille encore penchée sur les blessures du jeune homme, et s’arrêtèrent derrière elle, immobiles, sans oser ni rien dire, ni rien faire. Au bruit qu’ils firent, à la vue de leur ombre qui frappa ses yeux, la jeune fille tourna la tête en arrière ; mais lorsqu’elle les vit, elle la retourna tranquillement, sans que leur couleur étrange, leur aspect et leurs armes, qui révélaient assez des brigands, eussent pu l’émouvoir en rien, ni la détourner du malheureux aux soins duquel elle était tout entière. Tant il est vrai qu’une passion violente, un amour sans mélange, ne tient compte de rien de ce qui lui est extérieur, plaisir ou peine, et ne permet de voir que l’objet aimé, d’avoir de pensée que pour lui.

III. Les brigands, avançant de quelques pas, se placèrent devant elle et parurent se disposer à entreprendre davantage alors l’enfant releva de nouveau la tête, et, voyant leur couleur noire, leur aspect hideux : « Si vous êtes, dit-elle, les ombres de ceux qui sont là gisants, c’est à tort que vous nous tourmentez ; car, pour la plupart, vous vous êtes mutuellement égorgés ; si quelques-uns sont tombés sous nos coups, ce n’a été que par le droit d’une légitime défense, pour repousser les outrages et réprimer votre insolence. Si, au contraire, vous êtes du nombre des vivants, votre métier ce semble est la piraterie ; alors vous arrivez à propos ; délivrez-nous des maux qui nous accablent, et, par notre mort, terminez le drame de notre existence. » À cette tragique apostrophe, les brigands, qui n’entendaient rien à ce langage, les laissèrent là, pensant que leur propre faiblesse était une garde suffisante. Pour eux, ils se dirigèrent vers le vaisseau et se mirent à débarquer le chargement. Il était aussi considérable que varié ; mais chacun se contenta d’en tirer autant qu’il put d’or, d’argent, de pierres précieuses et d’étoffes de soie, sans tenir aucun compte du reste. Lorsque la charge leur parut suffisante (elle était de nature à satisfaire la convoitise même d’une bande de pirates) ils se partagèrent le butin déposé sur le rivage et le disposèrent en ballots pour chacun d’eux, mais sans tenir compte de la valeur des objets enlevés, uniquement préoccupés de donner à chacun une part égale du fardeau. Leur intention était de s’occuper ensuite de la jeune fille et du jeune homme. Mais, sur ces entrefaites, apparaît subitement une nouvelle troupe de brigands, sous la conduite de deux cavaliers. À cette vue, les premiers, sans même en venir aux mains, abandonnent tout leur butin, pour n’être pas poursuivis, et s’enfuient à toutes jambes ; car ils n’étaient que dix, et ceux qu’ils voyaient accourir étaient trois fois plus nombreux. La jeune fille et son compagnon se trouvaient donc pour la seconde fois déjà prisonniers, sans avoir été pris encore. Quoique les brigands fussent poussés, eux aussi, par l’ardeur du pillage, l’étonnement, l’ignorance de ce qu’ils voyaient les faisait hésiter encore ; car ils supposaient que tout ce massacre était l’œuvre des premiers brigands ; d’un autre côté, l’aspect de cette jeune fille, la distinction et le caractère étranger de ses vêtements, son indifférence pour le spectacle terrible qui l’entourait et qui ne paraissait pas exister pour elle (car tout entière aux blessures du jeune homme, elle souffrait de ses douleurs comme si elles lui eussent été personnelles), enfin sa beauté, son courage, tout les frappait d’admiration. Leur étonnement n’était pas moindre à la vue du jeune homme et de ses blessures ; tant il y avait en lui de beauté, tant sa taille était noble et majestueuse. Car déjà il s’était un peu remis, et son visage avait repris son expression ordinaire.

IV. Cependant, après les avoir longtemps contemplés, le chef des brigands s’approcha, mit la main sur la jeune fille, et lui ordonna de se lever et de le suivre. Sans rien entendre à son langage, elle comprit cependant son injonction, et tira à elle le jeune homme, qui, de son côté, ne la quittait pas. En même temps, elle tournait un poignard contre sa poitrine, menaçant de s’en percer, si le chef des brigands ne les emmenait tous les deux. Celui-ci comprit son désir, à ses gestes bien plus encore qu’à ses paroles. Songeant d’ailleurs que ce jeune homme pourrait le seconder dans de grandes entreprises, s’il guérissait, il mit pied à terre, ordonna à son écuyer d’en faire autant, et établit les deux prisonniers sur les chevaux ; puis il commanda aux autres de réunir le butin et de le suivre. Cela fait, il marcha lui-même à pied à côté d’eux, les soutenant et les relevant s’il leur arrivait de perdre. l’équilibre. Ces soins prévenants n’étaient pas sans quelque prix : le maître paraissait servir ses captifs et n’user de sa puissance que pour s’assujettir volontairement à ses prisonniers. Tant a de pouvoir la noblesse de l’extérieur ; tant la vue de la beauté sait dompter même la rudesse des brigands et soumettre à son empire les cœurs les plus sauvages !

V. Après avoir cheminé ainsi, l’espace d’environ deux stades, le long du rivage, ils tournèrent brusquement vers le pied de la montagne, en laissant la mer à droite, franchirent les hauteurs, non sans quelque peine, et se dirigèrent vers un lac qui s’étendait le long du revers opposé. L’aspect des lieux était celui-ci : tout le pays est appelé par les Égyptiens le Pâturage : c’est une vallée très-basse, où les débordements du Nil forment un lac extrêmement profond au milieu, mais dégénérant en marais vers les bords. Ces marais sont au lac ce que sont les rivages à la mer. C’est là que tous les brigands égyptiens ont établi leur république. Les uns habitent des cabanes bâties sur les points où un peu de terre s’élève au-dessus des eaux ; les autres vivent sur leurs barques, qui leur servent tout à la fois de transport et d’habitation. Avec eux sont aussi leurs femmes ; c’est là qu’elles travaillent la laine, là qu’elles accouchent. L’enfant, quand il est né, est nourri d’abord du lait de sa mère, plus tard des poissons du lac séchés au soleil. La mère s’aperçoit-elle qu’il s’essaie à ramper seul, elle lui attache au pied une corde qui ne lui permet pas d’aller au-delà du bout de la barque ou de la cabane ; elle lai fait ainsi du lien qui emprisonne son pied un guide d’un nouveau genre pour lui apprendre à marcher.

VI. Beaucoup d’entre eux sont nés ainsi sur le lac, y ont été élevés de cette façon, le considèrent comme leur patrie et n’en désirent pas d’autre, parce que le lac leur offre une retraite sûre pour le brigandage. Aussi les pirates y affluent-ils : l’eau leur tient lieu à tous de rempart ; les nombreux roseaux qui croissent au bord du marais les couvrent comme d’un retranchement. Ils y ont pratiqué un certain nombre de passages sinueux, repliés et contournés à l’infini, faciles pour eux qui les connaissent, mais impraticables et sans issue pour tout autre ; par là ils se sont ménagé un boulevard assuré contre les dangers d’une surprise. Tel est le marais ; telles sont les mœurs de ses habitants.

VII. C’est là qu’arrivèrent vers le coucher du soleil le chef et ses compagnons. Les jeunes gens furent aussitôt descendus de cheval et le butin disposé dans des barques. On vit alors sortir de tous les coins du marais, se montrer et accourir, comme un nombreux essaim, les brigands qui y étaient restés ils s’avancèrent au devant du chef et l’accueillirent avec les honneurs dus à leur roi. En voyant cet immense butin, en contemplant la beauté presque divine de la jeune fille, ils s’imaginaient que leurs associés avaient pillé quelque temple ou quelque sanctuaire chargé de richesses. À l’aspect de la jeune fille, ils allaient jusqu’à supposer, dans leur ignorance, qu’on avait enlevé la prêtresse elle-même, ou qu’on leur ramenait la statue animée de quelque déesse. Ils adressèrent à leur chef de nombreuses félicitations sur son courage et lui firent cortége jusqu’à sa demeure. C’était un petit flot éloigné des autres, une retraite spécialement consacrée à lui et à quelques siens compagnons. Arrivé là, il congédia la plus grande partie du cortége, et les convoqua tous auprès de lui pour le lendemain. Resté seul avec le petit nombre de ses familiers, il leur accorda quelques instants pour le repas, mangea avec eux et confia ensuite les deux prisonniers à un jeune Grec, captif depuis peu de temps entre ses mains, pour qu’il leur servit d’interprète. Il lui assigna même une partie de sa propre hutte, avec ordre de prendre soin du jeune homme et de préserver la jeune fille de tout outrage. Puis, accablé par la fatigue de la marche et les soucis du commandement, il s’abandonna au sommeil.

VIII. Le silence régnait sur le marais ; la première veille de la nuit était arrivée : la solitude, l’absence de tout bruit, offrait à la jeune fille comme une occasion de laisser éclater ses gémissements. La nuit, ce semble, ravivait encore ses douleurs ; l’absence de tout objet qui attirât son attention, en frappant son oreille ou sa vue, la laissait livrée tout entière à ses angoisses. Après avoir longtemps gémi en silence (car elle était isolée par ordre du chef et couchée sur un misérable grabat), après avoir versé bien des larmes, elle s’écria : « Apollon, combien tu punis trop cruellement nos fautes ! nos souffrances passées ne suffisent-elles pas à tes vengeances ? Séparés de nos parents, pris sur mer par des pirates, jouet de mille dangers sur les flots, deux fois déjà aux mains des brigands sur terre, nous avons devant nous un avenir plus affreux encore que le présent. Quel terme mettras-tu à ces misères ? Si c’est la mort sans outrages, cette fin me sera douce ; mais s’il me faut subir de honteuses violences, moi que Théagène lui-même a jusqu’à présent respectée, un lacet me préservera de cet opprobre. Je me garderai pure jusqu’à la mort, comme j’ai fait jusqu’à ce jour, et j’emporterai au tombeau la plus belle parure, ma virginité sans tache. Mais toi, tu seras le plus impitoyable des juges. »

Elle parlait encore quand Théagène interrompit sa plainte : « Arrête-toi, dit-il, Chariclée, mon âme, ma douce amie : tes plaintes sont justes ; mais tu irrites la Divinité plus que tu ne penses. Il faut l’invoquer, et non l’accuser ; car c’est par des prières, bien plus que par des murmures, qu’on se la rend favorable. — Tu as raison, reprit-elle ; mais toi, comment es-tu, je t’en prie ? — Mieux et plus calme, dit-il, depuis ce soir, grâce aux soins de ce jeune homme, qui ont calmé l’irritation de mes blessures. — Tu te trouveras mieux encore vers l’aurore, reprit celui aux soins duquel ils étaient confiés ; je te procurerai une herbe qui, en trois jours, fermera tes blessures ; j’ai déjà éprouvé son efficacité ; car, depuis qu’ils m’ont amené ici prisonnier, toutes les fois qu’un des compagnons du chef est revenu blessé après un engagement, l’emploi de l’herbe dont je parle l’a guéri en très-peu de jours. Ne vous étonnez pas, du reste, de l’intérêt que je vous porte ; car votre sort me paraît semblable au mien ; de plus, vous êtes Grecs comme moi, et, à ce titre, dignes de toute ma com- passion. — Un Grec, grands Dieux, s’écrièrent en même temps, avec un transport de joie, les nouveaux prisonniers ! Un Grec vraiment, de naissance et de langage ! Nous allons avoir quelque allégement à nos maux ! Mais quel est ton nom ? dit Théagène. — Cnémon, dit-il. — Ta patrie ? — Athènes. — Ta fortune ? — Arrête, dit Cnémon ; pourquoi soulever et agiter ces tristes souvenirs ? C’est une tragique histoire, et il serait hors de propos de faire intervenir mes malheurs au milieu des vôtres, pour les aggraver encore ; d’ailleurs, ce qui reste de nuit ne suffirait point à les raconter, surtout quand l’excès de vos fatigues vous rend nécessaires le sommeil et le repos. »

IX. Ils insistèrent néanmoins et le supplièrent de n’avoir aucun scrupule, disant que ce serait pour eux une très-grande consolation que d’entendre le récit de malheurs semblables aux leurs. Cnémon commença en ces termes : « Mon père Aristippe était Athénien, membre du conseil supérieur, et jouissait d’une honnête fortune. Ma mère étant morte, il songea à se remarier, pour n’avoir pas à se reprocher d’avoir mis sur moi, sur un seul enfant, toutes ses espérances. La femme qu’il reçut sous son toit était gracieuse et élégante, mais méchante à l’excès ; elle s’appelait Déménète. À peine dans la maison, elle mit entièrement mon père sous sa dépendance, et l’amena à faire tout ce qu’elle voulait. Elle captiva le vieillard par sa beauté, elle l’amadoua par mille attentions empressées ; car jamais femme ne sut mieux enchaîner et attirer à elle, jamais l’art des séductions ne fut exercé avec une plus incroyable perfection. Si mon père sortait, elle était tout en pleurs ; à son retour, elle courait à sa rencontre, se plaignait de la longueur de l’absence, le croyait mort s’il tardait quelque peu, lui sautait au col à chaque parole, et mêlait des larmes à ses baisers. Lui, enlacé par tout ce manége, ne voyait qu’elle, ne respirait que pour elle. Moi-même, elle feignit d’abord de me considérer comme son fils, autre moyen de gagner mon père ; bientôt elle passa aux embrassements ; puis enfin sa pensée unique fut de me posséder. Et moi, tout en m’étonnant qu’elle me témoignât les sentiments d’une mère, je me prêtais à ses caresses, sans rien soupçonner de la réalité. Mais quand ses étreintes devinrent plus pressantes, ses baisers plus ardents qu’il ne convenait ; quand, bannissant toute retenue, elle me couvrit de ses regards brûlants, il fallut bien ouvrir les yeux. Mille choses d’ailleurs vinrent confirmer mes soupçons : je l’évitai alors, je repoussai ses approches. Mais pourquoi vous fatiguer de tous ces détails et vous raconter longuement ses tentatives de séduction, les promesses qu’elle me fit, comment elle m’appelait son fillot, son mignon, ou bien encore son héritier, puis son âme et sa vie ; comment enfin, toujours en quête de ce qui pouvait m’attirer à elle, elle mêlait les appellations honnêtes aux provocations lascives, affectant dans les premières les sentiments d’une mère, témoignant clairement par l’inconvenance des autres l’amour qui la possédait ?

X. » J’arrive à la catastrophe : un jour de fête des grandes Panathénées, solennité où les Athéniens traînent à terre un vaisseau, en l’honneur de Minerve, j’entrais dans l’adolescence, et j’avais chanté le Péan accoutumé en l’honneur de la déesse après avoir tenu une place dans le cortége, suivant les rites établis, je rentrai à la maison, revêtu encore de mes habits de fête, avec la robe et les couronnes. À peine m’eut-elle aperçu, que, cessant de se contenir et de déguiser son amour, elle se précipita vers moi avec toute, l’ardeur d’une passion sans retenue ; et, me serrant dans ses bras : « Ô jeune Hippolyte, s’écria-t-elle, ô mon Thésée ! » Je vous laisse à penser ce que je devins alors, moi qui, même maintenant, rougis en le racontant. Quand le soir fut venu, mon père alla diner au Prytanée, où il devait, conformément à l’usage de ces solennités et des repas publics, passer toute la nuit. Elle vint me trouver la nuit, et s’efforça d’obtenir de moi une chose détestable ; mais quand elle vit que je résistais absolument, que je repoussais invinciblement ses avances, ses promesses et ses menaces, elle poussa un long et profond gémissement, me laissa et partit. Il ne fallut que cette seule nuit à la misérable pour ourdir contre moi un projet de vengeance qu’elle mit aussitôt à exécution. D’abord elle ne se leva pas de son lit le matin, et, quand mon père, à son retour, lui en demanda la raison, elle feignit d’être malade, sans vouloir répondre autre chose. Comme il insistait et lui demandait itérativement ce qu’elle avait : « Ce jeune homme, dit-elle, si charmant, même à mon égard, votre fils et le mien, celui que souvent j’ai aimé plus que vous-même, les Dieux m’en soient témoins ! il a découvert à certains indices que j’étais enceinte, chose que je vous avais cachée jusqu’à présent, afin d’attendre que j’eusse une entière certitude ; il a épié le moment de votre absence ; et, comme je lui adressais les conseils qu’on a coutume de donner aux jeunes gens, l’exhortant à vivre sagement, à ne point s’abandonner aux courtisanes et à l’ivresse (car j’ai découvert que telle est sa conduite, quoique je ne vous en aie rien dit, pour ne point paraître marâtre), il a profité du moment où je l’entretenais seul à seul, pour ménager sa susceptibilité, et s’est porté envers vous et envers moi à mille outrages que je rougirais de raconter ; sachez seulement qu’il m’a sauté à deux pieds sur le ventre et m’a mise dans l’état où vous me voyez. »

XI. » À ce récit, mon père ne suppose pas un instant qu’elle puisse mentir, elle si bien disposée à mon égard : sans rien dire, sans m’interroger, sans me mettre en demeure de me justifier, il accourt aussitôt dans l’état où il se trouve, et, ne rencontrant dans un coin de la maison, il m’assomme de coups de poing avant toute explication ; puis il appelle ses esclaves et me fait fouetter, sans même que je puisse deviner, ce qui est le moins en pareil cas, pourquoi je suis battu. Lorsque sa colère fut assouvie : « Maintenant, du moins, lui dis-je, puisque vous ne l’avez pas fait plus tôt, il serait juste, mon père, de m’apprendre le motif de ces coups. » Mais lui, plus exaspéré encore : « Il ose le demander, dit-il ; c’est de moi qu’il veut apprendre sa conduite infâme ! » À ces mots, il me tourne le dos et retourne en toute hâte auprès de Déménète. Celle-ci n’était pas encore assouvie ; aussi machina-t-elle contre moi une nouvelle perfidie : elle avait une servante nommée Thisbé, assez habile à chanter en s’accompagnant de la harpe, et d’un extérieur agréable. Elle la détache contre moi, et lui ordonne de m’aimer. Thisbé est aussitôt éprise de moi ; celle qui avait bien souvent repoussé mes entreprises met alors tout en œuvre pour m’attirer à elle : regards, gestes, signes d’intelligence. Moi sot, je me persuade que je suis devenu tout-à-coup un beau jeune homme, et à la fin je la reçois, la nuit, dans ma chambre à coucher. Elle y revient une seconde fois, puis une troisième, si bien qu’elle n’en quittait plus. Un jour que je la pressais vivement de se tenir sur ses gardes, pour n’être point surprise par sa maîtresse : « Ô Cnémon, me dit-elle, tu me sembles par trop simple ; si tu crois si dangereux pour moi, qui ne suis qu’une servante achetée à prix d’argent, d’être surprise couchée avec toi, de quel châtiment crois-tu digne celle qui, tout en se targuant de son rang, vit avec un amant, sans être retenue ni par la possession d’un mari légitime, ni par la peine de mort qu’elle sait être réservée à l’adultère ? — Tais-toi, lui dis-je, je ne saurais te croire. — Eh bien ! si tu le veux, je te ferai surprendre le galant sur le fait. — Soit, dis-je, si tu le veux. — Sans doute, je le veux, reprit-elle, et à cause de toi à qui elle a fait une si cruelle injure, et pour moi-même qu’elle maltraite indignement et qu’elle rend chaque jour victime de sa jalousie sans raison. Si tu es un homme, surprends-les. »

XII. » Lorsque je le lui eus promis, elle me laissa et partit. La troisième nuit après cette confidence, elle vient m’éveiller tout-à-coup et m’apprend que l’amant est à la maison : « Ton père, ajoute-t-elle, est parti subitement pour la campagne, appelé par une affaire pressante, et l’amant vient d’entrer, comme il en était convenu avec Déménète. Il est bon, dit-elle, de se préparer à la vengeance et d’entrer armé d’un poignard, afin que le scélérat ne puisse échapper. » Je suis son conseil, et, un poignard à la main, je me dirige vers la chambre à coucher. Thisbé me précédait avec des flambeaux. Arrivé au seuil, j’aperçois à l’intérieur la lueur d’une lampe, et aussitôt, transporté de fureur, j’enfonce la porte fermée en dedans, j’ouvre et me précipite dans la chambre. « Où est-il, m’écriais-je, le scélérat, le bel amoureux de cette honnête matrone ? » Et, en parlant ainsi, je m’avançais pour les percer tous les deux. Mais à ce moment, mon père, grands Dieux ! se précipite à bas du lit et tombe à mes genoux : « Mon fils, s’écrie-t-il, remets-toi un peu, aie pitié de celui qui t’a donné la vie ; épargne les cheveux blancs de celui qui t’a nourri ; oui, je t’ai fait injure, mais non. jusqu’à mériter que tu te venges par ma mort ; ne t’abandonne point tout entier à ta colère, ne souille pas tes mains du sang de ton père. » Pendant qu’il m’adressait ces lamentables supplications et d’autres semblables, j’étais comme foudroyé : immobile, pétrifié, glacé d’effroi, je cherchais autour de moi Thisbé, qui s’était échappée je ne sais comment ; je reportais mes yeux du lit à la chambre, sans trouver une parole, sans me décider à rien. Le poignard s’échappa de mes mains, et Déménète se précipita aussitôt pour le ramasser. Alors mon père, se voyant hors de danger, met la main sur moi et ordonne de me lier. Déménète l’excitait de toute sa force : « N’est-ce pas là, disait-elle, ce que j’avais prédit ; ne disais-je pas bien qu’il fallait se garder de ce jeune homme, et qu’il épiait l’occasion de faire un mauvais coup ? » Je voyais ses regards, je compris toute sa pensée. « Il est vrai, disait mon père, tu me l’avais annoncé ; mais je ne pouvais le croire. » Il me tint ainsi garrotté, sans me permettre, malgré mes efforts, d’ouvrir la bouche, ni de rien dire de la vérité.

XIII. » Dès qu’il fit jour, il me prit et me conduisit, lié comme j’étais, devant le peuple. Sa tête était souillée de cendre. « Athéniens, dit-il, ce n’est pas dans cet espoir que je l’avais élevé : comptant qu’il serait le soutien de ma vieillesse, je lui ai, dès sa naissance, donné une éducation libérale ; après lui avoir enseigné les premiers éléments des lettres, je le fis porter parmi les membres de la tribu et de la famille, inscrire au nombre des adolescents, enfin mettre au rang des citoyen de notre ville, conformément aux lois ; en un mot, il a été la préoccupation de ma vie tout entière. Mais lui, oubliant tout cela, il a commencé par me manquer indignement et par accabler de coups ma légitime compagne ; enfin il est entré la nuit dans ma chambre, un poignard à la main ; et, s’il n’a pas été parricide, il n’en faut savoir gré qu’à la fortune qui, par une terreur subite, lui a fait tomber le poignard des mains. J’ai donc recours à vous, et je le cite à votre tribunal. J’aurais pu, d’après la loi, me faire justice de mes propres mains ; je ne l’ai pas voulu. Je laisse le tout à votre décision, persuadé que dans le châtiment d’un fils, mieux vaut l’application de la loi que la mort sans jugement. » En même temps il versait des larmes. Déménète aussi se lamentait et affectait de gémir sur mon sort : « Malheureux ! s’écriait-elle ; sa mort sera juste, mais elle est prématurée ; de mauvais génies l’ont poussé contre ses parents. » C’était là moins un gémissement qu’un nouveau témoignage contre moi ; ses cris confirmaient la vérité de l’accusation. Je demandai à mon tour la permission de parler ; mais le greffier s’avança et me renferma dans cette simple question : étais-je entré le poignard à la main dans la chambre de mon père ? « J’y suis entré, à la vérité, répondis-je, mais écoutez comment. » Tous alors se récrièrent et ne voulurent même pas me permettre de me défendre. Les uns demandaient qu’on me lapidât, les autres qu’on me livrât au bourreau, pour être précipité dans le Barathrum. Pour moi, pendant tout ce tumulte et tandis qu’on votait sur la peine, je ne cessais de m’écrier : « Ô marâtre ! c’est une marâtre qui me perd ; une marâtre me tue sans jugement. » Ces paroles frappèrent plusieurs des juges et leur firent soupçonner la vérité ; néanmoins on ne m’écouta pas davantage ; car il s’était élevé par mi le peuple un tel tumulte, qu’il était impossible de lui rien faire entendre.

XIV. » Lorsqu’on compta les suffrages, il s’en trouva environ dix-sept cents pour la mort, avec cette différence que, d’après les uns, je devais être lapidé, et suivant les autres, précipité dans le Barathrum. Le reste des juges, au nombre de mille environ, — sans doute ceux que les soupçons contre ma marâtre avaient dis posés à quelqu’indulgence, — me condamnaient à un bannissement perpétuel. Ce fut leur opinion qui l’emporta : car, quoique les autres, pris ensemble, formas- sent la majorité, cependant, comme il y avait eu division, les mille suffrages formaient, en distinguant, la majorité relative. C’est ainsi que je fus chassé du foyer paternel et de ma terre natale. Mais, du moins, les Dieux ne laissèrent pas sans vengeance la scélératesse de mon ennemie Déménète. Comment ? vous l’apprendrez ensuite. Pour le moment il faut vous livrer au sommeil ; car la nuit est fort avancée et vous avez besoin de beaucoup de repos. — Nullement, dit Théagène ; tu nous tourmenteras bien davantage, si tu nous laisses désirer dans ton récit le châtiment de cette misérable Déménète. — Écoutez donc, dit Cnémon, puisque tel est votre bon plaisir. Après le jugement, je descendis au Pirée, dans l’état où je me trouvais ; j’y trouvai un vaisseau qui mettait à la voile et je me dirigeai vers Égine, où je savais rencontrer des cousins de ma mère. Arrivé à Égine, j’y trouvai ceux que je cherchais, et d’abord je passai assez agréablement mon temps. Vingt jours après, ma promenade habituelle me conduisit vers le port : une barque abordait au moment même ; je m’arrêtai un peu pour voir d’où elle venait et qui elle portait. Avant même que le pont fût bien assuré, quelqu’un s’en élança, pour courir à moi et m’embrasser ; c’était Charias, mon ami d’enfance : — « Bonne nouvelle pour toi, Cnémon, s’écria-t-il ; tu as justice de ton ennemie ; Déménète est morte. — Sois le bien venu, Charias, lui dis-je ; mais pourquoi passer si rapidement sur cette bonne nouvelle, comme si tu m’annonçais quelque malheur. Donne-moi quelques détails ; car je crains fort qu’elle ne soit morte naturellement et qu’elle n’ait échappé au supplice qu’elle méritait. — La justice, dit Charias, ne nous a pas fait complétement défaut, comme dit Hésiode : quoiqu’elle semble quelquefois fermer les yeux et ajourner ses vengeances, de telles scélératesses attirent aussitôt son regard vengeur, et c’est elle qui vient de frapper l’infâme Déménète. Rien de ce qui s’est dit ou fait ne m’a échappé ; tu sais mes relations avec Thisbé : elle-même m’a tout raconté. Lorsque cet injuste décret de bannissement t’eut frappé, ton malheureux père, aux regrets de ce qu’il avait fait, se retira à la campagne et se confina dans la solitude, rongeant son cœur, comme dit le poëte. Quant à elle, les furies vengeresses la poursuivirent incontinent. Ton absence avait enflammé encore sa passion furieuse : elle ne cessait de gémir ; en apparence c’était sur ton sort, en réalité elle pleurait sur elle-même : « Cher Cnémon, criait-elle nuit et jour, mon aimable enfant, mon âme ! » Aussi, quand ses amies venaient la visiter, ne pouvaient-elles s’étonner et s’émerveiller assez de trouver chez une marâtre les sentiments d’une mère ; elles s’efforçaient de la consoler et de relever son courage mais elle répondait que le mal était sans remède et que les autres ignoraient de quel aiguillon son cœur était percé.

XV. » > Quand elle se retrouvait seule, elle éclatait en reproches contre Thisbé et la maudissait de l’avoir trop bien servie. « Fille empressée à mal faire, s’écriait-elle, tu n’as rien fait pour servir mon amour ; et, pour me priver de ce que j’avais de plus cher, plus prompte que la parole, tu t’es hâtée, sans même me laisser le temps de la réflexion et du repentir. » Il était dès lors parfaitement clair qu’elle tramait contre Thisbé quelque vengeance. Celle-ci, la voyant en proie à une violente fureur, dévorée de chagrin, toute prête à lui jouer quelque mauvais tour, folle enfin de rage et d’amour, résolut de prendre les devants et de la prévenir par quelque trame qui assurât son propre salut. Elle l’aborde et lui dit : « Qu’entends-je, ma maîtresse ? pourquoi accuser sans raison votre servante ? Je vous ai toujours, maintenant comme autrefois, servie selon vos désirs. Si quelque chose est advenu qui contrarie vos vœux, il ne faut l’imputer qu’à la fortune : pour moi, je suis prête, si vous l’ordonnez, à imaginer quelque soulagement à vos chagrins présents. — Et quel allégement pourrais-tu trouver, ma chère, reprit-elle, lorsque celui qui pouvait les finir est maintenant loin. de moi, et que l’indulgence inattendue des juges m’a perdue ? S’il avait été lapidé, s’il avait été tué, ma passion serait morte tout entière avec lui ; car, une fois tout espoir perdu, le désir s’éteint dans l’âme ; l’impossibilité de compter sur rien désormais dispose à oublier les chagrins passés. Mais, loin de là, il me semble dans mes illusions le voir près de moi, entendre sa voix : il me reproche mes injustes perfidies, et je rougis de l’entretenir. Quelquefois je me figure qu’il revient et que je le possède, ou bien que je vais moi-même le rejoindre en quelque lieu de la terre qu’il se trouve. Ces pensées me brûlent, elles me rendent folle ; ô Dieux ! je souffre justement. Pourquoi, au lieu de le gagner, ai-je conspiré contre lui ; pourquoi, au lieu de le supplier, l’ai-je poursuivi de ma haine ? Il a refusé d’abord : Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/31 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/32 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/33 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/34 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/35 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/36 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/37 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/38 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/39 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/40 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/41 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/42 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/43 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/44 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/45 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/46 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/47 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/48 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/49 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/50 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/51 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/52 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/53 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/54 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/55 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/56 Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/57 Page:Zevort - 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Romans grecs 2.djvu/329 cortége se dirigea, au milieu des acclamations, des applaudissements et des danses, vers Méroë, afin de célébrer avec plus d’éclat dans la ville les plus secrets mystères de l’hyménée.

Ainsi se termine l’histoire éthiopique des aventures de Théagène et de Chariclée. L’auteur est un Phénicien d’Émèse, de la race du Soleil, Héliodore, fils de Théodose.



FIN DE THÉAGÈNE ET CHARICLÉE.