Théatre lyonnais de Guignol/Le Château mystérieux

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N. Scheuring (tome 2p. 203-242).
Le château mystérieux

LE CHATEAU MYSTERIEUX

PIÈCE EN DEUX ACTES
PERSONNAGES

LE MARQUIS DE SÉNANGES.

LÉONCE DE SÉNANGES, son fils.

ALFRED DE SÉNANGES, son neveu.

GUIGNOL, domestique d’Alfred.

LE COMPTE DE HAUTEPIERRE.

EDITH, sa fille.

ZISKA, négresse, suivante d’Edith.

ANTOINE, vieux domestique.


ACTE I

Un village. — L’entrée du château de Sénanges.


Scène I

LE MARQUIS, seul.


Comme les ans s’enfuient avec rapidité ! Mon fils Léonce atteint aujourd’hui sa vingt-cinquième année, & c’est aujourd’hui même que je dois le marier avec la fille de mon ami le comte de Hautepierre… Etrange promesse que j’ai faite là !… Obligé de quitter la France, le comte a amassé une grande fortune aux colonies. Il en est revenu avec sa fille Edith, & comme il a été fort éprouvé, il est aussi fort bizarre… Sa fille, dont le visage est toujours couvert d’un voile épais, devait avoir dix-huit ans accomplis le jour où mon fils Léonce en aurait vingt-cinq. Il m’a fait jurer que nous les marierions, sans que ces jeunes gens se soient jamais vus, sans qu’ils se soient jamais parlé… J’ai dû promettre… Aux termes du testament de notre aïeul commun, il faut que tous les cent ans au moins un de Sénanges épouse une de Hautepierre ; à défaut de quoi les deux terres & les deux châteaux vont à la branche collatérale. Le siècle s’est presque écoulé sans que l’union prescrite par notre aïeul ait eu lieu… Il fallait faire le bonheur de nos enfants, bon gré, mal gré… Les consulter, c’était s’exposer à tout perdre… Ils pouvaient se déplaire… Enfin, ma parole est donnée, & la promesse d’un gentilhomme ne doit jamais faillir.


Scène II.

LE MARQUIS, LÉONCE.
LÉONCE.

Mon père, vous n’êtes pas encore équipé. Nous arriverons trop tard ; la chasse sera commencée.

LE MARQUIS.

Cette partie de chasse n’est pas possible, Léonce. Vous avez aujourd’hui bien d’autres affaires ; vous allez vous marier.

LÉONCE.

Me marier !

LE MARQUIS.

Aujourd’hui même.

LÉONCE.

Aujourd’hui ! & avec qui ?

LE MARQUIS.

Avec la fille de mon ami de Hautepierre.

LÉONCE.

Avec cette jeune fille dont personne n’a jamais vu le visage & qui habite ce château mystérieux où personne ne pénètre ? Cela n’est pas possible.

LE MARQUIS.

Je l’ai promis.

LÉONCE.

Vous ne m’en avez jamais parlé.

LE MARQUIS.

Il était convenu que je ne vous en parlerais que le jour du mariage. La fille du comte ne doit elle-même être avertie que peu de temps avant cette union… Vous serez mariés sans vous être jamais vus, sans vous être parlé jamais.

LÉONCE.

C’est quelque monstre. Je ne consentirai pas à un pareil hymen.

LE MARQUIS.

Voulez-vous, Léonce, que votre père soit félon à sa parole ? Des raisons de famille rendent ce mariage nécessaire. Il faut qu’un de Sénanges épouse une de Hautepierre. Je suis certain de votre bonheur ; le comte n’a que cette fille & une fortune de seize millions. Mais il doit vous suffire de savoir que votre refus n’est pas possible. Voulez-vous que notre nom soit déshonoré ?

LÉONCE.

Songez-y, mon père… une jeune fille que je n’ai jamais vue, que vous ne connaissez pas davantage, dont personne n’a vu le visage, dont le caractère est également inconnu !… Est-il raisonnable que je m’engage à passer ma vie avec elle ? Puis-je promettre de la rendre heureuse ?

LE MARQUIS.

Il faut que cela soit, Léonce. Si vous refusez de dégager ma parole, je ne vous tiens plus pour mon fils, je vous chasse du château & ne vous revois de ma vie… Rentrons, Léonce ; il faut que vous partiez sans retard pour Hautepierre. Je vais vous indiquer les moyens d’y pénétrer & de vous faire reconnaître. Vous ne seriez pas reçu sans cela… Venez. (Il sort.)

LÉONCE.

Mon père !… Il ne veut rien entendre… impossible de le fléchir… Ah ! je ne puis me résoudre à un tel mariage. (Il sort.)


Scène III.

ALFRED, GUIGNOL.
GUIGNOL, entrant après Alfred.

Non, vrai, Maître ! je peux pas aller plus loin. J’ai de gonfles aux pieds grosses comme de gobilles. Mes jambes flageolent[1] & elles me rentrent dans le ventre. Après ça, elles peuvent bien y entrer, y a rien dedans. V’là deux jours que nous avons rien mangé.

ALFRED.

Ne te plains pas ; nous voici au gîte. Ce château que tu vois est celui de mon oncle, le marquis de Sénanges.

GUIGNOL.

Nous donnera-t-il à manger ? Comme je croquerais bien une fricassée de boudins. (Il dépose son sac sur la bande.) Allons, Azor, repose-toi là. Pauvre Azor ! Il est comme mon ventre, y a pas grand’chose dedans.

ALFRED.

Mon oncle nous recevra bien… quoique je l’aie contraint, il y a deux ans, de me remettre tout mon patrimoine qu’il administrait comme mon tuteur. Hélas ! ces 400,000 francs n’ont pas duré longtemps. Nous avons tout dévoré.

GUIGNOL.

Vous… avez tout dévoré ; pas moi… C’est pas les gages que vous m’avez payés que vous ont ruiné. Vous me devez tout.

ALFRED.

Oui, oui… tu es un bon domestique.

GUIGNOL.

C’est vrai que vous n’avez pas tout mangé tout seul. Les amis vous y ont aidé… & vous en aviez une tapée dans ce temps-là… qui vous ont ben souhaité le bonsoir par la suite… Et le jeu… en a-t-il vu défiler des escalins[2] ce mami… Dix louis sur la noire ! quinze sur la rouge !… Banco… je passe… je tiens… pata… Ça roulait bien… ça a si bien roulé que notre bourse est plate comme une bardane[3]& notre estomac itou[4]… Ah ! comme j’avalerais un fromage blanc & une botte de petites raves !

ALFRED.

Sois tranquille… j’apaiserai mon oncle ; il est si bon…

GUIGNOL.

Hé ben ! entrons-nous ?… Je ne fais ni une ni deux ; je cours à la cuisine & j’attrape une goutte de bullion.

ALFRED.

Non, non ; je n’ose pas me présenter ainsi à mon oncle… Il faut d’abord que je fasse appeler mon cousin Léonce… C’est un charmant garçon ; nous avons été élevés ensemble… il parlera pour moi.

GUIGNOL.

Ah ! maître ; faites vite… mes yeux n’y voyent plus… Si quelqu’un m’apportait une bonne soupe mitonnée, je le coquerais sur les deux joues.

ALFRED.

Est-ce que j’ai mangé plus que toi, glouton ? Attends-moi.

GUIGNOL.

Maître, c’est pas moi qui demande ; c’est mon ventre… Y a plus rien dans le garde-manger.

ALFRED.

Je reviens dans un instant. (Il se dirige vers le château.)


Scène IV.

GUIGNOL, seul.
.

Maître, maître ! le v’la qui court comme un miron qui a pincé un morceau de boulli. Il est ben heureux de pouvoir courir… moi, mes picarlats[5] me portent plus. Qué différence de y a deux ans ! J’étais gras dans ce temps-là comme une petite caille… Mon maître avait la bourse bien garnite… & la cuisine était chenuse… Et que j’étais faraud !.. un habit qu’avait de galons, un bugne[6] idem, & des bottes à revers jaunes… A présent j’en connais d’autres revers, de toutes les couleurs… Ah ! il fallait voir comme je parlais fort au monde… Mossieu le marquis y est pas. — Il n’y est pas ? — Non, ganache ; il y est pas. — Tenez, mon ami, prenez ce louis, & laissez-moi lui parler. — Et allez donc ! Y en arrivait comme ça tous les jours des jaunets dans ma poche… Nous faisions de voyages dans tous les pays… avec une barline ; clic, clac ; ça marchait catégorichement… En Italie… Ah ! une soupière de macaronis, comme je la trouverais cannante à présent ! moi qui y faisais la grimace contre, dans ce temps-là… Et en Allemagne… Je mangerais tout de même un plat de choucroûte, quoique je l’aime pas… C’est un pays qui me convient pas, l’Allemagne… Croiriez-vous que j’ai jamais pu leur z’y apprendre à parler français ?.. C’est là que nous avons fini… Un jour que nous étions aux eaux dans un endroit que le nom est en bad… Krackenbad… Roulenbad, je me souviens plus… mon maître me dit : Habille-moi & suis-moi à la maison de jeu ; je veux une dernière fois tenter la fortune. — Maître, vous allez perdre encore. — Obéis, & ne raisonne pas… Bon ! je l’habille, je le suis… Nous allons dans une maison superbe ; de l’or, des tapis, des lustres partout. Mon maître me laisse dans une antichambre en me disant : Attends-moi… Je l’attends ; je regardais de temps en temps par la porte & j’entendais rouler les espinchaux[7] sur la table… Tout d’un coup, un tapage de diable… on criait, on se battait… Mon maître arrive tout effaré : — Guignol, j’ai tout perdu ; suis-moi, partons… Mais la garde était venue ; les portes étaient fermées ; on voulait arrêter tout le monde. Mon maître saute par une fenêtre, en me disant : Suis-moi… Comme c’était agriable, moi qui connais pas le gymnase !… Enfin, je me mets en peloton, je me lance, j’arrive en bas, patatras, dans un gaillot[8]… J’attrape un poisson dans mes souliers… je me relève tout trempe… & vite à l’hôtel… Nous faisons nos malles tout en cuchon[9] ; mon maître me dit : Suis-moi… & nous partons… Mais plus de barline… nous prenions la diligence, & puis quéques jours après les coucous… que ça vous sigrolle[10], ça vous sigrolle… Et puis la voiture Talon, Jarret & Cie… Vlà pus de douze jours que nous marchons… Y nous restait encore quéques sous… Dans une auberge, mon maître a trouvé un gone de mauvaise cale qui lui a proposé une partie d’écarté… C’est not’pauv’argent qu’a vîte été mise à l’écart… Du depuis ce temps là, toujours sur nos jambes & rien dans le ventre… Et puis c’est moi qui fait la lissive… Quand en route nous trouvons un ruissiau… je me mets à genoux sur le bord… je gassouille[11] une chemise dans l’eau… un caillou en guise de savon : zig, zig, pan, pan, pan… v’là ma chemise lavée… Je la repasse avec un autre caillou qu’a chauffé au soleil… v’là notre lusque… Mais c’est le manger qui me gêne le plus… Et M. Alfred qui revient pas… Je vais me coucher, tant pis ; je meurs d’énanition… Si y pouvait me tomber deux aunes de boudin dans le bec. (Il s’endort la tête appuyée sur son sac ; on l’entend murmurer : ) Un bon sississon !.. une salade de dents de lion !…


Scène V.

LÉONCE, ALFRED, GUIGNOL, endormi.

Pendant cette scène, Antoine se montre à deux ou trois reprises & paraît écouter.

ALFRED.

Oui, mon cher cousin, je suis ruiné & n’ai plus d’espoir qu’en toi. Il faut que tu me réconcilies avec ton père… Je suis déterminé à mener une vie plus digne de mon nom… Je travaillerai, je demanderai un emploi.

LÉONCE.

Je parlerai à mon père qui t’a toujours beaucoup aimé… Ne sois pas inquiet… Ah ! vois-tu, je voudrais être à ta place.

ALFRED.

Toi ! je ne te comprends pas. Qu’est-ce donc qui te chagrine ?

LÉONCE.

Mon père me marie à une jeune fille que je ne connais pas, qu’il ne connaît pas lui-même, que personne n’a jamais vue & que je ne dois voir qu’après la cérémonie.

ALFRED.

Quelle bizarrerie !

LÉONCE.

C’est la fille de notre voisin de Hautepierre… elle est fort riche… Mais comment épouser une inconnue qui, dans sa maison même, est toujours couverte d’un voile ?

ALFRED.

Et ce mariage ?…

LÉONCE.

Doit avoir lieu aujourd’hui même. Il faut qu’un de Sénanges épouse une de Hautepierre. Mon père a donné sa parole au comte… & tu sais s’il est intraitable sur sa parole… Si je refuse, il ne me pardonnera de sa vie… je ne puis m’y résoudre… D’ailleurs, j’avais pensé à une autre union… La fille du marquis de Noiresterres, qui habite dans cette province, à quelques lieues d’ici…

ALFRED.

Écoute, Léonce ; moi je n’ai rien à risquer. Veux-tu me céder ta place à Hautepierre ? Il y a là un imprévu qui me tente ; j’épouse les yeux fermés.

LÉONCE.

C’est une idée. Le comte ne m’a pas vu depuis mon enfance. D’ailleurs, nous sommes du même âge ; nous portons le même nom ; il n’aura pas à se plaindre. Mais mon père !…

ALFRED.

Si je me fais agréer à Hautepierre ; si le comte est satisfait, ton père aura dégagé sa parole… Au besoin, tu t’éloigneras pendant quelque temps, & je prends tout sur moi.

LÉONCE.

Tu as raison… & je suis disposé à me laisser persuader. Mon père a préparé une lettre d’introduction pour ce mystérieux Hautepierre, où l’on n’entre pas comme on veut. Je vais te la remettre avec l’indication du signal nécessaire pour te faire ouvrir les portes.

GUIGNOL, se réveillant.

Mais j’ai faim, moi !… Je veux manger.

LÉONCE.

Qu’est-ce ?

ALFRED.

Ne fais pas attention, c’est mon domestique.

LÉONCE.

Il a faim… Toi aussi, sans doute, tu déjeunerais volontiers… je vais te faire servir au château.

ALFRED.

Non, non, il ne faut pas que mon oncle me voie ; cela pourrait tout gâter. D’ailleurs nous sortons de table.

GUIGNOL.

Nous en sommes sortis avant-hier… Maître, ayez compassion de moi.

LÉONCE.

Ce pauvre garçon !… Que dit-il donc ?

ALFRED.

N’y prends pas garde… C’est une monomanie de ce maraud de vouloir toujours manger… Nous sommes pressés.

LÉONCE.

Viens, mon cher Alfred… je vais te remettre à l’entrée du château la lettre de mon père. (Ils sortent.)


Scène VI.

GUIGNOL, seul.

Mais c’est affreux, c’est abominable ! Je n’ai pas une manamonie ; c’est bien la fringale qui me grabote l’estom… Je suis comme sur le rateau de la Méduse ; je deviendrai anthropophoque… Il s’en va encore ; il me laisse seul… Pauvre Guignol ! qué coquin de sort ! Je m’en vais chercher des nids d’iziau ; je boirai les œufs… Encore si j’avais un pot, je pourrais les manger à la coque… Vaut mieux aller jusqu’à la porte du château ; je me ferai donner un grognon de pain avec une pomme cuite.


Scène VII.

ALFRED, GUIGNOL.
ALFRED.

Allons, Guignol, en route ! Vois-tu ce château sur la hauteur ?… c’est là que nous allons. En moins de deux heures, nous y serons arrivés.

GUIGNOL.

Deux heures ! mais, borgeois, vous n’y pensez pas… jamais je n’arriverai tout entier.

ALFRED

Allons, suis-moi. (Il sort.)

GUIGNOL.

Suis-moi… ça ne coûte rien à dire ; mais mes pauv’s jambes, & mon pauv’estom… Maître, maître, doucement !… Il est déjà en avant. (Il prend son sac.) Allons, Azor, viens ici. Du depuis que je te porte, si au moins tu pouvais un petit peu me porter. (Il s’en va lentement.)




ACTE II.

Un grand salon au château de Hautepierre.

Scène I.

LE COMTE, ANTOINE.
LE COMTE.

Personne n’a paru, Antoine ?

ANTOINE.

Personne ne s’est présenté encore à l’entrée de la première enceinte, & le signal convenu n’a pas été donné ; mais j’ai aperçu au pied de la montagne deux étrangers qui se dirigent vers le château.

LE COMTE.

C’est Léonce… Dites à Mlle Edith de venir ici… je veux lui parler.

ANTOINE.

M. le comte me permet-il de lui donner un avis ? Je crains que M. le comte ne soit trompé dans son attente.

LE COMTE.

Que voulez-vous dire, Antoine ? Parlez.

ANTOINE.

J’ai passé ce matin près de la porte du château de Sénanges. M. Léonce était en conversation avec son jeune cousin M. Alfred… M. le comte sait de qui je veux parler… celui qui a quitté le pays il y a deux ans. On parlait de Hautepierre. La confiance dont m’honore M. le comte & mon dévouement sans bornes pour sa famille m’ont déterminé à prêter l’oreille à cette conversation. J’ai cru comprendre que ce n’est pas M. Léonce qui se présenterait aujourd’hui, mais son cousin M. Alfred.

LE COMTE.

Vous êtes un fidèle serviteur, Antoine… Hé bien ! rien n’est changé à nos dispositions. Puisque le Ciel nous envoie Alfred, il faut le recevoir. Je le verrai… S’il ne me déplaît pas, il épousera ma fille… Allez dire à Mlle Edith que je l’attends ici.

ANTOINE.

J’y vais, Monsieur le comte ; tous vos ordres seront accomplis.



Scène II.

LE COMTE, seul.

Alfred porte le nom de Sénanges… Je me souviens de lui… il était fort bien ; je le crois digne de ma fille… je le verrai d’ailleurs… Voici Edith. Pauvre enfant, elle est fort inquiète, & je sens combien son trouble va s’accroître… Elle connaît mes projets, mais elle ne sait pas encore qu’ils doivent s’accomplir aujourd’hui même. Allons, il le faut.


Scène III.

LE COMTE, EDITH, voilée.
EDITH.

Vous m’avez demandée, mon père ?

LE COMTE.

Mon enfant, c’est aujourd’hui que va se former l’union dont je t’ai entretenue. Dans quelques instants, celui qui doit être ton époux sera au château… Tu sais ce que je t’ai recommandé.

EDITH.

Ainsi, mon père, tout cela est bien sérieux ! ce n’est pas une épreuve à laquelle vous avez voulu soumettre mon obéissance. Je dois épouser dans quelques instants un jeune homme que je n’ai jamais vu & auquel il m’est interdit de parler. Puis-je me promettre le bonheur d’une telle union ?… Ne repoussez pas ma demande, mon père ; permettez-moi d’avoir quelques minutes d’entretien avec ce jeune homme. Si je ne lui déplais pas, s’il y a quelque sympathie entre nous… je n’aurai plus aucune hésitation.

LE COMTE.

Mon enfant, ce que tu me demandes est absolument impossible… Ce n’est pas sans de graves motifs que j’ai pris la résolution qui doit avoir son accomplissement en ce jour ; le sort de deux familles en dépend. J’ai été fort malheureux ; ta mère, que j’ai tendrement aimée, m’a été enlevée par la mort au moment même de ta naissance. J’ai bien vu des unions devenir funestes, dans lesquelles tout avait été prévu, tout arrangé, dans lesquelles les futurs se convenaient à merveille… J’ai, au contraire, le ferme espoir que tu seras heureuse avec celui qui doit t’épouser… Aie confiance.

EDITH.

Mon père…

LE COMTE.

N’insiste pas… Ton bonheur dépend du soin avec lequel tu obéiras à toutes mes prescriptions… Toi & ta suivante Ziska, vous ne vous dévoilerez qu’après la cérémonie… À bientôt, mon enfant !.. Aie confiance.

(Il sort.)


Scène IV.

EDITH, puis ZISKA.
EDITH, seule.

Aie confiance, dit-il… J’ai confiance, & cependant je voudrais bien… (Elle appelle.) Ziska ! Ziska !

ZISKA, voilée (accent anglais).

Milady !

EDITH.

Tu m’aimes, Ziska ?

ZISKA.

Oh ! ma vie était à Milady… Milady si bonne pour pauvre Ziska !

EDITH.

Aujourd’hui… dans quelques instants, un jeune homme sera introduit dans ce salon… mon père veut que je l’épouse. Tâche de le voir, de lui parler avant la cérémonie. Tu me diras s’il est bien, s’il est distingué.

ZISKA.

Yes, Milady, yes.

EDITH.

S’il est hideux, grossier, déplaisant, je me jetterai aux pieds de mon père. Au besoin, je me réfugierai avec toi dans un couvent & j’implorerai mon pardon. (On entend le son d’un cor.) Le voici, sans doute ; il entre au château. Viens, suis-moi dans mon appartement ; je vais te donner mes dernières instructions. (Elles sortent.)


Scène V.

ANTOINE, ALFRED, GUIGNOL.
ANTOINE, introduisant Alfred & Guignol.

Entrez, Messieurs, dans cette salle… M. le comte va y venir.

ALFRED.

Nous sommes à ses ordres.

ANTOINE.

Mais ces Messieurs viennent de fort loin ; ils accepteront sans doute quelques rafraîchissements.

GUIGNOL.

Ah ! maître, je n’ai plus que le souffle… mes jambes sont comme une patte à briquet[12], & je vois trente-six chandelles.

ALFRED.

J’ai un domestique qui a grand’faim… vous m’obligeriez en lui donnant quelque chose à manger.

ANTOINE.

Tout est ici à votre disposition ; je vais faire servir Monsieur dans la pièce voisine, & si son domestique veut me suivre à l’office…

GUIGNOL, à Alfred.

Ne me quittez pas, maître… La peur me prend dans ce château tout noir… & vrai, ça me coupe la faim.

ALFRED, à part.

Je suis presque fâché d’être venu, moi aussi ; ce château est lugubre… Ces domestiques silencieux, ce mystère, tout me glace. Celui-ci a l’air d’un bonhomme ; si je l’interrogeais ?… (À Antoine.) Dites-moi, mon brave, y a-t-il longtemps que vous êtes dans cette maison ?

ANTOINE.

Monsieur, j’y suis venu au monde.

ALFRED.

Vous en connaissez tous les êtres & tous les habitants ?

ANTOINE.

Oui, Monsieur.

ALFRED.

On parle dans tout le pays de la fille de M. le comte… quoique bien peu de personnes l’aient vue… mais vous qui la voyez tous les jours…

ANTOINE.

La fille de M. le comte ?… chut !… Elle est toujours voilée ; personne ne l’a jamais vue… Cependant… (Avec mystère.) Un jour…

Alfred & Guignol se rapprochent.
ALFRED.

Un jour ?

ANTOINE.

Un jour…

ALFRED.

Mon ami, comptez sur ma reconnaissance.

ALFRED.

Un jour, dans le salon, Mademoiselle se regardait au miroir… J’entrais à ce moment ; je m’avance & je vois…

ALFRED.

Vous avez vu ?

ALFRED.

J’ai vu son voile qu’elle a baissé avec précipitation, & qui était mouillé de ses larmes.

GUIGNOL, à part.

Ah ! vieil artet[13], je te connais à présent… Si nous n’avons jamais de renseignements que de çui-là, nous ne risquons rien de tenir nos lunettes bien essuyées.

ANTOINE.

Je vais faire servir Monsieur dans la pièce que voici. (Il montre dans la coulisse une pièce voisine & sort.)


Scène VI

ALFRED, GUIGNOL.
ALFRED.

Je suis aux regrets d’être venu ici… je vais chercher un moyen d’en sortir. Toi, Guignol, attends-moi ; je reviens dans un instant. Mange en m’attendant… mais regarde autour de toi. Tâche d’apercevoir la fille du comte ; tâche de faire parler les domestiques.. De mon côté, je vais tout observer… & préparer notre fuite, car nous sommes, à coup sûr, tombés dans un guet-apens… Je n’ai pas appétit, je te l’assure… (Avec un soupir.) Mange, Guignol, mange pour deux. (Il sort.)

GUIGNOL, avec un soupir.

Oui, maître… je mangerai pour quatre.


Scène VII

GUIGNOL, puis ANTOINE.
GUIGNOL, seul.

Il m’abandonne encore… Je suis à la définition de mes jours, bien sûr. Je sais plus si c’est la faim ou la peur qui me creuse, mais j’irai pas comme ça jusqu’à la tombée de la nuit.

ANTOINE, entrant.

Mon ami, qu’est-ce que je vais vous faire servir ?

GUIGNOL.

Oh ! vieux, pas tant de sarimonies… un morceau sur le pouce.

ANTOINE.

Voulez-vous du bœuf ? du mouton ? du veau ?

GUIGNOL.

J’ai pas de préférence ; apportez de tout.

ANTOINE.

Aimez-vous les alouettes ?

GUIGNOL.

J’aime assez celles de Crémieu[14].

ANTOINE.

Je n’ai que des alouettes de ce pays.

GUIGNOL.

Sont-elles au moins grosses comme une bonne poularde ? Servez-m’en alors une demi-douzaine.

ANTOINE.

Une tranche de gigot ?

GUIGNOL.

Tout de même ; mais une bonne tranche… Ne vous donnez pas la peine de la couper ; faites voir le gigot.

ANTOINE.

Quelques feuilles de salade ?

GUIGNOL.

Oui, quéques feuilles de salade dans un grand saladier tout plein.

ANTOINE.

Et pour plat sucré ?… du pudding ?

GUIGNOL.

Du boudin ! oui, une bonne fricassée, mais je tiens pas au sucre. Puis, si vous pouvez y ajouter pour dessert un paquet de couennes[15] & un fromage blanc, ça commencera à aller.

ANTOINE.

Et quel vin faut-il vous donner, mon ami ?

GUIGNOL, à part.

Je commence à me raccommoder avec ce vieux… il a une conversation qui me plaît… (Haut.) Mais du bon, papa, du bon !…

ANTOINE.

Du rouge, ou du blanc ?

GUIGNOL.

Hé ben ! nous pourrions commencer par le rouge & finir par le blanc.

ANTOINE.

Nous avons du vin de Bordeaux.

GUIGNOL.

Du vin où y a de l’eau ! J’en veux pas.

ANTOINE.

Du vin de Tonnerre.

GUIGNOL.

Çui-là ferait trop de vacarme dans mon ventre.

ANTOINE.

Du vin de Châteauneuf.

GUIGNOL.

J’aimerais mieux qu’il soye vieux.

ANTOINE.

Voulez-vous du vin de Champagne ?

GUIGNOL.

Du vin de campagne ! Bien sûr que je veux pas de vin que se fait dans la boutique de l’espicier.

ANTOINE.

Vous ne voulez pas du vin du crû ?

GUIGNOL.

Te veux dire de vin de Brindas ! Non, non ; un bon Beaujolais… comme disait le père Berlingard quand il criait le vin du cabaretier. (Il imite l’annonce du crieur.) On vous fait à savoir qu’y est arrivé hier-z-au soir, au cabaret du Canon d’or, une bareille de bon beaujolais à quatre sous le pot. Allez-y, allez-y ; on vient d’y mettre le robinet. — Puis il buvait à la bouteille qu’il avait à la main, & il criait : Ah ! qu’il est bon[16] !

ANTOINE.

Hé bien ! je vous ferai donner du Beaujolais… du Thorins ou du Fleury ?

GUIGNOL.

Mais dites donc, vieux, y me semble que nous pardons bien de temps en conversation. Vous me mettez au supplice de Cancale. Si vous me serviez votre vin de campagne ou du bord de l’eau, je vous dirais de suite çui-là que j’aime le mieux… quand je les aurais bus.

ANTOINE.

Vous avez raison, venez. (Il sort.)

GUIGNOL.

Marchez devant, papa ; j’emboîte le pas jusqu’à l’office. Je crois que l’appétit me revient. (Il va pour sortir.)


Scène VIII.

GUIGNOL, ZISKA.
ZISKA.

Ce était sans doute le petit futur à Milady. (À Guignol, qu’elle retient par le bras.) Good morning, sir !

GUIGNOL.

Que me veut cette étrangère qui se dit ma sœur ?… Elle a un accent provençal.

ZISKA.

Good morning !

GUIGNOL.

Vous voulez me donner une mornifle[17] ?

ZISKA.

No, no ; vos comprenez pas. Moa dire bonjour à vos.

GUIGNOL.

Ah ! c’est pas comme ça qu’on dit bonjour au monde.

ZISKA.

Comment dites-vos, vos ?

GUIGNOL.

Moi, je dis tout bonnement : Bonjour, Madame ou Mam’zelle.

ZISKA.

Good, good ;… bonjour !… How do you do ?

GUIGNOL.

Vous avez quelque chose dans le dos ?

ZISKA.

No, je demandais à vos : Comment vos portez-vos ?

GUIGNOL.

Ah ! nom d’un rat, dites-le donc. Je me porte pas mal… & vous ?… Qué drôle de conversation nous avons là !

ZISKA.

Mylord !

GUIGNOL, se retournant & appelant.

Mylord ! mylord ! ici, ici !

ZISKA.

Que dites-vos ?

GUIGNOL.

Vous appelez votre chien, je crois ; je l’appelle aussi.

ZISKA.

No, mylord ; ce était vos, mylord. Ce était le nom des Messieurs dans le Angleterre.

GUIGNOL, à part.

Elle me prend pour un mylord anglais !… ça se trouve bien ; moi qui ai pas le sou… Ah ! elle me prend pour le bargeois ; elle a un voile sur le coquelichon ; c’est la demoiselle avec qui qu’on veut le marier. Si je pouvais voir par dessous le voile. (Haut.) Douce colombe, accordez-moi la parmission de mettre à vos pieds toutes mes salutances.

ZISKA, à part.

Ce était le domestique ; amuser moa. (À Guignol.) You speak English ?

GUIGNOL.

Vous avez quéque chose qui vous pique ?

ZISKA.

Je demande à vos si vos parlez anglais.

GUIGNOL.

Je le parle un peu… en français.

ZISKA.

Vos être français… Moa aimer beaucoup les Français.

GUIGNOL, à part.

Il faut un peu parler comme elle… Quand on est avec les étrangers… (Haut.) Moa être français de la rue Saint-Georges.

ZISKA.

Oh ! good, good.

GUIGNOL, à part.

Elle parle toujours des gaudes[18], elle veut m’en faire manger… c’est une Bressanne ; mais elle a un drôle d’accent. (Haut.) Belle fiancée, mon estom me dit plus rien ; ce était mon cœur seul qui parpite dans votre sociétance.

ZISKA.

Yes ! vos, mylord, être très gentil. Je aimerais boco vos pour mé mari.

GUIGNOL, à part.

Je lui plais ; faut continuer la conversation. (Haut.) Belle colombe, pourquoi vous porter comme ça une patte de mousseline sur votre figoure ? Est-ce que vous craindre les coups de soleil ?

ZISKA.

Ce était l’ordre de my father.

GUIGNOL.

Avant de nous unir, permettez à moa de jeter un œil sur cette charmante phisiolomie qui doit embellir mon existence.

ZISKA.

No, no ; ce était défendu par my father.

GUIGNOL.

Qu’est-ce qui a défendu ça !

ZISKA.

My father.

GUIGNOL.

Fazeur ! Qué que c’est que ce farceur ?

ZISKA.

Ce était le papa de moa.

GUIGNOL.

Ah ! le vieux papa à vos… Mais puisque nous devons nous marier.

ZISKA.

Pas dire alors. Moa être belle, très-belle. (Elle lève son voile.)

GUIGNOL.

Voyons. (Il jette un cri & tombe sur la bande.) Qué que c’est que ça ? Un râcle-fourniau[19], un diable. Au secours ! à la garde ! à la garde !

ZISKA.

Allons à présent chercher à voir le maître. (Elle s’enfuit en riant.)


Scène IX.

GUIGNOL, ALFRED.
ALFRED.

Viens, Guignol ; fuyons. J’ai trouvé une fenêtre ; nous n’avons que vingt pieds à sauter.

GUIGNOL.

Oui, oui, borgeois, sauvons-nous. J’ai vu votre fiancée, allez.

ALFRED.

Tu as vu son visage.

GUIGNOL.

Oui, c’est un monstre, un charbon de Rive-de-Gier. Elle a un museau noir comme la crémaillère & une trompe comme un éléphant.

ALFRED.

Je m’en doutais. Le comte, auquel j’ai parlé, ne me convient pas plus que sa fille ; il a un aspect d’une sévérité !… On ne respire pas ici… Y vivre, c’est mourir à petit feu… Suis-moi sans délai.

GUIGNOL.

Je fais pas si j’en aurai la force… mais je veux bien m’en aller… Ah ! j’ai pus faim à présent ; ça m’a nourri de voir ce jus de réglisse noir. Pourvu que nous la rencontrions pas.

ALFRED.

Viens donc vite, bavard.

Au moment où ils sortent, ils sont arrêtés par le comte.

Scène X.

LES MÊMES, LE COMTE.
LE COMTE.

Où allez-vous, Monsieur de Sénanges ? C’est de ce côté que nous vous attendons pour la cérémonie.

ALFRED.

Mais, Monsieur le comte.

LE COMTE.

Hésiteriez-vous, Monsieur ? Il est trop tard ; j’ai votre parole… D’ailleurs, tout le monde m’obéit ici. (Il l’entraîne.) Venez recevoir la main de ma fille. (Ils sortent.)


Scène XI.

GUIGNOL, seul.

Allons, v’là mon pauv’ maître sacrifié. Il va donner sa main à ce fumeron ; il va me revenir tout machuré… Nous v’là fermés pour le restant de nos jours dans ce château… Il y fait clair comme dans un four, & c’est gai comme la porte de la prison de Roanne[20]. Nous avons eu une jolie idée d’y venir… Si je pouvais au moins retrouver ce vieux qui m’offrait à dîner tout à l’heure.


Scène XII.

LE COMTE, EDITH, ALFRED, GUIGNOL.
LE COMTE.

Mes enfants, vous êtes maintenant unis. Monsieur de Sénanges, vous pouvez demander à votre femme de lever son voile.

ALFRED, à part.

Je ne suis pas pressé.

EDITH, à part.

Ziska ne m’a pas trompée ; mon mari est charmant.

ALFRED, à part.

Ce que m’a dit Guignol n’est pas encourageant… Contempler un monstre… Je ne sais même que lui dire.

EDITH, à part.

Ziska m’a dit qu’il était fort aimable ; il n’y paraît guère.

ALFRED, à Edith.

Madame… il faut avouer que nos parents ont eu là une idée fort bizarre… & ce mariage…

EDITH.

Oh ! Monsieur, je m’y suis opposée de toutes mes forces… mais des raisons de famille avaient déterminé mon père ; c’est pour lui une question d’honneur ; j’ai dû obéir… Si ce mariage doit faire votre malheur, Monsieur, les circonstances dans lesquelles il est contracté sont si étranges qu’il doit y avoir des moyens de le faire annuler… Reprenez votre liberté, Monsieur ; j’irai, s’il le faut, finir mes jours dans un couvent. Je consens à tout plutôt qu’à vous voir malheureux.

ALFRED, à part.

Quelle douce voix ! (Haut.) Madame, ce n’est point à vous de vous excuser de ce qui s’est passé… J’ai moi-même un pardon à solliciter, & c’est votre bonheur qui seul en ce moment occupe ma pensée.

EDITH, à part.

Il s’exprime fort bien.

ALFRED.

L’ordre cruel qui cachait vos traits à tous les yeux est maintenant révoqué. Consentez, Madame, à lever votre voile.

GUIGNOL, bas à Alfred.

Maître, regardez pas ; vous allez tomber à la renverse.

ALFRED.

Madame…

Edith lève son voile.
GUIGNOL.

Regardez pas, regardez pas. Ça sent déjà le roussi.

Il se détourne & cache son visage sur la bande.
ALFRED.

Qu’elle est belle !… Madame, quel bonheur est le mien ! (À Guignol.) Relève-toi donc, imbécile ; vois comme ma femme est belle.

GUIGNOL.

Hein ! Que dit-il ? Il a la barlue. (Il se lève & regarde.) Nom d’un rat, elle est chenuse ; elle s’est débarbouillée.

EDITH.

Que veut-il dire ?

ALFRED.

Madame, mon domestique avait cru voir… Il m’avait dit…


Scène XIII.

LES MÊMES, ZISKA.
ALFRED.

Ah ! je comprends ; voilà la personne qu’il avait vue.

GUIGNOL, tremblant.

Ah ! v’là le fumeron ! Approchez pas, approchez pas.

ZISKA.

Moa, très-jolie, petit Français.

ALFRED.

N’aie pas peur, Guignol ; c’est une très-belle négresse.

GUIGNOL.

Elle est de quéque pays où ils ont l’accoutumance de se manger chacun à leur tour en boulli ou en rôti.

EDITH.

C’est ma suivante : elle a été élevée avec moi… Elle est douce & bonne.

ZISKA.

Moa, pas méchante.


  1. Mes jambes tremblent & fléchissent.
  2. Des escalins : de l’argent.
  3. Bardane : punaise.
  4. Itou ; aussi.
  5. Mes picarlats : mes jambes. — V. le Portrait de l’oncle, t. 1, p. 117.
  6. Bugne : chapeau. — V. Les Valets à la porte, t. 1, p.288.
  7. Les espinchaux : l’argent.
  8. Gaillot : bourbier.
  9. Cuchon : tas, amas.
  10. Sigroler : secouer.
  11. Gassouiller : agiter dans l’eau.
  12. Patte : morceau de linge, chiffon. — Patte à briquet : linge brûlé, qu’avant l’invention des allumettes chimiques on disposait dans une boîte pour recevoir & conserver les étincelles obtenues par le choc du silex & du briquet.
  13. Artet ; fin, rusé.
  14. Les dindons élevés aux environs de Crémieu ont une réputation assez étendue
  15. Le paquet de couennes de porc est une des préparations que les charcutiers de Lyon débitent avec le plus de succès dans les quartiers populaires.
  16. Guignol décrit ici une scène dont les anciens quartiers de Lyon ont gardé le souvenir. Les cabaretiers avaient l’usage de faire crier leur vins. Le crieur portait avec lui dans sa tournée un échantillon de la marchandise ; il y tâtait fréquemment & notamment après chaque annonce. Il manifestait ensuite vivement sa satisfaction, & les jeunes gones du quartier, qui l’accompagnaient s’écriaient en chœur avec lui : Ah ! qu’il est bon ! — Voir, sur le père Berlingard, la note T. I, p. 274, le Marchand de picarlats.
  17. Mornifle : soufflet, taloche.
  18. Gaudes : bouillie de maïs fort en usage dans la Bresse & la Franche-Comté.
  19. Râcle-fourniau : ramoneur.
  20. Une maison de Lyon, qui au XIIIe siècle, appartenait à un chanoine nommé Giraud de Roanne, qui appartint plut tard aux dauphins de Viennois & enfin au roi, était devenue depuis longtemps le siège de la justice royale, lorsqu’en 1784, la prison, qui en était une dépendance, fut reconstruite sur les plans de l’architecte Buguet. Cette prison avait sur la place de Roanne une façade & une porte basse d’un aspect lugubre, qui laissait une impression profonde. Aussi, jusqu’à ces dernières années, & lorsqu’on ne voyait plus aucun vestige de l’ancien bâtiment, la maison d’arrêt qui l’avait remplacé avait gardé le nom populaire de Prison de Roanne.