Théologie portative, ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne/M

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M

Macérations. Ce ſont des moyens ingénieux de ſe rendre bien maigre. Dieu n’aime point les gros ventres à moins qu’un Bernardin n’en ſoit porteur. Il faut que les laïques ſoient bien dégraiſſés s’ils veulent ſe fourrer par le guichet du Paradis.

Magie. Il y en a de deux ſortes, la blanche & la noire. La premiere eſt très-ſainte & ſe pratique journellement dans l’Egliſe ; ſes Miniſtres ſont des ſorciers qui forcent & Dieu & Diable de faire tous les tours qu’ils leur demandent. La Magie noire eſt illicite pour les laïques, il n’eſt permis qu’aux Prêtres d’avoir affaire avec le Diable.

Mahométiſme. Religion ſanguinaire dont l’odieux fondateur voulut que ſa loi fût établie par le fer & par le feu ; on ſent la différence de cette religion de ſang & de celle du Chriſt qui ne prêcha que la douceur, & dont en conſéquence le Clergé établit ſes ſaint dogmes par le fer & par le feu.

Maigre. Les Chrétiens Grecs & Latins ſont convaincus que le Très-Haut, ſemblable à un Commis de barriere, examine avec attention du haut de ſa lucarne éternelle, les marchandiſes qui paſſent dans l’eſtomac des fideles ; il ne peut ſupporter que pendant le Carême on y faſſe entrer des dindons, des poulardes, du mouton ; mais il eſt très-content quand il y voit entrer des harangs, de la morue, des anguilles à la Needham, & même des œufs, pourvû que Monſeigneur l’Archevêque y conſente.

Mal. C’eſt par le péché d’Adam que le mal eſt entré dans le monde ; ſi le ſot n’eût péché nous n’aurions eu ni la galle, ni la teigne, ni la rogne, ni la Théologie, ni la foi, qui eſt le remede ſouverain à tous nos maux.

Mal ſonnante. On appelle ainſi toute propoſition qui ne ſonne pas bien aux oreilles des Prêtres. C’eſt, par exemple, une propoſition mal ſonnante que de dire que les Prêtres ne devroient pas être payés en eſpeces ſonnantes des denrées ſpirituelles ou des ſons qu’ils nous vendent.

Manichéiſme. Héréſie juſtement condamnée & déteſtée par les Chrétiens. Les Manichéens admettent dans l’univers deux principes égaux en puiſſance, ce qui eſt abominable ; les Chrétiens admettent un Dieu tout-puiſſant dont le Diable à chaque inſtant peut renverſer les projets, ce qui eſt très-orthodoxe.

Mariage. Etat d’imperfection, dont l’Egliſe a pourtant fait un Sacrement ; il n’a qu’une choſe de bonne, c’eſt de valoir de l’argent aux Prêtres, qui ont ſagement inventé des empêchemens afin d’avoir le plaiſir d’en diſpenſer pour de l’argent.

Martyrs. Ce ſont de ſaints entêtés qui ſe font empriſonner, fuſtiger, déchirer & brûler pour prouver à l’univers que leurs Prêtres n’ont point tort. Toutes les Religions ont des Martyrs ; mais les Martyrs véritables ſont ceux qui ſont morts pour la Religion véritable ; la Religion véritable eſt celle qui n’eſt pas fauſſe, ou dont les Prêtres ont raiſon.

Maſſacres. Boucheries ſacrées, que pour le bien des nations la ſainte Théologie a fondées ſur la terre, pour l’édification des élus & pour le maintien de la foi. Les bons Catholiques ſe rappellent avec joye les maſſacres des Albigeois, les maſſacres d’Irlande, & ſur-tout le ſaint maſſacre de la Saint-Barthélemi, dont le ſaint Abbé de Caveyrac vient de faire l’apologie.

Matérialiſme. Opinion abſurde, c’eſt-à-dire contraire à la Théologie, que ſoutiennent des impies qui n’ont point aſſez d’eſprit pour ſavoir ce que c’eſt qu’un eſprit, ou une ſubſtance qui n’a aucune des qualités que nous pouvons connoître. Les premiers docteurs de l’Egliſe étoient un peu matérialiſtes ; les grivois croyoient Dieu & l’ame matérielle ; mais la Théologie a changé tout cela, & ſi les Peres de l’Egliſe revenoient aujourd’hui, la Sorbonne pourroit bien les faire cuire pour leur apprendre le dogme de la ſpiritualité.

Matines. Prieres que l’on chante pendant la nuit dans l’Egliſe Romaine, pour empêcher le Pere éternel, qui eſt ſujet à roupiller, de s’endormir ſur les beſoins de ſes enfans chéris.

Méchant. Dieu eſt infiniment bon, mais il eſt très-eſſentiel de le faire, ſans en rien dire, plus méchant que le Diable ; il en revient toujours quelque choſe à ceux qui ſavent le ſecret de l’appaiſer ; avec un Dieu trop bon le Clergé feroit très-mal ſes affaires.

Médecins. On ſait que les Prêtres ſont les médecins des ames : ils ont ſoin de nous rendre bien galleux afin de nous procurer le plaiſir de nous gratter longtems. Quant aux remedes qu’ils employent, ils ont volontiers recours à la purgation, aux ſaignées & ſur-tout aux cauſtiques. Leurs pillules ſont ameres, elles ne ſont jamais bien dorées que pour eux.

Méditation. Un bon Chrétien n’a rien de mieux à faire en ce monde que de méditer ſans relâche les myſteres de ſa Religion : c’eſt une beſogne qui peut l’amuſer quelque tems, ſur-tout s’il ſe propoſe d’y comprendre quelque choſe.

Melchiſedech. Prêtre qui n’avoit ni pere ni mere ; il étoit la figure ou le modele de nos Prêtres Chrétiens qui ſe détachent par piété de tous les liens du ſang pour s’attacher à l’Egliſe. Un Prêtre ne doit tenir ni à ſa patrie ni à ſa famille quand il s’agit de la banniere ſacrée.

Per calcatum perge Patrem,
Per calcatam perge matrem,
Et ad crucis fignum evola.

Mendians. Moines qui ont juré à Dieu de ne rien poſſéder en propre, & de vivre aux dépens de ceux qui poſſedent quelque choſe. On ne ſauroit en avoir trop dans un Etat : les gueux ſont les amis de Dieu ; ils ont au moins pour les autres un crédit qu’ils n’employent point pour eux-mêmes.

Mercénaires. Ce ſont des gens qui ne font rien pour rien : les Prêtres du Seigneur ne ſont point des mercénaires ; ils nous font peur gratuitement, ils ſe diſputent gratuitement, ils perſécutent gratuitement, ils troublent gratuitement la Société, & n’attendent que de Dieu ſeul la récompenſe de leurs peines ; pourvu néanmoins que les peuples ſe rendent caution pour lui ou les payent d’avance.

Merveilleux. C’eſt la baſe de toute Religion ; c’eſt tout ce que l’on ne peut comprendre ; c’eſt tout ce qui fait ouvrir de grands yeux & de grandes oreilles aux bons hommes & aux bonnes femmes ; les malins qui manquent de foi ne voyent rien de merveilleux en ce monde que la docilité du genre humain & l’intrépidité des Prêtres, qui ſont de grandes merveilles annoncées par Jérémie, qui prétend que les Prêtres ne rougiſſent jamais ; facies Sacerdotum non erubuerunt. voyez lament. ch iv.

Meſſe. C’eſt dans l’Egliſe Romaine une ſuite de cérémonies magiques, de prieres en beau latin, de tours de gobelet qu’un Prêtre a ſeul droit de faire. La Meſſe ſert à rappeller à Dieu la mort de ſon cher fils ; trait qui fait autant d’honneur à ſa bonté qu’à ſa juſtice divine.

Meſſie. C’eſt le libérateur du peuple d’Iſraël ; celui-ci n’eut point l’eſprit de le reconnoître dans un garçon charpentier, qui n’a pu ſe délivrer lui-même de la potence ; en récompenſe il a délivré de la mort & du péché les Chrétiens, qui depuis ſon aventure ne meurent & ne pechent plus, comme chacun peut s’en aſſurer pour peu qu’il veuille fermer les yeux.

Métaphyſique. Science très-importante & très-ſublime, à l’aide de laquelle chacun peut ſe mettre à portée de connoître à fond de belles choſes dont ſes ſens ne lui fourniſſent aucune idée. Tous les Chrétiens ſont de profonds métaphyſiciens ; il n’eſt point de ravaudeuſe qui ne ſache imperturbablement ce que c’eſt qu’un pur eſprit, une ame immatérielle, un ange, & ce qu’on doit penſer de la grace efficace par elle-même.

Militante. Epithete qui convient à l’Egliſe ; tant qu’elle eſt ſur la terre, elle eſt aux priſes avec la raiſon ; ſes Miniſtres ſont des guerriers qui n’ont rien de mieux à faire que de s’eſcrimer les uns contre les autres pour gagner l’argent de ceux qui s’amuſent de leurs combats, ou de faire faire des exécutions militaires contre ceux qui refuſent de payer.

Miracles. Oeuvres ſurnaturelles, c’eſt-à-dire contraires aux lois ſages que la Divinité immuable a preſcrites à la nature. Avec de la foi on fait des miracles tant qu’on veut, & avec de la foi on les croit tant qu’on peut. Quand la foi diminue on ne voit plus de miracles, & la nature pour lors va tout bonnement ſon petit train.

Miſéricorde. Attribut diſtinctif du Dieu des Chrétiens, mais non pas de ſes Prêtres, qui brûlent ſans miſéricorde en ce monde & dans l’autre ceux qui n’ont pas l’avantage de leur plaire. Cependant les Evêques montrent de la miſéricorde dans leurs mandemens ; c’eſt de la miſéricorde divine qu’ils tiennent les Evêchés que les Rois ont accordés à leurs ſollicitations preſſantes.

Miſſionnaires. Ce ſont de ſaints enrôleurs, qui au riſque d’être fuſtigés ou pendus, vont dans des pays lointains recrûter des ames à Dieu, des martyrs à l’Egliſe & des richeſſes à leurs couvents. A l’aide de l’eau-de-vie & des mouſquets, les Miſſions ont aſſez de ſuccès.

Moines. Prêtres réguliers, c’eſt-à-dire enrégimentés ; ils ſont vêtus de blanc, de gris, de brun, de noir ; avec des barbes ou ſans barbes ; ayant piece ſans barbe ou barbe ſans piece, ou barbe & piece : en un mot ce ſont des hommes infiniment utiles à la Société, ſur laquelle en conſéquence ils ont le droit de lever des impôts journaliers quand ils n’ont point de biens-fonds. Les Moines ſont les ſoutiens & les lumieres de l’Egliſe Romaine ; les Nations qui ſont privées de cette utile denrée, ſont riches, & par conſéquent ſeront à coup ſûr damnées. Cet Article eſt du R. P Hayer, Récollet.

Moliniſtes. Ce ſont des gens qui ont ſur la Grace un Syſtême oppoſé à celui des Janſéniſtes. La Cour, qui s’entend parfaitement en Théologie, a toujours un peu panché pour le Syſtême de Molina, qu’elle a mûrement examiné ; quant au Clergé, il eſt communément de l’avis de celui qui tient la feuille des bénéfices : celui-ci n’eſt contredit que par quelques poiloux qui n’ont point de part à eſpérer dans le gâteau ſacré.

Monde. Dans l’eſprit d’un Chrétien bien dévot le monde eſt la choſe la plus haïſſable du monde ; il doit s’en détacher pour ne penſer qu’à l’autre monde, & pour bien faire il doit commencer par donner tout ſon bien aux Prêtres, dont le Royaume n’eſt pas de ce monde.

Morale Chrétienne. Elle eſt bien plus excellente que la morale humaine ou Philoſophique, qui lui eſt très-oppoſée. Elle conſiſte à être bien dévot, à bien prier, à bien croire, à être bien zêlé, bien triſte, bien malfaiſant, bien oiſif ; tandis que la morale profane preſcrit d’être juſte, actif, indulgent et bienfaiſant. D’où l’on peut conclure que ſans la religion chrétienne il ne pourroit y avoir de morale ſur la terre.

Mort. La mort eſt la ſolde du péché ; ſans le péché d’Adam les hommes ne ſeroient point morts ; les arbres ne ſeroient point morts, les chiens ne ſeroient point morts. Tous les arbres ont péché en la perſonne de l’arbre qui porta le fruit défendu ; tous les animaux ont péché en la perſonne du ſerpent ſéducteur ; tous les hommes ont péché en la perſonne d’Adam, & voilà pourquoi les hommes, les animaux & les plantes ſont ſujets à la mort. Conſolons-nous pourtant ; la mort pour les Chrétiens eſt l’entrée de la vie, & fait bien vivre nos ſacrificateurs, qui tirent un auſſi grand parti des morts que des vivans : les ſacrés corbeaux & les ſaints cormorans ſont fortement attirés par l’odeur d’un cadavre.

Mortifications. Ce ſont mille petites inventions curieuſes que les bons Chrétiens ont imaginées pour ſe faire périr à petit feu, ou pour ſe rendre la vie inſupportable. Il eſt clair que le Dieu de la bonté ne nous a donné la vie & la ſanté que pour que nous euſſions la gloire de les détruire peu à peu ; il n’eſt point permis de ſe tuer tout d’un coup, cela pourroit empêcher le plaiſir que le bon Dieu prend à nos ſouffrances de durer aſſez longtems.

Mots. Dans l’uſage ordinaire les mots ſont deſtinés à peindre des objets réels, exiſtans & connus ; dans la Théologie les mots ſont deſtinés à ne peindre que des mots.

Mourans. Si les malades & les mourans ne ſont plus d’une grande reſſource pour la Société, l’Egliſe en récompenſe en fait bien ſes choux gras ; elle ſait qu’on eſt aſſez généreux de ce qu’on eſt obligé de laiſſer en arriere. C’eſt près du lit des mourans que le Clergé triomphe ; ſouvent alors les incrédules eux-mêmes reconnoiſſent leurs erreurs ; ils ſe rendent à des argumens que la peur, ou que l’affoibliſſement du corps et & l’eſprit font trouver invincibles. Les vérités de la Religion ne ſont jamais mieux ſenties que par ceux qui ſont incapables de raiſonner.

Moutarde. Denrée très-précieuſe & très-rare dans la Religion. On ſait que gros de foi comme un grain de moutarde ſuffit pour tranſporter des montagnes. Le Pape en a pour ſa part une ſi grande proviſion qu’il lui faut un homme tout exprès pour la porter ; c’eſt lui que l’on déſigne ſous le nom de premier moutardier du Pape.

Moyſe. Prophête inſpiré de Dieu, qui lui donna une loi divine & ſainte, que Dieu fut obligé de changer par la ſuite, vû qu’elle ne valoit plus rien. Moyſe cauſoit familiérement avec le derriere de Dieu. Il étoit le plus doux des hommes, comme il l’a dit lui-même ; cependant il fit par fois égorger quelques milliers d’Iſraëlites ; il fut en cela la figure de l’Egliſe qui, comme on ſait, eſt la plus tendre & la plus douce des Meres, quoique de tems en tems elle joue des tours ſanglans à ſes enfans bien-aimés.

Myſteres. Ce ſont des choſes qu’on ne comprend pas, mais qu’on doit croire ſans les comprendre, ce qui devient très-facile quand on a de la foi. Dieu dans ſa miſéricorde, ennuyé de l’ignorance des hommes, eſt venu les éclairer lui-même ; il eſt deſcendu de ſon trône tout exprès pour leur apprendre qu’ils devoient ne rien entendre à ce qu’il venoit leur apprendre. Toutes les fois que dans la Religion vous trouverez quelque choſe d’embaraſſant pour les Prêtres, qu’ils ne peuvent expliquer, de bien contraire au bon ſens, dites que c’eſt un myſtere ; c’eſt le ſecret de l’Egliſe.

Mystique (Sens). C’eſt un ſens auquel perſonne ne comprend rien, ou qui rend la choſe expliquée plus obſcure qu’auparavant. Toutes les fois qu’un Théologien rencontre dans la parole divine quelque choſe d’oppoſé au ſens commun, il doit y chercher un ſens myſtique ; la foi vous ordonne de trouver qu’il a raiſon, quoique ni vous ni lui ne ſachiez ce que veut dire ni la choſe qu’il explique, ni l’explication qu’il en donne.