Théologie portative, ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne/O

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Obéiſſance. Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes : or obéir à Dieu c’eſt obéir au Clergé ; d’où il ſuit qu’un bon Chrétien ne doit obéir à ſon Prince qu’autant que les volontés du Prince ſont approuvées du Clergé.

Obſcurités. On rencontre parfois des obſcurités dans la Bible & dans la religion ſainte que Dieu lui-même a révélée. Les gens ſans foi en ſont choqués, les dévots adorent en ſilence tout ce qu’ils n’entendent point. Une religion qui ſeroit claire ſeroit bientôt flambée, nos interpretes ſacrés n’auroient rien à nous dire ſi Dieu eût parlé trop clairement.

Odeur de Sainteté. Les ſaints ne ſont pas communément des Seigneurs bien muſqués ; mais l’odeur qui s’exhale d’un Capucin, ſur-tout après ſa mort, eſt pour les nez dévots un parfum plus délectable que l’eau des Sultanes ne peut l’être pour le nez d’un mondain.

Oeuvres pies. C’eſt ainſi que l’on nomme en général toutes les gratifications, les legs, les préſens, les fondations &c. faits en faveur de l’Egliſe, c’eſt-à-dire qui ont pour objet de réjouir les Miniſtres du Seigneur aux dépens des familles & des parens.

Offenſes. La Divinité, toute-puiſſante qu’elle eſt, & quoiqu’elle jouiſſe d’un bien-être inaltérable, par complaiſance pour ſon Clergé, permet que l’on trouble ſans ceſſe ſa propre félicité ; elle s’offenſe à tout moment des penſées, des paroles, des actions de ſes créatures, le tout pour que ſes Prêtres, dont le métier eſt d’expier les offenſes qu’on lui fait, puiſſent avoir de quoi s’occuper. Si Dieu ne s’offenſoit point adieu la caiſſe du Clergé, & Mr. de St. Julien ſeroit forcé de plier boutique.

Offrandes. Le Dieu de l’univers n’a beſoin de rien ; un pur Eſprit doit faire aſſez maigre chere & ſe contenter d’offrandes ſpirituelles ; cependant comme ſes Prêtres ne ſont point de purs eſprits, Dieu exige qu’on leur donne des offrandes bien graſſes ; ce n’eſt que pour qu’on ait l’occaſion de leur offrir quelque choſe que la Divinité répand ſes bienfaits ſur la Terre ; Dieu s’eſt formellement expliqué là-deſſus dans le Deutéronome où il dit : ſacrificia Domini & oblationes ejus comedent.

Oints du Seigneur. Ce ſont des hommes bien gras, ou à qui l’on eſt obligé de bien graiſſer la patte. Les Prêtres ont eu de tout tems un goût marqué pour la graiſſe ; ils ſe nourriſſent partout de la graiſſe que leurs prieres font tomber ſur la Terre. Dieu par la bouche de Jérémie promet à ſes chers Prêtres de les enyvrer de graiſſe, ce qui rendra ſon peuple bien plus gras. Inebriabo animam Sacerdotum pinguedine, & populus meus implebitur bonis. voyez Jerem. ch. xxxiv. ℣. 14. Dans l’Egliſe Romaine on frotte les doigts des Prêtres avec un onguent divin pour les mettre à portée de guérir les playes des ames de ceux qu’ils ont bien dégraiſſés.

Oiſiveté. C’eſt la mere de tous les vices. S’il n’y avoit point de Prêtres dans le monde les peuples ne travailleroient point aſſez & deviendroient des vauriens ; les Moines & les Prêtres ne ſe vouent à l’oiſiveté que pour diminuer le nombre des vices des Laïques qui par là ſont forcés de travailler pour eux-mêmes & pour la nombreuſe armée des pareſſeux du Seigneur.

Omni-ſcience. Qualité qui convient excluſivement à Dieu ; cependant il fait ſemblant d’ignorer ce que nous devons faire, vû que nous ſommes libres dans nos actions. La Divinité communique à ſes Prêtres ſon omni-ſcience ; un Théologien ſait tout & ne doute jamais de rien. C’eſt ſur-tout dans les choſes où perſonne ne voit goute qu’on voit briller la ſcience & le ſavoir faire des Théologiens.

Oracles. Réponſes obſcures & ambigues que le Diable, qui eſt le pere du menſonge, rendoit autrefois par l’organe des Prêtres payens, qui étoient de grands fripons. Ces Oracles trompeurs ont ceſſé depuis la venue de Jéſus-Chriſt ; depuis ce tems nous n’avons plus que des Oracles clairs, intelligibles, & ſur le ſens deſquels l’on ne peut point diſputer.

Oraiſon. Voyez prières.

Oraiſons funebres. Ce ſont des diſcours en l’honneur des grands, qui ſont toujours, comme on ſait, des hommes merveilleux quand ils ſont morts ; les faiſeurs d’oraiſons funebres ne peuvent jamais mentir, vû qu’ils ſont aſſis dans la chaîre de vérité.

Ordre. De tous les Sacremens c’eſt le plus utile à l’Egliſe ; c’eſt lui qui fait ſans effort provigner la tribu de Lévi ſi néceſſaire à nos ames. Dans les Egliſes Romaine & Anglicane un Evêque a ſeul droit de conférer ce précieux Sacrement ; en impoſant ſes pattes ſacrées ſur le crâne d’un profane, il y fait deſcendre perpendiculairement les dons du Saint-Eſprit, & ſur-tout le droit excluſif d’en impoſer aux autres.

Ordre de l’univers. C’eſt l’arrangement merveilleux qu’ont le bonheur de voir dans la nature ceux qui la regardent avec les beſicles de la foi ; elles ont la vertu d’empêcher ceux qui les portent d’apercevoir aucun déſordre dans le monde. Ils n’y voyent ni maladies, ni crimes, ni guerres, ni tremblemens de terre, ni Théologiens intolérans. Tout eſt dans l’ordre quand nos Sacrificateurs ont bien dîné : quiconque trouble leur digeſtion eſt un perturbateur de l’ordre public ; Dieu, pour s’en venger, eſt en conſcience obligé de troubler l’ordre de la nature & les Souverains l’ordre de la Société.

Ordres Monaſtiques. Ce ſont différens Régimens de Moines, qui ſervent comme Volontaires dans l’armée divine ; ils ſont matériellement ſoudoyés par les peuples pour les protéger ſpirituellement contre les attaques ſpirituelles des eſprits malins, & pour faire ſpirituellement pleuvoir ſur les ames des graces ſpirituelles, dont les corps des Moines ſe trouvent aſſez bien.

Oreilles. Organes dont il eſt très-néceſſaire qu’un Chrétien ſoit bien pourvu ; attendu que la foi nous vient par les oreilles, fides ex auditu comme a dit S. Paul. Voyez Anes, Education, Perroquets.

Orgueil. Haute opinion que nous avons de nous-mêmes ; les Miniſtres de l’Egliſe en ſont totalement exempts. Le Pape, qui a ſouvent traité les Rois en petits garçons, n’eſt que le Serviteur des Serviteurs de Dieu, ce qui prouve qu’il n’a point d’orgueil, ou qu’il n’oſe le montrer.

Originel (péché). C’eſt une fraſque commiſe il y a ſix ou ſept mille ans, qui a cauſé du charivari dans le Ciel & ſur la Terre. Tout homme avant de naître a malgré lui pris part à ce péché ; c’eſt en conſéquence de ce péché que les hommes meurent & commettent des péchés. Le fils de Dieu eſt venu mourir lui-même pour expier ce péché, mais malgré ſes efforts & tous ceux de ſon Pere la tache originelle ſubſiſtera toujours.

Orthodoxes. Ce ſont les opinions de ceux qui ont raiſon, qui ne ſont point hérétiques, qui ont pour eux les Princes, les archers & les bourreaux. L’Orthodoxie, comme les Barometres, eſt ſujette à varier dans les Etats Chrétiens ; elle dépend toujours du tems qu’il fait à la cour.

Oubli des injures. Conduite très-louable dans les laïques & qui leur eſt preſcrite dans l’Evangile ; les Prêtres en ſont néanmoins diſpenſés ; ils ne peuvent jamais pardonner, vû que ce n’eſt point eux mais c’eſt Dieu qu’on offenſe ; le Dieu des miſéricordes ne leur pardonneroit jamais d’avoir pardonné à ceux qui l’ont offenſé ; ſur-tout dans la perſonne du Clergé, c’eſt-là l’endroit ſenſible de la Divinité ; c’eſt le péché contre le Saint-Eſprit qui ne ſera remis ni dans ce monde ni dans l’autre. Cependant le Clergé, ſans bleſſer la Divinité, peut pardonner à ceux qu’il a fait exterminer, à moins qu’ils n’euſſent laiſſé des enfans, des parens, des amis que l’on pût encore maltraiter, d’après la juriſprudence de la Bible.

Oye. On appelle de certains contes ; des contes de ma mere l’oye. Les contes que l’Egliſe nous conte ſont des contes de ma mere l’oye, vû que nous ſommes des oyſons & que l’Egliſe eſt notre mere.