CHAPITRE III.
PROPAGATION DE LA CHALEUR DANS UN SOLIDE RECTANGULAIRE INFINI.
SECTION PREMIÈRE.
Exposition de la question.
163.
Les questions relatives à la propagation uniforme ou au
mouvement varié de la chaleur dans l’intérieur des solides,
sont réduites, par ce qui précède, à des problèmes d’analyse
pure, et les progrès de cette partie de la physique
dépendront désormais de ceux que fera la science du calcul.
Les équations différentielles que nous avons démontrées,
contiennent les résultats principaux de la théorie, elles
expriment, de la manière la plus générale et la plus concise,
les rapports nécessaires de l’analyse numérique avec une
classe très-étendue de phénomènes, et réunissent pour
toujours aux sciences mathématiques, une des branches les
plus importantes de la philosophie naturelle. Il nous reste
maintenant à découvrir l’usage que l’on doit faire de ces
équations pour en déduire des solutions complètes et d’une
application facile. La question suivante offre le premier
exemple de l’analyse qui conduit à ces solutions ; elle nous a paru plus propre qu’aucune autre à faire connaître les
éléments de la méthode que nous avons suivie.
164.
Nous supposons qu’une masse solide homogène est contenue
entre deux plans verticaux B et C parallèles et infinis,
et qu’on la divise en deux parties par un plan A perpendiculaire
aux deux autres (voy. fig. 7) ; nous allons considérer
les températures de la masse BAC comprise entre
les trois plans infinis A, B, C. On suppose que l’autre
partie B’AC’ du solide infini est une source constante de
chaleur, c’est-à-dire que tous ses points sont retenus à la
température 1, qui ne peut jamais devenir moindre, ni plus
grande. Quant aux deux solides latéraux compris l’un entre
le plan C et le plan A prolongé, l’autre entre le plan B et le
plan A prolongé, tous leurs points ont une température
constante 0, et une cause extérieure leur conserve toujours
cette même température ; enfin les molécules du solide compris
entre A, B et C, ont la température initiale 0. La chaleur
passera successivement du foyer A dans le solide BAC ; elle
s’y propagera dans le sens de la longueur qui est infinie, et
en même temps elle se détournera vers les masses froides
B et C qui en absorberont une grande partie. Les températures
du solide BAC s’élèveront de plus en plus ; mais elles
ne pourront outre-passer ni même atteindre un maximum
de température, qui est différent pour les différents points
de la masse. Il s’agit de connaître l’état final et constant dont
l’état variable s’approche de plus en plus.
Si cet état final était connu et qu’on le formât d’abord, il
subsisterait de lui-même, et c’est cette propriété qui le distingue
de tous les autres. Ainsi la question actuelle consiste à déterminer les températures permanentes d’un solide rectangulaire
infini, compris entre deux masses de glace B et C
et une masse d’eau bouillante A ; la considération des questions
simples et primordiales est un des moyens les plus certains
de découvrir les lois des phénomènes naturels, et nous
voyons, par l’histoire des sciences, que toutes les théories se
sont formées suivant cette méthode.
165.
Pour exprimer plus brièvement la même question, on suppose
qu’une lame rectangulaire BAC, d’une longueur infinie,
est échauffée par son extrémité A, et conserve dans tous les
points de cette base une température constante 1, tandis que
chacune des deux arêtes infinies B et C, perpendiculaires à
la première, est aussi assujétie dans tous ses points à une
température constante 0 ; il s’agit de déterminer quelles doivent
être les températures stationnaires de chaque point de
la lame.
On suppose qu’il ne se fait à la superficie aucune déperdition
de chaleur, ou, ce qui est la même chose, on considère
un solide formé par la super-position d’une infinité de lames
pareilles à la précédente ; on prend pour l’axe des la droite
qui partage la lame en deux moitiés, et les coordonnées
de chaque point m sont et enfin on représente la largeur
A de la lame par ou, pour abréger le calcul, par
valeur de la demi-circonférence.
Concevons qu’un point m de la lame solide BAC, qui a pour
coordonnées et ait la température actuelle et que les
quantités qui répondent aux différents points, soient telles
qu’il ne puisse survenir aucun changement dans les températures,
pourvu que celle de chaque point de la base A soit toujours 1, et que les côtés B et C conservent dans tous leurs
points la température 0.
Si l’on élevait en chaque point m une coordonnée verticale
égale à la température on formerait une surface courbe
qui s’étendrait au-dessus de la lame et se prolongerait à l’infini.
Nous chercherons à connaître la nature de cette surface
qui passe par une ligne parallèle élevée au-dessus de l’axe
des à une distance égale à l’unité, et qui coupe le plan
horizontal, suivant les deux arêtes infinies parallèles aux
166.
Pour appliquer l’équation générale
on considérera que, dans le cas dont il s’agit, on fait abstraction
d’une coordonnée en sorte que le terme doit être
omis ; quant au premier membre il s’évanouit, puisqu’on
veut déterminer les températures stationnaires ; ainsi
l’équation qui convient à la question actuelle, et détermine
les propriétés de la surface courbe cherchée est celle-ci,
La fonction de et qui représente l’état permanent
du solide BAC, doit 1o satisfaire à l’équation 2o devenir
nulle lorsqu’on substitue ou au lieu de
quelle que soit d’ailleurs la valeur de 3o elle doit être
égale à l’unité, si l’on suppose et si l’on attribue à une valeur quelconque comprise entre et
Il faut ajouter que cette fonction doit devenir extrêmement
petite lorsqu’on donne à une valeur très-grande, puisque
toute la chaleur sort du seul foyer A.
167.
Afin de considérer la question dans ses éléments, on cherchera
en premier lieu les plus simples fonctions de et
qui puissent satisfaire à l’équation ensuite on donnera à
cette valeur de une expression plus générale, afin de remplir
toutes les conditions énoncées. Par ce moyen la solution
acquerra toute l’étendue qu’elle doit avoir, et l’on démontrera
que la question proposée ne peut admettre aucune autre
solution.
Les fonctions de deux variables se réduisent souvent à
une expression moins composée, lorsqu’on attribue à l’une
des variables ou à toutes les deux une valeur infinie ; c’est ce
que l’on remarque dans les fonctions algébriques qui, dans
ce cas, équivalent au produit d’une fonction de par une
fonction de Nous examinerons d’abord si la valeur de
peut être représentée par un pareil produit ; car cette fonction
doit représenter l’état de la lame dans toute son
étendue, et par conséquent celui des points dont la coordonnée
est infinie. On écrira donc substituant
dans l’équation et désignant par et
par on aura on pourra donc supposer
et étant une constante quelconque,
et comme on se propose seulement de trouver une valeur particulière de on déduira des équations précédentes
168.
On ne pourrait point supposer que est un nombre négatif,
et l’on doit nécessairement exclure toutes les valeurs
particulières de où il entrerait des termes tels que
étant un nombre positif, parce que la température ne peut
point devenir infinie, lorsque est infiniment grande. En
effet la chaleur n’étant fournie que par la source constante
A, il ne peut en parvenir qu’une portion extrêmement petite
dans les points de l’espace, qui sont très-éloignés du foyer.
Le reste se détourne de plus en plus vers les arêtes infinies
B et C, et se perd dans les masses froides qu’elles terminent.
L’exposant qui entre dans la fonction
n’est pas déterminé, et l’on peut choisir pour cet exposant
un nombre positif quelconque : mais, pour que devienne
nulle en faisant ou quelle que soit
on prendra pour un des termes de la suite, 1, 3, 5,
7, 9, etc. ; par ce moyen la seconde condition sera remplie.
169.
On formera facilement une valeur plus générale de en
ajoutant plusieurs termes semblables aux précédents, et l’on
aura + + + Il est évident que
cette fonction désignée par satisfait à l’équation
et à la condition Il reste à remplir une troisième condition, qui est exprimée ainsi :
et il est nécessaire de remarquer que ce résultat
doit avoir lieu lorsqu’on met pour une valeur quelconque,
comprise entre et On ne peut en rien
inférer pour les valeurs que prendrait la fonction
si l’on mettait au lieu de une quantité non comprise entre
les limites et L’équation doit donc être assujétie
à la condition suivante :
C’est au moyen de cette équation que l’on déterminera les
coëfficients etc. dont le nombre est infini.
Le second membre est une fonction de qui équivaut à
l’unité, toutes les fois que la variable est comprise entre
et On pourrait douter qu’il existât une pareille
fonction, mais cette question sera pleinement éclaircie par la
suite.
170.
Avant de donner le calcul des coëfficients, nous remarquerons
l’effet que représente chacun des termes de la série
dans l’équation
Supposons que la température fixe de la base A, au lieu
d’être égale à l’unité pour tous ses points, soit d’autant
moindre que le point de la droite A est plus éloigné du milieu
O, et qu’elle soit proportionnelle au cosinus de cette
distance ; on connaîtra facilement dans ce cas la nature de la
surface courbe, dont l’ordonnée verticale exprime la température
ou Si l’un coupe cette surface à l’origine par un plan perpendiculaire à l’axe des la courbe qui termine
la section aura pour équation les valeurs
des coëfficients seront les suivantes :
ainsi de suite, et l’équation de la surface courbe sera
Si l’on coupe cette surface perpendiculairement à l’axe des
on aura une logarithmique dont la convexité est tournée
vers l’axe ; si on la coupe perpendiculairement à l’axe des
on aura une courbe trigonométrique qui tourne sa concavité
vers l’axe. Il suit de là que la fonction a toujours une valeur
positive, et que celle de est toujours négative. Or
la quantité de chaleur qu’une molécule acquiert à raison de sa
place entre deux autres dans le sens des est proportionnelle
à la valeur de . (art. 123) ; il s’ensuit donc que la molécule
intermédiaire reçoit de celle qui la précède, dans le sens
des plus de chaleur qu’elle n’en communique à celle qui
la suit. Mais, si l’on considère cette même molécule comme
placée entre deux autres dans le sens des la fonction
étant négative, on voit que la molécule intermédiaire
communique à celle qui la suit plus de chaleur qu’elle n’en reçoit
de celle qui la précède. Il arrive ainsi que l’excédent de chaleur
qu’elle acquiert dans le sens des compense exactement
ce qu’elle perd dans le sens des comme l’exprime l’équation On connaît ainsi la route que suit la
chaleur qui sort du foyer A. Elle se propage dans le sens
des et en même temps elle se décompose en deux parties,
dont l’une se dirige vers une des arêtes, tandis que l’autre
partie continue de s’éloigner de l’origine, pour être décomposée
comme la précédente et ainsi de suite à l’infini. La
surface que nous considérons est engendrée par la courbe
trigonométrique, qui répond à la base A, et se meut perpendiculairement
à l’axe des en suivant cet axe, pendant que
chacune de ses ordonnées décroît à l’infini, proportionnellement
aux puissances successives d’une même fraction.
On tirerait des conséquences analogues, si les températures
fixes de la base A étaient exprimées par le terme
et l’on peut, d’après cela, se former une idée exacte du mouvement
de la chaleur dans les cas plus généraux ; car on
verra par la suite que ce mouvement se décompose toujours
en une multitude de mouvements élémentaires, dont chacun
s’accomplit comme s’il était seul.
SECTION II.
Premier exemple de l’usage des séries trigonométriques dans la théorie de la chaleur.
171.
Nous reprendrons maintenant l’équation
dans laquelle il faut déterminer les coëfficients
etc.
Pour que cette équation subsiste, il est nécessaire que les
constantes satisfassent aux équations que l’on obtient par
des différentiations successives, ce qui donne les résultats
suivants :
ainsi de suite à l’infini.
Ces équations devant avoir lieu lorsque on aura
Le nombre de ces équations est infini comme celui des
indéterminées etc. La question consiste à
éliminer toutes les inconnues, excepté une seule.
172.
Pour se former une idée distincte du résultat de ces éliminations,
on supposera que le nombre des inconnues
etc., est d’abord défini et égal à On emploiera les
, premières équations seulement, en effaçant tous les termes où se trouvent les inconnues qui suivent les premières. Si
l’on fait successivement ainsi de
suite, on trouvera dans chacune de ces suppositions, les valeurs
des indéterminées La quantité par exemple, recevra une
valeur pour le cas de deux inconnues, une autre pour le cas de
trois inconnues, ou pour le cas de quatre inconnues, ou successivement
pour un plus grand nombre. Il en sera de même de l’indéterminée
qui recevra autant de valeurs différentes que l’on
aura effectué de fois l’élimination ; chacune des autres indéterminées
est pareillement susceptible d’une infinité de valeurs
différentes. Or la valeur d’une des inconnues, pour le cas
ou leur nombre est infini, est la limite vers laquelle tendent
continuellement les valeurs qu’elle reçoit au moyen des éliminations
successives. Il s’agit donc d’examiner si, à mesure
que le nombre des inconnues augmente, chacune des valeurs
etc. ne converge point vers une limite finie,
dont elle approche continuellement.
Supposons que l’on emploie les sept équations suivantes :
Les six équations qui ne contiennent plus g, sont :
En continuant l’élimination, on obtiendra l’équation
finale en qui est :
173.
Si l’en avait employé un nombre d’équations plus grand
d’une unité, on aurait trouvé, pour déterminer une équation
analogue à la précédente, ayant au premier membre un
facteur de plus, savoir : et au second membre
pour nouveau facteur. La loi à laquelle ces différentes valeurs
de sont assujéties est évidente, et il s’ensuit que la
valeur de qui correspond à un nombre infini d’équations,
est exprimée ainsi :
|
|
ou |
|
Or cette dernière expression est connue et, suivant le
théorème de Wallis, on en conclut Il ne s’agit donc maintenant que de connaître les valeurs des autres
indéterminées.
174.
Les six équations qui restent après l’élimination de peuvent
être comparées aux six équations plus simples que
l’on aurait employées, s’il n’y avait eu que six inconnues.
Ces dernières équations diffèrent des équations en
que, dans celles-ci, les lettres se trouvent
multipliées respectivement par les facteurs
Il suit de là que si on avait résolu les six équations
linéaires que l’on doit employer dans le cas de six indéterminées,
et que l’on eût calculé la valeur de chaque inconnue,
il serait facile d’en conclure la valeur des indéterminées de
même nom, correspondantes au cas où l’on aurait employé
sept équations. Il suffirait de multiplier les valeurs
trouvées dans le premier cas par des facteurs
connus. Il sera aisé, en général, de passer de la valeur de
l’une des quantités, prise dans la supposition d’un certain
nombre d’équations et d’inconnues, à la valeur de la même
quantité, prise dans le cas où il y aurait une inconnue et
une équation de plus. Par exemple, si la valeur de trouvée
dans l’hypothèse de six équations et six inconnues, est représentée
par celle de la même quantité prise dans le cas d’une
inconnue de plus, sera Cette même valeur, prise
dans le cas de huit inconnues, sera, par la même raison,
et dans le cas de neuf inconnues, elle sera
ainsi de suite. Il suffira de même de connaître la valeur de
correspondante au cas de deux inconnues, pour en conclure
celle de la même lettre qui correspond au cas de trois,
quatre, cinq inconnues, etc. On aura seulement à multiplier
cette première valeur de par
Pareillement si l’on connaît la valeur de pour le cas de
trois inconnues, on multipliera cette valeur par les facteurs
successifs
on calculera de même la valeur de par le cas de quatre
inconnues seulement, et on multipliera cette valeur par
Le calcul de la valeur de a est assujéti à la même règle, car
si on prend cette valeur pour le cas d’une seule inconnue,
et qu’on la multiplie successivement par
on trouvera la valeur finale de cette quantité.
175.
La question est donc réduite à déterminer la valeur de
dans le cas d’une inconnue, la valeur de dans le cas de
deux inconnues, celle de dans le cas de trois inconnues, et
ainsi de suite pour les autres inconnues.
Il est facile de juger, à l’inspection seule des équations et
sans aucun calcul, que les résultats de ces éliminations successives
doivent être
176.
Il ne reste qu’à multiplier les quantités précédentes par
les séries des produits qui doivent les compléter et que nous
avons donnés (art. 174). On aura en conséquence, pour les
valeurs finales, des inconnues etc., les expressions suivantes :
La quantité ou le quart de la circonférence équivaut,
suivant le théorème de Wallis, à
Si l’on remarque maintenant quelles sont, dans les valeurs
de etc., les facteurs que l’on doit écrire aux
numérateurs et aux dénominateurs, pour y compléter la
double série des nombres impairs et des nombres pairs, on
trouvera que les facteurs à suppléer sont :
177.
C’est ainsi qu’on est parvenu à effectuer entièrement les
éliminations et à déterminer les coëfficients etc.,
de l’équation
La substitution de ces coëfficients, donne l’équation
suivante :
Le second membre est une fonction de qui ne change
point de valeur quand on donne à la variable une valeur
comprise entre et Il serait aisé de prouver que
cette série est toujours convergente, c’est-à-dire que, en
mettant au lieu de un nombre quelconque, et en poursuivant
le calcul des coëfficients, on approche de plus en
plus d’une valeur fixe, en sorte que la différence de cette
valeur à la somme des termes calculés, devient moindre que
toute grandeur assignable. Sans nous arrêter à cette démonstration,
que le lecteur peut suppléer, nous ferons remarquer
que la valeur fixe, dont on approche continuellement,
est si la valeur attribuée à est comprise entre 0 et
mais qu’elle est si est comprise entre et
car, dans ce second intervalle, chaque terme de la série
change de signe. En général la limite de la série est alternativement
positive et négative ; au reste, la convergence n’est point assez rapide pour procurer une approximation facile,
mais elle suffit pour la vérité de l’équation.
178.
L’équation
appartient à une ligne qui, ayant pour abscisse et pour
ordonnée, est composée de droites séparées dont chacune
est parallèle à l’axe et égale à la demi-circonférence. Ces
parallèles sont placées alternativement au-dessus et au-dessous
de l’axe, à la distance et jointes par des perpendiculaires
qui font elles-mêmes partie de la ligne. Pour se former
une idée exacte de la nature de cette ligne, il faut supposer
que le nombre des termes de la fonction
reçoit d’abord une valeur déterminée. Dans ce dernier cas
l’équation
appartient à une ligne courbe qui passe alternativement
au-dessus et au-dessous de l’axe, en le coupant toutes les
fois que l’abscisse devient égale à l’une des quantités
à mesure que le nombre des termes de l’équation augmente,
la courbe dont il s’agit tend de plus en plus à se confondre
avec la ligne précédente, composée de droites parallèles et de droites perpendiculaires ; en sorte que cette ligne est la
limite des différentes courbes que l’on obtiendrait en
augmentant successivement le nombre des termes.
SECTION III.
Remarques sur ces séries.
179.
On peut envisager ces mêmes équations sous un autre
point de vue, et démontrer immédiatement l’équation
Le cas ou est nulle se vérifie par la série de Léibnitz,
Ensuite on supposera que le nombre des termes de la série
au lieu d’être infini est déterminé et égal à On considérera
la valeur de cette suite finie comme une fonction de
et de On réduira la valeur de la fonction en une série
ordonnée suivant les puissances négatives de et l’on
reconnaîtra que cette valeur approche d’autant plus d’être
constante et indépendante de que est un plus grand
nombre.
Soit la fonction cherchée qui est donnée par l’équation ;
le nombre des termes étant supposé pair. Cette équation
différenciée par rapport à donne
en multipliant par on a
Chaque terme du second membre étant remplacé par la différence
de deux cosinus, on en conclura :
Le second membre se réduit à
ou donc
180.
On intégrera le second membre par parties, en distinguant
dans l’intégrale le facteur qui doit être
intégré successivement, et le facteur ou que l’on
doit différencier successivement ; désignant les résultats de
ces différenciations par etc., on
aura
ainsi la valeur de ou
qui est une fonction de et se trouve exprimée par une
série infinie ; et il est manifeste que plus le nombre augmente,
plus la valeur de approche de celle de la constante.
C’est pourquoi, lorsque le nombre est infini, la
fonction a une valeur déterminée qui est toujours la
même, quelle que soit la valeur positive de moindre
que Or, si l’on suppose l’arc nul, on a
qui équivaut à Donc on aura généralement
181.
Si dans cette équation on suppose on trouvera
En donnant à l’arc d’autres valeurs particulières, on trouvera
d’autres séries, qu’il est inutile de rapporter, et dont
plusieurs ont déjà été publiées dans les ouvrages d’Euler.
Si on multiplie l’équation par et que l’on intègre,
on aura
En faisant dans cette dernière équation on trouve
série déjà connue. On pourrait énumérer à l’infini ces cas
particuliers ; mais il convient mieux à l’objet de cet ouvrage
de déterminer, en suivant le même procédé, les valeurs
de diverses séries formées de sinus ou de cosinus, d’arcs
multiples.
182.
Soit
étant un nombre pair quelconque. On tire de cette équation
multipliant par et remplaçant chaque terme du
second membre par la différence de deux sinus, on aura :
et, en réduisant
la quantité |
|
ou |
|
équivaut à on a donc
on en conclut
Si l’on intègre par parties, en distinguant le facteur
ou qui doit être successivement différencié, et le
facteur que l’on intégrera plusieurs fois de
suite, on formera une série dans laquelle les puissances de
entrent aux dénominateurs. Quant à la constante, elle
est nulle, parce que la valeur de commence avec celle de
Il suit de là que la valeur de la suite finie
diffère extrêmement peu de lorsque le nombre des
termes est très-grand, et si ce nombre est infini, on a l’équation
déjà connue
On pourrait ainsi déduire de cette dernière série, celle que
nous avons donnée plus haut pour la valeur de
183.
Soit maintenant
Différenciant, multipliant par substituant les différences
de cosinus et réduisant, on aura :
intégrant par parties le dernier terme du second membre, et
supposant infini, on a Si dans
l’équation
on suppose nulle, on trouve ;
donc On parvient ainsi à la
série donnée par Euler :
184.
En appliquant le même procédé à l’équation
on trouvera la série suivante, qui n’avait pas été remarquée,
Il faut observer à l’égard de toutes ces séries, que les
équations qui en sont formées n’ont lieu que lorsque la
variable est comprise entre certaines limites. C’est ainsi
que la fonction
n’est équivalente à , que si la variable est contenue
entre les limites que nous avons assignées. Il en est de même
de la série
Cette suite infinie, qui est toujours convergente, donne la
valeur toutes les fois que l’arc est plus grand que 0,
et moindre que Mais elle n’équivaut plus à si l’arc
surpasse elle a au contraire des valeurs très-différentes
de car il est évident que dans l’intervalle de à
la fonction reprend avec le signe contraire toutes les
valeurs qu’elle avait eues dans l’intervalle précédent, depuis
jusqu’à Cette série est connue depuis longtemps,
mais l’analyse qui a servi à la découvrir n’indique
pas pourquoi le résultat cesse d’avoir lieu lorsque la variable
surpasse
Il faut donc examiner attentivement la méthode que nous
venons d’employer et y chercher l’origine de cette limitation,
à laquelle les séries trigonométriques sont assujéties.
185.
Pour y parvenir, il suffit de considérer que les valeurs
exprimées par les suites infinies, ne sont connues, avec une
entière certitude, que dans les cas où l’on peut assigner les
limites de la somme des termes qui les complètent ; il faut donc supposer qu’on emploie les premiers termes seulement
de ces suites et trouver les limites entre lesquelles le
reste est compris.
Nous appliquerons cette remarque à l’équation
le nombre des termes est pair et représenté par ; on en
déduit que cette équation d’où l’on peut
tirer la valeur de , en intégrant par parties. Or, l’intégrale
peut être résolue en une série composée d’autant
de termes qu’on le voudra, et étant des fonctions
de . On peut écrire, par exemple :
équation qui se vérifie d’elle-même par la différentiation.
En désignant par et par , on trouvera
186.
Il s’agit maintenant de connaître les limites entre lesquelles
est comprise l’intégrale qui complète la suite. Pour former cette intégrale il faudrait donner
à l’arc une infinité de valeurs, depuis 0, terme où l’intégrale
commence, jusqu’à qui est la valeur finale de l’arc,
déterminer pour chacune des valeurs de celles de la différentielle
et celle du facteur et ajouter
tous les produits partiels : or le facteur variable
est nécessairement une fraction positive ou négative : par
conséquent l’intégrale se compose de la somme des valeurs
variables de la différentielle multipliées respectivement
par des fractions. La valeur totale de cette intégrale
est donc moindre que la somme des différentielles
prises depuis jusqu’à et elle est plus
grande que cette même somme prise négativement : car,
dans le premier cas, on remplace le facteur variable
par la quantité constante et dans le second cas on
remplace ce facteur par or cette somme des différentielles
ou ce qui est la même chose, l’intégrale
prise depuis est
est une certaine fonction de et est la valeur de cette
fonction, prise en supposant l’arc nul.
L’intégrale cherchée est donc comprise entre
c’est-à-dire, qu’en représentant par une fraction inconnue
positive ou négative, on aura toujours
On parvient ainsi à l’équation
dans laquelle la quantité exprime
exactement la somme de tous les derniers termes de la série
infinie.
187.
Si l’on eût cherché deux termes seulement, on aurait eu
l’équation
Il résulte de là que l’on peut développer la valeur de en
autant de termes que l’on voudra, et exprimer exactement
le reste de la série ; on trouve ainsi cette suite d’équations :
Le nombre qui entre dans ces équations n’est pas le même
pour toutes, et il représente dans chacune une certaine quantité qui est toujours comprise entre et est
égal au nombre des termes de la suite
dont la somme est désignée par
188.
On ferait usage de ces équations, si le nombre était
donné, et quelque grand que fût ce nombre, on pourrait
déterminer aussi exactement qu’on voudrait, la partie variable
de la valeur de Si le nombre est infini, comme on
le suppose, on considérera la première équation seulement ;
et il est manifeste que les deux termes qui suivent la constante,
deviennent de plus en plus petits ; en sorte que
a dans ce cas pour valeur exacte la constante on détermine
cette constante en supposant dans la valeur de
et l’on en conclut
Il est facile de voir maintenant que le résultat a nécessairement
lieu, si l’arc est moindre que En effet, attribuant
à cet arc une valeur déterminée X aussi voisine de
qu’on voudra le supposer, on pourra toujours donner à
une valeur si grande, que le terme
qui complète la série, devienne moindre qu’une quantité
quelconque ; mais l’exactitude de cette conclusion est fondée
sur ce que le terme n’acquiert point une valeur qui excède toutes les limites possibles, d’où il suit que le même
raisonnement ne peut s’appliquer au cas où l’arc n’est pas
moindre que
On fera usage de la même analyse pour les séries qui
expriment les valeurs de et l’on pourra distinguer
par ce moyen les limites entre lesquelles la variable
doit être comprise, pour que le résultat du calcul soit exempt
de toute incertitude ; au reste, ces mêmes questions seront
traitées ailleurs par une méthode l’ondée sur d’autres principes.
189.
L’expression de la loi des températures fixes, dans une
lame solide, suppose la connaissance de l’équation
Voici le moyen le plus simple d’obtenir cette équation :
Si la somme de deux arcs équivaut au quart de la circonférence
, le produit de leurs tangentes est 1, on a donc en
général
le signe indique la longueur de l’arc dont la tangente est et l’on
connaît depuis long-temps la série qui donne la valeur de
cet arc ; on aura donc le résultat suivant :
si maintenant on écrit
au lieu de
dans l’équation
et dans l’équation on aura :
la série de l’équation est toujours divergente, et celle de
l’équation est toujours convergente ; sa valeur est ou
SECTION IV.
Solution générale.
190.
On peut maintenant former la solution complète de la
question que nous nous sommes proposée ; car les coëfficients
de l’équation (art. 168) étant déterminés, il ne
reste plus qu’à les substituer, et l’on aura :
Cette valeur de satisfait à l’équation elle devient
nulle lorsqu’on donne à une valeur égale à ou
enfin, elle équivaut à l’unité, toutes les fois que étant nulle, est comprise entre et Ainsi toutes les
conditions physiques de la question sont exactement remplies,
et il est certain que, si l’on donnait à chaque point de
la lame la température que l’équation détermine, et en
même temps si l’on entretenait la base A à la température 1,
et les arêtes infinies B et C à la température 0, il serait
impossible qu’il survînt aucun changement dans le système
des températures.
191.
Le second membre de l’équation étant réduit en une
série extrêmement convergente, il est toujours facile de
déterminer en nombre la température d’un point dont les
coordonnées et sont connues. Cette solution donne lieu
à diverses conséquences qu’il est nécessaire de remarquer,
parce qu’elles appartiennent aussi à la théorie générale.
Si le point dont on considère la température fixe, est
très-éloigné de l’origine A, le second membre de l’équation
aura pour valeur extrêmement approchée,
il se réduit à ce premier terme, si est infinie.
L’équation représente aussi un état du solide
qui se conserverait sans aucun changement, s’il était d’abord
formé ; il en serait de même de l’état exprimé par l’équation
et en général chaque terme de la série
correspond à un état particulier qui jouit de la même propriété.
Tous ces systèmes partiels existent à-la-fois dans celui
que représente l’équation ils se superposent, et le mouvement
de la chaleur a lieu pour chacun d’eux de la même manière que s’il était seul. Dans l’état qui répond à l’un
quelconque de ces termes, les températures fixes des points
de la base A diffèrent d’un point à un autre, et c’est la seule
condition de la question qui ne soit pas remplie ; mais l’état
général qui résulte de la somme de tous les termes satisfait
à cette même condition.
À mesure que le point dont on considère la température
est plus éloigné de l’origine, le mouvement de la chaleur
est moins composé : car, si la distance a une valeur assez
grande, chaque terme de la série est fort petit, par rapport
au précédent, de sorte que l’état de la lame échauffée est
sensiblement représenté par les trois premiers termes, ou
par les deux premiers, ou par le premier seulement, pour
les parties de cette lame qui sont de plus en plus éloignées
de l’origine.
La surface courbe, dont l’ordonnée verticale mesure la
température fixe se forme en ajoutant les ordonnées
d’une multitude de surfaces particulières, qui ont pour
équations
La première de celles-ci se confond avec la surface générale,
lorsque est infinie, et elles ont une nappe asymptotique
commune.
Si la différence de leurs ordonnées est considérée
comme l’ordonnée d’une surface courbe, cette surface se
confondra lorsque est infinie, avec celle dont l’équation est
Tous les autres termes de la
série donnent une conclusion semblable.
On trouverait encore les mêmes résultats si la section, à
l’origine, au lieu d’être terminée comme dans l’hypothèse
actuelle par une droite parallèle à l’axe des avait une figure
quelconque formée de deux parties symétriques. On voit
donc que les valeurs particulières
prennent leur origine dans la question physique elle-même,
et ont une relation nécessaire avec les phénomènes de la
chaleur. Chacun d’eux exprime un mode simple suivant le
quel la chaleur s’établit et se propage dans une lame rectangulaire,
dont les côtés infinis conservent une température
constante. Le système général des températures se compose
toujours d’une multitude de systèmes simples, et l’expression
de leur somme n’a d’arbitraire que les coëfficients
etc.
192.
On peut employer l’équation pour déterminer toutes les
circonstances du mouvement permanent de la chaleur dans
une lame rectangulaire échauffée à son origine. Si l’on
demande, par exemple, quelle est la dépense de la source
de chaleur, c’est-à-dire, quelle est la quantité qui, pendant
un temps donné, pénètre à travers la base A et remplace
celle qui s’écoule dans les masses froides B et C ; il faut considérer
que le flux perpendiculaire à l’axe des a pour
expression la quantité qui, pendant l’instant
s’écoule à travers une particule de l’axe, est donc
et, comme les températures sont permanentes, le produit du
flux, pendant l’unité de temps, est On intégrera
cette expression entre les limites et
afin de connaître la quantité totale qui traverse la base, ou,
ce qui est la même chose, on intégrera depuis jusqu’à
et l’on prendra le double de la somme. La quantité
est une fonction de et dans laquelle on doit faire
afin que le calcul se rapporte à la base A, qui coïncide
avec l’axe des La dépense de la source de chaleur a
donc pour expression L’intégrale doit
être prise depuis jusqu’à si dans la
fonction on ne suppose point mais l’intégrale
sera une fonction de qui fera connaître combien il
s’écoule de chaleur pendant l’unité de temps à travers une
arête transversale placée à la distance
de l’origine.
193.
Si l’on veut connaître la quantité de chaleur qui, pendant
l’unité de temps, pénètre au-delà d’une ligne tracée sur la
lame parallèlement aux arêtes B et C, on se servira de
l’expression et, la multipliant par l’élément de la
ligne tracée, on intégrera par rapport à entre les termes
donnés de la ligne ; ainsi l’intégrale fera
connaître combien il s’écoule de chaleur à travers toute l’étendue de la ligne ; et si avant ou après l’intégration on
fait , on connaîtra la quantité de chaleur qui, pendant
l’unité de temps, sort de la lame en traversant l’arête
infinie C. On pourra ensuite comparer cette dernière quantité
à la dépense de la source de chaleur ; car il est nécessaire
que le foyer supplée continuellement la chaleur qui
s’écoule dans les masses B et C. Si cette compensation n’avait
pas lieu à chaque instant, le système des températures serait
variable.
194.
L’équation donne
multipliant par intégrant depuis on a
Si l’on fait et si l’on double l’intégrale, on trouvera :
pour l’expression de la quantité de chaleur qui, pendant
l’unité de temps, traverse une ligne parallèle à la base et
dont la distance à cette base est
On déduit aussi de l’équation
donc l’intégrale prise depuis
est
Si l’on retranche cette quantité de la valeur qu’elle prend
lorsqu’on y fait infinie, on trouvera :
et, en faisant on aura l’expression de la quantité
totale de chaleur qui traverse l’arête infinie C, depuis le
point dont la distance à l’origine est jusqu’à l’extrémité
de la lame : cette quantité est
on voit qu’elle équivaut à la moitié de celle qui pénètre pendant
le même temps au-delà de la ligne transversale tracée
sur la lame à la distance de l’origine. Nous avons déjà
remarqué que ce résultat est une conséquence nécessaire des
conditions de la question ; s’il n’avait pas lieu, la partie de la
lame qui est placée au-delà de la ligne transversale et se prolonge à l’infini, ne recevrait point par ses bases une quantité
de chaleur égale à celle qu’elle perd par ses deux arêtes,
elle ne pourrait donc point conserver son état, ce qui est
contraire à l’hypothèse.
195.
Quant à la dépense de la source de chaleur, on la trouve
en supposant dans l’expression précédente ; elle acquiert
par-là une valeur infinie, et l’on en connaîtra la raison si l’on
remarque que, d’après l’hypothèse, tous les points de la ligne
A ont et conservent la température 1 ; les lignes parallèles
qui sont très-voisines de cette base ont aussi une température
extrêmement peu différente de l’unité ; donc les extrémités
de toutes ces lignes qui sont contiguës aux masses froides B
et C leur communiquent une quantité de chaleur incomparablement
plus grande que si le décroissement de la température
était continu et insensible. Il existe dans cette première
partie de la lame, aux extrémités voisines de B ou de
C, une cataracte de chaleur ou un flux infini. Ce résultat
cesse d’avoir lieu lorsque la distance reçoit une valeur appréciable.
196.
On a désigné par la longueur de la base. Si on lui attribue
une valeur quelconque il faudra écrire, au lieu de
et multipliant aussi les valeurs de par on écrira
au lieu de Désignant par la température constante
de la base, on remplacera par Ces substitutions étant
faites dans l’équation on a
Cette équation représente exactement le système des températures
permanentes dans un prisme rectangulaire infini,
compris entre deux masses de glace B et C, et une source de
chaleur constante.
197.
Il est facile de voir, soit au moyen de cette équation, soit
d’après l’art. 171, que la chaleur se propage dans ce solide,
en s’éloignant de plus en plus de l’origine, en même temps
qu’elle se dirige vers les faces infinies B et C. Chaque section
parallèle à celle de la base est traversée par une onde de
chaleur qui se renouvelle à chaque instant, et conserve la
même intensité : cette intensité est d’autant moindre, que la
section est plus distante de l’origine. Il s’opère un mouvement
semblable, par rapport à un plan quelconque parallèle
aux faces infinies ; chacun de ces plans est traversé par une
onde constante qui porte sa chaleur aux masses latérales.
Nous aurions regardé comme inutiles les développements
contenus dans les articles précédents, si nous n’avions point
à exposer une théorie entièrement nouvelle, dont il est nécessaire
de fixer les principes. C’est dans cette même vue que
nous ajouterons les remarques suivantes.
198.
Chacun des termes de l’équation correspond à un seul
système particulier de températures, qui pourrait subsister
dans une lame rectangulaire échauffée par son extrémité, et dont les arêtes infinies sont retenues à une température
constante. Ainsi l’équation représente les
températures permanentes, lorsque les points de la base A
sont assujétis à une température fixe, désignée par . On
peut concevoir maintenant que la lame échauffée fait partie
du plan qui se prolonge à l’infini dans tous les sens, et en
désignant par et les coordonnées d’un point quelconque
de ce plan, et par , la température du même point, on
appliquera au plan tout entier l’équation ;
par ce moyen, les arêtes B et C auront la température constante
0 ; mais il n’en sera pas de même des parties contiguës
BB et CC ; elles recevront et conserveront une température
moindre. La base A aura dans tous ses points la température
permanente, désignée par , et les parties contiguës AA
auront une température plus élevée.
Si l’on construit la surface courbe dont l’ordonnée verticale
équivaut à la température permanente de chaque point
du plan, et si on le coupe par un plan vertical passant par
la ligne A, ou parallèle à cette ligne, la figure de la section
sera celle d’une ligne trigonométrique dont l’ordonnée représente
la suite infinie et périodique des cosinus. Si l’on
coupe cette même surface courbe par un plan vertical parallèle
à l’axe des , la figure de la section sera dans toute son
étendue celle d’une courbe logarithmique.
199.
On voit par-là de quelle manière le calcul satisfait aux
deux conditions de l’hypothèse, qui assujétissent la ligne à
une température égale à , et les deux côtés B et C à la
température 0. Lorsqu’on exprime ces deux conditions, on résout en effet la question suivante : Si la lame échauffée
faisait partie d’un plan infini, quelles devraient être les températures
de tous les points de ce plan, pour que le système
fût de lui-même permanent, et que les températures fixes
des côtés du rectangle infini fussent celles qui sont données
par l’hypothèse ?
Nous avons supposé précédemment que des causes extérieures
quelconques retenaient les faces du solide rectangulaire
infini, l’une à la température 1, et les deux autres à
la température 0. On peut se représenter cet effet de différentes
manières ; mais l’hypothèse propre au calcul, consiste
à regarder le prisme comme une partie d’un solide dont
toutes les dimensions sont infinies, et à déterminer les températures
de la masse qui l’environne, en sorte que les conditions
relatives à la surface soient toujours observées.
200.
Pour connaître le système des températures permanentes
dans une lame rectangulaire dont l’extrémité A est entretenue
à la température 1, et les deux arêtes infinies à la température
0, on pourrait considérer les changements que subissent
les températures, depuis l’état initial qui est donné
jusqu’à l’état fixe qui est l’objet de la question. On déterminerait
ainsi l’état variable du solide pour toutes les valeurs
du temps, et l’on supposerait ensuite cette valeur infinie.
La méthode que nous avons suivie est différente, et conduit
plus immédiatement à l’expression de l’état final, parce
qu’elle est fondée sur une propriété distinctive de cet état.
On va prouver maintenant que la question n’admet aucune
autre solution que celle que nous avons rapportée. Cette
démonstration résulte des propositions suivantes.
201.
Si l’on donne à tous les points d’une lame rectangulaire
infinie les températures exprimées par l’équation , et si
l’on conserve aux deux arêtes B et C la température fixe 0
pendant que l’extrémité A est exposée à une source de
chaleur qui retient tous les points de la ligne A à la température
fixe 1 ; il ne pourra survenir aucun changement dans
l’état du solide. En effet, l’équation étant satisfaite,
il est manifeste que la quantité de chaleur qui détermine
la température de chaque molécule ne pourra être ni
augmentée ni diminuée.
Supposons les différents points du même solide ayant
reçu les températures exprimées par l’équation (\alpha) ou
qu’au lieu de retenir l’arête A à la température
1, on lui donne ainsi qu’aux deux lignes B et C la température
fixe 0 ; la chaleur contenue dans la lame BAC
s’écoulera à travers les trois arêtes A, B, C, et d’après l’hypothèse
elle ne sera point remplacée, en sorte que les températures
diminueront continuellement, et que leur valeur
finale et commune sera zéro. Cette conséquence est évidente
parce que les points infiniment éloignés de l’origine A ont
une température infiniment petite d’après la manière dont
l’équation a été formée.
Le même effet aurait lieu en sens opposé, si le système
des températures était au lieu d’être
c’est-à-dire que toutes les températures initiales
négatives varieraient continuellement, et tendraient
de plus en plus vers leur valeur finale 0, pendant que les
trois arêtes A, B, C conserveraient la température 0.
202.
Soit une équation donnée qui exprime la
température initiale des points de la lame BAC, dont la
base A est retenue à la température 1, pendant que les
arêtes B et C conservent la température 0.
Soit une autre équation donnée qui exprime
la température initiale de chaque point d’une lame solide
BAC parfaitement égale à la précédente, mais dont les
trois arêtes B, A, C sont retenues à la température 0.
Supposons que dans le premier solide l’état variable qui
succède à l’état initial soit déterminé par l’équation
désignant le temps écoulé, et que l’équation
détermine l’état variable du second solide, pour lequel les
températures initiales sont
Enfin, supposons un troisième solide égal à chacun des
deux précédents ; soit l’équation qui
représente son état initial, et soient 1 la température constante
de la base A, 0 et 0 celles des deux arêtes B et C.
On va démontrer que l’état variable du troisième solide
sera déterminé par l’équation
En effet, la température d’un point m du troisième solide
varie, parce que cette molécule, dont M désignera le volume,
acquiert ou perd une certaine quantité de chaleur L’accroissement
de la température pendant l’instant
le coëfficient désignant la capacité spécifique rapportée au volume. La variation de la température du même point,
dans le premier solide, sera et elle sera
dans le second, les lettres et représentant la quantité
de chaleur positive ou négative que la molécule acquiert en
vertu de l’action de toutes les molécules voisines. Or il est
facile de reconnaître que équivaut à Pour s’en convaincre
il suffit de considérer la quantité de chaleur que le
point in reçoit d’un autre point m’ appartenant à l’intérieur
de la lame, ou aux arêtes qui la limitent.
Le point m, dont la température initiale est désignée par
transmettra, pendant l’instant à la molécule m, une quantité
de chaleur exprimée par le facteur représentant
une certaine fonction de la distance des deux
molécules. Ainsi la quantité totale de chaleur acquise par m
sera le signe exprimant la somme de tous
les termes que l’on trouverait en considérant les autres points
etc. qui agissent sur m ; c’est-à-dire, en mettant
ou ou ainsi de suite, à la place de
On trouvera de même pour l’expression de
la quantité totale de chaleur acquise par le même point m
du second solide ; et le facteur est le même que dans le
terme puisque les deux solides sont formés
de la même matière, et que la situation des points est la
même ; on a donc
On trouvera par la même raison
donc
et
Il suit de là que chaque
molécule m du troisième solide acquerra, pendant l’instant
un accroissement de température égal à la somme
des deux accroissements qui auront lieu pour le même point
dans les deux premiers solides. Donc à la fin du premier
instant, l’hypothèse primitive subsistera encore, puisqu’une
molécule quelconque du troisième solide aura une température
égale à la somme de celles qu’elle a dans les deux
autres. Donc cette même relation aura lieu au commencement
de chaque instant, c’est-à-dire que l’état variable du
troisième solide sera toujours représenté par l’équation
203.
La proposition précédente s’applique à toutes les questions
relatives au mouvement uniforme ou varié de la chaleur.
Elle fait voir que ce mouvement peut toujours être décomposé
en plusieurs autres dont chacun s’accomplit séparément
comme s’il avait lieu seul. Cette superposition des effets simples,
est un des éléments fondamentaux de la théorie de
la chaleur. Elle est exprimée dans le calcul, par la nature
même des équations générales, et tire son origine du principe
de la communication de la chaleur.
Soit maintenant l’équation qui exprime
l’état permanent de la lame solide BAC, échauffée par son
extrémité A, et dont les arêtes B et C conservent la température
1 ; l’état initial de cette lame est tel, d’après l’hypothèse,
que tous ses points ont une température nulle, excepté
ceux de la base A, dont la température est 1. Cet état initial pourra donc être considéré comme formé de deux autres,
savoir : un premier, pour lequel les températures initiales
seraient les trois arêtes étant maintenues à la
température 0, et un second état, pour lequel les températures
initiales sont les deux arêtes B et C conservant
la température 0, et la base A la température 1 ; la
superposition de ces deux états produit l’état initial qui résulte
de l’hypothèse. Il ne reste donc qu’à examiner le mouvement
de la chaleur dans chacun des deux états partiels.
Or, pour le second, le système des températures ne peut
subir aucun changement ; et pour le premier, il a été remarqué
dans l’article 201 que les températures varient continuellement,
et finissent toutes par être nulles. Donc l’état final,
proprement dit, est celui que représente l’équation ou
Si cet état était formé d’abord, il subsisterait de lui-même,
et c’est cette propriété qui nous a servi à le déterminer. Si
l’on suppose la lame solide dans un autre état initial, la différence
entre ce dernier état et l’état fixe forme un état partiel,
qui disparaît insensiblement. Après un temps considérable,
cette différence est presque évanouie, et le système des
températures fixes n’a subi aucun changement. C’est ainsi
que les températures variables convergent de plus en plus
vers un état final, indépendant de réchauffement primitif.
204.
On reconnaît par-là que cet état final est unique ; car, si
l’on en concevait un second, la différence entre le second et
le premier formerait un état partiel, qui devrait subsister de
lui-même, quoique les arêtes A, B, C fussent entretenues à la température 0. Or ce dernier effet ne peut avoir lieu : il
n’en serait pas de même si l’on supposait une autre source
de chaleur indépendamment de celle qui s’écoule à l’origine
A : au reste cette hypothèse n’est point celle de la
question que nous avons traitée, et pour laquelle les températures
initiales sont nulles. Il est manifeste que les
parties très-éloignées de l’origine ne peuvent acquérir
qu’une température extrêmement petite.
Puisque l’état final qu’il fallait déterminer est unique, il
s’ensuit que la question proposée n’admet aucune autre solution
que celle qui résulte de l’équation On peut donner
une autre forme à ce même résultat, mais on ne peut ni
étendre, ni restreindre la solution, sans la rendre inexacte.
La méthode que nous avons exposée dans ce chapitre,
consiste à former d’abord des valeurs particulières très-simples,
qui conviennent à la question, et à rendre la solution
plus générale, jusqu’à ce que la fonction ou satisfasse
à trois conditions, savoir :
Il est visible que l’on pourrait suivre une marche contraire,
et la solution que l’on obtiendrait serait nécessairement la
même que la précédente. Nous ne nous arrêterons point à
ces détails, qu’il est facile de suppléer, dès qu’une fois la
solution est connue. Nous donnerons seulement dans la
section suivante une expression remarquable de la fonction
dont la valeur est développée en série convergente
dans l’équation
SECTION V.
Expression finie du résultat de la solution.
205.
On pourrait déduire la solution précédente de l’intégrale
de l’équation qui contient des quantités
imaginaires, sous le signe des fonctions arbitraires. Nous
nous bornerons ici à faire remarquer que cette intégrale
a une relation manifeste avec la valeur de donné par l’équation
En effet, en remplaçant les cosinus par leurs expressions
imaginaires, on a
La première série est une fonction de et la seconde
est la même fonction de
En comparant ces séries au développement connu de l’arc
en fonction de sa tangente, on voit sur-le-champ que la première est , et que
la seconde est ainsi l’équation
prend cette forme finie,
C’est de cette manière qu’elle rentre dans l’intégrale générale
la fonction est et il en est de même de
la fonction
Si dans l’équation (B) on désigne le premier terme du
second membre par et le second par on aura
on en déduit l’équation
C’est la forme la plus simple sur laquelle on puisse présenter
la solution de la question.
206.
Cette valeur de ou satisfait aux conditions
relatives aux extrémités du solide qui sont et ; elle satisfait aussi à l’équation générale
puisque l’équation est une transformée
de l’équation (B). Donc elle représente exactement le système
des températures permanentes ; et comme ce dernier
état est unique, il est impossible qu’il y ait aucune autre
solution, ou plus générale ou plus restreinte.
L’équation fournit, au moyen des tables, la valeur de
l’une des trois indéterminées lorsque les deux
autres sont données ; elle fait connaître très-clairement la
nature de la surface qui a pour ordonnée verticale la température
permanente d’un point donné de la lame solide.
Enfin on déduit de cette même équation les valeurs des
coëfficients différentiels et qui mesurent la vitesse
avec laquelle la chaleur s’écoule dans les deux directions
orthogonales ; et l’on connaîtra par conséquent la valeur
du flux dans toute autre direction.
Ces coëfficients sont exprimés ainsi
On remarquera que, dans l’article 194 la valeur de ,
et celle de sont données par des séries infinies dont
il est facile de trouver la somme, en remplaçant les
quantités trigonométriques par des exponentielles imaginaires.
On obtient ainsi ces mêmes valeurs de , et que
nous venons de rapporter.
La question que l’on vient de traiter est la première que
nous ayons résolue dans la théorie de la chaleur, ou plutôt
dans la partie de cette théorie qui exige l’emploi de l’analyse.
Elle fournit des applications numériques très-faciles,
soit que l’on fasse usage des tables trigonométriques ou des
séries convergentes, et elle représente exactement toutes
les circonstances du mouvement de la chaleur. Nous passerons
maintenant à des considérations plus générales.
SECTION VI.
Développement d’une fonction arbitraire en séries trigonométriques.
207.
La question de la propagation de la chaleur dans un
solide rectangulaire a conduit à l’équation
et si l’on suppose que tous les points de l’une des faces du
solide ont une température commune, il faut déterminer
les coëfficients etc. de la série
en sorte que la valeur de cette fonction soit égale à une
constante toutes les fois que l’arc est compris entre
et On vient d’assigner la valeur de ces coëfficients ;
mais on n’a traité qu’un seul cas d’un problème plus
général, qui consiste à développer une fonction quelconque en une suite infinie de sinus ou de cosinus d’arcs multiples.
Cette question est liée à la théorie des équations aux différences
partielles et a été agitée dès l’origine de cette analyse.
Il était nécessaire de la résoudre pour intégrer convenablement
les équations de la propagation de la chaleur ; nous
allons en exposer la solution.
On examinera, en premier lieu, le cas où il s’agit de
réduire en une série de sinus d’arcs multiples, une fonction
dont le développement ne contient que des puissances impaires
de la variable. Désignant une telle fonction par ,
on posera l’équation
et il s’agit de déterminer la valeur des coëfficients etc.
On écrira d’abord l’équation
dans laquelle etc. désignent les valeurs
que prennent les coëfficients
lorsqu’on y suppose . Ainsi en représentant le développement
selon les puissances de par l’équation
Si maintenant on compare l’équation précédente à
celle-ci
En développant le second membre par rapport aux puissances
de , on aura les équations
Ces équations doivent servir à trouver les coëfficients
etc., dont le nombre est infini. Pour y
parvenir, on regardera d’abord comme déterminé et égal à
le nombre des inconnues, et l’on conservera un pareil
nombre d’équations ; ainsi l’on supprimera toutes les
équations qui suivent les premières, et l’on omettra dans
chacune de ces équations tous les termes du second membre
qui suivent les premières que l’on conserve. Le nombre
entier étant donné, les coëfficients etc. ont des valeurs fixes que l’on peut trouver par l’élimination.
On obtiendrait pour ces mêmes quantités des valeurs différentes,
si le nombre des équations et celui des inconnues
était plus grand d’une unité. Ainsi la valeur des coëfficients
varie à mesure que l’on augmente le nombre de ces coëfficients
et celui des équations qui doivent les déterminer.
Il s’agit de chercher quelles sont les limites vers lesquelles
les valeurs des inconnues convergent continuellement à
mesure que le nombre des équations devient plus grand.
Ces limites sont les véritables valeurs des inconnues qui
satisfont aux équations précédentes lorsque leur nombre
est infini.
208.
On considérera donc successivement les cas où l’on aurait
à déterminer une inconnue par une équation, deux inconnues
par deux équations, trois inconnues par trois équations,
ainsi de suite à l’infini. Supposons que l’on désigne
comme il suit différents systèmes d’équations analogues à
celles dont on doit tirer les valeurs des coëfficients :
Si maintenant on élimine la dernière inconnue au
moyen des cinq équations qui contiennent etc.
on trouvera
On aurait pu déduire ces quatre équations des quatre
qui forment le système précédent, en mettant dans ces
dernières au lieu de
et au lieu de
On pourra toujours, par des substitutions semblables,
passer du cas qui répond à un nombre d’inconnues à
celui qui répond à un nombre En écrivant par ordre toutes ces relations entre les quantités qui répondent à l’un
des cas et celles qui répondent au cas suivant, on aura
on aura aussi
On conclut des équations qu’en représentant par
etc., les inconnues dont le nombre est
infini, on doit avoir
209.
Il reste donc à déterminer les valeurs de etc. ;
la première est donnée par une équation, dans laquelle
entre la seconde est donnée par deux équations dans
lesquelles entrent la troisième est donnée par trois
équations, dans lesquelles entrent ainsi de suite. Il
suit de là que si l’on connaissait les valeurs de
on trouverait facilement _1 en résolvant une équation,
en résolvant deux équations, en résolvant trois équations,
ainsi de suite ; après quoi on déterminerait
etc. Il s’agit maintenant de calculer les valeurs de
au moyen des équations 1o on trouvera la valeur de
en et 2o par deux substitutions on trouvera cette valeur
de en 3o par trois substitutions on trouvera
la même valeur de en , ainsi de suite. Ces valeurs successives de sont :
dont il est aisé de remarquer la loi. La dernière de ces valeurs,
qui est celle que l’on veut déterminer, contient les quantités etc.
avec un indice infini, et ces quantités sont connues ; elles sont les mêmes que celles qui entrent
dans les équations
En divisant cette dernière valeur de par le produit infini
on a
Les coëfficients numériques sont les sommes des produits
que l’on formerait par les diverses combinaisons des fractions
et, après avoir séparé la première
fraction . Si l’on représente ces différentes sommes
de produits par etc., et si l’on emploie la
première des équations et la première des équations
on aura, pour exprimer la valeur du premier coëfficient
l’équation
or les quantités etc., peuvent être facilement
déterminées comme on le verra plus bas ; donc le premier
coëfficient sera entièrement connu.
210.
Il faut passer maintenant à la recherche des coëfficients
suivants etc., qui d’après les équations dépendent
des quantités etc. On reprendra pour
cela les équations ; la première a déjà été employée pour
trouver la valeur de ; les deux suivantes donnent la valeur
de les trois suivantes la valeur de les quatre suivantes
la valeur de ainsi de suite.
En effectuant le calcul, on trouvera, à la seule inspection
des équations, pour les valeurs de etc, les résultats
suivants :
La loi que suivent ces équations est facile à saisir ; il ne
reste plus qu’à déterminer les quantités
Or, les quantités peuvent être exprimées en
ces dernières en etc. Il suffit pour cela d’opérer
les substitutions indiquées par les équations ces changements
successifs réduiront les seconds membres des équations
précédentes à ne contenir que les quantités
etc., avec un indice infini, c’est-à-dire, les quantités connues etc. qui entrent dans les équations
les coëfficients seront les différents produits que l’on peut faire en
combinant les quarrés des nombres à l’infini. Il
faut seulement remarquer que le premier de ces quarrés
n’entrera point dans les coëfficients de la valeur de que
le second quarré n’entrera point dans les coëfficients de
la valeur de que le troisième quarré sera seul omis
parmi ceux qui servent à former les coëfficients de la valeur
de ainsi du reste à l’infini. On aura donc pour les valeurs
de etc., et par conséquent pour celles de etc.,
des résultats entièrement analogues à celui que l’on a trouvé
plus haut pour la valeur du premier coëfficient
211.
Si maintenant on représente
que l’on forme par les combinaisons des fractions
à l’infini, en omettant la seconde de ces fractions
on
aura, pour déterminer la valeur de l’équation
En représentant en général par les
sommes des produits que l’on peut faire en combinant diversement
toutes les fractions à l’infini,
après avoir seulement omis la fraction on aura en général,
pour déterminer les quantités etc., les
équations suivantes :
212.
Si l’on considère maintenant les équations qui donnent
les valeurs des coëfficients etc., on aura les
résultats suivants :
En distinguant quels sont les facteurs qui manquent aux
numérateurs et aux dénominateurs pour y compléter la
double série des nombres naturels, on voit que la fraction
se réduit, dans la première équation, à dans la seconde
à dans la troisième à dans la quatrième à
en sorte que les produits qui multiplient
sont alternativement et . Il ne s’agit donc plus que
de trouver les valeurs de
Pour y parvenir, on remarquera que l’on peut faire dépendre
ces valeurs de celles des quantités etc.,
qui représentent les différents produits que l’on peut former
avec les fractions etc., sans en omettre aucune. Quant à ces derniers produits, leurs valeurs sont
données par les séries des développements de sinus. Nous
représenterons donc les séries
ainsi de suite.
La série
nous fournira les quantités etc. En effet, la valeur
du sinus étant exprimée par l’équation
on aura
d’où l’on conclut immédiatement
213.
Supposons maintenant que etc. représentent
les sommes de produits différents que l’on peut faire avec
les fractions etc., dont on aura séparé la
fraction étant un nombre entier quelconque ; il s’agit
de déterminer etc., au moyen de etc.
Si l’on désigne par etc., les
produits des facteurs
parmi lesquels on aurait omis le seul facteur il faudra
qu’en multipliant par la quantité
Cette comparaison donne les relations suivantes :
En employant les valeurs connues de et faisant
successivement etc., on aura les valeurs
de etc. ; celles de etc. ; celles de
etc.
214.
Il résulte de tout ce qui précède que les valeurs de
etc., déduites des équations
sont exprimées ainsi,
215.
Connaissant les valeurs de etc., on les substituera
dans l’équation proposée
et mettant aussi au lieu des quantités etc. leurs
valeurs etc., on aura l’équation
générale
On peut se servir de la série précédente pour réduire en
séries de sinus, d’arcs multiples une fonction proposée dont le développement ne contient que des puissances impaires
de la variable.
216.
Le cas qui se présente le premier est celui où l’on aurait
on trouve alors
ainsi du reste. On aura donc la série
qui a été donnée par Euler.
Si l’on suppose que la fonction proposée soit on aura
ce qui donne l’équation
On parviendrait à ce même résultat en partant de l’équation
précédente,
En effet, en multipliant chaque membre par et intégrant,
on aura
la valeur de la constante est
série dont on sait que la somme est
. Multipliant par
les deux membres de l’équation
et intégrant, on aura
Si maintenant on met au lieu de sa valeur tirée de l’équation
on obtiendra la même équation que ci-dessus, savoir :
On parviendrait de la même manière à développer en
séries de sinus multiples, les puissances etc., et
en général toute fonction dont le développement ne contiendrait
que des puissances impaires de la variable.
217.
L’équation (A) (art. 215) peut être mise sous une forme
plus simple que nous allons faire connaître. On remarque
d’abord qu’une partie du coëfficient de est la série
qui représente la quantité En effet, on a en général
Or, la fonction ne contenant par hypothèse que des puissances
impaires ; on doit avoir
ainsi de suite. Donc
une seconde partie du coëfficient de se trouve, en
multipliant par la série
dont la valeur est On déterminera de cette manière les
différentes parties du coëfficient de et celles qui composent
les coëfficients de
etc. On emploiera pour cela les équations :
au moyen de cette réduction on donnera à l’équation (A)
la forme suivante :
ou celle-ci
218.
On peut appliquer l’une ou l’autre de ces formules, toutes
les fois que l’on aura à développer une fonction proposée,
en une série de sinus d’arcs multiples. Si par exemple la
fonction proposée est dont le développement ne
contient que des puissances impaires de on aura
En distinguant les coëfficients de
etc., et mettant au lieu de
sa valeur , on aura
On pourrait multiplier ces applications et en déduire plusieurs
séries remarquables. On a choisi l’exemple précédent
parce qu’il se présente dans diverses questions relatives à la
propagation de la chaleur.
219.
Nous avons supposé jusqu’ici que la fonction dont on demande
le développement en séries de sinus d’arcs multiples,
peut être développée en une série ordonnée, suivant les puissances
de la variable et qu’il n’entre dans cette dernière
série que des puissances impaires. On peut étendre les mêmes
conséquences à des fonctions quelconques, même à celles qui seraient discontinues et entièrement arbitraires. Pour
établir clairement la vérité de cette proposition, il est nécessaire
de poursuivre l’analyse qui fournit l’équation précédente
(B) et d’examiner quelle est la nature des coëfficents
qui multiplient En désignant
par la quantité qui multiplie dans cette équation
si est impair, et si n est pair ; on aura
Considérant comme une fonction de différentiant deux
fois, et comparant les résultats, on trouve
équation à laquelle la valeur précédente de doit satisfaire.
Or, l’équation dans laquelle est considérée
comme une fonction de a pour intégrale
étant un nombre entier, et la valeur de étant égale à
on a Le signe doit être choisi lorsque
est impair, et le signe lorsque ce nombre est pair.
On doit supposer égal à la demi-circonférence après
l’intégration indiquée ; ce résultat se vérifie, lorqu’on développe
au moyen de l’intégration par parties, le terme
en remarquant que la fonction ne contient que des puissances
impaires de la variable et en prenant l’intégrale depuis
jusqu’à
On en conclut immédiatement que ce terme équivaut à
Si l’on substitue cette valeur de dans l’équation (B), en
prenant le signe lorsque le terme de cette équation est de
rang impair, et le signe lorsque est pair ; on aura en
général pour le coëfficient de on
parvient de cette manière à un résultat très-remarquable
exprimé par l’équation suivante :
le second membre donnera toujours le développement cherché
de la fonction si l’on effectue les intégrations depuis
jusqu’à
220.
On voit par-là que les coëfficients etc., qui
entrent dans l’équation
et que nous avons trouvés précédemment par la voie des éliminations
successives, sont des valeurs intégrales définies
exprimées par le terme général étant
le numéro du terme dont on cherche le coëfficient. Cette remarque est importante, en ce qu’elle fait connaître comment
les fonctions entièrement arbitraires peuvent aussi
être développées en séries de sinus d’arcs multiples. En effet,
si la fonction est représentée par l’ordonnée variable
d’une courbe quelconque dont l’abscisse s’étend depuis
jusqu’à et si l’on construit sur cette même partie de
l’axe la courbe trigonométrique connue, dont l’ordonnée est
il sera facile de se représenter la valeur d’un
terme intégral. Il faut concevoir que pour chaque abscisse
à laquelle répond une valeur de et une valeur de
on multiplie cette dernière valeur par la première, et qu’au
même point de l’axe on élève une ordonnée proportionnelle
au produit On formera, par cette opération continuelle,
une troisième courbe, dont les ordonnées sont celles
de la courbe trigonométrique, réduite proportionnellement
aux ordonnées de la courbe arbitraire qui représente
Cela posé, l’aire de la courbe réduite étant prise depuis
jusqu’à donnera la valeur exacte du coëfficient de
et quelle que puisse être la courbe donnée qui répond à
soit qu’on puisse lui assigner une équation analytique, soit
qu’elle ne dépende d’aucune loi régulière, il est évident
qu’elle servira toujours à réduire d’une manière quelconque
la courbe trigonométrique ; en sorte que l’aire de la courbe
réduite a, dans tous les cas possibles, une valeur déterminée
qui donne celle du coëfficient de dans le développement
de la fonction. Il en est de même du coëfficient suivant
ou
Il faut en général, pour construire les valeurs des coëfficients
etc., imaginer que les courbes, dont les
équations sont
ont été tracées pour un même intervalle sur l’axe des , depuis
jusqu’à et qu’ensuite on a changé ces
courbes en multipliant toutes leurs ordonnées par les ordonnées
correspondantes d’une même courbe, dont l’équation
est Les équations des courbes réduites, sont :
Les aires de ces dernières courbes, prises depuis jusqu’à
seront les valeurs des coëfficients etc.,
dans l’équation
221.
On peut aussi vérifier l’équation précédente (D) (art. 219),
en déterminant immédiatement les quantités etc.,
dans l’équation
pour cela on multipliera chacun des membres de la dernière
équation, par étant un nombre entier, et l’on
prendra l’intégrale depuis jusqu’à on aura
Or on peut facilement prouver, 1o que toutes les intégrales
qui entrent dans le second membre, ont une valeur
nulle, excepté le seul terme 2o que
la valeur de est d’où l’on conclura la valeur de qui est Tout se réduit
à considérer la valeur des intégrales qui entrent dans
le second membre, et à démontrer les deux propositions
précédentes. L’intégrale prise depuis
jusqu’à et dans laquelle et sont des
nombres entiers, est
L’intégrale devant commencer lorsque la constante
est nulle, et les nombres et étant entiers, la valeur de l’intégrale
deviendra nulle lorsqu’on fera il s’ensuit que
chacun des termes tels que
s’évanouit, et que cela aura lieu toutes les fois que les nombres
et seront différents. Il n’en est pas de même lorsque
les nombres et sont égaux, car le terme
auquel se réduit l’intégrale, devient et sa valeur est On
a par conséquent on obtient ainsi
de la manière la plus briève, les valeurs de etc.
qui sont :
En les substituant on a
222.
Le cas le plus simple est celui où la fonction donnée a
une valeur constante pour toutes les valeurs de la variable
comprises entre et dans ce cas, l’intégrale
est égale à si le nombre est impair, et égal à si le
nombre est pair. On en déduit l’équation
que l’on a trouvée précédemment.
Il faut remarquer que lorsqu’on a développé une fonction
en une suite de sinus d’arcs multiples la valeur de la
série etc. est la
même que celle de la fonction tant que la variable est
comprise entre et mais cette égalité cesse en général
d’avoir lieu lorsque la valeur de surpasse le nombre
Supposons que la fonction dont on demande le développement
soit on aura, d’après le théorème précédent,
L’intégrale équivaut à les indices et
qui sont joints au signe font connaître les limites de l’intégrale ; le signe doit être choisi lorsque est impair, et le
signe lorsque est pair. On aura donc l’équation suivante :
223.
On développera aussi en séries de sinus d’arcs multiples
les fonctions différentes de celles où il n’entre que des puissances
impaires de la variable. Pour apporter un exemple
qui ne laisse aucun doute sur la possibilité de ce développement,
nous choisirons la fonction , qui ne contient
que des puissances paires de , et qu’on développera sous
la forme suivante :
quoiqu’il n’entre dans cette dernière série que des puissances
impaires de la même variable. On aura en effet, d’après le
théorème précédent,
L’intégrale , équivaut à zéro lorsque est
un nombre impair, et à , lorsque est un nombre pair.
En supposant successivement etc. on aura la
série toujours convergente :
Ce résultat a cela de remarquable qu’il offre le développement
du cosinus en une suite de fonctions dont chacune ne
contient que des puissances impaires. Si l’on fait dans l’équation
précédente on trouvera :
Cette dernière série est connue (introd. ad analysin. infinit.
cap. X).
224.
On peut employer une analyse semblable pour développer
une fonction quelconque en série de cosinus d’arcs multiples.
Soit la fonction dont on demande le développement,
on écrira :
Si l’on multiplie les deux membres de cette équation par
et que l’on intègre chacun des termes du second
membre depuis jusqu’à il est facile de s’assurer
que la valeur de cette intégrale sera nulle, excepté pour le
seul terme qui contient déjà Cette remarque donne
immédiatement le coëfficient il suffira en général de
considérer la valeur de l’intégrale
prise depuis jusqu’à en supposant que et
sont des nombres entiers. On a
Cette intégrale, prise depuis jusqu’à , est
évidemment nulle toutes les fois que et sont deux nombres
différents. Il n’en est pas de même lorsque ces deux
nombres sont égaux. Le dernier terme
devient et sa valeur est lorsque l’arc est égal à
Si donc on multiplie les deux termes de l’équation précédente
par et que l’on intègre depuis jusqu’à
on aura : équation qui fera
connaître la valeur du coëfficient Pour trouver le premier
coëfficient , on remarquera que dans l’intégrale
si et chacun des termes devient et la valeur
de chaque terme est ainsi l’intégrale
prise depuis jusqu’à est nulle lorsque les deux
nombres entiers et sont différents ; elle est lorsque les
deux nombres et sont égaux, mais différents de zéro,
elle est égale à lorsque et sont l’un et l’autre égaux à
zéro, on obtient ainsi l’équation suivante :
Ce théorème et le précédent conviennent à toutes les fonctions possibles, soit que l’on en puisse exprimer la nature
par les moyens connus de l’analyse, soit qu’elles correspondent
à des courbes tracées arbitrairement.
225.
Si la fonction proposée dont on demande le développement
en cosinus d’arcs multiples est la variable elle-même ;
on écrira l’équation
et l’on aura, pour déterminer un coëfficient quelconque
l’équation Cette intégrale a une valeur
nulle lorsque est un nombre pair, et est égal à lorsque
est impair. On a en même temps On formera
donc la série suivante,
On peut remarquer ici que nous sommes parvenus à trois
développements différents de savoir :
Il faut remarquer que ces trois valeurs de ne doivent
point être considérées comme égales, abstraction faite de toutes les valeurs de les trois développements précédents
n’ont une valeur commune que lorsque la variable est
comprise entre et La construction des valeurs de ces
trois séries et la comparaison des lignes dont elles expriment
les ordonnées rendraient sensibles la coïncidence et la distinction
alternatives des valeurs de ces fonctions.
Pour donner un second exemple du développement d’une
fonction en série de cosinus d’arcs multiples, nous choisirons
la fonction qui ne contient que des puissances
impaires de la variable, et nous nous proposerons de la
développer sous la forme
En faisant à ce cas particulier l’application de l’équation
générale, on trouvera, pour l’équation cherchée,
On parvient ainsi à développer une fonction qui ne contient
que des puissances impaires en une série de cosinus dans
laquelle il n’entre que des puissances paires de la variable. Si
on donne à la valeur particulière on trouvera :
Or, de l’équation connue
On tire
et aussi
en ajoutant ces deux résultats, on a, comme précédemment,
226.
L’analyse précédente donnant le moyen de développer
une fonction quelconque en série de sinus ou de cosinus
d’arcs multiples, nous l’appliquerons facilement au cas où
la fonction à développer a des valeurs déterminées, lorsque
la variable est comprise entre de certaines limites et a des
valeurs nulles, lorsque la variable est comprise entre d’autres
limites. Nous nous arrêterons à l’examen de ce cas
particulier, parce qu’il se présente dans les questions physiques
qui dépendent des équations aux différences partielles,
et qu’il avait été proposé autrefois comme un exemple des
fonctions qui ne peuvent être développées en sinus ou
cosinus d’arcs multiples. Supposons donc que l’on ait à
réduire en une série de cette forme une fonction dont la
valeur est constante, lorsque est comprise entre et et
dont toutes les valeurs sont nulles lorsque est comprise
entre et On emploiera l’équation générale dans
laquelle les intégrales doivent être prises depuis
jusqu’à Les valeurs de qui entrent sous le signe étant nulles depuis jusqu’à il suffira d’intégrer
depuis jusqu’à Cela posé, on trouvera, pour la
série demandée, en désignant par la valeur constante de
la fonction,
Si l’on fait , et que l’on représente le sinus verse de
l’arc par on aura :
Cette série toujours convergente est telle que si l’on donne
à une valeur quelconque comprise entre et la somme
de ses termes sera mais si l’on donne à une valeur
quelconque plus grande que et moindre que la somme
des termes sera nulle.
Dans l’exemple suivant, qui n’est pas moins remarquable,
les valeurs de sont égales à pour toutes les valeurs
de comprises entre et et sont nulles pour toutes les
valeurs de comprises entre et Pour trouver la série
qui satisfait à cette condition, on emploiera l’équation
Les intégrales doivent être prises depuis jusqu’à
mais il suffira, dans le cas dont il s’agit, de prendre
ces intégrales depuis jusqu’à puisque les valeurs
de sont supposées nulles, dans le reste de l’intervalle.
On en conclura :
Si l’on supposait tous les termes de la série s’évanouiraient,
excepté le premier qui deviendrait et qui a pour
valeur on aurait donc
227.
On peut étendre la même analyse au cas ou l’ordonnée
représentée par serait celle d’une ligne composée de
différentes parties, dont les unes seraient des arcs de courbes
et les autres des lignes droites. Par exemple, si la fonction
dont on demande le développement en séries de cosinus
d’arcs multiples a pour valeur depuis jusqu’à
et est nulle depuis jusqu’à
On emploiera l’équation générale et en effectuant les
intégrations dans les limites données, on trouvera que le
terme général est égal à lorsque
est impair, à lorsque est double d’un nombre impair, et
à lorsque est quadruple d’un nombre impair. D’un
autre côté, on trouvera pour la valeur du premier terme
On aura donc le développement suivant :
Le second membre est représenté par une ligne composée
d’arcs paraboliques et de lignes droites.
228.
On pourra trouver de la même manière le développement
d’une fonction de qui exprime l’ordonnée du contour
d’un trapèze. Supposons que soit égale à depuis
jusqu’à , que cette fonction soit égale à depuis
jusqu’à , et enfin égale à depuis
jusqu’à Pour la réduire en une série de sinus d’arcs
multiples, on se servira de l’équation générale (m). Le terme
général sera composé de trois parties différentes,
et l’on aura, après les réductions, pour le
coëfficient de , lorsque est un nombre impair ; et
zéro pour ce coëfficient, lorsque est un nombre pair. On
parvient ainsi à l’équation :
Si l’on supposait , le trapèze se confondrait avec le
triangle isoscèle, et l’on aurait, comme précédemment, pour
l’équation du contour de ce triangle :
série qui est toujours convergente quelle que soit la valeur
de . En général les suites trigonométriques auxquelles nous
sommes parvenus, en développant les diverses fonctions,
sont toujours convergentes : mais il ne nous a point paru nécessaire de le démontrer ici : car les termes qui composent
ces suites ne sont que les coëfficients des termes des
séries qui donnent les valeurs des températures ; et ces
coëfficients affectent des quantités exponentielles qui décroissent
très-rapidement, en sorte que ces dernières séries sont
très-convergentes. À l’égard de celles où il n’entre que des
sinus ou des cosinus d’arcs multiples, il est également facile
de prouver qu’elles sont convergentes, quoiqu’elles représentent
les ordonnées des lignes discontinues. Cela ne résulte
pas seulement de ce que les valeurs des termes diminuent
continuellement ; car cette condition ne suffit pas pour établir
la convergence d’une série. Il est nécessaire que les valeurs
auxquelles on parvient, en augmentant continuellement le
nombre des termes, s’approchent de plus en plus d’une
limite fixe, et ne s’en écartent que d’une quantité qui peut
devenir moindre que toute grandeur donnée : cette limite
est la valeur de la série. Or on démontre rigoureusement
que les suites dont il s’agit satisfont à cette dernière condition.
229.
Nous reprendrons l’équation précédente dans laquelle
on peut donner à une valeur quelconque ; on considérera
cette quantité comme une nouvelle ordonnée, ce qui
donnera lieu à la construction suivante.
Ayant tracé sur le plan des et (voy. fig. 8) le rectangle
dont la base Oπ est égale à la demi-circonférence, et dont la
hauteur est sur le milieu m du côté parallèle à la base
on élèvera perpendiculairement au plan du rectangle une
ligne égale à et par l’extrémité supérieure de cette
ligne, on tirera des droites aux quatre angles du rectangle.
On formera ainsi une pyramide quadrangulaire. Si l’on porte maintenant sur le petit côté du rectangle, à partir du
point O, une ligne quelconque égale à α, et que par l’extrémité
de cette ligne on mène un plan parallèle à la base
Oπ, et perpendiculaire au plan du rectangle, la section commune
à ce plan et au solide sera le trapèze, dont la hauteur
est égale à α. L’ordonnée variable du contour de ce trapèze
est égal, comme nous venons de le voir, à
Il suit de là qu’en appelant les coordonnées d’un
point quelconque de la surface supérieure de la pyramide
quadrangulaire que nous avons formée, on aura pour l’équation
de la surface du polyèdre, entre les limites
Cette série convergente donnera toujours la valeur de l’ordonnée ;
ou de la distance d’un point quelconque de la
surface au plan des et .
Les suites formées de sinus ou de cosinus d’arcs multiples
sont donc propres à représenter entre des limites déterminées,
toutes les fonctions possibles, et les ordonnées des
lignes ou des surfaces dont la loi est discontinue. Non seulement
la possibilité de ces développements est démontrée,
mais il est facile de calculer les termes des séries ; la valeur
d’un coëfficient quelconque dans l’équation :
est celle d’une intégrale définie, savoir :
Quelle que puisse être la fonction , ou la forme de la
courbe qui la représente, l’intégrale a une valeur déterminée
qui peut être introduite dans le calcul. Les valeurs de ces
intégrales définies sont analogues à celle de l’aire totale
comprise entre la courbe et l’axe dans un intervalle
donné, ou à celles des quantités mécaniques, telles
que les ordonnées du centre de gravité de cette aire ou d’un
solide quelconque. Il est évident que toutes ces quantités
ont des valeurs assignables soit que la figure des corps soit
régulière, soit qu’on leur donne une forme entièrement
arbitraire.
230.
Si l’on applique ces principes à la question du mouvement
des cordes vibrantes, on résoudra les difficultés qu’avait
d’abord présentées l’analyse de Daniel Bernouilli. La solution
donnée par ce géomètre suppose qu’une fonction quelconque
peut toujours être développée en séries de sinus ou
de cosinus d’arcs multiples. Or de toutes les preuves de
cette proposition la plus complète est celle qui consiste à
résoudre en effet une fonction donnée en une telle série
dont on détermine les coëfficients.
Dans les recherches auxquelles on applique les équations
aux différences partielles, il est souvent facile de
trouver des solutions dont la somme compose une intégrale
plus générale : mais l’emploi de ces intégrales exigeait que
l’on en déterminât l’étendue, et que l’on pût distinguer clairement les cas où elles représentent l’intégrale générale
de ceux où elles n’en comprennent qu’une partie. Il était
nécessaire sur-tout d’assigner les valeurs des constantes, et
c’est dans la recherche des coëfficients que consiste la difficulté
de l’application. Il est remarquable que l’on puisse
exprimer par des séries convergentes, et, comme on le verra
dans la suite, par des intégrales définies, les ordonnées des
lignes et des surfaces qui ne sont point assujéties à une loi
continue. On voit par-là qu’il est nécessaire d’admettre
dans l’analyse des fonctions qui ont des valeurs égales,
toutes les fois que la variable reçoit des valeurs quelconques
comprises entre deux limites données, tandis qu’en substituant
dans ces deux fonctions, au lieu de la variable, un
nombre compris dans un autre intervalle les résultats des
deux substitutions ne sont point les mêmes. Les fonctions
qui jouissent de cette propriété sont représentées par des
lignes différentes, qui ne coïncident que dans une portion
déterminée de leur cours, et offrent une espèce singulière
d’osculation finie. Ces considérations prennent leur origine
dans le calcul des équations aux différences partielles ; elles
jettent un nouveau jour sur ce calcul, et serviront à en
faciliter l’usage dans les théories physiques.
231.
Les deux équations générales qui expriment le développement
d’une fonction quelconque en cosinus ou en sinus
d’arcs multiples donnent lieu à plusieurs remarques qui font
connaître le véritable sens de ces théorèmes, et en dirigent
l’application.
Si dans la série
on rend négative la valeur de la série demeure la même,
et elle conserve aussi sa valeur si l’on augmente la variable
d’un multiple quelconque de la circonférence Ainsi
dans l’équation
la fonction est périodique, et représentée par une courbe
composée d’une multitude d’arcs égaux, dont chacun correspond
sur l’axe des abscisses à un intervalle égal à De
plus chacun de ces arcs est composé de deux branches
symétriques qui répondent aux deux moitiés de l’intervalle
égal à
Supposons donc que l’on trace une ligne d’une forme
quelconque φφα et qui réponde à un intervalle égal à
(voyez fig. 9). Si l’on demande une série de la forme
telle qu’en mettant au lieu de une valeur quelconque
comprise entre et on trouve pour la valeur de la série
celle de l’ordonnée il sera facile de résoudre cette question :
car les coëfficients donnés par l’équation sont
Les diverses intégrales qui sont prises de à
ayant toujours des valeurs mesurables comme celle de l’aire
Oφaπ, et la série formée par ces coëfficients étant toujours convergente, il n’y a aucune forme de la ligne φφa, pour
laquelle l’ordonnée ne soit exactement représentée par
le développement
L’arc φφa est entièrement arbitraire ; mais il n’en est pas de
même des autres parties de la ligne, elles sont au contraire
déterminées : ainsi l’arc φα a qui répond à l’intervalle de
à est le même que l’arc φa ; et l’arc total αφa se
répète pour les parties consécutives de l’axe dont la longueur
est
On peut faire varier dans l’équation les limites des
intégrales. Si elles étaient prises depuis jusqu’à
le résultat serait double ; il le serait aussi si les
limites des intégrales étaient et au lieu d’être et
Nous désignons en général par le signe l’intégrale qui
commence lorsque la variable équivaut à et qui est complète
lorsque la variable équivaut à et nous écrirons
l’équation sous la forme suivante :
Au lieu de prendre les intégrales depuis jusqu’à
on pourrait les prendre depuis jusqu’à ou depuis jusqu’à mais dans chacun de ces
deux cas, il faut écrire au premier membre au lieu
de
232.
Dans l’équation qui donne le développement d’une fonction
quelconque en sinus d’arcs multiples, la série change de
signe et conserve la même valeur absolue lorsque la variable
devient négative ; elle conserve sa valeur et son signe
lorsque la variable est augmentée ou diminuée d’un multiple
quelconque de la circonférence L’arc φφa (voyez
fig. 10), qui répond à l’intervalle de à est arbitraire ;
toutes les autres parties de la ligne sont déterminées. L’arc
φφα, qui répond à l’intervalle de à a la même forme
que l’arc donné φφa ; mais il est dans une situation opposée.
L’arc total αφφφφa est répété dans l’intervalle de à
et dans tous les intervalles semblables. Nous écrirons cette
équation comme il suit :
On pourrait changer les limites des intégrales, et écrire
ou au lieu de mais dans chacun de ces deux cas,
il faut écrire au premier membre au lieu de
233.
La fonction développée en cosinus d’arcs multiples, est représentée par une ligne formée de deux arcs égaux
placés symétriquement de part et d’autre de l’axe des dans
l’intervalle de à (voy. fig. 11) ; cette condition est
exprimée ainsi La ligne qui représente la
fonction est au contraire formée dans le même intervalle
de deux arcs opposés, ce qu’exprime l’équation
Une fonction quelconque représentée par une ligne
tracée arbitrairement dans l’intervalle de à peut
toujours être partagée en deux fonctions telles que et
En effet, si la ligne F’F’mFF représente la fonction
et que l’on élève par le point O l’ordonnée Om, on tracera
par le point m à droite de l’axe Om l’arc mƒƒ semblable
à l’arc mF’F’ de la courbe donnée, et à gauche du même
axe on tracera l’arc mƒ’ƒ’ semblable à l’arc mFF ; ensuite
on fera passer par le point m une ligne φ’φ’mφφ qui
partagera en deux parties égales la différence de chaque
ordonnée ou à l’ordonnée correspondante ou
On tracera aussi la ligne ψ’ψ’Oψψ dont l’ordonnée
mesure la demi-différence de l’ordonnée de F’F’mFF à celle de
ƒ’ƒ’mƒƒ. Cela posé, les ordonnées de la ligne F’F’mFF
et de la ligne ƒ’ƒ’mƒƒ étant désignées l’une par et la
seconde par on aura évidemment désignant
aussi l’ordonnée de φ’φ’mφφ par et celle de ψ’ψ’Oψψ
par on aura
donc
on en conclut
ce que la construction rend d’ailleurs évident.
Ainsi les deux fonctions et dont la somme équivaut
à peuvent être développées l’une en cosinus d’arcs
multiples et l’autre en sinus.
Si l’on applique à la première fonction l’équation et à
la seconde l’équation en prenant dans l’une et l’autre les
intégrales depuis jusqu’à et si l’on ajoute les
deux résultats, on aura
les intégrales doivent être prises depuis jusqu’à
Il faut remarquer maintenant que dans l’intégrale
on pourrait, sans en changer la valeur,
mettre au lieu de car la fonction étant
composée, à droite et à gauche de l’axe des de deux parties
semblables, et la fonction étant au contraire formée de
deux parties opposées, l’intégrale est nulle. Il
en serait de même si l’on mettait ou et en général
au lieu de étant un des nombres entiers depuis
jusqu’à l’infini. Ainsi l’intégrale est la même que l’intégrale
On reconnaîtra aussi que l’intégrale est égale
à l’intégrale parce que l’intégrale
est nulle. On obtient par-là l’équation suivante qui
sert à développer une fonction quelconque en une suite
formée de sinus et de cosinus d’arcs multiples ;
234.
La fonction , qui entre dans cette équation, est représentée
par une ligne F’F’FF, d’une forme quelconque. L’arc
F’F’FF, qui répond à l’intervalle de à , est arbitraire ;
toutes les autres parties de la ligne sont déterminées, et
l’arc F’F’FF est répété dans tous les intervalles consécutifs
dont la longueur est . Nous ferons des applications fréquentes
de ce théorème, et des équations précédentes (m)
et (n).
Si l’on suppose dans l’équation que la fonction
est représentée, dans l’intervalle de à par une ligne
composée de deux arcs égaux symétriquement placés, tous
les termes qui contiennent les sinus s’évanouiront, et l’on
trouvera l’équation Si au contraire la ligne qui représente
la fonction donnée est formée de deux arcs égaux
de situation opposée, tous les termes qui ne contiennent
point les sinus disparaissent, et l’on trouve l’équation
En assujétissant la fonction à d’autres conditions, on
trouverait d’autres résultats.
On écrira dans l’équation générale au lieu de la variable
la quantité désignant une autre variable,
et la longueur de l’intervalle dans lequel est placé l’arc
qui représente cette fonction sera que nous
désignerons par Les limites qui étaient et
deviendront on aura donc, après la
substitution
toutes les intégrales doivent être prises comme la première,
de à Si l’on fait la même substitution dans
les équations et on aura
dans la première équation (P), les intégrales pourraient
être prises depuis jusqu’à , et en représentant
par l’intervalle total , on aura
235.
Il résulte de tout ce qui a été démontré dans cette section,
concernant le développement des fonctions en séries trigonométriques,
que si l’on propose une fonction , dont la
valeur est représentée dans un intervalle déterminé, depuis
jusqu’à , par l’ordonnée d’une ligne courbe
tracée arbitrairement on pourra toujours développer cette
fonction en une série qui ne contiendra que les sinus, ou
les cosinus, ou les sinus et cosinus des arcs multiples, ou les
seuls cosinus des multiples impairs. On emploiera, pour connaître
les termes de ces séries, les équations (M), (N), (P).
On ne peut résoudre entièrement les questions fondamentales
de la théorie de la chaleur, sans réduire à cette
forme les fonctions qui représentent l’état initial des températures.
Ces séries trigonométriques, ordonnées selon les cosinus
ou les sinus des multiples de l’arc, appartiennent à l’analyse
élémentaire, comme les séries dont les termes contiennent les puissances successives de la variable. Les coëfficients des
séries trigonométriques sont des aires définies, et ceux des
séries de puissance sont des fonctions données par la différentiation,
et dans lesquelles on attribue aussi à la variable
une valeur définie. Nous aurions à ajouter plusieurs remarques
concernant l’usage et les propriétés des séries trigonométriques ;
nous nous bornerons à énoncer brièvement celles
qui ont un rapport plus direct avec la théorie dont nous
nous occupons.
1o Les séries ordonnées selon les cosinus ou les sinus des
arcs multiples sont toujours convergentes, c’est-à-dire qu’en
donnant à la variable une valeur quelconque non imaginaire,
la somme des termes converge de plus en plus vers
une seule limite fixe, qui est la valeur de la fonction développée.
2o Si l’on a l’expression de la fonction qui répond à
une série donnée
et celle d’une autre fonction dont le développement
donné est
il est facile de trouver en termes réels la somme de la série
composée etc., et plus généralement
celle de la série
que l’on forme, en comparant terme à terme les deux séries données. Cette remarque s’applique à un nombre quelconque
de séries.
3o La série (P) (art. 234) qui donne le développement
d’une fonction en une suite de sinus et de cosinus d’arcs
multiples, peut être mise sous cette forme :
étant une nouvelle variable qui disparaît après les intégrations.
On a donc
Donc, en désignant par la somme de la série
précédente, prise depuis jusqu’à on aura
L’expression représente une fonction de
et de telle que si on la multiplie par une fonction quelconque
et, si après avoir écrit on intègre entre les
limites et on aura changé la fonction proposée
a en une pareille fonction de multipliée par la
demi-circonférence On verra par la suite quelle est la nature
de ces quantités, telles que qui jouissent
de la propriété que l’on vient d’énoncer.
4o Si dans les équations (M) (N) et (P) (art. 234) qui
étant divisées par donnent le développement d’une fonction
on suppose que l’intervalle devient infiniment
grand ; chaque terme de la série est un élément infiniment
petit d’une intégrale ; la somme de la série est alors représentée
par une intégrale définie. Lorsque les corps ont des
dimensions déterminées, les fonctions arbitraires qui représentent
les températures initiales, et qui entrent dans les
intégrales des équations aux différences partielles, doivent
être développées en séries analogues à celles des équations
(M), (N), (P) ; mais ces mêmes fonctions prennent la forme
des intégrales définies, lorsque les dimensions des corps
ne sont point déterminées, comme on l’expliquera dans
la suite de cet ouvrage, en traitant de la diffusion libre de
la chaleur.
SECTION VII.
Application à la question actuelle.
236.
Nous pouvons maintenant résoudre d’une manière générale
la question de la propagation de la chaleur dans une
lame rectangulaire BAC, dont l’extrémité A est constamment
échauffée, pendant que ses deux arêtes infinies B et C
sont retenues à la température 0.
Supposons que la température initiale de tous les points
de la table BAC soit nulle, mais que celle de chaque point
m de l’arête A soit conservée par une cause extérieure quelconque,
et que cette valeur fixe soit une fonction de la distance du point m à l’extrémité O de l’arête A, dont la
longueur totale est soit la température constante du
point m, dont les coordonnées sont et il s’agit de déterminer
en une fonction de et La valeur
satisfait à l’équation et sont des quantités
quelconques. Si l’on prend , et que soit un
nombre entier, la valeur deviendra nulle,
lorsque quelle que soit d’ailleurs la valeur de On
pourra donc prendre pour une valeur plus générale de
Si l’on suppose nulle, la valeur de sera d’après l’hypothèse
égale à la fonction connue, On aura donc
On déterminera les coëfficients etc., au moyen
de l’équation (M), et en les substituant dans la valeur de
on aura
237.
En supposant dans l’équation précédente on aura
la même solution sous une forme plus simple, savoir :
est une nouvelle variable qui disparaît après l’intégration.
Si l’on détermine la somme de cette série ; et si l’on en fait
la substitution dans la dernière équation, on aura la valeur
de sous une forme finie. Le double de la série équivaut à
désignant par la somme de la série infinie
on en conclura
On a
donc
ou
ou décomposant le coëfficient en deux fractions,
Cette équation contient sous la forme finie, et en termes
réels, l’intégrale de l’équation appliquée à
la question du mouvement uniforme de la chaleur dans un
solide rectangulaire, exposé par son extrémité à l’action
constante d’un seul foyer.
Il est facile de reconnaître les rapports de cette intégrale
avec l’intégrale générale, qui a deux fonctions arbitraires ;
ces fonctions se trouvent déterminées par la nature même
de la question, et il ne reste d’arbitraire que la fonction
considérée entre les limites et L’équation
représente, sous une forme simple, propre aux applications
numériques, cette même valeur de réduite en une série
convergente.
Si l’on voulait déterminer la quantité de chaleur que le
solide contient lorsqu’il est parvenu à son état permanent ;
on prendrait depuis jusqu’à
et depuis jusqu’à le résultat serait proportionnel
à la quantité cherchée. En général il n’y a aucune propriété
du mouvement uniforme de la chaleur dans une lame rectangulaire,
qui ne soit exactement représentée par cette solution.
Nous envisagerons maintenant les questions de ce genre
sous un autre point de vue, et nous déterminerons le mouvement
varié de la chaleur dans les différents corps.