Théorie de la musique (Danhauser, 1889)/Complément/Ornements
COMPLÉMENT.
ORNEMENTS. — ABRÉVIATIONS.
Pour compléter l’étude des principes de la musique, il nous reste à faire connaître les ornements qu’on peut introduire dans un morceau, et les abréviations qui s’emploient, surtout dans la musique instrumentale.
DES ORNEMENTS.
269. Les ornements ajoutés à une composition musicale, peuvent lui donner plus de variété, ou en augmenter la grâce et même la vigueur.
Les ornements, qu’on nomme aussi notes d’agrément, notes de goût ou broderies, s’écrivent en notes très petites, ou s’indiquent par des signes.
Ils se placent devant ou après les notes principales[1], et ne comptent jamais dans la mesure : ils empruntent leur valeur à celle de la note principale qui les précède ou à celle de la note qui les suit.
Les principaux ornements sont :
L’appogiature
Le grupetto.
Le trille.
Le mordant.
La fioriture nommée aussi cadenza ou point d’orgue.
DE L’APPOGIATURE.
269. L’appogiature, (de l’italien appogiare, appuyer,) se place devant une note principale et a un degré (ton ou demi-ton) au-dessus ou au-dessous.[2] Elle s’écrit en petites notes et sa valeur doit être empruntée à celle de cette note principale.
Dans l’exécution, l’appogiature doit, ainsi que son nom l’indique, être appuyée plus fortement que la note qui la suit.
La durée de l’appogiature dépend du caractère du morceau : toutefois, elle est ordinairement égale à celle de la note principale à laquelle elle est affectée.
La durée de l’appogiature peut aussi être égale au deux tiers de la note principale, si celle-ci est pointée.
En général, la figure de l’appogiature exprime la durée qu’elle doit avoir.[3]
DE L’APPOGIATURE DOUBLE.
270. L’appogiature double consiste en deux notes dont l’une est à un degré au-dessus et l’autre à un degré au-dessous de la note principale.
La valeur de l’appogiature double est également empruntée à celle de la note principale qui la suit. Selon le mouvement et le caractère du morceau, elle peut être exécutée avec plus ou moins de rapidité ; soit de la manière suivante :
DE L’APPOGIATURE BRÈVE.
271. L’appogiature brève doit être exécutée très rapidement.
Elle se présente sous la figure d’une croche dont le crochet est traversé par une petite ligne oblique. Sa valeur est aussi empruntée à celle de la note principale qui la suit.
DU GRUPETTO.
272. Le grupetto est un groupe de trois ou quatre notes, suivant ou précédant la note principale.
Il s’écrit en petites notes, ou s’indique par l’un des deux signes suivants — .
Lorsque le premier crochet est en l’air, () il faut commencer le grupetto par la note supérieure.
Lorsque le premier crochet est en bas, () il faut commencer le grupetto par la note inférieure.[4]
273. Voici les différentes manières d’exécuter le grupetto.
1o Lorsque le signe indicatif est placé au-dessus d’une note, le grupetto est de trois notes ; il s’exécute avant la note principale et sa valeur doit lui être empruntée.[5]
2o Quand le signe indicatif est placé entre deux notes différentes, le grupetto s’exécute avant la seconde note, et sa valeur doit être empruntée à celle de la première. (il est alors composé de quatre notes.)
3o Lorsque le grupetto est place après une note pointée ou entre deux notes de même son, il doit être exécute ainsi :
Si la note supérieure du grupetto devait être altérée, on placerait l’accident au-dessus du signe ; on le placerait au-dessous pour l’altération de la note inférieure. Enfin, si les deux notes devaient être altérées, on placerait un accident au-dessus du signe et un autre au-dessous.
274. Dans un passage d’un mouvement animé, le grupetto doit être exécuté rapidement et contribuer à accentuer le rhythme ; mais dans un chant d’un caractère large, il doit être plus soutenu.
DU TRILLE.
275. Le trille consiste dans les battements alternatifs et rapides de deux notes conjointes ; la note écrite est toujours la plus grave.
276. Le trille s’indique par les lettres tr ; souvent on fait suivre ces lettres du signe suivant.
Lorsque la note supérieure du trille doit être altérée, on place l’accident sous les lettres tr : indication du trille.
277. Le trille présente trois parties : la préparation, les battements et la terminaison.
Il y a trois préparations principales ; chacune d’elles est indiquée par une petite note.
La première consiste à commencer le trille par la note écrite, au-dessus de laquelle le trille est indiqué. (Pour cette préparation on supprime quelquefois la petite note.)
La deuxième consiste à commencer le trille par la note supérieure à la note écrite.
La troisième consiste à commencer le trille par la note inférieure à la note écrite.
278. Il y a également différentes terminaisons qui s’indiquent aussi par des petites notes.
279. Il faut terminer le trille dans le même mouvement que les battements. Cependant, dans les Adagio, on peut en ralentir la terminaison.
Le trille doit toujours être exécuté avec une grande égalité ; brillant dans les morceaux d’un mouvement rapide, il doit être onctueux dans ceux d’un mouvement lent.
DU MORDANT.
280. Le mordant est un battement très rapide de deux notes conjointes.
La première de ces notes est la même que la note principale à laquelle le mordant est affecté : la seconde est le degré supérieur (soit à un ton, soit à un demi-ton).
281. Le mordant s’écrit en petites notes, ou s’indique par le signe suivant . Il emprunte sa valeur à celle de la note principale.
Le mordant doit être exécuté avec netteté et d’une manière incisive.
DE LA FIORITURE.
282. La fioriture est un trait que l’exécutant introduit quelquefois pendant la suspension de mesure indiquée par le point d’orgue ; alors elle prend aussi le nom de cadenza ou celui de point d’orgue[6].
283. Ce trait est presque toujours noté par le compositeur, (il s’écrit en petites notes). Mais l’exécutant le modifie souvent de façon à mettre en relief les qualités qu’il possède, les difficultés vaincues dans lesquelles il excelle ou, dans la musique vocale, pour mieux l’approprier à l’étendue de sa voix.
284. Ce trait n’est jamais mesuré, c’est au goût de l’exécutant d’en déterminer, selon le caractère du morceau, le mouvement et l’expression.
285. La fioriture peut se placer aussi dans le courant d’un morceau, sans qu’il soit nécessaire qu’il y ait un point d’orgue.
286. La fioriture emprunte alors sa valeur à la note principale qui la précède, et s’exécute sans que le mouvement soit altéré.
- ↑ Nous nommons, note principale, toute note du morceau à laquelle un ornement est accolé.
- ↑ Harmoniquement « l’appogiature est une note étrangère placée à un degré au-dessus ou au-dessous d’une note de l’harmonie dont elle prend momentanément la place » (F. Bazin, Traité d’Harmonie.)
- ↑ Autrefois on écrivait toujours l’appogiature en petites notes, mais aujourd’hui on l’écrit le plus souvent en notes de grandeur ordinaire ; nous n’avons pas à nous occuper de ces dernières, puisqu’elles doivent être exécutées comme elles sont écrites.
- ↑ Autrefois cette différence était observée avec un grand soin. Aujourd’hui on emploie seulement celui-ci, , (ce qui est regrettable) soit le grupetto commence par la note inférieure, soit qu’il commence par la supérieure.
- ↑ Harmoniquement, ce grupetto est considéré comme une appogiature double avec note de passage.
- ↑ Ces deux dénominations sont impropres, elles proviennent de ce que ce trait précède ordinairement une cadence, ou de ce qu’il est exécuté pendant le repos imposé par le point d’orgue.