Théorie mathématique de la lumière/2/Chap.02

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Georges Carré (2p. 19-33).

CHAPITRE II


THÉORIE ÉLECTROMAGNÉTIQUE DE LA LUMIÈRE
COMPARAISON DE CETTE THÉORIE AVEC LA
THÉORIE ÉLASTIQUE

12. J’emploierai dans tout ce qui va suivre les notations de Maxwell, que je rappelle succinctement, en renvoyant pour plus de détails à l’ouvrage même du savant anglais et à mon traité intitulé Électricité et Optique.

Nous considérerons d’abord la force magnétique, dont Maxwell désigne les composantes par Ensuite l’induction magnétique dont les composantes sont (Cf. Électricité et Optique, tome I, pages 110 et suiv.).

On a, s’il n’y a pas de force coercitive :

étant le coefficient de perméabilité magnétique du milieu.

Dans le vide . Dans les corps diamagnétiques, on a et dans les corps magnétiques Mais dans la plupart des corps, sauf le fer, le nickel, le cobalt, est extrêmement voisin de

Les expériences de Hertz paraissent démontrer d’ailleurs, que, dans le cas des courants oscillant avec une extrême rapidité, l’induction n’a pas le temps de se produire et que tout se passe comme si était égal à La théorie électromagnétique suppose précisément que les phénomènes lumineux sont dus à de semblables courants alternatifs, ayant même période que les vibrations de l’éther. Ces périodes sont environ fois plus courtes que celles des courants observés par Hertz.

13. Maxwell admet qu’il existe non seulement des courants de conduction comme ceux qui se propagent dans les corps bons conducteurs, mais aussi des courants de déplacement se produisant dans les diélectriques et même dans le vide.

L’intensité du courant peut être regardée comme la vitesse de l’éleclricité ; représente le déplacement. La résistance d’un diélectrique croît, d’après Maxwell, avec le déplacement ; il s’ensuit que les courants de déplacement ne peuvent être que des courants alternatifs extrêmement rapides.

Soient les composantes du courant total ;

les composantes du courant d’induction ;

celles du courant de déplacement.

seront les composantes du déplacement électrique.

En général :

(1)

Mais dans les diélectriques, comme il n’y a pas de conduction : et

(2)

Les composantes du courant sont liées aux composantes de la force magnétique par les relations :

(3)

La force électromotrice qui s’exerce en un point quelconque a pour composantes

(4)

est le potentiel électrostatique. sont les composantes de ce que Maxwell appelle potentiel vecteur. sont les composantes de la force due à l’induction de tous les courants qui existent dans le champ. On définit aussi quelquefois le potentiel vecteur comme il suit : sont les composantes de la force électromotrice d’induction que produirait la suppression brusque de tous les courants existant dans le champ.

On admet, sans qu’aucune expérience sérieuse l’ait vérifiée, la relation :

On démontre en outre que :

(5)

Dans un conducteur les courants de conduction satisfont aux relations :

etc.

Ce coefficient est la conductibilité du milieu ; ces courants de conduction sont donc proportionnels à la force électromotrice.

Pour les courants de déplacement, on a :

est le pouvoir inducteur spécifique du milieu ; le courant de déplacement est donc proportionnel à c’est ce qui explique sa courte durée, car il s’annule dès que la force électromotrice devient constante.

Différencions la première des équations (5) par rapport à

d’autre part :

Additionnons ces trois équations membre à membre, il vient :

(6)

les deux dernières équations étant obtenues par permutation.

14. Il est possible de trouver encore une forme d’équations plus appropriée à la comparaison que nous avons en vue. Nous avons posé :

avec :
et

On en déduit :

(7)

Cette forme a été employée par Hertz. Elle a l’avantage d’être symétrique et de ne contenir que deux quantités seulement : la force électromotrice et la force magnétique

Nous avons trouvé dans la théorie élastique les équations :

(IV) etc.
(V) etc.

L’analogie de forme des deux systèmes est évidente, seulement il ne faut pas les comparer directement parce que l’expression de l’énergie ne se présente pas sous la même forme. Aussi, pour faire cette comparaison, nous modifierons les équations IV et V de la façon suivante.

Posons :

Différencions les équations (IV) par rapport au temps ; il vient :

(8)

15. Ces équations peuvent se comparer aux équations de la théorie électromagnétique de deux manières :

Premier mode de comparaison. — On peut passer du système électromagnétique au système élastique, en changeant chacune des quantités écrites en celle placée au dessous.

Deuxième mode de comparaison. — Il faut changer

Il s’agit maintenant d’interpréter ce résultat.

Dans la théorie électromagnétique on est conduit, nous verrons plus tard pour quelles raisons, à admettre que dans une oscillation lumineuse ou une oscillation hertzienne, la force électrique est perpendiculaire au plan de polarisation, tandis que la force magnétique est parallèle à ce plan.

16. La théorie électromagnétique est fondée sur des expériences assez certaines pour garder sa place, ce sont les théories élastiques qui doivent se concilier avec elle et n’en être qu’une traduction.

Or, dans le premier mode de comparaison, la force perpendiculaire au plan de polarisation correspond à la vitesse de la molécule d’éther ; la vibration serait dans ce cas perpendiculaire au plan de polarisation. Le pouvoir inducteur correspond à la densité de l’éther, cette densité serait variable d’un corps à l’autre comme nous avons vu qu’il était permis de regarder comme constant et égal à le coefficient d’élasticité de l’éther serait constant.

Cette interprétation est celle de Fresnel.

17. Dans le second mode, correspondent à c’est-à-dire que la vitesse correspond à la force magnétique qui est parallèle au plan de polarisation : le déplacement de l’éther serait donc aussi parallèle au plan de polarisation ; correspond à et serait variable comme lui ; correspond à et serait donc constant : donc la densité de l’éther serait constante, et son élasticité variable.

Cette interprétation est celle de Neumann.

18. Nous allons en particulier comparer l’expression de l’énergie donnée par la théorie de Fresnel et celle que donne la théorie électromagnétique.

D’après Fresnel, l’énergie se compose de l’énergie cinétique.

et de l’énergie potentielle en posant :

en appliquant au cas actuel la formule donnée au no 3 et remarquant que :

et ou

puisqu’il s’agit d’ondes transversales.

L’énergie dans la théorie de Fresnel a donc pour expression :

Pour Maxwell elle se compose de l’énergie électrostatique, plus l’énergie magnétique, et elle a pour expression :

Le premier terme, l’énergie électrostatique, est équivalent à l’énergie cinétique ; en effet traduisons-le en notations de la théorie élastique : il faut changer en ce qui donne

expression identique à celle de l’énergie cinétique au facteur numérique près. Il n’y pas à s’inquiéter de ce facteur, car le système d’unités n’est pas le même dans les deux cas.

L’énergie magnétique est, de son côté, égale à l’énergie potentielle. En effet, faisons aussi la traduction.

puisque nous avons pris

Posons :

L’énergie magnétique sera

Posons encore :

Il est facile de vérifier l’identité :

ou

Je dis que

Pour le démontrer, il suffit de démontrer que l’une des trois intégrales

par exemple, est nulle. La démonstration s’appliquera aux autres qui s’en déduisent par symétrie.

Cette intégrale s’écrit aussi :

les trois sommations étant étendues à tout l’espace, ou par conséquent

L’intégrale double est nulle, si nous supposons que s’annulent à l’infini ; dans cette intégration, on suppose que reste constant, autrement dit on intègre pour tous les éléments de surface, contenus dans un plan

Considérons comme les coordonnées d’un point de l’espace : ce sont des fonctions de et de à chaque point du plan correspond un point de l’espace ; au plan tout entier correspondra une certaine surface fermée ; en effet, pour les points à distance finie, sont finis ; si le point s’éloigne dans le plan indéfiniment dans une direction déterminée, tendent vers puisqu’ils s’annulent à l’infini ; la courbe qui correspond à cette direction est donc fermée. Comme cette direction est quelconque, on en conclut que la surface est aussi fermée.

L’intégrale étudiée représente la projection de la surface sur le plan des Comme la surface est fermée, cette intégrale est nulle.

Il reste donc seulement

et l’énergie magnétique est équivalente à l’énergie potentielle au facteur constant près qui est le même que pour l’énergie électrostatique.

Par conséquent, il y a bien accord entre la théorie de Fresnel et celle de Maxwell.

La comparaison entre la théorie de Neumann et celle de Maxwell présenterait plus de difficultés.

19. Propagation des ondes planes. — Considérons une onde se propageant vers les positifs, le déplacement étant parallèle à (onde transversale) : dans ce cas :

étant la vitesse de la lumière.

Nous supposerons que est nul pour et pour et aussi pour et

sera différent de seulement pour

Dans ces conditions la perturbation sera circonscrite dans une région limitée par deux plans perpendiculaires à l’axe des

Ces deux plans s’avancent simultanément, et leur distance reste constamment égale à Entre eux, et là seulement, l’éther est troublé ; en dehors d’eux, toutes les forces sont nulles.

Rendons-nous compte de ce dernier point.

Entre les deux plans nous avons des courants parallèles à l’axe des et ayant pour intensité totale :

puisque

Pour calculer l’action magnétique de ces courants, nous allons appliquer la loi de Biot et de Savart. D’après cette loi un courant rectiligne indéfini exerce sur un pôle magnétique une force perpendiculaire au plan qui passe par le pôle et par le courant, et inversement proportionnelle à la distance du point à ce courant.

Supposons que le courant se propage dans un fil cylindrique
Fig. 4.
parallèle à l’action magnétique de ce fil sur le pôle sera égale en grandeur à l’attraction qu’exercerait sur ce pôle une matière attirante répandue dans le cylindre avec une densité égale à celle du courant ; mais, pour obtenir sa direction, il faut faire tourner cette dernière force de 90° autour de

20. Cette règle est encore applicable à une série de courants parallèles à comme dans le cas qui nous occupe.

Soit un point extérieur aux deux plans (fig. 4) : considérons une couche infiniment mince comprise entre deux plans et nous pouvons regarder la densité du courant ou de la matière attirante comme constante dans cette couche ; et l’attraction de cette couche sera la même que celle d’un plan indéfini recouvert de la matière attirante avec une densité superficielle On sait que cette attraction sur un point est constante et indépendante de la distance de au plan et a pour valeur

L’attraction de toute la partie troublée sera :

Mais par hypothèse donc l’attraction cherchée est nulle.

Il n’y a donc pas de force magnétique en dehors des deux plans et par conséquent pas d’induction.

Soit maintenant un point intérieur ayant pour ordonnée Menons le plan nous aurons deux régions à distinguer : la première à gauche de ce plan, la seconde à droite. L’attraction de la portion de gauche est égale en valeur absolue à

puisque

L’attraction de la portion de droite a pour valeur absolue

puisque

Mais ces deux attractions étant dirigées en sens contraires, leurs valeurs absolues doivent se retrancher : ce qui donne pour la valeur de l’attraction résultante :

La force magnétique entre nos deux plans n’est donc pas nulle.