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Toutes les femmes/07

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A. Méricant (3p. 119-140).

LES SIBÉRIENNES

Mongoles.

Les Mongols peuplent la moitié septentrionale de l’Asie qui s’étend de l’Oural au Kamtchatka. Si, dans les régions du Sud-Ouest, qui confinent à l’Iran et à la Caspienne, ils ont plus ou moins subi la pénétration de la race blanche, dans les pays qui s’étendent au nord de la Chine, ils ont gardé une pureté relative de type et de mœurs.

Les Khalkas, ou Mongols proprement dits, occupent l’immense territoire désigné, sur les cartes, sous le nom de Mongolie. Ils s’enorgueillissent de distinguer encore, parmi eux, les familles des taïtsis, c’est-à-dire des descendants de Gengis-Khan. Leur teint, cependant, n’est pas jaune, il serait plutôt brun ; de même, leurs yeux, petits mais ouverts comme ceux des Européens, ne sont point bridés à la chinoise.

D’une taille plutôt au-dessous de la moyenne, trapues, un peu massives, les femmes khalkas se reconnaissent comme Mongoles à leur visage large et plat, aux pommettes très accusées, au nez peu saillant et épaté. Leurs lèvres sont assez grosses, mais le prognathisme de la face est peu accentué.

Les immigrants chinois imposent de plus en plus en Mongolie leur civilisation, leur costume et leurs usages. Néanmoins la monogamie reste la règle du mariage dans cette nation. La femme, considérée comme inférieure à l’homme et vendue par son père au plus offrant, n’a que rarement à souffrir de mauvais traitements.

Dans les steppes immenses qui se déroulent à l’orient des monts Oural vivent les Kalmouks et les Bouriates. Une horde kalmouke s’est même établie en Europe, dans le sud de la Russie, entre le Volga et le Don ; les deux autres hordes se sont fixées dans la Dzoungarie, entre l’Altaï et l’Oural.

La taille des femmes kalmoukes est moyenne, leur teint d’un brun jaunâtre, leurs cheveux noirs et gros. La tête est haute, le front long et fuyant, la face très large ; les pommettes anguleuses font une saillie très apparente. Les arcades sourcilières, très grosses, s’arquent au-dessus d’yeux brun foncé, bridés, mais pas constamment obliques. Le nez, aux ailes peu développées, comme écrasé et enfoncé
Femme mongole.

dans le visage, ne se distingue pas sur le profil. La bouche est petite, les lèvres minces, le menton bas.

Les jeunes filles portent les cheveux courts ; les femmes mariées les réunissent en deux nattes qu’elles renferment en de longs fourreaux de velours ou de drap pendant sur leur poitrine. Les filles ont une boucle passée dans l’oreille droite ; quand elles se marient, elles en adjoignent une seconde. Un ornement dont elles se séparent rarement, c’est leur pipe, qu’elles fument depuis leur enfance jusqu’à leur mort.

Sauf les princes, qui ont jusqu’à trois épouses, le Kalmouk ne demande qu’à une seule d’assurer sa félicité. Il achète sa fiancée aux parents en leur payant le kalim ou rançon ; le jeune ménage reçoit en échange une dot se composant d’une tente et de divers objets mobiliers. La cérémonie nuptiale est suivie d’un simulacre d’enlèvement. Quelquefois, lorsque l’accord à propos du kalim tarde trop longtemps à son gré, le prétendant perd patience et, à l’aide de ses amis, par force ou par ruse, il procède à un enlèvement véritable. Bon mari, considérant sa femme comme un être inférieur qu’il accable de travaux manuels mais sans la maltraiter ni la surveiller trop étroitement, le Kalmouk a rarement recours à la répudiation ; excepté cependant s’il peut arguer de la stérilité de celle dont il ne veut plus, car, en ce cas, il est libre de la renvoyer dans sa famille sans être tenu de restituer la dot.

Les Kalmouks du peuple doivent, pour se marier entre eux, être séparés par au moins trois ou quatre degrés de parenté ; les mariages entre gens du même clan sont strictement interdits. Ceux de la noblesse se sont affranchis de ces règles. Aussi leurs inférieurs les comparent-ils volontiers aux chiens qui, eux non plus, « ne connaissent pas la parenté. »

Restés, pour la plupart, adonnés aux pratiques chamanistes, nombre de Kalmouks ont reçu le baptême. Voici l’un des cas qui entraînent le plus fréquemment leur conversion. Un mari abuse un peu de la permission qu’il a de battre sa femme ; celle-ci se sauve chez le missionnaire qui la baptise. Pour avoir le droit de la réclamer, il faut que l’époux vindicatif se fasse chrétien à son tour ; il y hésite rarement. Et c’est ainsi qu’une querelle de ménage a pour résultat d’arracher deux âmes à Satan.

Les Bouriates qui sont établis à l’est, au sud et au nord du lac Baïkal, sont fiers de leur beauté. Leurs femmes, de taille ordinaire, trouvent que leur tête arrondie et volumineuse, leurs yeux mi-ouverts, leur nez camus et leurs pommettes anguleuses réunissent tous
Femme mandchoue.

les caractères du Beau absolu. Elles n’ont pas assez de dédain pour notre type européen, « nos têtes longues, disent-elles, comme celle du chien ou du cheval. »

Mandchoues.

La race mandchoue est aujourd’hui en voie de complète disparition. Cantonnés autrefois dans l’immense contrée qui porte encore leur nom, ces peuples se sont, il y a deux siècles et demi, emparés de l’empire chinois ; mais, comme il arrive presque toujours en pareille occurrence, ils ont peu à peu adopté les mœurs et les coutumes de leurs sujets plus nombreux et plus civilisés.

À l’heure présente, la majorité des habitants de la Mandchourie se compose de Chinois ; dans les écoles, les enfants des Mandchous apprennent le chinois, et l’étranger fait difficilement la distinction entre les deux races. Ayant perdu leurs habitudes nomades, les descendants des conquérants se sont rendus propriétaires de terrains de culture dont ils confient l’exploitation à des Chinois. Une seule tribu, celle des Salons, est restée fidèle aux rites chamanistes et a refusé d’adopter le bouddhisme.

Plus grandes, plus vigoureuses aussi que les Chinoises, les femmes de cette nation n’ont gardé que peu de traits du type primitif de leur race. Elles portent sur leur visage la trace des nombreux métissages par lesquels la pureté du sang mandchou s’est altérée au contact d’éléments chinois, mongols et tongouses.

Ostiakes.

Les Ostiakes ou Yougriens, qui habitent, près de l’Oural, le nord-ouest de la Sibérie, ont pendant longtemps été classés parmi les peuples de race jaune. On a reconnu aujourd’hui leur parenté finnoise. Il est vrai que certains de leurs traits révèlent de fréquentes alliances avec des voisins mongoliques.

Les femmes ostiakes sont petites ; leur crâne est rond, leurs traits grossiers ; leur nez, court et déprimé à la base, a un peu l’aspect d’une verrue ; leurs cheveux sont roux ou d’un blond doré. Elles ont les joues angulaires, le menton court, la bouche ronde et lippue. On a attribué le bridement de leurs paupières, qui est commun à tous les peuples de cette région, à la nécessité où l’on se trouve en ces pays de cligner à demi les yeux pour supporter au dehors des tentes l’éclat de la neige étincelante et pour n’être pas aveuglé par la fumée dans l’intérieur.


Femme kirghize.

Le costume des Ostiakes du Nord ressemble à celui des Samoyèdes. C’est une longue tunique de fourrure ouverte sur le devant. La toilette de fête se compose de peaux de diverses couleurs. Celles du Midi portent une longue chemise flottante enrichie de verroteries ; elle est retenue par une lanière de cuir qui passe entre les jambes et vient s’attacher à une ceinture de cuir. Les élégantes recouvrent le tout d’une seconde chemise en cotonnade voyante et se voilent d’un long châle qui, de leur tête, descend sur les épaules, et dont elles ramènent les pans sur la figure.

Une jeune fille, sous le toit de ses parents, jouit de tous les soins imaginables ; peut-être l’amour paternel y a-t-il sa part, mais, en l’élevant, il se peut que l’Ostiak ait en vue le même profit que lorsqu’il se livre à l’éducation des renards. Bonne marchandise trouve toujours acheteur. Le kalim, qui varie de 30 à 100 roubles, est payable en argent, en rennes ou en peaux.

La fille ne reçoit rien ou presque rien pour sa dot. Comme il arrive que tel qui voudrait bien avoir une femme ne pourrait solder le kalim, le père peut se trouver frustré dans ses espérances. Que Roméo se fasse agréer par Juliette, il l’enlève sans plus de façons, et la conduit d’abord dans sa iourte, puis à l’église. Quand le pope est passé par là, le beau-père n’a plus rien à dire.

Ouzbègues et Kirghizes.

La famille kirghize, établie à l’est de la Caspienne, comprend des populations de langue turque qui se différencient légèrement les unes des autres.

Chez les Ouzbègues, descendants nomades de la célèbre Horde d’Or, les éléments tartares et mongols ont primé les éléments turcs. Après s’être élevés à un certain degré de civilisation, ils ont fait retour à l’état nomade et présentent les types les plus divers, produit des filiations d’esclaves ou de prisonnières dont les guerriers faisaient, de plus ou moins bon gré, leurs compagnes : presque jaunes dans le Ferghana, presque blancs sur les bords de la Caspienne, dans le voisinage de la Perse.

Vêtues d’une pelisse, coiffées d’un capuchon noir et d’un volumineux turban blanc, le visage voilé, chaussées de bottes à talons très hauts et très étroits, elles montent à cheval comme les hommes, qu’elles accompagnent dans leurs expéditions de pillage. Elles s’entendent d’ailleurs parfaitement à la maraude et, en l’absence de leurs époux, ne se gênent pas de razzier les caravanes qui passent dans le voisinage de leur campement. C’est pour elles, comme pour eux, un suprême déshonneur de mourir dans un lit. Leur vaillance ne leur épargne pas les


Femme turkmène.

lourds travaux domestiques dont elles sont littéralement accablées.

Les Kirghizes, qu’une légende nationale fait descendre de quarante filles et d’un chien rouge — symbole de leur vie sauvage et errante — descendus des plateaux de l’Altaï, se sont dispersés à travers le Turkestan et l’ouest de la Chine jusqu’au Pamir. Leurs femmes sont robustes, élancées, bien conformées. Elles ont la peau brune, le crâne court, la face large. Les jeunes filles se couvrent la tête de petites calottes, les femmes mariées d’un énorme bonnet de coton blanc qui recouvre une partie du visage, le cou, les épaules et le dos. Leurs cheveux forment de multiples tresses à l’extrémité desquelles sont suspendus des bijoux et des pièces de monnaies.

Plus intelligentes que les hommes, elles jouissent d’un grand respect qui fait attacher un certain prix à leurs conseils.

Turkmènes.

Les plaines du sud du Turkestan sont parcourues par les cavaliers turcomans ; ce sont les descendants les moins métissés des Turcs primitifs. En général, le type féminin est resté plus mongolique que celui des hommes. Chez les Tekkes, tribu pillarde de la frontière persane, le grand nombre de captives iraniennes ramenées des expéditions guerrières a modifié les caractères de la race. Les tribus de l’intérieur méprisent ces sang-mêlés qu’ils considèrent comme déchus. Un guerrier de rang doit toujours avoir au moins une femme de race pure.

Les Turcomanes ou Turkmènes ont le front large, les yeux petits, obliques et perçants, le nez petit mais bien dessiné, les lèvres grosses, les oreilles écartées. Elles s’habillent d’une longue robe qui dessine la taille et tombe jusqu’à terre, recouvrant les pieds ; leurs cheveux retombent en tresses sur leurs épaules ; elles se coiffent d’un grand turban blanc très haut, supportant une ample écharpe rouge et blanche qui descend jusqu’à la ceinture. Les bijoux, colliers, bracelets, plaques, chaînettes, etc., dont elles sont ornées, accompagnent leur marche d’un cliquetis métallique. Bien que musulmanes, elles vont le visage découvert.

Les jeunes gens, laissés libres de se voir, peuvent se marier suivant leur libre choix. Le kalim une fois payé, la future, vêtue de ses habits de fiancée, s’enfuit au galop, poursuivie par son prétendu qu’accompagnent de nombreux amis ; pendant ce simulacre de fuite, elle ne doit pas se laisser atteindre. Parfois le jeune homme, peu fortuné, oublie de payer le kalim ; il trouve plus simple d’enlever réellement sa bien-aimée. Tous deux vont demander asile à un camp voisin où ils sont accueillis sans peine. Les anciens, pendant ce temps, négocient et l’affaire s’arrange moyennant une promesse faite par le ravisseur de payer à son beau-père une indemnité de quelques chevaux ou de quelques chameaux. La fugitive doit seulement rentrer chez ses parents pour une année environ, avant d’aller partager la demeure de son mari.

À sa femme légitime, un Turcoman peut, s’il en a les moyens, adjoindre des « petites femmes ». Ce lui seront autant d’esclaves subalternes qui collaboreront avec l’esclave principale a la fabrication des étoffes, à la confection des habits et des chaussures, à l’édification de la tente, au chargement et au déchargement des chameaux et aux multiples besognes du ménage. Guerrières, en outre, les Turkmènes seraient peut-être des épouses accomplies si elles n’étaient d’une malpropreté repoussante et d’une facilité de mœurs sans seconde.

Samoyèdes.

Disséminés dans les toundras des bords de l’océan Glacial, dans les régions les plus déshéritées du globe, où les Mongols, les Turcs et les Slaves les ont successivement repoussés, les Samoyèdes, de descendance finnoise, ont acquis un grand nombre de traits du type mongol.

Petites, trapues, grosses, avec un petit cou et de petites jambes, l’œil mi-ouvert, le nez court, enfoncé entre les joues, les beautés samoyèdes se présentent avec un teint jaune brun. Ce n’est là qu’une apparence : faites ce qu’elles ne feront jamais toutes seules ; frottez-le avec de l’eau et du savon et vous verrez que la nuance réelle de leur peau est d’un jaune pâle. Leurs cheveux flottent sur leur dos partagés en tresses, qu’elles ne défont jamais.

Elles portent une robe de drap et de peau de renne, ouverte par devant et fixée par une ceinture que ferme un gros anneau de fer. Sous la robe est une culotte, également en peau de renne, qu’elles ne retirent en aucune circonstance.

Ces séduisantes créatures sont achetées par leur mari qui verse la moitié du kalim à son beau-père et le reste aux parents de la belle. Après quoi, aidé de femmes, il s’empare de sa fiancée qui simule une résistance désespérée, l’attache sur un traîneau et l’emmène à sa nouvelle iourte où elle a comme premier devoir de préparer le coucher de son mari.

Fille, elle était à peine considérée comme un être humain — on ne donne même pas de nom aux femmes. Épouse, elle est soumise au plus dur et au plus humiliant des servages. Les travaux les plus pénibles deviennent son lot ; elle les exécute sur un simple regard de son maître. Avant d’entrer dans la tente qu’elle a dressée, elle doit se purifier avec du poil de renne au-dessus d’un petit brasier, et non seulement elle, mais tout ce qu’elle a touché, le siège où elle s’est assise, les traîneaux qu’elle a déchargés. En route, il lui est interdit de passer devant un traîneau et de couper la file ; sous la tente, elle n’a pas le droit de manger avec son mari et ne peut se nourrir que des restes ; il lui est même interdit de faire le tour du foyer en passant devant la porte : une perche y est placée qu’il ne lui est pas permis d’enjamber.

Ces malheureuses sont cependant accessibles à la coquetterie ; elles aiment les verroteries, les morceaux de cuivre, les disques de métal et se font des bijoux avec de tout un peu : débris de quincaillerie, pièces de serrure, batteries de vieux fusils, etc.

Esquimales.

Pour l’allure générale, les Esquimales offrent, avec les Samoyèdes, de très grandes ressemblances, mais la forme de leur crâne leur est absolument propre. C’est une sorte de parallélogramme allongé qui se renfle au milieu pour dresser une sorte de crête dirigée d’avant en arrière. Cette crête est dissimulée dans leur chevelure qu’elles relèvent en un chignon à deux étages, maintenu par des cordons et orné de verroteries.

Elles sont sales au delà de toute expression et s’en remettent à la nature du soin de fabriquer le liquide dans lequel elles se lavent. C’est là leur eau de toilette, et l’on dit d’une femme ainsi parfumée à sa propre essence : « Elle sent la demoiselle ! »

Leurs mœurs sont empreintes d’un délicat abandon. Si les Esquimaux sont polygames, les Esquimales sont polyandres. L’adultère est interdit, car il attente à la propriété du mari, mais les plus jaloux louent volontiers leurs femmes à la journée… ou à l’heure. Les prêter est l’indice d’un caractère aimable. Ignorantes de toute pudeur, elles se laissent troquer, prêter, louer ou vendre, toujours disposées à s’en aller d’elles-mêmes « demander du tabac » aux étrangers, — c’est-à-dire se proposer. Leurs admirateurs sont, comme elles, d’un cynisme… littéral. Sans aucune retenue, en effet, ils n’éprouvent pas le besoin de joindre le charme de la solitude aux délices d’un galant entretien.