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Trésor littéraire des jeunes personnes/Préface

La bibliothèque libre.
M. J. Duplessy
Ad Mame et Cie, imprimeurs-libraires (p. v-viii).


PRÉFACE.


Si nous ne craignions d’employer une formule trop usée, nous dirions que parmi les recueils destinés à faire connaître à la jeunesse les principaux écrivains de notre littérature, on remarquait depuis longtemps une lacune que ce livre vient aujourd’hui remplir.

Les femmes-auteurs sont à peu près omises dans les divers recueils connus, ou y tiennent si peu de place, que s’il fallait juger de leur nombre par quelques noms qu’on aperçoit à peine dans la foule des prosateurs et des poëtes, on croirait que la plus belle moitié du genre humain a laissé aux hommes la culture à peu près exclusive des lettres, comme elle leur a abandonné totalement celle des sciences.

Cependant la France, si glorieuse à juste titre de ses écrivains, n’a pas moins à s’enorgueillir de la multitude de femmes qui, dès l’aurore de notre littérature, ont illustré les lettres et la poésie, ou se sont illustrées par elles.

C’est pour les faire connaître aux jeunes personnes, et compléter leur instruction littéraire, que la pensée nous est venue de réunir, comme en une gracieuse corbeille de fleurs, les noms des femmes les plus célèbres, depuis le treizième siècle jusqu’à nos jours, parmi celles qui ont cultivé les lettres, en offrant de chacune d’elles quelques morceaux de prose ou de poésie propres à donner une idée de la nature de son talent, morceaux choisis néanmoins de telle sorte, que l’esprit ait toujours à gagner à leur lecture, que la mémoire y trouve de nouveaux ornements, sans que le cœur puisse jamais y rencontrer le moindre danger.

Il est sans doute superflu de dire que dans la recherche des morceaux dont se compose le Trésor littéraire que nous offrons aux jeunes personnes, nous avons toujours eu en vue la religion et la morale, dans lesquelles se résument toutes les connaissances nécessaires à la société, et qui doivent surtout occuper la première place dans un livre consacré à la jeunesse ; mais la morale comme la religion n’excluent pas les aimables fictions qui distraient du sérieux de l’étude ; et puisque Dieu, dans sa munificence, a semé nos champs de cette multitude de plantes gracieuses, de jolies fleurs, brillantes de tant d ’éclat, mais qui, ne donnant jamais de fruits, ne semblent avoir pour objet que de réjouir nos yeux par la vivacité de leurs couleurs ou la grâce de leur forme, pourquoi n’aurions-nous pas jeté çà et là dans notre volume quelques morceaux comparables, pour l’éclat ou la grâce, aux fleurs qui embellissent nos champs ? morceaux qui, ne portant peut-être avec eux aucune leçon sérieuse, auront au moins le mérite d’offrir une lecture attachante ou une agréable distraction.

Dans ce Trésor littéraire des Jeunes Personnes, celles qui ont du goût pour les lettres trouveront sans doute quelque intérêt à suivre de siècle en siècle les progrès de la langue française, presque inintelligible au treizième siècle, sous la plume de Marie de France, s’épurant d’âge en âge, arrivant à sa perfection sous Louis XIV, et dès lors fixée, parvenant jusqu’à notre époque après avoir doté le monde littéraire de chefs-d’œuvre impérissables.

Notre recueil partant du treizième siècle pour descendre jusqu’au dix-neuvième, se compose nécessairement d’auteurs morts et d’auteurs vivants ; ce sont les deux divisions naturelles de l’ouvrage.

Dans la première, l’ordre chronologique nous a paru le plus convenable à suivre, et nous y avons classé les auteurs suivant la date de leur naissance ; c’était d’ailleurs le seul moyen de montrer la marche progressive de la langue et de la littérature.

Mais parvenu aux auteurs vivants, cet ordre n’était plus possible : la date de la naissance des femmes contemporaines est toujours chose inconnue ou du moins mystérieuse ; il ne nous a pas été donné de pénétrer d’aussi importants secrets, et nous eussent-ils été dévoilés, nous avons trop de savoir-vivre pour hasarder des indiscrétions sur un sujet si grave. Tout classement chronologique étant donc impossible pour cette seconde partie du volume, nous avons adopté l’ordre alphabétique, qui ne blesse aucun amour-propre, ne contrarie aucune prétention, laisse le champ libre à toutes les conjectures, nous a permis de rester poli, sans cesser d’être vrai.

Nous avons cru utile de faire suivre chaque nom d’auteur d’une courte notice qui indique sommairement les faits notables de sa vie, la nature et les sujets de ses œuvres ; malheureusement il est peu de celles-ci dont la lecture puisse être permise à des jeunes personnes : on le verra au petit nombre d’ouvrages que nous avons pu recommander sans restriction ; et même, dans ceux qui nous ont fourni nos citations, il nous a fallu trop souvent rechercher à la loupe les morceaux qui pouvaient convenir à notre but ; non qu’il y ait dans les œuvres de ces dames, à l’exception d’une seule pourtant, sur laquelle nous n’avons pas gardé un coupable silence, des passages irréligieux ou immoraux comme on en rencontre si fréquemment chez les écrivains les plus en renom, (une femme qui se respecte ne s’écarte jamais de la réserve et des bienséances que lui impose son sexe) ; mais, dans un livre exclusivement destiné aux jeunes personnes, notre devoir comme nos sentiments nous commandaient de ne rien admettre qui ne fût irréprochable.

Disons enfin, pour qu’on puisse se former une juste opinion de l’intérêt de ce volume, que nous avons cru devoir y ajouter de courtes notes chaque fois que les sujets nous ont paru exiger quelque explication.