Traité de documentation/Le Livre et le Document 2

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Editiones Mundaneum (p. 248-362).

25 OPÉRATIONS, FONCTIONS. ACTIVITÉS AUXQUELLES DONNENT LIEU LE LIVRE ET LE DOCUMENT

a) Le livre et le document sont l’objet de la plus grande division du travail et coopération qui soient. Ceci pour leur établissement et pour tout travail ultérieur auquel Ils donnent lieu. L’analyse de ce travail se ramène à dégager une série d’opérations (actes, activités) qui, groupées d’après leur objet, constituent en quelque sorte les « fonctions » de la documentation.

b) elles forment un cycle, celui de la vie ou phase du livre, dont il va être traité ici :

1° Facture intellectuelle (rédaction, composition). Origine du livre. — 2° Facture matérielle (imprimerie, reproduction, multiplication). — 3° Description (catalographie, bibliographie et études objectives auxquelles donnent lieu le livre). — 4° Critiques (jugement porté sur le livre). — 5° Distribution et circulation (comprenant l’édition, la librairie, le transport, les échanges, les prêts, le dépôt légal). — 6° Conservation. — 7° Utilisation (lecture, consultation, création de nouveaux livres, par extraits ou fusion et assimilation d’autres livres). — 8° Destruction (maladie, accident, amortissement et fin du livre).

Dans les phases du livre, on retrouve la formule générale de l’évolution : création, multiplication, distribution, dissolution.

c) À tous les stades de ce cycle d’opérations interviennent de multiples facteurs : les parties et les espèces de livres, considérées comme résultat à attendre du travail fait, ou comme matière du travail à faire ; les méthodes ; les personnes ; l’outillage ; les locaux ; les organismes spéciaux ou généraux. Il est traité de chacun de ces facteurs à leur siège principal. (Voir nos 23, 24, 41.)

d) Il est impossible à un esprit seul de réaliser le livre. Le travail doit y être divisé. Ceux qui conçoivent, qui écrivent, qui résument, qui commentent, qui impriment, qui corrigent, sont d’autres hommes. Il est des règles pour chacune de ces opérations. (Ex. règles des éditions critiques, règles de l’art d’écrire, règles typographiques, règles du classement alphabétique, etc.) L’emploi simultané de ces règles ne saurait être demande à une même personne. C’est donc à plusieurs qu’il faut se mettre sur une même œuvre, sur un même texte, pour lui donner forme définitive. À l’origine, il n’y avait pas de division du travail entre les diverses opérations du livre. Ce n’est que du XIXe siècle que date la constitution en branches spéciales de l’imprimerie, l’édition, la librairie. La coopération étroite s’y impose.

e) Les opérations sont envisagées ici : 1° comme opérations en elles-mêmes et à l’état isolé, dans leur suite ou continuité, dans leurs liaisons les unes avec les autres ; 2° quant à leur objet, qui concerne des documents à l’état d’unité, ou des ensembles de documents ; 3° quant aux agents des opérations, personnes ou organismes. — Opérations, objets, agents, sont en connexion si étroite qu’en grande partie on en a traité ensemble. Ce qui concerne les principes d’organisation, les méthodes, l’outillage, les locaux et le personnel est traité sous 4 Organisation rationnelle de la Documentation.

251 Facture intellectuelle.

251.0 Généralités.

a) Dans la production intellectuelle des documents, il y a lieu de distinguer producteur, produits, opération, instrumentation et matière.

La production intellectuelle proprement dite n’est qu’un stade du cycle. Il procède du stade antérieur et transmet au stade ultérieur.

Celui qui produit le livre et le document (écrivain, savant, artiste) en est le facteur ou le metteur en œuvre principal. Son action est déterminée par sa personnalité et son caractère, par son attitude générale quant à la vie et la société, sa formation générale antérieure, la préparation particulière de l’œuvre élaborée, la réunion de la documentation spéciale et son utilisation.

b) L’auteur se sert de l’écriture pour dans une langue qu’il choisit, exprimer les données intellectuelles selon un certain ordre et en les illustrant éventuellement de certaines images ; l’auteur met en œuvre ainsi les divers éléments du livre et du document examinés antérieurement et auxquels il est fait ici référence. Il y a lieu d’examiner ici les points suivants :

1. le travail intellectuel en général ; 2. les auteurs et l’œuvre ; 3. les opérations ; 4. la production organisée ; 5. les organismes collectifs des écrivains.

251.1 Le travail intellectuel.
251.11 Principes.

a) La composition des livres et des documents est une espèce dont le genre est le travail intellectuel en général. L’élaboration des idées est indépendante de leur rédaction. Dans l’ordre du temps, l’esprit réfléchit puis compose le document. Découvertes du savant, création de l’inventeur, méditation du philosophe, délibération de l’homme d’action. On a dit précédemment combien le document aide à réfléchir, à faire prendre claire conscience des idées.

b) Le travail intellectuel, comme tout travail, doit passer de la phase spontanée à la phase réfléchie et, sans rien perdre de la force et de l’originalité que lui donne la spontanéité même jaillie des sources de la vie, il faut lui donner l’autre force que donne l’expérience commune généralisée par la science, la rationalisation. Il y a donc méthodes et procédés à mettre en œuvre par soi ou en coopération avec d’autres ; organisation à apporter chez soi et dans le domaine de l’action commune.

c) La production intellectuelle est due aux facteurs individuels et aux facteurs sociaux. Ces derniers sont fort nombreux. Parmi eux sont dominants tels ou tels dans le cas de chaque auteur, de chaque œuvre de chaque auteur. Gaston Rageot a posé cette question : « Quelle est dans la mentalité des écrivains modernes et dans le succès de leurs œuvres la part exacte du public ? Quelles sont les lois du succès ? » (Le succès. Auteurs et public. Essai de critique sociologique. Paris, F. Alcan, 1906). L’auteur conclut que la manière d’être du public a supprimé des personnalités vraiment éminentes ; on constate le caractère de plus en plus industriel de la littérature, la nécessité grandissante de l’actualité et par suite l’impuissance de l’écrivain à réfléchir et à méditer.

d) Il y a intérêt à décéler la nature et les facteurs déterminants de la création intellectuelle en observant les œuvres ; à pénétrer ainsi les mobiles profonds de l’activité humaine.

251.12 Conseils pour le travail intellectuel.

a) Avoir un sujet principal d’étude ou de travail et y penser avec persistance, y ramener toute réflexion, observation, démarche, lecture. Mais simultanément suivre l’ensemble de ses études et les faits du jour. Tenir aussi toute sa documentation à jour par quelques instants consacrés à elle quotidiennement.

b) Avoir une méthode. Le désordre, le manque d’organisation ne sont pas la marque d’un esprit supérieur, il s’en faut. Si grandes soient l’intelligence, la facilité de travail, les qualités ou le caractère, sans la méthode dans le travail, elles demeurent terres en friche. De moins bien doués, mais plus avisés et plus disciplinés, pourront l’emporter.

c) « Savoir travailler c’est avoir connaissance de tous les procédés qui peuvent faciliter la tâche à accomplir, la rendre plus profitable. Les buts généraux d’une vie intellectuelle personnelle, indépendante, sont : vouloir, savoir, pouvoir. Le facteur du vouloir, c’est la création d’une personnalité capable de profiter des études poursuivies ; le facteur du savoir, c’est la mémoire ; le facteur du pouvoir, c’est la documentation. » (Chavigny)

d) Se livrer de bon matin au travail créateur. On profite mieux de cette maturation si curieuse qui se fait d’elle-même au cours du sommeil.

e) Bien diviser son temps et sérier son travail.

f) Éviter la fatigue cérébrale. Conserver la fraîcheur d’esprit. Mais la fatigue provient moins du travail lui-même que des tracas, des préoccupations, des rivalités, des ambitions non satisfaites, des conditions matérielles, du bruit, de l’interruption et du morcellement, de la presse et de la bousculade dans lesquelles le travail s’effectue.

g) Se reposer d’un travail par un autre travail d’une nature différente. Avoir son plan général personnel de vie intellectuelle. Repasser de temps en temps ses propres notes, ses écrits pour les confronter avec ses idées du moment. Placer son activité particulière dans la perspective des objectifs généraux qu’on s’est proposé, de son plan général.

h) Avoir un siège principal de travail, son « atelier » où sont réunis les matériaux, la documentation et aussi l’outillage, le mobilier et les accessoires familiers. On doit pouvoir travailler en tous lieux comme en tous temps. Avoir toujours sur soi le carnet à fiches disponibles. Mais ces lieux de travail, fixes et ambulants (en auto, en chemin de fer, en bateau) ne sont que provisoires, transitoires ou succursales. Il faut un centre, que ce soit chez soi, au bureau ou à l’Institut.

i) Établir un équilibre entre le physique et le mental. De l’exercice, éventuellement du sport ; marcher au lieu de se faire transporter au siège de ses occupations ; travailler en plein air. Faire alterner un travail de physique avec un travail intellectuel. C’était la règle des anciens ordres religieux. Ce serait la loi dans la Cité Collectiviste : un travail physique utile est préférable à de vains exercices gymnastiques.

j) Savoir prendre congé et des vacances, « dételer », la division rationnelle de la journée de travail, de la semaine, du temps des vacances fait maintenant l’objet d’un examen sérieux.

k) Les intellectuels américains ont introduit l’année sabbatique : un renouvellement de l’esprit tous les sept ans.

l) N’ignorer ni ne négliger les questions d’hygiène mentale. Les fragiles mentaux, les prédisposés aux maladies mentales ont à s’abstenir de certaines études dangereuses pour l’équilibre de leur esprit. Éviter les curiosités malsaines et au-dessus des forces dont on dispose. Éviter ce qui peut conduire à l’alcool, aux drogues, à la toxicomanie.

m) Travailler avec calme et sans nervosité, en avançant sons se presser, en se concentrant sans s’absorber. Avoir toujours place clair, nette, grande devant soi sur la table de travail, c’est un moyen. Pour y arriver, mettre de suite tout papier à sa place sinon définitive, au moins transitoire, et faire qu’elle soit telle qu’en même temps rien ne serait oublié par cette mise hors la vue.

n) Il est des conditions extrêmement favorables à la production des écrivains. L’activité intellectuelle du savant réclame d’impérieuses et constantes façons, le calme, la paix avec vie déblayée de contingences et de secousses.

o) Écrire à des moments réguliers est une méthode. Écrire quand on se sent prêt à le faire en est une autre. Une troisième est de se placer résolutivement devant le papier blanc, ayant en vue son sujet et de commencer à le développer, à le reprendre, à le reclasser, et cela sans découragement.[1]

251.2 Les auteurs et l’œuvre.
251.21 Notions.

Tous les producteurs, tous les intellectuels ont en commun un grand nombre de traits et l’élaboration des œuvres requiert des conditions largement identiques dans un grand nombre de rapports. Il n’est cependant question ici que des écrivains et de l’élaboration des écrits.

De l’écrivain on demande : la culture intellectuelle, l’examen de soi-même, l’observation permanente de la nature, des êtres et des choses ; les tableaux humains constamment enregistrés, la réflexion, le respect de son œuvre, le recours aux sources, l’effort ininterrompu, la stylisation, le maximum de sa puissance imprimée à sa personnalité.

Par d’infinies gradations on s’élève de l’homme qui simplement note pour lui certains faits à l’écrivain d’occasion, à celui qui se voue en ordre principal à la fonction d’écrire, au génie qui écrit. Tous ont des papiers. Et parmi ceux-ci, dans les dossiers, des manuscrits non édités, non achevés, esquisses, ébauches, fragments, matériaux, éléments d’œuvres en gestation.

251.22 Espèces d’auteurs.
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On distingue les écrivains littéraires, scientifiques, techniques, sociaux, administratifs.

1. L’homme de lettres.

a) L’écrivain « fort en sa partie » est un spécialiste de l’expression littéraire et du style. Jules Blois disait : « Je dis les mots que je veux et quand je veux, au moment calculé par moi. » Un auteur est un architecte de mots. L’auteur est présent dans chaque syllabe, responsable de chaque virgule ; devant son livre, en son livre, il dirige la symphonie de son univers mental en devenir bibliologique, le chœur innombrable des mots et des images.

b) L’auteur est l’élément subjectif de la connaissance. D’un même événement deux auteurs feront deux récits différents. Il y a là une « équation personnelle », expression courante en astronomie et dont le rapport déborde de cette science sur tous les ordres de connaissances.

Paul Marguerite écrit : « J’appartiens désormais à l’univers de frictions observées et vues, à ce singulier dédoublement de l’artiste qui crée avec du réel et de l’imaginaire, opère par une alchimie d’indosables éléments, l’illusion plus ou moins parfaite dans l’âme du lecteur. Je serai à certaines heures le voyant éveillé d’un songe et même, lorsque je vivrai mes plus médiocres actes quotidiens, un travail inconscient ou mi-conscient persistera en moi. »

c) On peut classer par ordre les écrivains. Il en est de premier, troisième et dixième ordre. Ceux qui sont classés pour nous du dixième ordre, ont été parfois pour les contemporains du premier.

d) Notre temps a fait de la littérature un métier. Il a perdu le respect de la chose écrite. Il verse dans la confusion entre les écrivains et les faiseurs de livres. « D’invraisemblables monuments de niaiseries sont quotidiennement présentés aux éditeurs. Et ceux-ci favorisent un débordement de médiocrités au milieu desquelles les véritables valeurs sont noyées. »

2. L’homme de science.

a) Presque tout homme de science a un problème central qui le passionne et à la solution duquel il consacre tous ses travaux particuliers. C’est pour lui qu’il devient érudit ou savant. Pic de la Mirandole essaya de prouver que les différents peuples de la terre sont redevables de toutes leurs vérités religieuses à une révélation primordiale déposée dans les livres de Moïse, et c’est à l’ardeur infatigable avec laquelle il poursuivit ce but qu’il dut ses vastes et solides connaissances dans les langues orientales.

Le désir impatient, la fièvre, la sainte folie de la recherche de la vérité avant tout et par dessus tout. Ceux qui ne possèdent pas dans leur âme ce feu sacré passent à travers le monde de la nature en lui jetant un regard distrait et superficiel ; les savants de race s’arrêtent aux moindres détails et cherchent la raison de toute chose. Ils passent le jour et la nuit à poursuivre l’idée qui les occupe, qui les préoccupe, qui ne leur laisse pas de trêve. C’est le Delenda Cartago des hommes de science. C’est pour eux comme un cauchemar ; aussi ne mesurent-ils pas leurs efforts, leur fatigue, leur immolation parfois.[2]

Ceux qui ont l’âme du chercheur : c’est d’abord pour leur profonde satisfaction personnelle qu’ils s’attelleront des années entières à une besogne solitaire qui ne provoquera aucun tracas retentissant, d’autant plus qu’ils œuvrent sans bruit, sans relations, sans participer aux coteries en dehors desquelles il n’y a que très exceptionnellement des succès ; les repas et les réceptions nécessaires pour ne pas cire ignorés, ne sont point leur fait. Ils ne se livrent pas volontiers et on les nommera maniaques parce qu’au lieu de traiter brillamment et superficiellement une question, ils iront d’une manière uniforme aussi loin que possible dans l’acquisition, le renforcement ou la démolition d’une certitude. Ne s’en tenant point aux apparences faciles, ils mettront en œuvre des années de patience pour aboutir à un résultat dont l’importance paraîtra peu proportionnée au travail dépensé, à l’esprit de ceux qui considèrent la science comme un roman brillant, sans avoir jaugé la somme formidable de connaissances minuscules nécessaires à la brusque synthèse quelquefois écrasante et souvent momentanée. (Jean Painlevé)

b) Le savant appartient à deux familles : celle des analystes cloîtrés dans la spécialité, excellents observateurs et critiques très fins, mais redoutant les théories et les observations ; celle des esprits synthétiques à vues larges, grands amateurs de théories, passionnés d’unité, étendant toujours le champ de leurs investigations, tout en réduisant le nombre de principes explicatifs.

« Nécessité de ces hommes de haute culture générale, de grande conscience, dominant les détours et les alentours de chaque science, des hommes qui aient la faculté et l’habileté de filtrer en quelque sorte la production mondiale pour ne laisser passer que ce qu’elle contient d’essentiel et de bon, des hommes qui sachent dégager de leur gangue les faits importants pour les mettre en valeur à leur vraie place et les employer ensuite à l’édification de synthèses accessibles à tous. » (A. Lacroix.)

251.23 L’œuvre.

L’œuvre est dans l’auteur d’abord ; elle en sort par l’accouchement laborieux de la composition, pendant lequel le cordon ombilical continue à la relier à lui ; au troisième stade, l’œuvre vit d’une vie indépendante : l’auteur se détache d’elle comme elle se détache de lui.

L’œuvre est le ou les volumes qui contiennent un travail ou une étude complète de caractère quelconque.

a) L’œuvre anonyme est celle qui ne porte pas la signature, les initiales, l’anagramme. Les œuvres anonymes sont fort nombreuses.

« Anonymus » a été statufié. C’est un moine à la figure presque cachée et dont la statue se dresse à Budapest.

b) Pseudonyme. C’est le nom simulé pris par l’auteur pour cacher sa personnalité. Il est formé souvent de l’anagramme du nom. On a demandé si c’était bien, cette dissimulation, cette hypocrisie, cette duplicité.

c) On a répondu que les pseudonymes et les figures de fantaisie sont pour certains auteurs des possibilités illimitées de leur imagination. Ils se détachent d’eux pour expérimenter ou décrire des types de vie qui transposent leurs propres conflits et définissent intellectuellement les systèmes philosophiques, scientifiques ou religieux. Personnalités mystiques en lesquelles un auteur s’incarne successivement. De Stendhal on a dénombré jusqu’à présent plus de 200 pseudonymes, véritables dédoublements de l’être.

d) L’œuvre posthume est celle qui voit le jour après la mort de l’auteur. L’écrivain, le savant, laissent en mourant des papiers, manuscrits inédits, inachevés, ou de simples matériaux. Pascal laissa des papiers qu’on fit imprimer aussitôt. Newton en laissa contenant d’importantes découvertes.

C’est généralement par des soins pieux que les œuvres posthumes sont alors éditées. Les manuscrits sont rarement achevés ; des notes et matériaux laissés par l’auteur des œuvres sont souvent tirés après un tri et des liaisons rédigées entre les parties.

e) L’œuvre apocryphe est celle qui, sans raison, est attribuée à un auteur déterminé. À beaucoup d’auteurs on a fait de telles attributions ; aussi à des œuvres collectives. (Les Évangiles apocryphes, les Fausses Décrétales, etc.).

f) L’œuvre d’un auteur se compose de ses œuvres particulières et de ses œuvres complètes (réédition de ses œuvres particulières).

g) Il y a les œuvres sur les œuvres. On a consacré des ouvrages à la vie des auteurs (biographie). On s’attache à l’histoire de leur évolution.

D’un créateur il faut connaître les maîtres, les influences de son travail. Il faut savoir s’il y a école : c’est-à-dire un enseignement de directives imposées ou apportées par un maître ou des maîtres reconnus pour tels.[3]

Les auteurs sont en grand nombre des savants. Or, « l’histoire de la science ne saurait être séparée de l’histoire des savants. Il n’est pas indifférent de connaître leurs antécédents, leur caractère, l’évolution de leur carrière, ce que furent les conditions de leur existence, les conditions favorables ou difficiles du milieu où ont été effectués leurs travaux, d’en avoir aussi l’origine, de suivre le développement de leurs conceptions et de la réalisation en fonction de l’ambiance scientifique et sociale de leur temps. Et tout cela aide souvent mieux à juger de la valeur de ce que nous leur devons. »[4]

251.24 Productivité des auteurs.

Combien d’hommes écrivent, combien d’œuvres produit un écrivain ?

a) Il cet difficile de déterminer le nombre d’écrivains. On obtiendrait un chiffre approximatif en divisant le nombre de livres et séparément le nombre d’articles qui paraissent par une moyenne d’œuvres par auteur.

D’après le « Census of Occupation » de 1932, il existe aux États-Unis 12,000 auteurs.

b) Certains hommes ont produit un courant constant d’articles, de livres et de brochures. Ex. : L’œuvre de Sainte-Beuve comporte 70 volumes. Un travailleur infatigable comme P. Bleeker n’a pas publié moins de 500 mémoires sur les poissons et s’est occupé de 15,000 espèces. Charles Jenks, auteur de Diamond Duck et de Nick Carter, était arrivé à écrire jusqu’à 10,000 mots par jour pour répondre aux demandes des imprimeurs d’ouvrages pour la jeunesse.

Le journaliste américain Gilson Willet a donné ces détails sur le travail fourni et les gains réalisés par lui au cours de 18 années de carrière. Pendant cette période, il a écrit 7,200,000 mots et a reçu pour cela 72,000 dollars qui font 360,000 francs, soit un sou par mot. Il a en outre publié plus de 100 courtes nouvelles et plus de 1,500 articles de magazines. Ses articles ont été publiés dans 80 revues mensuelles ou hebdomadaires différentes. Six mois de l’année, il voyage à la recherche de la documentation et l’année dernière, il a pour cela parcouru 15,000 milles, soit plus de 24,000 kilomètres.

M. Edgard Wallace, l’auteur anglais dans le genre d’aventures policières, est mort en 1932 à 56 ans, avec une production de 150 romans, 30 pièces de théâtre et de nombreux films. D’où une fortune d’un million de livres sterling faite en vingt ans. Wallace perdait immédiatement aux courses l’argent que venait de lui rapporter ses romans, mais il jouissait d’une prodigieuses facilité d’écrire. Un jour, raconte son biographe, il avait laissé approcher la date — c’était un samedi — à laquelle il devait remettre à un journal un roman de 120,000 mots. Le mardi précédent, on l’apercevait encore sur le champ de courses, où il perdait jusqu’à son dernier centime. C’est alors qu’il se mit à la besogne et qu’il dicta, nuit et jour, au dictaphone, le sujet de son roman à ses secrétaires. La cuisinière, le jardinier, la femme de chambre, le chauffeur, tout le monde fut mis à contribution pour classer les feuillets du roman, au fur et à mesure qu’ils étaient dactylographiés. Le samedi matin, il manquait encore 40,000 mots, mais le soir tout était en ordre. Le lendemain, muni du chèque de 1,000 livres qu’il avait encaissé, Wallace apparaissait souriant, sur le champ de courses de l’Alexandra Park.

251.25 Pourquoi l’on écrit.

Des causes particulières et personnelles, des causes occasionnelles, des causes permanentes agissent sur la production des livres et des documents.

Il est d’un grand intérêt de se rendre compte des causes qui influent directement la production des œuvres : pourquoi les auteurs écrivent.[5]

1. Causes personnelles et particulières.

On écrit pour les mêmes motifs que l’on parle ; parce que vivre c’est penser et penser c’est s’exprimer par la parole ou l’écrit. Ne plus parler, ne plus écrire, c’est descendre vivant dans le silence du tombeau. On écrit pour exposer, raconter, expliquer, informer, prescrire, conseiller, exhorter, consoler, protester, admirer, chanter, prier. L’homme écrit par besoin de s’exprimer comme il parle, comme il chante. Il y est poussé par l’utilité, mais aussi pour l’exercice normal d’une faculté.

Le philosophe ancien ou le guru hindou parle en se penchant sur le disciple qu’il aime et qu’il connaît.

Aux environs au XVIe siècle, on a commencé à écrire pour remplacer les prédicateurs dont on désirait occuper la chaire. Les prédicateurs parlaient à tout un monde, à tout un peuple représentant le magistère universel de l’Église romaine, à qui le Christ a enjoint de parler super tecto.

« Même quand ils ne s’aiment pas, les hommes ont besoin d’épancher ce qu’ils sont en eux-mêmes ; le langage en est l’attestation. Cette communication se fait notamment au moyen du livre. C’est lui qui, sous une forme particulière, rompt le silence qui nous est insupportable. » (Ed. Picard.)

Paul Marguerite écrit : « L’ivresse de traduire sa pensée au long du magique fil d’encre qui se dévide et qui tient au cerveau et à la rétine, fait voir, fait toucher, fait vivre les paysages et les êtres. Le métier d’écrivain, le plus noble, le plus beau, le plus fier qui soit. Que de fois j’ai contemplé avec émotion le petit bout de bois emmanché d’une lancette fendue, le porte-plume qui me sert et aussi selon les vers de Mallarmé, … le vierge papier que sa blancheur défend. Quoi, cela et quelques gouttes noires suffisent. Balzac dresse sa « Comédie humaine », Victor Hugo sa forêt sonore et chantante, Pascal griffonne ses « Pensées », La Rochefoucauld burine ses « Maximes ».

Question plus profonde : pourquoi agit-on et sous l’emprise de quels facteurs le conscient et le sub-conscient sont-ils mis en mouvement ? Pour Freud, et son école la sexualité est la base certaine de la plupart des activités de l’homme. D. H. Lawrence (Fantaisie de l’Inconscient) voit autrement : « C’est le pur désir du mâle humain de créer quelque chose de merveilleux hors de sa propre tête et de son propre moi, par la foi et le délice de sa propre âme qui met tout en marche. Le motif purement religieux est le premier motif de toute activité humaine. Le motif sexuel vient en second et il y a un grand conflit entre les intérêts des derniers. » Il y a donc chez l’écrivain le sens intérieur d’un but.

Dans l’antiquité et au moyen âge, le barde traditionnel chantait pour son souper. Les auteurs écrivaient par plaisir, pour des buts éducatifs ou dans l’espoir de dons ou de privilèges de la part de patrons littéraires ou d’hommes publics influents.

Quand on constate combien impérieux est le besoin de parler dans certaines circonstances, on peut se rendre compte que ceux qui écrivent obéissent à un besoin analogue. Que de gens aimeraient mieux se faire couper la langue que de taire les mots qui leur brûlent les lèvres ; que d’hommes ont sacrifié leur situation et leur position au besoin de faire un mot d esprit ou de lancer une phrase vindicative.

Malva, l’écrivain prolétaire belge répond : « Bien malin celui qui se connaît assez que pour dire en toute honnêteté, pourquoi il écrit. C’est un besoin qui doit avoir des origines. Ma vie d’ouvrier m’a incité à écrire. Étant sensible de tempérament et mélancolique, je ne puis voir les misères d’autrui sans aspirer à les dire. Aussi dois-je vivre ce que j’écris. Ma mémoire affective me sert beaucoup ; les souvenirs affluent en moi quand je les sollicite. Je n’accorde à l’imagination que le champ indispensable à la tenue du récit. À Malva le mineur, chacun vient raconter des histoires. On lui dit : « Toi qui écrit, eh ! bien, tu devrais leur dire ça. »[6]

« Pourquoi j’écris ? Ce que j’ai dans le cœur, il faut que cela sorte, et c’est pour cela que j’écris, »

(Beethoven.)

« Je n’ai pas écrit pour produire une œuvre d’art, mais pour prendre conscience de mon propre état. »

(Remarque.)

Les écrivains écrivent :

1° Parce qu’ils y sont poussés par une force inévitable.

2° Parce qu’ils espèrent de cet exercice notoriété et gloire.

3° Parce qu’ils espèrent argent et profit.

4° Parce qu’écrire est le moyen de matérialiser le labeur intellectuel de quelque nature soit-il.

5° Parce que l’écrit souvent est lui-même un acte, une forme de l’action, l’accompagnement, préparation ou conclusion de l’action ; l’influence de l’écrit, appréciation politique et prestige social.

6° Parce qu’écrire est un moyen de découvrir des idées, de les vérifier, de réaliser de la clarté dans les idées, de les classer, de les éliminer du champ de la conscience pour laisser celui-ci libre pour la production d’autres idées, pour établir des bases solides d’où la pensée s’élèvera plus haut et plus loin.

7° Pour la gloire de l’esprit humain en soi. (La devise de l’École Polytechnique : Pour la Patrie, les sciences et la gloire.)

8° Parce qu’une force pousse l’écrivain à écrire comme les êtres dans la nature sont poussés à se reproduire. Écrire pour être délivré du faix de la pensée qui doit s’extérioriser.

L’écrivain, le savant, l’artiste, sont ainsi à leur manière des mystiques. Mais tandis que les vrais mystiques entrent en possession de l’objet infini de leurs désirs, ils n’y atteignent jamais et sont d’éternels mécontents ; ils souffrent de toute l’imperfection de leurs œuvres.

2. Causes occasionnelles.

L’œuvre est ou spontanée ou commandée. L’œuvre est occasionnelle, se produisant à l’occasion d’un fait soit extérieur à l’auteur, soit issu de sa propre vie, ou l’œuvre est essentielle, naissant du développement organique de sa pensée. L’œuvre est isolée ou elle fait partie d’un tout, d’une suite que ne marque pas nécessairement le titre. Elle est autonome ou rattachée à un tiers ensemble : collection ou plan.

Beaucoup d’écrivains reçoivent de leur temps beaucoup de suggestion qu’ils renvoient ; « leur influence en beaucoup de cas est celle des agents de transmission qui mettent la puissance contagieuse de leur passion et la puissance séductrice de leur talent au service des idées qu’ils servent et qu’ils n’ont pas créées. Il est malaisé de distinguer leurs actions du mouvement collectif et des autres efforts individuels qui vont dans le même sens. »

(Lanson.)

L’histoire de la musique montre à quel point les œuvres furent déterminées occasionnellement. Ceci est marqué jusque dans leur titre. Dans le passé, la musique absolue, pour elle-même, a très peu existé. Aujourd’hui, les occasions d’écrire sont nombreuses. Ainsi les cours, les conférences, les thèses des étudiants, les rapports divers à présenter.

3. Causes générales.

a) Parmi les causes générales du développement de la production figurent : le développement des sciences ; la diffusion de l’instruction ; le perfectionnement de l’imprimerie ; la création continuelle de bibliothèques, soit comme organismes indépendants, soit comme archives de sociétés ou d’institutions gouvernementales ou privées.

b) Des occasions générales d’écrire ont existé. Ainsi, pendant les trois premiers siècles du christianisme, il y eut un grand empressement vers la foi. Les païens ne dédaignaient point de combattre les arguments du christianisme et trouvèrent l’occasion de composer les plus magnifiques ouvrages. De là les belles apologies de ce temps qui comptent parmi les plus riches trésors de l’antiquité chrétienne. Dans la période de conversion des peuples du Nord, on ne trouve rien de tout cela.

Les temps modernes ont apporté avec les instituts, les administrations, les revues, les journaux, un élément de continuité dans la rédaction. Ce qui était réellement feuille volante et livres lancés dans l’espace autrefois, devient sorte de source permanente de production de données de toute espèce actuellement. Ce sont de grands organismes rédactionnels qui se constituent avec ces quatre caractéristiques : collaboration étendue, rédaction continuée, diffusion considérable, documentation auxiliaire constituée.

251.26 Comment on écrit.

a) Dans une enquête publiée dans Victoire en 1925, M. G. Picard a demandé aux écrivains « comment naissent vos livres ? Enfantez-vous dans la douleur ou dans la joie ? Suivez-vous votre inspiration ou utilisez-vous un plan ». Albert Cim, dans son livre Le travail intellectuel, rapporte d’une manière amusante des faits et des anecdotes sur les méthodes et les manies des auteurs célèbres, s’ils écrivaient mieux avant ou après le repas, sobre ou après avoir bu, etc,

b) Voici des exemples : Buffon écrivait en manchettes de dentelles. — Goethe ne pouvait rédiger qu’un petit nombre d’heures, le matin. — Darwin ne pouvait travailler que très péniblement et dans la position couchée. — Émile Zola, on le disait laborieux, mais il ne cessait d’affirmer son goût pour la paresse. — Gambette au cours de ses promenades, parlait avec ses compagnons de marche comme s’il voulait essayer ses idées. — F. Croisset ne jetait que quelques indications sur un chiffon ce papier, laissant à la logique de l’idée le soin d’en déterminer la forme. — Balzac se servait d’immenses feuilles de papier, écrivant au centre l’idée noyau et la développant par des textes écrits dans tous les sens. — Comte a écrit (Système de politique positive, I, p. 11) : « Cette reconstitution directe du pouvoir spirituel me suscita promptement une méditation continue de 80 heures ».

La vie des écrivains réalise toutes les formes de l’existence. Il en est d’heureux et de malheureux, de riches et de pauvres, des connus et des inconnus, des comblés de gloire et d’honneur et des méconnus. Flaubert a dit les affres de qui veut bien écrire. Après la publication de leur premier livre, les Goncourt se brouillèrent avec leur famille. « Écrire c’est se suicider ; la gloire est une réhabilitation exceptionnelle ! » Dans ses « Origines de la Révolution française », M. Mornet dit : « Mon livre est le résultat de dix années de recherches directes et assidues sur ce sujet, de trente années d’étude sur le XVIIIe siècle. En bonne méthode, j’aurais dû aller passer plusieurs années dans une vingtaine de villes pour y poursuivre des recherches semblables. » — Netchaiev, précurseur de Lénine, enfermé dans les prisons du Tsar, reçut après plusieurs années, une ardoise et de la craie, avec lesquelles il s’adonna à cette œuvre de Sisyphe : écrire et dessiner, puis essuyer l’ardoise pour recommencer un travail condamné à disparaître aussitôt fait.

c) L’écrivain, l’artiste, au moment où ils produisent, sont dans un état psychologique spécial. Pour Souriau, la création artistique est un acte inconscient, accompli dans un état d’hypnose où s’effacent les idées normales (conscientes).

La vie d’un livre comme celle de l’homme subit une période de gestation. Le livre a été conçu par l’auteur dans l’union de sa pensée avec l’inspiration bonne ou mauvaise ; dans l’étreinte de toutes ses forces intellectuelles et du génie lorsqu’un chef-d’œuvre doit en résulter. En épousant ses idées, l’auteur épuise toute la série des désirs et des désillusions. (Renée Pingremon.)

251.27 Rémunération des écrivains.

De quoi ont vécu, de quoi vivent les écrivains, que reçoivent-ils en retour de leurs ouvrages ?

a) Les desiderata de l’intelligence sont une chose, ceux des intellectuels tant de fois exprimés en sont une autre. L’intellectuel doit-il assimiler son travail à un métier, doit-il en conséquence vivre de son travail, et l’œuvre documentaire, expression de ce travail, sera-t-elle par conséquent œuvre « libre » ou œuvre « servile » ? Cette question s’est posée de tout temps et particulièrement du nôtre à raison de ces trois circonstances : accroissement du nombre des intellectuels, accroissement du rôle de l’intelligence dans la société, formes nouvelles que prend la « commercialisation et la professionalisation ». (Professions libérales : médecin, technicien, avocat, ingénieur, éducateur, homme de science, tous ceux qui avec leur intelligence participent à la vie).[7]

b) Les auteurs anciens et ceux du moyen âge ont écrit en général pour se complaire à eux-mêmes, pour des buts éducatifs, dans l’espoir de dons ou parce qu’ils avaient l’aide de patrons littéraires ou d’hommes publics influents. Seulement des juristes, avocats et occasionnellement des impressarii demandaient des honoraires.

De tout temps cependant la littérature industrielle a existé. Depuis qu’on imprime surtout, on a écrit pour vivre. Mais en général, surtout en France, dans le cours du XVIIe et du XVIIIe siècle, des idées de liberté et de désintéressement étaient à bon droit attachées aux belles œuvres. Depuis, l’organisation purement mercantile a prévalu, surtout dans la presse. On usa de sa plume et de sa pensée comme de son blé ou de son vin, (Sainte-Beuve : Portraits contemporains. Paris, Calman Lévy). Le théâtre et le roman surtout passèrent pour ouvrir une carrière fructueuse. (Alexandre Dumas, Zola, Ponson du Terrail.) La poésie distribuait aussi la richesse à certains. (Victor Hugo, Lamartine.)

« Notre temps a fait de la littérature un métier. Étrange conception des lettres, dit Bernard Grasset (La chose littéraire). Comme la peinture, la littérature suscite trop de vocation. Il y a plus de 1,000 marchands de tableaux, plus de 3,700 gens de lettres patentés. »

Au XVIIIe siècle, il n’y avait pas d’hommes de lettres vivant de leur plume. (La Bruyère donne pour rien ses Caractères au libraire Michallet). Le tirage de luxe d’aujourd’hui formait alors le grand tirage. (La Henriade ne dépasse pas 2,000 exemplaires.) Les hommes de lettres vivaient grâce aux pensions du roi ou aux libéralités des Mécènes. (A. Brule : La Vie au XVIIIe siècle. Les gens de lettres.)

c) Voici des exemples de sommes payées à des écrivains : Milton vendit son Paradis perdu au libraire Symons pour cinq livres sterling. Depuis les éditions de l’œuvre en Angleterre et dans toute l’Europe ont produit plus de millions qu’il n’y avait d’oboles dans ces cinq livres. M. Ohnet a 100,000 lecteurs. Émile Zola a gagné deux à trois millions en écrivant ses romans. Flaubert recevait de son éditeur pour Madame Bovary, pour des droits durant vingt ans, une fois payé, une somme de 500 francs. Un romancier qui peut difficilement produire deux romans par an reçoit 2,500 à 2,700 francs par volume. Avant la guerre en Russie, on payait 500 francs par feuille de 40,000 lettres. En Allemagne, à un auteur qui veut se faire connaître, on payait 60 à 80 marks par feuille. Dans ses Souvenirs, l’éditeur américain, M. Mac Clure, qui avait publié les Aventures de Sherlock Holmes, raconte que, pour les six premiers récits, il versa à Conan Doyle la somme de 6,480 francs, soit 1,080 francs par récit. Pour les six récits suivants, il versa 9,920 francs, soit 1,320 francs par récit. Les honoraires ne cessèrent ensuite d’augmenter. Il y a quelques années, quand Conan Doyle publia une nouvelle série d’aventures de son héros favori, l’éditeur américain acheta 1,200,000 francs le droit de reproduction aux États-Unis. — À l’Ouest, rien de nouveau a rapporté à M. Remarque, en francs belges, à peu près douze millions de droits d’auteur.

d) La tâche désintéressée de l’écrivain se maintient. Renan a écrit : « J’ai eu trop de plaisir à faire ce livre pour que je demande d’autre récompense que de l’avoir fait ». Au contraire, un autre auteur a dit que « la grande satisfaction du travail accompli, c’est de n’avoir plus à l’accomplir ! »

251.3 Opérations de la facture intellectuelle.

a) Les opérations du travail intellectuel qui conduisent à l’élaboration d’un livre, d’un article ou d’un document quelconque forment elles-mêmes tout un cycle ou l’on distingue les six phases principales suivantes : 1° le choix du sujet : 2° la préparation : lecture, recherches ; 3° la rédaction ; 4° la préparation du manuscrit pour la publication ; 5° la publication ; 6° la suite du livre dans sa destinée.

b) Les diverses opérations ne sont décrites ci-après que schématiquement et pour ce motif, elles peuvent laisser l’impression de simplicité. Dans la pratique, elles relèvent en réalité d’un ensemble de précautions, de complications et de manipulations techniques qui forme l’objet des exposés étendus auxquels sont consacrés les ouvrages spéciaux. Van Hoesen (Bibliography) appelle « Bibliographie pratique » tout ce qui concerne ces diverses opérations. Le mot anglais « Authorship » y est souvent appliqué.

251.31 Choix du sujet traité. Matière.

Le sujet est choisi librement ou imposé.

a) Les écrivains sont placés devant l’infinité des sujets possibles.

L’Univers est inépuisable. Les connaissances sont sans limites, les œuvres et documents aussi. Comment distinguer le principal de l’accessoire, l’utile du futile, l’opportun du suranné, l’intéressant du monotone. Un double facteur influe sur le critère du choix. Le temps : à mesure qu’il s’écoule l’importance est moindre. Ex. : En temps de crise toutes les nouvelles sont utiles, mais passées ces journées, c’est du bavardage. La distance : ce qui est près touche plus que ce qui est loin. Par ex. : le détail de ce qui se passe dans une ville n’a guère d’intérêt pour ceux qui vivent à ses antipodes.

b) Dans les sciences, les sujets à traiter sont indiqués par l’état auquel est arrivé chaque science et le problème qui s’impose à chaque moment aux chercheurs. En littérature les grandes sources d’inspiration sont l’homme, la nature, la société, l’histoire, l’existence, les livres.

Une matière est longtemps traitée incidemment ou comme partie d’un ouvrage, avant de donner lieu à un traité qui lui soit exclusivement consacré. Ainsi la Biologie, la Sociologie, ainsi la Documentation, ainsi les divers arts (ex. : l’opuscule de Arte illuminandi qui date du XIVe siècle, est le premier manuel consacré à l’enluminure, mais bien antérieurement il en est question dans des traités plus généraux).

251.32 La préparation de l’œuvre. Lectures. Recherches.

La préparation implique lecture, recherche, méthodologie, choix, définition et limitation du sujet de recherche, collectionnement, arrangement et sélection des matériaux, prise de notes, compilation de la bibliographie, critique des sources.

1. La recherche.

La recherche est de trois ordres : 1° l’observation, expérimentation, voyage, enquête ; 2° la méditation, la réflexion ; 3° la consultation de la documentation, soit les travaux de tiers (voir bibliographie), soit sa propre documentation.

Il est bon de réfléchir au sujet avant de se lancer dans la recherche bibliographique et de continuer à y réfléchir à tous les stades de la lecture et de la rédaction.

Des ouvrages nombreux ont été publiés sans la manière d’opérer le travail de recherches. Ainsi Schluter How to Do Research work ; Reeder How to Write a thesis. Chaque matière à sa propre méthodologie ; il y a toutefois une méthodologie générale ; la philosophie, la logique applicable à toute pensée scientifique. La philosophie, en particulier la logique en traite. Par ex. la Logique de Giard, Grammair of Science de Pearson. Pour l’histoire, on a Lehrbuch der historischen Methode d’Ernest Bernheim (1908). Writing of History de Flug. Introduction aux Études historiques de Langlois et Seignobos.

Pour la médecine, l’Introduction générale aux études médicales, leur technique, du Dr Paul Chavigny. Pour la philosophie et la littérature, Problems and methods of Literary Criticism, de Morize ; Research, synthesis and preparation (in Humanitic and social sciences) de A. H. Nason.

2. Les Notes.

a) L’élément matériel premier de tout travail intellectuel est la note. Les savants en dépouillant un ouvrage prennent parfois autant de notes que de pages.

Les notes sont de diverses sortes.

1. Notices bibliographiques, livres jugés utiles à connaître, à lire, à relire, ou livres déjà lus ; passages, parties d’ouvrages, formant source. — 2. Citations, extraits, copie de quelques phrases intéressantes avec indication de source exacte. — 3. Critique des ouvrages, analyse d’un paragraphe ou d’une page. — 4. Idées originales, esquisses d’hypothèses scientifiques, canevas d’articles ou de chapitres ; place ou division du sujet, phrases heureuses, titres à ne pas oublier, simples pensées, idées déjà rédigées, idées résumées ou en tableaux, phrases de transition.

b) Observer le principe monographique. Un élément, une fiche ; une fiche, un élément. On peut employer plusieurs fiches si la place manque sur une seule. Il est préférable de n’écrire que sur un côté de la fiche, en vue du découpage et du collage ultérieur. Mais des exceptions sont possibles.

Les notes étendues et le manuscrit préparé pour l’impression seront établis sur feuilles planes ou pliées en deux. Il est préférable de n’avoir que deux formats : feuilles et fiches. Avoir soin de donner son titre, sa rubrique à chaque fiche et de lui assigner le numéro de classification de la table des matières de l’ouvrage.

c) Dans l’élaboration de la pensée et de l’écrit, les notes sont à la fois des jalons et des représentants de réalités existantes. Impossible de les négliger : elles s’affirment être et force est bien d’en tenir compte. Aussi le répertoire est comparable à une « machine à penser ».

d) Il faut se hâter de noter les idées qui semblent pouvoir être fécondées. Elles sont souvent très fugitives et c’est parfois quand on les recherche plus tard, dans la collection des notes, qu’on est en mesure d’en tirer tout le parti qu’elles comportent.

e) La confrontation des notes les unes avec les autres fait jaillir d’autres idées, même tardivement.

f) Au moment d’écrire, les notes sont ou bien utilisées telles quelles (on les colle à leur place sur des feuilles de manuscrit) ; ou bien on les refond dans une nouvelle rédaction enrichie alors de contributions provenant de diverses sources, soi-même dans des réflexions ou observations antérieures, autrui dans les rappels de documents.

Une méthode consiste à donner simplement aux fiches du manuscrit un numéro courant dont il est fait référence alors aux divisions correspondantes du plan. C’est plus rapide à établir, mais moins efficient, car on ne peut lire, relire, remanier, compléter les fiches en s’y prenant en plusieurs fois. Ceci est possible avec l’autre méthode quand les fiches sont elles-mêmes disposées dans l’ordre du manuscrit et que les modifications apportées au plan en cours de travail se répercutent immédiatement sur l’ordre même des fiches.

Se servir des notes réunies, mais ne pas vouloir à tout prix les utiliser. La composition de l’ouvrage demeure indépendante des notes, et l’on recourt à celles-ci comme à un auxiliaire. Toutefois les notes étant représentatives de faits ou de réflexions constructives ou critiques, on ne peut les négliger sans faillir aux préceptes de la science qui veut un exposé vrai et complet.

g) Cependant, ne pas abuser. Il faut limiter les notes afin d’éviter deux grands inconvénients. D’abord l’encombrement : une multitude de notes obligent à une multitude de relectures au moment de l’utilisation et à la difficulté de leur trouver place dans l’ensemble. Ensuite les notes rendent paresseuse la mémoire et écartent son opération qui s’accompagne ordinairement d’une opération de jugement, de synthèse et de mise au point actuel. Mais ces deux inconvénients n’enlèvent rien à la haute utilité ou plus exactement à l’indispensable nécessité des notes.

h) L’ouvrage tiré des notes présente bien des imperfections. Il y a redites sur les points qui se trouvent avoir été traités à diverses reprises et des lacunes sur ceux qui, pour quelque raison exceptionnelle, se trouvent n’avoir point été touchés. La pensée évolue et les points de vue changent. Même si la direction générale reste bien identique, les expressions d’hier peuvent ne plus satisfaite pleinement aujourd’hui et tel détail d’ici ne plus s’accommoder avec tel détail de là. En bien des cas les indications à reprendre sont tantôt trop fragmentées et tantôt trop complexes, parfois de développement à proportion trop inégal et parfois surtout trop liées à l’objet qui en était l’occasion pour pouvoir toujours être utilement détachées, retenues pour elles-mêmes et réunies en un tout intelligible à lui seul et vraiment présentable. (Fr. Simiand. La méthode positive en science économique, p. 4.)[8]

251.33 Rédaction, composition : le manuscrit qui « s’écrit ».

Rédiger : c’est toute l’œuvre littéraire, toute l’œuvre de la rhétorique et du style (voir n° 225).

1. La réalisation de l’œuvre.

a) L’auteur opère son choix entre tous les sujets, entre toutes les formes littéraires et documentaires et, pour le traiter, entre tous les ordres de disposition, entre toutes les idées, toutes les possibilités de phrases, entre tous les mots. Car élaborer une œuvre, c’est procéder à une sélection continue.

b) L’écrit peut et doit être la pensée à l’état le plus parfait ; les paroles s’envolent, les écrits restent. Boileau a dit : « C’est ordinairement la peine que s’est donnée un auteur à lire, à perfectionner ses écrits, qui fait que le lecteur n’a pas de peine en le lisant. » Ailleurs il a dit : « Vingt fois sur le métier remettez vos ouvrages, polissez-les sans cesse et les repolissez. » Satena a dit : « Un écrit qui sent le travail n’est pas assez travaillé. » Et H. Taine a donné cette définition : « Un écrit quel qu’il soit ne fait que manifester une âme. » Écrire un livre, disait Verhaeren, c’est faire un acte de volonté. Il s’agit durant trois mois, six mois, un an ou plus, à concentrer son esprit sur un même sujet, à s’y intéresser, à le dominer, à l’embrasser.

c) Un livre représente des milliers de coordinations d’idées. Tout un livre est présent à l’esprit de l’auteur au moment où il l’achève.

Le lecteur qui consulte un gros livre de 500 pages, parfois de mille et plus, s’est-il rendu compte de la manière dont l’auteur avait dû procéder pour rédiger son ouvrage ? Il n’a pas la naïveté de croire que le savant compose en écrivant son texte d’affilée, commençant a la première et finissant à la dernière ligne. Les procédés suivis sont fort intéressants à connaître ; de leur comparaison et examen, il est possible de dégager des conseils généraux, voire une méthode de composition.

d) Pour réaliser l’œuvre, il y a d’abord le tempérament de l’auteur ; puis sa préparation générale ; puis l’inconscient qui a travaillé en lui, amassant des documents pour ses réflexions futures, puis la documentation spéciale de son sujet ; enfin l’ambiance intérieure et extérieure de l’heure et le réflexe normal contre les images cérébrales qui seront successivement évoquées par l’esprit.

Devant le papier blanc, et une fois la plume à la main, la pensée va se développer, se dérouler, se dévider. Elle est comparable au fil qui se débobine, à la pelote de fil. La pensée est orientée vers un point central et c’est à l’exposer, à l’expliquer, à le « correlater », à en dire les conséquences que la pensée s’efforce. Dans le document, et par écrit, la pensée procède à la manière dont elle le fait dans la conversation et par la parole.

e) C’est au moment d’écrire que s’achève l’édifice de la pensée. Des matériaux, des données réunis en notes, se dégagent nettement alors une idée d’ensemble, une thèse, ou une organisation. « Lorsque le travail de préparation une fois accompli, l’écrivain réalisateur qui compose s’est par un effort sui generis, placé au cœur de la question, il éprouve une sorte de sentiment inspirateur qui s’épanouit en livres ou en articles. Non que les développements du livre ou de l’article achevé, avec la multiplicité des idées et des mots, puissent être contenus en raccourci dans un sentiment initial parfaitement indivisible, mais ce sentiment (un schéma dynamique) possède en soi on ne sait quelle puissance de les susciter. » (Bergson.)

Écrire, c’est un procédé de création et non seulement d’expression. La plume à la main l’écrivain non seulement transcrit une pensée qu’il aurait formée préalablement, mais il l’élabore. Des idées lui viennent en écrivant par le jeu des associations ; il doit les clarifier en les revêtant de mots nécessaires à les exprimer ; il doit les systématiser par la nécessité même où il est d’en présenter un exposé et de les rendre explicites ; il est placé devant les incohérences, les trous, les isolements d’une conception simplement ébauchée. La vision limitée du point à résoudre canalise alors son attention et facilite l’effort de création.

f) Tout ouvrage doit avoir une sorte de vie intérieure qui doit animer le plan et lui donner de l’unité. Les différentes idées émises ne doivent être que des faces d’une idée plus générale qui les englobe toutes. C’est la loi supérieure de tous les arts qui tâchent de faire concourir tous les détails d’une œuvre quelle qu’elle soit : tableau, statue, pièce en vers, à la traduction d’un sentiment unique.

« Je donnerais presque comme une loi, dit F. Sarcey, qu’il ne faut avoir qu’une idée mère, qui s’éclaircit et se confirme par trois ou quatre groupes de développements successifs. » Tout le discours est un ; il se réduit à une seule proposition mise au jour par des tours variés. Un sujet bien composé est comme un animal vertébré.

g) Des ouvrages sont écrits d’affilée. D’autres subissent beaucoup d’étapes, leurs auteurs les revoient, les refondent à plusieurs reprises. Leurs manuscrits aux passages biffés, aux pages intercalées, aux corrections à encres diverses laissent voir leur pensée à la recherche de la formation définitive.

L’idée peut aller aussi en s’accumulant (idée cumulative). On rédige alors séparément, mais parallèlement, les exposés particuliers à des dates successives. Un premier mémoire d’abord, puis un deuxième qui cumule le premier et le deuxième, puis un troisième qui cumule le deuxième et le troisième.

h) L’enseignement est une préparation à l’art d’écrire. Les humanistes apprennent à organiser la vie mentale, à créer les hiérarchies des idées et des concepts ; voire à composer des écrits, à mettre en relief l’important et dans l’ombre l’accessoire. Écrire exige de l’entraînement. Taine disait : « Voila quarante ans que j’écris le français et je m’aperçois chaque jour que je ne le connais pas encore. » « On doit apprendre à écrire comme on apprend le piano et le violon, dit Georges Remy : longuement, patiemment, durement, » Camille Lemonnier passa une partie de ses nuits à faire des « gammes littéraires », à s’imposer à lui-même des tâches de labeur, celle d’exprimer de vingt façons différentes une même idée : « la nuit tombe » ou « la lune brille sur le toit ». Toute sa vie, sans jamais passer un jour, il lut le dictionnaire, ne se lassant pas de vérifier le sens exact des mots, d’enrichir ou de rafraîchir son vocabulaire. Céline, l’auteur du « Voyage au bout de la nuit », a recommencé de sa main cinq ou six fois cet énorme ouvrage et ne s’est décidé qu’avec peine à le livrer à l’éditeur. Il en écrit un autre qui, affirme-t-il, ne sera prêt qu’en 1938

i) Le procédé de composition aura évidemment une influence sur la composition elle-même. 1° Le procédé synthétique : avoir une idée maîtresse et se mettre à écrire pour la développer, en subordonnant les faits et les arguments, donner le maximum d’unité et de force à la pensée, utiliser les trouvailles d’idées et de mots qui s’opèrent tandis qu’on écrit. 2° Le procédé analytique : enregistrer un à un sur fiches les faits et les idées et de ces matériaux faire sortir une pensée dominante, s’assurer que rien n’est oublié, donner à la réalité la première place de préférence à tout développement brillant, mais privé de toute la force synthétique, mystérieuse et subconsciente même de la pensée en travail qui s’écrit directement et d’un jet.

2. Les Règles.

a) L’art de la composition littéraire (rhétorique) donnera les directions générales pour écrire, comme la logique donne celles pour penser. Tous les principes de la composition et de la rhétorique, de l’exposé scientifique, de la classification sont à mettre en œuvre. Il y a des principes généraux, des règles particulières, des conseils et des recommandations. À la vérité, il n’en faut pas trop abuser. L’œuvre est plus importante que les règles et place doit être laissée au renouvellement des formes comme du fond.[9]

b) Les opérations intellectuelles de l’art d’écrire concerne : 1° le fond : invention des idées (décider ce que l’on dira) ; 2° la forme : disposition des idées (composition des idées proprement dites ou plan). Établir dans quel ordre on le dira. Développement des idées (élocution, rédaction ou sigle) ; dire tout au long ce qu’on a décidé de dire.

c) La composition est un travail complexe. Il exige une analyse minutieuse et détaillée des faits (dissection) et à créer les hiérarchies des idées et des concepts, voire à composer des écrits, à mettre en relief l’important et dans un sélectionnement des matériaux ; la reproduction des textes dispersés dans des documents multiples et difficilement accessibles. Il faut éviter de transformer un exposé en une simple nomenclature de faits et de dates qui provoque la monotonie. Il faut reviser complètement ce qui n’est que préparatoire et accessoire ; distribuer la matière avec équilibre.

d) Composer est l’acquit d’une longue évolution littéraire. Que l’on compare, par ex., deux poètes séparés par plusieurs siècles, Archiloque de Paros et Horace. Le premier procède par soubresauts : il est peu capable de suivre le fil d’une pensée bien ordonnée ; le second sait mettre de l’ordre dans ses sentiments et composer.

3. Le plan.

a) Le plan est l’ordonnance des ouvrages, le canevas sur lequel va s’opérer la tapisserie. Méthode à suivre dans l’exposition du sujet. C’est d’importance capitale.

Le sage d’Orient ne s’inquiète d’aucune classification, d’aucun ordre. Il médite profondément. Il formule des « versets » et les écrit à la suite. Ainsi sont composés les livres sacrés et la Bible et le Koran.

Mais l’Occidental veut de l’ordre et celui-ci a grandi, à mesure que le temps écoulé a permis d’y atteindre plus complètement.

b) On a vu l’importance de l’ordre dans l’exposé (n° 22). Certains auteurs y ont excellé. Ainsi Saint-Thomas. Dans sa Somme, il réduit les objections à un petit nombre semblable aux aphories d’Aristote ; elles préparent à la thèse générale et sont souvent aussi intéressantes que la solution du problème dans le corps même de l’article. Mais le progrès bibliologique de St-Thomas se révèle surtout dans l’ordonnance systématique : nul ne l’a égalé avant ni après lui, et il a beaucoup contribué à donner une vue nette et profonde sur l’ensemble des dogmes. Et chaque jour grandit la préoccupation d’une méthode plus serrée dans l’exposé des données. On lit fréquemment dans la présentation d’un livre anglais. « The contents of the book have been arranged in a manner which renders them easy to read and to master ».

c) L’art de la composition organise tous les chapitres d’un livre, toutes les périodes, toutes les phrases pour l’action, pour le but poursuivi par ce livre. Le plan des livres tend à s’identifier avec la classification même des données scientifiques, avec l’architecture des idées.

d) Tracer le plan du travail, un plan vivant qui croîtra et se modifiera en cours du travail lui-même. Le plan sera la future table des matières : il servira à préciser chaque idée, à lui donner sa juste place, à montrer l’idée et les divisions, à éviter des répétitions et des digressions. Le plan est propre à l’ouvrage, c’est une classification spéciale, personnelle. Le plan recevra lui-même une décimalisation spéciale. On établira la concordance avec la classification décimale qui est universelle et impersonnelle et qui permettra de puiser aisément dans les matériaux de la documentation.

252 Facture matérielle. Reproduction. Imprimerie.

1. — Notion.

a) Les documenta une foie établis en original, il y a lieu pour un grand nombre d’entre eux de les reproduire en multiples exemplaires. Au cours des âges, des efforts constants ont été faits pour réaliser cette multiplication au moindre effort et coût. Au début il n’existait qu’un seul moyen : la copie, c’est-à-dire la reproduction à la main des duplicata de la même manière qu’avait été réalisé l’original. À ce procédé primitif se sont substituées successivement des opérations plus efficientes. L’Histoire du Livre en retrace l’évolution. Actuellement, on peut distinguer quatre espèces de moyens. L’imprimerie (documents imprimés, publication). La machine à écrire (documents dactylographiés ou ronéographiés). La photographie (documents polygraphiés). On y ajoute la reproduction par moulage, calque ou pochoirs de documents objets. Ainsi la reproduction est un fait général en documentation. L’imprimerie est le procédé le plus général. C’est d’elle qu’il sera surtout question ici.

b) L’imprimerie donne une puissance d’effets extraordinaire à l’idée écrite. Rien de ce qui y touche est négligeable.

c) L’imprimerie est à considérer : 1° comme métier ; 2° comme industrie et commerce ; 3° comme art ; 4° comme auxiliaire de la documentation, par conséquent de la Science, de l’Éducation et du Progrès social.

d) L’imprimerie a bénéficié de tous les progrès accomplis par les divers arts résultant eux-mêmes de l’application des sciences : par l’art des machines qui a perfectionné les presses et appliqué la vapeur comme force motrice ; par la chimie sur laquelle repose la lithographie et tout l’art de la reproduction photographique ; par l’électricité qui donna lieu non seulement à la galvanoplastie, mais à l’emploi du moteur électrique.[10]

2. — Historique.

a) L’invention de l’imprimerie a été réellement un développement et non pas un fait soudain, une découverte accidentelle, ni le résultat de quelque cause ou groupe de causes localisées en un lieu et un temps. La pratique d’imprimer avec un coin et avec une presse est aussi ancienne que les sceaux cylindriques de Babylone et est démontrée par les sceaux anciens et moyenâgeux. La presse elle-même a eu son prototype dans la vieille presse à écrou employée au moyen âge pour quantité de buts (reliure des manuscrits, pressage du papier, fabrication du vin, etc.). On voit naître alors deux procédés distincts : la xylographie consistant en une incision dans le bois d’une image reproduite à l’envers et encrée ensuite (cartes à jouer, livres-blocks, illustrations des livres primitifs) ; la typographie consistant en caractères individuels découpés ou fondus en blocs séparés de même hauteur. L’impression sur bois, comme le papier, serait venue de Chine, mais ce pays n’aurait pas poussé l’invention jusqu’à la typographie. Il y avait des blocs gravés sur bois en Italie et en Allemagne avant le XVe siècle. On vit des moralistes et le clergé essayer de donner un caractère moral aux jeux de cartes en mettant sur leurs fonds des dessins religieux ou scientifiques. (Ars moriendi, apocalypse, Biblia Pauperum, Canticum canticorum, Speculum humanæ salvationis). Ces publications allaient au peuple tandis que la noblesse possédait ses admirables manuscrits enluminés, les Missels et les Livres d’heures.

Le moment et le lieu de la première impression européenne par caractères mobiles et le nom de l’imprimeur ou de l’inventeur demeurent encore toujours un sujet de discussion. Gutenberg à Mayence vers 1550 ? Coster en Hollande ? Castaldi en Italie 7

Quoi qu’il en soit, l’invention de Gutenberg, associé à Johann Fust et Peter Schoeffer, paraît devoir être limitée à la fonte des caractères et ce furent ces trois hommes qui commencèrent réellement à produire les premiers livres imprimés (le Catholicon, la Bible de 42 lignes, le Psautier). Par des circonstances diverses et notamment le sac de Mayence, l’invention fut portée au dehors : Bamberg, Cologne, Augsbourg, Nurenberg, Bâle, Italie.[11]

b) L’invention de l’Imprimerie participe du caractère complexe de toute invention. Sont mis en œuvre des éléments divers dont les inventeurs n’aperçoivent pas ordinairement la diversité des rapports ni les développements qu’elles portent dans leurs flancs.

D’après les documents véridiques d’un procès, nous savons que Gutenberg, en 1439, s’associa des compagnons pour perfectionner la fabrication des miroirs (Spiegeln) dont il espérait tirer profit à la foire et au pèlerinage d’Aix-la-Chapelle ; nous savons qu’il craignait que ses amis ne disent que c’était de la sorcellerie.

L’association, qui comprenait un certain Hans Riffe, fut dissoute. Il résulte des pièces découvertes depuis qu’à Strasbourg, de 1436 à 1439, Gutenberg se livrait à des recherches onéreuses et secrètes ayant l’imprimerie pour objet (presse). À Avignon, de 1440 à 1446. Walter Riffe (probablement parent de Hans Riffe exclu par Gutenberg de l’Association) inventa les caractères mobiles en métal. À partir de 1445 à Mayence, Gutenberg réalisa la combinaison de la presse et du caractère mobile.

D’autre part, les miroirs en acier poli étaient connus depuis longtemps et n’offraient rien de mystérieux dans leur fabrication, mais c’est en Allemagne à cette époque que fut inventée la glace étamée si largement exploitée à Venise avec cadres de verre biseauté. Or, le nom de miroir (Spiegel, Speculum) était donné à de petits ouvrages parfois illustrés de gravures, et imprimés sur placard tabellaire la première fois en Hollande vers 1420-1430. Les plus anciens miroirs manuscrits remontent au XIIIe siècle, époque où Vincent de Beauvais composait son Speculum Mundi. On possède des miroirs obtenus au poinçon et au burin. On est amené à penser que l’association créée par Gutenberg avec des graveurs et des orfèvres avait pour objet précisément l’impression de ces miroirs sur plaque de métal. Il est intéressant de noter, en ces origines lointaines, une autre association, celles des idées où l’on voit à l’œuvre, d’une part les liaisons parfois tenues au début dans toute invention et, d’autre part, les liaisons avec le Miroir. Le livre reste bien un miroir et élevé au degré d’encyclopédie comme l’a voulu Vincent de Beauvais, il est Miroir du Monde.[12]

c) Quand en 1470 fut installée la première presse à imprimer en France, dans la Sorbonne même, l’Université de Paris avait sous son contrôle plusieurs milliers de parcheminiers, copiers et relieurs, fournisseurs des maîtres et des étudiants.

Au XVIe siècle, il aurait fallu 6,000 heures de travail à un des ateliers de copistes alors existant pour arriver à produire 10,000 exemplaires d’un de nos journaux de 4 pages. Le matériel actuel permet de réaliser le même travail en 175 heures. Les machines modernes mettent les artisans du XXe siècle à même d’exécuter des ouvrages qui exigeaient autrefois les efforts conjugués de 34 hommes.

Les premiers imprimeurs paraissent bien n’avoir eu d’autre idée de l’importance de leur travail. Ils regardaient le nouvel art, comparé avec le travail de la plume, simplement comme un procédé plus rapide et moins fatigant de produire des livres,

d) L’histoire de l’imprimerie est de nature à intéresser d’autres que des spécialistes. Elle comprend : 1° l’histoire des inventions qui ont sûrement développé cet art ; 2° l’histoire de sa diffusion et de son influence dans les divers pays et dans les divers ordres de sciences.

L’imprimerie n’a cessé de se développer depuis Gutenberg. Évolution marquée par ces étapes : 1° caractères gravée sur bois ; 2° caractères mobiles ; 3° presses ; 4° gravure ; 5° lithographie ; 6° presse à vapeur ; 7° rotatives ; 8° machines à composer ; 9° télautographie.

Les dates suivantes marquent des étapes :

1436. Invention de Gutenberg.
1820. Première presse à vapeur.
1850. Clichés de photogravure.
1870. Rotative ou machine continue.
1886. Machine à composer.

e) La diffusion de l’imprimerie commencée à Mayence vers 1450 n’a atteint l’Abyssinie qu’en 1923.

Les imprimeries se développent : elles sont de plus en plus nombreuses, elles s’installent dan* tous les pays, terres métropolitaines et coloniales ; elles augmentent leurs travailleurs et leur outillage et leurs installations.

f) Des collections relatives à l’imprimerie et à son histoire (outillage et matériel) ont été formées dans divers musées, notamment au Musée du Livre de Leipzig, au Musée Gutenberg à Francfort, au Musée Plantin à Anvers, au Victoria et Albert Museum à Londres.

Les progrès de l’imprimerie sont résumés régulièrement dans le Gutenberg-Jahrbuch édité par A. Ruppel, Verlag der Gutenberg-Gesellschaft, à Mayence.

3. — Imprimeurs et Imprimeries.

a) Les grands imprimeurs du XVe et du XVIe siècle ont été Koberger en Allemagne, Froben à Bâle, Alde en Italie, Wynken de Worde en Angleterre, Estienne en France. Au XVIIe siècle, les Elzevirs en Hollande.

Les imprimeurs ont obtenu souvent de hauts patronages. Ainsi Colard, Mansion, Alde Manuce, Caxton. Les Estienne furent aidés par les rois de France. Plantin fut l’Architypographe de Philippe II.

b) Il y avait autrefois privilège d’imprimer. Celui accordé en 1644 à René Descartes pour ses œuvres porte :

« L’invention des sciences et des arts accompagnée de leurs démonstrations et des moyens de les mettre à exécution, étant une production des esprits qui sont plus excellents que le commun, a fait que les Princes et les États en ont toujours reçu les inventeurs avec toutes sortes de gratifications, afin que ces choses introduites en lieux de leurs obéissances, ils en deviennent plus florissants. »

c) On ne sait pas si les marques d’imprimerie ont été employées d’abord comme marque de commerce pour protéger les droits de l’éditeur contre les actes de piraterie ou s’il faut les considérer comme des signatures d’artistes. Dès le XVIe siècle, elles deviennent un élément important de la décoration de la page titre. Les marques sont des symboles de toute espèce, des personnifications accompagnées de devises. (Landauer en a relevé 2000). Plantin avait un compas avec la devise « Labore et Constantia », les Elzevirs, un Sage, une Sphère, une Minerve.

d) Les premiers imprimeurs furent à la fois imprimeurs et éditeurs. C’est au XVIIe siècle, période troublée excepté dans les Pays-Bas, que s’opère la séparation entre l’imprimerie et l’édition. La division actuelle par branches spéciales de l’impression, de l’édition et de la vente au détail date du XIXe siècle.

e) Il y avait sous François Ier 12 imprimeurs, éditeurs, libraires. En 1800, il y avait 60 libraires à Paris. En 1909, on comptait : 300 éditeurs, 3600 imprimeurs, 5000 libraires détaillants. Le nombre des imprimeries se répartit approximativement à raison d’une imprimerie :

en Belgique 
 par 3,500 habitants
en Suisse 
 par 3,697 habitants
en Néerlande 
 par 4,000 habitants
au Danemark 
 par 4,250 habitants
en Italie 
 par 4,850 habitants
en Allemagne 
 par 6,250 habitants
en Angleterre 
 par 6,743 habitants
en Autriche 
 par 9,155 habitants
en Suède 
 par 10,657 habitants
en Hongrie 
 par 12,680 habitants
en Lettonie 
 par 16,665 habitants
en Finlande 
 par 18,584 habitants
en Norvège 
 par 11,403 habitants
en Tchécoslovaquie 
 par 11,420 habitants

f) Les imprimeries sont classées par spécialités : typographie, lithographie, offset, journaux à grand tirage, livres d’art, catalogues d’art, travaux publicitaires artistiques, héliogravure, tri et quadrichromie, procédé typo-relief, colonnes d’art, affiches, actions et obligations, registres, étiquettes, cartonnage, calendriers, blocs-éphémérides, timbrage en relief, etc.

g) « Le sage et magnifique imprimeur vit dans l’intérêt du livre : le choix de la lettre et du format, la vignette, les ornements, le frontispice, le colophon et le titre sont les événements de sa vie ; il y porte la même conscience et la même ferveur que le héros à ses plus grandes actions. Lui-même, il lève la lettre ou la fait lever sous ses yeux, la titre, la pèse et il la dose ; il mesure la marche ; il fixe les formes et les impose dans le châssis ; rien ne lui est étranger de son état ; architecte, il est aussi le maçon, le tailleur de pierre, le couvreur et même le gâcheur de mortier. Quand on tire les feuilles sur la presse à bras, il peut dire qu’il a mis la main à tout l’ouvrage. Il est bien le maître de l’œuvre. » (André Suarès.)

h) L’imprimerie est indépendante, autonome ou incorporée dans un complexe plus général. C’est le cas de l’imprimerie d’un journal où dans le même édifice, elle se trouve réunie aux services de rédaction, d’édition et de librairie ou vente et même d’association quand le journal en est l’organe.

Ainsi l’imprimerie qui s’est établie d’abord en office distinct, en vertu de la division du travail, tend à faire partie des plus grandes organisations. Ainsi, bien des instituts scientifiques, des organismes sociaux, des établissements industriels ont installé des imprimeries chez eux.

i) Il y a les grandes imprimeries d’État, telles que l’imprimerie Nationale de Paris, l’Imprimerie Nationale à Washington, les imprimeries d’État de l’U. R. S. S., d’une importance croissante. La première, vers 1875, avait une production mesurée par 11,000 volumes. La seconde compte aujourd’hui plus de 125 machines à composer.

4. Opérations.

a) Une fois composé par les auteurs (écrivains, journalistes, périodicistes, rédacteurs), le manuscrit pour être reproduit, multiplié, doit subir les opérations diverses de l’imprimerie et de toutes les catégories diverses de personnes entre lesquelles se divisent celles-ci.

L’impression d’un travail nécessite les opérations suivantes : composition typographique, tirage des épreuves, corrections, mise en pages, impression, séchage et satinage s’il y a lieu, brochage.

b) Quand le manuscrit de l’auteur arrive au bureau de l’imprimeur, il doit être enregistré, examiné succinctement pour indiquer la justification, l’interlignage, les caractères, voire les machines sur lesquels il doit être composé. On conseille que le manuscrit passe aussi sous les yeux du correcteur.

c) Composer, c’est assembler les divers matériaux mis par le fondeur à la disposition du typographe (lettres, blancs, espaces, cadrats, interlignes, lingots, garnitures, vignettes), c’est constituer ainsi des lignes, des pages, des tableaux et en faire des blocs à quadrature parfaite prêts à être imposés d’abord, tirés ensuite.

On a appelé du nom de graphisme l’ensemble des conditions de la typographie du livre. C’est le résultat d’une collaboration entre l’imagination de l’auteur et des artistes, et les nécessités ou limitation de la machine.

Le livre doit être, au point de vue du graphisme, le résultat de la collaboration de l’écrivain, de l’imprimeur et du lecteur. Ils ont chacun des exigences inconsidérées souvent de l’autre. C’est un compromis entre les trois sortes de desiderata.

L’auteur doit connaître l’essentiel de l’imprimerie, les ressources qu’elle offre pour le graphisme de la pensée. Il doit intervenir auprès de l’imprimeur.

L’auteur fera bien d’accompagner son manuscrit d’une note de recommandation à l’imprimeur. Il y reproduira les différents éléments du livre ou document et indiquera son choix, sa décision ou ses préférences. Par ex. : caractère, corps, justification, titres, pagination, etc.

L’art d’imprimer est tout un art, et bien des procédés existent qui permettent à des industriels peu scrupuleux d’imprimer le minimum de texte sur le maximum de pages. Lors de la fixation de prix, l’attention sera portée sur la largeur de la justification, la grandeur des caractères, l’espace des interlignes, le placement des titres au départ des lignes avec texte continué plutôt que leur placement au milieu de pages.

5. — Procédés de reproduction.

a) Un principe technique domine toute la reproduction. Ligne ou image ne s’expriment originairement que par une opposition d’ombre et de lumière. C’est elles qu’il s’agit de reproduire et de multiplier. Trois grands moyens : 1° une matière (encre, couleur de toute espèce) qui appliquée sur la partie de la surface à reproduire va se transposer sur la surface substratum de la reproduction. La matière sera ou en creux ou en relief, toutes deux pouvant également recevoir la fine lamelle d’encre à transposer. La matière sera d’une pièce comme dans le bloc gravé ou le cliché, ou sera faite d’éléments mobiles servant à composer les ensembles comme les caractères typographiques. 2° La lumière transperçant la surface écrite ou immergée ou se réfléchissant sur elle et allant, à la même grandeur, diminuée ou agrandie, la reproduire sur une autre surface soit d’une manière fugitive, soit d’une manière permanente (photographie sur verre, sur papier). 3° La combinaison de la lumière et de la surface, l’image projetée venant se fixer sur une matière avec des creux et des pleins suffisants pour en constituer à son tour une matrice fixe rentrant dans la première catégorie.

b) L’écriture s’opère directement (par ex. plume, crayon) ou à l’intermédiaire d’un tiers corps (par ex. composition en caractères d’imprimerie). On écrit sans duplicata (copie à la presse, écriture à l’encre à copier ; copie carbone obtenue à l’aide d’un crayon, d’une pointe spéciale, d’un très fin stylo ou de la machine à écrire).

c) Il y a divers procédés d’impression, dont les principaux sont la typographie et la lithographie. La typographie repose sur les caractères d’impression mobiles composée à la main, ou sur les caractères composés à la machine, soit ligne par ligne (linotype), soit caractère par caractère (monotype). La lithographie est le procédé d’impression par lequel on obtient sur une feuille de papier ou de métal l’empreinte de ce qui a été écrit, dessiné, gravé ou reporté sur une pierre de nature particulière.

d) Cliché. — On établit à l’aide d’un métal fusible des planches solides qui reproduisent en relief l’empreinte d’une composition typographique, d’un dessin, d’un bois gravé et qui peuvent être utilisés pour le tirage de multiples exemplaires. Le cliché, c’est le relief en métal obtenu par les procédés de clichage, sur lequel est exécuté le tirage en série d’une composition typographique, d’un dessin ou d’un bois gravé.

1° Plomb ou stéréo : obtenu en coulant dans un flan préparé (carton fait avec des feuilles de papier superposées) de l’alliage à caractères d’imprimerie qui, après solidification, est aplani et dressé à l’envers. 2° Galvano : obtenu avec des pots galvanoplastiques de cuivre dans un moule, ou une empreinte, exécuté soit en plomb, soit plus généralement en gutta percha ou en cire. La coquille de cuivre ainsi obtenue est placée & l’envers, puis consolidée en y coulant de l’alliage à caractère ; l’envers est ensuite raboté et monté sur bois. 3° Cliché zinc : clichés typographiques obtenus par photogravure sur zinc. 4° Simili : le cliché simili est la reproduction d’une photographie au moyen de la similigravure. 5° Trait : le cliché au trait est la reproduction d’un dessin exécuté à l’encre noire sur un carton blanc et ne représentant aucune trace de demi-teinte, donc rien que des traits et des points noirs sur blanc. En allemand et parfois en anglais, on désigne par autotype le procédé connu en France et en Belgique sous le nom de similigravure. Par héliogravure, on désigne tous les procédés de gravure faisant intervenir la lumière. Le mot est aussi appliqué comme synonyme de photogravure, terme qui désigne des procédés conduisant à l’obtention de planches gravées en taille douce dont les noirs sont creux. La photogravure comprend les procédés utilisant la photographie pour l’obtention de planches ou de clichés gravés et destinés à l’impression typographique. En anglais et en allemand, ce mot désigne exclusivement les procédés connus en France et en Belgique sous le nom de « Héliogravure ». Par photomécanique, on désigne les différents procédés utilisant la photographie pour la création d’un cliché,

e) Depuis 1910, deux nouveaux modes d’impression ont fait leur apparition et après de longs et pénibles essais et tâtonnements, se sont imposés par la rapidité d’exécution et la beauté de la production. L’un est la Rotogravure ou photogravure rotative en creux, qui utilise des cylindres de cuivre gravés en creux ; l’autre est la Rotocalcographie ou impression off-set, qui procède du report sur blanchet ou étoffe caoutchoutée (rotoprint).

f) Reproduction des images.

Il y a aujourd’hui trois modes principaux de reproduction des images : 1° Impression en relief : les images se présentent sous forme de clichés au trait ou de clichés tramés (similigravure). 2° Impression planographique : l’image ne comporte aucune dénivellation, aucun relief. Elle est étendue sur une pierre ou sur une plaque de zinc préalablement recouverte d’une couche sensible et seule la préparation que l’on fait subir à cette plaque empêche l’encre de se reposer sur l’image toute entière (procédé lithographique ou Offset). 3° Impression en creux : à l’inverse du procédé en relief, le cliché est formé d’une multitude de creux de profondeur variable, dans lesquels l’encre se dépose plus ou moins profondément. Une raclette nettoie le relief (procédé héliographique tramé ou au grain de résine).

g) De nouveaux procédés de reproduction sont inventés tous les jours, pour la multiplication à petit ou à grand nombre. La reproduction d’éditions originales épuisées est faite par des procédés zinco-photographiques ; les procédés de revivescence des encres d’imprimerie (anastatique), des procédés de calquage, du « noir-blanc » (Schwartzpresse). Pour la reproduction en petit nombre d’exemplaires, on dispose aussi de nombreux moyens tels que les hectographes (chromographes à base de gélatine) et les machines à stencil. Après les procédés à la lumière et la plaque, la photo-chimie pourra trouver d’autres succédanés à la vieille typographie : l’impression aux rayons X. Elle doit pouvoir impressionner les feuilles par masse sans qu’on soit obligé de les déployer devant les presses.

h) La documentation normale repose sur le sens de la vue. Une documentation spéciale a vu le jour pour ceux qui sont privés de ce sens, les aveugles. Un système d’écriture-lecture a été inventé reposant sur le sens tactile, des appareils ont été créés pour mettre en œuvre le système et chaque jour s’accroît le nombre de documents. On a réalisé d’autre part la composition de la musique par des procédés typographiques.

6. — Caractères.

a) Les caractères sont fondus. De vastes établissements industriels sont consacrés exclusivement à cette opération.

b) Les caractères des premiers livres imprimés sont lourds et archaïques, difficiles à déchiffrer. On cherchait à se rapprocher le plus possible des manuscrits du temps, à les imiter. Puis on améliora, quand l’invention fut dévoilée, mais toujours le caractère restait gothique. Les Italiens les premiers créèrent les caractères romains. Alde inventa l’italique (aldin, cursive) d’après l’écriture de Pétrarque. Alde obtint le privilège de l’emploi exclusif de ce caractère en Italie.

Le roman gravé par Claude Garamond est devenu le type modèle de toute l’Europe, surtout si l’on veut considérer que cette régularité de forme qu’on exige aujourd’hui dans la fonte des caractères n’existait pas dans les types créés il y a trois siècles. Alors l’œil seulement guidait le graveur dans son travail ; aujourd’hui il dispose d’instruments de précision qui permettent de donner aux poinçons et aux matrices une justesse mathématique. En 1592, les Elzévir font graver leurs caractères. Ce qu’on a cherché, ce sont les formes régulières afin de faciliter la lecture des caractères.

c) Dans un même ouvrage, tous les types de caractères employés doivent appartenir à la même série : l’unité de l’œuvre l’exige, Au sujet de la grosseur des caractères, nombre de lettres à la ligne, force de l’interligne, il y a des règles qui ont pour but de réduire au minimum la fatigue du lecteur. Les dispositions de lignes, de forme, de proportion, de lumière, de régularité ont leur importance. Le problème est de laisser le plus de blanc possible tout en donnant aux pleins et aux déliés des lettres la grosseur indispensable pour qu’on puisse les lire facilement même avec une vue médiocre.

d) La Oxford University Press est à même d’imprimer en plus de 150 langues différentes.

e) La hauteur de caractère se mesure soit selon le système métrique, soit selon divers types dont les principaux sont les systèmes Didot et Fournier. Chacun de ces types comporte une série de subdivisions qui sont basées sur le système de points typographiques. Le point typographique vaut deux points ou 1/16 de l’ancienne ligne ; savoir actuellement environ 1/3 de millimètre ou 0.376 millimètre. On a établi en conséquence des lignomètres. Ainsi une ligne, d’après le lignomètre Didot 6, correspond à la hauteur de 2.25 mm. donc à la ligne dite Nonpareille.

Le système typographique Didot fut fondé par Firmin Didot au début du XIXe siècle. Il est appliqué par la plupart des imprimeries françaises et belges. Ce système a perfectionné celui établi au milieu du XVIIIe siècle par Pierre Simon Fournier.

Dans le journal, on mesure la hauteur et la largeur de la surface imprimée d’une page ; le nombre de lignes par page ; le nombre de colonnes par page ; la largeur d’une colonne.

Tableau comparé des corps typographiques
CORPS
en points
ANCIENNES DÉNOMINATIONS
FOURNIER DIDOT ANGLAIS ALLEMAND ITALIEN
3 » Diamant Diamont ou Excelsior Diamant ou Half petit Diamante
3 ½ » » Brilliant Brillant  
4 » Perle Semi-Brevier » Perla o Milanina
5 Parisienne Sédanoise ou parisienne Pearl Perl Parigina
5 ½ » » Agate [13] »  
6 Nonpareille Nonpareille Nonpareil Nonpareille Nonpariglia
7 Mignonne Mignonne Minion Kolonel Mignona
7 ½ » Petit-texte » »  
8 Petit-texte Gaillarde Brevier Petit Testino
9 Gaillarde Petit-romain Bourgeois Borgis Gegliarda o Garamoncino
10 Petit-romain Philosophie Long-Primer Korpus Garamone
11 Philosophie Cicéro Small Pica » Filosofia
12 Cicéro St-Augustin Pica Cicéro Lettura
13 » » » » »
14 St-Augustin Gros texte English Mittel Silvio
16 Gros-texte Gros-romain     Testo
18 Gros-romain Petit-parangon Three line nonpareil Tertia Parangone o grosso testo
20 Petit-parangon Gros-parangon     Ascendonica
22 Gros-parangon Palestine      
24 Palestine » [14] Doppelcicero ou Text Palestina
28 Petit-canon »     Cannoncino
32 Canon »     Cannone
36 Trismégiste »     Sopra canoncino
40         Corale
44 Gros-canon »     Ducale
48         Reale
56 Double-canon »     Imperiale
72 Triple-canon »     Imperiale-Papale
76         Papale
96 Grosse-Nonpareille Grosse-nonpareille     Papale cancelleresco
100   Moyenne de fonte     Grosso di fonderia


f) Les anciennes casses ne contenaient que les lettres de l’alphabet et sous quelques aspects seulement. Le nombre de types s’est accru, mais le progrès de la page imprimée s’annonce sous l’empire d’une triple préoccupation. Répondre aux desiderata de la physiologie de l’œil, très étudiée dans les laboratoires visant à la lisibilité meilleure et plus rapide ; donner satisfaction aux besoins esthétiques de plus en plus précis et qui veulent faire du livre une œuvre d’art ; enfin pouvoir composer à la main, non seulement les écrits, mais tout ce qu’exigent les nombreuses notations autres que l’écriture : la musique, les diagrammes et cartogrammes, les figures schématiques.

7. — La composition mécanique.

a) La machine a pénétré triomphante dans l’imprimerie. Elle ne supprime pas l’intervention de l’homme ni l’intelligence de ses mains. La machine obéit à qui la guide ; elle donne à l’ouvrier typographe le collaborateur qui exécute pour lui toute la partie fastidieuse du métier, comme le placement lettre à lettre dans le composteur, comme le monotone et long travail de la distribution.

La machine à composer, avec ses divers progrès, présente les avantages suivants : caractère toujours neuf, instrument de travail très rapide ; erreurs typographiques à corriger moindres, car il n’y a plus de lettres manquantes, de caractères retournés, de chiffres difficiles à lire, de lettres cassées, mélangées ; des caractères de divers types rendus aisés, facilité de conserver certains textes pour la réimpression, alors qu’autrefois il fallait en ce cas immobiliser une partie du matériel. La machine à composer compose à l’heure 5000 lettres et en redistribue 15000. Les machines à composer sont aujourd’hui assez nombreuses : la linotype, la monotype, l’intertype, la typograph.

b) La machine monotype offre l’avantage d’un clavier de petite dimension séparé de la fondeuse. On peut ainsi faire fonctionner le clavier dans un bureau, loin de la machine et produire un travail dans les mêmes conditions que la machine à écrire ordinaire. Ceci peut permettre l’économie d’une transcription. Par ex., des fiches bibliographiques, notamment celles du dépouillement des périodiques, les extraits ou copies d’ouvrages peuvent se faire sans danger de voir souiller les originaux ni obligation de les transporter au dehors.

c) L’Intertype Corporation fournit maintenant ses machines avec un nouveau dispositif permettant le cadratinage et le centrage des lignes, appareil qui ajoute à la machine Intertype les avantages mécaniques suivants : le cadratinage automatique et instantané sur n’importe quelle longueur de ligne, sans emploi de cadratins et d’espaces-bandes ; 2° centrage, au milieu d’une ligne, d’un titre sans emploi de matériel à espaces ; 3° cadratinage ou centrage d’un texte, d’un mot et même d’une seule lettre, avec ou sans emploi de matériel à espaces.

Un bouton de contrôle se trouve sur l’étau de la machine et à portée de la main de l’opérateur. Le bouton abaissé, la machine centrera un texte, des mots, un mot, une seule lettre sur une longueur quelconque de ligne, sans autre attention. Le bouton levé, la machine cadratinera automatiquement la ligne non comblée.

d) De la composition à la machine, on peut attendre des progrès dans plusieurs directions. Les bandes perforées de la monotype, où demain une même frappe marquera des caractères visibles, deviendront des clichés précieux, lisibles par tous, pour l’utilisation multiple des mêmes textes. La simple machine à écrire, nantie de caractères typographiques et réalisant la justification automatique, fournira de son côté les épreuves qu’il suffira ensuite de passer à la lithographie. On a parlé d’une machine à composer photographique moins compliquée et encombrante que la typographie. Des lettres disposées sur un support de verre sont éclairées à l’appel d’un clavier qui fait fonctionner les lampes ; un dispositif de miroir et prisme renvoie l’image de la lettre à photographier sur une plaque au préalable sensibilisée et qui se déplace automatiquement après chaque photographie. Mais il y a la justification et la correction.[15]

8. — Presses et autres machines.

a) La presse Marinoni, inventée en 1872, a modifié de fond en comble la confection matérielle des journaux. Elle a contribué à l’essor du journal dans le monde entier.

La presse de Gutenberg devait à peine produire une feuille à la minute, alors que nos presses peuvent imprimer de 30 à 1600 exemplaires dans le même laps de temps. Les dernières rotatives ont un potentiel de 100,000 journaux à pages multiples en une heure.

b) Les machines à relier font merveille. Elles tendent de plus en plus à cueillir mécaniquement le volume au sortir de la presse, à plier les feuilles mécaniquement, à les coudre mécaniquement, à les mettre en presse mécaniquement. On estime que ces machines ont décuplé la puissance de production des ateliers de reliure.

9. — Organisation de l’imprimerie.

a) Dans la plupart des pays, les imprimeries ont une forte base corporative, patrons d’un côté, ouvriers de l’autre, parfois des corporations mixtes. Les organisations établissent des contrats collectifs et de véritables codes en la matière. Il existe un Congrès international des Imprimeurs ; il a chargé une Commission d’organiser un bureau international d’études pour l’industrie du livre.

b) Il existe de remarquables musées de l’imprimerie, entr’autres le Gutenberg Museum de Mayence, le Musée de Berne, le Musée Plantin à Anvers, le Musée du Livre à Leipzig. Certaines grandes imprimeries ont formé des petits musées, On a créé des collections de documents typographiques. La Bibliothèque typographique de Jersey City. La Bibliothèque des arts graphiques d’Edmond Morin à Paris. La Bibliothèque du Kunstgewerbe Museum à Berlin.

253 Distribution et Circulation du Livre et du Document.

253.0 Généralités.

a) Une fois établi, en original ou en reproduction, le livre, le document, sont objets de distribution. Celle-ci s’est organisée progressivement au cours du temps. Elle dispose maintenant d’institutions et de systèmes perfectionnés. Il y a lieu de distinguer la distribution matérielle liée à des opérations de transport et la distribution intellectuelle ou diffusion des données incluses dans les documents avec comme conséquence l’influence de ces données.

b) Le temps de diffusion des ouvrages est souvent fort long. Ainsi Dante fut fort peu connu en France jusqu’à la fin du XVIIIe siècle ; sa renommée date de l’époque romantique. Celle de l’épopée du Tasse, la Jérusalem délivrée, date particulièrement en France du XVIIe siècle. Shakespeare y pénètre au XVIIIe siècle ; alors on le traduit et on l’imite.

c) La distribution du livre se fait : 1° par vente ; 2° par échange ; 3° par don. Il y a lieu de considérer ici : 1° l’édition ; 2° la librairie ; 3° le service des transports et communications.

d) Produire un livre est la chose laborieuse, compliquée, longue que l’on sait. Il est fini et tout commence seulement. Il faut maintenant le faire lire. Les poètes décrits par Boileau arrêtaient les passants pour les prier d’écouter leurs vers. Les auteurs d’aujourd’hui bien souvent ne sont-ils amenés à des procédés analogues.

Diffuser un livre par le monde, a dit Schiller, est une œuvre presque aussi difficile que l’écrire.

Il ne suffit donc pas d’écrire, d’imprimer, d’éditer, il faut encore se préoccuper de ce que deviendront les ouvrages qui voient le jour. Lancés dans le grand tourbillon bibliographique, ils doivent finalement parvenir à qui peut les utiliser. Là est le point ultime du processus. Comme il n’est pas possible d’établir une relation immédiate entre le livre et son lecteur, des relais ont dû forcément être créés. Il en est deux très importants : la librairie et la bibliothèque et chacun d’eux se dédouble, selon qu’il s’agit du livre lui-même ou de son substitut, la notice bibliographique pour la librairie et la notice catalographique pour la bibliothèque. Le problème général se pose en ces termes : entre la multitude des livres d’un côté, la multitude de lecteurs de l’autre, comment faire pour qu’un livre particulier parvienne vite, aisément et sûrement à un lecteur particulier qui le désire ou auquel son auteur le destine. C’est là un problème de distribution du livre et celle-ci doit être organisée à l’aide d’une instrumentation appropriée, qui, au premier chef, doit comprendre la classification.

e) Il serait intéressant ici de posséder des coefficients pour évaluer la vitesse de propagation d’une idée par le Livre.

Quel temps s’écoule-t-il entre le moment où le fait est découvert, l’idée conçue et le moment de la lecture. Il y a une durée nécessaire pour écrire, imprimer, distribuer, faire rendre compte, faire lire. Cette durée est variable d’après les procédés employés à cet effet.

253.1 L’Édition.

1. — Notion.

a) L’éditeur est celui qui fait imprimer et prend le soin de publier les ouvrages des autres. L’éditeur est comparable à l’entrepreneur d’argent d’un édifice. C’est lui qui établit le rapport entre les diverses spécialités qui coopèrent au livre. On donne aussi le nom d’éditeur à l’homme de lettres et au savant qui revoit et prend soin de publier les ouvrages des autres.

b) L’éditeur est le noyau du monde du livre, placé entre l’auteur, l’imprimeur, le libraire et le public. Les éditeurs ont des responsabilités : 1° vis-à-vis de l’auteur qui, en lui, a confié ses espoirs de réussite ; 2° vis-à-vis de la Nation dont il ne doit pas trahir la cause intellectuelle en publiant des produits inférieurs ; 3° vis-à-vis du public, dont il ne doit pas abîmer la santé morale, mais qu’il ne doit au contraire songer qu’à fortifier et à élever. (Henri Jacques). Il faut des capitaux importants, pour mener à bien une affaire d’édition, où l’on traite avec plusieurs industries, pour permettre d’attendre les rentrées provenant de la vente des livres qui s’échelonnent parfois sur de longs délais, pour entretenir, animer la publicité.

« Si le livre est le véhicule de la pensée, la maison d’édition est le chemin, le canal, le fleuve, la voie. Entre l’écrivain et l’éditeur, il doit y avoir alliance, collaboration. » (Pierre Georges.)

2. — Historique.

a) On a beaucoup discuté si les personnes auxquelles les Romains donnaient le nom de libraires achetaient aux auteurs le droit de publier et de vendre leurs ouvrages. Comme le livre était écrit à la main, il n’y avait pas nécessité de constituer de stocks et l’auteur pouvait à tout moment apporter des changements à son œuvre. Les libraires et les éditeurs au moyen âge ne constituaient qu’une même corporation.

La fondation des universités de Bologne, Padoue, Florence, Paris, Oxford et d’ailleurs, du XIIIe au XVe siècle et durant la Renaissance, rendit plus apparente l’importance du livre. Les colonies de scribes et de libraires s’installèrent autour des universités et y établirent de grands « scriptoria »[16]

Après l’invention de l’imprimerie, on voit se dégager la fonction d’éditeur (imprimeurs imprimant leurs propres livres). À la Révolution, la profession d’éditeur fut déclarée libre et sans autre condition qu’une patente. Celle-ci disparut plus tard.

b) Autrefois en Angleterre, il était coutume de publier certains livres sur le principe du partage des profits et pertes parmi un nombre convenu d’éditeurs et de libraires. Cet usage a subsisté jusqu’au milieu du XIXe siècle. C’était extraordinairement des ouvrages pour lesquels les droits d’auteur avaient cessé d’exister. (Ex. dictionnaire de Johnson), Il y avait jusqu’à 200 actionnaires. Cette méthode ouverte à tous créait un monopole dans bien des cas, car tous les intéressés étaient actionnaires et maintenaient les prix hauts. William Pichering se mit seul à attaquer la corporation des éditeurs en publiant de belles éditions à bon marché des classiques anglais (Aldine Poets, Small books On Great Subjects, etc.).

c) L’histoire de l’édition n’est pas entièrement écrite, mais les grandes firmes ont publié l’histoire de leur officine. Des maisons d’édition plongent leurs racines loin dans le passé. En Angleterre, par exemple, la maison Rivington remonte au XVIe siècle. Longman au XVIIe, Murray au XVIIIe.

d) Les transformations du monde de l’édition ont fait l’objet d’un ouvrage piquant de Bernard Grasse « La Chose littéraire », jadis les acheteurs de livres formaient une aristocratie : ils sont devenus une démocratie. La révolution s’est accomplie en France, surtout depuis 1919, depuis le jour où la publicité a commencé à être employée par les éditeurs au service des écrivains. Après la publicité, la mode bibliographique (c’est-à-dire le snobisme qui rapporte), les prix littéraires et les collections ont contribué à arrêter l’homme de la rue devant la vitrine du libraire. On a donc artificiellement multiplié les besoins de lecture et du même coup décuplé le nombre des ouvrages édités, on a fait de l’inflation littéraire. Les auteurs, au nombre de 3,700, sont réunis en syndicat. La critique a cessé d’être impartiale.

3. — Espèces.

a) il y a cinq grandes classes d’éditeurs : 1° les éditeurs proprement dits (offices, firmes, sociétés ou particuliers) qui font de l’édition sur une base commerciale ; 2° les éditeurs de revues, de journaux ; 3° les associations et institutions qui accessoirement éditent leurs publications ; 4° les gouvernements, les administrations publiques et institutions d’utilité publique ; 5° les particuliers.

b) Les associations et institutions ne poursuivent pas de but lucratif (sociétés spéciales, sociétés de bibliophiles, associations scientifiques, artistiques et littéraires). Ainsi la nouvelle « Maison de publication de la Christian Science » de Boston, dont l’édifice n’a pas coûté moins de 4 millions de dollars, est un centre d’édition (Christian Science Monitor, Christian Science Journal, Christian Science Sentinel et toute la littérature publiée par la société).

Des organismes politiques et sociaux sont éditeurs. En Hollande, par exemple, l’Arbeiderspers est une vaste concentration de toutes les éditions socialistes et ouvrières. Elle dispose de plus de 900 personnes, édite sept quotidiens, plusieurs hebdomadaires et journaux syndicaux, une revue mensuelle De Socialistische Gids, des livres de doctrine, des ouvrages scientifiques et des romans.

Les universités anglaises et américaines sont à la fois leur propre imprimeur et leur propre éditeur : Oxford University Press, The University of Chicago Press, The University Press, Cambridge. Il a été créé à Paris, depuis la guerre, une coopérative « Presses Universitaires de France ».[17]

Le monde scientifique se préoccupe du mode le plus économique de publication des travaux de science. Il envisage notamment la création d’imprimeries et de maisons d’éditions coopératives.

b) Certains auteurs sont leur propre éditeur. Ils passent eux-mêmes tous contrats en ce qui concerne impression, papier et reliure de leurs œuvres. La librairie dont le nom figure alors sur leurs livres n’est que leur distributeur. Ainsi de nos jours Bernard Shaw est son propre éditeur. Certains de ses roman » dépassent 70,000 exemplaires.

c) Autrefois les œuvres étaient dédiées à des mécènes. Aujourd’hui, il se constitue des comités de patronage ou des comités d’honneur formés de collectivité de noms ; on recourt aux associations et on publie « sous leurs auspices » ou bien on établit quelques relations entre l’ouvrage et les autorités officielles (ouvrage subventionné par…).

d) La « Book Society » a instauré le système suivant : tous les mois des épreuves de livres à paraître sont envoyées au comité de sélection de la société dont le choix est imposé par la majorité des votes. Les membres de la société reçoivent un exemplaire du livre choisi. Ils peuvent l’échanger contre un des ouvrages mentionnés dans la liste supplémentaire des volumes recommandés.

e) Les Soviets de Russie ont mis à la base de leur constitution l’auto-détermination des peuples. À l’ancien régime basé sur une seule culture, celle de la nation dominante, la Russie, ils ont substitué un régime de liberté de culture nationale. Il s’en est suivi l’édition intensive de littérature en langue nationale. À cette fin a été créé à Moscou l’organe dit « Édition Centrale des Peuples ». Il publie des livres en 42 langues différentes, entr’autres dans les langues des peuples éloignés, tels que Yakoutes, Tchouvaches, Ziriens, Ossetes, Occates, etc., peuples dont plusieurs ne possédaient pas l’écriture. Les syndicats (ils ont plus de 10 millions d’affiliés) possèdent une vaste presse et éditent une littérature de masses sur les questions les plus variées du mouvement syndical, du travail et de l’autodidaxie. Pour la diffusion de la musique dans les masses, le Gouvernement soviétique a entrepris une grande œuvre d’édition de musique concentrée au sein du secteur musical des éditions d’État.

f) Le Gouvernement mexicain a créé un Office d’Édition. Dépendant du Ministère de l’Instruction publique, il dispose d’ateliers d’impression et de reliure moderne. Il publie toute une série de publications en rapport avec l’œuvre d’éducation populaire : livres scientifiques, scolaires, publications standardisées et autres, tous documents propres à intensifier la vie actuelle du pays. Le matériel fourni facilite l’action d’ensemble, coordonne les efforts, généralise les résultats.

4. — Extension de l’édition.

a) Le monde de l’édition étend chaque jour le cycle de ses activités. Il y a maintenant à Madras et Bombay (Indes), à Shanghai, à Sydney, à Capetown, d’importantes maisons d’éditions.[18]

b) En 1920, il existait 13,049 maisons d’édition et de librairies allemandes, dont un tiers réservé à l’édition et deux tiers à la librairie d’assortiment.

c) Lors de son centenaire, la librairie Hachette, qui est maintenant au capital de 43 millions de francs et qui embrasse le cycle complet de tout ce qui touche au livre, a déclaré recevoir une moyenne de 541 lettres par heure, 9 par minute. La moyenne de fabrication des livres et publications est de 22 millions d’exemplaires par an. Elle a des intérêts dans diverses papeteries, à l’étranger et dans des fabriques de pâte à papier qui alimentent les usines françaises ses fournisseurs. Elle imprime elle-même une partie de ses livres, soit dans son imprimerie, soit dans des imprimeries qu’elle commandite. Elle a créé les Messageries des journaux Hachette, les Bibliothèques des gares, pour la diffusion du livre et des journaux français à l’étranger « l’Agence générale de Librairie et de Publication ».

5. — Contrat d’édition et mode d’édition.

a) Les contrats entre auteur et éditeur ont trois formes : 1o l’éditeur édite aux frais de l’auteur ; 2o l’éditeur achète le manuscrit, ou une édition, ou une traduction ; 3o l’éditeur paye une redevance (pourcentage royalty). L’auteur doit surveiller le tirage et l’habitude critiquable des « passes ». L’auteur reçoit des exemplaires pour sa distribution gratuite, la diffusion d’ordre scientifique.[19]

b) On a élaboré un contrat type d’édition. L’Institut International de Coopération Intellectuelle a abordé l’examen de cette question.

c) Il y a divers modes de publication des livres : 1o par souscription avant l’impression ; 2o par fascicules ou livraisons ; 3o après achèvement. Les éditions dites « par souscription » consistent à imprimer et distribuer quelques centaines ou milliers de bulletins de souscription annonçant la parution prochaine d’une œuvre. Les ventes par avance enlèvent ainsi à la publication les atlas économiques qui peuvent s’opposer à son impression.

6. — Déontologie des éditeurs.

a) Voici la belle définition de l’éditeur proposée par les Tchécoslovaques au récent Congrès International des Éditeurs : « Le véritable éditeur doit avoir l’ambition de déployer dans le domaine de la culture une initiative propre ; de ne pas se borner à demander à la vie intellectuelle ses moyens d’existence, mais aussi à lui apporter quelque chose, à l’aider dans son développement. Aider le travail vivant d’artistes et de penseurs, représentatifs de leur temps, travailler moins pour aujourd’hui que pour demain et assurer sa part de risques avec l’espoir d’arriver finalement à vaincre toutes les difficultés. Mettre l’honneur du métier au-dessus de toutes les perspectives de gain. »

b) La fonction de l’édition va se précisant chaque L’édition ne saurait plus être considérée comme une industrie en soi, à part parmi toutes les autres et mal soudée aux besoins mêmes du livre. L’édition prend conscience de son devoir d’être conforme aux principes les plus avancés de la technique et de satisfaire aux desiderata les plus adéquats de la sociologie progressive. La fin idéale des opérations éditrices est de répandre parmi les hommes le maximum de biens intellectuels, ayant forme littéraire et documentaire. Reste à savoir comment cette fin peut se concilier avec les buts intéressés du commerce ; des écrits comme ceux de Karl Meinicke, « Das Buchhandel in das gerstige Lage Gegenwart » cherchent à répondre à cette question.

M. Gaston Zelger a publié en 1928 un Manuel d’Édition et de Librairie résumant pour la profession et son apprentissage, tout ce qui est essentiel de connaître.

7. — L’édition, l’intelligence et la publicité.

a) L’édition est conditionnée par trois grands facteurs : 1o l’argent : éditer est une opération commerciale. Elle s’insère dans le cycle économique et comme telle elle est productrice de salaires, d’achats, d’impôts et de gains. Elle a permis d’édifier de grandes fortunes. 2o L’intelligence : éditer est une opération d’ordre intellectuel, mettant au service de la vérité, des sciences, des lettres, des arts, de l’éducation des moyens de diffusion par le livre et le document. 3o La propagande : éditer permet de mettre en œuvre ces mêmes moyens au bénéfice de causes d’ordre politique, économique, social et politique. Dans l’édition l’intelligence a besoin d’être protégée à la fois contre l’argent et la propagande, soit qu’elle ait ses propres organes d’édition, soit qu’organisée elle-même par influence ou pour traiter collectivement avec l’édition d’affaires ou de propagande, il lui soit possible d’obtenir ainsi une part minimum des marques de distinction extérieure. La confusion des buts est un péril.

b) La publicité joue un grand rôle dans le lancement d’un ouvrage, Un ouvrage d’un auteur inconnu peut se vendre s’il est soutenu par une publicité habile. Le prix de la moindre publicité efficace est de plusieurs milliers de francs. De vives critiques s’élèvent contre l’organisation de ce qu’on a appelé le bluff littéraire. On a dénoncé le « syndicat parisien de la littérature alimentaire ». Fondation de prix, procédés publicitaires, les collections, les beaux livres faits de pauvres textes, les grands papiers. Une maison recrute ses « poulains » et les impose ; elle prétend créer l’événement littéraire. Par des coups d’audace, elle conquiert le lecteur ; avec ingéniosité, elle s’entend à le retenir.

Les éditeurs trop souvent bourrent le crâne en disant « le public aime ça ». Les éditeurs ne doivent pas suivre la foule, mais la précéder en publiant les écrivains qui par leur personnalisme affirmé révèlent un esprit original indépendant.

c) D’autre part, les causes qui limitent la publicité des imprimés destinés aux hommes spéciaux sont : tirages trop restreints, hauts prix provenant surtout d’un luxe exagéré dans les planches, insertion d’articles hors de leur vraie place ou dans des ouvrages et revues qui concernent des objets trop variés, absence de tables propres à faciliter les recherches dans de longues séries.

d) L’édition au service de la propagande occupe une place considérable. Il serait curieux de connaître les sommes dépensées directement ou indirectement par les gouvernements à cet effet. Il n’y a pas seulement l’U. R. S. S. ni les anciens belligérants. En fêtant son Centenaire, la Librairie Hachette a dit s’être mis au service de la pensée française. Il y a les propagandes religieuses, celles de la Foi à Rome, la Société biblique de Londres. Il y a la littérature de tous les partis politiques et sociaux, de toutes les associations à but social.

e) Des éditeurs sont engagés largement dons les luttes politiques. Ainsi en Allemagne, pour les œuvres de littérature sociale, certains comme Ernst Rowolt avaient approuvé le mouvement de gauche, tandis que d’autres comme la Hanseatische Verlagensteld fournissaient l’armature intellectuelle du mouvement national-socialiste.

8. — Organisation commerciale.

a) Lee maisons d’édition modernes se sont données une puissante organisation commerciale et financière. Parmi les valeurs de placement, il en est peu qui offrent la sécurité d’une maison d’édition. En effet, alors qu’en industrie la durée d’un brevet est limitée à 15 années, la propriété littéraire ne cesse que 50 ans après la mort de l’auteur. Un fonds se constitue dont la valeur ne saurait décroître. Cette valeur n’a guère d’égale dans d’autres branches du commerce ou de l’industrie. La maison d’édition riche d’un fonds de propriétés littéraires, offre toute la sécurité des entreprises à monopole, un monopole multiple et de longue durée.[20]

b) Au début, les imprimeurs éditeurs publièrent indifféremment tout ce qui était offert à leur activité : livres religieux, sciences, romans, etc. Ce n’est que dans le courant du siècle dernier que nous voyons l’éditeur se cantonner dans une spécialité : enseignement, droit, médecine, etc., au fur et à mesure du développement de la clientèle et sous la pression de la concurrence.

c) Le phénomène de la concentration s’est poursuivi dans l’édition. Au cours du XIXe siècle, on trouve en Allemagne une spécialisation croissante de maisons indépendantes ; cette tendance atteint son plein développement après la guerre grâce à l’adoption des principes de la rationalisation moderne. Parallèlement, on observe un grand mouvement qui tend à imposer de plus en plus le trust et le cartel, mouvement déterminé non seulement par des raisons d’ordre purement commercial ou littéraire, mais aussi par une orientation nouvelle des façons de penser.

En France, on a assisté à l’accaparement de tous les débouchés commerciaux de librairies, de kiosques, de gares, de marchands de journaux et même de maisons d’édition.

Les grands consortiums d’éditeurs et libraires sont souvent plus nuisibles qu’utiles, parce que dirigés infailliblement vers des buts politiques ou financiers.

9. — Organisation corporative.

a) Dans tous les pays les éditeurs ont formé des organisations corporatives, tantôt spécialisées à la seule édition, tantôt comprenant aussi les librairies.

b) En France, la Société des Gens de lettres concentre la présentation des œuvres de ses membres aux éditeurs, aux revues, aux journaux. Les textes de ces œuvres sont généralement polycopiés. Cette organisation ne va pas sans une certaine commercialisation de la littérature, et, le « tirage à la ligne », où se complaisent tant d’auteurs professionnels. Les textes reproduits donnent lieu en effet a un droit fixe de tant la ligne qui revient aux auteurs par l’intermédiaire de la société.

c) Il a été fondé un Congrès International des Éditeurs. Après une interruption de 18 années, il a repris ses travaux en 1931 (9e série) ; 16 nations y ont participé. Le Congrès s’est réuni à Bruxelles en juillet 1933.

253.2 La Librairie.

Dans la chaîne des opérations du Livre il est réservé à la Librairie de recevoir les ouvrages tout confectionnés de la main des Éditeurs et de les offrir en vente aux acheteurs. À première vue c’est fort simple. En fait c’est d’une complication considérable. Car à l’encontre de tout autre commerce, celui du Livre présente trois caractéristiques : A) Les objets vendus sont différents d’ouvrages à ouvrages. Ailleurs ils sont fongibles, ici ils sont individuels. Une Librairie possède ainsi des centaines et des milliers de livres distincts en un nombre plus ou moins grand d’exemplaires. B) Les objets désirés par les acheteurs lui sont ordinairement peu connus. Les acheteurs viennent s’approvisionner d’aliment intellectuel, de nourriture livresque, mais fort souvent ils ignorent l’existence même de ce qu’ils vont acquérir. C) Enfin une Librairie n’est pas seulement une maison de vente ; c’est une agence intermédiaire entre les livres offerts et les livres demandés. Le libraire ne saurait tout avoir en magasin, et l’acheteur lui ne saurait voir son choix limité à ce que le vendeur possède actuellement en magasin.

Le recours aux commissionnaires s’impose aux auteurs qui font imprimer directement leurs œuvres sans s’adresser à un éditeur.

253.21 Conception de la librairie.

La condition de la librairie, la conception du libraire présentent des particularités de pays à pays.

1. Situation et statut du libraire.

Le libraire, aux États-Unis, est un véritable négociant et non pas un simple dépositaire. Il risque son argent sur chaque livre. Il ne connaît pas les envois d’office, ni les comptes dépôt, ni surtout les retours à l’éditeur. Il est soumis à toutes les obligations qui régissent l’achat et la vente de marchandises. Ces quelques traits suffisent à différencier des libraires continentaux le libraire américain. Ce statut conditionne toute la politique du libraire et de l’éditeur américains, ainsi que leurs rapports mutuels. Puisqu’il achète et vend, puisqu’il avance des capitaux, le libraire américain doit être sérieusement préparé aux responsabilités de sa profession, aussi bien du point de vue commercial que du point de vue littéraire. Acheter des livres pour les revendre suppose une culture qui permet de juger de leur valeur intrinsèque et une connaissance pratique des goûts de la clientèle. Puisque ses frais d’exploitation ne se bornent pas aux seuls frais généraux et que son stock représente son capital personnel, le libraire américain ne fait pas de son magasin un tombeau pour ses livres ; aussi applique-t-il à leur vente les méthodes commerciales modernes qui font leurs preuves dans les diverses branches du négoce : étude du marché, approvisionnement rationnel, comptabilité adéquate et inventaire permanent, vente scientifique, mailing list et publicité. Puisqu’il doit acheter les ouvrages qu’il propose en vente et que, si l’on peut juger d’un coup d’œil la qualité matérielle d’un livre, son contenu spirituel échappe aux cerveaux non préparés, le libraire américain ne s’engage dans la profession qu’après des études générales suffisantes et une formation technique spéciale qu’il peut acquérir soit dans les Universités, soit aux cours institués par l’American Library Association.

2. Notion. — La librairie a pour fonction d’être l’intermédiaire entre les centres de production des publications (éditeurs) et le public acheteur des publications.

Le libraire américain ne sait pas se croiser les bras dans sa boutique, en attendant que le client daigne faire le sacrifice d’entrer lui offrir son argent. Non, il doit susciter la vente ; faire de la prospection rationnelle ; mettre en valeur les services de sa firme et les avantages qu’ils procurent ; suivre la publicité des éditeurs et s’efforcer d’en bénéficier ; profiter des fêtes saisonnières pour offrir à sa clientèle les livres qu’il présume devoir l’intéresser, car il connaît ses goûts et peut s’en faire une force. Sa publicité éveille le désir, active la demande, et les services qu’il leur rend font de ses clients ses obligés fidèles.

Service est le mot d’ordre.

3. Devoirs du libraire. — Les libraires sont les guides conseillers de leurs clients. Ils partagent dans une large mesure, avec les écrivains, avec les éditeurs, le noble exercice d’un rôle d’éducateur et d’orienteur de la pensée vers le bien, le vrai et le beau.

4. — Espèces.

Il y a diverses espèces de librairies : 1° librairies d’assortiment ou librairies de détail ; 2° librairies anciennes, antiquariats, bouquineries, vente de livres d’occasions ; 3° maison de commande en librairie ; 4° librairie ambulante, librairie de colportage.

5. — Centres du commerce des livres.

Il y a eu de tous temps des centres de production et de commerce des livres. À Rome, après les conquêtes et les butins de la République, autour des Universités créées du XIIIe au XVe siècle (scriptoria). Au XIIIe siècle, le commerce des livres à Paris seul occupait plus de 6,000 personnes, copistes, relieurs, enlumineurs.

Ln Renaissance stimula la production des copies et des nouveaux ouvrages. Après la chute de Constantinople, Venise devint le centre du commerce des manuscrits. Cordoue sous les Maures fut un centre pour le commerce des manuscrits arabes et plus tard des manuscrits hébreux. En Suisse, à Constance et à Bâle, durant le Concile de l’Église au XVe siècle. Paris, place de manuscrits, retarda longtemps l’introduction de l’imprimerie.

Aujourd’hui les capitales sont des centres de commerce de livres. Outre celles-ci, en Allemagne, Leipzig, Cologne, Munich, Francfort ; en Italie, Milan et Turin ; en Espagne, Barcelone ; en Belgique, Anvers.

253.22 Organisation de la librairie.

L’édition et la librairie constituent de par le monde une force immense. Cette force a commencé son organisation et cette organisation est déjà largement universelle. Mais il reste bien à faire pour que toutes les réalités et potentialités existantes dans l’édition et la librairie reçoivent leur plein effet, pour qu’elles soient reliées à l’ensemble du mouvement vers un progrès supérieur.

a) La librairie allemande.[21] — L’organisation de la librairie allemande est remarquable. Le « Börsenverein der deutschen Buchhändler » ou Bourse des libraires est devenu une institution appartenant à l’ensemble de la corporation. Fondé en 1825, le nombre des membres est de 338 (1830), 1156 (1875), 3562 (1913), 5264 (1932). La Bourse est installée dans la Deutsche Buchhandlerhaus.

Une comptabilité centrale est à la base, ainsi qu’une réglementation générale et une concentration des expéditions. Le Börsenblatt für den Deutschen Buchhandel est la propriété de l’Association, ainsi que la Bibliographie (Hinrichs) est l’Annuaire officiel de la librairie allemande. L’École supérieure de librairie a été fondée en 1851. Dès 1888 commença la réglementation commerciale des libraires et la réglementation de la vente au public. Les infractions à ces règlements entraînaient d’une part l’exclusion du Börsenverein et l’interdiction de profiter de ses institutions et établissements, d’autre part le « boycottage ». Ces règlements assurent à l’Association une autorité absolue. Leipzig a grandi sans cesse en importance comme ville du livre. Elle parvint à s’assurer par le système des livraisons à condition, un quasi monopole de la vente des productions des éditeurs. Déjà en 1839, il y avait parmi les libraires représentés à Leipzig, 701 maisons d’édition. Il était trop compliqué et trop coûteux pour le libraire de passer ses commandes et de renvoyer directement ses invendus aux différents éditeurs. À Leipzig tout le trafic de livres pouvait se faire relativement vite et sans trop de frais. Dès 1842 fut créé un « Bureau de commandes » qui se chargea de distribuer rapidement aux destinataires le courrier des libraires arrivé chez les commissionnaires. Le nombre de maisons représentées augmenta de 2662 (1844) à 10980 (1914). En 1926 fut créé le « Bureau d’échange de colis » (Pakettauchstelle). En Allemagne le nombre des libraires était de 500 au début du XIXe siècle ; vers 1850 leur nombre atteignit 1750. Ce nombre s’accrut beaucoup après que la liberté professionnelle eut été officiellement reconnue. La librairie allemande fait facilement des remises de 40 % à l’étranger. Elle considère la vente des livres en d’autres pays comme un moyen de propagande et non pas uniquement comme une transaction commerciale. Elle n’hésite pas à envoyer les ouvrages en communication.

Le Börsenverein a arrêté en avril et mai 1933 un ensemble de mesures pour prendre sa place dans le IIIe Reich et travailler selon les principes qui président à l’organisation nouvelle de la Nation allemande. Tous les commerçants allemands du livre seront désormais obligés de faire partie du Börsenverein. Le commerce du livre sera « concessionnalisé », une part active et décisive étant accordé au Börsenverein dans l’organisation et l’application du système de concessions. Toutes les entreprises d’édition ou de librairie qui sont actuellement gérées par l’administration publique seront transmises à des entreprises privées. Il sera interdit aux syndicats, aux associations, aux partis politiques, d’exploiter des entreprises de librairie. Lutte pour la dépréciation du prix des livres ; examen obligatoire d’état pour les commis libraires ; mesures contre les clubs de livres, entreprises à la fois d’édition et de librairie, qui devront être reprises par des maisons d’édition et de librairie ; interdiction de la vente des livres par les grande magasins ; mesures contre les bibliothèques modernes de prêt de livres. Un comité d’action a été nommé, avec pleins pouvoirs, composé de cinq personnes, dont un représentant du Ministre de l’Éducation populaire et de la Propagande, deux éditeurs et deux libraires ; de ces quatre derniers, trois appartiennent au parti National-Socialiste. Les diverses associations professionnelles et régionales d’éditeurs et de libraires affiliés au Börsenverein ont été invitées à procéder à un renouvellement de leurs comités.[22]

b) Aux États-Unis.[23] — On y poursuit une surveillance et une réglementation librement acceptée. Les contrôles du budget et des stocks en librairie, la collaboration pour la propagande, l’information du libraire sur les nouveautés (publicité faite par les éditeurs pour les libraires). — Multiplication des postes de vente des livres. Publications centralisées de bulletins bibliographiques destinées à la distribution par les éditeurs à leurs clients. Études généralisées du lecteur et du marché. Informations à ce sujet données par le libraire à l’éditeur.

Organisation d’exposition de nouveautés à chaque renouvellement de saison ou pour des commémorations. Réglementation stricte des usages commerciaux : date de mise en vente des livres, vente aux prix marqués, délai avant la réédition à bon marché d’un livre, réglementation des soldes d’éditeurs, avertissements donnés à l’avance des rééditions et des soldes projetés par les éditeurs.

Aux États-Unis, on prévoit la disparition progressive des librairies privées et leur remplacement par les marchands de journaux et les drug stores (pharmaciens). La cause ? Trop de livres, trop de publicité, trop de bluff organisé autour des nouveautés toujours sensationnelles, l’inflation sur toute la ligne.

c) La librairie hollandaise a une très ancienne organisation. Le Bestelhuis d’Amsterdam est une institution collective de la librairie très perfectionnée.

d) En France, La Maison du Livre est née d’un acte de sympathie de 150 éditeurs et de 800 libraires. Elle est un des agents les plus actifs de la propagation du livre français dans le pays comme à l’étranger.

Les services comprennent :

1° Le Service de Distribution des bulletins de commande, qui achemine rapidement chez les divers éditeurs les commandes des libraires en leur économisant des frais de poste.

2° Le Service de Commission, ou centre d’approvisionnement pour les libraires.

3° Le Service de Groupage des remises faites par les divers éditeurs, sur l’ordre de leurs clients, et l’expédition des colis ainsi formés, conformément à des instructions fixées d’avance.

4° Le Service des Retours qui répartit entre les divers éditeurs les invendus renvoyés par les libraires.

5° Le Service des Abonnements qui permet au libraire de souscrire des abonnements à un très grand nombre de journaux et périodiques.

À cette série de Services se rattache le Bureau de Chemin de fer installé à la Maison du Livre Français pour son usage exclusif.

Il y a en outre :

Le Service Bibliographique qui répond aux questions les plus variées concernant la recherche des livres.

Les Tables Bibliographiques (mensuelles et trimestrielles) qui tiennent les libraires au courant des nouveautés dans tous les genres d’édition.

Le « Bulletin de la Maison du Livre Français » qui les met en contact avec la vie de l’édition, les progrès techniques ou commerciaux réalisés dans l’industrie du livre.

Les Cours de librairie qui, avec ceux du Cercle de la Librairie, préparent les jeunes gens à connaître et à comprendre leur profession.

e) En France, on a regretté les grands libraires du temps de Louis-Philippe, de la Restauration, de Napoléon, les Didier, les Renduell, les Lavocat, qui tenaient bureau d’esprit et savaient faire de la réclame aux grands hommes. On a proposé de scinder la librairie en deux comme totalement différents : 1° Le libraire, librairie ou ressuscitement de la vieille licence de librairie qui ne s’accordait qu’à des gens cultivés et à la page. Cette licence comporterait le droit de monopole de la vente du livre à 12 fr. et au-dessus, et du livre in-18 Jésus ou in-8o Couronne qui sont les livres de bibliothèques ; 2° Les libraires-cafés standards, libraires-parfumeurs, libraires-confiseurs, vendant le papier, romans à bon marché, récits de journaux de modes, soldes truqués de vieux bouquins à 12 fr. rebrochés à 6 fr. et autres révolutions dans la librairie.[24]

Les libraires sont amenés à régler les rapports collectifs entr’eux et les éditeurs. Le Congrès des Libraires français a réclamé la constitution d’une commission mixte entre les éditeurs et les libraires.

On voit s’accroître l’importation et l’exportation des livres, la création des librairies de nationalités diverses dans les pays étrangers (ex. : librairie française à l’étranger, librairies étrangères en France).

On a proposé la création de grands dépôts régionaux de livres qui préserveraient les libraires détaillants du fléau de l’incendie ; les livres y seraient déposés sans avoir à regagner par de coûteux transports les magasins de l’éditeur.

f) Le commerce du Livre et de la Presse a pris les formes de la Société Anonyme, des actions et des obligations, de l’inscription des valeurs à la Bourse ou au marché en banque. C’est ainsi qu’à Paris, on trouve à la cote l’Agence Havas, le Didot Bottin (Annuaire), Le Temps, Le Figaro, Le Petit Journal, Le Petit Parisien, Les Publications Périodiques (Desfossé), la Librairie Hachette, Les Publications Périodiques Marinoni et de nombreuses imprimeries et fabriques de papier.

La Librairie Hachette, par exemple, en 1932, après amortissement de près de 13 millions, a accusé un bénéfice net de 16.5 millions ; outre le dividende de 110 fr. par action, il y a report à nouveau de 11 millions 375,000.

253.23 Formes et institutions de la librairie.
253.231 MAISONS DE COMMISSION.

Maison de Commission. — Le réassortiment du libraire est chose complexe puisqu’il doit s’adresser à un nombre important de fournisseurs, les éditeurs, qui vendent des produits qui leur sont particuliers et en général non interchangeables, car ils répondent aux besoins ou aux désirs les plus divers. Il y a donc, pour ainsi dire, émiettement dans le travail auquel le libraire doit se livrer. Il y aura fatalement, si l’on n’y prend garde, émiettement dans les transports, et par suite, supplément de dépenses. Or, le libraire n’a pour rémunération que sa remise sur le prix marqué. Cette remise est une sorte de forfait que l’éditeur a conclu avec le libraire et dans lequel celui-ci doit comprendre tous ses frais et son légitime bénéfice. Il importe donc pour le libraire de diminuer le plus possible la proportion de ses frais.

D’autre part, la clientèle veut que l’on aille vite. Le livre est d’autant plus désiré que l’on a pu le trouver immédiatement.

C’eut de cette nécessité de restreindre fortement les frais du libraire et de le réapprovisionner promptement que sont nées les maisons de commission.

253.232 COLPORTAGE. LIBRAIRIE AMBULANTE.

a) Les colporteurs ont joué un grand rôle depuis l’invention de l’imprimerie. Ils vendaient ordinairement des livres bon marché, almanachs, ouvrages religieux ou de caractère populaire. Ils furent les précurseurs du « quai » à Paris. Leurs services furent requis souvent par des sociétés religieuses et d’autres propagandistes. Au XVIe siècle, en Angleterre, ils ont répandu les tracts des Puritains, des royalistes, des catholiques. Au XIXe, ils ont distribué des Bibles et des tracts religieux.[25]

b) Le développement de la presse quotidienne, le progrès de l’enseignement primaire, la diffusion du livre, l’établissement du libraire régional, ont porté un coup à peu près décisif à la littérature de légende, de calembredaines et de billevesées, qui était celle d’autrefois.

c) Le colportage des livres a été et reste un moyen de vente du livre. Dans les centres éloignés des États-Unis, les livres ne parviennent en général à la connaissance du public que par le moyen de colporteurs. Il n’y a pas de magasin bien approvisionné pour satisfaire les goûts et éveiller la curiosité des lecteurs.

Une innovation a consisté en automobiles aménagées en librairies. Elles sont destinées à offrir les ouvrages en vente dans les villes où la librairie n’est encore organisée que d’une manière rudimentaire.

253.233 MESSAGERIE.

De grands services de messageries des journaux et périodiques ont été organisés. En France les Messageries Hachette font le service de distribution et d’encaissement aux kiosques, aux gares. Elles expédient chaque jour jusqu’à 275,000 kg. de papier imprimé en 58,000 colis. La vente à Paris groupe à l’aide de 15 voitures-navettes 55 dépôts parisiens fournissant eux-mêmes plus de 260 libraires-papetiers et kiosques. Les services des abonnements, remplaçant les administrations, mettent sous bande et expédient en temps et lieu les journaux à 1,055,000 abonnés.

Les Messageries ont pris une grande importance. Maîtresses des bibliothèques de gares et de kiosques, elles ont puisé dans leur monopole le moyen d’exclure de la distribution certains organes qui leur déplaisaient. Les détaillants et dépositaires de France, appuyés par les journaux exclus, ont mené une campagne de protestation. S’appuyant sur la forme de société anonyme, des messageries pourraient faciliter une intrusion de l’étranger. On a demandé un contrôle de l’État.[26]

253.234 LIBRAIRIE ANCIENNE.

1. L’achat et la vente des ouvrages anciens font l’objet d’une branche spéciale de la librairie, dite « Bouquinerie » ou « Antiquariat ». Elles donnent lieu à de puissantes organisations.

2. Ainsi, de grosses maisons acquièrent le stock entier de certains périodiques et de certains livres et les remettent alors en vente aux prix qui en permet la raréfaction sur le marché. Des maisons ont aussi un département spécial pour les dissertations et les tirés à part. Elles acquièrent des bibliothèques entières. Elles ont des agents dans le monde entier assurant l’entrée continuelle de livres d’occasion. La combinaison avec des services de librairie moderne complète le système. La concentration des inscriptions aux périodiques transférée ensuite aux éditeurs donne des facilités de toutes sortes tout en activant les expéditions. Elles ont des comptes bancaires et chèques postaux en tous pays, des agences dans les principaux centres universitaires. La centralisation des commandes chez un seul libraire comporte réduction des frais. Les expéditions de livres et fascicules de périodiques, peuvent être faites en même temps. Les comptes sont réglés avec une seule maison. La maison Gustave Foch, Leipzig, a des succursales à Berlin, à New-York, à Tokio et à Osaka. La maison annonce qu’elle est en relation avec 50,000 clients ; que son dépôt permanent de thèses, annuaires et tirés à part dépasse 500,000 ; que dans son Bulletin bibliographique mensuel (Bibliographisches Monatschrift), elle a mentionné environ 150,000 ouvrages. Elle a mis en distribution 664 catalogues dont certains comprennent jusqu’à 600 numéros. Elle annonce la mise en vente de 15,000 monographies, dissertations, programmes et brochures concernant tout le domaine de la philologie classique pour 5,000 RM.

La H. W. Wilson Company annonce qu’elle dispose pour son service d’échange des périodiques de plus de 1 million d’exemplaires de numéros de 3,000 périodiques. Elle en a dressé un catalogue.

3. D’une manière générale, comment se procurer les livres qui sont hors de la circulation ou épuisés ? (Out of the way — and out of print). Il y a la librairie ancienne (antiquariat), les ventes publiques de livres, les doubles dont les Bibliothèques et les particuliers sont décidés à se défaire. Des catalogues sont publiés et dans les livres demandés (par ex. « Books wanted » publié dans « The Publisher and Bookseller »). Mais tous ces moyens manquent de rapidité parce que sans lien et décentralisés. L’Office International de Bibliographie a étudié un projet qui consisterait à établir aux côtés du Répertoire Bibliographique Universel une « Bourse Internationale » l’antiquariat réalisé sous forme de livres offerts sur fiches vertes et de livres demandés sur fiches roses. Les librairies anciennes et les particuliers établiraient les premières et moyennant une légère taxe les feraient insérer dans le Répertoire de la Bourse. Les bibliothèques, les particuliers et les libraires aussi agiraient pour compte de leurs clients ou dans le but d’intégrer certaines collections, dresseraient et enverraient les fiches roses. L’offre rencontrerait automatiquement la demande dans le Répertoire. Ainsi pendant la guerre, pour faciliter à se rejoindre les familles des évacués et refoulés, fonctionnait à Genève le grand répertoire sur fiches de la Croix Rouge.

4. Livres d’occasion. — Le Börsenverein allemand a pris des décisions relatives à la vente des livres d’occasion : a) tout ouvrage dont l’édition est épuisée peut être inscrit d’office sur un catalogue de librairie d’occasion ; b) par contre, il est interdit de livrer à prix réduit, à la place des exemplaires d’occasion de l’édition épuisée que l’on n’aurait plus en magasin, des exemplaires neufs d’une édition nouvelle ; c) il est interdit de vendre ou d’annoncer comme devant être vendus à prix réduits des volumes non encore publiés ou dont certaines parties seulement sont parues ; d) quand il s’agit d’un ouvrage épuisé, comprenant plusieurs fascicules anciens qui auraient été complétés au moyen de fascicules nouveaux, la vente aux prix des livres d’occasion ne sera autorisée que si la partie complémentaire constitue un fragment minime par rapport à l’ouvrage pris dans son ensemble.

253.235 FOIRES AUX LIVRES.

À côté de la librairie fixe, il y a les foires aux livres (Book fairs, messe). Elles étaient particulièrement importantes en Allemagne. Débutant à Francfort, elles se transportèrent à Leipzig où elles furent florissantes et cette ville devint le centre de la librairie allemande. Les foires ont contribué à la diffusion du livre. Celle de Leipzig donna lieu aux catalogues, origine des bibliographies commerciales systématiques et fit naître la corporation des libraires allemands. Les foires allemandes furent des moyens de réunir les éditeurs, les érudits, les auteurs et les acheteurs de livres.

253.236 VENTES PUBLIQUES.

Les ventes publiques de livres constituent une opération importante du commerce général de la librairie. Elles sont notamment des moyens de liquider des collections après décès ou lorsque les propriétaires sont forcés de vendre. Ces ventes contribuent à déterminer le prix des livres anciens sur le marché. On leur consacre des catalogues souvent remarquables rédigés par des bibliographes experts. Il est publié aussi en Allemagne, en Angleterre et aux États-Unis des recueils d’ensembles sur les ventes publiques de l’année (Jahrbuch der Bücherpreise, bearbeitet von Gertrud Hebbeler, vol. XXVI, 1931, XIII-342, Leipzig, Harrassowitz). (60 ventes en Allemagne, Autriche, Hollande, Scandinavie, Tchécoslovaquie, Hongrie, 4,500 ouvrages indexés). À Paris, les ventes publiques de livres ont lieu à l’Hôtel Drouot.

253.24 Modalités diverses.

1. Spécialisation. — La librairie est générale ou spéciale. Il y a des librairies spécialement consacrées à la vente du livre d’enfants.[27]

2. Concentration. — La concentration s’opère aussi dans la librairie allemande. La firme « Vereinigung Wissenschaftlicher Verleger De Gruyter et Co » de Berlin (V. W. V.) avait absorbé en 1922 les firmes G. J. Göschen, Guttentag, George Reimer, Karl J. Trubner, Veit et Cie.

3. Librairies non commerciales. — Des services commercialisés de librairie existent qui ne poursuivent pas le but lucratif, mais sont établis sur la base du « Self-supporting ».

Ainsi, le service de librairie technique organisée par les firmes industrielles et commerciales spécialisées afin de documenter leurs clients.

Des Universités ont établi des services de librairie. Ainsi l’Université de Columbia, par exemple, possède une librairie qui vend à prix réduits aux étudiants les ouvrages utiles à leurs études (The Columbia University Bookstore).

4. Distribution gratuite de livres. — En Uruguay, l’Encyclopedia de Educacion, publication trimestrielle consacrée aux travaux étrangers et publiée par la Direction de l’Enseignement primaire et normal est envoyée gratuitement aux directeurs des Écoles publiques de l’État qui ont à la conserver dans la Bibliothèque scolaire comme propriété de l’établissement qu’ils dirigent.

5. Monopole. — La Librairie d’État est officielle en U. R. S. S. En Yougoslavie, l’agence Avala a été déclarée à partir du 1er août 1932 concessionnaire de l’importation monopolisée des revues et journaux de l’étranger.

253.25 Méthodes.

La librairie met en œuvre divers systèmes de diffusion du livre.

a) Librairie d’assortiments.

b) Système de sollicitation à domicile, ou colportage perfectionné (vente d’ouvrages à l’intermédiaire d’agents, de courtiers, de commis voyageurs).

c) Le mail order business ou la vente à condition.

d) Système des annuaires, dans les journaux et revues, consistant à concentrer une publicité énorme sur un seul article à la fois.

Parmi les procédés de publicité on a imaginé de sacrifier tel livre en glissant une page dans chaque paquet envoyé aux clients tout en ayant soin d’indiquer la source.

e) Les libraires ont instauré les soirées de signature où les auteurs eux-mêmes paraphent leurs ouvrages.

f) On a repris à un prix réduit les exemplaires d’une édition antérieure aux souscripteurs de l’édition nouvelle. Ex. : L’Andreescher Handatlas reprend pour 10 M. les premières éditions des acheteurs à 32 M. de l’édition nouvelle ; on peut donc acheter pour 22 M. au lieu de 32 M.

g) On a établi des distributeurs automatiques de livres dans les gares : 12 livres à choisir.

h) Des livres sont offerts en prime par les journaux : un livre est l’accessoire de l’abonnement. Autrefois vers 1835, on vendait des livres en France avec des billets de loterie. Le Roman et les Guides remboursables sont des formes modernes du livre vendu avec prime.

i) L’envoi à vue pour quelques jours à domicile de publications d’un ordre indiqué, facilite les achats des personnes qui n’ont pas le loisir de passer chez le libraire.

j) La Bücherzettel, en usage en Allemagne, est une espèce de carte postale sur laquelle on écrit d’un côté l’adresse d’un éditeur ou d’un simple libraire d’assortiment, et de l’autre le titre du livre désiré, avec sa propre adresse. On affranchit et l’on jette à la poste. Trois ou quatre jours après, le facteur apporte l’ouvrage, en touche le prix qui, moyennant un droit très minime, est reporté chez l’expéditeur.

253.26 Prix et commission.

Le prix des livres est de tous les taux. Depuis la guerre il a subi des modifications constantes.

a) Un exemplaire du Décret et des Décrétales, bien écrits et bien corrigés sans aucun luxe de miniature ou d’enluminure coûtait une somme qui représentait environ 1200 fr. de notre monnaie. Au XIIIe siècle, les jeunes canonistes commencèrent à trouver en location ces manuscrits chez les stationarii. En 1303 les livres scolaires ne coûtaient que 7 deniers à 10 sous. En 1463 Jean Fust vendait sa fameuse Bible de 1464 à 40 couronnes (environ 375) et au-dessus. Un in-folio valait au XIIIe siècle 400 à 500 francs de notre monnaie. À la fin du XIVe siècle une copie du Roman de la Rose se vendait à Paris 833 fr.

Après l’invention de l’imprimerie, le prix d’un même ouvrage tomba de 500 fr. à 3 fr.

b) Stanley Jast évaluait en 1904 à 5 s. par ouvrage le prix moyen des livres édités en Angleterre.[28]

Pour 29 revues scientifiques allemandes dont M. Roquette a donné la liste, avant la guerre le prix de l’abonnement annuel s’est élevé de 438 M. en 1870 à 1,187 M. en 1900.

De gros romans populaires, 350 pages, étaient vendus avant la guerre a 65 centimes. Mérouvel, etc.

Avant la guerre le prix marqué, le fameux et alors classique 3 fr. 50 prix marqué, était vendu 3 fr., 2 fr. 75 et quelquefois 2 fr. 65.

c) En novembre 1917, il pouvait être dit au Comité du livre que le prix du papier a augmenté de 100 à 400 %, le prix ces encres dans la même proportion, le carton pour cartonnage et reliure de 700 %.

La hausse du prix des livres (fr. 25 ce qu’il y a 20 ans eût coûté fr. 2.75) donne un nouveau cours ou prêt des livres et aux cabinets de lecture.

« Aujourd’hui on estime que le volume in-16 Jésus ou in-8o Couronne a 6 fr. français, lorsqu’il n’est pas un solde déguisé, constitue un véritable dumping, une concurrence déloyale, une surenchère démagogique, seulement possible par des combinaisons équivoques sur les droits d’auteurs, la qualité matérielle du volume, etc. »

(Sylvain Bonmariage.)

Le livre de bibliothèque, aux États-Unis, au Canada, se vend 2.5 dollars, en Allemagne et en Angleterre environ 35 fr. français. En France, la proposition a été faite que le prix du livre de bibliothèque soit fixé à un minimum de 15 fr. par volume de 300 pages, par un accord intervenu entre le Cercle de la Librairie et la Société des Gens de lettres de France.

d) Des efforts sont faits maintenant pour maintenir la vente aux prix marqués. Avilir le prix du livre « c’est rendre précaire et le bénéfice raisonnable du libraire et celui de l’éditeur. C’est risquer d’entamer le prestige littéraire qui a des droits et des devoirs. Le livre, en effet, est un objet unique et il est aussi raisonnable d’admettre pour lui la fixation d’un prix qu’on l’admet pour une spécialité pharmaceutique ou un parfum ».

Henry-Jacques.

Le Congrès international des Éditeurs a émis le vœu que les Associations nationales de Libraires et Éditeurs fassent entre elles des accords bilatéraux fixant officiellement le prix de vente de leurs livres dans chaque pays, accords devant obligatoirement être déposés au Bureau permanent du Congrès qui sera chargé de provoquer lors d’une prochaine session le dépôt d’un projet de Convention internationale. En cas d’impossibilité d’accord, le prix de vente devra être au minimum le prix fort de vente du marché intérieur.

e) La commission du libraire varie. Elle va de 20 à 50 %. Elle a pris autrefois la forme 3 exemplaires livrés par 2 achetés au prix fort.

f) Les morts vont vite, les livres aussi. L’un chasse l’autre et les livres du jour relégués aux étages supérieurs des vitrines et aux arrière-boutiques, celui de la veille en attendant qu’il aille rejoindre dans les soldes, c’est-à-dire qu’ils se retrouvent aux étalages et sur les catalogues avec un rabais de 60 ou 75 %.

g) On a beaucoup lu pendant la guerre. Dans l’après-guerre immédiate et pendant quelques années, l’industrie du livre atteignit le maximum de sa prospérité. Puis vint la crise. Il faudrait pouvoir déterminer dans quelles mesures la diminution graduelle de vente doit être imputée au manque d’argent et combien à la diminution d’intérêt pour le livre.

Les crises économiques atteignent aussi le livre. Les causes générales influent ici. Parmi celles-ci on a énuméré le cinéma, la T. S. F., le phonographe, l’automobile. Il y a aussi le peu de valeur de certains livres d’éditeurs qui éditent n’importe comment, n’importe quoi de n’importe qui.

h) Le livre doit devenir bon marché à 6.50 ou 3 sous. Le livre devenant une sorte de journal plié et cousu, pouvant se conserver et faire série. Tel est l’avenir du livre démocratique moderne. Le paysan et l’ouvrier savent lire maintenant : mais il faut qu’ils aient de quoi lire. Ils veulent autre chose que des almanachs.

Haustaux.

253.27 Commerce extérieur.
253.271 EXPORTATION.

Les livres en certains pays ont une réelle importance quant au commerce extérieur. Les statistiques douanières les considèrent au poids. En 1928, il a été importé en France 41, 899 quintaux (livres 12, 702, journaux et périodiques 28, 490, cartes 211, musiques 686). Il a été exporté pour 202, 894 quintaux (livres 44, 806, journaux et périodiques 55, 896, cartes 544 et musiques 122, 894). Il est donc exporté cinq fois plus de livres français à l’étranger qu’il n’est importé de livres étrangers en France.

L’Allemagne a entré en France en deux ans et demi 19 millions de volumes.

253.273 DROITS DE DOUANE.

Le régime douanier des livres est très variable. Au Danemark existe la gratuité du livre. Aux États-Unis les livres commandés par les Bibliothèques ne paient pas de droit.

Dans certains pays, afin de favoriser la presse, les imprimeries et l’instruction en général, l’importation du papier d’impression est libre de droit, ainsi que celle des livres imprimés. (Chili.)

253.28 Installations et coutumes.
253.281 LES LOCAUX ET LES INSTALLATIONS.

La vieille Officine de Librairie change profondément son aspect. Elle prend l’allure ouverte des rayons des grands magasins ; elle n’est souvent que la succursale d’une organisation à branches multiples, elle devient à la fois magasin, stock, montre, cabinet de lecture et bientôt centre d’informations et de renseignements bibliographiques.

L’architecture de notre temps présente ces deux caractéristiques : elle est fondamentale, elle se plie aux nécessités propres à chaque espèce de travail et de destination, d’autre part installation, outillage sont en liaison et soudure directe de l’édifice et des locaux eux-mêmes. L’étalage du libraire ne doit être que la préface attrayante du magasin, de l’office lui-même. Le confort rivalise avec le luxe et la beauté dans les salons de vente. Ambiance raffinée, fauteuils moelleux, fleurs fraîches. Certaines librairies, comme celles de Brentano’s, de Scribner’s ou de Macmillian, sont de véritables palais. Les autres, moins somptueuses, s’efforcent néanmoins toujours de présenter les livres dans un milieu approprié. Que nous voilà loin de ces cubes rébarbatifs de volumes uniformes, embrigadés par rayons, auxquels nous sommes encore, hélas ! trop habitués. Là-bas, le livre se présente dans un décor digne de sa primauté intellectuelle ; il n’est pas le pauvre bouquin auquel on fait moins d’honneur qu’à une quelconque épicerie.

La disposition de l’office de librairie (architecture-installation-classement) a donné lieu à bien des inventions. Ici on s’efforce d’emmagasiner le plus de livres possible ; là on l’installe de façon à permettre aux clients de feuilleter confortablement les livres exposés sur les tables ; ailleurs on tente de séduire le public par une impression saisissante d’abondance et de variété, ailleurs encore la librairie déborde jusque sur le trottoir et l’on revient indirectement aux auvents d’autrefois.

253.282 LES ÉTALAGES.

Le « Publishers’ Weekly » a organisé pendant le premier semestre 1932 un vaste concours d’étalages de librairie dans tous les États-Unis, dont on peut dégager les lois suivantes :

Les meilleurs étalages sont ceux qui s’adressent au plus grand nombre, qui donnent une idée de ce que l’on peut trouver à l’intérieur, qui arrêtent le passant, l’obligent à entrer et le disposent dans l’état d’esprit idéal pour entendre sans résistance le plaidoyer du vendeur. Les bons étalages tiennent le plus juste milieu entre la surabondance et la pauvreté ; ils forcent l’attention par tous les moyens honnêtes ; ils présentent les marchandises a hauteur d’œil, dans une disposition agréable et parlent le plus possible à l’imagination ; ils frappent lorsqu’il est nécessaire de frapper ; ils se font au besoin baroques, étourdissants, mais se parent de dignité avec la même aisance ; ils captent la badauderie par des photos, des affiches, des scènes pittoresques, des curiosités de toutes sortes ; ils présentent un ensemble de livres différents, avec autant d’attractivité qu’un seul titre ; ils offrent des rééditions avec autant d’enthousiasme que la toute dernière nouveauté à 5 dollars ; ils utilisent l’actualité pour soutenir l’intérêt ; ils font connaître les à-côtés de l’histoire du livre ou de l’auteur. L’étalage peut frapper, cajoler, piquer ou exciter, mais jamais il ne peut ennuyer ; s’il vend des ouvrages pour enfants, il les vend aux adultes aussi bien qu’aux gamins ; s’il expose des livres à un dollar, il invite celui qui ne lit pas à le faire et le lecteur habituel à lire davantage ; s’il prône un livre qui doit être lu, il explique le pourquoi ; chaque semaine il est nouveau, frais, attrayant et au goût du jour. L’étalage est le meilleur vendeur. Il faut ne ménager ni temps ni peine et pour le réaliser habilement ; ces efforts paient leur dividende par un accroissement général des ventes et par une recrudescence d’intérêt pour la maison.

Une réforme fut accomplie par la librairie le jour où elle étala les livres au dehors et offrit les livres à tous en permettant d’examiner leur contenu, supprimant ainsi toute surprise à l’acheteur.

On a regretté qu’on n’ait assez tiré parti de la rue pour vendre les livres. — Ni les vendeurs en plein vent sur la place publique, ni les marchands au marché ne vendent des produits bibliographiques et pourtant quelles possibilités ainsi offertes.[29]

Les « bazars de livres » ont été longtemps une curiosité des villes turques. Ils contenaient toutes les variétés de la littérature musulmane, les œuvres des auteurs turcs, arabes ou persans, anciens et modernes.

253.283 COMPTES DES CLIENTS.

La bonne organisation des comptes entre libraires et clients est une cause de bon rapport et une source d’efficience dans les relations aux États-Unis.

L’acheteur est le bienvenu qu’il faut choyer. On lui fait crédit sans difficulté. On lui ouvre un « charging account », compte courant réglable en fin de mois. Une facture provisoire accompagne chaque fourniture, et quelques jours avant l’échéance, un relevé parvient au client qui en vire le montant par chèque, en même temps qu’il paye son loyer, son eau ou son électricité.

253.284 RÈGLEMENT DES COMPTES. COMPTABILITÉ.

Dans toutes les branches du commerce les méthodes de règlement des comptes se perfectionnent. L’importance de bons usages est grand surtout pour les comptes de détails, innombrables en principe et ne pouvant supporter les frais ordinaires de la comptabilité et du recouvrement. En Allemagne les délais de règlement des comptes entre, éditeurs et libraires ont fait l’objet d’une lutte acharnée. Les règlements s’effectuent maintenant deux fois par an. Une organisation unifiée existe actuellement pour le payement. (Office de payement et d’escompte.)

253.285 DOCUMENTATION ADMINISTRATIVE. LE CONTRÔLE.

1. La Documentation administrative de la Librairie (Documentation en rapport avec les opérations du travail de librairie) repose notamment sur : 1° la bibliographie et les annoncements de nouveautés ; 2° les fiches de stock ; 3° les bulletins de commande.

2. Le contrôle. — Les ventes des exercices précédents, leurs moyennes par catégorie, par auteurs et par éditeurs, doivent servir pour estimer l’importance des achats futurs ; le contrôle du stock permanent, fait d’une manière régulière et rationnelle, est absolument nécessaire pour diriger les achats à l’avenir.

Sur entente de l’« American Publishers Association », de l’« American Booksellers Association » et du « Publishers’ Weekly », a été adopté un modèle standard de cartes de stock, donnant en même temps des informations pratiques et concises. Le recto de la carte porte le nom de l’auteur et celui de l’éditeur, le titre, la date de publication, la classification, le format, le nombre de pages et le prix. Une description synoptique, en soixante mots environ, résume l’action et les principaux caractères, s’il s’agit d’un livre de fiction, ou expose l’idée maîtresse pour les autres cas. Dans un emplacement réservé, on indique le marché possible et si ce marché est populaire ou intellectuel ou spécialisé.

Les ouvrages pour enfants sont classifiés par catégories d’âge. Si le livre appartient à une collection, celle-ci est mentionnée. Un autre emplacement est destiné au rappel des livres parus du même auteur, à leurs résultats de vente et au rapport que ses œuvres antérieures présentent avec le livre actuel. Le verso de la carte est entièrement disponible pour les indications de la commande et du stock. Trois colonnes sont réservées à la date, au stock et à la commande. Le travail est donc très simplifié ; on peut à tout moment connaître l’état du stock et relever le nombre de ventes réalisées en un temps donné. Ces cartes de stock sont fournies libéralement par les éditeurs.

On trouve, en outre, dans chaque librairie, un système de contrôle des budgets d’achats, de ventes, de dépenses et d’apurement du stock ; ainsi, les détaillants n’achètent pas au delà de leur capacité de vente, et, par conséquent, n’accumulent point outre mesure des volumes qu’ils ne parviennent pas à écouler.

253.286 CLIENTÈLE.

Les firmes allemandes Karl May, Herder et Co, Eugen Diederichs ont fait des enquêtes parmi leurs clients sur les motifs d’achat des livres. L’une de ces enquêtes, basée sur 17,935 réponses à 115,486 questionnaires, a conclu que le lecteur avait acheté le livre pour les motifs suivants :

1°    Il l’avait déjà lu dans une bibliothèque… 005.55 %
Il avait lu un ouvrage de la même collection 044.40 %
Un ami le lui avait recommandé 008.45 %
Il l’a vu à l’étalage 001.40 %
Il a lu une annonce 001.60 %
Il l’a reçu en cadeau :
a) à Noël 020.15 %
b) à son anniversaire 011.05 %
c) occasions diverses 007.49 %
—————
100.00 %
253.287 EMBALLAGE.

L’emballage des livres a une réelle importance. Sous sa forme présente, il se compose d’une feuille de papier d’emballage, de plusieurs feuilles de macule, une étiquette, un ficelage. Sous sa forme plus avancée, l’emballage se fait en boite de carton de grandeur différente correspondant aux formats courants. C’est plus solide, moins pesant, plus rapidement fait, de bonne présentation et se prêtant aux vérifications postales et douanières.

253.29 La documentation dans la Librairie.

a) Il faudrait que dans chaque librairie l’acheteur puisse se trouver en quelque sorte chez lui, et pour cela qu’il n’ait pas, de librairie en librairie, à s’initier à d’autres principes de classement, de catalogue, de dispositions matérielles. Le propre d’un réseau c’est de retrouver les éléments essentiels dans chacune de ses stations. Supposons que nos grands réseaux de chemins de fer aient placé les voyageurs dans la nécessité d’étudier l’aménagement de chaque gare avant de pouvoir recourir à ses services : quelle complication et quelle perte de temps. Supposons que les services de navigation, la Poste, le Gaz, l’Électricité aient fait de même. Le rythme de notre civilisation serait tout autre et chaque nouvelle invention contribuerait à compliquer la vie plutôt qu’à la simplifier.

b) Les ouvrages mis en vente sont aujourd’hui placés, sur les rayons dans les conditions tout à fait arbitraires, si bien que le grand principe « sers-toi toi-même » ne saurait être mis en action. Il en serait différent si la classification universelle (La Clarification décimale) était appliquée à ce classement. Sachant qu’à la même division 7 par exemple, correspondent partout les rayons portant les ouvrages sur les Beaux-Arts, tout lecteur connaissant les indices des matières qui l’intéressent peut les retrouver. Pour les agents de la librairie ce serait un énorme gain de temps, car la classification, enseignée dès l’apprentissage ferait s’y retrouver par chacun partout, quels que soient les pérégrinations et déplacements de maison en maison.

c) Un catalogue du contenu des rayons devrait être mis à la disposition des acheteurs en même temps qu’il servirait à tous les agents intéressés. La consultation de ce catalogue est plus rapide que l’examen des ouvrages mêmes. Il est pour chacun un auxiliaire de la mémoire. Ce catalogue devrait être établi sur fiches ; il devrait être classé à la fois par auteur et par matière, pour cette dernière partie selon la classification décimale appliquée ici comme aux rayons et établissant un parallélisme parfait entre le classement des ouvrages eux-mêmes et celui de leur catalogue.

d) Mais le catalogue devrait être complété par un Répertoire Bibliographique, établi en combinaison avec le catalogue, bien distinct de lui, mais également sur fiches et selon la Classification décimale. Ce Répertoire devrait comprendre les ouvrages fondamentaux en toute matière et en particulier les ouvrages récents. Ce serait un puissant instrument de vente. Ce qu’on ignore on ne saurait le désirer. Tant de livres excellents, merveilleux, précieux, d’un prix insignifiant comparés aux services qu’ils sont appelés à rendre, tant de ces livres existent que nul, ni les lecteurs-acheteurs, ni les agents-libraires ne connaissent, ou s’ils en ont eu connaissance, ils n’en ont point retenu les titres et les auteurs.

e) Il faudrait aussi que chaque librairie soit reliée à son Office national de Bibliographie et de Documentation. Tous les offices nationaux sont appelés à voir se relier à eux les Offices spéciaux ou locaux de documentation ; d’autre part, ils sont appelés aussi à être reliés aux autres offices nationaux et à l’Institut International de Bibliographie et de Documentation. En conséquence, chaque librairie serait une station du Réseau universel, c’est-à-dire que tout lecteur-acheteur s’adressant à elle pourrait recevoir par son intermédiaire toutes les indications bibliographiques désirables sur la matière qui l’intéresse. Bibliographie ici est synonyme de moyens de vente.

f) Il faudrait également que toute librairie possède et mit en place d’usage permanent le volume des Tables de la Classification Décimale. Ces Tables, comme il va être expliqué, comprennent actuellement soixante mille divisions systématiques ordonnées, représentées toutes par des numéros classificateurs ; elles sont accompagnées d’un index alphabétique dont le manuscrit est de la dernière simplicité. Ces Tables serviraient d’instrument pour tout le classement des livres sur les rayons, pour celui du catalogue répertoire, pour les demandes de renseignement. Mais il aurait encore ce résultat de rappeler ou d’apprendre au lecteur les tenants et les aboutissants des questions auxquelles il s’intéresse. Feuilleter ces tables, c’est recevoir vingt suggestions diverses toutes également utiles pour les études, pour l’information, pour les applications de la vie pratique. C’est donc aussi l’instrument pour l’extension des ventes.

253.291 SOURCES D’INFORMATIONS.

La Documentation a une double fonction à remplir en Librairie, a) Renseigner le libraire sur les livres à vendre pour la librairie, b) Renseigner les clients sur les livres existants. Dans la conception d’un Réseau universel de la Documentation, chaque librairie peut être assimilée à une station à maintenir en liaison permanente avec les centres nationaux et avec le Centre Mondial du Réseau. La Librairie comme la Bibliothèque est le point de contact avec le lecteur, avec le public. Elle a le plus grand intérêt à servir de canal entre eux et les centres d’informations d’une part, les centres d’approvisionnements d’autre part.

Les libraires américains ont tout un outillage pour s’orienter dans la masse croissante des publications et choisir celles qui leur paraîtront les plus faciles à écouler parmi leur clientèle. Il existe à cet effet toute une presse spécialisée : bibliographies générales ou particulières, journaux et magazines littéraires, catalogues des éditeurs, organes de l’« American Library Association », de l’« Αmerican Association of Bookpublishers », des « Booksellers Clubs » et des bibliothèques. La revue hebdomadaire officielle de la corporation des libraires. The Publisher’s Weekly, éditée à New-York, constitue la source principale d’informations. Chaque semaine, elle publie quelque cent pages de précieuse substance : critiques d’ouvrages récents, annonces des nouveautés sous presses, statistiques des best-sellers, biographies d’écrivains, reproductions d’illustrations, portraits d’éditeurs, études sur les procédés de fabrication, bibliophilie, curiosités, conseils pratiques, résultats d’expériences, méthodes d’organisation, suggestions d’étalages, campagnes de publicité, leçons de vente, etc. Sans oublier un double index alphabétique par auteurs et par titres de tous les ouvrages, fiction et non fiction, sortis de presses aux États-Unis pendant les huit jours qui précèdent. Revue très complète, comme on le voit, et dont la documentation est de premier ordre. Il y a aussi la volumineuse « Publisher’s Trade List Annual » qui, depuis soixante ans, publie un relevé par éditeurs et par auteurs de tous les livres américains en vente.

La librairie a la publicité comme instrument de travail, mais publicité d’information, de documentation : envois de catalogues, d’analyses de livres ; démonstrations de l’intérêt de tel ouvrage, de l’agrément de tel autre, de l’utilité d’un troisième ; offres de recherche et d’assortiments.

Il existe un Répertoire international de la Librairie.[30]

253.292 ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL.

Le Cercle de la Librairie de Paris a organisé des Cours de librairie ; il songe à les compléter par des cours par correspondance. On a demandé que soit conféré à ces cours un caractère officiel. Ils donneraient ainsi à nouveau à la Librairie la place que celle de l’ancienne France devait à son brevet et à ses privilèges dans l’Armorial des métiers.

Voici le syllabus des cours d’achat et de vente de livres à Colombia University, de New-York :

1. Sélection et achat des livres. — Étude de la profession avec applications à l’achat de livres de fond. Choix des éditions répondant aux besoins des divers marchés. Détermination des quantités à acheter. Ristournes. Conditions de paiement. Méthodes d’achat et autres problèmes d’ordre pratique. Exercices pratiques de commande. Démonstrations de vente par un représentant d’éditeur, exposant les facteurs qui affectent l’achat des livres à paraître.

2. Aspect pratique de la vente des livres. — Étude de l’emplacement et de l’installation d’un magasin de librairie. Commandes et disposition du stock. Réclame et publicité. Tenue des livres et de l’inventaire permanent. Statistiques. Prévision de ventes, etc. Histoire du commerce de librairie. Histoire de la fabrication du livre et étude des procédés modernes. Démonstrations pratiques sur chaque sujet et discussions. Visites aux établissements représentant les divers aspects de l’industrie du livre, de l’imprimerie à l’office d’édition et de la maison de gros aux librairies de diverses catégories. Recherches à l’extérieur par les élèves avec obligation d’en donner rapport à leurs condisciples.

Les cours sont donnés par des professionnels, directeurs d’établissements très importants et connus pour leur modernisme. Ce ne sont pas de simples théories qu’ils enseignent, mais les moyens pratiques que leur expérience leur a fait juger comme les meilleurs.

253.293 CONCLUSIONS SUR L’ORGANISATION DE LA LIBRAIRIE.

Pour les raisons dites, il importe de voir organiser la fonction des libraires et d’arriver à faire de chacun de leurs offices une station active d’un vaste réseau de la documentation. Ce réseau comprend notamment les Maisons centrales du Livre ou Bourse du Livre pour les approvisionnements, les Offices de Bibliographie et de Documentation pour les informations, les Bibliothèques pour la diffusion.

A) Devenir une station de ces réseaux implique d’en accepter les réglementations, les standardisations, les coopérations, les recommandations. Tout ce qui concerne le rapport avec les maisons centrales est déjà en heureux développement. Pour en apprécier tous les avantages il est bon de rappeler l’état chaotique et désordonné du commerce du livre il y a quelques décades encore. Alors l’esprit corporatif n’avait pas encore créé les puissantes organisations d’aujourd’hui, alors les rapports étaient peu internationaux et la confiance actuelle ne présidait pas toujours aux relations.

B) Les rapports avec les Bibliothèques ont aussi été longtemps mal compris. Il semblait qu’offrir des livres en lecture publique était enlever des acheteurs à la lecture privée. Le grand développement des Bibliothèques publiques, principalement dans les pays anglo-saxons et germaniques, a démontré que le contraire est vrai. La Bibliothèque est un agent de diffusion du Livre et plus un livre est connu plus il s’achète. La Bibliothèque fait gratuitement au livre la meilleure des publicités.

C) Les desiderata quant à la Documentation générale sont actuellement pressants. Il y a lieu de les organiser.

253.3 Transports, postes, télégraphes, téléphones.
253.3 253.31 Généralités.

a) La documentation a le rapport le plus étroit avec les moyens de transport et de communication : transport des documents eux-mêmes tout élaborés ; communication à distance des sons (voix) ou des signes (alphabet ou images) avec lieu de réception des documents constitués, tandis que d’autres avaient été établis au lieu d’émission et pour faciliter celle-ci. Tout ce qui concerne le développement des moyens de communication intéresse au premier chef la documentation à ces deux points de vue : rapidité plus grande dans la transmission des données qui doivent prendre place dans les documents ; accélération dans l’expédition des documents eux-mêmes et leur mise aux mains des lecteurs, spectateurs ou auditeurs.

b) Les moyens de communication se développent en trois phases : 1° d’abord la parole, plus tard les signaux (feux nocturnes, messages africains par les tam-tam) ; plus tard les courriers ; 2° communication par l’écriture ; 3° l’imprimerie ; 4° communication par des moyens mécaniques : système postal, télégraphe, téléphone, radio, chemin de fer, auto, bateau, avion.

c) Le transport des livres et des documents a suivi au cours des âges tous les progrès des moyens matériels successivement inventés et appliqués, messages à pied, à cheval, en diligence, bateau, chemin de fer, auto, avion. Il se sert de tous les moyens de communication dont l’évolution à travers les âges a été extraordinaire.[31]

d) Il est impossible ici de donner un aperçu, même sommaire, de l’immensité et de la variété qu’a atteint de nos jours le réseau universel des transports et communications. Force est de référer aux études à ce sujet. Mais il est important d’avoir toujours présent à l’esprit l’existence de ce réseau avec toutes les possibilités actuelles et aussi futures.

253.32 La poste.

1. — Notion.

La Poste consiste essentiellement à transporter des correspondances, les unes manuscrites ou personnelles (les lettres), les autres imprimées et impersonnelles (les livres, revues et journaux). La poste se sert des moyens employés pour le transport des personnes et des marchandises ; elle y ajoute en certains cas ses propres moyens (par ex. les pigeons voyageurs, les fusées postales, etc.) ou des moyens qu’elle organise en admettant des tiers à son usage (par ex. les malles-poste). La Poste réalise une des institutions les plus bienfaisantes et sympathiques que le gouvernement ait instaurées. Elle donne à chaque homme le moyen facile et peu coûteux d’entrer en rapports directs avec tous les autres hommes, quelqu’éloignés qu’ils soient. Les correspondances distribuées par la poste sont comme autant de flèches qui peuvent être tirées en droite ligne de tous lieux sur tous lieux. Un timbre, une boîte aux lettres et la communication est assurée jusqu’au fond des déserts africains ou australiens.

2. — Historique.

Dès les origines de la civilisation, il s’est établi partout des services de courrier. Les sauvages eux-mêmes ont leurs courriers et leurs messages. Cyrus installa dans son empire la transmission des messages par relais. Deux lettres adressées de Bretagne par César à Cicéron arrivèrent, l’une en 26, l’autre en 28 jours. Sous Dioclétien, il y avait déjà une poste pour le compte des particuliers. Charlemagne en 807 fit établir des courriers dans l’Italie, l’Allemagne et une partie de l’Espagne. En Allemagne, en 1500, Tour et Taxis proposa et obtint la régie des Postes. Sous Louis XIII, les particuliers commencèrent à faire transporter leurs propres correspondances par les courriers royaux. Sous Louis XIV, le port d’une lettre de Paris à Lyon coûtait 12 sous.

La ferme des postes, instituée en 1672 en France, était acquise pour un million ; moins de 100 ans après, cette somme avait décuplé. Sous Louis XVI, il y avait dans tout Paris six boîtes aux lettres. Plus tard, partout la poste fut organisée en service d’État. En 1839, Rowland Hill fit adopter le prix unique d’un penny pour le transport des lettres dans toute l’Angleterre. En 1844, on adjoignit en France des bureaux ambulants aux trains de chemins de fer. L’Union Postale Universelle date de 1867. Aujourd’hui les postes sont des sources de revenus pour les gouvernements ; le réseau postal s’est immensément étendu ; les hôtels des postes sont des édifices complexes et somptueux.

3. — Statistiques.

Le Post Office Britannique occupe 230,000 agents. En 1905 déjà, il avait été distribué par l’Union postale universelle 2,600 millions de numéros de journaux servis par abonnements postaux, 32,140 millions de correspondances (lettres, cartes postales, imprimés, papiers d’affaires et échantillons).

Les chiffres suivants se rapportent à la distribution annuelle dans une seule ville, Bruxelles, centre d’environ 700,000 habitants (d’après les statistiques de mars 1932)[32] 60 millions de lettres, 16,030,000 cartes postales, 21 millions 600,000 pièces de services, 40,200,000 journaux, 1 million 896,000 échantillons sans valeur, 935,000 papiers d’affaires, 47,980,000 imprimés, 20 millions imprimés non adressés ni affranchis[33], 3,370,000 cartes de visite.

4. — Opérations de la poste.

a) La Poste a successivement étendu le nombre de ses différents services (correspondances, journaux, caisse d’épargne, encaissement et versement, etc.). Elle compte en Belgique 14 services. La poste emploie l’expression générale « objet de correspondance ». Le développement du colis postal récemment acquis, celui du chèque postal, d’autre part, leur apporte l’aide la plus précieuse.

b) La poste transporte tous les documents. Elle a établi toutefois des maximum de dimensions, poids et des exceptions à raison du contenu. Les bureaux postaux auxiliaires établis dans les grands organismes mêmes qui sont producteurs de documents facilitent l’expédition (par ex. : à la Société des Nations à Genève, à l’Institut International d’Agriculture à Rome). Le système de boîtes 01 box dans les bureaux de poste publics facilitent lu distribution à toutes les heures. En certains pays, la poste admet le dépôt d’imprimés en masse sans adresse. Ces envois sont distribués aux personnes exerçant la profession désignée par l’expéditeur. On vise les annonces réclames et prix courants.

c) En novembre 1929, il y a eu à Genève une Conférence européenne relative aux transports de journaux et périodiques (documents : 1930. § III, 1).

d) La recherche des adresses constitue un grand travail pour la poste. On ferait un volume, dit M. Zacione, avec les adresses grotesques, absurdes, incohérentes, inintelligibles des correspondances qui arrivent périodiquement au bureau des rebuts, après avoir passé sans résultat par les mains de tous les agents qualifiés. Il cite l’exemple d’une lettre qui porte « À Monsieur mon fils à Paris » une autre à Lyon « À. Μ. M… demeurant dans la maison auprès de laquelle il y a un tas de neige » ; une autre « à M. Durand, même adresse que la précédente ». Déjà en 1862, les lettres aux rebuts étaient de 2,175,206, dont 100,176 pour adresses incomplètes, 638,257 pour adresses à destinataires inconnus, 1,086 lettres sans suscriptions, 1,435,687 lettres refusées.

5. — Timbres-poste.

a) Le premier timbre date de 1840. Autrefois, il y avait de simples cachets postaux appliqués à la main sur les enveloppes. Le nombre des timbres actuellement existant dépasse 60,000. Ce nombre a doublé depuis 1913. Les États se sont mis à faire des tirages dans des buts fiscaux : éditions nouvelles et surchargées. Il y a les innombrables timbres de commémoration. À l’initiative de Rowland Hill, l’Angleterre employa seule le timbre pendant 10 ans. La France l’adopta en 1850. L’Office de Tour et Taxis l’introduisit en Allemagne en 1850. Dès 1653 cependant, on vendait en France des billets de port payé.

Au Congrès postal universel de 1906, la proposition fut faite du timbre universel à 10 centimes.

b) Les timbres ou les coupons-réponse constituent un instrument monétaire utilisé dans de nombreux cas. Le « timbre mondial », émis dans certaines conditions, constituerait le commencement d’une monnaie mondiale.

c) Les timbres-poste sont les plus petits documents. Certains timbres sont des chefs-d’œuvre d’imagination, de composition et de dessin.

d) Les conditions de fabrication sont fort complexes pour éviter les fraudes d’oblitération et d’annulation. Les ateliers du timbre se servent de matériel permettant l’impression en typographie, en taille-douce et en héliogravure. Le papier employé est d’une texture et d’une composition adéquates à la destination (moitié chiffon, moitié bi-sulfate). En 1931, l’atelier du timbre a fabriqué 670 millions de timbres-poste belges, représentant une valeur d’affranchissement de 390 millions de francs et 45 millions de cartes postales. Ces fabrications ont nécessité, pour ce qui concerne les timbres, 500,000 mètres carrés de papier (soit 40,000 kg.) et 12,000 kg. de gomme du Sénégal. Les feuilles sont contrôlées une à une ; ce qui échappe à la mise au rebut par suite de malfaçon ira faire la joie des collectionneurs et donner lieu à une valeur parfois énorme.[34]

e) Les timbres ont servi à la propagande. Ils ont fait connaître villes, sites, grands hommes et institutions ; ils ont servi à commémorer des événements. Ils ont été employés aussi pour des propagandes. Les Soviets ont annoncé leur intention d’éditer des timbres antireligieux ; antérieurement des correspondances avec timbres espagnols, portant atteinte au respect des convictions, ont été interdites aux États-Unis.

Les timbres de circonstances sont émis par les administrations des postes souvent après concours.[35] En France, le timbre antituberculeux, créé en 1925, produit annuellement environ 20 millions récoltés pendant le seul mois de décembre. Tout est motif et occasion à renouvellement, à commémoration. Les faits de commémoration étendent en quelque sorte le symbolisme de la timbrologie et sa signification documentaire.

f) Les timbres font l’objet de collections. Ils atteignent des prix formidables basés sur la rareté et non la beauté. Un Mauritius (île Maurice) est estimé jusqu’à un million de francs belges. Les deux Mauritius qui suivent sont taxés un demi-million. Un timbre de Guyane anglaise vient ensuite. C’est par centaines de mille que l’on compte les collectionneurs, par millions disent certains. Toute une organisation existe : les catalogues, les marchands, les publications et revues philatéliques, les bourses aux timbres, les associations philatéliques internationales, des experts, des études pour parer aux falsifications, des collections publiques. Le British Museum possède une collection qui lui fut donnée par un riche marchand de la Cité et qui vaut des millions. Elle est exposée en un meubles spécial dont les cadres disposés en armoires se tirent au moment de la vision. Les timbres les plus précieux sont conservés » en coffres-forts. De même au Musée de la Poste à Berlin. Les timbres constituent un instrument monétaire utilisé dans de nombreux cas. L’université de Cleveland a institué un cours de technique philatélique. Certains journaux philatéliques (notamment Der Philatelist) ont publié une bibliographie philatélique.

On publie des albums fac-similés de timbres en feuillets reliés ou à reliure mobile. On peut aussi établir les collections de timbres sur fiches ; la méthode offre l’avantage d’un accroissement indéfini et de rendre la division du classement très détaillée, par pays et année d’émission. Les fiches divisionnaires indiquent les pays et les groupes d’années.

6. — Secret des correspondances.

La poste assure le secret des correspondances. Toutefois en temps normal, dans certains pays, on décachète les lettres des citoyens suspects ou soupçonnés ; l’espionnage est instauré par ce procédé. On constate que l’ouverture des lettres n’épargne point les plus hauts fonctionnaires qui se surveillent les uns les autres. La censure postale allemande s’est exercée récemment sur les correspondances en transit. Ceci pousse à la création de services postaux aériens directs et pose la question de l’internationalisation de la poste.

7. — Franchise postale.

Les organismes de documentation sont dignes de disposer de la franchise nationale et internationale par tous moyens de transport et de communication. Ils sont par excellence les instruments de mise en relations, déterminant à leur suite des activités d’ordre économique. L’I. I. B. a eu la franchise postale avant la guerre et la XIIIe Conférence Internationale de Documentation a retenu son attention sur ce point. Le Musée du Congo à Tervueren jouit dans toute l’Afrique belge du privilège de la franchise de transport ; toute personne peut remettre au poste le plus voisin une pièce quelconque à destination du musée.

8. — Instrumentation.

La poste a créé une instrumentation et une mécanisation de plus en plus étendue et dont quelques types sont susceptibles de généralisation dans d’autres domaines de la documentation.

Des machines permettent d’estampiller en une heure 4,000 lettres par machine à main. 12 à 15 mille par machine à manivelle, 35 mille par machine électrique rotative. Le déplacement des lettres à l’intérieur des bureaux importants, celui des sacs à dépêches dans les centres de tri et dans les gares a lieu au moyen de tri-porteurs mécaniques, de monte-charges et de tracteurs, tube pneumatique, glissoires en tobogans.

Machine à affranchir au moyen d’empreintes apposées par la poste.

Tri automatique opéré à la poste de Rotterdam. Buenos-Ayres.[36]

9. — Poste aérienne.

La commission préparatoire aéro-postale européenne de Prague, juin 1931, a élaboré un projet général de lignes postales aériennes reliant les capitales de l’Europe et les principaux centres d’activités. (Union Postale, juillet 1931, page 231). Pendant que de nuit les hommes suspendent le travail, les avions transportent leurs messages préparatoires de nouveaux travaux.

Le développement de l’aviation dans son stade actuel a surtout une utilité postale. Il fait passer de 1 à 5 la vitesse de transmission et le livre en est un des bénéficiaires. Le cœur de l’Afrique, de l’Asie, de l’Amérique du Sud, sera bientôt relié régulièrement au cœur de l’Europe et de l’Amérique du Nord. L’aviation révolutionnant les transports, transforme les conditions de distribution des correspondances et des imprimés. Il fait plus encore, il se moque de la censure. Déjà il avait eu ce rôle pendant la guerre. Il le reprend aujourd’hui. Un aviateur italien n’est-il pas allé (juillet 1930) jeter sur Milan des petits documents antifascistes ?

253.33 Télégraphe.

1. — Notion. Historique.

Tous les télégraphes ont cela de commun qu’ils servent à transmettre rapidement des nouvelles à des distances plus ou moins grandes. On distingue les télégraphes aérien, optique, pneumatique, électrique. Depuis longtemps, le télégraphe aérien était connu par les Chinois, mais ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle que l’on combina l’usage des lunettes d’approche avec celui des signaux aériens. La télégraphie aérienne fonctionna en France jusqu’à l’établissement des télégraphes électriques (1846). Il existait alors 5 grandes lignes partant de Paris et aboutissant à Lille, Strasbourg, Toulon, Bayonne et Brest. La distance moyenne entre les stations était de 12 kilomètres. La télégraphie optique repose sur l’emploi de rayons lumineux rendus sensiblement parallèles, qu’on interrompt à intervalles déterminés. Les premiers essais datent du siège de Paris en 1870. On peut utiliser le jour la lumière du soleil et la nuit une lumière artificielle quelconque. Enfin la télégraphie pneumatique n’est qu’un système de transport rapide de dépêches, dans des tubes où l’on fait circuler l’air au moyen de pompes. Les dépêches déposées dans de petits cylindres sont chassées rapidement jusqu’au point d’arrivée. Ce système est employé notamment à Paris, à Londres.

2. — Technique.

a) L’évolution technique du télégraphe électrique marque les étapes suivantes : 1° Le Wheatstone à simples signaux indiqués fugitivement sur un cadran. 2° Le Morse, avec expression écrite de signes longs et brefs émis par un manipulateur. Le système a été transformé après quelque temps en appareil pour l’audition, à raison de 60 mots à la minute. 3° Le Hughes, avec clavier. Capacité 120 mots à la minute. 4° Le Baudot, qui permet à son opérateur de se servir de la même ligne avec un débit de 550 lettres. 6° Le télétype, application de la machine a écrire. 7° Le Siemens, sur le principe du Baudot, mais avec intervention d’un clavier perforant les lettres sur les bandes qui passent ensuite à vitesse accélérée devant l’appareil de transmission. 8° Le Dr. James Robinson a inventé un appareil télégraphique qui permet de transmettre par un seul fil jusqu’à 40 télégrammes à la fois (au maximum 6 à 7 jusqu’ici). 9° Le télautographe, qui transmet l’écriture à la main, a été mis en fonctionnement entre Paris, Lyon et Strasbourg. Déjà en 1865, l’administration des postes adoptait le pantélégraphe de l’Abbé Caselli. Plus tard, le télautographe a fonctionné à l’intérieur des hôtels et des usines (Amérique). On peut entrevoir la révolution que va faire le nouvel appareil. Les quatre opérations du langage : parler ou entendre, écrire ou lire, vont pouvoir se faire à distance. On opérera directement dans les grands livres de commerce des inscriptions réciproques et on supprimera l’intermédiaire de la poste et des banques (comptabilité télautographique).

b) La technique du télégraphe a mis en lumière des faits importants dont pourront tirer fruit notamment l’enregistrement, la perception, la documentation des données et informations. 1° Par l’électricité (électro-aimant) des signaux sont transmis à distance. Ces signaux, longs et brefs, points et traits, sont combinés diversement pour former un code alphabétique. Il y a donc transformation entre divers systèmes de signes, ici électriques, là alphabétiques. 2° Le courant électrique est quasi instantané. D’autre part, l’opération humaine d’écrire avec des signaux électriques ne l’est pas, car la réflexion exige du temps. Comme l’établissement des lignes électriques est d’un coût élevé et qu’il faut les utiliser au maximum, on a tourné la difficulté en divisant l’usage d’une même ligne entre plusieurs opérateurs, agissant quasi simultanément et en basant les opérations non plus sur un acte d’attention, mais sur un acte réflexe (mise en œuvre de l’inconscient). C’est le principe du Morse, du Hughes et du Baudot. 3° Le cœur humain bat à raison de 90 × 2 = 180 mouvements à la minute. C’est le rythme qui a été adopté pour le Baudot, réalisant ainsi un principe ce Psychotechnique. 4° Des claviers ont été introduits, mais ils ont des dispositions particulières à chaque cas, éloignant de la conception du clavier universel.

3. — Statistique.

Avant la guerre, d’Europe dans l’Extrême Orient, 4 millions de mots étaient transmis, dont 2,5 millions par la Russie. Actuellement plus de 14 millions de mots sont transmis. L*Allemagne, par exemple, a envoyé en 1933, 10,869,204 de télégrammes ordinaires en service ordinaire et 9,709,111 en service international limité au continent, 1,064,687 hors du continent.

4. — Forme des télégrammes.

Les télégrammes constituent une grande variété de types : ordinaire, sur formule de luxe, différé, de presse, télégrammes-lettres, de fin de semaine, de souhaits et félicitations, télégrammes urgents, télégrammes-mandats, phototélégrammes.

5. — Organisation des services.

On est arrivé graduellement à la fusion complète des services du télégraphe, des câbles, de la radiotélégraphie et du téléphone. L’évolution moderne tend à la disparition du télégraphe en tant qu’entité administrative distincte. Les progrès réalisés dans la technique de la transmission et le fait qu’une proportion considérable de télégrammes sont déjà transmis par téléphone indiquent que la distinction faite entre transmission orale et transmission lettre par lettre est artificielle.

6. — Contrôle.

La censure suivant les temps s’exerce aussi sur les télégrammes. Au début de la guerre mondiale, l’Amirauté anglaise fit remonter par des pêcheurs les câbles allemands et les fit couper, isolant subitement le Reich de toute communication avec l’étranger. Des Compagnies privées de télégraphe sont exploitées à perte à raison des avantages indirects pour leur propriétaire : priorité d’envoi des télégrammes et peut-être contrôle des télégrammes des tiers.

7. — Codes en langages convenus.

La Conférence Télégraphique internationale, Madrid 1932, a réglementé à nouveau les télégrammes dont le texte est constitué à l’aide de mots ayant une signification donnée par un code déterminé. Ces codes, mots réels ou fermés de mots artificiels sont construits librement. La base est le mot de cinq lettres sans accent.

253.34 Téléphones.

1. — Notion.

Le téléphone, inventé par Bell et généralisé après le télégraphe, réalise la transmission directe de la voix. Ses installations sont devenues automatiques, les abonnés paient proportionnellement au nombre des communications, Les réseaux nationaux des téléphones sont reliés les uns aux autres. Il y avait en 1932, en Belgique, 300,000 postes téléphoniques, dont 265,000 automatiques (63,000 postes en 1914). La téléphonie inter-océanique est organisée. Il est maintenant possible de communiquer de Grande-Bretagne avec plus de 93 % de l’ensemble des abonnés téléphoniques du Monde. L’utilisation simultanée du télégraphe et du téléphone a été une création technique (système Van Rysselberghe) ; il n’en est résulté aucune limitation du nombre ni de l’efficacité des canaux de conversation.

2. — Téléphone et documentation.

a) La communication téléphonique remplace les lettres (ou les visites). Elle a l’avantage de la rapidité (instantanément sont échangées questions, réponses, nouvelles questions, nouvelles réponses, discussions en détail, accords). Mais tout s’y envole : verba volant. Il est donc bon de confirmer par lettre ou d’établir pour soi une note, un memorandum qui dans la documentation sera traitée comme une lettre.

b) Des appareils récemment inventés ont pour objet de permettre l’enregistrement automatique des conversations, notamment en cas d’absence du correspondant. D’autres appareils permettent de répondre d’un point central à des questions posées ; ainsi l’heure au téléphone.

c) Même excellentes, les relations téléphoniques ou télégraphiques ne peuvent remplacer la conversation directe. Hindenburg et Ludendorff en durent convenir pendant la guerre en cherchant à fusionner le grand quartier général qui était à Charleville avec le quartier impérial qui était à Plessis (sept. 1916).

254 Répartition et diffusion du Livre.

1. — La répartition en général.

L’économie du livre, bien intellectuel, implique, comme l’économie des biens matériels, elle-même la fonction de répartition. Qui possédé les livres et par quels processus sont-ils répartis entre les possesseurs ? En fait, la répartition est fort inégale : 1° Entre les pays. Des pays anciens possèdent des collections anciennes qui manquent aux pays neufs (ex. l’Italie, la France, l’Allemagne, le Paraguay, la Nouvelle Zélande). Des pays riches capables d’acquérir les livres anciens comme les États-Unis et les pays pauvres comme les Républiques de l’Amérique centrale. 2° Entre individus : les classes riches peuvent acquérir des œuvres dont doivent se priver les classes moins avantagées par la fortune, à raison du prix ou du temps d’ouverture des bibliothèques. 3° Entre professions : celles fondées sur l’érudition et celles sujettes à constantes transformations (médecine, technique) ou impliquant un vaste champ de données à mettre en œuvre en chaque cas (droit). 4° Entre les villes et les campagnes. Les villes concentrent des livres et des collections publiques, surtout dans les capitales ; ils manquent dans la province et dans les campagnes. 5° Entre agglomérations où la répartition du livre est bien organisée et celle où elle fait défaut (ex. les États-Unis, l’Allemagne). La statistique tend à chiffrer les totaux de la répartition du livre et les coefficients par catégories d’habitants des livres mis à leur disposition.

On verra peut-être un jour naître un droit social nouveau, le droit pour tout homme, pour tout citoyen d’un pays (ou du monde) de pouvoir disposer d’un ensemble minimum de livres. Ce droit serait analogue au droit à l’éducation qui a pris la forme non seulement du droit d’aller gratuitement à l’école, mais l’obligation de la fréquenter (instruction obligatoire).

Toute civilisation est un produit artificiel, elle se réalise sous l’empire des connaissances élaborées en sciences systématiques par l’intelligence. Plus ces connaissances seront répandues dans le corps social, plus pourra progresser la civilisation. D’où la nécessité de le distribuer largement, et ceci doit se faire par les canaux de l’Éducation, de l’Information, de la Documentation.

2. — Dépôt légal.

a) Le dépôt légal consiste dans la remise obligatoire par l’éditeur, l’imprimeur ou l’auteur, d’exemplaires de tout ouvrage ou périodique publiés.

b) Le motif du dépôt légal a varié avec les âges. Il était destiné à la censure d’abord (Zensurexemplar), puis à la protection contre la reproduction (Schutexemplar), puis dans l’intérêt des collections et finalement dans l’intérêt de la bibliographie, c’est-à-dire des intérêts scientifiques (Studienexemplar). Le dépôt légal est à la base de la bibliographie nationale. Il est désirable qu’il soit complet et rapide, qu’il s’étende à toutes les publications, livres et périodiques, que les sanctions de la loi soient effectives.

c) Le dépôt légal a été prescrit le 5 août 1617 par un édit du roi Louis XIII, édit prescrivant de déposer gratuitement à la Bibliothèque royale deux exemplaires de tout ouvrage imprimé. Ce fut l’origine du dépôt légal. Le nombre des exemplaires à déposer a varié au cours des temps, allant jusqu’à 9. Réduit à 5 exemplaires sous l’Empire, le dépôt n’est plus actuellement que de deux exemplaires.

d) Le dépôt légal existe dans beaucoup de pays. Le nombre d’exemplaires à déposer varie. En Russie, il atteint 24.

3. — Distribution gratuite.

La distribution gratuite est désirable pour des œuvres de science et pour celles que les propagandes spéciales désirent voir largement répandues. Cet envoi devrait être fait aux Universités, Bibliothèques, Institutions scientifiques, Organisations internationales, afin de porter la connaissance des publications dans tout centre d’étude et d’action internationale. Les auteurs devraient s’attacher à faire le dépôt gracieux de leurs œuvres dans quelques grandes bibliothèques de divers pays. De même les institutions par leurs éditions. La Carnegie Dotation distribue des petites bibliothèques concernant la question de la Paix.

4. — Prêt des ouvrages entre bibliothèques.

1° Le prêt est à distinguer selon qu’il s’agit de manuscrits, d’imprimés rares ou uniques, d’anciens livres, de gravures ou photographies, cartes ou autres espèces de documents. 2° Comme raison d’être du prêt, il faut considérer : a) que le travail scientifique ne peut progresser qu’avec la consultation possible de tous les ouvrages renseignés par la bibliographie et qui se trouvent dispersés dans les bibliothèques en des lieux où ne se trouvent pas toujours les travailleurs les plus qualifiés pour les utiliser ; b) qu’il y a intérêt pour un pays à voir mettre en valeur par l’usage ses propres richesses bibliographiques ; c) la notion d’une communauté intellectuelle universelle et d’une collectivisation des instruments et des produits du travail intellectuel gagne chaque jour du terrain. 3° Contre le prêt s’élève : a) tous les arguments en faveur des bibliothèques dites de présence qui donnent aux travailleurs l’assurance qu’ils pourront y trouver les ouvrages catalogués ; b) tous les arguments contre les risques auxquels sont exposés les ouvrages qui sont transportés hors de la bibliothèque. 4° Les substituts du prêt sont : a) la réédition des ouvrages rares ; b) la Photocopie ; c) les voyages bibliographiques, comme il y a des voyages d’études en tous domaines. 5° Une organisation internationale du prêt entre bibliothèques demeure une institution désirable. C’est par une convention internationale qu’on peut la concevoir, convention ouverte à tous les pays et dont les diverses parties seraient facultativement accessibles. L’organisation doit être mise en rapport avec les autres organisations du livre dans le cadre de l’organisation mondiale de la documentation. Elle doit être reliée à l’organisation nationale et à l’organisation locale de la documentation.

Le prêt international entre bibliothèques a fait l’objet de nombreux travaux.[37]

5. — Échanges internationaux.

Le service international des échanges a été établi par la Convention de 1884.

a) L’idée première des échanges internationaux est due à la puissante organisation américaine, la Smithsonian Institution. Les Américains ayant désiré internationaliser l’idée, reçurent un accueil favorable en Belgique et Patronage très actif du Comte de Flandre. Malheureusement, en ces temps lointains où l’internationalisme commençait à peine, on s’abstint de donner à la Convention un organe permanent. Il s’en suivit qu’aucun perfectionnement ne lui fut apporté au cours des années. Des initiatives en vue de la réunion d’une Conférence Internationale de revision et d’extension furent prises avant la guerre en Belgique même. Toute la question fut abandonnée depuis à la Société des Nations, Commission de Coopération Intellectuelle.

Elle repose sur le principe que, comme échange d’expériences scientifiques d’informations, de matériaux, le livre est un des plus forts stimulants pour le développement de la pensée scientifique.[38]

L’importance des échanges est montrée, bien que sur un point, par le Catalogue des dissertations et écrits académiques provenant des échanges, publié par la Bibliothèque Nationale de Paris.

b) Il serait désirable notamment : 1° que l’échange fût organisé nationalement aussi bien qu’internationalement ; 2° que les expéditions, de ou par les échanges, fussent plus fréquentes (colis postaux, au lieu de colis des chemins de fer) ; 3° que le principe à la base des accords de 1884 devienne une réalité, à savoir : la totalité de la production intellectuelle de chaque pays échangée contre la totalité de tous les autres pays. Le Service international des Échanges étant particulièrement favorable à l’échange des périodiques, il y a là le moyen d’établir des collections internationales de revues.

c) Les échanges internationaux prennent trois formes : 1° échanges avec équivalence immédiate (sorte de Bourse aux Livres) ; 2° échanges sans équivalence ni prestation immédiates : sorte de compte courant dont le crédit et le débit ne se soldent qu’au cours du temps ; 3° distribution gratuite de publications par l’intermédiaire du Système des Échanges internationaux et sans que la réciprocité soit une condition.

d) La convention internationale de 1884 porte sur deux objets : 1° les publications des sociétés scientifiques ; 2° les documents officiels, parlementaires et administratifs, ainsi que les ouvrages exécutés par ordre et aux frais des gouvernements.

e) En Allemagne, un décret du 5 janvier 1926 a créé le « Reichstarstelle im Ministerium des Innern » (Office d’échange au Ministère de l’Intérieur). Incombe à cet office le soin d’organiser les échanges officiels avec l’étranger, de susciter les relations (également avec les sociétés savantes), de réaliser l’envoi central à l’étranger et de répartir les envois de l’extérieur selon la méthode de la Smithsonian Institution. L’Office allemand a été aidé par la Emergency Society of German and Austrian Science and Art, créée par le professeur Boas de la Columbia University de New-York.

La Smithsonian Institution a donné la plus grande extension à ses propres services d’échange. Ses collections sont versées à la Library of Congress, Le nombre de ses correspondants est de l’ordre de 30,000, celui des pièces échangées de 60,000. Elle accuse réception des envois sur carte formule.

f) En Russie, le service des échanges est organisé par V. Ο. K. S. (Société pour les relations culturelles entre l’U. R. S. S. et l’étranger). Il est en rapport avec 70 pays ; il a été l’intermédiaire de transmission de 1,422,881 ouvrages de 1924 à 1933. Le nombre des correspondants permanents est de 4,368. Il n’était que de 118 en 1925. Le service provoque les échanges en même temps qu’il centralise les expéditions.

g) Dans sa réponse à la Société des Nations, le gouvernement portugais a présenté l’idée que les conventions internationales d’échange de Bruxelles devraient être exécutées selon un type uniforme et un formulaire commun. Ce gouvernement voit les avantages de la convention « dans la création de bureaux internationaux uniformément organisés et intimement liés entre eux, qui constituent l’instrument d’échange et d’information bibliographique entre les centres de culture intellectuelle des différentes nations (Universités, Académies, Collectivités scientifiques et littéraires) et entre les écrivains et les savants qui veulent entrer en rapport internationalement en échangeant leurs publications répandant leurs pensées ». (Journal de la Société des Nations, septembre 1928, p. 1413.)

h) On peut se représenter ce que serait pour le progrès général une organisation d’ensemble qui généraliserait au monde entier ce qu’a pu faire la Smithsonian Institution pour les États-Unis. Il y aurait 30,000 correspondants, tous des producteurs intellectuels, constituant annuellement dans 70 pays le dépôt de 60,000 publications. Vu ce qui existe déjà, l’organisation d’un semblable réseau d’échange, établi comme partie du Réseau Universel de Documentation, n’est certes pas au-dessus des possibilités actuelles.

255 Description du Livre. Inventaires. Catalogue. Bibliographie.

255.1 Notion.

a) Objet. — La Bibliographie doit renseigner sur l’existence des ouvrages et sur leur valeur. Elle est l’inventaire, la description des ouvrages publiés, indépendamment du point de savoir dans quelles collections ou bibliothèques ils se trouvent. Elle constitue donc la source de nos informations concernant les livres existants et la base de toute documentation. Elle est l’intermédiaire entre les livres et les lecteurs.

b) Modalités. — La Bibliographie est réalisée sous des modalités différentes : a) les recherches bibliographiques auxquelles il est procédé par chacun individuellement et pour des cas particuliers ; b) les recherches bibliographiques auxquelles il est procédé par des organismes dits officiels, services ou instituts bibliographiques ; c) les travaux de catalographie ou bibliographie à l’état de manuscrit ou d’exemplaire original établi ordinairement sur fiches ; d) les travaux à l’état d’imprimé.

c) Fonctions de la bibliographie. — La bibliographie considérée autrefois comme utile est devenue un instrument de travail indispensable. Elle a plusieurs buts (utilités, fonctions). 1° Enregistrer la production intellectuelle à toute fin et dans des conditions de travail scientifique, établir l’inventaire de cette production. — 2° Établir le catalogue et le guide pour les recherches à travers cette production. — 3° Permettre de vérifier rapidement à quel point en est parvenu l’étude d’une question quelconque pour s’éclairer soi-même et éviter les redites : bénéficier de ce qui a déjà été fait et y apporter sa contribution personnelle. — 4° Permettre de suivre l’historique d’une question. L’histoire des idées, de la science, des diverses théories scientifiques se confond largement avec l’histoire des livres, la Bibliographie (par ex. l’Économie mathématique est presque toute entière dans les œuvres de ceux qui, de Isnard, Van Thunen et Cournot jusqu’à Fisher et Moore ont écrit sur ce sujet). — 5° Faciliter l’établissement des antériorités de toute nature (scientifique, technique, en matière de droit d’auteur, en matière de brevets). — 6° Notifier aux intéressés les ouvrages nouveaux dès qu’ils paraissent. — 7° Permettre de comparer les ouvrages. — 8° Mettre en valeur les collections actuelles de livres, de journaux et de revues. Sans bibliographie, elles ne seraient, comme tant de collections d’autrefois, que d’immenses nécropoles.

d) Utilisation. — Il y a lieu de recourir à la Bibliographie, notamment : 1° pour l’établissement d’une thèse ; 2° pour approfondir une question qui parait intéressante ; 3° pour se renseigner sur quelque point de pratique professionnelle ; 4° pour présenter un travail à une académie, une société scientifique, un congrès ; 5° pour élaborer et tenir à jour un cours ; 6° pour écrire un article, faire un livre, préparer une conférence, — Il importe de ne pas ignorer la bibliographie, mais aussi de ne pas s’y perdre. Elle est un moyen et non une fin.

e) Sens et degré du terme Bibliographie. Au premier degré, la Bibliographie c’est la notice aussi exacte, aussi complète que possible d’un écrit, du moment que cet écrit a existé, bien qu’il ne soit pas toujours possible de se le procurer, comme par ex. pour un livre représenté par un seul exemplaire, un livre détruit, etc. La description prend la forme de notice bibliographique. Au 2e degré, la Bibliographie est la réunion et la présentation des notices bibliographiques en recueil limité aux écrits répondant à certaines conditions de fond, de forme ou d’auteur, déterminé par l’objet de la bibliographie et dont les notices ont reçu une certaine uniformité de manière à se présenter comme des unités d’un ensemble. C’est en utilisant les recueils et les autres sources de renseignements bibliographiques qu’on fait pratiquement de la Bibliographie.

f) Statistique. — Le nombre des bibliographies s’est accru considérablement. Il existe peut être 100,000 bibliographies et catalogues. En 1897, il y avait déjà à la Bibliothèque Nationale de Paris environ 75,000 titres classés comme bibliographies, dont 60,000 catalogues de bibliothèques et d’éditeurs ou libraires et 15,000 bibliographies spéciales. Et cela sans compter les bibliographies insérées dans les périodiques ou placées dans les ouvrages.

g) Catalographie générale. — La Bibliographie est un cas de la catalographie en général, celle qui concerne le livre.

1. La catalographie en général peut se définir : inventaire, relevé, liste catalogue, cadastre, en vue de connaître la consistance des ensembles de toutes choses (documents, êtres, phénomènes, événements, faits) ; établi à des degrés plus ou moins détaillés ; objectivement (caractères) et aussi subjectivement (appréciation, valeur) ; organisé en des ensembles plus ou moins universels ; donnant lieu à des ordres de classement divers basés sur les diverses caractéristiques et facilitant la recherche des choses ; permettant l’identification de la chose, c’est-à-dire l’affirmation d’un rapport entre un des exemplaires ou individus, et toute la classe décrite au catalogue.

2. Des études sont poursuivies pour l’identification des ouvrages reposant sur les signes (caractères) typographiques et sur le rapport ou substance (papier et filigrane).[39] Cette identification n’est pas sans analogie avec le système du Bertillonnage, système établi à l’origine pour l’identification des criminels et étendu à l’identification de tout groupe quelconque de personnes. On tend maintenant vers un système universel d’identification, reposant sur des signes naturels ou des marques conventionnelles appliquées sur les choses.

3. Le catalogue est, en une certaine mesure, un substitut de la chose, soit que l’on ne la possède pas ou qu’elle est de nature trop étendue, trop encombrante pour être conservée et maniée, soit que n’existant qu’en un exemplaire unique, on ne puisse lui faire prendre place dans des ordres de classement divers.

4. Dans la catalographie des objets, on distingue : la détermination des classes, des types, des choses. Par ex. les espèces végétales et animales que l’on décrit. Et les choses dans leur existence individuelle que l’on dénombre (statistique) et que l’on enregistre ou comptabilise de plus en plus.[40]

h) Étendue des notices. — La notice bibliographique peut prendre la forme représentative, signalétique, elle peut comporter aussi tout ce qu’on dit de la chose (son histoire, sa valeur, ses corrélations). Ainsi la notice bibliographique a une étendue variée : simple citation, insertion dans les prospectus, les résumés, les comptes rendus, les catalogues. La notice va jusqu’à reproduire photographiquement la page, le titre, la table des matières, parfois la préface ou des pages spécimen empruntées aux passages ou aux illustrations les plus caractéristiques. Certains ouvrages donnent lieu à des études très développées (monographies).

i) Extension de la Bibliographie. — La Bibliographie a été étendue dans trois directions : 1° Catalogue des articles de revues, des parties des ouvrages, des passages ou textes particuliers ; 2° notes analytiques de plus en plus étendues, complétant les simples titres ; 3° dispositions répétant les notices ou leurs traductions en plusieurs séries : matière, lieu, temps, éventuellement forme et langue, ordre alphabétique de l’auteur.

j) Défauts des Bibliographies. — La plupart des bibliographies ont comme défaut : 1° leur particularisme : elles sont loin d’embrasser la production internationale, qu’il s’agisse de bibliographies en forme d’ouvrages ou de bibliographies périodiques ; 2° elles sont rapidement hors de date ; 3° la délimitation du champ couvert manque de précision.

k) Desiderata de la Bibliographie. — Les critères d’une bonne bibliographie sont : 1° précision ; 2° complétude ; 3° absence de répétition ; 4° forme bien disposée ; 5° valeur critique ; 6° publication rapide.

La grande pitié des bibliographies, c’est qu’elles sont commencées avec enthousiasme et ne sont pas continuées. Des individualités sont indiquées pour faire le travail, mais elles ne disposent pas de moyens.[41]

Les références bibliographiques doivent être établies avec le plus grand soin. Le trouble causé par des négligences a été mis en évidence par Pierre Butler (Bibliography and Scholarship, In. Bibl. Soc. of Amer. Paper 16. 1922. p. 52-63). Une liste de 80 titres cités dans un certain livre ont pu être identifiés dans un catalogue de Bibliothèque seulement en consultant 3,276 fiches.

l) Bibliographie et Catalogue. — Dans sa forme complète, le catalogue de bibliothèque est une bibliographie, mais il y a entr’eux ces différences. 1° La bibliographie décrit le livre en général, le prototype de chaque livre ou document. Le catalogue décrit des exemplaires déterminés, ceux d’une collection, d’un fond donné. La bibliographie

TABLEAU DES TYPES DE BIBLIOGRAPHIES
A. — QUANT À LA NATURE DES DOCUMENTS BIBLIOGRAPHIÉS (contenu)
Matières
d’origine des publications

a
Lieu
d’origine des publications

b
Temps
des publications
d’origine

c
Formes
des documents
d’origine

d
Langue
des documents
d’origine

e
Étendue
d’origine des publications

f
1. Toutes les matières.
2. Une matière déterminée (spécifier par un indice décim.)
1. Tous les pays.
2. Un pays déterminé (spécifier par un indice décimal).
1. Tous les temps.
2. Rétrospecti-vement seulem.
3. Toutes les dates.
4. Certaine date (à spécifier éventuellement par indice décimal de temps).
5. Cour. seulem.
1. Toutes les espèces de docum.
2. Une espèce de document.
21. Livres.
22. Pério-diques.
221. Art. de fonds.
222. Faits et chroniques.
223. Biblio-graphie et analyse.
1. Toutes les langues.
2. Une langue détermin. (à spécifier par indice décimal de langue).
1. Complet.
2. Choisie.
B. — QUANT À LA NATURE DE LA PUBLICATION BIBLIOGRAPHIANTE (contenant)
Types
de notices
xxxx xxxx xxxx xxxx xxxx xxxx xxxx

g
Ordre
de classement des notices
xxxx xxxx xxxx

h
Langues
de la publication bibliographique
xxxx xxxx xxxx

i
Forme
de la publication bibliographique
xxxx xxxx xxxx

j
Périodicité
de la publication bibliographique
xxxx xxxx xxxx

k
Classement
des Tables des Matières accompagnant les divers fascicules

l
1. Notice abrégée.
2. Notice bibliographiq. complète.
3.Notice avec l’indication sommaire du contenu de l’œuvre.
4. Analyse, résumé de l’œuvre.
5. Notes critiques.
6. Faits eux-mêm. av. sources (informations documentées).
1. Numérique.
2. Alphabétiq. par auteurs.
3. Idéologique.
31. Analytique par mot matière.
32. Systéma-tique.
321. Par mot.
322. Décimal.
323. Autres notations.
33. Géogra-phiques (lieu de publ.).
34. Chrono-logique (date de publ.).
1. Notices en plusieurs langues.
2. Mixte (international).
3. Une langue déterminée (spécifier par l’indice décimal).
1. Sur fiches.
2. En volumes.
21. En volumes complets.
22. En fascicule.
3. En annexe à une autre publication.
4. En manuscrit.
41. Sur feuille.
42. Sur fiche.
1. Paraissant en une seule fois.
2. Paraissant périodiquement.
21. Tous les jours.
22. Paraissant plusieurs fois par semaine.
23. Semaine.
24. Quinzaine.
25. Tous les deux mois.
26. Tous les trois mois.
27. Annuellement
3. Irrégulièrement
1. Numérique.
2. Alphabétique par auteurs.
3. Idéologique par matière (sujet, lieu, temps).
31. Analytique.
32. Systéma-tique.
321. Mots.
322. Décimal.
323. Autres notations.
33. Géogra-phique.
34. Chrono-logique (temps de publication).


n’est que le catalogue détaillé d’une bibliothèque qui serait complète. 2° La bibliographie est un ouvrage fournissant un renseignement qui souvent épargnera d’avoir à chercher le livre même, tandis qu’un catalogue est établi d’abord comme une aide pour trouver les livres.[42]

m) Coopération, division du travail, concentration. — Le travail bibliographique est continu. Sans cesse des ouvrages récents viennent le compléter, le rectifier, l’agrandir, « Faire certains livres n’a pas de fin », dit l’Ecclésiaste. La bibliographie n’est jamais terminée : elle doit continuer. 1° À raison de la parution incessante de nouveaux livres et documents. 2° Parce que le travail accompli n’est pas réalisé dans des conditions satisfaisantes. 3° Parce que l’on est sans cesse préoccupé de refaire des bibliographies se différenciant à raison du champ couvert, de la destination, de l’étendue, de l’espèce de classement. Pour faciliter cet immense travail, éviter les recommencements ; on commence à introduire la coopération, la division des opérations du travail, la concentration des produits du travail.

n) Conception nouvelle. — En bibliographie, la conception suivante tend à prévaloir : 1° élaborer, recueillir ou dépouiller selon des bases de plan, de coopération ; 2° constituer les répertoires sur fiches manuscrites ; 3° en confier la garde à une bibliothèque ou office bibliographique ; 4° les charger d’organiser un service de renseignements (consultation sur place) ou communication de copies par correspondance.

255.2 Histoire de la Bibliographie.

a) Il y eut, dès la haute antiquité, des listes du contenu des bibliothèques et des relations parlant des livres. Avant l’imprimerie, les ouvrages sont désignés par les premiers mots du texte. C’est plus tard qu’on donne de l’importance au nom d’auteur ; on commence même, dans l’ordre alphabétique, par ne tenir compte que des prénoms.

Lorsque parait l’imprimerie, on voit bientôt les imprimeurs et les libraires eux-mêmes établir des catalogues dans un but mercantile : catalogues des « Mess » ou foires, catalogues de Plantin, etc. Au XVIIIe siècle on fait des catalogues destinés au grand public. Au début du XIXe siècle paraissent les premières bibliographies nationales périodiques (Journal de la Librairie). En 1895, une Conférence décide la création du Répertoire Bibliographique Universel et fonde, pour le réaliser l’Institut International de Bibliographie.

b) Dans l’évolution de la Bibliographie, on distingue trois époques : 1° universelle (polygraphique) ; 2° spéciale et nationale ; 3° de coopération internationale. Ces époques sont déterminées par l’histoire même du travail scientifique.

c) L’Allemagne, qui donna naissance à la typographie, a été de tous temps une grande productrice de livres. Ceci explique qu’en ce qui concerne la Bibliographie nationale, elle ait ouvert la voie. Les autres nations européennes ont suivi. Puis les États-Unis qui s’adonnèrent avec ardeur à la tâche de l’organiser et de la rationaliser.

d) La Bibliographie a, la première, posé dans le livre le problème du Total, dépassant ainsi la Bibliothèque qui, à un stade précédent, avait posé le problème de la Collection. La Bibliographie ainsi a introduit dans toute la documentation l’esprit universel et encyclopédique qui l’entraîne et la transforme en ce moment. Cet esprit dépassant même la documentation, pénètre à son tour l’organisation du travail tout entier.

255.3 Types de Bibliographie. Caractéristiques.

Les bibliographies offrent des types divers. Le tableau ci-contre permet de les caractériser et d’aider ainsi à leur développement et à leur critique. Il serait désirable qu’un accord international intervienne quant à ces caractéristiques et à leur notation. Par suite, toute bibliographie indiquerait elle-même, concernant son caractère bibliographique ou catalographique, l’analyse exacte de ses caractères et du champ qu’elle couvre. Ainsi, par exemple, une formule, un peu longue peut-être, mais tout à fait précise, donnerait a, 2(3) — b, I — c, 32 — d, n — e, 4, etc.

255.4 Types divers de Bibliographies.

La bibliographie comprend les classes de travaux suivants qui portent le nom de « bibliographies ». Il importe de connaître leur existence et de pouvoir s’en servir.

1° Les bibliographies nationales, les unes rétrospectives et récapitulatives, les autres périodiques et courantes.

2° Les bibliographies spéciales (rétrospectives ou courantes, nationales ou internationales). Elles sont éditées pour chaque science, soit par des particuliers, soit par des organismes créés, patronnés ou subsidiés par des associations scientifiques ou par les pouvoirs publics.

3° Les bibliographies dites universelles. Elles portent sur l’ensemble des ouvrages. Le Répertoire Bibliographique Universel a été entrepris par l’Institut International de Bibliographie dans le but de concentrer en un inventaire unique toutes les informations publiées par les bibliographies particulières.

4° Les bibliographies analytiques et critiques (comptes rendus, analyses, résumés, annuaires, années, parties bibliographiques des revues). Ces bibliographies sont consacrées, les unes à la littérature générale, les autres aux disciplines spéciales. Elles renseignent sur le contenu et la valeur des ouvrages et complètent ainsi les recueils dits bibliographies-titres, qui se bornent de mentionner les titres d’ouvrages. La plupart des revues publient des comptes rendus et des analyses. La plupart des sciences ont leurs recueils spéciaux d’analyses et il en est publié aussi des recueils généraux.

5° Les bibliographies choisies. Elles ont procédé à des sélections basées sur certains critères, qu’elles font connaître. Dans cette catégorie on peut ranger : les catalogues imprimés des bibliothèques, générales ou spéciales formées selon des principes rationnels ; les guides bibliographiques qui constituent des introductions à l’ensemble des connaissances humaines ou à certaines d’entr’elles.

6° Les bibliographies commerciales. Elles sont produites par le commerce de la librairie, sous toutes formes : catalogues des éditeurs (officines) ; catalogues des librairies d’assortiment : catalogues de ventes publiques et catalogues de livres d’occasion (antiquariats). Les deux dernières catégories ont une importance pour le choix des livres dont l’édition est épuisée ou dont on désire acquérir des exemplaires offrant les meilleures conditions d’état, de prix et d’édition.

La Pyramide des Bibliographies.


Sources bibliographiques. Outre les travaux bibliographiques cités ci-dessus, il est un grand nombre de documents qui peuvent être tenus comme sources de renseignements bibliographiques, bien que n’ayant pas la coordination d’ouvrages ; prospectus et catalogues d’éditeurs, comptes rendus de périodiques et de journaux, etc.

255.41 Bibliographie des Bibliographies.

Le grand nombre de bibliographies et de catalogues existants a conduit à composer des Bibliographies des bibliographies ou des Manuels de Bibliographie.

Si les livres sont des instruments de recherche au premier degré et les bibliographies des instruments au 2e degré, les Bibliographies de Bibliographies sont au 3e degré. Et comme le nombre de ces dernières s’est aussi considérablement accru, on a créé au 4e degré des Bibliographies des Bibliographies des Bibliographies. Un 5e degré a même été réalisé par une Bibliographie des B. des B. de B.

Les premières Bibliographies des Bibliographies étaient des listes de catalogues de Bibliothèque (Ph. Labbé, Bibliotheca Bibliothecarum, 1653). Peignot en 1810 a publié le premier Répertoire Bibliographique et en 1812 son extension en Répertoire Bibliographique Universel. Namar en 1838, dans son Manuel des Bibliothèques, publia 10,000 titres. En 1866 Petzholt publia sa Bibliotheca Bibliographica, œuvre fort soignée. Vallée dans sa Bibliographie des Bibliographies (1883), assez critiquée, a inclus des travaux parus dans les revues. En 1897, Stein, dans son Manuel de Bibliographie générale, essaya une synthèse de toutes les Bibliographies publiées jusqu’en 1896. Il en continua les données dans les Bibliographies modernes.

Le Manuel de Bibliographie historique de Langlois (1901-04) comprend dans sa première partie un Tableau des Bibliographies des Bibliographies.

Schneider a publié en 1923 son Handbuch des Bibliographies. C’est un choix et les bibliographies par matières en sont exclues.

Dans leur Bibliography de 1926, Van Hoesen et Walter font en texte continu un tableau général des Bibliographies.

La Bibliographia Bibliographica a été publiée par l’Institut International de Bibliographie (H. La Fontaine)

L’Index Bibliographicus est publié sous les auspices de la Société des Nations par MM. Marcel Godet et Joris Voratius.

Un grand nombre de revues bibliographiques mettent à jour les bibliographies des bibliographies rétrospectives. Ainsi le Zentralblatt für Bibliothekwesen, le Bibliographe moderne, l’Archiv für Bibliographie, Buch und Bibliothekwesen, la Bibliothèque de l’École des Chartes, The Library, The Library journal, Revue des Bibliothèques, Revista delle Biblioteche, Revista de archivos bibliotecos y museos, Het Βοοk, Bogens Verden, etc., etc. L’Index Bibliographicus, répertoire international des sources de bibliographie courante est publié sous les auspices du Comité de Coopération intellectuelle.[43]

C’est Josephson qui a publié en 1913, à Chicago, la première bibliographie au 4e degré (Bibliographies of Bibliographies).

255.42 Bibliographies Universelles.

Définition. — En principe une bibliographie universelle, doit comprendre tous les livres existants. Il n’y a donc pas actuellement une telle bibliographie, mais des efforts pour y tendre et des œuvres si générales et si étendues qu’elles n’ont pas leur place dans les autres espèces de bibliographies.

Historique. — Il y a eu des catalogues généraux de bibliothèques dès le début de celle-ci. Le Catalogue de la Bibliothèque réunie à Alexandrie par les Ptolémées et qui devait comprendre 600,000 volumes. Le Catalogue (en vers) de la Bibliothèque de Callimachus. Le Lexicon de Suidas, la Naturalis historia de Pline qui devait mentionner, dit-on, 2,000 ouvrages différents. Au moyen âge, il y a des sources bibliographiques dans les œuvres des Encyclopédies et des Sommes du temps. Après l’invention de l’imprimerie, c’est Konrad Gesner qui produit la première Bibliographie Universelle, Bibliotheca Universalis, ouvrage du XVIe siècle devenu rapidement fameux, qui fut supplémenté, indexé et résumé bien des fois. En 1698, Savonarole annonce un Orbis litterarius Universus qui fut perdu et qui aurait eu 40 volumes en manuscrit. Francesco Marucelli en 1701 commence son Mare Magnum, avec 111 volumes manuscrits. Les catalogues des foires de Francfort, avec leur caractère international deviennent la base des compilations comme celle de Draud et Georgi, mais Langlois classe celle-ci avec les bibliographies choisies d’Ebert, Brunrt et Groessel.[44]

On a tenté de dégager de la masse des millions de volumes écrits sur tous les sujets, à toutes les époques et dans toutes les langues, volumes conservés dans les longues galeries des bibliothèques, le petit nombre d’ouvrages qui ont reçu la sanction du génie et du temps. Ainsi a fait un Aimé Martin dans son « Plan d’une Bibliothèque Universelle » (Bruxelles, 1837). « Nombre très minime d’ouvrages si on le compare, dit l’auteur, à ces masses pondéreuses d’in-folio et d’in-quarto que le temps a frappés de mort et que les vers rongent sur leurs tablettes comme des cadavres dans leur tombeau ; nombre prodigieux si on ne considère que la multitude d’idées répandues dans chacun de ces livres, les principes qu’ils proclament et l’immense impulsion que l’ensemble de ces lumières peut donner au monde. » La Bibliographie Universelle ainsi comprise est nécessaire. Elle est appelée à offrir un tout complet du grand travail de l’Humanité depuis les premiers temps du monde civilisé jusqu’à nous. L’ensemble de ces divisions est une véritable histoire de l’esprit humain par les monuments mêmes de la pensée.

255.43 Les Bibliographies nationales.

1. — Notions.

Progressivement, mais sûrement, se construit le système des bibliographies nationales. Et il se construit avec autant plus de sûreté et d’efficience qu’il se propose d’être une branche articulée du système plus vaste de la documentation universelle.

a) Les Bibliographies nationales sont devenues les bibliographies fondamentales, car c’est la division par lieu de production qui donne la base la plus sûre et la plus rapide pour un premier enregistrement des livres. Ultérieurement les ouvrages sont repris dans les autres bibliographies. Mais il y a toujours intérêt à y recourir lorsqu’il n’existe pas encore de bibliographies spéciales, lorsqu’on veut des sources plus générales que celles contenues dans ces dernières, quand il y a lieu de vérifier les références, pour compléter les bibliographies spéciales qui souvent négligent les ouvrages anciens, pour connaître les tout derniers ouvrages parus, pour compléter les renseignements concernant les ouvrages déjà connus, mais que les bibliographies spéciales ne décrivent ni complètent. (Par ex. l’imprint, la collation, le prix).

b) Les bibliographies nationales, en général, contiennent les ouvrages publiés dans le pays par les auteurs du pays et sur le pays.

c) La compilation des bibliographies a trois sources : commerciale (associations d’éditeurs et de libraires) ; gouvernementale (dépôt légal, copyright) ; scientifique (le travail des bibliographies).

d) Les bibliographies nationales ont commencé par des listes d’imprimeurs souvent affichées à la porte de leurs officines ou dans les locaux universitaires.

e) Aucune bibliographie nationale n’est complète, achevée. Mais on la trouve plus ou moins achevée, répartie entre divers types de publications. Ainsi les ouvrages d’après les temps, avec une place à part pour les manuscrits et les incunables, les livres, les documents autres que les livres, notamment les cartes, gravures, musique ; les livres, les périodiques et les articles de périodiques, les œuvres d’après les diverses langues nationales parlées dans le pays ; la bibliographie en volumes ou sous forme de publications continues ; la bibliographie due à l’une des trois sources indiquées ci-dessous ou à la combinaison de deux ou trois, elle donne lieu à des recueils par ordre de date ; par bibliographies locales, par matière systématique ou par matière alphabétique, il y a un système qui est cumulatif.

2. — Types réalisés.

Pour l’Angleterre, il y a lieu de faire ainsi les recherches. 1° Publication de la dernière semaine : Publisher’s Circular. 2° Publication du dernier mois : Publisher’s Circular Monthly ou Bookseller. 3° Pour le dernier trimestre : Whitaker’s Cumulative List. 4° Pour la dernière année, le Whitaker ou l’English Catalogue. 5° Pour des ensembles d’années, l’English Catalogue. 6° Pour certains siècles, le London Catalogue ou les Term Catalogues ou le Transcript of the Stationer Register.

Mais on a en outre les grandes sources du Catalogue du British Museum, de la Cambridge History of English Littérature.

La France possède la Bibliographie de la France récemment réorganisée, le Catalogne mensuel de la Librairie française commencé par Lorenz et continué par Jordell, le grand Catalogue de la Bibliothèque Nationale et son Bulletin mensuel des récentes acquisitions françaises. La H. W. Wilson Company (New-York) a entrepris un vaste système de catalogue imprimé, dont les caractéristiques sont les suivantes : 1° En un volume (The United States Catalog) toutes les œuvres publiées en Amérique encore en librairie en 1928. Les titres arrangés en un seul ordre alphabétique sous l’auteur, le titre et le sujet (190,000 titres, 575 entrées, 3,164 pages). 2° Supplément. Cumulative Book Index 1928-32, 2,300 p. Il comprend tous les livres de langue anglaise. 3° Service courant pour l’année, paraissant en 12 fois en fascicules se cumulant par deux mois, quatre mois, six mois et douze mois. La publication donne l’indication du prix de l’éditeur, de l’édition, de la reliure et la date de publicité. Elle s’étend aux livres publiés par les éditeurs, les auteurs, les sociétés, les instituts, les livres publiés par souscription, un choix de documents gouvernementaux, les brochures.

Récemment de nouveaux progrès ont été réalisés en Allemagne. Ils émanent de la puissante organisation des Éditeurs-Libraires unis dans le Börsenverein à Leipzig. Ils portent sur la Bibliographie allemande, la « Deutsche Nationalbibliographie ».

Les Allemands portent le génie et la patience de l’organisation dans le domaine intellectuel, comme déjà ils l’ont fait dans le domaine industriel sous le double signe de la rationalisation et de l’efficience. Sans doute la bibliographie coûte à établir et de l’argent et du travail, des soins aussi et des idées. Mais une méthode rationnelle trouve tant d’économies à faire par un meilleur enchaînement des opérations, que les ressources se trouvent. Elles sont assurées quand, aux utilités du travail fait, viennent s’ajouter d’autres utilités de grand rendement. Voici la chaîne ;

1° Les producteurs du livre allemand, il y a bien des années, ont commencé par s’associer : éditeurs, dépositaires, libraires, et ils ont réalisé cette machinerie formidable qui a nom « Börsenverein » (Bourse du Livre de Leipzig). Les quelques 30,000 libraires répartis par toute l’Allemagne et dans un bien grand nombre d’autres pays ont eu un lien avec un centre, ce qui leur a facilité à la fois les commandes, les expéditions et les règlements de compte.

2° Cette organisation a créé de toutes pièces la Deutsche Bucherei, la grande Bibliothèque nationale allemande, où tout ce qui paraît en allemand, n’importe où, vient se concentrer. Ses volumes sont en quelque sorte des exemplaires témoins réunis à toutes fins, celles de la Pensée, de la Culture, de la Technique, de l’Administration et aussi celles du Commerce des Livres.

3° Les livres produits et offerts en vente, il faut les cataloguer ; il faut aussi cataloguer la Deutsche Bucherei, il faut enfin élever un monument total à la Pensée allemande écrite et imprimée (Schriftum), à sa bibliographie. On a voulu faire en une fois les opérations nécessaires à ces trois objectifs autrefois distincts, séparés et recommençant chacun un même travail, ou à peu près, sur nouveaux frais. Le résultat est la Deutsche National Bibliographie.

4° Celle-là a procédé par fusion de ce qui existait et sans dommage pour personne. C’est ainsi qu’a été élevée au rang et à la fonction nouvelle la publication bibliographique hebdomadaire ancienne et bien connue, le Wöchentlichen Verzeichnisse.

5° Pour être utile à toutes les bibliothèques, on a réalisé ces deux réformes : les notices des livres, au lieu d’être faites d’une manière sommaire et quelconque sont maintenant conformes aux règles catalographiques de l’instruction prussienne, au lieu d’être imprimées en pauvres petits caractères, elles se présentent maintenant en très beau texte.

3. — Desiderata et recommandations.

On peut formuler en ces termes les desiderata et recommandations des bibliographies nationales.

1° Principe — La bibliographie nationale doit constituer un système complet à tous les points de vue : a) auteurs, b) éditeurs, c) matières, d) lieux, e) temps, f) formes, g) langues des publications.

2° Extension. — Le système doit comprendre : a) l’état civil de ce qui a paru, sous forme de description bibliographique ; b) autant que possible l’analyse du contenu des ouvrages ; c) leur classement ; d) les indications catalographiques se référant aux grandes bibliothèques nationales ou spéciales du pays.

3° Quant aux formes. — Le système doit s’étendre à : a) livres ; b) périodiques et journaux ; c) contenu des périodiques (éventuellement articles de fond de grands journaux) ; d) publications, éditions sur fiches ; e) gravures, estampes, photographies ; f) cartes et plans ; g) musique.

4° Quant au temps. — De l’origine à nos jours, en deux séries distinctes ; a) partie rétrospective ; b) partie courante périodique.

5° Quant aux matières. — Tous les sujets, concernant tous lieux et à tous les temps.

6° Quant aux auteurs. — a) Les auteurs nationaux, qu’ils habitent dans le pays ou à l’étranger (on peut indiquer ces derniers par une astérisque) ; b) auteurs étrangers publiant sur le pays, les habitants, les personnages ou les œuvres du pays.

7° Quant aux imprimeurs et éditeurs. — Toutes les publications imprimées dans le pays, qu’il s’agisse d’auteurs nationaux ou étrangers, de matières nationales ou étrangères.

8° Mode de publication. — Publication unique, mais sous différentes formes répondant à diverses utilités : a) forme volume ou fascicule à relier en volumes ; b) édition sur papier pelure facilitant le découpage et le collage sur fiches ; c) s’il se peut, édition sur fiches.

9° Rédaction des notices. — a) Notices complètes ; b) règles catalographiques internationales ; c) dispositifs permettant de répondre à la fois aux besoins de la bibliographie comme à ceux des catalogues de bibliothèques. À cet effet notamment impression des notices de référence (additional entries) sous les notices principales auxquelles elles se rapportent et la cote de placement portée par l’ouvrage dans le catalogue de la Bibliothèque nationale ; d) un numérotage d’ordre continu des notices et dont les numéros sont placés à la fin de chaque notice, en bas, à droite.

10° Classement. — a) Classification systématique (classification décimale) ; b) vedettes analytiques ou mot matière indiquant brièvement le sujet traité par la publication (en bas, à droite).

11° Langue de la bibliographie. — La langue nationale : titre, avertissement, éventuellement les tables en les diverses langues, s’il y a plusieurs langues nationales, le corps de la bibliographie étant dans la langue originale de chaque ouvrage avec éventuellement traduction du titre en plusieurs langues sous forme de note.

12° Tables. — a) Table des auteurs et des titres des ouvrages anonymes ; b) table alphabétique des titres des périodiques ; c) table des entrées décimales complémentaires de la partie principale classée décimalement (indexation multiple, entrées par lieux) ; d) table analytique (alphabétique des matières avec renvoi aux indices de la classification décimale) ; e) principes des tables cumulatives ; f) tables mensuelles, annuelles, décennales.

13° Couverture. — a) Couverture amovible, formant dossier ; b) donnant sur son recto la table des principales rubriques dans l’ordre systématique, avec renvoi à la fois aux pages et aux numéros d’ordre des notices.

14° Suppléments. — Suppléments destinés à faire connaître les ouvrages des années antérieures qui n’ont pas été relevés dans les fascicules ou volumes des années où les publications ont paru.

15° Parties. — Parties distinctes : 1. pour les livres ; 2. pour les titres de périodiques et journaux ; 3. pour les articles ; 4. pour les estampes, la musique.

16° Pagination. — Spéciale pour chaque partie.

17° Annexes. — 1. Introduction explicative ; 2. historique des transformations de la publication ; 3. statistique de la production bibliographique du pays conforme aux tableaux statistiques internationaux ; 4. caractéristiques de la Bibliographie aux divers points de vue indiqués sous n° 255.2 et notamment la formule numérique de ces caractéristiques.

18° Moyen d’établissement. — a) Les ouvrages sont à rassembler par la Bibliothèque nationale du pays, soit par la voie de dépôt légal, soit par la voie d’achat ou de don des auteurs et éditeurs ; b) ententes avec les imprimeurs, les éditeurs, les administrations publiques éditrices, les sociétés et corps savants, les associations d’éditeurs de journaux et de revues ; c) correspondants dans les provinces.

19° Coordination. — Dans chaque pays la Bibliographie nationale devrait être établie de manière à combiner en un instrument unique les desiderata de la Science, ceux des Bibliothèques, de l’Édition et de la Librairie. À cette fin, notamment : 1° la bibliographie devrait être établie non seulement en volumes, mais aussi sur fiches ; 2° cette dernière comme aux États-Unis combinée avec le certificat de dépôt aux fins administratives et du droit d’auteur ; 3° tout livre devrait recevoir son numéro matricule en même temps que son indice numérique de classement. Le numéro serait désormais substitué aux longues descriptions, coûteuses d’écriture, de transmission télégraphique et de transmission comptable. La cote (France 1929, n° 1426) devrait suffire pour indiquer avec concision, précision et certitude tel ouvrage de tel auteur sur tel sujet, édité par telle firme en France en 1929. Cette désignation d’identité attribuée initialement à l’ouvrage serait imprimée sur lui, dans sa notice et sur les fiches y afférentes.

255.44 Bibliographie spéciale par matières.

Il y a des bibliographies spéciales de toutes les sciences, de presque tous les sujets spéciaux. Parmi les bibliographies spéciales, il est des œuvres considérables. Nous en mentionnerons seulement quelques-unes.

Ainsi l’International Catalogue of Scientific Littérature, l’Index sur fiches du Concilium Bibliographicum créé à Zurich en 1895 par Herbert Haviland Field, l’Index Catalogue suivi de l’Index Medicus, le Manuel de Bibliographie historique de Langlois, le Manuel de Lanson, le Guide to the Study of History, sous les auspices de l’American Historical Association.

En Histoire naturelle, Minéralogie, Botanique, Zoologie, la Bibliographie a besoin d’organisation. Son travail ne se confine pas au laboratoire ou à l’observatoire. Il est répandu à travers toute la terre et les publications de la plus obscure histoire locale peuvent contenir des observations de phénomènes naturels.

L’International Catalogue of Scientific Littérature. Ce catalogue a été entrepris par une organisation internationale sous les auspices de la Société Royale de Londres. Celle-ci avait publié le Catalogue of Scientific Papers, bibliographie du contenu des périodiques scientifiques de 1600 à 1900.

Le Catalogue of Scientific Literature commencé en 1901 a édité jusqu’à ce jour 216 volumes contenant environ 3,000,000 de références aux périodiques de sciences de 34 pays. Il a cessé de paraître. Son organisation reposait sur un Bureau international à Londres et des Bureaux régionaux qui y envoyaient les fiches des travaux nationaux. Il était publié annuellement un volume par science. Une classification générale avait été élaborée, représentée par des lettres suivies d’un numérotage en quatre chiffres. On a fort critiqué le catalogue Retard, incomplet, trop peu de références croisées dans les index ; classification insuffisante, se présentant dans son isolement et occupant presque toutes les lettres de l’alphabet, sans s’inquiéter des autres sciences, technique et sciences appliquées laissées de côté ; non utilisation des bibliographies périodiques existantes, coopération restreinte ; pas de souci de la Bibliographie universelle.

La Smithsonian Institution en décembre 1932 a présenté un plan pour la reprise des travaux du Catalogue International, en se fondant sur le fait qu’il existe encore une vingtaine de Centres nationaux de documentation pour la bibliographie scientifique qui sont entretenus par des fonds gouvernementaux. Le Plan nouveau consiste à réunir un fonds de roulement de 75,000 dollars que devraient verser des fondations éducatives ou des donateurs privés et à faire appel à des souscriptions en payant 50 dollars par an. Une liste de 1,000 noms a été dressée. On estime que la matière réunie par les Bureaux nationaux et non publiée a une valeur de un à deux millions de dollars.

Le Biological Abstracts a été rendu possible par l’aide de la fondation Rockefeller de la Laura Spelman Rockefeller Memorial, de l’American Council of Learned Societies, du National Research Council.

255.45 Autres espèces de bibliographies.

a) Les bibliographies à base de formes ou de généralités dites parfois erronément « bibliographies spéciales » sont distinctes des bibliographies universelles et de celles à base de matières ou des bibliographies nationales. Leurs particularités les font grouper sous les titres suivants, d’après la caractéristique des ouvrages qui sert au groupement. 1° L’auteur, ex. auteurs, collectif, classes d’auteurs, plagiaires. 2° L’édition ou la publication (ex. premières éditions, ouvrages inachevés, éditions de luxe, éditions microscopiques, livres supprimés, exemplaires d’associations. 3° Affinité de contenu, par ex. Erotica. 4° Valeur ou usage : les meilleurs livres, les livres de textes, les livres de références, etc.

b) Il y a des types de bibliographies s’attachant à des caractéristiques secondaires, mais qui ont leur utilité, par ex. celles des éditions des classiques considérées comme définitives, celles des livres à bon marché des bons auteurs (Teubner, Tauchnitz. Everyman, etc.), celle des livres annoncés sans jamais paraître ou commencés à paraître et jamais achevés. Mais d’autres sont futiles. Par ex. celles-ci « Books printed in two point fly’s eye type », livres imprimée sur des « yeux de mouche », c’est-à-dire sur le 8e de l’interligne des livres ordinaires.

c) Les bibliographies des publications officielles ont été faites sur le tard. Les documents officiels sont en nombre élevé. Les Blue Books anglais étaient d’environ cent par an avant la guerre. Ils paraissent sous les noms des divers départements ou administrations spéciales, ce qui rend les recherches difficiles. Les États-Unis ont donné les plus grands soins à leurs documents officiels. Ils en ont centralisé l’impression, les services du « Printing Office », la distribution dans ceux du superintendant of Documents, le collectionnement dans la Library of Congress, le catalogue dans les fiches éditées par cette bibliothèque. Voir les ouvrages de Swanton, Guide to U. S. Government publications, de Clarke. Guide to the Use of the U. S. Government Publications, Everhart, Handbook of U. S. Public Documents. Il y a maintenant les abondantes publications de la Société des Nations et du Bureau International du Travail.[45]

d) Les publications de sociétés, les dissertations et Festschriften ont été relevées dans nombre de recueils. Par ex. : Minerva, Index generalis, Handbook of Learned Societies, Bibliographie des travaux scientifiques de Deniker.

e) Il y a des listes de livres remarquables par leur histoire, leur association, etc. Ex. livres perdus et imaginaires, livres accidentellement détruits, livres supprimés, prohibés, expurgés (par ex. Romans à lire et à proscrire de Bethléem), livres en exemplaire unique, livres dédicacés, livres ayant appartenu à des célébrités, portant des autographes, des notes manuscrites, etc. Parmi les livres imaginaires, on a cité celui-ci du XVIIIe siècle : Mémoire sur l’usage des chats dans l’art musical et sur la manière de pincer leur queue pour les faire miauler en concert.

f) Anonymes et pseudonymes. — Il y a des bibliographies spéciales des ouvrages dont les auteurs sont anonymes ou pseudonymes. Ainsi Samuel Halkett and John Lang : Dictionary of Anonymous and pseudonymous literature (1926-1933).

g) Bibliographie à base de date des publications. — On a établi des bibliographies dans l’ordre chronologique de parution des ouvrages. Ex. Napiersky : Chronologischer Conspect der Lettischen Literatur von 1587 bis 1830. — En fait, tous les recueils périodiques de bibliographie constituent des bibliographies chronologiques, ce qui apparaît très sensiblement quand les collections se continuent sur plusieurs années. Les bibliographies spéciales sont souvent établies dans l’ordre chronologique qui est l’ordre du développement de la science. Ex. Maurice Lecat : Bibliographie du Calcul des variations, 1916. Le classement par ordre des ordres donne lieu à bien des particularités. Voir à ce sujet Vöge, A. Law : a Chronological arrangement of Subject cards in a dictionary Catalog. (Library Journal, 1917, n° 6, p. 441-443).

h) Catalogue des Éditeurs, des Libraires et des Ventes publiques. — Les catalogues des éditeurs revêtent diverses formes. Catalogues complets (souvent véritable historique de leur maison). Catalogue de leurs livres nouveaux. Catalogue de leurs livres dits « de fonds », c’est-à-dire encore en vente. Les éditeurs publient des notices et circulaires, sur feuilles ou sur fiches, avec ou sans compte rendu, prêtes à l’insertion. Il existe des catalogues communs aux éditeurs d’un pays (par ex. en France le Le Soudier) ou d’une spécialité. Ce sont alors des catalogues individuels des maisons d’édition, imprimés aux mêmes formats et réunis par les liens d’une table commune des matières. Les catalogues des libraires paraissent en nombre considérable. Ils sont de caractère universel, traitant de tout. On a réalisé pour les librairies des tirages à part de la Bibliographie de la France, présentés sous le nom imprimé de divers libraires. Il y a les catalogues de bouquinistes (antiquariat), les catalogues des ventes publiques et la publication des prix auxquels y sont vendus les ouvrages. (Book-prices Current).

i) Bibliographie des meilleurs livres. — John Lubbosk (On the Pleasure of Reading) a donné une liste des cent meilleurs livres, von Möllendorff (Die Weltlitterature), 975 livres avec une table de comparaison par pays montrant la part la plus importante de l’Italie. Sonnenschein (Best Books) a publié en 1910 une liste de 100,000 ouvrages, mais toutes les langues ne sont pas bien représentées. N. Roubakine (Parmi les Livres). Al. Philip publie annuellement un recueil Best Books, avec excellentes introductions et classements détaillés, une sorte d’histoire de la littérature scientifique. Le Guide polonais des autodidactes, L’A. L. A. Catalogue par l’American Library Association, édition de 1906, liste de 10,000 ouvrages de base, avec annotations et classés selon la classification décimale. Elle est supplémentée par Booklist, mensuel. L’A. L. A. Reading with a Purpose, a series of Reading Course. Kœller et Volckmar, Kleine Littératurführer. Le Répertoire bibliographique de la Littérature française, de Federn, etc., etc. L’Institut International de Coopération Intellectuelle a publié des listes d’ouvrages remarquables parus dans les différents pays au cours d’une année déterminée. Sous la direction de Tweney, le projet a existé d’un « Guide bibliographique international », classé décimalement. De nombreux concours ont été organisés pour déterminer les meilleurs livres : il en a même été un dont le jury était composé d’enfants de moins de 12 ans. Deux tendances sont en opposition : ceux qui voudraient qu’on procède à l’élimination des livres moins intéressants et les partisans de l’universalité. Melius est abundare quam deficere.

j) Ouvrages dits de référence. — On a défini les ouvrages de référence, les « clearing bouse Des connaissances », les « bibliothèques en miniature ». Ils comprennent les encyclopédies, les dictionnaires, les annuaires, les traités et manuels concernant toutes les sciences et qui contiennent beaucoup de bibliographies. Buck G., Keys to the Halls of Books (1926), énumère 25 types de livres de références. — Mudge a publié New Guide to Reference Books (1923). — Kroeger, Alice B. Guide to the study of Reference Books (1917). — La Reynold’s Library (Rochester, E. U.) a projeté de centraliser tous les catalogues des livres de référence. — Les congrès sont en nombre considérable (on en a compté plus de 3,000 de 1842 à 1910). Ils donnent lieu à des travaux abondants publiés en volumes séparés, en cahiers ou fascicules de publications séparées, dans les périodiques. — La bibliographie courante est complétée par la chronologie des événements et par les histoires de la science, de la littérature, de l’art, par les rapporte sur les progrès réalisés dans les diverses branches des sciences et des activités. — Les Tables annuelles de Constantes, telles que les publie C. Marie et des organismes américains sont des auxiliaires de la Bibliographie limitée aux recherches quant aux données qu’elles enregistrent.

k) Biographie. — Il existe un grand nombre de recueils de biographies, les uns rétrospectifs, les autres courants, et des renseignements bibliographiques sommaires dispersés dans les dictionnaires et les annuaires. — Les histoires littéraires, Biobibliographie et Encyclopédie sont des sources importantes de bibliographie pour les auteurs de tous pays et de tous temps. Elles sont nombreuses : Zedler, Ersch et Gruber, Niceron, Joecher, Vapereau, Michaud. Hœfer. Il y a les dictionnaires de biographie nationale. Les renseignements sur les auteurs contemporains sont difficiles à se procurer. Il y a : Angleterre Who’s who (1933, 85e année), États-Unis Who’s who in America (1932, 17e vol.), France, Qui êtes-vous (1924), Allemagne, Wer ist’s (1928. 9e éd.). Italie Chi e (1928-1929), Pays-Bas, Wie is dat (1932, 2e éd.), R. K. Wie is dat.

255.46 Bibliographie des périodiques et des journaux.

Il y a lieu de distinguer la bibliographie des périodiques et celle des articles de périodiques ; la bibliographie des journaux et celle des articles de journaux.

a) La bibliographie des périodiques prend souvent le nom d’Annuaire de la Presse. Le Congrès international de la Presse Technique 1928 s’est occupé d’un Annuaire international de la Presse Technique Mondiale. Stein, dans son Manuel de Bibliographie générale, donne le Répertoire des tables générales de périodiques de toutes langues. L’inventaire des périodiques scientifiques des Bibliothèques de Paris a été dressé sous la direction de M. A. Lacroix (Paris. Masson, 1924-25, 4 vol. in-8o) (Académie des Sciences). — La World List of Scientific Periodicals published in the Years 1900-1921 (London University Press 1923) relève 24,678 titres. C’est un catalogue collectif des bibliothèques de Grande-Bretagne. Il propose des abréviations, donne les éditeurs, changements de titres et leurs dates, identité des périodiques ayant eu divers noms, dates d’interruption, indication des bibliothèques où un périodique peut être consulté ou obtenu en prêt.

b) L’International Index to Periodicals, que publie maintenant la H. Wilson Co est une table du contenu d’un large ensemble de périodiques publié 5 fois par an, le 6e fascicule est combiné avec le volume annuel qui cumule et refond les données de toute l’année. Tous les 4 ans, le volume de l’année est remplacé par un volume qui réunit cumulativement la matière avec les 3 volumes précédents. Les 4 volumes pluri-annuels de la collection couvrent ensemble les années 1907-1927, soit 21 ans, et comprennent 384,000 entrées. Le mode de publication adopté permet d’annuler successivement les fascicules accumulés et d’utiliser l’immense matière selon un minimum d’ordre alphabétique recommençant.

c) Le problème de l’unification du système des abréviations des titres de périodiques a été étudié par la Commission de Coopération Intellectuelle, discutée par la Réunion des Bibliothécaires, examiné en liaison avec celle-ci par le Congrès International des Bibliothécaires a Rome. On possède maintenant dans la World List of Scientific Periodicals un instrument pratique pour les abréviations des titres des revues.

d) Des travaux considérables portant sur les dépouillements des périodiques ont été entrepris en tous pays et dans les différentes branches des sciences ou des activités. Ainsi, par exemple, le Poole Index américain, le Schedulurium (fiches) du Concilium Bibliographicum, le Catalogue of Scientific Papers (XIXe siècle), le Catalogue International de la Littérature Scientifique (1900-1914). On trouve la liste de dépouillements dans la Bibliographie des Bibliographies et pour les temps récents dans l’Index Bibliographicus. Le Poole Index a été la première œuvre de cette nature. Il a enregistré en coopération. 590,000 articles de 470 périodiques différents et il a été continue par l’Annual Literary Index et par l’Annual Library Index.

La Bibliographie de Belgique a publié chaque année la liste des périodiques paraissant dans le pays. Pendant plusieurs années la Bibliographie de Belgique publiait aussi en coopération avec l’Office International de Bibliographie, un Bulletin des Sommaires des Périodiques. Les articles des revues y étaient relevés en forme bibliographique, munis chacun de leur indice décimal.

e) Les listes de journaux sont souvent données avec celles des périodiques. Il y a des bibliographies ou tables des matières de quelques journaux, recueils précieux pour s’orienter dans les faits contemporains. (Ex. : The Times Index, New York Times Index.)

f) La Bibliographie des Périodiques et des Journaux est une œuvre immense, elle ne peut être réalisée que par coopération et publiée sous forme de recueils divers. Elle est appelée à être concentrée dans le Répertoire Bibliographique Universel.

255.47 Catalogues des grandes bibliothèques.

a) Les catalogues des grandes bibliothèques sont des œuvres considérables, poursuivies à travers plusieurs générations. Les grands types sont ceux des Bibliothèques nationales de Paris, Londres (British Museum), Washington (Library of Congress), Berlin, Vienne, Madrid, Rome, Leningrad. Certains de ces catalogues sont imprimés, d’autres sont à l’état de manuscrit. Ils comportent des suppléments et des compléments. Parmi les catalogues imprimés, il y a lieu de citer ceux du Peabody institute de Baltimore, de l’Université d’Edinburgh, de l’Université de Leyde, de la Bibliothèque Royale de Copenhague, de la Bibliothèque publique de Dresde, de la Bibliotheca National de Santiago.[46]

b) Les catalogues sont aussi anciens que les bibliothèques mêmes. Ils ont existé déjà dans les bibliothèques de Ninive, Babylone, d’Athènes, de Thèbes, Carthage, Rome, Alexandrie et autres de l’antiquité. Les catalogues primitifs et ceux des temps postérieurs étaient fort imparfaits ; ils étaient ordinairement par noms d’auteurs ou disposés selon un ordre de matières plus ou moins arbitraire. Il n’y avait pas de règles fixes pour le catalogage. On se servait généralement de grands registres reliés, en laissant pour les intercalations des blancs rapidement remplis, ce qui donnait lieu à toutes les complications, des surcharges, des compléments et des additions. L’œuvre du catalogue était un perpétuel recommencement, chaque fois suivant des systèmes différents. C’est vers le milieu du XIXe siècle que la catalographie a reçu une vive impulsion. On a adopté des catalogues sur fiches mobiles, se prêtant à l’écriture à la machine. On a arrêté des règles catalographiques, on s’est entendu pour standardiser et à la fois généraliser et unifier règles et formats.

c) Espèces de catalogues. — Les catalogues des bibliothèques sont : Quant à l’objet, consacrés à l’ensemble des collections ou distinctement aux livres, aux périodiques, aux cartes et plans, aux manuscrits, aux incunables, aux ouvrages de référence. Quant au classement par auteur, par matière systématique, par matière ordre alphabétique. Quant au mode d’établissement manuscrit ou imprimé, en registre ou sur fiches, rétrospectif ou accroissement.

On peut diviser les espèces de catalogues en : A. Catalogues généraux : 1. catalogue onomastique ou alphabétique d’auteurs (name catalog) ; 2. catalogue méthodique ou systématique (subject catalog) ; 3. catalogue topographique (shelf list) ; 4. catalogue dictionnaire (dictionary catalog) ; 5. catalogue d’acquisition (inventaire, accessoire hook). B. Catalogues spéciaux. Ces catalogues sont en nombre illimité et peuvent correspondre à chaque espèce de fond ou collection : manuscrits, incunables, ouvrages rares et précieux, périodiques, partitions de musique, thèses académiques, gravures et estampes, cartes et plans, ouvrages en double ou incomplets, etc. Il y a intérêt à joindre au catalogue général, le plus grand nombre de ces catalogues particuliers.

d) Le catalogue général de la Bibliothèque nationale de Paris, qui est aussi la plus importante des bibliographies rétrospectives, est arrivé en 1933 à 122 volumes à la lettre N. Sur son histoire, consulter l’introduction de M. L. Delisle dans le T. I. du Catalogue général des imprimés de la Bibliothèque Nationale.

La publication photographique du Catalogue de la Bibliothèque Nationale de Paris va être facilitée par suite de l’action d’une Commission désignée par l’American Library Association. 40 bibliothèques américaines ont décidé de souscrire au catalogue, à raison de 250 francs au lieu de 125. Par ce supplément d’environ 2 millions de francs, le catalogue sera achevé en 11 années au lieu des 25 années prévues. Le procédé photostatique donnera lieu a 50 volumes par an avec 3,200 entrées, en cahiers de 50 pages. Chaque volume coûte 35 dollars relié, soit 11,000 dollars pour le tout. Une nouvelle édition du catalogue imprimé originairement de A à L, a été entreprise par les procédés Catin (sorte de procédé anastatique). Le travail sera effectué par une organisation spéciale avec des catalogueurs retraités, recevant des appointements de 15,000 fr. soit la moitié du montant de leur traitement antérieur, mais qui s’ajoutent aux 15,000 fr. de leur pension elle-même.

e) Il y a crise dans les Catalogues des Bibliothèques en Allemagne, L’ancien catalogue systématique est victime de l’immense essor des sciences durant cette dernière dizaine d’années. La Deutsche Bucherei est passé au classement mécanique d’après le Numerus currens. Le catalogue systématique de la Bibliothèque de l’État de Prusse à Berlin, qui comprend plus de 1400 volumes in-folio (la Bibliothèque a 2 millions de volumes), est l’un des rares qui ait survécu aux assauts du temps. Un index alphabétique-matières, achevé aux trois quarts, lui a été joint. Le catalogue-dictionnaire n’a pu s’implanter jusqu’ici en Allemagne.

255.48 Catalogues collectifs de bibliothèque.

a) Entre les catalogues de bibliothèques particulières et la bibliographie prennent place les catalogues collectifs (Union Catalogue). Ils sont consacrés à l’inventaire des ouvrages possédés par un ensemble de bibliothèques. Par l’étendue du champ qu’ils couvrent, ils constituent une contribution importante à la bibliographie et peuvent même d’un certain point de vue être considérés comme une bibliographie choisie.

b) Les catalogues collectifs ont pris comme base, tantôt le lieu de dépôt (catalogue collectif des bibliothèques de telle ville, telle région), tantôt la nature des publications (périodiques ou manuscrits), tantôt la matière (livres de telle science).

c) Parmi les catalogues collectifs, on doit signaler l’Union Catalogue des États-Unis (Library of Congress), le « Gesamt Katalog » des bibliothèques de Prusse, le catalogue collectif de Stockholm et d’Oslo, le catalogue collectif des périodiques possédés par les bibliothèques de Paris, le catalogue collectif des bibliothèques de Belgique (Office International de Bibliographie et de Documentation). Des catalogues collectifs existent notamment en France pour les manuscrits, les richesses d’art et les fonds spéciaux des bibliothèques provinciales, les incunables.

d) Le Gesamtkatalog der Preussische Wissenschaftlischen Bibliotheken (Catalogue collectif des Bibliothèques scientifiques de Prusse), entrepris sur fiches en 1895, renferme maintenant en gros 2 ½ millions de titres et est tenu continuellement à jour quant aux titres imprimés à Berlin. On en a commencé l’impression. Lorsque la publication sera terminée, il suffira à chacune des bibliothèques d’ajouter à la main sa cote propre à la suite des titres des ouvrages qu’elle possède dans son propre fond, pour avoir, en remplacement de son catalogue périmé, un nouveau catalogue composé avec unité.[47]

e) À l’initiative de M. Berghoeffer, la Bibliothèque Rothschild de Francfort sur Main a réalisé un catalogue collectif des bibliothèques de langue allemande (Samenkatalog wissenschaftlicher Bibliotheken der Deutschen Sprachgebiets). Commencé en 1891, il compte actuellement plus de 3 millions de titres avec 4 millions d’indications du lieu de dépôt du livre (Foundorten). C’est une refonte des catalogues imprimée et dactylographiés, ainsi que des registres d’entrée des bibliothèques scientifiques de langue allemande (Allemagne, Autriche, Luxembourg, Suisse et Hollande). Il est à base d’une quadruple classification, géographique, chronologique, par noms d’auteur et par matières.[48]

f) Le National Union Catalogue, catalogue collectif de Grande-Bretagne, se poursuit à l’initiative de la National Central Library (Londres) et de son Information Department (Inquiry Office of the Joint Standing Committee on Library Corporation).

g) Une entente est intervenue entre la Library of Congress et la American Library Association pour la préparation d’un catalogue américain (Library of Congress Union Catalogue). Il s’agit d’arriver au catalogage de 8 à 9 millions de titres. Actuellement 7 millions sont déjà catalogués (6,600,000 de place de 5 millions de titres). La Rockefeller Foundation est intervenue dans le premier plan quinquennal de l’œuvre pour 50,000 dollars par an. On a porté l’effort sur les ouvrages les moins demandés (Unusual book), notamment ceux antérieurs à 1800 ou en langue étrangère avant 1870. Pour retrouver de tels ouvrages dans une bibliothèque universitaire de 144,000 unités à la Liste des Acquisitions il a fallu 41 ¼ heures et les 12,300 titres choisis ont pris 140 heures de copie.

b) On a formulé le regret que jusqu’ici l’entente, pour publier en commun leur catalogue, n’ait pu se réaliser entre les grandes bibliothèques du monde : Paris, Londres, Berlin, Washington.

Que les catalogues collectifs nationaux aient cependant un intérêt international est démontré notamment par le fait qu’à l’intervention de l’American Library Association et de la Bibliographical Society of America, une souscription a été faite en faveur du Preussische Gesamt Katalog par la Rockefeller Foundation.

255.49 Répertoire des collections.

On a établi des répertoires ou listes des grandes collections spéciales d’ouvrages existant dans certains pays. Ainsi, pour les États-Unis, l’Index directory to special collections (Richardson). Pour la Grande-Bretagne, le Special Libraries Directory, publié par A. S. L. I. B.

255.5 Résumés et analyses.

a) Les résumés forment l’exposé de la documentation. Ils consistent dans l’analyse sous une forme succincte de ce qui est contenu dans les documents (concision, condensation, extraction de la « substantifique moelle »).

b) La valeur des résumés est en fonction du choix des documents à résumer, du degré de plénitude que l’on peut attendre dans le nombre de renseignements, du degré requis d’originalité, de nouveauté et d’importance, enfin de leur exactitude et de leur fidélité.

c) Le résumé a une valeur en soi. La brièveté d’un exposé contraint à mettre en lumière les principes fondamentaux et à adopter un plan faisant ressortir à la fois la situation d’un sujet et son dynamisme interne.

d) On a abusé du résumé. Les Allemands avant la guerre, a-t-on dit, avaient fini par travailler au moyen des « Centralblätter », Ils se dispensaient trop de recourir aux travaux mêmes et d’en recevoir l’impression complexe et directe d’une source primaire. Il faut avant tout travailler d’après ces sources. Les Américains ont tendance à reprendre une idée semblable ; tout y est aux abstracts. Cependant, malgré ces critiques, le résumé est un fait et il a son rôle à remplir. Les recueils de résumés doivent être comme un journal scientifique qu’on lit pour connaître les « nouvelles », pour être au courant grosso modo de ce qui se passe, pour ne rester dans l’ignorance totale d’aucun fait essentiel. Mais celui qui, se bornant aux journaux, ne lirait jamais le compte rendu des Parlements, ni les livres de pièces diplomatiques, ni les mémoires et souvenirs des hommes mêlés à la vie publique, celui-là aurait une bien fausse idée de la Politique.

e) Il y a des recueils généraux d’analyse. La Review of Review a inauguré autrefois un type bien spécial. Le Reader’s Digest publie chaque mois ce que son auteur estime de plus typique dans les revues. Lu et Vu déclarent parcourir 3,000 journaux par semaine.

f) Les recueils d’analyses, de résumés spécialisés sont en premier lieu les Centralblätter et les Jahresberichter, publiés en Allemagne pour presque chaque science. Les Américains ont réalisé de grands recueils. Ex. : Sciences, Physical, Biological. Social Science abstract, etc. Ce dernier s’étend sur plus de 1,000 pages par an, analyse 3,000 périodiques en 35 langues, donne plus de 22,000 analyses, est soutenu par un millier de souscripteurs.

g) Des efforts ont été faits pour coordonner, normaliser, standardiser, concentrer la publication des résumés, notamment par le National Council of Research de Washington et la Commission de Coopération Intellectuelle de la S. D. N. En 1920, la Confédération des Sociétés Scientifiques françaises a présenté le projet d’une publication d’analyses des travaux scientifiques du monde entier avec un budget annuel de 2,517,000 francs. On a calculé (vers 1922) qu’il faudrait 4,000 pages pour analyser, résumer annuellement tous les travaux de chimie et que cela coûterait 90,000 fr. à la Conférence de la Library Association (Blackpool, sept. 1928) une discussion a eu lieu sur le sujet « Book reviewing ». Introduit par un rapport de M. C. Squire, il a été dit entre autres que la première condition pour analyser un livre c’est… de l’avoir lu.

h) On a préconisé l’« Auto-referat », publication de résumés faits par les auteurs eux-mêmes de leurs mémoires. Ces résumés sont publiés, en même temps que le mémoire original et éventuellement avec traduction en espéranto ou une autre langue. La Fédération Dentaire Internationale a établi une méthode d’analyse bibliographique très détaillée avec modèles et commentaires (Bulletin de la Fédération dentaire internationale, 1928. p. 4)

i) Graduellement s’est constituée une technique du Résumé. Elle a été décrite dans maintes instructions rédigées par les collaborateurs des publications qui les publient.[49] Les recommandations suivantes s’en dégagent : 1° longueur du résumé établi à 3 % de l’original ; 2° style direct, évitant les mots qui ne sont pas nécessaires, les circonlocutions ; 3° bien distinguer ce qui est nouveau, original et accroît la science des autres parties (compilations des faits, résumés de littérature, bibliographies). Nouvelles applications ou nouvelles circonstances d’applications de faits ou principes communs, nouvelles interprétations, théories ou hypothèses. Résumée d’information plutôt que descriptifs ; résultats obtenus ; 4° établir l’index des recueils de résumés d’après les résumés et n’y insérer que ce qu’ils contiennent ; 5° limiter le résumé des livres au point de vue, au but, à la caractérisation du contenu, à l’indication de ce qu’ils contiennent de neuf ; 6° tendre vers une standardisation, mais tenir compte qu’elle dépend des matières. Par ex. en sciences, c’est plus facile en taxonomie que dans le domaine donnant lieu à expérience ; en technique les brevets ont leurs revendications (ou claim) ; 7° diriger les lecteurs par les résumés vers les livres et les articles, d’abord vers ceux qui doivent retenir leur attention à raison de la nouveauté ; faire servir aussi le résumé à l’information de qui n’a pas accès aux ouvrages analysés ; 8° dégager dans chaque branche de science divers ordres de données qu’il y a lieu de suivre et d’indiquer dans les analyses. Ainsi, en ce qui concerne la Taxonomie, la Faunistique et la Floristique, voir Biological Abstracts.[50]

255.6 Citations La Bibliographie dans les ouvrages.

a) Les ouvrages d’érudition et de science se présentent avec leur appareil bibliographique dans le texte, au bas des pages, au commencement ou à la fin des chapitres ou en une liste placée en appendice et classée soit dans l’ordre des chapitres, soit en un ordre unique de classement numérique, chronologique ou alphabétique. La citation est un moyen de preuve et de contrôle. Seuls les poètes cachent à leurs commentateurs la source de leur inspiration et de leurs allusions et n’accompagnent pas leurs vers d’indications bibliographiques.

b) Délivré de ces immenses lectures sous lesquelles l’imagination et la mémoire sont également écrasées, les anciens avaient peu de documents à consulter ; leurs citations ne sont presque rien, et quand ils renvoient à une autorité, c’est presque toujours sans indication précise. Hérodote se contente de dire dans son premier livre Cléo qu’il écrit d’après les historiens de Perse et de Phœnicie ; dans son second livre Euterpe, il parle d’après les prêtres égyptiens qui lui ont lu leurs annales. Il reproduit un vers de l’Iliade, un passage de l’Odyssée, un fragment d’Eschyle : il ne faut pas plus d’autorité à Hérodote ni à ses auditeurs des jeux olympiques. Thucydide n’a pas une seule citation : il mentionne seulement quelques chants populaires. Tites-Live ne s’appuie jamais d’un texte, des auteurs, des historiens rapporteurs, c’est sa manière de procéder.[51]

c) La citation est souvent abrégée et l’on a discuté les moyens d’y parvenir. Ainsi pour l’Écriture Sainte, il y a une méthode conventionnelle (Matt. VI, 7) ; pour les incunables la référence prend par ex. la forme (Hain, 10.029). Il faut condamner les « loc-citato » ou loc. cit. (ouvrage cité) qui obligent à remonter de page en page.

d) On a critiqué la méthode des citations. Les uns disent « Les citations n’ont que la signification d’une opinion que l’on partage et qu’on ne saurait mieux exprimer ». Les autres combattent la méthode des citations parce qu’elle présente d’insurmontables difficultés. « Si vous êtes capables de repenser les questions, vous ne pouvez pas ne pas les transformer. Alors les citations vous jugulent. La méthode des citations donne au texte dix fois la longueur raisonnable. La moindre idée aujourd’hui est explorée, le nombre de mémoires grossit. Vous astreignant à citer, vous répétez vingt fois la même chose par ignorance, pour réfuter pour louanger. Le nombre des idées générales, se réduit alors à peu de chose. Le professeur a justement pour fonction de recueillir ce résidu d’idées dans le fatras des mémoires. (Bouasse).

255.7 Formes et modes de reproduction.

a) Quel que soit leur objet, leur type de structure ou leur destination, les bibliographies et catalogues sont, quant à leur forme, ou manuscrites ou imprimées ; et quant à leur mode de reproduction, établis sur registres, en volumes ou fiches. Les modes de reproduction sont à la main, à la machine à écrire, au multiplicateur (stencil), par cliché typographique (galvano), sur plaque litho-linographique, par reproduction photographique (Photostat), par microphotographie (Photoscope, Cinéscope).

b) Longtemps, les catalogues furent manuscrits, puis ils s’imprimèrent. La tendance aujourd’hui est de revenir à l’état manuscrit (dactylographié) à cause du travail et du coût des catalogues imprimés.

c) L’impression des fiches (production, emmagasinement, conservation) ont fait l’objet d’études nombreuses et approfondies. Un système efficient consisterait à pouvoir conserver la matière des notices et à faire les tirages en cas de besoin. Le Concilium Bibliographicum a fait dès 1896 les premières réalisations à base de typographie. L’I.  I. B., dans les années 1897 à 1900, a fait des essais basés sur les plaques zinco-lithographiques. Plus tard ont été proposés les procédés linotype et monotype, les procédés à base de photographie, puis l’Adrema.

Les machines à adresses sont venues révolutionner techniquement la bibliographie, car elles permettent d’établir sur stencil, à l’aide de simples machines à écrire aux caractères variés, les matières des notices ayant jusqu’à neuf lignes. On peut ensuite les reproduire à volonté, sur fiches ou en listes. La notice bien établie et complète à l’origine peut donner lieu à des publications à volonté, prêtes à prendre place dans n’importe quel cadre de classement, et en tel nombre de duplicata qu’il est jugé nécessaire. La machine opère aussi la sélection, permettant de tirer en plusieurs exemplaires, ou de ne pas tirer telle ou telle fiche indiquée. On a calculé qu’une personne, par an, pourrait établir 20,000 fiches selon cette méthode.[52]

d) La généralisation du catalogue imprimé sur fiches réaliserait de grands avantages : identité entre les catalogues et la bibliographie, celle-ci, et avant tout le Répertoire Bibliographique Universel, pouvant incorporer toutes les fiches ; impression par les bibliothèques ; ventes de fiches à l’unité pour les catalogues des autres bibliothèques ; réimpression continue au fur et à mesure des besoins ; possibilité un jour d’entente entre toutes les grandes bibliothèques pour ne pas dupliquer inutilement le travail, ces bibliothèques possédant toutes une partie des mêmes livres. On peut établir des répertoires et catalogues sur fiches en utilisant les catalogues imprimés ; mais c’est assez coûteux. On a calculé qu’il faudrait plusieurs milliers de dollars pour découper, coller et classer toute l’accumulation des suppléments au catalogue du British Museum. Le catalogue sur fiches supprime ces frais ; elles sont des contributions directement intercalables.

e) On peut considérer la forme du catalogue imprimé sur fiches du format 12 ½ × 7 ½, comme supérieure à toutes les autres. On a le grand exemple de la Library of Congress, les exemples des bibliothèques de Berlin, de La Haye, de la Bibliographie russe (Palais du Livre). La Société des Nations publie sur fiches internationales les notices de ses publications. L’American Arbor Library (Michigan) a commencé sous cette forme l’impression pour ses services et celui de 25 autres bibliothèques qui lui achètent ses fiches. L’éditeur Wilson, aux États-Unis, ajoute des fiches catalographiques à ses éditions. Des firmes publient de leurs nouveaux ouvrages des fiches. Ex. : Verein Deutscher Ingenieur Zeitschrift, Maschinenbau, Archiv für Warmenwirtschaft und Dampfkesselwesen, etc.

f) Toutes les tentatives faites en Amérique pour publier des fiches de catalogues échouèrent aussi longtemps que l’entreprise fut établie sur une petite échelle. Elle réussit merveilleusement du jour où la Library of Congress prit l’affaire en mains et donna à tous l’assurance d’une continuité et d’une régularité parfaite. Le catalogue de la Library of Congress est établi sur fiches du format international ; des exemplaires en ont été déposée dans certaines bibliothèques ; le catalogue est en connexion avec les entrées du copyright ; il est pratique pour le prêt international, le service du photostat. Il y a plus de 44,000 souscripteurs aux fiches. Chacun peut acheter par unités, qu’il désigne les fiches éditées par la L. C. Celle-ci a toujours en stock un certain nombre d’exemplaires et procède à des réimpressions. Les fiches portent un numéro d’ordre, les cotes de la Classification de la Bibliothèque et, maintenant aussi, celle de la Classification décimale. On commence à imprimer sur les livres eux-mêmes, page de garde, le n° de la fiche du Congress. Tout possesseur de l’ouvrage peut ainsi facilement s’en procurer la fiche. Ainsi est évité aux bibliothèques particulières un travail répété de catalographie.

g) La méthode d’impression à la linotype, pourvu que l’on ne consacre qu’une ligne à chaque notice (one title, one bar linotyp method) permet d’utiliser à bas prix la même composition typographique pour l’ordre alphabétique et l’ordre géographique (ex. : Index Directory of Special collections de E. C. Richardson).

L’impression à la linotype facilite aussi l’établissement des tables et des catalogues dits cumulatifs. Le procédé de la cumulation permet d’éviter les recherches sous plusieurs séries à classement alphabétique ou méthodique recommençant.

255.8 Établissement des Bibliographies et des Catalogues.
255.81 Notion et but.

On a traité ici ce qui est commun à l’établissement de bibliographies, de catalogues de bibliothèques et de catalogues de toutes collections de publications quelconques. Le catalogue a quatre buts : 1° c’est une liste, un inventaire du contenu d’une collection dressé à toute fin ; 2° c’est une description des ouvrages, relevant certaines de leurs caractéristiques essentielles ; 3° c’est une collection de notices représentant les ouvrages eux-mêmes, sous une forme concise, qui facilite toutes les manipulations, celles-ci pouvant s’opérer ou se préparer sur des « signes » au lieu de l’être sur les « choses signifiées » ; 4° c’est un dispositif spécialement déterminé pour retrouver aisément les livres que l’on cherche, alors qu’on ne connaît que l’une de leurs caractéristiques, par exemple le nom de l’auteur ou le sujet traité.

L’art de dresser les catalogues, la catalographie, est un art tout de précision. Il s’agit de ramener à l’unité des éléments aussi multiples et dissemblables que les livres d’une collection, il s’agit ensuite de former un tout avec les parties, à la manière dont on procède au montage d’une machine avec des pièces séparées. La possibilité de fonctionnement, la solidité, l’élégance de la machine, dépendent de l’exacte conformité de chaque pièce au plan qui en a été préétabli.

255.82 Répertoire ou Catalogue alphabétique des auteurs.

1. Notion et but. — Le répertoire ou catalogue alphabétique a pour but de renseigner sur les ouvrages existants ou possédés par telle bibliothèque en faisant la recherche d’après leur auteur, ou, pour les anonymes, les inconnus et les périodiques, d’après leur titre.

2. Parties. — Il comprend trois divisions : a) les auteurs ; b) les anonymes ; c) les périodiques. En fait, rien ne s’oppose à réunir en une seule série alphabétique, les fiches des ouvrages à auteurs et celles des anonymes, si on le juge utile, à la condition de signaler alors les périodiques dans le répertoire des matières, à la division « périodiques », ce qui peut avoir de réels avantages pour les bibliothèques peu considérables.

3. Forme. — Il est établi de préférence sur fiches manuscrites, dactylographiques, imprimées ou photographiques. Il prend éventuellement la forme livre (publication, registre, classeur à feuillets mobiles).

4. Notices. — Pour les auteurs et pour les anonymes, les fiches sont établies conformément aux règles des répertoires bibliographiques.

5. Ordre de classement. — 1° Les notices se succèdent dans l’ordre alphabétique des noms mis en vedette, comme dans le dictionnaire : Dupont avant Durand ; Lemercier avant Lemonnier. 2° le prénom sert d’élément de sous-classement parmi les notices portant un même nom de famille (homonymes). 3° Pour chaque auteur les ouvrages se succéderont suivant la date de leur publication ; on placera en tête les ouvrages non datés, puis les plus anciens, pour finir par les plus récents. C’est pour permettre ce sous-classement que la date d’édition est mise en vedette dans les notices. 4° Les notices relatives aux différentes éditions d’un même ouvrage ou à ses traductions, sont placées à la suite de la notice relative à l’ouvrage original.

255.83 Répertoire ou Catalogue méthodique des matières.

1. Notion et but. — Le répertoire ou catalogue méthodique des matières a pour but de faire connaître les ouvrages existants ou possédés par la bibliothèque sur une matière déterminée : science, technique, questions sociales, personnage, époque historique, etc.

2. Forme. — Il est établi suivant la même forme matérielle que le répertoire ou catalogue alphabétique (n° 255.82).

3. Classification. — Le catalogue méthodique est établi d’après l’ordre de la classification méthodique et en appliquant la notation de celle-ci (numéros classificateurs, lettres ou signes). Les observations suivantes s’appliquent au catalogue dressé d’après la classification décimale.

a) Ouvrages traitant de plusieurs matières. — Lorsqu’un ouvrage traite de plusieurs sujets, il est représenté dans le catalogue méthodique par plusieurs fiches classées sous les nombres respectifs de ces sujets. Toutefois le volume n’est classé sur les rayons qu’au nombre correspondant au sujet principal de l’ouvrage, ou, si les divers sujets sont également importants, à celui qui se présente le premier dans l’ordre de la classification décimale. C’est ce nombre ou, s’il y a lieu, celui du sujet principal, qui figure seul alors dans la cote de placement. Sous peine de confusion, il est nécessaire, en pareil cas, de reproduire cette cote de placement sur chaque duplicata des fiches tant du répertoire alphabétique que du répertoire méthodique. Ainsi, par exemple, l’ouvrage « Sarrien, Louis. — 1885. — Manuel de Physique et de Chimie » sera indexé [53(02) + 54(02)]. Il figurera dans le catalogue alphabétique par deux notices indexées l’une 53(02) et l’autre 54(02). Si cet ouvrage portait, par exemple, le numéro d’inventaire 1525 la cote de placement de l’ouvrage serait car l’indice décimal 53(02) se présente le premier dans la classification. Comme il a été dit, la cote de placement est reproduite intégralement sur les deux notices.

b) Corrélation avec le placement sur les rayons. — Le système de classement du catalogue est indépendant du système adopté pour le classement des ouvrages sur les rayons. Alors même que l’on n’emploie pas la Classification décimale pour ce classement, cette classification peut être appliquée sans difficultés spéciales au catalogue. Seules, en ce cas, seront modifiées les cotes de placement qui, par exemple, pourront comporter simplement les numéros d’inventaire, si l’ordre du placement adopté est celui de ces numéros.

255.84 Répertoire ou Catalogue analytique (alphabétique) des matières.

1. Notion, but. — Le répertoire ou catalogue analytique, ou plus exactement la partie analytique du catalogue général, est formée d’une série de notices catalographiques, classées par mots-matières se référant au sujet traité dans les ouvrages et disposées dans leur ordre alphabétique. Le catalogue analytique peut remplacer le catalogue systématique, mais il est préférable qu’il le complète, de manière à disposer pour les recherches, en plus de l’inventaire, d’un système à trois branches : auteurs-alphabétique pour les recherches par noms d’auteur, méthodique-décimal pour les recherches systématiques et par classe d’idées, analytique-alphabétique pour les recherches spécialisées. Les trois parties du catalogue concourent alors au but désiré. En cherchant dans l’analytique, on retrouve sur les notices l’indice décimal utilisé comme cote de placement et, à l’aide de cet indice, on peut retrouver facilement dans le catalogue systématique, les ouvrages de la même classe.

2. Choix des mots-matières. — Les mots-matières sont empruntés aux mots du titre, principalement les substantifs. Ils peuvent être, en outre, des mots suggérés par la connaissance du contenu, notamment par la table des matières et, d’une manière générale, tous les mots sous lesquels il peut y avoir présomption que l’ouvrage pourrait être recherché. Les œuvres littéraires et théâtrales, les œuvres musicales, les œuvres classiques en toutes matières figurent sous leur titre (premier mot du titre, article excepté).

Le choix des mots-matières (vedettes, sujets, headings, stichwörther) ne saurait être laissé à l’arbitraire, à raison de la synonymie de termes possibles et de la répartition des matières sous des rubriques de compréhension et d’extension différente. On a établi des listes de termes choisis avec indication par référence croisée du mot principal sous lequel il y a lieu de commenter les notices. (M. W. Mac Nair, Subject headings used in the Dictionary Catalogues of the Library of Congress, Washington, 1928). À cet effet, on a préconisé aussi de se servir de l’Index alphabétique de la Classification décimale qui réalise un système concret de rubriques.[53]

3. Notices. — On établit autant de duplicata de la notice qu’il y a de mots-matières intéressés. Sur la fiche principale on inscrit, en note, tous les mots utilisés afin de pouvoir aisément les retrouver, s’il survient quelque motif de modifier ou d’éliminer les diverses notices relatives à l’ouvrage. Le mot sous lequel doit être classée chaque notice est inscrit en vedette, en haut de la fiche à droite, à la place qu’occupe l’indice décimal sur les notices destinées au catalogue méthodique.

4. Classement. — Trois systèmes sont possibles :

1er système : le catalogue analytique peut former une série alphabétique distincte. On crée des groupes par des fiches divisionnaires au fur et à mesure des besoins et de telle sorte que les recherches soient aidées, à raison d’une fiche divisionnaire par 20 ou 50 fiches portant les notices.

2e système : les notices du catalogue analytique sont combinées en un seul ordre de classement avec les notices du catalogue des auteurs. On forme alors ce qu’on appelle un catalogue-dictionnaire. Les ouvrages anonymes, classés au premier mot du titre, dans le catalogue des auteurs, constituent déjà une contribution au classement analytique. En ce cas, il peut être préférable d’inscrire les mots-matières en vedette à la place qu’occupe le nom d’auteur, afin de faciliter le feuillettement du catalogue en présentant toujours à la même place l’élément sous lequel est opéré l’ordre alphabétique. Pour ne rien changer à la disposition type de la notice, on se borne alors à ajouter une ligne supérieure, ayant cette destination.

3e système : On insère dans le catalogue analytique fusionné avec le catalogue des auteurs, les mots de l’index alphabétique de la classification décimale. On dispose alors, pour les recherches, d’un dictionnaire général concentrant tous les modes de référence.

255.85 Notice catalographique.

Pour établir le catalogue, on dresse de tout ouvrage une notice qui en constitue la description signalétique.

1. Éléments de la notice. — La notice comprend : les vedettes, le corps de la notice (titre, collation, adresse bibliographique, contenu et notes bibliographiques).

A) Les vedettes sont formées des noms d’auteurs (ou de leur équivalent s’il s’agit d’ouvrages anonymes), des mots matières, du millésime des indices classificateurs (ou cote de placement). Les vedettes occupent la première ligne de la notice et le commencement de la seconde. Elles varient d’après la partie du catalogue à laquelle sont destinées les notices.

B) Le corps de la notice comprend : a) la description bibliographique ; b) le titre de l’ouvrage ; c) la collation ou description matérielle interne, spécifie le nombre de volumes, le format, la pagination, le nombre et la nature des cartes, plans, etc., qui constituent un ouvrage ; d) les renseignements d’édition (adresse bibliographique) comprenant le lieu d’impression et la firme (nom de l’éditeur), la date d’édition, le prix ; e) les notes comprennent des indications nécessaires à l’intelligence du titre ou relatives au contenu de l’ouvrage, sujets traités, parties et

modèle de notice catalographique
modèle de notice catalographique


exemple de notice catalographique
exemple de notice catalographique


chapitres importants ; les renseignements essentiels au sujet de l’auteur, des détails bibliographiques historiques et des références qui ne figurent ni au titre, ni à l’adresse bibliographique, ni à la collation. La critique des ouvrages peut s’établir par des notes portant sur la valeur des ouvrages et leur utilisation, ou par des indications telles que celles-ci : ouvrage mauvais ou nul au point de vue de sa valeur scientifique intrinsèque, livre contraire à telle ou telle doctrine philosophique ou religieuse ; livre de moralité mauvaise ou douteuse ; livre à placer à part, en réserve et à communiquer à bon escient ; livre recommandé comme un des meilleurs de son espèce ; livre pour telle catégorie de lecteurs (enfants de tel âge, adolescents, femmes, etc.) ; ouvrage d’initiation, de préparation, de complément ; livre pour la vulgarisation ; livre pour les spécialistes ; livres utiles pour l’enseignement, les œuvres ou l’administration.

C) Cote de placement (lorsqu’il s’agit du catalogue d’une bibliothèque ou collection déterminée).

D) Destination de la notice. — Les notices catalographiques reposent sur une description des éléments principaux qui constituent les livres et sur les distinctions à établir entre les diverses variétés de ces éléments. Ces éléments ont été énoncés sous le n° 11.

Tableau des Règles Catalographiques

1. LES VEDETTES.

11. NOM DE FAMILLE OU NOM COLLECTIF DE L’AUTEUR.

Anagrammes. — Donner le nom de l’auteur, s’il est connu, avec renvoi à l’anagramme.

Anonymes. — Répertorier l’ouvrage au premier mot du titre, sans tenir compte de l’article pouvant se trouver en tête ; reproduire celui-ci entre parenthèses. Si l’auteur est connu, faire un renvoi à son nom et placer ce nom entre crochets ; s’il est supposé, le signaler par un (?).

Collaborateurs. — Le premier nom, ou le plus connu. Renvois aux autres (Voy. Anonymes). — Les œuvres de quatre auteurs, et plus, sont portées aux anonymes avec renvois aux noms des auteurs.

Femmes. — Sous leur nom indiqué sur l’ouvrage avec référence éventuelle au nom de jeune fille ou au nom du mari.

Illustrateurs. — Leur nom est porté sur la notice s’il figure sur la page titre et des notices spéciales leur sont réservées dans le catalogue alphabétique.

Initiales. — Les auteurs désignés par des initiales sont classés parmi les anonymes, à moins que l’on ne puisse identifier les initiales.

Noms composés. — Ne pas séparer deux noms réunis par un tiret « - ». Ex. : Petit-Radel.

Noms originaux. — Les noms sont reproduits dans leur forme originaire. Les noms, autrefois latinisés, sont écrits dans la forme qu’ils affectent dans leur langue maternelle, avec référence à la forme latine ou française plus connue (Pétrarque. Petrarca ; Cicéron, Cicero).

Noms multiples. — Mentionner d’abord le nom patronymique et d’origine pour les auteurs français, italiens, espagnols, allemands, etc. (Exceptions nombreuses, comme pour Fénélon, Voltaire.) — Pour les auteurs anglais le dernier nom est le principal, le premier jouant le rôle d’un prénom.

Particules. — Les particules de, d’, von (allemand), doivent être rejetées à la suite de la mention des prénoms, ou, à défaut de prénoms, placées entre parenthèses à la suite du nom. Ex. : Avezac (d’) ; Unienville (baron d’) ; Rauville (Hervé de) ; Magnon de St-Elïer (Ferdinand) ; Pelzeln (A. von). Les autres particules du, des, O’ (irlandais), Mc ou Mac (écossais), van, ten, ter, tot, de (néerlandais), da (portugais), den, zu, zum, zur (allemand) et les articles Le, La, Les font partie du nom. Ex. : Da Cunha ; Den Bush (von) ; Du Bois ; La Bourdonnais (Mahé de) ; Le Gentil ; L’Homme ; Mac Leod ; O’Brien ; Van der Maesen ; Van-Neck. Les noms des saints sont précédés des mots Saint ou Bienheureux. Personnages. — Si l’auteur est un personnage princier, antique ou mystique, on inscrit le nom sous lequel il est connu dans l’histoire. Il en est de même pour les noms des hommes illustres (ex. Michel-Ange).

Polyonymes. — Le véritable nom, ou le pseudonyme le plus répandu, avec renvois.

Prénoms joints. — Quand le prénom a été réuni au nom de famille par un tiret, inscrire le nom de famille et faire un renvoi au nom composé. Ex. : Martin, Voy, Aimé-Martin.

Pseudonymes. — Donner le nom de l’auteur s’il est connu, en le faisant suivre du pseudonyme entre crochets avec la mention pseud. Faire un renvoi au pseudonyme, en signalant celui-ci par la mention (pseud).

Signé. — Noter avec la mention (signé :) tout nom d’auteur ne figurant pas au titre, mais seulement en signature.

Traducteurs. — Indiquer seulement le nom de l’auteur avec renvoi à celui du traducteur. De même pour le préfacier, le commentateur.

Ouvrages collectifs. — Les revues, journaux, recueils, collections, figurent sous leur titre. Les publications et pièces officielles figurent sous le nom des administrations et organismes dont elles émanent : Ministère, Province, Commune, au nom de l’organisme le plus spécial avec référence générale unique à celui de l’organisme hiérarchique supérieur. Les publications des associations, académies, institutions, corporations, firmes, figurent sous le nom des entités dont elles émanent.

12. PRÉNOMS.

À la suite du nom, le ou les prénoms intégralement si possible, sinon les initiales en se conformant aux indications mêmes du livre. Unir les prénoms ou les initiales par un tiret. Les personnes qui, comme les princes souverains ont perdu, dans l’usage commun leur nom de famille seront citées par leur prénom, suivi du nom du pays et ensuite du n° d’ordre (ex. : Louis (France XIV).

13. TITRES ET QUALITÉS.

Certaines qualités (abbé, amiral, colonel, docteur, général) s’indiquent avant les prénoms ou initiales des prénoms, immédiatement après le nom. Mais il peut être indiqué comme il est dit ci-après sous 213.

14. CLASSIFICATION.

Mentionner, sur la même ligne que le nom de l’auteur, en alignant sur l’extrême droite de la notice, soit les indices classificateurs décimaux, soit les mots matières. Les indices

portés ici varient pour chaque ouvrage suivant qu’il s’agit de notices principales ou secondaires (renvois).

15. MILLÉSIME.

Signaler le millésime (date) en tête de la seconde ligne, à gauche, sous le nom d’auteur et avant le titre. Le séparer du titre par un tiret. Lorsque l’auteur a pris date par le mois de l’année, l’indiquer. (Voir 223.)

2. CORPS DE LA NOTICE.

21. DESCRIPTION DE L’OUVRAGE.

211. Titre de l’ouvrage. — Reproduire intégralement, entre deux tirets, le titre de l’ouvrage (à moins qu’il ne soit trop long, en respectant son orthographe, même défectueuse ; mais en ce cas, signaler les fautes par l’indication entre parenthèses (sic). — Ne pas suivre la ponctuation du titre, si ce n’est dans les notices détaillées de livres rares, en faisant alors usage du signe | pour marquer la fin de chaque ligne et reproduire la disposition matérielle des titres. Ne pas reproduire les tirets qui peuvent se trouver dans les titres pour indiquer des parties ; les remplacer par d’autres signes, tels que : 1, 2… — Abréger éventuellement les titres trop longs en indiquant par des points… les parties supprimées. — Le caractère & doit être transcrit dans la langue du titre : et, and, und, en… — Les mots en d’autres langues que celle du titre se reproduisent en italiques. — N. B. — Le titre d’un mémoire ou d’un article paru dans un périodique s’énonce aussi intégralement. Comme source, on y fait mention seulement du nom du périodique, suivi de la ville d’édition et de la date (avec n°, éventuellement la série avec les pages initiales et finales). — Les articles sans titres sont répertoriés sous un titre sommaire précédé du mot : « Sur… » inscrit entre crochets [sur…]. Les notices qui décrivent les périodiques en tant que collections portent la périodicité, l’existence des tables, leur forme ; une † si le périodique a cessé de paraître.

212. Nom et prénom. — Répéter le nom et le prénom de l’auteur dans la copie du titre, qu’il précède ou suive le titre et indépendamment de la mention déjà faite en vedette sous 11.

213. Titres et qualités. — Citer ici les titres (nobiliaires ou épiscopaux) et les qualités, comme ils sont donnés sur la page titre. Ex. ; José-Maria de Hérédia, de l’Académie Française ; vice-amiral Jurieu de la Cravière, de l’Académie Française ; J.-B. Rolland, de Kessang, explorateur ; Mgr Amand-René Maupoint, Évêque de St-Denis (Réunion).

22. RENSEIGNEMENTS D’ÉDITION.

(Adresse bibliographique, collection, imprint. — N. B. S’il s’agit d’articles de périodiques, le titre et le lieu d’édition.)

221. Lieu d’édition. — L’indiquer en italiques et dans la langue du titre ; à son défaut noter en italiques (s. l.) sans lieu. Le lieu s’indique entre parenthèses lorsqu’il est notoirement connu, bien qu’omis dans le titre.

Indiquer éventuellement les tirages, avec précision s’ils sont opérés sur papiers spéciaux.

222. Firme (Éditeur). — La désigner, avec l’initiale du prénom ; à défaut constater l’absence du nom : (s. n.) sans nom.

223. Date. — L’indiquer en chiffres arabes, ou (s. d.) sans date, ou (s. l. n. d.) sans lieu ni date. Indiquer les dates extrêmes des premier et dernier volumes d’un ouvrage (1885-1893). Si la date est donnée à la fin du livre, de la dédicace ou de la préface, la noter entre parenthèses. La date figure aussi au millésime comme dit sous 115. Indiquer s’il y a lieu, les dates qu’indiquent les auteurs, d’achèvement ou remise du manuscrit, de lecture devant des associations, d’impression.

224. Édition. — Indiquer l’édition, sauf la première, à moins qu’il ne soit utile de la signaler. La mentionner à la place où elle est notée dans le titre, quand il y a des explications, et en tous cas avant le tiret ou l’alinéa qui doit précéder l’adresse. Indiquer éventuellement la date des diverses éditions.

225. Prix. — Si possible, indiquer le prix de l’ouvrage (prix marqué sur le volume). S’il s’agit d’un périodique, prix d’abonnement à l’année et au numéro, s’il est vendu ainsi.

23. COLLATION.

231. Nombre de volumes. — Indiquer : Un vol., 2 vol., 3 vol., ou encore 2 tomes en un vol.

232. Format. — Spécifier le format, entre parenthèses, en centimètres, hauteur d’abord (24 × 16 ½). On arrondit les fractions au demi-centimètre.

233. Pagination. — Spécifier le nombre de pages ou de colonnes (Ex. XXII — 572 pp. ou 1.144 col.) Compter le verso de la dernière page imprimée lorsqu’il a été laissé en blanc, mais non les pages suivantes bien qu’appartenant à la feuille d’impression. Dire si les volumes sont reliés ou brochés, tous étant destinée à leur mise en commerce. Sur les notices de catalogues indiquer si l’ouvrage a été ou non relié. Les reliures présentent un intérêt artistique ou historique.

234. Illustrations. — On distingue Les « vignettes » qui sont des illustrations imprimées sur les mêmes feuilles que le texte et qui entrent dans la pagination et les hors-texte, imprimés sur feuille distincte et non paginée. Signaler spécialement, et en indiquer le nombre s’ils sont hors-texte ou s’il s’agit d’un album ou d’un atlas : planche éventuellement en couleur (pl. pll.), figures (fig. figg.), frontispice (front.), portrait (port.), carte, plan. Signaler dans les notes ceux des documents de cette espèce qui sont incorporés dans le texte et qui présentent quelque intérêt spécial à faire ressortir.

3 NOTES.

a) Notes analytiques: contenu, chapitres importants. Éventuellement reproduction de la notice analytique insérée dans l’ouvrage même par l’auteur ou l’éditeur ; éventuellement le sommaire ou la table des matières ; l’indication annexe de bibliographie jointe à l’ouvrage ; l’indication des catégories de personnes auxquelles l’œuvre est destinée. b) Notes critiques : appréciation, utilité pour certaines catégories de lecteurs. c) Notes historiques : Sources ayant inspiré l’œuvre ; indication de la suite de l’œuvre, tels que procès, polémiques, imitation, traductions, supercheries, falsifications. Éventuellement indications relatives à la personnalité de l’auteur. d) Notes bibliographiques : références éventuelles à des notices descriptives plus complètes ou à des comptes rendus critiques importants. e) État physique : description de l’état physique de l’exemplaire s’il s’agit d’un catalogue. f) Classement : énumération des divers indices de la Classification décimale ou des mots matières sous lesquels l’ouvrage doit ou peut figurer dans la Bibliographie ou dans le Catalogue (analyse sous forme d’indice). g) Traces : indications sur les fiches principales de toutes les fiches additionnelles qui en ont été faites, de telle sorte qu’en cas de changement, de correction ou de déplacement, toutes les fiches se rapportant à un ouvrage puissent être retrouvées et que le changement puisse être apporté à travers tout le système. h) Lieux de dépôts : Dans les bibliographies il peut être utile d’indiquer la cote de la Bibliothèque Nationale du pays où est publié l’ouvrage, ou éventuellement celle d’autres bibliothèques. Pour les ouvrages précieux ou rares, notamment les manuscrits, indication éventuelle des lieux de dépôt.

4. PROVENANCE DE LA NOTICE.

Les fiches imprimées portent des indications de provenance afin de pouvoir à tout moment les identifier. Ces indications comprennent : 41 Le titre de la collection éditée à laquelle appartient la fiche avec le n° d’ordre de cette collection. Les fiches des contributions au Répertoire Bibliographique Universel (Bibliographia Universalis) portent le n° de ces contributions. 42 Le nom du bibliographe avec éventuellement la date de publication de la notice et le signe * (autopsie) s’il déclare avoir eu personnellement sous les yeux l’ouvrage décrit.

5. SERVICE INTÉRIEUR.

Tandis que toutes les autres indications de la notice sont générales, celle-ci se réfère uniquement au service intérieur,

51. Cote de classement.

La cote (call number) consiste en une marque ou symbole indiquant en abrégé respectivement la place, la classe, l’auteur, l’œuvre, la date et l’édition. La cote est la reproduction de celle placée sur le livre lui-même pour l’insérer à sa place propre sur les rayons. La cote est portée séparément dans les catalogues de bibliothèques même si elle est la même que l’indice de la classification décimale. Cette indication est utile pour les duplicata de la notice à entrer sous des indices décimaux autres que celui servant au placement sur les rayons. Elle est utile aussi pour les duplicata destinés au catalogue analytique par mots matières et dont ces mots prennent la place de l’indice décimal de la vedette.

52. Destination de la fiche. — On indique celle des parties du répertoire ou du catalogue à laquelle est destinée la fiche.


2. Espèces de notices : principales et secondaires.

Le catalogue n’est qu’une réunion de notices rangées selon l’ordre adopté pour leur classement : classement onomastique, classement systématique, classement analytique. Les ouvrages y sont signalés partout où les chercheurs peuvent être désireux de les obtenir. De là deux sortes de notices : 1° les notices complètes (notices principales) classées comme entrées principales et qui sont considérées comme siège complet des renseignements donnés sur les ouvrages ; 2° des notices abrégées (additionnelles ou secondaires) qui ne font mention que de quelques renseignements renvoyant pour le surplus à la notice principale. Entre les notices principales et les notices secondaires un lien s’établit donc sous forme de référence (renvoi). On renvoie de la notice secondaire à la notice principale mais non pas inversement. Les références peuvent être faites de notices à notices ou d’entrées a entrées, ces dernières étant considérées comme faites a un groupe de notices et non à des notices déterminées. En principe, la notice ou fiche principale sera la plus complète. Elle contiendra toutes les données utiles. Les autres fiches seront dérivées d’elles, soit in extenso, comme simple duplicata, soit par extrait de la notice principale, et d’elle aussi procéderont les inscriptions à faire sur les livres eux-mêmes (étiquetage, tamponnage. ex-libris). Les vedettes servent à l’entrée des notices dans les catalogues. Elles peuvent changer d’après la destination de la notice à l’une ou l’autre partie du catalogue.

3. Disposition matérielle des notices.

L’aspect des notices bibliographiques a une très grande importance. Un catalogue ne se lit pas, il se consulte. On y a recours pour des recherches variées qui portent tantôt sur un point, tantôt sur un autre. Elles doivent donc avoir un maximum de lisibilité et être disposées de manière que l’œil puisse aisément y découvrir l’élément désiré en faisant abstraction de tous les autres. Ce résultat peut être obtenu comme suit :

1° L’écriture sera particulièrement soignée. La lisibilité sera sa première qualité. Pas de lettres avec fioritures. Les noms propres seront écrits en caractères romains (majuscules des textes imprimés). On fera usage de grandeurs et de grosseurs variées suivant l’importance des éléments et l’opportunité de les mettre en lumière par des alternances dans leur disposition.

2° On aura soin de disposer les textes sur les fiches de manière que les indications mises en vedette apparaissent à la partie supérieure de la fiche, sans marge trop grande. Bases du classement, les vedettes doivent, lors de la consultation des répertoires, pouvoir être lues d’un coup d’œil, sans avoir besoin de découvrir toute la fiche.

3° Chaque élément formant la notice reçoit sa place fixe, toujours la même, déterminée par des raisons d’utilité et de corrélation et présentée sous une forme distinctive. Les duplicata, extraits ou inscriptions dérivées, reçoivent autant que possible, la même place et la même forme, de façon à réaliser le maximum d’unité, d’homogénéité, tant pour l’écriture que pour la lecture.

4. Modèles.

Les modèles ci-contre montrent ces dispositions types, présentées d’abord sous forme d’indication générale avec référence aux numéros du tableau des règles catalographiques et, ensuite, par un exemple concret.

5. Rédaction des notices. Règles catalographiques.

a) L’immense variété des ouvrages et la nécessité de les retrouver dans de très grands catalogues ont donné lieu à des règles catalographiques très détaillées pour la rédaction des notices et le choix des vedettes nécessaires au classement alphabétique. Divers codes de ces règles ont été publiés. Le Code de l’Institut International de Bibliographie a pris ces règles pour base, notamment les règles anglo-américaines et les a coordonnées. Le tableau ci-contre en résume l’essentiel. Les divers éléments qu’il présente doivent être transcrits sur la notice, dans l’ordre selon lequel ils figurent au tableau et selon la disposition des modèles ci-dessus.

b) Les règles concernent : 1° les livres et documents décrits soit en leur prototype même dans les bibliographies, soit en des exemplaires particuliers déposés dans une bibliothèque ou un lieu déterminé ; 2° la description de ces livres et documents ; 3° leur description sous une forme catalographique. Les règles concernant la Bibliographie reposent donc sur les trois notions générales déterminées précédentes du livre, de la description et de la catalographie.

c) Les règles bibliographiques sont : 1° les unes générales et divisées d’après les divers éléments de la description bibliographique ; 2° les autres spéciales et divisées d’après les diverses espèces de livres et documents à décrire en indiquant, suivant les cas, des dérogations ou des compléments aux règles générales, Les espèces et les parties du livre sont donc à la base de l’établissement et de l’étude des règles bibliographiques.

d) Trois questions se posent : 1° quels éléments doit porter la notice ; 2° sous quelle forme rédiger ces éléments ; 3° où, dans l’ouvrage ou ailleurs, trouver l’indication qui concerne l’élément.

e) La description du livre doit être : a) externe (titre, date, colofon, tomaison, n° de page et de folio) ; b) interne, synthétisant en une brève indication son contenu, fond et forme : doctrine, plan, méthode, langue.

À la description du livre devrait se joindre une critique (brève, spontanée et fraîche, comme dit Menendez y Pelayo), de manière à exprimer l’impression qu’on pourrait avoir pour la simple lecture, un homme ingénieux et érudit.

f) On peut distinguer, quant aux caractères à introduire dans la description des ouvrages, quelques catégories fondamentales exigeant une description : a) le manuscrit ancien ; b) les Incunables ou premières impressions, jusque 1500 ; c) les livres anciens jusque 1800 ; d) les livres modernes. En principe les ouvrages anciens de 1500 à 1800, bien que classés quelquefois à part dans les bibliothèques, sont décrits d’après les règles catalographiques générales.

g) Il y a des règles relatives : 1° à tout catalogue, répertoire, bibliographie quelconque ; 2° à tout catalogue par matière : 4° enfin des règles propres au catalogue décimal. En outre les diverses espèces de bibliographies ou catalogues (Inventaire, auteur, matière) ont des corrélations qu’il y a lieu de déterminer.

h) Si l’on fait des livres avec des livres, on fait aussi des bibliographies avec des bibliographies, donc de seconde main. En principe, on ne doit donner la description d’une œuvre qu’en l’ayant sous les yeux. Cependant, faire autrement, c’est perpétuer des bibliographies incomplètes et souvent inexactes, par accumulation successive de fautes de copie et de non vérification des notices. Mais d’autre part l’utilisation des notices déjà rédigées est une nécessité, car le travail ne saurait être toujours recommencé.

i) Les instructions du Code des règles catalographiques sont nombreuses. Elles offrent grand intérêt parce qu’on a été amené à y résoudre des difficultés de différentes espèces ou les mêmes difficultés de différentes manières. Elles constituent donc la documentation la plus précieuse pour l’établissement du code des règles internationales. Pour les règles catalographiques internationales voir les Actes de la Conférence Internationale de Bibliographie et de Documentation. T. I. Bruxelles, 1908 et Bruxelles, 1910. — Manuel du Répertoire Bibliographique Universel. I. I. B. Bruxelles, 1907. — Bulletin I. I. B., fasc. 1/2, 1910. Voir aussi les divers rapports de la Commission des Règles Bibliographiques internationales aux Conférences de Documentation. — Bureau Bibliographique de France. Instructions sur le dépouillement des publications périodiques françaises rédigées en vue de la préparation du Répertoire Bibliographique Universel, 1906 — Parmi les règles catalographiques importantes, on doit citer notamment : Règles de la K K. Hofbibliothek de Vienne (1901), Règles des bibliothèques prussiennes, 1910. — Règles et usages observés dans les principales bibliothèques de Paris (1913). — Katalogregler för Kungl. bibliotheket, Stockholm (1916). — Règles de la Bodleian Library (1918), — Règles du British Museum, 1920. — Forslag til Katalogeringsregler, par le Norks biblioteks forenings Katalogkomits (1921). — Regels voor de titelbeschrijving, vastgesteld door de Rijkscommissie van advies inzake het bibliotheekwezen (Leiden, 1924). — Katalogisierungsregler for norke biblioteker (1925). — Instrucciones para la redaccion de los catalogos de las bibliothecas del Estado, Madrid. 1926. — Biblioteca apostolica Vaticana. Norme per il catalogo degli stampati, (la Citta del Vaticano, 1931. VII, 400 p.)[54]

j) Les règles catalographiques ont fait l’objet d’études théoriques fort présentées, tendues et pleines d’intérêt. Ces études sont les unes tout à fait générales, les autres sous forme de commentaire de règles en vigueur. Ainsi Dale, Erbauterungen zu den Instruktionen für die alphabetischen Katologe der preussischen Bibliotheken (1927). — de Greve, Praktyken en theorie der Titelbeschrijving (1930, commentaire des règles hollandaises).

256 Critique, Censure, Contrôle scientifique.

256.1 Généralités.

1. — Documentation et valeur des livres.

La détermination de la valeur des livres demeure la grande affaire. Ce principe prend place à côté de celui de la conservation avec catalogage du total des documents et tous deux sont à la base de l’organisation de la Documentation. Il faut déterminer la valeur des livres parce que d’une part tous n’ont pas un égal mérite et d’autre part l’usage de tous les livres pour tous les lecteurs est une impossibilité.

2. — L’examen des livres.

Il peut prendre diverses formes : la critique, la censure, le contrôle scientifique. L’examen peut avoir deux buts différents : le jugement du livre au point de vue du respect de la vérité scientifique, le jugement du livre au point de vue de fins autres que cette vérité, telles que fins sociales, morales, politiques, militaires, etc.

3. — Critique.

La critique est l’examen raisonné des ouvrages d’esprit. Au lieu d’enseigner directement les principes et les règles, la critique en fait l’application à l’ouvrage d’autrui. Elle ne se borne pas à blâmer ; elle juge ; et son mérite essentiel est d’être impartial dans ses jugements, libre de tout préjugé, dégagée de toute passion, au-dessus de toute faiblesse. Elle n’a en vue que de favoriser, par une juste appréciation des ouvrages d’esprit, le progrès des sciences et des arts.[55]

L’œuvre d’ensemble de la critique, c’est celle d’un commentaire du livre et de la production intellectuelle.

On distingue la critique : a) d’après son objet : littéraire, dramatique, artistique, politique et social, scientifique, bibliographique, la critique des textes ; b) d’après le caractère, privé ou officiel de ceux qui exercent la critique ; c) d’après la forme donnée à la critique : opinion ou jugement d’autorité ; d) d’après les suites ou sanctions.

4. — Caractères de l’œuvre à critiquer.

Une œuvre peut être : 1° riche ou pauvre d’idées ou de faits ; 2° complète ou incomplète ; 3° bien ou mal composée, sortie du sujet, digression, disproportion, livre organisé ou non suivant des idées directrices, conclusions dépassant les prémisses ou manque de plan ; 4° bien ou mal écrite (clarté, éclat) ; 5° bien ou mal annotée : références de 1re ou 2e main ; citations distinctes d’une même œuvre ; 6° contenant ou non des répétitions ; 7° de style lourd et monotone ou de style léger, agréable, élevé ; 8° s’il s’agit d’une œuvre d’imagination, avoir des intrigues invraisemblables.

5. — Forme de la critique.

La critique est double : positive ou négative, constructive et destructive. Elle a pour fonction : 1° de coopérer avec les auteurs à la formation des critères dans tous les domaines : vérité scientifique bien morale, justice sociale, beauté dans l’art, dans la nature et dans la vie, la possibilité d’application pratique ; 2° d’appliquer les critères à l’appréciation des ouvrages ; 3° de former ainsi les lecteurs à la connaissance des critères et de les aider à formuler des appréciations sur les ouvrages et conséquemment à mieux choisir leur lecture et les sources de leur information. La critique se différencie du travail descriptif de l’annonce des ouvrages, de leur catalogage, de leur bibliographie et du travail d’analyse et de résumé. En fait, critique et bibliographie s’unissent largement.

Le jugement critique peut être simple et net. « Votre livre est excellent ; votre livre est détestable. » Il peut être un jeu de nuances, ce qui n’est pas nécessairement « le jeu des contredits ». Parfois la critique est ad hominem et, retournant à l’auteur ce qu’il a dit aux lecteurs, devient à son tour sermon et conseil. Le silence de la presse officielle peut être plus terrible que la critique.

6. — Les critères.

a) Il n’y a de critique fondée que s’il existe des critères. Et les critères reposent en définitive sur une Table des valeurs. La détermination de cette Table, a dit Nietsche, et en particulier des plus hautes valeurs, est le fait capital de l’Histoire universelle, puisque cette hiérarchie des valeurs détermine les actes conscients ou inconscients de tous les individus et motive tous les jugements que nous portons sur leurs actes.[56]

Les critères pour le jugement du livre seront de deux sortes : 1° pour juger de sa crédibilité ou valeur scientifique ; 2° pour juger de son degré de séduction ou valeur littéraire.

b) On peut ramener à cinq les critères principaux : 1° vérité scientifique ; 2° beauté ; 3° bonté ; 4° justice sociale ; 5° efficience dans le travail. L’utilisation simultanée de ces critères peut seule fonder la critique.[57]

c) Le travail supérieur de la critique consisterait à éliminer l’erreur du vrai, le mauvais du bon, le répété de l’original.

d) À quoi reconnaîtra-t-on sans contredit qu’un livre a vraiment de la valeur ? On pourrait répondre : à ce qu’il s’impose au lecteur qui aurait voulu d’abord se dérober à son emprise. Mais c’est là du subjectivisme.

e) Les catholiques affirment les critères que la valeur d’une œuvre littéraire est en raison directe de la concordance avec la doctrine catholique.

7. — Les critiques.

Les critiques doivent être des hommes cultivés qui savent mesurer leurs jugements et l’exprimer en langage nuancé. Ils ont eux-mêmes à se prononcer selon les critères, des normes, des lois, des principes, qui ne sont autres que les données scientifiques. Il y a une différence entre l’action critique et l’action publicitaire. Le but est de mettre en relief les vraies valeurs et de laisser dans l’ombre fausse gloire et réputation surfaite. Un critique doit consacrer sa vie à ce genre de travail qu’il a choisi. Son but est de diriger les talents, de leur montrer les moyens dont ils disposent et de les aiguiller vers l’œuvre totale dont ils sont capables. L’auteur écrivait pour ses lecteurs. Le critique est un des lecteurs qui se lève et s’exprime au nom de tous les autres. En principe, le critique doit être indépendant. Dans plus d’un grand journal, le critique dépend du directeur de la publicité.

Il y a maintenant le « prière d’insérer », petit papillon imprimé qui accompagne les volumes du « service de presse ». Il appelle l’attention des critiques sur le caractère essentiel de l’ouvrage, offre des renseignements, propose des préjugés favorables à un choix préalable.

8. — Efficacité de la critique.

Les critiques n’ont guère que des sanctions morales pour leurs jugements ; l’efficacité de ceux-ci est donc limitée. Certains critiques ont été jusqu’à demander de boycotter des livres (ex. Revue des Lectures, dr. l’Abbé Bethleem). Une critique consciencieuse ferme empêcherait de naître bien des livres sans intérêt. Elle aiderait l’éditeur qui n’aurait plus à redouter qu’on lui oppose en face d’un insuccès justifié qu’on a eu bonne presse ; elle supprimerait les vingt placards de publicité (payés) dont s’amusait M. Rosny, il ramènerait le temps où le public, avant de choisir, regardait la critique. (Gabriel Beauchesne)

Discuter les mérites d’une œuvre, ce n’est pas la détruire. C’est guider son auteur dans la voie qui conduit au mieux. La critique hautement comprise est ici la collaboratrice directement associée à une œuvre qui devient commune (auteur, critique, public).

En U. R. S. S. on a donné une forme systématique à la critique dramatique. L’auteur d’une pièce peut être appelé à la discuter avec un comité d’autres auteurs, à répondre à leurs critiques et par suite, s’il y a lieu, d’apporter à son œuvre les modifications jugées utiles.

9. — Organismes.

Il existe une association de la critique qui publie un bulletin « La Critique Littéraire ». Une association des critiques poétiques est tentée. Il existe un Congrès international de la Critique dramatique et musicale. Il a traité de la sauvegarde par tous moyens de la liberté de la critique, qu’il s’efforcera de faire garantir par des lois ; de l’extension aux critiques de tous les pays des avantages et des droits conquis par une association nationale.

256.2 Critique et Histoire littéraire.

a) La critique littéraire analyse les procédés des littérateurs.[58][59]

Il y a deux moments différents, d’abord on lit pour comprendre un auteur et pour se l’assimiler ; à un autre moment, on envisage la littérature comme un document et on cherche à situer l’auteur.

En histoire littéraire, le but est de connaître une individualité, d’en pousser la description jusqu’à la plus fine nuance ; les moyens : tout individu, quoique unique est situé quelque part dans le temps et dans l’espace, toute œuvre, quoique unique, est située dons quelques moments de la vie de son auteur.

On ne peut prétendre à définir ou à mesurer la qualité ou l’énergie d’une œuvre littéraire, sans nous être exposés d’abord directement, naïvement à son action. L’élimination entière de l’élément subjectif n’est donc ni désirable ni possible et l’impressionnisme est à la base de notre travail.

L’histoire littéraire est une partie de l’histoire de la civilisation et comme toute histoire, elle s’efforce d’atteindre des faits généraux, de détacher les faits représentatifs, de marquer l’enchaînement de faits généraux et représentatifs. (L. Auzon)

La littérature est la réussite de quelques grands artistes. « Avant de lire un chef-d’œuvre, je ne sais pas, d’information personnelle, que c’en est un : je vais donc toujours à la découverte, je suis bien obligé de lire tout ce qui m’est accessible, et c’est par un hasard heureux que je rencontre le chef-d’œuvre. » (S. Etienne)

La critique littéraire connaît deux méthodes, la méthode évolutive et le commentaire impressionniste. Une troisième méthode consisterait à décrire les états de sensibilité que l’art a exprimés.

b) La critique de Boileau est toute dogmatique. Elle rend des sentences au nom de règles que les classiques croient immortelles. La beauté est absolue : il n’y a qu’un genre de beauté, la beauté classique. En dehors d’elle, il n’y a que désordre et mauvais goût. (La querelle des anciens et des modernes). Pour Mme de Staël et Chateaubriand, la beauté des œuvres littéraires est relative ; elle dépend du temps, des circonstances, de la race, de la religion, des mœurs et de la forme de la société. Villemain montre le rapport étroit entre les idées philosophiques, les mœurs et les lettres (XVIIIe siècle). Sainte-Beuve s’astreint à une critique impersonnelle, réaliste, scientifique. Il s’efforce de sortir de lui-même pour entrer sans prévention dans l’auteur qu’il étudie. Il l’interroge aussi bien sur son caractère physique, sur son tempérament que sur la force de son esprit ou la complexité de son âme.

Taine tâche de faire de la critique une véritable science. Pour lui les phénomènes de la vie intellectuelle et morale étaient gouvernés par des lois aussi rigoureuses que celles du monde physique. L’homme est un animal d’espèce supérieure qui produit des philosophies et des poésies, à peu près comme les vers à soie font leurs cocons et comme les abeilles leur ruche. Le but de la critique est de chercher les causes qui ont déterminé la naissance d’un chef-d’œuvre. Ces causes si multiples soient-elles se ramènent à trois groupes : l’influence de la race, du milieu et du moment (historique). La critique de Brunetière se base sur les théories évolutives de Darwin et de Haeckel. Les genres littéraires vivent d’une vie indépendante et analogue à celle des espèces animales, c’est-à-dire qu’ils naissent, se développent, s’organisent et se désagrègent sous l’action des circonstances qui leur sont favorables ou hostiles. Les œuvres littéraires sont unies entre elles par un lien choisi ; les œuvres antérieures exercent une action sur celles qui leur ont succédé ; le moment a une importance capitale. La critique d’Anatole France est impressionnante. Son scepticisme lui défend de juger les écrivains d’après un système toujours discutable. Sa sensibilité d’artiste qui goûte avec délices les beautés littéraires, le pousse à confier au public les impressions que les livres ont produites sur lui. À propos des ouvrages littéraires, il en arrive à raconter les aventures de son âme. Pour Jules Lemaître, impressionniste aussi, la critique est l’art de jouir des livres en affinant par eux ses sensations.

Le rôle dictatorial de la critique anglaise a été tenu longtemps par l’Athœneum. Il a été dévolu depuis au supplément littéraire du Times.

Bernard Shaw aime à prévenir les critiques de ses œuvres et les fait précéder d’une critique préventive.

Le temps est l’autorité suprême qui juge les livres, un juge qui ne se laisse jamais ni éblouir, ni tromper. Le temps, c’est la réflexion de l’humanité. (Aimé Martin)

F. Vézinet a publié un intéressant recueil « Le XVIIe siècle jugé pur le XVIIIe », recueil de jugements littéraires choisis et annotés. On y constate que malgré leurs divergences de goûts et d’idées, les auteurs du XVIIIe siècle se rencontrent dans un commun éloge de leurs prédécesseurs. Certaines pages ont plus qu’un intérêt historique. Ce sont des modèles de fine et judicieuse critique. (Ex. : le parallèle de Racine et de Corneille, par Vauvenargues).

« Tout comme il y a des idées en l’air, écrit Byvanck, il semble que dans l’atmosphère intellectuelle d’une société soient répandus des germes de situations morales analogues qui, fécondés par les esprits en quête de manières artistiques, se modifient suivant les personnalités où ils sont tombés. »

Tout se passe comme si l’Esprit adressait une question générale aux divers esprits d’une même génération. Une conversation s’engage, un drame se noue, où tous, bon gré mal gré, sont acteurs. La tâche du critique consiste à recueillir, ordonner et classer les réponses, puis à dresser des suites littéraires. La technique littéraire retrouve ou même crée la logique des produits de l’esprit. Une critique munie d’antennes capte et rassemble de lointaines analogies.[60]

256.3 Critique scientifique.

a) En science, la critique est une condition essentielle : c’est une critique d’idée. Les savants se critiquent entre-eux pour l’avancement de la science, leur commune préoccupation. Au delà de toutes les critiques ils demeurent liés les uns aux autres par la déférence, par l’estime, par l’amitié ou par une communauté d’aspirations. Se critiquer réciproquement, c’est faire preuve de l’importance qu’on attache aux œuvres et aux théories, car si elles n’étaient éminentes, chacune en leur genre, quelle serait la portée de la critique,

b) La science avance « à coup de provisoire » et il faut se résigner à l’étape de l’approximatif. Dès lors forcément le document scientifique aura comme caractéristique à son premier stade d’être inévitablement incomplet et inexact.

On arrivera à des publications provisoires soumises à critiques pendant un certain temps, comme déjà en font les comités de standardisation et la Commission de la Classification décimale (tentative édition).

Les grands savants prennent soin de faire lire leurs épreuves par des collègues et d’accueillir leurs observations de fond et de forme.

c) L’esprit critique est avant tout nécessaire pour faire de la bonne critique. Et cet esprit exige l’aptitude de trouver le lien et les analogies entre les diverses propositions, constitutions, théorèmes, phénomènes, parties de science, qui apparaissent sans lien et souvent même en discordance ; l’aptitude à trouver la genèse la plus naturelle des faits, l’unité dans la diversité, l’ordre dans le chaos, les lois dans le désordre : l’aptitude de voir l’utilité, la vérité et de supprimer ce qui est superflu, inutile, faux. Il n’est homme de génie s’il ne possède l’esprit critique, car le génie procède par synthèse. (V. G. Cavallero.)

d) D’une manière générale la critique est inorganisée : 1° elle n’a pas de critères formulés en système ; 2° elle ne s’applique qu’à un nombre restreint d’œuvres ou travaux[61] ; 3° les critiques formulées et publiées demeurent dispersées quant au lecteur ; elles rejoignent rarement l’œuvre critiquée (insuffisante bibliographie des critiques) ; 4° absence de sanctions des critiques, soit qu’il n’y ait plus d’éditions subséquentes de l’œuvre critiquée, soit que l’auteur n’en tienne aucun compte et ne se donne pas la peine de les réfuter.

e) Par contrôle scientifique, il faudrait entendre les mesures organiques destinées à établir la valeur des thèses et des conclusions. À cette fin, il faudrait déterminer qui jugera et selon quelle procédure. Le jugement devrait appartenir à des organismes ou agents relevant des associations internationales dûment organisées et tenues pour les plus hautes autorités scientifiques dans chaque domaine de leur compétence. Le processus des discussions en soutenance de thèses remonte au moyen âge ; il donne une indication de ce qui peut être fait, mais il devrait être amélioré. Y aideraient l’expression de règles scientifiques et de règles bibliologiques, ainsi que la possibilité de connaître l’état exact de la position de la science sur chaque question par le moyen de la documentation bien organisée.

f) La notion de l’expert et de l’expertise se développe. L’expertise devient un acte général. Elle consiste à donner un avis motivé sur l’état actuel des connaissances en les appliquant à un point concret déterminé. En matière juridique, l’affirmation d’un état de législation donné est le « parère ». La notion du parère est à généraliser en tous domaines. L’expertise alors serait un mélange de parère et de critique.

g) Il y a les conclusions des congrès nationaux et internationaux. Ces conclusions sont prises à la suite des procédures régulières qui vont toujours en se précisant ; introduction des questions à l’ordre du jour, enquêtes, rapports des commissions, discussion en forme, votation, ultérieurement codification des résolutions.[62]

h) Il y a des essais de contrôle en certains domaines. Par ex. la question de la révision des manuels d’histoire. Elle a fait l’objet de travaux d’un Comité d’experts de la Société des Nations, congrès international pour l’enseignement de l’histoire (La Haye, 2 juillet 1932). Ils ont eu leur écho au Comité pour le désarmement moral créé par la Conférence internationale pour la limitation et la réduction des armements. On a proposé une procédure pour arriver à la révision. Tout historien ayant à formuler un grief le transmettrait au Comité national du pays auquel appartient l’auteur incriminé. Certains ont été jusqu’à entrevoir des mesures gouvernementales et disciplinaires. On a mis en lumière des difficultés de concilier le respect de la vérité historique avec la courtoisie internationale, avec la liberté de penser et les droits individuels.[63]

i) D’une manière générale, on pourrait se représenter ainsi une organisation générale de la critique scientifique. Tout livre annoncé par la voie de la bibliographie serait critiqué par l’Organisation critique. La critique bien distincte du résumé ou analyse consisterait essentiellement à rapprocher l’ouvrage critiqué des autres ouvrages similaires en montrant ses relations avec eux et ses rapports avec la science considérée dans son ensemble. La confrontation avec le Dossier universel de chaque question constituée par la documentation serait donc le moyen d’opérer facilement et sûrement cette œuvre de critique. L’organisation de la critique consisterait donc en un office mondial ayant ses règles et ses moyens de travail. Il procéderait de lui-même à la critique de certains ouvrages importants et serait à la disposition de tous auteurs pour procéder sur demande à la critique préalable de leur ouvrage, à la manière d’un office de brevets. L’ouvrage critiqué serait disséqué en toutes ses parties et chacune rapprochée de la matière antérieure. L’auteur serait invité à dire lui-même ce qu’il revendique comme nouveau. Il soulignerait ces passages dans l’exemplaire remis à critique. On considérerait que tout le restant ne serait que secondaire, moyen connu de développement et d’argumentation.

j) Il serait désirable que la critique scientifique fasse une place aux critères et aux jugements d’ordre proprement bibliologique : la forme et l’état matériel du livre, sa conformité avec les règles préconisées, ses caractéristiques au point de vue de la psychologie des lecteurs, etc.

256.4 Censure en général.

1. — Notion.

a) La censure est une critique officielle des écrits accompagnée de sanctions matérielles. Il y a la censure civile et militaire et la censure religieuse. (Voir aussi no 259.2 destruction des livres.)

b) Pendant tout le moyen âge en France, la librairie fut soumise à la triple censure du clergé, des universités et des parlements. Lorsqu’on comprit quelle aide puissante l’imprimerie et la librairie pouvaient donner aux idées nouvelles, on prit contre elles les mesures les plus rigoureuses. Ainsi François Ier, nommé le Père des Lettres, ordonna par un édit, d’ailleurs rapporté, la fermeture de toutes les boutiques de libraires, sous peine de mort.

c) La censure gouvernementale peut s’étendre à toutes les espèces de publications, aux communications postales, télégraphiques, téléphoniques et radiophoniques. En février 1933 les journaux et toutes les publications communistes ont été interdites pour quatre semaines dans toute la Prusse, celles de la Social-démocratie pour 14 jours. Les correspondants même de la presse étrangère ont reçu des avertissements.

d) Une forme indirecte de censure est l’interdiction de transport quand les moyens de transport sont aux mains de l’État (postes, chemins de fer), Le domaine de la censure s’étend avec les sphères où la pensée peut pénétrer et agir. Maintenant il y a la censure de la radio et du cinéma.

On a demandé un service de censure, joint au service de douane à la sortie pour protéger la renommée de la pensée française à l’étranger contre la sortie de sales et mauvais livres. (André Cadoret)

Le règlement scolaire modèle des écoles primaires supérieures (28 décembre 1888) dit a l’art. 15 : « Le Ministre peut interdire l’usage dans les écoles des ouvrages d’enseignement, de lecture ou de prix, qui seraient contraires à la morale, à la constitution ou aux lois. »

e) La pensée ligotée trouve cependant vingt moyens de s’exprimer quand même. Ce sont les publications interdites, celles qui circulent sous le manteau ; c’est à défaut d’écrits, la conversation, la réunion secrète, voire la société secrète. Ce sont les formes variées que prend le Folklore pour exprimer des protestations, avec ou sans précision : par ex. à Rome, le Pasquino (d’où Pasquinade), la statue au pied de laquelle, pendant quatre siècles, se sont attachés les libelles ou les vers contre le Pape souverain de la ville[64] ; en Belgique les protestations contre l’occupant allemand pendant la guerre mondiale.

f) La censure, disent ironiquement les écrivains réactionnaires, améliorait le style des auteurs, elle les contraignait à l’ingéniosité. En leur accordant trop de licence, on leur a fait perdre l’art des sous-entendus.


2. — Historique.


Les trahisons et les lèse-majesté ont été punies depuis le commencement des temps. Les livres religieux hérétiques ont été brûlés par Constantin et les autres empereurs chrétiens. La pratique fut continuée pendant le moyen âge par les autorités ecclésiastiques et les gouvernements civils. Savonarole brûla les livres de ses adversaires. L’invention de l’imprimerie, en facilitant la multiplication des livres, accrut le danger des livres aux yeux des autorités civiles et religieuses. Les premières licences, les premiers privilèges accordés aux imprimeurs, étaient en partie inspirés par le désir de contrôle.

Toutes espèces de restrictions vinrent limiter les imprimeries ; presses et livres furent confisqués et brûlés ; imprimeurs et auteurs furent emprisonnés et parfois exécutés. Les premières listes de livres censurés furent publiées à Paris (1544), Louvain (1546) et Venise (1549). Le premier Index romain de livres défendus parut en 1559. Il entrava l’expression de la pensée mais ne l’arrêta pas. Les réformateurs contre qui étaient prises les mesures ripostèrent par des mesures non moins sévères à l’égard des œuvres catholiques.

La simple possession de certains livres a été interdite bien des fois au cours de l’histoire. Au Portugal, par ex., les Juifs doivent attendre Manuel II pour pouvoir avoir des synagogues et posséder des livres hébreux.

Un arrêt du Parlement de Paris du 16 août 1666 défendait de vendre « aucun libelle ou écrit qualifié gazette à la main, sous peine pour la première fois de bannissement et pour la seconde des galères ». La Bruyère peut dire « Un homme né chrétien et français est fort embarrassé pour écrire, les grands sujets lui étant interdits et les petits lui étant défendus ». Duclos commença en 1770 une conférence en ces termes : « Messieurs parlons de l’éléphant ; c’est la seule bête un peu considérable dont on puisse parler en ces temps-ci sans danger… » Cette politique de censure dura jusqu’à la Révolution et fit beaucoup souffrir l’édition française. L’Assemblée Nationale l’abolit.

Mais elle fut rétablie sous Napoléon. Dans une notice consacrée à Lalande, Jarrin raconte l’interdiction d’écrire faite à celui-ci sur l’ordre de Napoléon par l’Institut. La Restauration, la monarchie de juillet, Napoléon III et le gouvernement de la grande guerre se sont servis de la censure. Louis Veuillot, le grand pamphlétaire catholique qui eut particulièrement à souffrir des restrictions apportées sous le second empire à la libre expression de la pensée, s’est exprimé à ce sujet dans « Les odeurs de Paris » et dans « Le Prologue du fils de Giboyer ».


3. — Dans les divers pays.


La censure a existé dans presque tous les pays ; suivant les temps, elle y a été plus ou moins rigoureuse. Pratiquement presque tous les gouvernements retiennent le droit de censure, de supprimer ou de confisquer les publications de caractère immoral ou révolutionnaire.

a) Aux États-Unis, des efforts pour rétablir la censure ont été faits récemment en connexion avec la controverse des « Fondamentalistes » et l’enseignement de la théorie de l’évolution. Chicago a été le siège d’une agitation pour « cent pour cent d’Américanisme dans les livres d’enseignement ».

b) La Russie tsariste avait comme instrument le caviar. Bien des difficultés sont faites en URSS à la liberté de la pensée écrite et parlée. L’Imprimerie est largement officialisée. La plus jeune fille de Tolstoï n’a pu réaliser une édition complète des œuvres de son père (cent volumes) a raison de leur caractère religieux.

c) Les organes de presse italiens sont sous le contrôle exclusif du gouvernement, les éditeurs des principaux journaux sont nommés ou révoqués directement par le Duce. En outre, le bureau central de Rome donne, chaque jour, des « recommandations » sur la politique internationale, les livres nouveaux, etc. ; de plus, les informations venant de l’étranger sont centralisées, filtrées et redistribuées. C’est le régime dit de « vérité imposée ».

d) Le gouvernement allemand d’Hitler a pris des mesures allant jusqu’à l’expulsion contre les journalistes étrangers coupables à ses yeux de donner des événements qui se déroulent en Allemagne une version autre que celle qui est officiellement admise. Le gouvernement a chargé une commission de reviser les catalogues pour établir un « index des œuvres étrangères au caractère allemand ». Cette commission fixera également la liste des journaux et revues qui seront tolérés dans les salles de lecture. Les livres mis à l’index seront brûlés sur une place publique. Les étudiants assurent qu’ils cloueront au pilori les écrits non allemands. Les livres marxistes et communistes réunis en mai 1933 pour être brûlés atteignaient le chiffre de un million.

e) La guerre mondiale, qui a été une collectivisation de toutes les forces des pays en lutte, a mobilisé les plumes et même les consciences.[65]

Pendant la guérie était puni le « défaitisme militaire », expression de tout doute au sujet de la victoire finale. Après la guerre, on connut le défaitisme social ; les doutes au sujet de la supériorité du système capitaliste et la sympathie pour le communisme de l’URSS firent l’objet de censure. Tout récemment, en Autriche, le gouvernement a proposé une loi pour la répression du défaitisme monétaire dans ses manifestations écrites ou orales. On ne pouvait s’exprimer en termes inquiétants sur la stabilité du schilling.

f) L’ordre du jour du Grand Quartier général français en date du 25 août 1917 concernant les recommandations à faire à la Presse est très remarquable. Il prescrit ce qu’il faut éviter, ce qu’il faut dire ; il contient des observations sur la psychologie des soldats liseurs de journaux.[66]

La censure recevait des consignes : ne pas démoraliser le pays, en conséquence supprimer tout ce qui pourrait influencer défavorablement l’optimisme officiel et obligatoire. Par exemple : ne pas laisser signaler les pertes subies, les avions abattus, les navires coulés, les villes bombardées ; échopper les descriptions aussi horribles que véridiques de ceux qui ont vu, bref conserver à la guerre cette allure franche et joyeuse que le Kronprinz n’a pas été seul à y découvrir.

Depuis les révélations de Pierrefeu (Plutarque a menti) on connaît les recettes subtiles de l’art du communiqué.

g) La censure militaire a d’étroits rapports avec le service de sûreté militaire et celui-ci avec le service d’information (dit espionnage quand on désigne le service de l’ennemi).

Au secret militaire correspond les efforts pour se procurer des pièces, des photographies, les lire, les voir, tout au moins. C’est l’espionnage. Toutes les armées ont des services dits de renseignements : 2e Bureau en France, Intelligence Service en Angleterre, etc. Les historiographes de la grande guerre rapportent qu’avant la bataille devant Amiens (Somme) en mars 1918, l’Intelligence Service avait percé à jour, dès février, le plan de l’ennemi ; il avait vraiment lu dans ses projets à dossiers ouverts. La divulgation ou la recherche des secrets d’ordre militaire est punie de mort ou de détention perpétuelle par l’ordonnance d’Empire destinée à réprimer « la trahison contre la nation allemande ».

4. — Censure religieuse. Prohibition.

a) L’Église a défendu aux fidèles l’accès direct aux écritures sacrées. Elle estime qu’une bonne préparation théologique est nécessaire. Elle craint les fausses interprétations, les citations erronées, les accommodations impropres voire irrévérencieuses et même obscènes. Pour ne pas errer, il faut connaître, outre le latin, le grec, l’hébreu et l’aramaïque.[67]

b) On a assisté à de curieuses interdictions. Chargé par le Pape de réorganiser les écoles de France en 1225. le Cardinal le Coursoni, celui qui donna à la corporation des maîtres et étudiants d’alors le nom d’Université, autorisa l’enseignement de la dialectique d’Aristote, mais interdit sa physique et sa métaphysique. Il y a eu les expurgations au XIIIe siècle, au moment où parut dans le monde chrétien les traductions greco-latines et arabo-latines d’Aristote. On voit le Pape Grégoire IX charger trois théologiens de Paris d’examiner ces livres. Ils doivent en préparer un texte expurgé qui puisse être mis dans les mains des étudiants. La revision toutefois demeure à l’état de projet. Saint Albert le Grand et Saint Thomas d’Aquin ont continué à commenter les œuvres d’Aristote, dont la lecture était interdite sous peine d’excommunication.

c) Pour défendre la vérité religieuse contre les attaques des hérétiques fut organisée l’Inquisition, D’après Llorente, l’Inquisition espagnole, de 1481 à 1808, a jugé 341,021 individus, dont 31,912 ont péri sur le bûcher et 17,699 ont été brûlés en effigie ; les autres ont été condamnés à des peines moindres mais toujours graves. On prétend que la Bibliothèque de l’Escurial renferme un exemplaire de tous les ouvrages qui ont été brûlés par l’Inquisition.

d) Une bulle de Léon X, lancée le 14 juin 1520, condamna comme hétérodoxe 41 propositions de Luther en lui accordant soixante jours de réflexion pendant lesquels il aurait à se rétracter sous peine d’encourir l’excommunication. Luther répondit en écrivant Contre la Bulle de l’Antéchrist. Le 10 décembre, il brûla la bulle d’excommunication avec le droit canon, les écrits d’Eck et d’Emser contre lui et plusieurs ouvrages de scolastique et de casuistique en disant : « Parce que tu as affligé le Saint du Seigneur, sois affligé par le feu Éternel ». Il avait annoncé cet autodafé par une affiche publique.

e) Il y a des formes de critique officielle. Les propositions extraites des livres font l’objet de dénonciation à Rome et éventuellement de condamnation. (Ex. Les luttes à Rome au XVIIe et XVIIIe siècles au sujet de la querelle des cérémonies chinoises.) Les Docteurs en Sorbonne admettaient ou condamnaient ex-officio certaines thèses. Quand ont paru certains ouvrages, les Papes ou bien les ont condamnés, ou bien ont formulé des propositions qu’ils ont condamnées en déclarant ensuite qu’elles se trouvaient dans l’ouvrage. (Ex. Le Livre de Jansenius). Des docteurs ont fait remarquer que l’Église aussi a procédé négativement, disant contre les hérétiques ce qui n’est pas son dogme mais qu’elle n’a pas exposé explicitement ce que contient celui-ci.

f) La censure religieuse existe encore sous la forme de l’approbation ou de l’imprimatur de livres ayant caractère théologique ou ecclésiastique. L’imprimatur n’engage pas l’Église.

g) L’Église romaine a instauré l’Index des livres prohibés (Index librorum prohibitorum). Une congrégation romaine en est chargée. Si tel livre est mis à l’index et non tel autre, qui est encore plus fort, cela tient à ce que l’attention de l’Église est attirée sur un livre, soit par une dénonciation qu’on lui a faite, soit par une question qu’on lui a posée, soit par une campagne qui a été menée au sujet de ce livre, soit surtout à cause de la célébrité de l’auteur.

257 Utilisation du Livre. La lecture.

257.1 Notion de la lecture.

Lire, c’est prendre connaissance du contenu des livres, c’est recueillir ce que les auteurs ont consigné dans les livres. Lire, c’est l’action de comprendre et s’assimiler la pensée d’autrui par l’intermédiaire de caractères graphiques. Pour comprendre, les connaissances nouvelles doivent venir faire corps avec les connaissances antérieurement acquises. Il s’agit d’une opération de corrélation.

257.2 Nécessité et avantages de la lecture en général.

Tout homme doit chercher à vivre en tant qu’être intellectuel, ce qu’il est, et, par conséquent, il doit développer son intelligence sans se laisser absorber entièrement par les fonctions d’ordre automatique ou subalterne. D’autre part, le livre offre le meilleur de la pensée réfléchie et coordonnée des meilleurs esprits. La lecture, dès lors, s’impose à tout homme, car elle entretient la vie de l’esprit qui a besoin de se nourrir d’idées, comme le corps a besoin d’aliments. Une vie sans lecture sera toujours une vie médiocre. Confucius disait déjà : « Apprendre sans penser, c’est perdre ses peines ; penser sans apprendre est périlleux. » Sénèque écrivait : « Réfugie-toi dans l’étude, tu échapperas à tous les dégoûts de l’existence. L’ennui du jour ne te fera pas soupirer après la nuit et tu ne seras pas à charge de toi-même et inutile aux autres. »

Le livre est l’instrument d’une gymnastique cérébrale et sentimentale aussi, qui nous entraîne à être plus clairvoyants et moins impulsifs, qui nous habitue, par l’effort d’une réflexion intime, à exploiter sans relâche toutes nos sources personnelles de raison et d’émotion (Pierre Guitot-Vauquelin). Le livre est un ami, un consolateur, un guide, il est celui qui nous aide à formuler nos pensées et nos sentiments demeurés vagues et imprécis ; il nourrit de sa substance et procure le réconfort spirituel. Retenons cette phrase d’une vieille femme simple et ridée disant au bibliothécaire, en rapportant un livre : « Que de beaux sentiments, un tel livre égaie les heures sombres et nous aide à vivre ».

Au point de vue social, on constate que l’éducation par le livre est, de toutes, la plus économique (La Bibliothèque, l’Université du Peuple, l’Autodidaxie méthodique).

257.3 Buts divers de la lecture.

La lecture peut avoir divers buts : 1° La culture générale (formation de l’esprit) ; 2° La récréation (utilisation des loisirs) ; 3° L’instruction (la science transmise par le manuel l’autodidaxie) ; 4° L’information et la documentation (renseignements).

Il faut lire toute sa vie : 1° Dans la prime jeunesse, car c’est le moyen d’acquérir le vocabulaire, d’apprendre à bien s’exprimer, d’ouvrir l’esprit. Toute la matière enseignée, revue sous l’angle de la lecture apparaît plus ample, réelle, donnée d’une vie nouvelle, plus importante. 2° Lire comme étudiant. C’est le moment où l’intelligence est conduite vers les hauts sommets, un moment où l’on dispose de loisirs. Lire, c’est écouter plusieurs maîtres, l’ensemble des maîtres. 3° Lire une fois entière dans la vie active, car alors le contact direct avec les réalités qu’il faut savoir maîtriser et discipliner fait revoir encore différemment les choses et toute l’expérience déposées dans les livres par ceux qui les ont composés est susceptible alors de vivifier et d’amplifier extraordinairement l’expérience personnelle qui s’acquiert. 3° Lire au moment où l’on se retire de la vie active, à l’heure dite de la retraite et qui devrait être précieusement l’heure d’un renouveau intellectuel à raison des grands loisirs qu’elle apporte pour la lecture. Les livres se chargent encore de signification quand ils sont lus et aussi relus après une vie déjà longue, faite à la fois d’étude, d’action et de sentiments mis en œuvre.[68]

257.4 Manières diverses de lire.

Il est diverses manières de lire et d’utiliser livres et documents :

1° Lire en entier d’une traite et d’affilée, comme le permettent les œuvres littéraires ; 2° S’instruire et apprendre en lisant et en relisant. S’assimiler un ouvrage en l’analysant la plume à la main pour en faire la base de réflexions personnelles ou de discussions ultérieures dans des groupes d’enseignement mutuel ; 3° Consulter certains passages des livres reconnus par soi-même ou sur références de tiers, certains éléments, chapitres ou faits pour y recueillir des informations sur des questions particulières et les utiliser dans ses travaux ; 4° Parcourir rapidement les livres en les feuilletant et les maniant. On fait ainsi une première reconnaissance dans le vaste domaine des livres, on entre en contact avec les ouvrages classiques fondamentaux célèbres, ou on applique sa mémoire visuelle et topographique à l’examen d’une collection entière ; 5° S’astreindre à un cycle de lectures graduées, variées, suivant un plan arrêté d’avance et pouvant s’étendre sur plusieurs années et même sur la vie entière.

Toutes ces opérations intellectuelles sont bien différentes. Toutes ont leur utilité, pourvu qu’elles interviennent avec discernement et soient appropriées à chaque cas, suivant les livres, les lecteurs ou les buts poursuivis par la lecture.

a) Lecture formative. La Lecture et la Culture. — L’éducation générale comporte toutes les connaissances et tout le développement personnel que doit ambitionner une personne désireuse de s’assurer les bénéfices multiples de l’ère de perfectionnement où nous vivons.

« La lecture formative » a pour but de rendre l’individu plus intelligent et meilleur. Elle accroît le sentiment, élargit les conceptions de la Nature et de la Vie de l’Homme, de la Société et de l’Univers, elle inspire l’amour du travail, de l’effort et le sentiment de la dignité humaine. On s’élève par la lecture d’un beau livre, on sort de la matérialité ambiante.

b) La Lecture systématique. — La lecture systématique s’opère d’après un plan de lecture. Celui-ci s’établit soit à la manière des programmes de l’enseignement, qui déterminent les questions et leur ordre, soit à la manière des syllabus qui indiquent les sources à consulter et les lectures à faire. Des « Guides pour autodidactes » (autodidaxie, enseignement par soi-même) sont plus complets et se rapportent mieux à l’enseignement supérieur. Les guides polonais et russes sont des modèles dont il n’existe pas d’équivalent en français.[69] Les cours par correspondance dont l’extension est très grande dans les pays anglo-saxons, s’appuient en grande partie sur des lectures systématiques à faire.

La lecture est forcément parcellaire. Elle peut tendre à devenir encyclopédique. Mais elle ne saurait produire d’elle-même la synthèse dans l’esprit suivant les capacités et les besoins de chacun. Il faut encore que des lectures d’ordre général interviennent pour aider à cette synthèse, fruit des générations auxquelles sans grand travail et temps ne peut accéder l’esprit livré à lui-même. Longtemps l’enseignement a manqué d’organisation et de synthèse. On doit envisager maintenant la nécessité d’organiser la lecture en s’inspirant de la manière dont on a organisé l’enseignement, en évitant une simple juxtaposition dans des compartiments ébauchés et souvent avec des méthodes archaïques.

c} La Lecture instructive ou scientifique. — Elle a pour but de meubler l’esprit des connaissances générales et spéciales et d’aider à la formation des opinions. — Les lectures scientifiques doivent fortifier l’esprit, rectifier le jugement, augmenter la mémoire en étendant les facultés assimilantes. Le cerveau est le filtre des idées, c’est à lui de passer au crible tout ce que nous lisons, tout ce que nous entendons. L’essentiel est de se former le jugement qui décide en dernier ressort ce qu’il y a lieu de retenir ou de rejeter et ainsi, chacun, sur les matières qu’il étudie et en présence des contradictions des auteurs, est amené à sélectionner ce qu’il tient pour vrai et à constituer en quelque sorte son propre système. C’est une synthèse qui s’opère en chaque esprit, mais une synthèse qui a ce caractère d’être toujours perfectible, accrue et modifiable. Il n’y faut aucun entêtement et, s’il faut tenir à ses idées, lorsqu’on les croit justes et vraies, il ne faut pas hésiter à les modifier, lorsque d’autres sont reconnues plus justes. Penser librement est bien, penser selon la vérité est mieux. — « L’art de lire des livres de sentiment consiste à se laisser aller au sentiment. Mais l’art de lire des livres d’idées consiste en une comparaison et un rapprochement continuels. Matériellement on lit un livre d’idées autant en tournant les feuillets de gauche à droite qu’en les tournant de droite à gauche, c’est-à-dire autant en revenant à ce qu’on a lu qu’en continuant à lire. Le livre à idées, autant et plus encore qu’un autre livre, ne peut pas tout dire à la fois ; sa signification se complète et s’éclaire en avançant et on ne le possède que quand on a tout lu. Il faut donc, à mesure qu’il se complète et qu’il s’éclaire, tenir compte sans cesse, pour comprendre ce qu’on en lit aujourd’hui, de ce qu’on en a lu hier et, pour mieux comprendre ce qu’on en a lu hier, de ce qu’on en lit aujourd’hui. » (Émile Faguet). Il s’agit de prendre possession des faits, des idées, du style de l’auteur, peu importe comment s’opère cette prise de possession.

d) Lectures répétées. — Il faut une lecture sans cesse répétée. Un grand penseur, un grand poète, représentent une haute synthèse de la nature psychique. On ne saurait les comprendre de prime abord. On comprend différemment suivant les âges, les circonstances publiques ou privées, les autres lectures faites, l’expérience personnelle acquise. Après la guerre mondiale soufferte par nous, que n’avons-nous mieux compris dans les auteurs lus autrefois ?

L’esprit est un, et son fonctionnement précède toute expression complètement formulée. Entre une idée et les autres idées, entre une idée et les manières variées de l’exprimer il y a lutte dont le résultat est précisément l’œuvre produite. On choisira donc, parmi les grands écrivains, celui pour lequel on se sent la plus forte et la plus étroite sympathie, puis parmi les ouvrages de cet écrivain, celui que l’on sent et admire le mieux. Alors, ayant pris ce livre, on le lira sans cesse, sans repos, sans trève, comme un Luthérien lit sa Bible ou comme un bon Anglais lettré lit son Shakespeare. Cette fréquentation obstinée d’un maître, dit Théodore de Banville, vaudra mieux que d’étudier plusieurs modèles. Il fera comprendre et saisir les procédés par lesquels l’expression vient accoucher de l’idée. Il fera percevoir la lutte de l’esprit avec lui même, avec la langue, de l’esprit toujours plus large et plus profond, que la formule dans laquelle lui-même s’efforce de s’enserrer.

e) Lecture documentaire et Information. — La documentation consiste à prendre connaissance de ce qui a été dit d’original ou d’important, sur une question. Pour travailler avec méthode il faut d’abord s’enquérir du point de savoir si le sujet qu’on examine a été étudié déjà et à quels résultats d’autres sont parvenus. Il faut essayer ensuite, un moyen de nouvelles découvertes ou de l’étude plus approfondie des sources déjà connues antérieurement, de faire avancer la science et de modifier les résultats précédemment obtenus. C’est la Bibliographie qui renseigne sur les sources qui constituent la documentation, c’est l’Encyclopédie qui aide à résumer ce que contient ces sources.

f) La Lecture annotée. — Annoter un livre, c’est accompagner la lecture d’écriture. L’annotation se fait : a) au simple signe : soulignage, croix ou trait dans la marge ; b) par des mots ou phrases écrites en marge ; c) par des annotations sur papier séparé, fiches, feuilles, carnet ou cahier. L’annotation se réfère : à une meilleure compréhension par soi-même du texte, à des réflexions personnelles sur l’écrit, à des extraits utiles pour des travaux que l’on fait, à un résumé pour mieux s’assimiler le sujet traité. L’annotation du texte sur l’écrit tend souvent à le compléter et mettre en forme, ainsi qu’aurait dû ou pu le faire l’auteur : divisions et parties notées par chiffres ou lettres, mots importants soulignée et mis éventuellement en couleur ; phrases exprimant les thèses ou propositions principales ; références aux pages antérieures ou postérieures, références à d’autres auteurs.

L’annotation sur le livre l’abîme ; elle lui enlève son aspect original, est troublante pour les lecteurs subséquents. Mais le livre destiné à l’étude, le document destiné à l’action gagnent à être annotés : livres scolaires, cours d’université, ouvrages utilisés pour acquérir une science, lettres et rapports. Pour soi-même, ce qu’on a annoté gagne en valeur pour revoir, repasser une matière, réfléchir à un exposé, saisir du premier coup d’œil, pour autrui aussi. Il y a les ouvrages publiés avec annotations (notes, versions, scolies). — Le livre, les collections, des bibliothèques non publiques ou formées pour les besoins propres à un établissement, sont avantageusement annotés. Ce sont des instruments de travail. Les offices et services de documentation, notamment, ont avantage à faire les annotations sur les livres pour aider au travail de catalographie, de résumé, d’analyse et dissection, de copie, etc.

g) Lecture récréative. — Elle délasse, distrait, console, retrempe. Re creative = re-faire le moi. « Les Livres, remèdes de l’âme ».


257.5 Mécanisme intellectuel de la lecture.


La bonne lecture n’est pas le résultat d’un acte spontané. Elle doit être organisée ; l’esprit doit être formé, il faut une méthode. Sans système, la lecture ne saurait conduire à la culture et à l’usage pratique des connaissances contenues dans les livres, Il faut constamment produire des types plus élevés de lecteurs.

La plus noble tâche du bibliothécaire, comme du maître, et de l’aîné pour le jeune frère, c’est d’apprendre à lire et à s’instruire. Lire, ce n’est pas épeler, ce n’est pas répéter à la vue les mots et les phrases, c’est comprendre, s’assimiler, réagir intellectuellement. À son stade le plus élevé, lire c’est le prélude de la pensée originale et de la production intellectuelle.

Le livre bien fait est un véritable édifice intellectuel, une synthèse d’idées et non uniquement une collection classée de renseignements. Il expose des arguments pour démontrer, il enchaîne des faits pour mettre en évidence des aspects, des points de vue. Les mots, les phrases, les chapitres, se succèdent comme moyens d’exprimer, d’expliquer, de faire comprendre et sentir une pensée unique, mais complexe, divisée, ramifiée. Tant que la pensée du livre n’est pas perçue, comprise, assimilée, le livre n’est pas bien lu. Souvent les yeux seuls suivent un texte et l’intellect ne participe pas à la lecture : on ne comprend rien jusqu’à ce que l’attention étant plus concentrée, la terminologie mieux interprétée, tout à coup la lumière se fait pour la page, pour le chapitre, pour le livre. Le phénomène mental est analogue à celui du débutant qui sait épeler les syllabes d’une phrase bien avant qu’il ne peut en saisir le sens. Les yeux de l’esprit doivent lire en même temps que les yeux du corps et, certes, ce n’est pas la même chose. Longtemps, la Psychologie dut se borner à des analyses. Aujourd’hui cependant, nous nous approchons du mystère de la pensée qui est synthétique. La pensée qui jaillit d’un jet, la langue elle-même qui n’apparaît plus en ses catégories grammaticales abstraites, mais en son expression totale, toutes ces catégories n’étant que des moyens, le but étant l’essentiel.[70]

Les études psychologiques ont conduit à définir les types mentaux chez l’enfant et chez l’adulte. Ces études transportées dans le domaine du livre, ont acquis une importance capitale. Elles sont fondées sur la relation entre les auteurs, les livres, les lecteurs et déterminent les réactions particulières des uns sur les autres. Une branche spéciale « La Bibliologie psychologique », s’en occupe.

257.6 Recommandations au lecteur.

1° N’entreprendre aucune lecture trop au-dessus de ses forces et de ses connaissances. Cela peut détourner du goût des lectures sérieuses. Ceci ne doit pas détourner de la volonté de prendre un livre de science du degré supérieur et de s’attacher à le lire et à le relire jusqu’à ce qu’on le comprenne ; 2° Tout livre commencé doit être achevé, à moins de répugnance invincible ; 3° Relire le livre auquel on aura trouvé un réel profit, mais dont certaines parties restent obscures. Mais ne pas le relire immédiatement, un intervalle est nécessaire qui permet aux notions acquises de se classer à leur place logique dans la mémoire. Le subconscient doit avoir le temps de faire son œuvre ; 4° Éviter de trop lire. S’il est bon de lire, il est meilleur de vivre. Les livres sont des reflets de la vie quand ils ont de la valeur. Ne pas se contenter du reflet : entrer directement dans la vie. Observer soi-même à l’exemple des observateurs : « Il est nécessaire d’étudier la réalité en même temps que les livres. » (La Rochefoucauld) ; 5° Éviter de mal lire, c’est-à-dire rapidement et superficiellement, de lire trop de journaux et des livres dont la valeur est minime. C’est perdre son temps, affaiblir la mémoire et former une habitude pernicieuse en ce sens qu’on n’arrive plus à lire autrement les écrits qui ont droit à l’attention. La mémoire s’affaiblit parce que les impressions sont floues, fugitives et que le cerveau perd l’habitude de retenir des impressions nettes et durables. En lisant, chercher moins à absorber qu’à assimiler ; 6° A. Vanner (La Clarté Française, p. 70), donne les conseils suivants : Comment faut-il faire une lecture littéraire ? On peut distinguer deux étapes : « a) Dans la première, lisez sans prendre de notes, sans consulter de dictionnaire, bref lisez pour votre plaisir, sans vous voir obligé de déployer tout un appareil qui suffit parfois à dégoûter de la lecture les esprits mal disposés. Vous n’en apprendrez pas moins quantité de mots, d’idées et de faits intéressants, de tours et d’expressions que vous retrouverez instinctivement et qui vous donneront de la facilité. Vous obtiendrez plus sûrement cet avantage et vous serez plus sensible à la beauté du style, si vous lisez de temps en temps à haute voix et si vous apprenez par cœur quelques pages de chacun de nos grands écrivains. Au besoin, notez les ouvrages que vous avez lus, faites-en une très brève analyse et résumez en quelques mots l’impression que vous en gardez. b) Dans la deuxième étape, quand vous chercherez à pénétrer les secrets de bien dire ; vous pourrez relever les passages les plus remarquables de vos lectures pour décomposer les procédés qui correspondent le mieux à vos qualités ou qui s’opposent à vos défauts. Être prudent dans cette méthode et n’avoir rien qui ressemble à des carnets d’expressions, sous peine de perdre toute originalité. »

7° E. Faguet (L’Art de Lire. Paris, Hachette, 1912) fait de son côté les recommandations suivantes : Comment lire. Question capitale. Deux règles fondamentales : « a) lire lentement : L’art de lire c’est l’art de penser avec un peu d’aise. Par conséquent, il a les mêmes règles générales que l’art de penser. Il faut penser lentement. Il faut lire lentement, il faut penser avec circonspection sans donner à errer à sa pensée et en se faisant sans cesse des objections ; il faut lire avec circonspection et en faisant constamment des objections à l’auteur, car lire c’est penser avec un autre, penser la pensée d’un autre, et penser la pensée conforme ou contraire à la sienne, qu’il nous suggère, b) relire : pour mieux comprendre, pour jouir des détails et du style, pour se comparer à soi-même à deux moments différents de sa vie et de son développement. »

8° « L’art de bien lire est des plus importants. Le temps strictement mesuré qu’on accorde à la lecture, accordez-le exclusivement aux œuvres des grands esprits. Chaque école a ses maîtres et ses écoliers, ses chefs-d’œuvre et ses pauvretés. C’est réaliser une grande économie de temps et de travail que de suivre un bon guide qui, vous faisant passer rapidement devant le banal et le médiocre, vous convie seulement à regarder les fleurs rares et à goûter les fruits savoureux. »

(Schopenhauer.)
257.7 Lire en prenant des notes.

On s’assimile les idées, on conserve dans la mémoire les notions, en combinant autant que possible les trois modes de perception et d’action motrice : voir (lire des yeux), articuler et écouter (lecture à voix haute), tracer les caractères (écrire).

Deux opérations demeurent étroitement connexes dans l’enseignement au degré supérieur et dans la formation personnelle scientifique aussi bien que dans l’enseignement élémentaire : la lecture et l’écriture. Le résumé de ce qu’on lit, les extraits textuels, l’annotation des faits qu’on juge saillants, dignes d’être retenus, les réflexions personnelles que font faire la lecture, sont indispensables à la bonne assimilation du contenu des ouvrages. C’est le moyen de repasser soi-même par le chemin qu’à parcouru l’auteur.

Mais les notes ainsi prises ont une valeur autre encore que celle d’un simple exercice. Conservées, classées, remaniées, constamment accrues par d’autres notes puisées à d’autres sources, elles peuvent constituer un véritable livre : le livre particulier à chacun et dont chacun puisse dire « Mon Livre », « Mon Encyclopédie », quintescence de tout ce par quoi on a été intéressé, abrégé de tout ce que l’on a appris, mémoire artificielle de tout ce que l’on désire pouvoir se rappeler.

La méthode rationnelle pour lire avec fruit est donc complétée par la méthode rationnelle de prendre des notes. Il convient de les prendre judicieusement, de les rassembler et de les coordonner en des répertoires personnels bien classés. 1° La prise de notes sur fiches ou feuillets mobiles disposés en fichiers ou répertoires, doit avoir la préférence. Les fiches, en effet, constituent en quelque sorte le prolongement de notre cerveau ; elles conservent fidèlement l’enregistrement des données que notre mémoire devient impuissante à retenir à cause de l’accroissement constant des connaissances, elles fournissent les éléments graphiques sur lesquels notre réflexion pourra s’exercer. Les notes que nous prenons complètent constamment cet organe extra cérébral qu’est le fichier. Comme c’est le cas pour un cerveau bien organisé, dont la remémoration est prompte, elles nous fournissent immédiatement le renseignement nécessaire. 2° Les fiches seront classées par matières, soit alphabétiquement comme dans un dictionnaire, soit systématiquement, comme dans la classification décimale.

L’emploi des fiches classées conduit à l’habitude de classer méthodiquement dans l’esprit ce qu’on y retient. L’esprit adopte graduellement, pour ses propres opérations de mémorisation, les mêmes procédés d’enregistrement et de groupement dont il voit et apprécie le fonctionnement matériel dans la classification par fiches. De là ce résultat que la mémoire est rendue plus étendue et la remémoration plus prompte.

Les fiches seront utilisées telles qu’elles dans les travaux (articles, livres composés, cours, conférences, discussions). Elles ont le double avantage ultérieurement : éviter de nouvelles transcriptions souvent sujettes à erreur ; contraindre l’esprit à tenir compte de faits et d’idées annotés à divers moments, affirmés par divers autres esprits et qui expriment autant d’aspects différents d’une même chose. Les notes ainsi nous soustraient à l’unilatéralité. Nous n’entendons plus le son d’une cloche mais les sons d’un carillon.

257.8 Lire à haute voix.

Lire à haute voix fait mieux pénétrer le sens des idées, notre mémoire des mots s’enrichit et notre élocution se perfectionne.

La lecture à haute voix joue un rôle capital. La parole écrite paraît souvent plus pauvre que la parole dite, pour exprimer l’ensemble des états psychiques, car elle ne peut être accompagnée de gestes et d’émotions. La lecture à haute voix, surtout celle du maître, redonne au texte ce qui lui a été enlevé. Il y a lieu de lire à haute voix à l’école, en famille, entre amis et même tout seul.

Les séances de lecture à voix haute en petit groupe sont recommandables. On choisit des extraits d’auteurs qui intéressent la généralité du groupe. On commence par quelques mots sur l’auteur et sa vie ; après lecture on répond aux questions, on relit certains passages, on discute ensemble les difficultés. On peut former des cercles de lecture autour de la bibliothèque (25 personnes dans un cercle au maximum). Ces lectures peuvent s’opérer suivant un plan systématique. On pratique les séances de lecture surtout dans les pays slaves. (Voir aussi les cycles de lectures préparés par la National Home Reading Union).

Au delà de la lecture, il y a l’« apprendre par cœur ». On apprend des poésies, des passages entiers de livre ; les livres saints.

La récitation de textes de mémoire, la lecture de textes ont une grande place dans les procédures, les rituels, les liturgies, dans l’art. Par ex., le serment en justice ; les paroles d’ouverture et de clôture prononcées par le président dans les assemblées ; les préliminaires lus de certains actes notariés ; les offices lus, chantés ou récités.

257.9 Questions diverses.
257.91 Physiologie de la lecture.

1. Mécanisme de la lecture. — La lecture courante des mots, des chiffres, des notes de musique, etc., comporte des mouvements oculaires, des saccades d’amplitude variable. Le plus petit angle que l’œil puisse parcourir latéralement est de 5°. Cet angle est en rapport inverse de la distance des caractères aux yeux ; il est plus petit de loin, plus grand de près. La fatigue oculaire est aussi en raison inverse de cet angle, plus grande dans la vision de loin, où l’angle est plus petit, et moindre dans la vision de près, où l’angle est plus grand.

Pour ces motifs et à cause des dimensions plus considérables des images perçues, les enfants préfèrent la lecture rapprochée. C’est là, toutefois, avec les lésions correspondantes de l’accommodation et de la convergence, une cause fréquente de l’asthénopie, c’est-à-dire de la fatigue oculaire. Il faut tenir compte néanmoins des habitudes personnelles.

Les lignes ne sont vues que partiellement, par section, et chaque section correspond à une saccade. On lit 20 lettres environ par section, un peu plus si les lettres sont étroites ou petites, un peu moins si elles sont longues et grandes. Chaque saccade avec arrêt consécutif dure en moyenne une demi-seconde. On peut enregistrer les saccades de lecture avec une tige appliquée sur les conjonctives et reliée à un tambour résonnateur qui communique avec les oreilles par deux tubes en caoutchouc ; on perçoit d’ailleurs les saccades en appliquant simplement la pulpe du doigt sur la paupière.

L’Université de Chicago possède un instrument de 600, 000 dollars servant à photographier les différents mouvements et positions des yeux pendant la lecture. Les photographies enregistrées sur un film de cinéma montrent la position des yeux à chaque 25e de seconde. Des changements résultant des découvertes faites grâce à cet appareil, ont été effectués dans l’enseignement de la lecture.

La lecture peut devenir aussi automatique que l’audition verbale. 1° Chez les gens peu habitués on peut voir des mouvements d’articulation de la parole accompagner la lecture. 2° Chez les gens entraînés l’articulation et l’audition se font mentalement. 3° Dans les cas extrêmes, ces intermédiaires finissent par disparaître complètement de la conscience pour ne laisser subsister que la compréhension réduite souvent, elle aussi, au minimum. (Delacroix.)

Comment apprendre à lire, à commencer par les petits ?

Les recherches se poursuivent, notamment en Amérique et Allemagne. Les lettres et les mots sont des abstractions. Mais le terme corrélatif d’abstrait c’est le concret. Il faudrait d’abord donner la lecture, aux grands peut-être comme aux petits, par image et apprendre à raconter, à exposer ce qu’ils voient ; de là on viendrait à réaliser ce principe : « de la chose au signe ». (Travaux de Gansberg, Greyerz, Lay, Enderlim, L. H. Lanbek, Neue deutsche Schule, février 1932)

Il y a la lecture globale du Dr Decroly.

2. L’œil. — La lecture reste conditionnée par l’organe de la vue. Tout ce qui peut améliorer celle-ci ou améliorer les conditions où elle s’exerce est favorable à la lecture. De nouvelles études ont été entreprises sur l’acuité visuelle et ses variations. M. Danjon nous les relate. La structure discontinue de la rétine impose sa valeur. L’acuité visuelle est mesurée au moyen d’une mire de traits parallèles et équidistants séparés par des intervalles de même épaisseur. En éloignant progressivement de la mire, on constate qu’il existe une distance limite au delà de laquelle les traits se fondent en une tache grise uniforme. L’angle limite sous lequel on voit alors la distance qui sépare les axes de deux traits consécutifs s’appelle pouvoir séparateur de l’œil. Ce pouvoir varie avec la brillance de la mire et le contraste entre les traits noirs et le fond. Il y a là des observations qui devraient déterminer le choix des caractères et du papier et les conditions de lumière pour la bonne lecture.[71] Il y a dans le seul nerf auditif 3,000 fibres distinctes. Une éducation appropriée de l’oreille pourrait la rendre capable de saisir une multitude de combinaisons musicales infiniment plus compliquées que celles qui lui sont aujourd’hui accessibles. L’étude des organes de la vue n’a pas encore atteint la même précision que l’étude des organes de l’ouïe, mais on en sait déjà assez pour avoir le droit de tirer des conclusions analogues.

257.92 Hygiène visuelle.

a) Conditions optima. Distance. — La lecture doit être faite à 30 centimètres environ dans des conditions normales d’éclairage, de composition, de papier, etc. Myopes, presbites, astygmates, doivent veiller à se servir de verres appropriés à leur vue dont il convient, de période en période, de constater l’état. Prendre soin des yeux comme du bien le plus précieux qu’on possède.

b) Éclairage. — L’éclairage minimum sera de dix bougies. Avoir un bon éclairage. Lumière abondante. Éviter éclairage trop vif, éblouissant, tel que le soleil donnant directement sur les pages. Il faut une lumière douce, égale, tamisée, plutôt que vive et éblouissante. D’abord lumière solaire, puis éclairage électrique, par incandescence, mais avec abat-jour pour concentrer toute la lumière sur la page, ou éclairage à manchon par incandescence.

Un œil donné voit avec plus ou moins de netteté, dans des conditions d’éclairage déterminées, suivant l’état où cet éclairage met : a) l’acuité visuelle (l’acuité est dite d’autant plus grande que sont plus voisins les points que l’œil distingue nettement l’un de l’autre) ; b) la sensibilité relative de l’œil, sa facilité d’apprécier les différences d’éclat et de couleur. Comme le regard n’embrasse à la fois qu’un champ extrêmement limité et se déplace donc continuellement, la netteté dépend encore de la rapidité de perception, de la rapidité d’accommodation. La durée possible de l’observation soutenue d’un même point sans que l’image se trouble, est mesurée par la continuité de vision. L’œil est une « chambre noire ». Le cristallin est l’objectif. Il reçoit de chaque point de l’objet éclairé un faisceau de rayons lumineux, qu’il concentre en un point correspondant au fond de la chambre. Le bon éclairage doit répondre à sept conditions : 1. réaliser un éclairement assurant une vision nette ; 2. répartir judicieusement la lumière suivant la destination du local ; 3. éviter les trop grands contrastes d’ombre et de lumière ; 4. éviter l’éblouissement par le trop vif éclat des foyers ; 5. gouverner les reflets ; 6. gouverner les ombres ; 7. assurer la constante propreté des appareils.

c) Attitude hygiénique. — En lisant ou écrivant, tenir le corps droit et sans raideur, de manière à éviter le dos voûté et les déviations de la colonne vertébrale, si fréquentes chez les travailleurs intellectuels. Mieux vaut bomber la poitrine et ramener les épaules en arrière, de manière à donner aux poumons le plus d’espace possible pour se dilater dans la cage thoracique. Utilité d’alterner la position debout avec la position assise. Autant que possible éviter de pencher la tête sur un texte, se servir d’un pupitre, ou tenir le livre à la main à la hauteur des yeux. Ne pas lire ou étudier étendu de tout son long, la tête reposant en arrière, parce qu’il en résulte une plus grande fatigue pour les yeux.

d) La lecture dépend de la lisibilité des textes.[72]

e) Fatigue. — Si les yeux sont fatigués par la lumière ou le travail, les baigner à l’eau bouillie simplement ou par quelque application à eau de camomille, bouillie également, en éliminant toute impureté.

257.93 Technologie de la lecture.

Les conditions optiques du livre imprimé sont les suivantes :

1. Le papier.

a) Épaisseur. — Le papier des livres doit être opaque pour que les caractères imprimés au verso ne transparaissent pas. Il ne faut jamais de « buvard » qui laisse fuser l’encre dans l’impression et tache la page opposée.

b) Couleur. — Les papiers très blancs, bleuâtres, gris ou glacés sont à rejeter à cause des reflets ou de l’insuffisance de lisibilité.

La meilleure teinte est la couleur bois (Javel) très reposante, la couleur crème (Risley), la couleur rose, la teinte blanc mat et terne.

Le papier dit double carré de 22 kg. à la rame est d’une épaisseur courante très convenable.

2. Caractères.

a) Famille. — L’impression en caractères latins doit être préférée (Soenneken). Elle devra être parfaite pour éviter les bosselures. Les caractères gothiques, grecs, etc., de lisibilité plus difficile sont à éviter. Javal le premier a insisté sur la visibilité et la lisibilité des caractères d’imprimerie.

b) Grandeur. — Javal propose un nombre de lettres de 6 ½ par centimètre, et qui correspond au caractère dit « 9 points » ou « gaillarde ».

Colin et Weber sont du même avis, en proposant le caractère d’un millimètre et demi ; mais ils le considèrent comme un minimum. Risley pense qu’il doit avoir 3 mm. de hauteur, 0.25 mm. d’épaisseur.

c) Forme. — La forme carrée, aussi large que haute, paraît préférable.

d) Œil. — L’œil du caractère dépendant de la largeur de la lettre et de l’épaisseur du trait, doit être de grosseur moyenne.

3. Lignes.

a) Longueur des lignes. — La longueur des lignes ne devrait pas excéder 8 à 10 cm. (Javal, Berlin) avec 50 à 60 lettres.

Dans le format in-quarto, il sera préférable de disposer le texte en deux colonnes, séparées par un intervalle de 3 à 4 millimètres.

b) Interlignes. — L’interlignage sera en rapport avec la grosseur des lettres. Dans le cas de caractères petit-romain, il aura 2.5 à 3 millimètres.

257.94 Le rôle du livre et la lecture dans l’enseignement par soi-même. — L’autodidaxie.

a) Notions de l’Enseignement par soi-même. — Le terme autodidaxie (auto : soi-même ; didasco : j’enseigne) s’emploie pour désigner l’art d’apprendre sans maître, le talent de s’instruire et de se former soi-même sans école ni enseignement systématique (self education). Aujourd’hui l’école en réalité forme chacun mais il est nécessaire de se développer par soi-même, de se maintenir au courant. Les médecins, les physiciens, les chimistes, les techniciens qui ont fait leurs études universitaires ou polytechniques, il y a un quart de siècle et qui n’ont pas suivi par une documentation permanente les progrès de la science, ne s’y retrouvent souvent plus par suite des modifications apportées dans les théories aussi bien que dans leur application. L’historien Gibbon a pu dire : Tout homme reçoit deux éducations, l’une qui lui est donnée par les autres, la seconde beaucoup plus importante qu’il se donne à lui-même.

b) Développement historique. — Pour des raisons différentes, l’Angleterre, l’Amérique, la Russie et la Pologne sont des pays d’autodidaxie. L’Angleterre parce que le prolétariat y est cultivé, l’Amérique pour le même motif et parce que les distances y sont grandes, la Russie parce que le peuple y manquait de liberté, la Pologne parce que la langue y a été persécutée.

c) Formes diverses. — L’enseignement personnel revêt des formes multiples : enseignement direct et collectif constituant l’enseignement postscolaire par cours publics, conférences, excursions, visite de musées et d’usines, etc. (universités populaires) ; l’enseignement semi-direct, comme les cours par correspondance (International Correspondance School de Scranton) ; l’enseignement indirect ou purement personnel, l’autodidaxie par excellence, aidée par les bibliothèques, les salles de lecture, les éditions populaires, les programmes d’études privées, les guides de lecture.

d) Choix de Livres : Guide de la lecture. — Il est nécessaire de choisir ses lectures.

1. Comte s’en occupe dès 1854 et indique 150 volumes ; Sir John Lublock en indique cent (The Hundred best books). 2. Le Magasin pittoresque, les Pages Libres, l’Intermédiaire des chercheurs et des curieux, la revue italienne Coenobium ont ouvert des enquêtes à ce sujet. 3. H. Mazel en 1906 publie au Mercure de France « ce qu’il faut lire dans sa vie », ouvrage surtout d’ordre littéraire et philosophique. 4. De Brandis en 1911, publie chez Schleicher « Comment choisir nos lectures », plan de lectures tant scientifiques que littéraires. 5. American Library Association Catalog (choix de 8000 volumes destinés aux bibliothèques populaires). 6. Travaux et revues de la National Home Reading Union, Londres 1889. 7. Les travaux russes : a) Programme de lectures à domicile (Programmy Domacheniago Tchtenia) par un groupe de professeurs de Moscou (Vinogradov, Tchouprov, Milioukov) ; b) Programme de lectures pour l’autodidaxie (Programmy Tchtenia dlia Samoobrasovania) par un groupe de professeurs et de savants de Pétrograd (Kovalewsky, Pavlov, Borodine, Skabitckevski, Kariev, Roubakine), comprend un programme encyclopédique et des programmes spéciaux. 8. Le Guide polonais, Programme pour autodidacte (Poradnik dla Samoukow) s’étendant à la fois aux études élémentaires, moyennes et supérieures (exposé dans le Bulletin de l’Institut International de Bibliographie. Le Guide des Autodidactes, une œuvre polonaise d’enseignement par le livre, Bruxelles 1909. 9. Lazare Boïarsky. L’autodidaxie et un guide rationnel de lecture. Le Musée du Livre (Bruxelles, fascicule n° 39, 1917). 10. À travers les livres, de Nicolas Roubakine.

e) Organisation de l’autodidaxie. — L’importance sociale de l’autodidaxie justifie que les pouvoirs publics et les dirigeants du monde intellectuel se préoccupent de lui donner une organisation rationnelle. Rien ne contribuerait mieux à établir l’unité fondamentale de la pensée sociale parmi tous les peuples qu’un grand ouvrage, sorte d’encyclopédie des études, élaboré par les savants de tous les pays, destiné à tous les degrés de l’enseignement, et utilisant toutes les renommées acquises, toute l’expérience des guides de lecture antérieurs.

257.95 Orientation des recherches nouvelles.

Nous ne sommes qu’au début des études sur la lecture. Un immense matériel commenté a été rassemblé, mais il est insuffisant encore et des expériences surtout sont nécessaires. Signalons quelques points.

a) Le livre est l’objet intellectuel intermédiaire entre l’auteur et le lecteur et que celui-ci doit comprendre. Le perfectionnement peut porter également sur les trois termes.

b) Le livre et la lecture sont intimement liés a l’avenir de l’Intelligence. Il paraît vraiment possible d’améliorer l’expression des choses dans le livre lui-même et aussi la compréhension par l’esprit des choses exprimées bibliologiquement.

c) Il faudrait étudier les réactions de l’esprit devant les diverses formes d’une même idée qui constituent une échelle à degrés continus : la chose (l’oiseau par ex.) à l’état réel dans la nature, la même chose dans les collections ou musées : les moulages de telle partie, de tels appareils, de telles fonctions ; les monographies, l’image, le texte descriptif et explicite ; le texte sous la forme subtile de la poésie qui a pris la chose pour sujet.

d) La lecture est une sorte de devination ; l’esprit guidé par l’œil, est toujours en avance sur la parole qui traduit ce qui est écrit. On pourrait comparer tout texte aux vagues de la mer que doit franchir le bateau. Si celui-ci est petit, il devra suivre tous les creux des vagues ; s’il est grand, il pourra fendre les vagues et gagner ainsi sur le temps de l’itinéraire.

e) On lit horizontalement, mais aussi verticalement et diagonalement. On lit jusqu’à ce qu’on ait appris de quoi il s’agit. On saute les lieux communs, les redondances et les répétitions. On saute ce qu’on sait déjà ou ce qui n’a pas d’intérêt pour ce que l’on cherche.

f) On distingue entre la lecture sonore (externe) et la lecture silencieuse (interne). Au fond, la vraie distinction est entre la lecture explicite et la lecture implicite.

g) N’y a-t-il pas une prédisposition héréditaire à la lecture ? Le long effort des générations antérieures, surtout depuis que le peuple tout entier s’est mis à lire, ce long effort n’a-t-il laissé quelque trace dans une structure modifiée du cerveau ?[73]

h) Comprendre plus, plus vite, plus complètement, plus profondément, c’est le but même à assigner à l’intelligence. Dès lors toute amélioration de la lecture, laquelle consiste à comprendre le contenu d’un document, conduit à perfectionner l’intelligence.

i) Sont en présence ici la logique exprimée dans le livre à lire, et la psychologie selon les lois de laquelle procède l’esprit qui lit. La logique offre le procédé par lequel les liens mêmes des choses exprimées par les termes du langage sont mis en évidence alors qu’ils n’apparaissent ni directement ni spontanément. La logique procède discursivement comme notre esprit. Si les rapports entre A et C ne sont pas évidents, en les rapprochant tous deux, dit-elle, par l’intermédiaire de B, l’implication implicite jusqu’alors devient explicite. C’est la fonction du syllogisme qui se ramène à la formule : Si A est dans B et C aussi dans B. alors A est dans C.

j) Pour bien comprendre le mécanisme de la lecture, il faut voir en lui l’inverse du mécanisme de l’écriture. Une fois bien connu comment nous pensons, nous parlons et nous écrivons, une fois constaté que nous procédons par simplification, intuition et sous la forme implicite, il nous est plus facile de concevoir comment nous lisons.

k) Que se passe-t-il quand il y a compréhension ? Le cerveau procède à un travail actif pour saisir le lien entre deux ou plusieurs choses. Le cerveau opère à la manière dont il est procédé à l’établissement d’une liaison entre deux lieux physiques : on crée une route et celle-ci est la représentation matérielle de la liaison. Y a-t-il dans le cerveau quelque connexion anatomique ou physiologique (commixture) qui se formerait matériellement pour réaliser matériellement la connexion psychique ? Et s’il en était ainsi, l’hérédité se comprendrait mieux comme aussi la facilité de faire profiter une connexion établie à tous les autres, de faire même qu’un simple exercice intellectuel, comme l’étude des langues anciennes, serve à délier l’intelligence même, à la rendre plus apte à toutes autres études.

l) L’admirable de la compréhension des nombres ! Il suffit d’avoir une fois pour toutes compris les dix chiffres, les dix rangs de chiffres et leurs rapports les uns aux autres, pour comprendre ensuite tous les nombres.

m) Le langage n’est peut-être que le développement analytique et grammatical du cri qui lui est synthétique. Une pluralité de voies est ouverte pour exprimer une pensée quelconque (par ex. l’ordre différent des mots, la voie active ou la voie passive), ce qui tendrait à faire croire à la prépondérance de la pensée implicite sur la pensée explicite.

n) La fraîcheur d’impression et l’intuition est le propre des natures simples. La fixation intellectuelle de l’intelligence est produite par l’abus de la pensée explicite. Celle-ci enferme l’esprit comme en une carapace solide et lourde dont il a peine a s’évader. Pensons à l’abus de la scolastique après les belles périodes du thomisme au moyen âge.

o) Pensons-nous en forme de langage (mots ou images) qui exige un certain temps d’audition et même de vision) ou bien pensons-nous intuitivement au moyen de quelque chose de très subtil, sui generis, permettant de percevoir instantanément et d’induire ou de déduire sans lenteur ce que nous avons perçu ? En ce dernier cas que serait ce « Quelque chose », et comment arriver à le fixer directement pour, ainsi, parvenir à des complexes plus puissants ? La notation, qui est une véritable condensation d’idée, le schéma qui en est une abstraction et une simplification nous mettent sur le chemin de la découverte.

p) L’organisation peut prendre trois directions : les institutions, les opérations, les fonctions. On voit la lecture s’exercer simultanément dans toutes les trois. Un vague sentiment peu à peu se formule et se prépare en ces termes : Qu’un humain qui ne lit pas est un homme aussi dangereux à lui-même et à autrui que celui qui n’est pas passé par l’école. La lecture quasi-obligatoire est en voie de se réaliser par des moyens de persuasion et non de contrainte. On pourrait déjà parler d’un débit de lecture continue. En langage des chiffres, on aurait le débit heure individu moyen, d’où un débit-heure national pour tous les individus du pays et mondial pour leur totalité. Ce débit (D) est facteur du nombre et de l’étendue des livres (L), du nombre et de l’intensité de fonctionnement des organismes de distribution (Librairie et Bibliothèque) (B + L), des dispositions d’esprit et du goût des lecteurs (E), ainsi que du temps dont ils disposent (T).

D’où cette formule :

Sans pouvoir le préciser par des chiffres, on peut cependant affirmer que le débit mondial des lecteurs en 1930 a dépassé le débit des années antérieures.[74]

258 Influence du Livre. Amour du Livre.

Une fois produit et répandu, quelle influence a le Livre ? L’examen de cette question soulève divers points : la diffusion plus ou moins rapide des écrits ; la propagande et l’opinion publique ; l’influence particulière de la poésie et du roman ; le livre et l’action ; l’amour du livre et les diverses manières de s’y intéresser ; la bibliophilie et le mécénat.

258.1 Influence du livre.
258.11 En général.

a) L’utilisation du livre est directe, localisée, immédiate dans la lecture et la consultation. Elle est aussi indirecte, diffusée, à terme, à raison de l’influence qu’elle exerce soit chez l’individu ou dans le corps social (formation culturelle, formation de l’idéologie et de l’opinion). Le livre a une influence qui est individuelle ou sociale. Elle s’exerce différemment et dans des proportions différentes suivant les genres.

b) La mise en mouvement d’idées nouvelles rencontre fréquemment une « résistance au départ » ; elle se développe au contact des principes préexistants. Beaucoup d’auteurs ne trouvent aucun écho parmi leurs contemporains. Marche d’une idée nouvelle ; réaction naturelle contre l’autorité des idées traditionnelles (succès de scandale) auquel succède celle de la curiosité, qui à son tour provoque l’étude et la critique ou la raillerie. Le livre de Marco Polo décrivant son voyage en Asie ne trouva aucune créance auprès des Vénitiens. Ils n’y voyaient dans l’ensemble qu’un tissu de fables, œuvre d’une imagination extraordinaire. Le livre resta longtemps à l’état de manuscrit et copié à quelques exemplaires seulement ; puis il fut imprimé au début du XVIe siècle et se répandit en Europe. Au contraire, Jules Verne a produit plus de quarante volumes également passionnants pour plusieurs générations d’adolescents. Que d’idées et de sentiments n’a-t-il fait entrer dans des milliers de jeunes têtes ?

c) Un auteur finit par avoir un cercle de lecteurs. En continuant à écrire, il multiplie et élargit un tel cercle.

« Les paroles demeurent, et quand certaines affirmations ont été lancées, personne, pas même celui qui les a prononcées, n’est maître d’en limiter la portée et d’en limiter le retentissement qui, d’écho en écho, s’élargit dans l’Univers. Qui oserait prétendre que Luther, Zwingle et Calvin ne renieraient pas le protestantisme d’aujourd’hui ? » (Ernest Denis)

258.12 Propagande. Opinion publique.

a) La propagande est une action en vue d’obtenir des adhérents à une cause, à une doctrine, à un parti, à une association, à une institution, à une confession, à une foi. La propagande, de nos jours, se fait largement par le document. De grandes organisations ont donné une idée de ce que l’on peut obtenir par une propagande systématique, continue, sur une grande échelle : la propagande pour la foi catholique, les propagandes des partis politiques, notamment du socialisme et du communisme, la propagande des gouvernements pendant et après la guerre mondiale, la propagande touristique, etc. La propagande, à raison de son caractère intellectuel, se distingue de la publicité qui vise des fins commerciales. Mais l’une et l’autre ont à tenir compte de principes psycho-sociologiques communs et se servent partiellement de moyens identiques.

b) La propagande a pour but de provoquer un changement de la mentalité, en introduisant des notions nouvelles dans les esprits, en y combattant les notions existantes, ou en créant un état générateur de certaines actions, La propagande a existé de tous temps. De nos jours elle s’exerce pour des causes politiques, économiques, sociales très diverses. Elle prend l’allure d’efforts massifs disposant de ressources très importantes.

c) La propagande est apparentée d’une part à l’éducation-instruction, d’autre part à la publicité-commerce. Elle s’exerce par la parole, l’exemple, la manifestation, mais surtout par la documentation sous ses diverses formes.

d) L’ensemble des lecteurs forme l’opinion publique. Elle a sur la production des auteurs une influence analogue à la « consommation » sur la production économique. « Il n’y a pas de Bourse de valeur littéraire des écrits, de la valeur artistique des peintures, dit Tarde, mais elle tend à se former par le groupement des critiques littéraires, des critiques d’art, dans les capitales et par les académies, dont la première destination était, ce semble, de remplir cet office de Bourse morale et esthétique en servant de métronome à l’opinion ». La Presse en se répandant tend à rendre plus semblables les exemplaires des jugements individuels dont l’ensemble s’appelle l’opinion.[75]

e) Des groupes particuliers à buts divers s’organisent pour influencer l’opinion générale : buts intéressés, politiques, commerciaux, religieux, moraux ; buts désintéressés : arts, sciences, lettres, religions.

On sait assez bien comment, c’est-à-dire par prédications enflammées et contagieuses d’apôtres, est née en chaque pays d’Europe, s’est propagée et s’est consolidée nu moyen âge la foi chrétienne. On sait par quelles causes — propagation des idées scientifiques successivement découvertes et jugées contraires au dogme — la foi de chaque peuple a décliné. On sait par quelles causes opposées, par prédications nouvelles de nouveaux apôtres apportant de nouveaux arguments, elle s’est ravivée ici et là. L’Église catholique a organisé la Congrégation de la propagande de la Foi. Au moment de la réforme, les écrits de Luther volaient de mains en mains et parcouraient l’Allemagne entière avec la rapidité de l’éclair, remuant puissamment les esprits. En juillet 1521, les Juifs d’Anvers (les marans) ont une caisse commune qui pourvoit aux frais d’impression des ouvrages de Luther en espagnol. Par des moyens détournés, ils font pénétrer ces livres en Espagne.[76] Peu après les Anglais les imitent par l’importation des Bibles hérétiques en Grande-Bretagne. [77] En 1890 déjà, la Société Biblique de Londres comptait 5,297 sociétés auxiliaires. Les recettes dépassaient cinq millions, dont moitié provenant de la vente de Bibles. En 1889, elle avait dépensé depuis l’origine (1804) 275 millions de francs, avec près de 4 millions de volumes mis en circulation par an et, dès 1889, des traductions de la Bible au nombre de 275.

f) Sous toutes les formes, la littérature de propagande prend une formidable extension. Trois facteurs y contribuent : Le fait que l’organisation sociale, qu’elle soit locale, nationale ou internationale, repose de plus en plus sur la persuasion et le libre consentement, et non sur la force et la violence (formation de l’opinion publique). 2° L’instruction des masses. 3° Le progrès des arts graphiques (reproductions, affichage, journal).

g) L’Allemagne hitlérienne, arrivée au pouvoir, a concentré tous les moyens de propagande en une seule main, celle de l’énergique M. Goebels : Presse, Radio, Cinéma, etc. Il s’est agi de justifier les actes du gouvernement devant l’opinion publique sans craindre aucune contradiction. Action positive par une telle propagande ; action négative par la censure.

258.13 Influence de la poésie.

a) De même que la lanterne magique illusionne la vue, la poésie illusionne l’esprit. La tyrannie qu’exerce l’imagination sur les intelligences incultes est si grande, qu’un enfant ému par le récit d’histoires invraisemblables, celle du Petit Chaperon Rouge, par exemple, pleure, tremble de peur et s’impressionne au point de ne pas oser sortir la nuit, par crainte d’être surpris par le fauve ; il sait pourtant bien que les loups ne parlent pas. (Macaulay : Études littéraires).

Le poète, dit Grosse, a dans la main le violon enchanté du conte allemand : dès la première note, le guerrier abandonne son épée, le travailleur laisse tomber l’outil, le savant ferme son livre, et mus par les mêmes sentiments, leurs cœurs vibrent à l’unisson, et s’identifient avec celui du poète. En poésie, écrit Shelley, on passe de l’admiration à l’imitation et de l’imitation à l’identification. En prose, quelle que soit la part de l’imagination, il faut donner quelque chose à l’esprit, car c’est une règle élémentaire de l’art oratoire, qu’on cherche vainement à persuader l’auditeur, avant de l’avoir convaincu et d’avoir détruit les raisons qu’il oppose à la thèse. La poésie au contraire atteint aussitôt le but, elle pénètre au plus intime du cœur, s’y enferme, s’en empare et le domine complètement[78]. La poésie est la musique des idées. Celles-ci, dit Monti, ne produiront jamais une forte impression si elles ne sont accompagnées de l’harmonie.

b) Les Spartiates n’admettaient point de poètes parmi eux, se basant, d’après Plutarque, sur ce qu’ils écrivaient des choses plus douces que salutaires. Platon, dans le 8e livre de sa République, proposait de défendre la poésie, à ceux qui n’étaient point des modèles de bonnes mœurs. Quintilien ne voulait pas qu’on expliquât aux enfants les vers d’Horace et des autres poètes. Cicéron reprochait aux poètes de remplir l’esprit de mollesse et de briser le nerf de la vertu. Virgile, dans sa dernière disposition testamentaire, ordonne de livrer l’Énéide aux flammes ; Luther n’admet point dans les classes Juvénal, Martial et Catulle.

c) « Une atrocité, dit Valera (Nuevos estudios criticos) a moins d’importance en vers qu’en prose, pourvu qu’elle soit dite avec élégance. En vers, la moitié des lecteurs ne s’attache point au sens ; de sorte que le poète peut blasphémer et maudire à son aise, se convertir en machine infernale qui lance des oraisons jaculatoires au diable et des insultes à Dieu, sans que le lecteur soit perverti ou scandalisé, car il ne fait guère attention qu’à la mélopée endormante du vers. Comme s’il assistait à une bataille sans y prendre part, il est aveuglé par la fumée, assourdi par le bruit, mais ne voit point où sont dirigés les coups. »

d) L’influence de la poésie, remarque Macaulay, est plus grande sur les imaginations enfantines que sur les adultes, comme elle fut plus puissante chez les peuples primitifs et sauvages que chez les nations civilisées. La prédominance des poètes actuels est bien inférieure à celle des antiques bardes, allemands ou gaulois. Nous concevons avec peine les effets terribles produits par les tragédies d’Eschyle, les convulsions des rapsodes qui chantaient les vers d’Homère et l’insensibilité des Mohawks entonnant le chant de la mort.

258.14 Influence du roman.

a) Le roman est la production littéraire la plus en vogue. Il occupe la première place dans les lectures ; c’est sans contredit le livre qui compte le plus grand nombre de partisans. Sur 100 ouvrages pris au hasard dans les bibliothèques publiques, il y a 80 romans ; sur 100 livres vendus, 95 appartiennent à la même catégorie.

b) Le roman est le genre le plus compréhensible et le mieux approprié de notre siècle. Il remplit le vide laissé par la disparition de l’épopée. Il a son fondement dans la nature même de l’homme : l’aspiration à l’idéal par la noblesse de l’esprit humain non satisfait des mesquineries, des misères de la vie réelle. Sous forme de fables, de contes, de romans, de fabliaux, de livres de chevalerie, il acquit dans tous les temps et chez tous les peuples une grande importance, mais il n’atteignit jamais une vogue comparable à celle dont il jouit dans notre société démocratique. Le roman a remplacé l’épopée, incapable de contenir dans ses moules l’idéal et la vie des peuples modernes. Il égale par conséquent toute la splendeur du genre épique dans les temps anciens.[79]

c) Les personnages du roman s’insinuent peu à peu dans l’âme du public qui finit par se convaincre que ce sont des êtres réels et effectifs et peut-être, dans son for intérieur, donne-t-il plus d importance à leurs idées qu’à celles des hommes qui l’entourent. (Ledesma)

d) La littérature contemporaine est dans sa majeure partie une glorification de l’acte sexuel. À en croire beaucoup de nos romanciers modernes, la satisfaction la plus noble, la plus élevée que puisse se proposer un être humain, c’est la satisfaction d’un instinct qui nous est commun avec les animaux. (F. Payot, L’Éducation de la Volonté).

c) La lecture excessive des œuvres qui nous occupent constitue une sorte de suicide spirituel, car elle absorbe la pensée propre, éloigne le goût des investigations scientifiques, rabaisse le sens du réel, exalte l’imagination au dépens des autres facultés, peuple l’esprit d’inutiles représentations, trouble par des images impressionnantes l’attention, la méditation et la réflexion nécessaires à l’étude et débilite les énergies de la volonté, incapable de mener à bout le développement logique d’une démonstration. (Lopez Pelaez).

f) La lecture des romans peut finir par altérer violemment la régularité du fonctionnement des nerfs et produire des troubles cérébraux très profonds. De toutes les causes qui ont altéré la santé des femmes, la principale a été la multiplication des romans en ces derniers temps, car elles surtout éprouvent des émotions intenses à leur lecture, (Tissot.) Physiologiquement, l’émotion produit la contraction ou dilatation des vaisseaux, des spasmes des muscles organiques… comme aussi des exaltations et des dépressions, des clartés et des obscurcissements de l’esprit. (Don Raphael Salillos.) Il n’est pas rare que les femmes adonnées à ces lectures souffrent d’hystérie, aient des cauchemars et, pour le plus futile motif, éclatent en sanglots nerveux. Après avoir lu un roman qui les a impressionnées, certaines personnes sentent leur esprit s’obscurcir, perdent la mémoire et restent quelque temps comme hébétées, sans trop savoir où elles sont. Le roman est pour certains une véritable suggestion dégénérant en folie et actes criminels.[80]

g) L’étude des troubles même physiologiques causés par la lecture des romans est une voie permettant d’établir des relations entre le mot lu, sa représentation mentale et la réalité, (Psychologie bibliologique.)

258.15 Influence du livre sur l’action.

Deux opinions sont en présence. Les criminalistes italiens proclament l’impuissance des idées dans le champ de la réalité, (Ferri : Les criminels dans l’art.) Un raisonnement a beau convaincre notre raison, nous ne changeons point pour cela de conduite. Notre vie se trouve divisée en deux parties, l’une théorique, l’autre pratique. La perpétuelle contradiction qui existe entre elles serait grotesque si elle n’était générale. Les théories scientifiques, les croyances religieuses et les opinions politiques manquent d’influence déterminante sur les actions des individus ; celles-ci ont au contraire un indice et un effet d’un tempérament psycho-physiologique dans un ambiant physico-social déterminé. Croyances, opinions et théories sont trois effets de la même cause ; c’est la résistance plus ou moins visible du tempérament et du milieu. Les hommes naissent idéalistes, positivistes, matérialistes ou mystiques. Dans la variété d’opinions scientifiques, religieuses ou politiques qui les entourent, ils s’approprient celles qui répondent le mieux à leurs dispositions embryonnaires. L’anthropologiste italien C. Ferrero dit que, malgré nos plaintes raisonnables sur l’art moderne, spécialement sur la poésie si souvent pessimiste, satanique et macabre, le mal a quelque compensation et même certain avantage ; c’est comme une soupape de sûreté, une espèce d’émonctoire servant de contrepoids aux tendances anormales qui, sans lui, se transformeraient en action. Beaucoup d’hommes se contentent d’une satisfaction purement littéraire, plastique ou musicale. On a fait observer que s’il en est ainsi, pour que la conséquence déduite fut certaine, il faudrait que les poètes et les artistes se limitassent à manifester dans leurs productions l’état de leur esprit sans les faire connaître aux autres. (Lopez Pelaez).

La suggestion d’une œuvre d’art n’a pas la même forme que la suggestion directe et immédiate d’un fait vu et perçu ; mais la diffusion est plus grande et le rayon d’action plus étendu.

D’autres soutiennent, au contraire, que le livre peut conduire à l’action, « Tout ce qui familiarise l’esprit de l’homme avec une mauvaise action, observe Darwin dans le Livre de la Destinée, augmente sa facilité à la réaliser. » — « Penser à une action dispose à son exécution, dit le physiologiste Gratiolet. » L’action après tout, ce n’est autre chose qu’une idée qui a pris corps. Et toute idée prend corps lorsqu’elle rencontre sur sa route un homme vivant. Nous sommes ce que veulent les auteurs.

« Il n’est aucun d’entre nous qui, descendu au fond de sa conscience, ne reconnaisse qu’il n’aurait pas été tout à fait le même s’il n’eût pas lu tel ou tel ouvrage, poème ou roman, morceau d’histoire ou de philosophie. » Pour Bourget, préface du Disciple.

Le lecteur d’un livre se fait d’une certaine manière disciple de l’auteur, au magister duquel généralement il se confie et se livre. (Lopez Pelaez.)

L’action du livre et de la Presse sur les âmes est bien connue de l’Église qui s’est réservée le pouvoir de dispenser les livres, d’organiser la censure ecclésiastique et d’une manière continue d’attirer l’attention sur ce qu’elle appelle les mauvaises lectures (livres contraires au dogme et à la morale).

La parole parlée, dit Zaccharie dans sa Storia polemica della prohibizione dei libri, est la flèche volante qui blesse au passage ; la parole écrite est le dard qui s’enfonce au plus intime de l’âme. Ce qui est écrit peut se lire bien des fois et comme le fruit défendu du paradis terrestre, tente continuellement la vue.

Si nous sommes tous portés à imiter ce que nous voyons, chez les femmes la faculté d’imitation, remarque le Dr Roussel (système physique et moral de la femme), prend un caractère absolument morbide. Il y en a qui ne peuvent voir un accès spasmodique sans en éprouver elles-mêmes de pareil. Il y a des poisons pour l’âme comme il y en a pour le corps. Les fausses maximes produisent une mort aussi dure que les puissances vénéneuses, et le nombre des poisons intellectuels est aussi grand que celui des poisons physiques. (Proal : La criminalité politique.)

Il importe beaucoup de savoir quels livres circulent dans les mains des hommes, dit Mélanchton

« Joie, douleur, amour, vengeance, sanglots et rires, passions et crimes, tout est copié… Voilà le livre. L’encre surnage dans cet océan de sang et de larmes… Une pensée traduite du chinois ou du grec, prise dans Seneque ou Saint Grégoire, a préparé un avenir, pesé sur un caractère, a décidé d’un destin… Unissez à l’autorité de la poésie l’intérêt du roman ; la trace imprimée est ineffaçable comme la tache de sang sur la main de Macbeth… Et cela sans qu’on note, sans qu’on comprenne que le cœur bat grâce à l’œuvre d’un autre. Très rares sont ceux qui portent la marque du livre dans la tête ou dans la poitrine, sur le front ou sur les lèvres. Pauvre cœur qui avance ou retarde et se règle sur les lettres comme la montre se règle sur le cadran solaire. Le livre s’empare de vous, il vous suit des genoux de votre mère au banc de l’école, de l’école au collège, du collège à la caserne, au palais, sur la place et jusque sur le lit de mort, où suivant le volume feuilleté pendant la vie, voue aurez une heure dernière soulagée ou chrétienne, lâche ou vaillante. » (Jules Vallès, Les Réfractaires.)

258.2 Amour du livre. Bibliographie. Bibliomanie.

a) L’amour du livre donne lieu à la formation des « Amateurs de Livres », au Mécénat et aux Hauts Protecteurs, qui favorisent la production des beaux livres, à un ensemble de principes et même d’organisation qu’on a appelé la Bibliophilie. Celle-ci a fait naître un grand nombre d’ouvrages qui en ont traité et dont certains sont déjà fort anciens.[81]

b) La bibliophilie rationnelle doit reposer sur le concept des plus belles éditions appréciées, d’après les critères de la beauté du livre (esthétique du livre), quant à l’exécution typographique, la correction du texte, la beauté et la fraîcheur de la reliure.

La perfection du livre serait dans les livres les plus vrais quant aux idées, les plus parfaits quant à leur établissement matériel, les plus beaux quant à leurs aspects extérieurs.

c) La Bibliophilie a un grand rôle. Elle répand l’amour et le goût du livre. Son objet est souvent général, mais l’art ordinairement le purifie. Et puis, il faut admettre la logique de certains sentiments nécessaires pour l’imposer, nécessaire donc pour que dans les grandes choses, à son tour il s’affirme. Les bibliophiles ont sauvé de l’oubli maintes œuvres et grâce à eux, les collections ont été préparées et complétées.

d) La bibliographie soulève plusieurs questions. Fluctuation dans les mouvements bibliophiliques. Un engoument pour le beau livre s’est développé ces dernières années, et surtout après la guerre par suite d’une inflation générale où la spéculation prédominait. Doctrines esthétiques, simples curiosités ou bizarreries qui ont présidé à la ruée des activités vers la bibliophilie, forme soudain remuante de production. Procédés divers d’illustration, choix des papiers, reliure, etc. (Questions générales examinées ailleurs). Catégories diverses d’amateurs de livres, observation de cas spéciaux, amour sincère ou hypocrite. Société et groupes de bibliophiles.[82]

e) Le respect du livre, le goût du papier imprimé est parfois inné. Mais il s’acquiert. Rien mieux que l’histoire du livre ne peut le développer. Dans la VIe semaine de Missiologie (Louvain), des missionnaires ont dit : Les Indiens du Punjah témoignent du plus profond respect à l’égard des livres sacrés. Si une doctrine est extraite de leurs pages, on ne la discute pas. Les Sikhs déposent leurs livres saints sur une litière couverte d’étoffes précieuses et ne permettent pas qu’on s’en approche sans avoir auparavant enlevé ses chaussures. Si les distributions de Bibles — par millions — organisées par les protestants, ont des avantages, celui de faire connaître la personne et l’enseignement du Sauveur, elles ont aussi ce désavantage de discréditer dans une certaine mesure les Livres Saints des chrétiens. Un livre qui se distribue aussi libéralement, que l’on charge en vrac dans une auto, ne peut être aux yeux de l’Indien illettré, un livre fort précieux.

f) Les beaux livres, à côté de leur valeur intellectuelle, ont une valeur marchande. Celle-ci s’estime à trois degrés : valeur de l’œuvre ; valeur de l’édition ; valeur de l’exemplaire (complet et bien conservé). On dira, par ex., dans une appréciation : « Bon exemplaire de la belle édition de cet important et rare ouvrage. » — « Ouvrage complet, sans taches, surcharges ni déchirures. » La rareté est un autre élément de la valeur. Il n’est pas intrinsèque, mais extrinsèque, dépendant de circonstances extérieures à l’ouvrage lui-même. Il y a les éditions numérotées, les ouvrages épuisés et peu communs.

g) La bibliophilie commence avec l’amour des livres pour le contenu et la forme matérielle du livre et finit en bibliomanie qui fait peu attention au fond et s’attache à la forme en l’associant à la rareté purement accidentelle du livre. Pont de Verdun a écrit cet épigramme connu :

C’est elle ! Dieu ! que je suis aise !
Oui, c’est la bonne édition.
Voilà bien, pages neuf et treize,
Les deux fautes d’impression
Qui ne sont pas dans la mauvaise.


h) De plus en plus la bibliophilie est devenue une mode. La spéculation et le snobisme s’en mêlent. Les amateurs de livres vraiment désintéressés deviennent rares. Le problème qui se pose au collectionneur est de savoir quels auteurs seront recherchés et quelle sera l’importance de leur cote marchande. Par des procédés de publicité, on cherche à monnayer en quelque sorte la postérité, en attribuant à tel ou tel livre, dès sa publication, une valeur qu’il n’aurait acquise, suivant La logique des choses, que deux ou trois cents ans après. La bibliophilie devient, au dire des uns. « une spéculation pour malins » ; selon les autres, on peut aujourd’hui employer cette expression « Illettré comme un bibliophile ».[83]

259 Conservation, Altération. Destruction du Livre et du Document.

259.1 Conservation.

a) Les livres et les documents ne sont pas essentiellement des biens corruptibles, périssables ou qui se détruisent par l’usage qu’on en fait. Ce sont des biens à durée continue pour lesquels s’imposent des mesures de conservation leur permettant de traverser les âges. Ces mesures visent à la fois la conservation physique et la sécurité sociale ; elles ont à se concilier avec les mesures propres à en faciliter l’usage. Ces points ont été traités notamment sous le n° 26 Collections et n° 283.1 Hygiène.

b) Distinguant entre l’existence intellectuelle d’un livre et son existence matérielle, on arrive à considérer que le livre est conservé pourvu que quelques exemplaires, un seul tout au moins, ait pu être sauvé de la destruction. On peut alors le reproduire. C’est le cas de la plupart des livres parus depuis un certain temps.

c) Les ennemis du livre qui nécessitent des soins et des mesures de conservation sont : 1° La poussière, Éviter de battre les livres ; les épousseter. L’aspirateur permet de combattre la poussière. 2° L’humidité, elle couvre les livres d’une affreuse lèpre blanche qui marque les pages de taches jaunâtres et donne aux volumes l’odeur de moisi. On combat l’humidité par l’aération. Éviter de placer les livres dans des armoires fermées, les éloigner des murs. Le sulfate de carbone élimine l’humidité. 3° Les insectes. Il en est de diverses espèces. L’humidité chaude engendre toute une famille de petits vers qui creusent des trous dans les pages. Leurs désastres sont grands dans les pays chauds, au Brésil par exemple.

d) Le livre est vivant. Jusqu’ici cette expression avait un sens figuré. Mais les travaux du Dr Galipe, présentés à l’Académie des Sciences (3 nov. 1919, C. B. n° 18. t. 69, p. 814) lui donnent une signification propre. Dans la substance même du papier et du papyrus continuent à vivre certaines bactéries appelées improprement granulations et qui résistent à tous les agente physiques ou chimiques. Leur vitalité est telle qu’ils se conserveraient depuis deux mille ans.

259.2 Destruction, altération, vol et élimination.
259.21 Généralités.

a) Comme tout objet créé par l’homme, le livre dans sa vie est soumis à trois sortes d’actions : 1° celle que lui inspire le travail humain, finalisé et rationalisé ; 2° celle inhérente aux forces naturelles qui ont été incorporées et soumises en lui ; 3° celle des forces extérieures en œuvre dans la nature et dans la société. En tant qu’organisme intellectuel, les livres participent au cycle biologique : naître, se développer, se reproduire, mourir. Dans sa phase de construction, il sera accru et procédera par assimilation d’autres livres, par combinaison de ceux-ci avec sa structure et ses éléments. Durant sa vie, il sera soumis aux accidents fortuits, aux maladies organiques, la mutilation, la dissolution, la destruction et la fin du livre (maladie, accident, amortissement et fin du livre).[84] Dans sa phase de destruction, il sera divisé, combiné, fusionné, éliminé, et il mourra.

b) La durée des œuvres doit s’envisager quant à celle de leurs divers éléments. 1° L’élément matériel : il est en général le plus fragile ; le livre s’use, s’abîme, se détruit. Il y a l’eau et le feu, il y a les chocs et toutes les causes de dislocation, de déchirure, il y a la poussière et la saleté qui s’étendent. En principe, on veut un livre durable, mais les conditions économiques conduisent souvent à un livre éphémère. 2° L’élément linguistique : la langue du livre lui assure une durée efficiente en rapport avec l’existence de la langue employée à l’état vivant dans la communauté des lecteurs. 3° L’élément intellectuel : il vieillit, il est périmé, le succès des premiers jours s’écarte de lui.

c) Malgré ces conditions relatives, le livre cependant aide à la pérénité des choses. Tout change, tout finit, tout meurt et toutes les entreprises humaines sont relatives. Les ruines des civilisations et des villes, une Palmyre, par ex., dont Rome envia la richesse et Athènes la beauté, et qui fut réduite à rien. Mais le livre encore est là pour perpétuer son nom et raconter ses splendeurs ; il est plus indestructible que les monuments et la pierre.

d) Le respect du livre et du document se justifie pour des raisons de morale humaine, sociale. Pour des raisons de morale divine aussi : le devoir d’honorer en toutes circonstances le créateur dans la créature, étendu aux œuvres de celle-ci.

Pour un Chinois, détruire un papier écrit, c’est un péché. Tuer un livre, a dit Milton, c’est commettre un attentat plus grave que le meurtre d’un homme.

Les livres sont des personnes morales et intellectuelles. On n’a pas le droit de les détruire dans une société civilisée, alors qu’on n’y exécute plus la peine de mort sur des personnes physiques.

e) La destruction et la perte des livres prend quatre formes suivant qu’elle porte sur : a) un exemplaire ; b) l’œuvre entière ; c) de grands ensembles de livres, comme par exemple des bibliothèques ; d) les monuments littéraires de tout un peuple, de toute une civilisation.

259.22 Durée des livres.

a) L’économie des denrées périssables donne lieu à une production sans cesse renouvelée (ainsi les denrées nécessaires à l’alimentation). Les livres et les documents ont largement un caractère périssable. Ils contiennent des données, faits, chiffres, opinions, que le cours du temps modifie. Les livres ainsi ont constamment à se renouveler.

b) Faut-il prévoir et mettre en œuvre des modes volontaires d’élimination ? D’abord il faut répondre à cette question : Tout livre, tout imprimé, tout document doit-il être conservé ? Oui, disent les totalistes, car : nullus est liber lam malus quin in aliquid prodest.

Éliminer ? La génération actuelle ne saurait choisir. L’autre ne l’osera plus. Mais que faire devant l’accumulation des livres où tout se crée incessamment et où presque rien ne meurt. Des historiens affirment que déjà aujourd’hui, pour le seul régime de Napoléon, aucune vie ne serait assez longue pour en parcourir seulement les sources. Mais, d’autre part, qu’en serait-il de nous si, depuis la fondation de l’Empire romain, il y a 2000 ans, toute l’Administration, toute l’Histoire et toute la Science des anciens avaient été écrites, enregistrées, voire publiées ? Que ferions-nous de toutes ces masses de papier ? À les lire et à les consulter, nous perdrions le temps de vivre notre vie.

Donc si le document est le moyen de se souvenir, la question revient en partie à se demander s’il est désirable que l’Homme conserve le souvenir de tout. La réponse exige réflexion. Voici, par exemple, le Christianisme, voilà Jésus-Christ ; contrairement aux fondateurs de religions, il n’a pas écrit lui-même. Cependant, aux dires des Évangiles et de l’Église, il a passé sa vie à instruire ses apôtres en leur disant d’aller de par le monde redire son enseignement. Il n’a nullement désiré que les Évangiles soient le récit de sa vie, limitée au nombre de quatre : il y eut d’autres récits écrits qui disparurent. Mais combien précieux ces écrits. Que ne seraient aujourd’hui pour les Chrétiens la découverte de l’un d’eux. Cet exemple mémorable éclaire le rôle du document. Qui jugera de la destruction nécessaire ? Pour juger ne faut-il pas commencer par tout recueillir ?

c) L’élément intellectuel aura la durée propre soit à l’idée exacte et vraie, soit à une forme adéquate et harmonieuse, soit à l’une alliée à l’autre. Il y a des ouvrages périmés, il en est devenus inutilisables. Ainsi, il y a des travaux résultant de longues années d’études et qui font justement oublier tous les travaux antérieurs. Il s’établit un « struggle for life », une lutte pour le meilleur livre.

C’est à tort que nous attribuons généralement à la littérature d’aujourd’hui des qualités de durée et de longévité qu’elle ne peut posséder dans son ensemble. Tout grand homme doit mourir deux fois, dit Paul Valery : la seconde quand son influence cesse de s’exercer, quand son empire intellectuel et moral s’écroule.

Il n’y a pas d’œuvre éternelle. « Une œuvre qui dure est une œuvre qui gêne l’apparition d’œuvres nouvelles. L’œuvre passée n’a plus qu’une valeur historique, elle ne peut servir qu’à permettre au chercheur de saisir par quelles phases la spontanéité humaine a passé ; mais elle n’a aucune valeur comme œuvre d’art, parce que l’œuvre d’art est un monument de la grande vie humaine, l’humanité en jouit pleinement un instant, puis il passe à jamais et doit pour elle n’être plus rien. Autrement ce serait matérialiser l’œuvre d’art, en faire une chose à laquelle on s’attache, un souvenir obsédant de la chair.[85]

d) Ouvrages perdus et retrouvés. — Des quantités d’œuvres de toutes les civilisations sont perdues. Nous ne possédons plus qu’une partie de l’antiquité grecque. dont les trésors étaient immenses. Ainsi de tant de poètes rivaux dans le génie tragique, il n’en est que trois dont les œuvres sont arrivées jusqu’à nous : Eschyle, Sophocle et Eurypide. Encore de ces trois auteurs ne possédons-nous qu’une faible partie de leur œuvre. Les découvertes dans les bibliothèques sont des « redécouvertes ». Ainsi, on a retrouvé en 1891 la Constitution d’Athènes, par Aristote, alors que l’on croyait cet ouvrage à jamais perdu. Par quel miracle furent retrouvés les ouvrages d’Aristote, au fond d’une cave, où les racheta pour très peu de chose, le bibliophile Apellicon ? Un autre ami des livres, qui s’inquiétait peu de les payer, Scylla, surnommé l’heureux, parce qu’il épargna la ville d Athènes, s’empara de la bibliothèque du bonhomme Apellicon et la porta dans Rome en grand triomphe.

e) Il y a des ouvrages morts-nés, ceux qui ayant été annoncée n’ont jamais parus, alors que déjà au moins leur manuscrit a été élaboré. Il y a des ouvrages dits à suites qui, après quelques livraisons, n’ont pas été achevés. Il y a eu la disparition aussi de bien des livres qui ne virent jamais le jour et dont les manuscrits sont restés introuvables. Mais le contenu de ces livres peut avoir été connu de savants en rapports avec leurs auteurs et ainsi avoir exercé une influence malgré tout, bien que par des intermédiaires.

f) Il y a peut-être des lois générales qui président à la destruction des livres comme à leur production. Les maisons et les mobiliers ont été remplacés par d’autres au cours des siècles. Les bibliothèques ont été remplacées par d’autres bibliothèques. Que de fois l’Humanité a renouvelé ses sciences et ses arts, ses laboratoires et ses musées : renouvellement, amortissement, destruction.

g) La mesure de la raréfaction des livres peut être donnée par le Gesamt Katalog des bibliothèques prussiennes. On a constaté que les bibliothèques autres que la Bibliothèque Royale de Berlin possèdent 40 % de livres que celle-ci ne possède pas. Donc les grandes bibliothèques ne sont même pas des organismes suffisants pour la sauvegarde des livres.

259.23 Historique.

De tous temps, les livres ont été assimilés à leur contenu, aux systèmes religieux, philosophiques, sociaux, politiques dont ils étaient les expressions. C’est une des raisons de leur destruction. Les livres des chrétiens furent détruits par les païens, quand ils refusèrent de reconnaître la religion de l’État et de sacrifier aux grands dieux de l’Empire, ensuite les livres des païens par les chrétiens. Dès 380 à 1380, les fauteurs du texte révisé de la Bible en ont détruit bien des exemplaires, alors qu’ils s’efforçaient d’en établir un texte unique sur la terre. Plus d’une fois les païens avaient fait tous leurs efforts pour anéantir les livres des chrétiens et des juifs. Dans la persécution excitée contre les juifs par Antiochus, les livres de leur foi furent recherchés, déchirés et brûlés, et ceux qui refusèrent de les livrer furent mis à mort, comme on le voit dans le premier livre des Macchabées. En 303 Diocletien fit publier à Nicodémie un édit par lequel il ordonnait que tous les livres des chrétiens fussent brûlés, leurs églises détruites et qu’on les privât de tous leurs droits civils et de tous emplois. Plusieurs chrétiens, parmi lesquels se trouvèrent des évêques et des prêtres, succombèrent à la cruauté des tourments et livrèrent leurs livres à Diocletien. Celui-ci fit aussi brûler en 290 les vieux livres d’alchimie sur l’or et l’argent, afin que les Égyptiens ne pussent s’enrichir par cet art et en tirer une source de richesses pour les révoltes contre les Romains.[86]

Les livres religieux hérétiques ont été brûlés par Constantin et les autres empereurs romains. La coutume fut continuée durant le moyen âge par les autorités ecclésiastiques et les chefs civils. Savonarole brûla les livres de ses adversaires. L’invention de l’imprimerie accrut le danger des livres aux yeux des autorités civiles et ecclésiastiques. Les imprimeries se virent entourées de restrictions. Les presses et les livres furent confisqués, les livres brûlés. Imprimeurs et auteurs furent emprisonnés et parfois exécutés. Des listes de livres censurés furent publiées à Paris (1544), Louvain (1546) et Venise (1549). Le premier index romain des livres prohibés parut en 1559. La censure ecclésiastique se fit sévère après le Concile de Trente. De leur côté, les réformateurs répondirent par des mesures drastiques contre les ouvrages catholiques. En Angleterre, on tortura Worde qui avait vendu des livres hérétiques, et les cendres de Wyclif furent jetées au vent. Le vandalisme a semé aux quatre coins du monde les enluminures des traités arabes que l’on retrouve dans des expositions d’art oriental, tandis que les textes qui les accompagnaient sont irrémédiablement perdus. En Amérique, le gouverneur royaliste de la Virginie, Berkeley, remerciait Dieu de ce qu’il n’y avait pas d’imprimerie dans sa province.

259.24 Formes de la destruction.

a) Les causes de la destruction de livres sont nombreuses : 1° l’usure naturelle : 2° la destruction par accident ou par hasard ; 3° la perte par ignorance : 4° la destruction volontaire par les auteurs ou les propriétaires ; 5° la destruction par faits de guerre ou de révolution ; 6° les incendies ; 7° les autodafés ; 8° les faux et les altérations ; 9° le vol.

b) Il y a destruction par effacement : ineffaçable se dit de l’écriture, des traits, des caractères, en un mot d’un signe formé ; indélébile se dit plutôt de la matière du signe, de l’encre, par exemple, qui a servi à tracer les caractères. Au figuré, on dira d’un souvenir qu’il est ineffaçable et d’une tache qu’elle est indélébile. Ce qui s’écrit se corrige, se biffe, s’efface ou se détruit. Quatre modalités de l’anéantissement. Biffer n’est pas effacer. Dans l’ancienne France, des arrêts du Conseil ordonnaient parfois au Parlement de biffer des remontrances de ses propres registres.

Au moyen âge des moines ignorants détruisaient quantités de manuscrits anciens en effaçant les textes par ponçage du vélin et en s’en servant pour y transcrire des œuvres religieuses (d’où palimpsestes) Heureusement on parvint plus tord à reconstituer une partie des textes primitifs sous les textes superposés.

c) Il y a des destructions partielles sous forme de mutilation. Après que les Fleurs du Mal de Baudelaire eurent été condamnées (1857). l’éditeur, Poulet-Malassis, au lieu de détruire les exemplaires qui lui restaient, les mit en vente après s’être contenté de couper les six pièces condamnées.

d) À côté de la destruction des livres et des documents, il y a la destruction de l’ordre qui y a été apporté dans les collections. Déranger cet ordre, ne pas remettre en place, c’est un acte de véritable destruction. Le livre peut encore être là et tout entier : la collection est détruite dès que la série qu’elle constitue a été altérée ou détruite.[87]

e) Il y a destruction à entrevoir du livre comme tel par extension de ses substituts. Dans la Mort du Livre de Maurice Escoffier, est sonné le glas du livre évincé par la T. S. F. On a répondu à l’auteur que tout au plus cinq ou six chapitres radiodiffusés seraient supportables à l’audition et qu’une cinquantaine de livres au plus pourraient être diffusés en une année.

259.25 Destruction pour causes naturelles.

a) Trois facteurs influent sur la vie physique du livre : 1° la qualité de l’édition, le papier ; 2° la qualité de la reliure ; 3° la manière dont le lecteur traite le livre.

b) La destruction du livre provient de l’usure, par les suites des manipulations et des accidents de toute nature survenus au cours de la vie d’un livre. Les ouvrages des bibliothèques très fréquentées, particulièrement ceux des bibliothèques les plus populaires, ont une vie limitée. On peut estimer qu’après dix ans un tiers des livres sont inutilisables et dépréciés. La vie d’un livre qui passe 12 fois par an par des mains différentes est encore plus courte. Dans les bibliothèques qui ne comportent pas de grands ensembles aussi complets que possible, il y a lieu de procéder à des éliminations. Ce sont des espèces de destruction de livres par rapport aux organismes possesseurs. Cette élimination porte sur les ouvrages périmés ou en mauvais état. Elle doit avoir pour corollaire non la destruction des ouvrages eux-mêmes, mais leur envoi dans d’autres dépôts.

c) Il y a destruction des livres par les insectes. Les remèdes préventifs souvent essayés ne sont pas d’une efficacité générale (naphtol, benzine, sublimé corrosif mélangé à la colle, rayon de bois imbibé de sulfate ou d’acétate de cuivre). Certains procédés sont dommageables pour les livres, tels le battage des volumes, le sulfure de carbone. À la suite d’un concours instauré par le Congrès international des Bibliothécaires en 1900, trois mémoires ont étudié le problème et y ont répondu de manières diverses.

d) Les progrès de la technique, en produisant du mauvais papier, sont facteurs de la destruction des livres.

e) Malgré les précautions, il est nécessaire d’envisager la reproduction des livres et des documents. Les œuvres finissent par se détériorer et s’anéantir. Il faut donc prévenir la destruction intellectuelle en opérant des reproductions à temps. C’est une manière de course au flambeau qui ne peut jamais s’interrompre.

259.26 Le feu.

a) Le papier reste fort inflammable, mais compact dans la forme du livre, il l’est moins. On a démontré récemment dans des expériences à Magdebourg que le chaume des toitures pouvait être rendu incombustible par compression de la paille. Pour le feu, il faut de l’air.

b) Le feu a détruit bien des livres au cours de l’histoire. Avant la guerre la bibliothèque de Turin, depuis la bibliothèque de l’Abbaye de Tongerloo au nord d’Anvers, à Paris les collections documentaires du Pavillon hollandais de l’Exposition Coloniale de Vincennes.

c) Les manuscrits abîmés, détériorés sont reconstitués. Dans les Memorie della Reale Academia della Scienze di Torino (2e série LIV) et dans l’Encyclopedia Chimico supplément annuel 1905, M. Guareschi, qui fut chargé après l’incendie de la bibliothèque de Turin de procéder aux essais de reconstitution de manuscrits détériorés, a consigné l’intéressant résultat de ses recherches.

259.27 Destruction volontaire des documents.

a) Les livres et les documents donnent lieu à destruction, volontaire, occasionnelle ou systématique, isolément ou par grands ensembles. Quand y a-t-il lieu à semblable destruction et quelles normes devraient présider à une destruction rationnelle ? Il faut distinguer selon les cas, mais toujours procéder avec circonspection.

b) Il y a lieu à destruction périodique de certains papiers personnels (correspondance, notes manuscrites, papiers d’affaires, papiers de familles) ou élimination dans les classeurs et dans les répertoires de toute nature, des éléments devenus surannés ou qui ne présentent plus d’intérêt, sont devenus encombrants. Le papier se déchire ou plutôt on déchire le papier. Chacun est juge de ce qui, de sa propre production et de ce qu’il reçoit, doit recevoir la destination du panier. Le désencombrement nécessite une destruction continue et l’on peut dire qu’il y a des cas où la destruction du papier est aussi utile que la production. Ainsi les essais personnels, les notes, dont on est certain que la substance a passé en d’autres notes.

c) Les éditeurs détruisent volontairement un grand nombre d’exemplaires de livres, quand après un certain temps les stocks restent accumulés. Certains éditeurs et intermédiaires, amateurs, ne vont-ils pas jusqu’à une destruction en vue de raréfier l’ouvrage et d’accroître sa valeur économique ou valeur de collection. La destruction est l’ultima ratio des éditeurs. C’est une des formes de la mort du livre. On retrouve un bénéfice en récupérant le prix du vieux papier (6 fr. les 100 kg avant la guerre et on comptait que le papier entrait pour environ 1/10 dans le prix coûtant d’un ouvrage).

d) Parmi les plus éphémères des imprimés sont les journaux et les affiches. Il est des livres qu’il est utile de voir exister nombreux à un certain moment, mais qui, sauf des témoins, sont appelés à disparaître ensuite. Ex. : les anciens indicateurs de chemins de fer, anciens livres de classe. Mais il faut des exemplaires conservés. Beaucoup d’organisations ne conservent les collections de journaux et de revues que pendant six mois, un an ou trois ans et s’en débarrassent ensuite en vieux papier. Beaucoup pourraient être conservés par transfert dans les collections publiques.

e) Il doit être procédé à la destruction régulière des archives des administrations publiques, en particulier de la correspondance et des papiers d’affaires. L’administration des États-Unis a réglementé avec beaucoup de précision la destruction de certaines pièces. Ex. Regulations to govern the destruction of Records of Carriers by water (1929).

f) Les documents sont détruits notamment par l’envoi aux vieux papiers, mise au pilon, mise au feu. Des industriels achètent partout le papier, promettant de le détruire. Ils le soumettent à un tri par qualité. Quelquefois il est procédé à la destruction devant notaire, comme dans le cas de titres au porteur. Des œuvres s’occupent à faire recette avec le vieux papier (ex. les Invalides de guerre). Les vieux journaux ont bien des destinations. Ils servent à envelopper les légumes, nettoyer les souliers, garantir les pieds du froid, faire du feu, entourer la marmite norvégienne, confectionner des matelas de rognures de papier, tapisser, sécher les glaces et les carreaux lavés, etc.

259.28 Destruction par les guerres et les révolutions. Autodafé.

a) Le bilan effrayant des destructions et des vandalismes consécutifs aux invasions des barbares, à l’invasion des Normands, à la Guerre de Cent ans et de Trente ans, aux Guerres de religion et à celles qui accompagnaient l’introduction de la Réforme ; les martelages et les incendies révolutionnaires, les destructions de la guerre mondiale.

b) La Bibliothèque de Louvain fut détruite par un incendie tandis que les Allemands occupaient la ville. Elle fut reconstruite à l’aide de dons américains sur les plans de l’architecte Whitney Warren.[88]

Pendant la guerre mondiale, d’autres bibliothèques furent sinon directement incendiées, du moins si mal traitées que périrent quantités de livres. Il y eut les incendies des maisons et édifices qui, sans être des bibliothèques, contenaient des livres. La guerre aussi créa une famine de papier qui amena les boutiquiers à sacrifier de nombreux livres.[89]

c) Pendant la guerre sino-japonaise, dite par euphémisme répression du brigandage, on eut à déplorer à Chapeï la destruction irréparable de la Bibliothèque de l’Extrême-Orient et de stocks de la maison d’édition China Commercial Press.

d) Le butin de guerre a souvent porté sur les livres. Pendant les guerres de la Révolution et de l’Empire, chaque conquête amenait à Paris (d’Autriche et d’Italie notamment), l’envoi de quelques précieux objets d’art ou de littérature, destinés à enrichir le trésor national. C’était acquis soit comme trophée, soit en vertu de convention stipulée dans les traités. À la chute de l’Empire, la France fut contrainte à des restitutions. Après la guerre mondiale les traités ont compris des stipulations relatives aux collections. À côté des destructions, il y a eu les grands pillages de livres, analogues aux pillages des œuvres d’art, par ex. les manuscrits et les livres de la Géorgie, qui ont été transférés à Moscou, d’où plus tard ils ont été retournés.

e) Les étudiants de l’Académie des Beaux-Arts de Leningrad ont mis en jugement l’ex-directeur M. Masslov et son assistant, coupables d’avoir détruit 60,000 œuvres d’art et reproductions en plâtre de l’ancien régime. M. Masslov estimait, après la révolution d’octobre 1917, qu’il fallait faire table rase de toute la production bourgeoise et capitaliste qui ne répondait pas à l’idéologie communiste.

f) Les chefs du IIIe Reich ont déclaré : « nous supprimons des livres le mot marxisme ; il ne faut plus que dans 50 ans un seul Allemand connaisse la signification de ce mot », La Bibliothèque centrale de la Maison du Peuple de Leipzig et la bibliothèque Schoenluk ont été détruites.

g) Tout le long de l’Histoire on a brûlé des livres.[90] Comme l’a reproduit le peintre De Vos dans un tableau du Musée ancien de Bruxelles, Saint Paul à Éphèse livre aux flammes des livres juifs. Les bulles du Pape ont ordonné l’anéantissement de maints ouvrages condamnés pur les tribunaux ecclésiastiques.

Le 10 décembre 1520, Luther brûla solennellement, à Wittenberg, la bulle du Pape Léon X, avec les décrétales de ses prédécesseurs, le corps du droit canon et la Somme de St-Thomas d’Aquin. En France, le Parlement ordonnait autrefois que les livres, objets d’une condamnation, seraient brûlés par le bourreau. Pascal avec ses Provinciales, Fénélon avec son Télémaque, Rousseau avec son Émilie et tant d’autres furent victimes de cette disposition.

Un autodafé de 20,000 livres a eu lieu le 9 mai 1933 à Berlin. Un immense feu en cinq parties fut allumé au milieu de la place, du pétrole ayant été jeté sur le bois. Les étudiants jetèrent au feu les livres apportés par les autos. Une foule immense assista au spectacle et les musiques jouèrent. L’incendie eut lieu à minuit, l’autorisation du Ministre de l’Intérieur ayant tardé jusque là. Le prince Auguste Wilhelm assistait en personne à l’autodafé. Les autodafés de Berlin se répétèrent dans plusieurs villes allemandes. Une immense répercussion de ces faits se produisit dans beaucoup de pays, arrachant des protestations violentes de la plume des écrivains. Non credo, nous ne croyons pas qu’un fait pareil en l’an 1933 soit compatible avec n’importe quelle civilisation.[91]

259.29 Faux et altérations. Vol.

a) Les altérations, les faux constituent une des manières d’enlever aux documents leur intégrité intellectuelle. Le Code pénal vise les faux et les altérations en écritures publiques ou arithmétiques, en écriture de commerce ou de banque. Il les punit de travaux forcés à temps ou à perpétuité. Pour l’atteinte à l’intégrité morale des œuvres, voir n° 274.5 Censure.

b) On a volé de tous temps et on continue à voler des livres partout. Le vol des livres ne constitue pas une destruction de livres proprement dite. Mais lorsque le vol est opéré au détriment d’une collection constituée, il est pour celle-ci une destruction partielle. Plus la collection est complète, plus le vol a de portée dommageable. Les moines de Saint-Victor avaient un tel amour des livres qu’ils allaient jusqu’à excommunier ceux qui les leur dérobaient. Les hommes riches parfois peuvent avoir intérêt à faire voler des pièces là où elles sont. Ainsi le vol de pièces dans le procès de Madame Hanau en France et le vol qui s’effectua dans le procès Coppée en Belgique.

c) Le vol et les altérations possibles obligent à des précautions parfois obstacles au progrès. Ainsi le libre accès aux catalogues et aux collections est rendu impossible s’il a pour conséquence des appropriations indues. Or, s’il n’y a libre accès, on est amené dans les bibliothèques à ne pas donner un ordre systématique aux ouvrages et à se contenter de l’ordre d’entrée, parfois même on s’abstient d’un catalogue systématique, la mémoire du bibliothécaire devant y pourvoir.

26 ORGANISMES DE LA DOCUMENTATION. ENSEMBLES CONSTITUÉS. COLLECTIONS ET TRAVAUX.

a) Dans l’exposé antérieur, on s’est attaché à analyser le livre et les documents en leurs constituants, leurs parties, leurs espèces, leurs fonctions ou opérations.

L’œuvre particulière y est l’unité.

Ici, l’unité est le point de départ et la partie composante d’un ensemble plus étendu formé d’une collection d’unités semblables considérées comme les parties ou sous-multiples d’une unité supérieure ou multiple.

b) Une collection est la réunion d’un grand nombre de choses ou objets du même genre, assemblées pour l’instruction, le plaisir, l’utilité. Ex. : collection de livres, de tableaux, de médailles, de coquilles, de minéraux.

E puribus Unum. — « Un seul fait de plusieurs », cette devise est essentiellement celle des collections.

c) Au début les documents ont fait l’objet de collections pour les amateurs. Leur goût, qu’ils poussaient souvent jusqu’à la manie, s’est épuré en se généralisant, puis il est devenu l’auxiliaire des études sérieuses et des patientes recherches. Finalement les collections s’affirment à la base même de la science.

d) Les objets des collections présentent des conditions particulières d’après leur nature : dimensions, état solide ou liquide, objet in natura ou à l’état d’échantillon, à l’échelle réelle, en réduction ou en agrandissement, rare ou à profusion, ayant en conséquence, valeur et caractères précieux, etc., ou dépouillé de valeur commerciale.

e) Les ensembles ou collections formés comme bases sur le trinaire fondamental des facultés humaines — connaissances, actions et sentiments — donnent lieu à trois grands groupes : 1° Ceux qui se rapportent aux connaissances et à l’étude. Ils ont en général un caractère impersonnel, leur aménagement est de caractère principalement statique. 2° Ceux qui se rapportent aux activités pratiques. Ils ont en général un caractère personnel ou limité à une sphère déterminée d’intéressés ; leur aménagement est de caractère principalement dynamique comme l’impose l’utilisation des pièces pour suivre le mouvement des opérations. 3° Ceux qui se rapportent au sentiment et à l’imagination, les documents de littérature et d’art. Ils sont dans la réalité concrets et rattachés au premier groupe (sciences).

f) Il y a autant d’espèces d’ensembles, de collections, autant d’espèces d’organismes chargés de prendre à leur formation qu’il y a d’espèces de documents. Dans la réalité tantôt plusieurs collections de documents sont confiées à un même organisme, tantôt elles sont réparties entre plusieurs organismes. On retrouve ici ce qui existe dans toutes les activités et organisations humaines, notamment dans l’industrie et dans l’administration publique, dans les institutions scientifiques en général.

La Bibliographie a donné lieu à certains offices autonomes qui se sont développés en offices de documentation. Il y a tendance à les associer aux bibliothèques ou mieux à développer les bibliothèques jusqu’à y comprendre les offices de documentation. D’autre part on a aussi résolu la question des complexes Bibliothèques-Archives-Musées-Office de documentation. Des noms spéciaux ont été donnés à ces organismes qui s’appellent de l’un ou de l’autre des organismes composants. (Ex. Le British Museum est à la fois Musée et Bibliothèque).

Il y a aussi des organismes pour les films (Cinéma), pour la T S. F. (Station de Radio), pour les représentations théâtrales (Théâtre). Il en a été traité avec les matières respectives.

Il doit être traité de cinq grands organismes : les Offices de Bibliographie et de Documentation (n° 261), les Bibliothèques (n° 262), les Archives anciennes (n° 263), les Bureaux, Offices, Secrétariats (archives courantes, documentation, administration) (n° 264) et les Musées (collections de spécimens, objets, modèles) (n° 265).

Le même nom s’applique ordinairement aux organismes, aux collections et aux édifices dans lesquels elles sont placées, ces organismes étant chargés à la fois de la formation des collections et de leur conservation, de leur utilisation.

Ces organismes présentent ces trois caractéristiques :

1° En eux se relient l’ensemble des conditions relatives au but assigné : les objets, les opérations, les fonctions, le matériel, les locaux, les personnes.

2° Leurs dénominations indiquent ce qu’ils ont de principal, mais les fonctions dévolues à chacun des organismes se retrouvent fréquemment au titre accessoire chez les autres. Ainsi, une bibliothèque a un musée et des archives et réciproquement. En certains pays la même institution les comprend tous au même titre.

3° On retrouve en toutes ces institutions une similarité d’opérations auxquelles convient en grande partie une unité de méthodes. Toutes ont en commun de s’occuper du document. Toutes, pour les utilisateurs, le public lecteur, visiteur, client, sont des distributeurs d’informations

261 Les Offices et Services de Bibliographie et de Documentation.

261.1 Généralités.

a) L’importance qu’a pris la Bibliographie (catalographie) a conduit à la création soit de services distincts qui ont cet objet au sein des grandes institutions, principalement les bibliothèques, soit d’institutions autonomes : les Offices de Bibliographie.

b) Les Offices sont nés de deux nécessités : 1° Celle de donner plus d’ampleur au travail bibliographique en le confiant à un personnel spécialisé qui puisse lui assurer la rapidité, la régularité et la continuité qui font défaut aux travaux entrepris par des auteurs individuels et volontaires. L’organisation la plus efficiente de la bibliographie est en effet devenue une fonction du monde scientifique, eu égard à la continuité et à l’efficience de la recherche scientifique elle-même.

2° La nécessité de rendre ces travaux indépendants de l’impression trop onéreuse par leur extension même. Les Offices ont pu poursuivre leurs travaux à l’état de manuscrit permanent.

c) Les travaux des offices sont donc tantôt à l’état de prototype, originaux et non publiés, tantôt à l’état d’impression. Ils sont ou non accessibles au public, gratuitement ou moyennant rémunération : on peut les consulter sur place où seules des copies sont délivrées après demande par correspondance.

d) L’Office International de Bibliographie, qui a été créé en 1893, est le premier office en ordre de date et il a pris immédiatement la forme coopérative et internationale. Depuis les offices se sont multiplié, soit généraux pour un pays, soit spéciaux pour une branche de science ou d’activité. Les bibliothèques qui avaient réalisé d’admirables catalogues de leurs livres, les éditeurs de bibliographies de livres qui avaient créé des organisations pour leurs publications, se sont trouvés débordés quand à la fin du siècle dernier, les périodiques scientifiques ont été produits de toutes parts et ont eu bientôt concentré le plus récent et le plus important de la production en sciences. Il était impossible à chaque bibliothèque de répertorier le contenu des périodiques qu’elle recevait. La fonction nouvelle créa l’organe nouveau.

c) Mais de nos jours un mouvement nouveau se dessine. Les grandes bibliothèques ont à ce point développé leurs séries et collections qu’elles sont devenues de véritables centres de documentation intégrale.[92] À côté d’elles, surtout dans les pays anglo-saxons, se sont multipliées les Bibliothèques spéciales (Special Libraries), qui sont devenues de véritables offices de documentation (Information Bureau).

261.2 Opérations d’un Office.

Les opérations d’un Office de Documentation peuvent être réalisées à quatre degrés.

I. La Bibliographie proprement dite organisée en répertoires de la manière dite au n° 255 et dont l’ensemble soit aussi un duplicata fragmentaire du Répertoire Bibliographique Universel.

II. Répertoires autres que le Répertoire Bibliographique. 1° Répertoires biographiques : renseignements sur les auteurs (à combiner avec le répertoire bibliographique par auteurs). 2° Répertoires des pseudonymes (idem). 3° Répertoire des Éditeurs (à combiner avec le répertoire général des personnes, collectivités et matières). 4° Répertoire des termes bibliographiques, en annexe. 5° Répertoire des abréviations (à combiner les unes avec les termes bibliographiques, les autres avec le Répertoire Bibliographique des auteurs, périodiques). 6° Répertoire des mots-matières (à combiner avec l’Index alphabétique des Tables de la classification décimale).

Ces divers répertoires existent en germe et ont fait l’objet de discussions ou de simples études. L’Office International de Documentation s’est attaché à les concevoir comme des parties d’un Répertoire Universel et s’appuyant les uns sur les autres.

III. La Bibliographie est une partie de la Catalographie Générale des Documents. Celle-ci s’est étendue aussi aux estampes et gravures, aux photographies, aux cartes et plans, à la musique, à l’épigraphie, aux monuments et médailles, aux disques phonographiques, aux films cinématographiques, les pièces des musées et les objets présentés pour des buts de documentation. Au delà les données de la nature, de la technique, de l’archéologie. D’où cette conséquence : nécessité de concevoir un catalogue général embrassant toutes les espèces et toutes les formes de documents, élargissant les cadres du Répertoire Bibliographique Universel qui n’en est donc qu’une partie, et traitant des autres parties selon une méthode analogue (notice, description, fiche ou élément pour les établir, classification, coopération).

IV. À un degré ultérieur la catalographie peut s’étendre indistinctement à tout ce qui peut aider le travail scientifique ou la vie pratique et donner lieu ainsi à nombre de Répertoires utiles.

261.3 La recherche bibliographique.

La recherche bibliographique donne lieu aux observations suivantes :

a) La recherche peut porter sur un ouvrage, un auteur, une question, une matière ou sur une science toute entière.

b) Elle peut porter sur n’importe quelle caractéristique des ouvrages dont on connaît seulement l’un ou quelques caractères individuels, l’un des caractères (par ex. l’auteur, le titre, l’éditeur ou le lieu de publication, etc.) ou seulement la classe (par ex. le sujet, le lieu ou le temps traités).

c) La recherche peut s’opérer suivant deux modes : 1° Avec des répertoires bien établis et relativement complets, la bibliographie s’en constitue par voie descendante en partant des premiers travaux et en suivant l’histoire du développement. 2° Dans le cas contraire, par voie ascendante, en partant des dates les plus récentes pour remonter progressivement dans le passé. On bénéficie ainsi immédiatement des recherches bibliographiques faites par les auteurs les plus récents. C’est autant de travail économisé.

d) Pour la recherche sur un sujet déterminé : 1° Voir un Manuel des Bibliographies qui renseigne les Bibliographies spéciales existantes. 2° Consulter la dernière et la plus complète de ces bibliographies. 3° Les bio-bibliographies des savants qui se sont occupés de la matière. 4° Les diverses bibliographies nationales, spéciales et universelles, s’il n’y a pas de bibliographie propre à la matière ou si celle qui existe a besoin d’être contrôlée à raison des incertitudes dans les notices. 5° Mise à jour de ces données en consultant les bibliographies périodiques concernant la matière et les bibliographies périodiques générales qui embrassent toutes les matières.

e) Dans les Offices de documentation et dans les Bibliothèques savantes et spéciales, les recherches se font sous la direction d’un bibliothécaire ou « documentaliste » expérimenté. Les chercheurs ont donc à leur disposition les catalogues de l’institution, les index et collections bibliographiques, le bibliothécaire.

f) Ces recherches seront facilitées à mesure que sera réalisé, avec centre et station, le Réseau Universel de Documentation. Dès ce moment, chacun peut s’adresser à son centre, l’Office International de Bibliographie a Bruxelles, au Palais Mondial.

261.4 Comment se procurer les œuvres mentionnées dans les bibliographies.

Pour les livres modernes, l’indication du lieu d’édition seul suffit pour aboutir à l’éditeur, en recourant aux bibliographies nationales. Pour les périodiques, revues, annuaires, universellement connus, il suffit en général d’écrire à la maison d’édition pour se les procurer. Pour les ouvrages de mérite déjà anciens qui ne sont pas dans le commerce, leurs prix peuvent atteindre des taux élevés et le lecteur est désarmé. Il faut alors écrire et 7 fois sur 10 peut-être, on ne reçoit pas de réponse. Parfois, pour avoir un simple numéro de revue on exige un abonnement d’un an. (Allemagne, États-Unis, Angleterre). Dans ce cas on peut conseiller d’écrire à l’auteur aux bons soins de l’éditeur dont on connaît l’adresse.

Trois organisations auxiliaires seraient désirables :

1° Un vaste dépôt mondial de périodiques vendables au numéro (Librairie des Périodiques).

2° Un répertoire international des ouvrages d’occasion (offres et demandes).

3° Un bureau international d’adresses. L’Office International de Bibliographie a examiné les possibilités d’établir ces deux derniers répertoires en annexe à ses répertoires. Il a été amorcé dans une petite mesure.

Les auteurs devraient conserver quelques exemplaires de leurs écrits, surtout des tirés à part, pour pouvoir parer aux demandes éventuelles et sporadiques.

262 Les Bibliothèques. Collections de Livres.

Il y a lieu tout d’abord de se former une conception de ce qu’est une bibliothèque, de ce que sont les divers types de bibliothèques.

Puis, une fois arrêté le type de bibliothèque qu’on se propose de constituer, il s’agit de procéder à sa formation et de la faire fonctionner. La bibliothèque est un organisme, une entité qu’on appelle à l’existence et dont on règle la vie selon des principes techniques et des méthodes rigoureuses. Les opérations à cette fin concernent les installations matérielles, le choix et les moyens d’acquérir les livres, l’organisation des livres en collection, leur utilisation, leur entretien, leur conservation.

262.2 Conception de la Bibliothèque.
262.11 Notion, définition.

Par Bibliothèque on entend une collection d’ouvrages choisis selon certains principes directeurs, mis en ordre matériellement, catalogués selon un certain système, facilement accessibles aux travailleurs et assurés de conservation dans l’état que leur ont donné les auteurs et les éditeurs. La Bibliothèque réunit une partie des livres dont l’étude en soi a été faite précédemment. Elle a pour fonction d’organiser la lecture sous une forme collective.

Le mot Bibliothèque désigne donc un organisme dans un sens restreint, s’entend aussi des lieux aménagés spécialement pour rendre la lecture aisée et agréable. On applique encore le mot à la désignation du meuble où sont rangés des livres.

Les Bibliothèques publiques dignes de ce nom sont des collections d’ouvrages systématiquement choisis dans toutes les branches des connaissances ou dans la spécialité qui fait l’objet de l’institution, parfaitement catalogués et largement mis à la disposition des lecteurs qui peuvent y recourir comme à de vastes offices d’information et de documentation.

Les Bibliothèques comprennent en même temps tout le produit du travail intellectuel et les moyens d’accroître ces produits. Elles sont à la fois les magasins, les laboratoires et les instruments de la science. Au point de vue de l’enseignement et de la diffusion des connaissances, elles sont les alliées et les compléments de l’École et de l’Université, et doivent fonctionner comme éléments mêmes de l’organisation de l’éducation du Peuple.

La Bibliothèque publique est un organe collectif qui a pour but de socialiser la lecture et d’en faire un service public de l’ordre intellectuel et éducatif. Au lieu d’obliger chacun à se procurer individuellement des livres et à les lire chez lui, la bibliothèque réunit des collections mises à la disposition de tous et pouvant être consultées et lues dans des salles communes.

La Bibliothèque moderne s’est transformée. Elle était une force passive, une énergie latente, un simple potentiel d’énergie. Elle est devenue une force active pour la communauté, une énergie déclenchée. Elle est au premier chef, un organisme social.

La Bibliothèque publique est le véritable organisme social qui doit faire naître et développer l’intérêt du public pour les choses de l’esprit. Petites ou grandes, toutes les bibliothèques devraient aider à la diffusion de la pensée et du progrès intellectuel placé à la base de la vie, de l’industrie et de la collectivité.

L’expérience prouve que ce ne sont pas les lecteurs qui manquent mais les bibliothèques qui ne sont pas adaptées aux lecteurs.

La Bibliothèque est un « laboratoire », c’est le laboratoire ou atelier intellectuel outillé et agencé à cette fin. Carlyle a dit : « La véritable université, à notre époque, est une collection de livres. »

262.12 Histoire des Bibliothèques.

a) L’histoire des bibliothèques peut se diviser en quatre périodes : 1° dans les temps anciens (Égypte, Assyrie, Rome) ; 2° au moyen âge : l’œuvre des moines ; 3° au temps moderne ; 4° à l’époque actuelle (bibliothèques, en Amérique).[93]

Les plus anciennes bibliothèques en Égypte et en Mésopotamie ont été les archives des rois et celles des Temples. On n’y retrouve preuve de lecture publique. Même en Grèce où toutes les formes de littérature ont été développées au plus haut point, et où l’habileté à lire et à écrire a été presque générale, beaucoup plus de personnes écoutaient les discours, les pièces de théâtre et la poésie qu’il n’en était qui lisaient.

On pense que c’est Assurbanipal (568-628 av. J. C.), petit-fils de Sennacherib, qui, le premier, fit une collection d’œuvres littéraires et l’aménagea de manière à pouvoir s’en servir. Les débris de cette bibliothèque forment une masse assez considérable pour que leur contenu comprenne dans le format des livres modernes, plus de cinq cents volumes de cinq cents pages, in-4o.

Il y a eu des bibliothèques en Chaldée, en Perse, en Égypte (Osymandias) et leur origine remonte jusqu’au 3e millénaire. Les bibliothèques étaient alors logées dans les temples et avaient un caractère religieux, Athènes (Pisistrate), Bibliothèque d’Alexandrie (700,000 volumes) et de Pergame. Au IVe siècle, sous les empereurs, il y avait 29 bibliothèques à Rome. (Les immenses collections qui existaient à Rome dans le Temple de la Paix).

La chute de l’Empire romain amena la destruction des bibliothèques. Au moyen âge, les bibliothèques se reconstituent lentement dans les monastères et les écoles épiscopales. La fondation des Universités entraîna celle des Bibliothèques (la Sorbonne). À la Renaissance un grand développement se produisit grâce à la protection des rois et des princes amis des lettres. La révolution nationalisa les bibliothèques (Bibliothèque Nationale). Les temps modernes créèrent la Bibliothèque Publique, dont le type le plus accompli a été réalise dans les États-Unis et l’Angleterre.

Les bibliothèques chrétiennes du moyen âge étaient principalement consacrées à des livres religieux. Quand l’Église devint proéminente au point de vue temporel aussi bien que spirituel, les églises et les monastères devinrent des centres d’études laïques.

Dans les pays neufs comme les États-Unis, les bibliothèques ont été créées pour l’instruction et la documentation de chacun. Les bibliothèques les plus importantes se trouvent là où il y a le plus de population agglomérée. En France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Belgique, en Hollande, au contraire, les bibliothèques sont de dates anciennes, elles sont encore des salles de musées de livres précieux ou curieux, fréquentées moins par le grand public que par des érudits. L’idée de la bibliothèque pour tous y est récente et n’a pris pied que peu À peu. C’est beaucoup plus le hasard qu’une pensée réfléchie qui a présidé à son développement.

b) Des facteurs externes ont agi.

L’évolution de la Bibliothèque s’est faite parallèlement à celle du Livre, de l’Instruction et de la Culture intellectuelle. Mais son développement a influencé directement l’état général de la mentalité publique et de la recherche scientifique.

La constitution et la disposition intérieure des bibliothèques ont toutes une évolution influencée par le nombre croissant des Livres existants et des lecteurs, obligeant à des modes de plus en plus resserrés d’emmagasinement, tout en permettant l’accès facile des livres.

Les anciens papyrus étaient disposés dans des casiers ; les manuscrits du moyen âge dans des coffres. Plus tard on dispose les volumes (grands in-folio) sur des pupitres et on les y enchaîne. Puis les livres, rendus à la liberté, sont placés dans des armoires, le long des murs. Ensuite on a formé des alcôves et des étages. Les magasins ont été séparés de la salle de lecture dont les proportions deviennent toujours plus grandes. Plus récemment on a multiplié les salles de lecture que l’on spécialise et répartit à proximité des magasins spéciaux.

c) D’une manière générale, les bibliothèques ont passé par plusieurs stades, avant d’être telles que s’offrent à nous aujourd’hui les plus perfectionnées d’entr’elles.

1er stade : Les bibliothèques sont « épigraphiques » sur les murs des Temples et des Palais. — 2e stade : Les bibliothèques sont celles des souverains (La Librairie des Rois). — 3e stade : Les bibliothèques s’ouvrent au public, ayant encore peu de livres et peu de lecteurs ; ceux-ci étaient installés dans des salles au milieu des livres. — 4e stade : Les livres et les lecteurs augmentant, on crée une salle de lecture publique et un magasin de livres séparés. — 5e stade : Institution des Bibliothèques nationales. — 6e stade : La salle de lecture s’agrandit, mais on l’aménage en salle de travail en y laissant des livres de références qui dépensent de recourir sans cesse aux magasins (ex. : Bibliothèque Nationale, Bibliothèque du British Museum). — 7e stade : On ajoute à la salle de travail une salle pour les catalogues et les recueils bibliographiques. — 8e stade : On ajoute des salles de travail spéciales, à proximité des magasins. On y dépose des ouvrages de références et des duplicata de catalogues spéciaux (New York). — 9e stade : On pousse plus loin encore la spécialisation. On crée des cabinets de travail particuliers pour les travailleurs choisis et des « boxes » pour consultation au milieu même des magasins de livres (Harvard). — 10e stade : la bibliothèque s’adjoint musée, archives, service de documentation (dossiers) ou va elle-même s’organiser en service spécialisé auprès des institutions qui sont en ordre principal consacrées à l’un ou à l’autre de ces objets. La bibliothèque ainsi s’étend à tout le domaine de la documentation.

262.13 Développement actuel des Bibliothèques. Bibliothèques dans les divers pays.

Le mot bibliothèque est élastique, il s’applique à un meuble contenant quelques ouvrages ou à une collection de millions de volumes telle que celle du British Museum de Londres et de la Bibliothèque Nationale de Paris.

Les bibliothèques se sont, de nos jours, considérablement multipliées, elles ont ajouté à leurs services, leurs collections de livres se sont accrues, et le public s’adresse à elles en plus grand nombre. Exemples : bibliothèque possédant 4 millions de volumes (Paris, Nationale) ; desservant une moyenne de mille lecteurs par jour (Londres, British Museum) ; disposant d’un personnel de 400 personnes (Washington, Library of Congress) ; ayant des sections pour les imprimés, les revues, les journaux, les manuscrits, les estampes, les photographies, la musique, les impressions pour aveugles (Washington, idem).

Les magasins de livres (stocks) sont à peu près entièrement métalliques ; ils sont à étages très rapprochés (12 étages et plus) d’une capacité de plusieurs millions de volumes (Washington). À la nouvelle Bibliothèque de l’Université d’Harvard. 60 professeurs ont un cabinet personnel, au contact même de ce magasin, ils peuvent y recevoir leurs étudiants, ils ont la clé de la bibliothèque ce qui leur permet d’y venir travailler la nuit comme le jour ; d’autre part, 300 boxes munis de tables sont aménagés dans le magasin pour permettre le travail près des rayons à des étudiants gradués munis d’une autorisation spéciale. À l’étage supérieur, 34 salles de travail, avec bibliothèque spéciale de livres d’usage courant, sont aménagées pour le travail des étudiants dans chacune des sections ou départements (mathématiques, français, allemand, sanscrit). Le British Museum à Londres, la Public Library de New York, la Bibliothèque de Harvard, pour ne citer que celles-là, sont ouvertes de 9 heures du matin à 10 heures du soir. La Bibliothèque du Congrès a un personnel de plusieurs centaines d’employés, celle de Harvard en a plus de 100. On imprime les catalogues de bibliothèque sur fiches et de grandes salles de catalogues précèdent les salles de travail. L’on tend vers des collections complétées. Par ex. sur la question de l’« efficiency », la Bibliothèque de New York a publié une liste de 1,200 titres et elle possède tous ces ouvrages.

La Bibliothèque de Harvard a 1,200,000 volumes, celle de York 1,000,000, celle de Columbia 550,000. La Centrale des Bibliothèques de New York reçoit une moyenne journalière de 10,000 visiteurs. Il est remarquable de constater qu’on a pu rassembler, en un siècle, aux États-Unis presque toute la production intellectuelle que l’on avait mis des milliers d’années à créer en Europe.

La Bibliothèque de New York mouvemente annuellement 11 millions de volumes. L’ensemble des Bibliothèques Nationales de France ont à dépenser 3,500,000 francs. La Bibliothèque Nationale de Berlin seule a 16 millions de francs. Chaque bibliothèque d’université prussienne a eu un crédit moyen de 525,000 fr.

Les bibliothèques ont un système de succursales, branches, sous-branches, stations (par ex. dans les écoles, les hôpitaux, les prisons, etc.). Elles ont aussi commencé un système d’extension au dehors à la manière de l’extension universitaire (Library extension, service par correspondance et colis postal). On a créé des services régionaux de bibliothèques (County library) comportant une collection centrale de livres distribués dans toute la région par l’intermédiaire des bibliothèques locales, des stations du service postal et des wagons de livres itinérants (bookwagon).

a) Angleterre. — L’Angleterre possédait beaucoup de bibliothèques au moyen âge ; elles furent en partie perdues à la Réforme. Les bibliothèques d’Oxford et de Cambridge paraissent avoir précédé la fondation des bibliothèques universitaires ailleurs. Le British Museum est le plus grand centre d’activité scientifique anglais. Il date de 1753 et ses collections ne le cèdent qu’à celles de la Nationale et de la Bibliothèque Lénine. Il reçoit annuellement environ 60,000 volumes par le Copyright.

En Angleterre, il y a 500 systèmes de bibliothèques, installés dans un millier de bâtiments. Cent millions d’ouvrages par an circulent dans les mains des lecteurs. À Croydon par exemple, agglomération de 200,000 habitants, 700 lecteurs se présentent par jour aux bibliothèques,

L’Angleterre et le Pays de Galles travaillent à réaliser un système de bibliothèques embrassant l’ensemble du pays.[94] Il comprend : 1° un système de groupes locaux autour des centres ou foyers formés par des bibliothèques importantes. Les campagnes elles-mêmes sont desservies. 2° Un système de bibliothèques spéciales appelées à mettre leurs ressources en commun par l’Association of Special Library and Information Bureaux et l’Association of University Teachers. 3° Une bibliothèque centrale devant suppléer aux besoins de l’ensemble, (ancienne Central Library of Student, à transformer en une institution nationale). Le tout repose sut le principe de la coopération volontaire et le desiderata que chaque bibliothèque désormais se sente la partie d’un système général.

De 700 bibliothèques anglaises, la plus petite possède 5,000 volumes et toutes ont une salle de lecture avec journaux et revues et beaucoup une salle spéciale pour enfants.

b) États-Unis. Ils occupent le premier rang pour les bibliothèques : nombre de volumes, utilisation, perfection des méthodes. Son œuvre propre est la bibliothèque publique, pour la masse plutôt que pour les recherches scientifiques. Mais à côté, elle a créé aussi des bibliothèques savantes auprès de ses universités et de ses collèges, et des institutions scientifiques. La Library of Congress a 3,500,000 volumes. La New York Public Library en a 3,000,000 avec 46 branches et environ 400 autres organes de distribution. La Library of Congress comprenait en 1924 3 millions de livres et brochures, 900,000 cartes, 1 million environ de morceaux de musique, 500,000 gravures. Il a été dépensé 8 millions de dollars pour l’édifice, 3.5 millions pour l’achat des collections et l’ameublement, depuis 20 ans un million de dollars pour le service et les travaux.

Aux États-Unis il y avait, en 1915, 8,302 bibliothèques dont environ 3,000 possédaient au moins 5,000 volumes Les riches particuliers (Carnegie, notamment), ont fait des donations importantes, mais l’impôt spécial pour les bibliothèques y rapportent 35 millions de francs, Le corps de l’Association des bibliothécaires américains comprend 4,000 membres. Beaucoup de ces bibliothèques ont des succursales et rayonnent vers les campagnes par des bibliothèques circulantes.

c) Hollande. — Le petit pays de Hollande a donné un soin particulier à ses bibliothèques.

En Hollande on comptait, en 1919, 56 communes avec une ou plusieurs bibliothèques comprenant salle de lecture et avec une moyenne de 5,000 volumes.

« Leeszalen » de Hollande avaient (avec les succursales) en 1908 : 6 ; en 1933 : 110 salles de lecture (dans toutes les communes de plus de 20,000 habitants, il y a maintenant une salle de lecture, subventionnée par l’État). Nombre de livres en possession de l’ensemble des bibliothèques publiques : 1913 : 100,000 ; 1933 : 1,800,000. Fréquentation : 1908 : 300,000 ; 1931 : 2,100,000. Recettes : 1903 : Fr. 25,000 ; 1931 : Fr. 1,780,000. Subventions de l’État : Fr. 250,000. Les particuliers environ Fr. 500,000.

d) Belgique. Les grandes bibliothèques sont : la Bibliothèque Royale de Bruxelles, fondée en 1827, mais héritière des collections formées déjà par les ducs de Bourgogne, les Bibliothèques de Gand, de Louvain, maintenant celle de l’Université de Bruxelles, la Bibliothèque des Bollandistes, le Musée Plantin-Moretus, Après la guerre, pendant laquelle la lecture avait été intensifiée, un mouvement s’est dessiné en faveur de l’organisation de bibliothèques publiques. Une législation spéciale est intervenue.

En Belgique, en 1921, des 2,639 communes, il en est environ 1,500 qui ne possèdent aucune bibliothèque publique Parmi les 1,600 reconnues par le Ministère, petit est le nombre de celles qui sont convenablement outillées, installées et dirigées (Rapport parlementaire Heyman). De ces bibliothèques, si l’on excepte celles de l’agglomération bruxelloise et des chefs-lieux de province, 601 possédaient moins de 300 volumes et 46 plus de 3,000 volumes. Ces bibliothèques fonctionnent en général comme service de prêts et n’ont point de salle de lecture.

e) Tchécoslovaquie, La Tchécoslovaquie est (avec la Belgique) le premier pays qui ait rendu obligatoire l’établissement des bibliothèques publiques. Chaque agglomération doit avoir sa bibliothèque et les villes de 10,000 habitants doivent nommer un bibliothécaire. Dans les villes plus petites, une personne qui a suivi des cours de bibliothéconomie pendant un mois doit être nommée. Le Ministère de l’Éducation fournit un traité d’administration de bibliothéconomie à la communauté et inspecte la bibliothèque. La loi exige que le cinquième de tous les livres de chaque bibliothèque ait un contenu instructif (1928).

f) France. — Les anciens rois firent les premières tentatives pour former des bibliothèques. Effort non systématique, François Ier créa la Bibliothèque Royale de Fontainebleau qui fut transférée à Paris et devint la Bibliothèque Nationale. Elle grandit sous Louis XIV et Colbert. À la Révolution et sous Napoléon, on y déversa les collections venues des couvents ou formant butin de guerre. Elle a maintenant plus de 4 millions de volumes, 125,000 manuscrits et 300,000 gravures.

La Mazarine, l’Arsenal, la Bibliothèque Ste Geneviève, la Bibliothèque de la Sorbonne, sont toutes quatre de première importance. Une multitude de bibliothèques scientifique, artistique, historique, sociale dépendent des Universités, des administrations, des villes.

La bibliothèque publique en France est en retard.

La plupart des institutions qui portent le nom de bibliothèque, ne sont pas des bibliothèques publiques au point de vue moderne. Elle ne répondent que bien imparfaitement aux besoins de la communauté. Elles sont incomplètes ; ce sont, fréquemment, des salles petites, mal tenues, pauvrement éclairées, avec des rayons resserrés, montant jusqu’au plafond ; le public ne peut faire choix d’un livre qu’en consultant un mauvais catalogue déchiré, souvent périmé, qu’on doit feuilleter hâtivement sur un pupitre à l’entrée de la salle. Les bibliothécaires sont généralement des personnes qui n’ont reçu aucun enseignement professionnel et qui sont si surchargées de travail et si occupées par leur carrière véritable, qu’elles ne sauraient montrer envers la Bibliothèque que peu d’activité et peu d’intérêt (Jessie-Carson).

g) Allemagne. — Les grandes bibliothèques font celles de Berlin, Munich, Dresde, Göttingen. Heidelberg, Leipzig, Tubingen. Beaucoup de bibliothèques d’associations scientifiques. Un système excellent de prêts entre bibliothèques. Une grande expansion de bibliothèques populaires. Dans le domaine technique, un grand développement a été réalisé par la Bibliothèque des Ingénieurs allemands, celle du Patentamt, celle du « Deutschen Museum de Berlin », la Deutsche Bücherei à Leipzig.

h) Italie. — Elle a de magnifiques collections de livres. Elle eut des collectionneurs privés possesseurs de larges bibliothèques à l’époque de la Renaissance. La vieille Bibliothèque du Vatican, commencée au IVe siècle par le pape Damase, a été réorganisée selon les principes modernes par le pape actuel qui fut, lorsqu’il était cardinal Rati, bibliothécaire de l’Ambrosienne de Milan. La Laurentienne de Florence (Medicis-Laurenziana), la Biblioteca Nazionale de Florence, la Vittorio Emmanuele de Rome, les Bibliothèques de Naples, Palerme, Turin, Bologne, Padoue. En Italie fasciste, on continue d’agiter le problème de doter toute commune d’une bibliothèque populaire pourvue de bons livres, bien attrayante. On demande que s’en occupe l’« Opera Nazionale Dopolavoro ».

i) Russie. — Ce pays possède de très grandes bibliothèques. Celle de Leningrad (4,260,000 vol.) a été récemment doté d’un nouvel édifice. À Moscou, la Bibliothèque Lénine. Suivant le décret soviétique du 4 mai 1920, toutes les bibliothèques de la République forment dans leur ensemble le réseau unique des bibliothèques de l’État. La réforme intérieure est analogue à celle des musées et des archives. L’administration dépend d’organismes spéciaux du Commissariat de l’Instruction publique.

j) Vatican. — La Bibliothèque du Vatican est ancienne et riche Son origine remonte au début du XVe siècle, à Martin V. Elle fut victime d’une catastrophe foudroyante, une partie s’étant écroulée. En 1932, le Pape Pie XI a inauguré le nouvel édifice.

k) Société des Nations. — Dès sa fondation, la S. D. N. a établi sa bibliothèque. La donation Rockefeller de deux millions de dollars lui assure un édifice joint au nouveau Palais des Nations à Genève.[95] Le Bureau international du Travail possède une grande bibliothèque.

l) Organisations internationales. — Elles ont réalisé de grandes bibliothèques. Celles du Palais de la Paix (La Haye), de l’Institut International d’Agriculture (Rome), de l’Union Panaméricaine (Washington). L’Union des Associations a organisé en Bibliothèque Mondiale celle du Mundaneum (Palais Mondial à Bruxelles).

262.2 Les espèces de Bibliothèques.
262.21 Généralités.

Il existe un nombre considérable de bibliothèques. Elles sont différenciées par le public à qui elles s’adressent (bibliothèques savantes et non savantes) ; par la nature des collections (bibliothèques générales et spéciales) (livres nationaux ou étrangers) ; par la sphère d’action sur laquelle s’étend leur organisation (bibliothèques communales ou municipales, régionales ou provinciales, nationale, internationale).

On peut classer les bibliothèques de la manière suivante :

1° Les grandes bibliothèques nationales : elles ont pour but de conserver toute la production nationale et de former de grandes collections générales, en vue des études et des recherches de toute nature. 2° Les bibliothèques publiques, établies dans tous les centres de population et destinées à multiplier les facilités de lecture et d’étude pour le public en général. 3° Les bibliothèques des institutions scientifiques d’étude ou d’enseignement ; universités, instituts, observatoires, musées, jardins botaniques, etc. 4° Les bibliothèques des administrations publiques : ministères, parlements, municipalités, services publics de toute espèce. 5° Les bibliothèques des associations scientifiques, des corps savants et des sociétés qui poursuivent des buts d’intérêt général dans tous les domaines de l’activité. 6° Les bibliothèques des associations et des institutions internationales, dont l’objet est de réunir autant que possible les publications de tous les pays relatives à leur spécialité. Ces dernières catégories de bibliothèques sont particulièrement intéressantes à raison de leur spécialité. Elles sont avant tout destinées à leur personnel, s’il s’agit d’institutions, à leurs membres, s’il s’agit d’associations. Toutefois elles sont généralement accessibles aux travailleurs qui en sollicitent l’usage.

Les bibliothèques peuvent aussi être disposées spécialement pour diverses catégories de lecteurs. Les grandes catégories sociales s’affirment ici : les hommes et les femmes, les enfants, les vieillards ; les malades, aveugles, prisonniers, les travailleurs de l’agriculture, des industries, des mines, de la pêche, les employés, etc.

La bibliothèque du type universitaire se distingue de la bibliothèque publique en ce qu’elle n’est pas destinée aux personnes de tout âge, et de matière, d’intelligence et d’expérience, mais aux étudiants, aux professeurs, aux spécialistes, aux chercheurs. À ce type se rattachent les bibliothèques scientifiques dites de recherches, organisées au sein des instituts.[96]

Les cabinets de lecture sont des lieux publics où, moyennant une rétribution, on lit des livres et des journaux. De nouvelles formes de bibliothèques sont sans cesse produites. Bibliothèques dans les jardins (Madrid, Home), bibliothèque circulante organisée en voiture de tramway (Munich), en autobus (États-Unis). Bibliothèques dans les trains (Tchécoslovaquie). Projet de bibliothèque postale (Belgique). Bibliothèque en liaison avec les conférences par radio (League of Nations Union, Londres).

262.22 La Bibliothèque publique.

La Bibliothèque publique ne peut être tenue comme une œuvre de charité mais comme un véritable service public, comme une branche principale de l’enseignement post-scolaire. Elle doit, à ce titre, être au premier chef un facteur puissant du développement intellectuel et moral de la nation.

La Bibliothèque publique ou Bibliothèque municipale est entretenue au moyen de taxes ou de dons volontaires. Elle fonctionne dans le cadre de la loi. Elle n’est pas réservée à une classe spéciale comme les bibliothèques de sociétés savantes ou d’universités : elle est destinée à la communauté, à toute personne.

La bibliothèque municipale, dit M. Coyecque, dans ses publications récentes, est faite pour tout le monde. Elle s’adresse à tous, elle est collectivement la bibliothèque personnelle de chacun, les uns y trouvant le complément de celle qu’ils possèdent, les autres la compensation de celle qu’ils n’ont pas. Distraire, instruire, informer, voilà, dit-il, le programme intégral de la bibliothèque municipale.

Les bibliothèques municipales offrent ce trait commun : œuvre de vulgarisation scientifique et littéraire en même temps que centres d’information pratique, elles ne sont pas comme les savantes, des conservatoires dont les effectifs, gardés et perpétués, s’accroissent indéfiniment ; chez elles les livres passent et ne demeurent ; il s’agit ici moins de quantité que qualité ; la bibliothèque met à la disposition du public ce qu’il y a de meilleur et de plus récent, pour la forme, pour le fond, et pour l’un et l’autre, et en l’espèce, ces deux termes sont souvent connexes ; dans les domaines scientifiques, techniques, professionnels, sociologiques, l’ouvrage tenant compte des derniers progrès ou de la dernière législation ; en littérature, des représentants de tout le mouvement contemporain, des spécimens de tous les genres, des produits de toutes les écoles ; pour les classiques des éditions récentes, aussi attrayantes qu’étaient retardataires celles de la vieille pédagogie, dans les domaines de l’histoire, l’ouvrage qui utilise les prodigieuses ressources de la photographie et de ses dérivés industriels.

La Bibliothèque municipale est doublement encyclopédique ; elle embrasse à la fois l’ensemble des connaissances et l’ensemble de la population ; il n’y a pas une branche du savoir qui n’y trouve sa place ; il n’est personne dans la cité qui n’ait intérêt à s’en servir, ne fût-ce que pour apprendre ou connaître ceux qui la fréquentent régulièrement.

La Bibliothèque est un des organes de la vie collective, ni plus ni moins nécessaire ou superflu que les autres, le réservoir, le gazomètre, le marché ou l’école ; c’est le magasin d’approvisionnement intellectuel. C’est en dernière analyse, et par-dessus tout, l’atelier où doit se former l’esprit public, dans des conditions supérieures à celles que comportent les deux autres façonniers de l’opinion, la conférence et le journal.

Une bibliothèque n’est pas un « magasin de livres où l’on se borne à distribuer des numéros » : c’est une œuvre d’enseignement public dont peuvent et doivent dépendre dans une large mesure l’éducation de la nation et la formation de l’esprit public.

Les principes exposés dans ce traité ont pour but d’établir la bibliothèque suivant les données rationnelles. L’ensemble des livres que la bibliothèque contient forme un organisme dont toutes les parties sont solidaires. Embrassant l’intégralité des connaissances, elle est encyclopédique ; disposant les ouvrages suivant les cadres d’un ordre rigoureux, elle est conforme à la classification des connaissances. Semblable bibliothèque est l’image de la science elle-même ; ses livres, pourvu qu’ils soient choisis parmi les meilleurs, les plus clairs et les plus récents, sont l’expression écrite même des connaissances. Dépositaires du savoir, ces ouvrages sont des maîtres qui parlent quand on les interroge et à eux tous ils constituent une véritable université littéraire, où sont représentées toutes les branches de l’enseignement par la lecture.

262.23 Bibliothèques pour enfants.

1. En général, il existe des bibliothèques spéciales pour enfants (de 8 à 14 ans). Il existe aussi des sections enfantines dans les bibliothèques générales. — Le progrès de la lecture, dans la Nation, par l’initiation de la jeunesse. — Choix scrupuleux des meilleures livres et en quantité suffisante. — Intervention plus active du bibliothécaire auprès des petits lecteurs. L’heure du conte dans la bibliothèque et à l’école. — Résumé, par l’enfant, des livres lus. — En Angleterre, les bibliothèques pour enfants ont donné lieu à une circulation de 100,000 volumes par an.

Dans la bibliothèque publique de Washington, la section des enfants est particulièrement bien organisée pour renseigner le public sur la littérature destinée à la jeunesse. Un service de consultation pour adultes y a été créé ; l’une contient les livres qui peuvent être empruntés par les parents pour leurs enfants, l’autre environ 1,600 titres formant une exposition sous le nom de « Bibliothèque idéale pour enfants ».

2. Organisation. — Les bibliothèques pour enfants peuvent exister spécialement à cet effet ou comme département d’une autre bibliothèque, ou comme bibliothèque dans les écoles. Salles pour enfants : partie pour la lecture sur place, partie pour le prêt à domicile. Tables pour permettre aux enfants de faire leurs devoirs. Tables pour les revues d’enfants ; tables pour les ouvrages de références.

3. Livres pour enfants. — Quatre catégories : a) alphabets historiés pour enfants ne sachant pas lire ; b) ouvrages similaires avec une certaine quantité de textes simples, pour enfants en dessous de neuf ans ; c) livres pour enfants de neuf à douze ans ; d) livres pour enfants au-dessus de 12 ans.

4. Catalogue des bibliothèques pour enfants. — Se représenter que l’enfant doit pouvoir se servir de tels catalogues. Éviter que leur terminologie ne soit celle des adultes. Les rubriques du catalogue s’inspireront des titres des livres mêmes. On évitera les abréviations et signes bibliographiques. (Voir un exemple d’application de la Classification décimale à de tels catalogues dans Berwick Sayers. The Childrens library, p. 56.)

5. La Bibliothèque à l’École. — L’École doit aider la Bibliothèque à apprendre à lire systématiquement et avec fruit, apprendre à manier et respecter les livres. Petite bibliothèque à l’école même ; envoi des enfants à la bibliothèque publique pour compléter, par des lectures, les leçons données ou à préparer. Les livres classiques des écoliers constituent le noyau de la bibliothèque personnelle qui deviendra la bibliothèque de la famille ; complément désirable de ces livres par des introductions et des tables des matières les reliant les uns aux autres et en faisant de petites encyclopédies bien étudiées. Réciproquement la Bibliothèque doit aider l’École : utilisation des loisirs et des vacances des écoliers ; fourniture à l’école de livres de lecture.

Les conditions de la Bibliothèque de travail à l’école s’étudient, Elles prennent de l’importance à raison inverse de la lutte pour destituer de sa position privilégiée le Manuel scolaire (Ve Congrès de l’imprimerie à l’école, 2 août 1931 Rapport Freinet-Ruch.) Pour familiariser la jeunesse avec les Bibliothèques, les Américains possèdent un Manuel très pratique élaboré par MM. Hutchins, Johnson et Williams (Guide to the Use of the Library. A Manual for College and University Student, 1929).

262.24 La Bibliothèque du particulier.

1. Composition. — La bibliothèque du particulier doit être conçue d’après des principes rationnels en tenant compte des ressources dont on dispose pour les acquisitions, de l’espace pour les emmagasiner, du temps nécessaire pour la mise en ordre et des soins à donner aux ouvrages.

En principe, il n’est pas désirable pour la généralité des particuliers, d’avoir des quantités de livres, mais il lui faut en posséder de bons, de beaux et, pour les questions scientifiques, de modernes. La bibliothèque privée se composera de trois sortes de livres : 1° un fonds encyclopédique, choix d’ouvrages généraux ou livres de références sur toutes les matières, permettant, sinon d’étudier, du moins d’avoir immédiatement quelques notions sur n’importe quelles questions rencontrées au cours de la vie et des études ; 2° les ouvrages relatifs à la spécialité, à la profession, aux études et aux occupations courantes. Ces livres-là doivent être aussi complets et aussi nombreux que possible ; ils ne devront pas se borner strictement à la spécialité, mais comprendre aussi des ouvrages relatifs aux branches auxiliaires ; 3° les ouvrages relatifs aux questions qui intéressent occasionnellement.

La place des livres que l’on ne consulte plus ou que l’on consulte très peu est dans les bibliothèques publiques. Il y a même, pour un homme d’étude, un intérêt réel à éviter l’encombrement chez lui. Le mieux est de remettre en dépôt ou de faire don aux bibliothèques publiques et spécialement à celles des sociétés scientifiques dont il fait partie, les ouvrages inutilisés par lui, notamment les ouvrages surannés et ceux relatifs à des questions étudiées occasionnellement et dont il ne s’occupe plus. Il est certain ainsi de pouvoir retrouver ces livres le jour où il pourrait en avoir besoin, ceux-là et tous les autres sur la même question, que posséderait la bibliothèque.

2. Méthode. — Les méthodes pour l’organisation des bibliothèques en général sont applicables aux bibliothèques des particuliers, notamment en ce qui concerne le placement des ouvrages sur les rayons et le catalogue.

3. Organisation d’ensemble. — Le Docteur L. Berczeller (Vienne) a étudié la condition des bibliothèques privées et proposé une organisation très intéressante de ces bibliothèques basées sur les chiffres qu’il présente. Un travailleur intellectuel lit en moyenne journellement l’étendue d’un volume d’une valeur de 10 Mk., soit 3,000 Mk. par an, et comme sa durée moyenne de capacité et de travail est trente-cinq ans, cela fait, avec l’intérêt, 200,000 Mk. À la fin de sa vie, le travailleur serait donc théoriquement en possession d’une bibliothèque de plusieurs milliers d’ouvrages ayant coûté une somme élevée et nécessitant un espace étendu ; en se basant sur le lecteur type au volume par jour et à l’existence de 100,000 travailleurs travaillant dans les seules sciences naturelles, on arrive à un capital de 5 milliards de Mk, qui aurait à être investi dans ces bibliothèques privées, si elles étaient rationnellement constituées. Ces chiffres montrent la nécessité des bibliothèques publiques dont les fonds sont communs.

4. Bibliothèque familiale. — Il est tout un apostolat à organiser : répandre parmi les peuples et la petite bourgeoisie le goût de la bibliothèque familiale jointe à la table d’études des enfants.

5. Bibliothèque de Bibliophiles. — À côté des bibliothèques privées, il y a celles des bibliophiles. Ces dernières sont basées sur le choix de livres beaux et rares. Peu étendue en général, toutes les opérations du livre peuvent s’en ressentir. On les place dans des armoires fermées, on classe sommairement et d’après les caractères extrinsèques, on s’abstient de placer des marques apparentes au dos des livres, on catalogue en petit carnet à reliure mobile, on achète aux ventes publiques ou par commission donnée à des libraires spécialisés.[97]

262.3 Parties, collections, fonds, services et départements.

a) Les bibliothèques sont : 1° des ensembles composés de diverses parties ou collections ; 2° des organismes faisant fonctionner divers services ; 3° des centres opérant divers travaux. Par suite, la bibliothèque a une organisation centralisée unique où elle est divisée en départements distincts appelés de noms divers, mais placés sous une direction générale unique.

b) La bibliothèque contient les catégories d’œuvres, suivantes souvent constitués en divisions spéciales : 1° livres ; 2° brochures ; 3° ouvrages de référence ; 4° publications officielles ; 5° journaux officiels (contenant les lois, les traités et les actes législatifs les plus récents ; 6° documents officiels des gouvernements, des parlements et des grandes administrations (règlement, annuaires officiels, comptes rendus des débats parlementaires, texte de projets de lois et de budgets, rapports soumis aux corps législatifs des différents ministères, statistiques, etc) ; 7° manuscrits (cabinet des manuscrits, cabinet des cartes et plans) ; 8° cartes de géographie et atlas (plans de bâtiments, machines et appareils) ; 9° gravures (cabinet des estampes) ; 10° périodiques (périodicothèque) ; 11° journaux quotidiens (hémérothèque) ; 12° photographie (photothèque) ; 13° musique.

c) Des collections distinctes sont formées à raison du format (in-folio) ou du caractère spécial des livres (enfer, censure, immoraux).

d) Il y a éventuellement les collections de documents autres que les publications et qui se rapportent à la documentation générale, telle que la cinémathèque, la photothèque, les archives anciennes, les archives encyclopédiques documentaires (dossiers), les objets de musée.

e) La lecture et la consultation sont favorisées par la diversité des salles de lecture, l’accession aux rayons des bibliothèques dites de référence, des tables de travail au sein des collections, des salles de travail réservées aux travailleurs scientifiques faisant des travaux de longue haleine, des cellules de travail. À la Bibliothèque Universitaire Ann Arbor, les docteurs de l’hôpital peuvent demander qu’on leur lise, par téléphone, quelque article dont ils ont immédiatement besoin.

262.4 Technique et organisation des Bibliothèques
(Bibliotechnie, Bibliotéconomie)
.
262.41 Généralités.

a) La technique des bibliothèques a été fort développée. Elle entre dans des détails de plus en plus particuliers et précis. Renvoyant pour ceux-ci aux traités spéciaux sur la matière, dans le présent exposé il ne sera question que des données générales.[98]

b) Une bibliothèque n’existe pas par elle-même. Il faut la former, à la manière dont on construit un édifice ou une machine. Elle n’est pas un amas de livres. Il faut constituer une collection, c’est-à-dire créer un véritable organisme intellectuel, dont les parties soient en corrélation les unes avec les autres et réalisent le maximum de rendement avec le minimum d’effort et de travail.

c) Comme toute « construction », celle de la bibliothèque suppose des matériaux (les livres), un plan (la classification), des procédés (les méthodes), un outillage (le matériel), un personnel, des opérations et une organisation.

Ensuite quand la bibliothèque est formée, il s’agit de la maintenir à hauteur de sa tâche, de l’amortir, de faire fonctionner les services relatifs à son utilisation. Tout cela exige des opérations d’ordre administratif et d’ordre exécutif, les unes et les autres relevant d’une direction confiée à des personnes ou à des corps responsables. Le tout forme une unité : l’organisation.

d) Opérations. — La suite des opérations comprend l’acquisition des ouvrages, le traitement des livres à l’entrée, le catalogue, la classification. Une place à part doit être faite à la réorganisation des bibliothèques anciennes selon de nouveaux principes. La communication et le prêt des ouvrages, la coopération aux travaux et services organisés en commun avec les établissements similaires.

e) Grande ou petite, une bibliothèque doit avoir une administration, doit être dirigée avec ordre selon un statut ou règlement. Les conditions spéciales et locales déterminent en chaque cas ces principes.

262.42 Acquisition.

a) Il y a quatre modes d’acquisition : 1° par dépôt légal ; 2° achat ; 3° donation des auteurs ou éditeurs et des collectionneurs ; 4° échange.

b) Les achats constituent une fonction importante de la bibliothèque. Le choix des livres à acheter s’opère à l’aide des catalogues, bibliographies, circulaires, résumés, etc. Les desiderata sont exprimés par les lecteurs. Des directives doivent présider aux achats. La règle doit être l’impartialité. Pour faciliter les acquisitions, on a établi des listes choisies : on a déterminé des proportions entre les ouvrages des diverses branches.

c) Pour leurs achats, les bibliothèques s’adressent aux libraires, selon des modes les uns concentrés, les autres dispersés. Des firmes puissantes sont organisées pour alimenter régulièrement les bibliothèques des livres dont elles ont besoin.

d) Le livre rare a tendance à aller dans les bibliothèques publiques comme les tableaux rares dans les musées officiels. Le peuple et les donateurs pensent que c’est là qu’ils auront le maximum de chance de survivre et de pouvoir être communiqués à qui saura le mieux l’utiliser. C’est une sorte de communisme intellectuel.

e) « Il faut des bibliothèques complètes, dit M. Zanitzky, directeur du Palais Central russe du Livre. Seule la bibliographie est la mesure de l’intégralité d’une bibliothèque. Le lecteur doit avoir à sa disposition la littérature complète d’aujourd’hui, au moins par cette raison que les époques de valeur historique universelle ne sont pas très fréquentes. »

Impressionné par la production quantitative toujours croissante du livre, on a posé récemment le problème de l’élimination de certains livres de certaines bibliothèques et le problème de la redistribution des collections. La conservation des prototypes de toutes les publications est une chose, la présence de livres peu consultés dans certaines des bibliothèques sont choses différentes.

L’accroissement au centre des villes est en certain cas énorme : ainsi au British Museum, 1600 mètres de rayonnage sont ajoutés chaque année. En 1931, on ajouta à la collection 22,567 livres, soit une moyenne journalière de soixante livres nouveaux ou rééditions de livres anciens. La Bibliothèque Nationale de Paris est dans une situation analogue.

On est amené à envisager : 1° l’établissement de vastes magasins nationaux extra muros ; 2° la redistribution des collections. Le hasard a souvent fait les choses : la raison doit les rectifier. Concentration, fusion, transfert, échange. De toute manière systématisation, organisation de réseaux avec centrales, branches et succursales, principe affirmé que tout ce qui appartient à la communauté doit être aménagé au mieux de la communauté ; 3° agrégation des doubles à la Bibliothèque mondiale. Les périodiques étant l’aile marchante de la science, une bibliothèque scientifique vaut par l’existence de ces trois facteurs : 1. richesse en revue ; 2. leur accessibilité ou maximum (mise à disposition directe, arrivée ponctuelle et rapide des fascicules) ; 3. leur catalogue, alias leur bibliographie.

262.43 Opérations à l’entrée.

Les opérations suivantes sont à faire à l’entrée des volumes, dans l’ordre même indiqué ci-après :

Ouverture des paquets. — Si les arrivages sont accompagnés de factures ou bordereaux, leur contenu sera vérifié, le bordereau pointé et paraphé par le vérificateur, qui annotera soigneusement sur cette pièce les anomalies éventuelles.

Examen du livre. — Il y a lieu, dès l’entrée, de constater l’état matériel de chaque livre : a) Correspond-il à la commande, à la liste ou pièce qui accompagne l’envoi ; b) Est-il complet, pas d’omission de parties, d’omission ou déplacement de planches annoncées dans les tables ; c) Est-il en bon état : détériorations matérielles, taches, reliure ou brochage défaits ? d) Ne constitue-t-il pas un double ?

Ouverture de chaque volume. — Découpage des pages : emploi d’un bon coupe-papier (les lames de couteaux ou ciseaux ne conviennent pas) ; découper, en suivant, de gauche à droite. Pour obtenir que les pages demeurent droites, ouvrir les pages par petits paquets en appuyant légèrement le long de la marge intérieure. Éviter l’écrasement brusque du dos.

4o Détermination du classement de l’ouvrage. — On la fait à ce moment, car elle est nécessaire aux opérations ultérieures : l’enregistrement à l’inventaire, l’estampillage et le catalogue. L’indice classificateur peut être inscrit d’abord au crayon sur la couverture même du volume, en attendant tout enregistrement.

5o Inscription à l’inventaire. (Voir ci-après). — Les ouvrages en continuation et les périodiques sont inscrits sur leur fiche alphabétique déjà existante. On y trouvera leur numéro d’inventaire et leur indice de classement.

6o Marque de propriété. — Dès qu’un livre est porté à l’inventaire, il doit être considéré comme faisant partie de la collection et doit recevoir une marque de propriété. Tout lecteur étant susceptible d’emprunter à plusieurs bibliothèques, il faut empêcher des confusions lors de la restitution des ouvrages. En cas de décès ou de départ du détenteur, ses commettants doivent pouvoir se rendre compte de l’origine et de la propriété des ouvrages trouvés chez lui. La marque de propriété doit empêcher aussi le troc ou la circulation illégale des ouvrages appartenant à la bibliothèque. La marque peut prendre deux formes : le timbrage et l’ex-libris. a) Timbrage : Le timbrage des volumes convient bien pour les bibliothèques servant à des lecteurs nombreux. Il comporte le simple estampillage de la firme de la Bibliothèque, avec mention de la ville et éventuellement de l’adresse où elle a son siège. On peut faire usage de tampons humides ou de timbres secs (à relief). Ces derniers ont le désavantage de n’être pas assez apparents, mais ils ne font pas tache sur le livre. La place du timbre est en premier lieu sur la page titre du volume ou au verso de celle-ci, ensuite sur les éléments encartés, sur les fascicules d’un même ouvrage, et sur les cartes et gravures. Si on préfère respecter ces éléments quand ils présentent un caractère d’art qui aurait à en souffrir, on timbre au dos. Pour plus de précaution, on tamponne encore une page déterminée dans le corps du volume, par exemple, pages 5, 105, 205 et chaque 05 ; Le tampon doit être de petit format, et les caractères simples et nets. L’encre doit être visible, indélébile et rapidement sèche. L’encre rouge est visible et sèche vite. On y ajoute du siccatif. Éviter couleurs à l’aniline. — b) Ex-libris : Le système qui a été employé en premier lieu comme marque de propriété est celui de l’ex-libris. Celui-ci est gravé ou collé à l’extérieur ou à l’intérieur de la reliure (armes, dessin, figure allégorique ou légende, ou combinaison de ces éléments). Une place est réservée pour l’inscription de la cote de l’ouvrage. Ce système convient encore actuellement, notamment pour les bibliothèques personnelles. Il peut être cumulé avec le système du timbrage.[99]

7o Étiquetage des volumes. — Il a pour but l’indication de la cote de placement des volumes, qui doit être bien apparente. Il peut servir par surcroît de marque de propriété si l’étiquette porte imprimée la firme de la Bibliothèque. C’est la marque de propriété la plus visible et remplissant le plus pratiquement son office, mais elle n’exclut pas l’application du timbre et l’emploi de l’ex-libris car l’étiquette peut être décollée accidentellement ou volontairement. Elle comprend l’indice de la classification décimale et le numéro d’inventaire de l’ouvrage. On compte six espèces de symbole pour exprimer les divers éléments qui servent à classer les livres sur les rayons. 1o La classe (indice décimal ou indice d’une autre classification). 2o L’auteur (les Cutter numbers). 3o Le titre de l’ouvrage (les Cutter numbers) ; il est nécessaire de l’indiquer s’il est plusieurs livres d’un même auteur dans la même classe. 4o L’édition (s’il y a plusieurs éditions, indiquer par le nombre usuel de l’édition. 5o La date : table de Biscœ avec nombre arbitraire (date réelle de l’édition ou date abrégé). 6o Emplacement spécial qui correspond à diverses séries ou à des fonds. Par ex. : les lettres des formats (q) quarto et (f) folio. Et toutes désignation de fonds par des lettres A, B, C, etc.

L’étiquette a la forme rectangulaire, le format, 1/6 de fiche est recommandé. Elle se place au bas de la couverture ou de la reliure, dans l’angle inférieur gauche, toujours à la même place et à la même distance pour tous les volumes. Si le volume est assez épais, on peut placer sur le dos, tout en bas, une étiquette qui prend alors la forme ronde, ovale ou rectangulaire à coins coupés. En aucun cas elle ne peut couvrir des textes. On peut aussi remplacer l’étiquette par un timbre humide, de même grandeur, appliqué sur les couvertures des volumes brochés. Après l’étiquetage, les volumes sont rangés sur les rayons dans l’ordre des numéros d’inventaire, jusqu’à ce qu’on puisse les incorporer à leur place respective dans les collections.

262.22 Catalogue.

a) Le catalogue est un élément capital de la bibliothèque. Sans catalogue, elle est un corps sans tête.

b) On a traité avec la bibliographie sous le n° 261 tout ce qui concerne le catalogue.

c) L’inventaire se combine avec le catalogue, mais il est de première importance. L’inventaire peut être établi soit sur registre soit sur fiche. Les inscriptions y étant établies au jour le jour ou dans un ordre numérique suivi, les avantages des fiches quant à l’intercalation sont moindres ; ceux de la répartition du travail entre plusieurs n’existe que dans les grands établissements ou lorsqu’il s’agit d’arriéré. L’inventaire est comparable au Livre Journal dans la comptabilité. Il peut servir de base aux autres écritures des autres parties du catalogue qui, s’il est complet, peuvent en être extraites à la manière dont les écritures du Grand-Livre, qui classe les articles par comptes, sont extraites du Journal. L’inventaire en registre peut s’établir pour chaque ouvrage, soit en un texte continu, les déterminations suivant les diverses caractéristiques à décrire, soit en colonnes.

Les caractéristiques à mentionner sont les suivantes : 1° Date de l’entrée de l’ouvrage (mois, jour et année). 2° Numéro d’ordre de l’inventaire. 3° Indice de la classification. 4° Les indications d’ordre bibliographique : auteur, titre, etc. 5° Reliure, leur état. 6° Nombre d’exemplaires. 7° Mode d’acquisition, achat, prix. 8° Valeur actuelle. 9° Donation (nom du donateur). 10° Échange. 11° Observations diverses.

d) Les bibliothèques sont devenues des organismes de bibliographie et elles sont d’autre part des organismes de coopération à la bibliographie. Elles y sont amenées par leur propre catalogue, par le catalogue collectif national ou local, qu’entreprennent certaines d’entre elles — par les travaux bibliographiques qu’elles élaborent, qu’elles éditent ou que font les membres de leur personnel. (Ex. Library of Congress. Preussische Staatsbibliothek).

262.44 Placement sur les rayons.
262.441 NOTION ET BUT.

Les ouvrages ne sauraient être placés pêle-mêle sur les rayons. Il faut un ordre en relation avec le catalogue. Le but de tout classement est de faciliter la recherche. Du classement qu’on donnera aux livres sur les rayons dépendra le plus ou moins de facilité qu’on aura à les retrouver. La cote de placement est la marque ou étiquette apposée sur les ouvrages et qui porte les éléments destinés à déterminer la place à occuper sur le rayon par chaque ouvrage dans la série constituée par la collection bien ordonnée de tous les ouvrages. La cote de placement sert donc à retrouver les livres. Elle est le lien entre le catalogue, les ouvrages et les rayons sur lesquels ceux-ci sont déposés. Elle doit donc être portée sur les notices du catalogue, sur les ouvrages eux-mêmes, et en outre fournir des repères portés de distance en distance sur les rayons. La cote de placement est en corrélation directe avec le système adopté pour le placement. Sa forme et ses éléments diffèrent donc d’après lui.

262.442 SYSTÈME DE PLACEMENT DES LIVRES.

Trois systèmes fondamentaux de placement sur les rayons sont possibles. Ces systèmes s’excluent, il faut choisir l’un d’eux et s’y tenir rigoureusement.

Les formats, les fonds et la disposition matérielle des rayons viennent apporter quelque complication et devraient être combinés avec le système adopté.

A) Placement par numéro d’inventaire. — Le système de placement le plus simple est celui de l’ordre des numéros matricules attribués aux ouvrages dans l’inventaire. Les ouvrages s’ajoutent les uns à la suite des autres, à mesure de leur arrivée. La recherche s’opère d’après leur numéro. Les périodiques formant série à part, sont suivis chacun d’un espace libre correspondant à leur accroissement normal.

B) Placement dans l’ordre systématique décimal. — Ce placement est opéré par indice de la classification décimale subdivisé par numéro d’inventaire. On écrit la cote sous la forme

xxxxxxxxxx ou xxxxxxxxxx


Sur les rayons les ouvrages eux-mêmes sont placés dans l’ordre des divisions décimales. On obtient ainsi un parallélisme parfait entre le placement sur les rayons, le catalogue méthodique par matières et la classification décimale. L’ordre adopté peut être celui de la classification abrégée (division du 1er, 2e ou 3e degré) ou de la classification détaillée et complète. Les ouvrages traitant de plusieurs sujets sont placés sur les rayons à l’indice du sujet principal. On peut les rappeler sous les autres indices, au moyen de cartons ou de planchettes portant la notice abrégée de l’ouvrage et renvoyant à l’indice du sujet principal.

C) Placement par ordre alphabétique. — Les ouvrages dans ce système sont disposés sur les rayons dans l’ordre même du catalogue alphabétique. Si un auteur est représenté par plusieurs ouvrages, on sous-classe les titres de l’ouvrage, ordonnés eux-mêmes alphabétiquement. Pour faciliter ce classement, on établit des tables qui transforment les groupes de lettres des noms, en groupes de chiffres.[100]

262.443 CHOIX ENTRE CES MÉTHODES.

C’est la nature des collections, le caractère de la bibliothèque et des lecteurs auxquels elle est destinée, la place et le personnel dont on dispose qui doivent faire décider du choix d’une de ces méthodes. Ainsi le classement en trois formats (Octavo, Quarto, Folio) suivi du numéro de l’inventaire en trois séries est le plus simple pour la mise en place immédiate, le moins sujet à changement et le plus facile au moment du prêt et pour le recollement d’inventaire,[101] Mais le classement selon l’ordre systématique décimal détaillé offre de son côté divers avantages qui font défaut au classement par format et par numéro d’inventaire. Ce qui réduit le travail du bibliothécaire n’est pas toujours ce qu’il y a de mieux pour les lecteurs. Les bibliothèques en Amérique sont, pour la plupart, classées d’après le sujet des ouvrages, c’est-à-dire le numéro donné à ce sujet dans la classification décimale. C’est le système qui convient là où le lecteur est admis à choisir lui-même, dans les rayons, les ouvrages qu’il désire consulter ou emporter. Il trouve ainsi réunie toute la littérature d’un même sujet. Le classement par sujet exige des espaces de réserve à chaque division, dans une mesure correspondante aux accroissements probables. Cette mesure est difficile à évaluer et des remaniements s’imposent soit périodiquement (par exemple au recollement des inventaires), soit lorsqu’un développement imprévu oblige d’étendre l’espace réservé à une division. La détermination du sujet d’un ouvrage ne peut être faite que par un personnel instruit, apte à discerner à quelle classe appartient un ouvrage et à lui attribuer le numéro classificateur correspondant. Cette opération nécessite un examen de l’ouvrage et prend, naturellement, un certain temps. Le grand avantage de voir grouper ensemble tous les ouvrages et périodiques traitant d’un même sujet implique donc un sacrifice d’espace, de matériel et de travail qui fait qu’on y renonce là où les ressources et le personnel sont limités. Mais là où ces considérations n’entrent pas en ligne de compte, et notamment dans les « bibliothèques de travail » constituées surtout pour l’usage du personnel d’un établissement ou d’une administration, qui a intérêt à compulser à un moment donné l’ensemble de tous les ouvrages possédés sur un sujet donné, on envisagera comme idéal l’arrangement des livres sur les rayons dans l’ordre même des sujets dont ils traitent. Là, le but à atteindre, une consultation complète, facile et rapide est assez important pour considérer comme éléments accessoires les reclassements ou les réserves d’espaces.

262.45 Le prêt des livres.

a) Le prêt ou communication des ouvrages prend deux formes. 1° Prêter des livres en lecture dans la bibliothèque seulement, avec des conditions d’accession variant d’après les catégories d’ouvrages. 2° Prêt des livres au dehors, soit simultanément avec le prêt de l’intérieur, soit seulement le prêt au dehors, réduisant la bibliothèque à un magasin de livres sans salle de lecture, soit le prêt au dehors limité à des ouvrages en double ou facilement remplaçables.

b) Pour enregistrer les prêts, on a imaginé des dispositifs ingénieux permettant d’un seul coup d’œil de connaître ce qui est sorti, quand est sorti et qui a reçu. Ainsi est assuré le contrôle. Les lecteurs sont appelés à concourir à ces opérations en rédigeant eux-mêmes les bulletins de demande ou s’ils ont libre accès aux rayons. Les prêts peuvent être enregistrés soit sur fiches, soit en registres. Les mentions suivantes ont une utilité pour l’identification ou pour la statistique. 1° Bibliothécaire de service. 2° Numéro d’ordre des prêts. 3° Numéro d’inventaire de l’ouvrage. 4° Classification décimale du livre. 5° Auteur. 6° Titre. 7° Tome. 8° État du livre. 9° Date du prêt. 10° Nom et signature de l’emprunteur. 11° Age de l’emprunteur. 12° Sexe. 13° Nationalité. 14° Profession. 15° Date de la restitution. 16° Nom du bibliothécaire qui a reçu le livre. 17° Observation. Ces mentions sont très complètes ; elles peuvent être simplifiées au 2°, 3°, 9°, 10° et 15°.

c) Le prêt de livres à domicile a fait de remarquables progrès dans certaines bibliothèques. Les demandes faites par cartes postales sont desservies à domicile par la poste ou par service d’auto.

d) Le prêt entre bibliothèques se développe. En 1926-1927, la Bibliothèque de l’État de Prusse a envoyé 59,299 imprimés et en a reçu 2,866 ; celle de Bavière 24,354 et 1,848 ; celle de l’Université de Goettingen 15,115 et 3,447. Le règlement du prêt intérieur en Allemagne date du 25 février 1924 ; un règlement commun des 30 mars et 5 mai 1925 règle le prêt hors de l’Allemagne. Ce prêt est une importante conquête de l’organisation des bibliothèques. Il permet aux travailleurs intellectuels, quelle que soit sa résidence (pourvu qu’il existe dan» celle-ci une bibliothèque d’État, régionale, universitaire ou de haute école ou institut) de se procurer sans frais de port ou d’emballage, sans voyages coûteux, tous les livres nécessaires à son travail, détenus par les bibliothèques d’Allemagne.

262.46 Locaux, installations, mobilier, outillage.

a) Les bibliothèques sont disposées dans des édifices spécialement aménagées à cet effet et contenant des installations et du mobilier appropriés.

b) Un édifice de bibliothèque doit être une construction libre de toutes parts, ou constituant une aile de bâtiment en soi, afin de répondre aux desiderata du silence, de l’aération, de la lumière nécessaire. Il faut tendre à faire parcourir un chemin minimum au livre pour parvenir jusqu’au lecteur ; il faut aussi séparer distinctement les deux grands services d’une bibliothèque, celui relatif au travail intérieur de manipulation des livres et celui relatif à l’utilisation des livres par les lecteurs.[102]

Nous avons suggéré qu’à Paris un jour la Bibliothèque Nationale et le Louvre soient reliés par des passages souterrains et qu’à l’intermédiaire du Palais Royal, consacrés aux extensions et à la concentration des collections éparses, il soit formé un seul immense complexe consacré à la documentation dans tous ses aspects

c) L’architecte J. Witkiewicz Koszczyc a exprimé l’avis qu’il est impossible de faire un projet rationnel d’édifice de bibliothèque pouvant subir des agrandissements à l’infini. On peut construire l’édifice en plusieurs étages, mais le programme doit être défini et prévoir un tout complet et une possibilité d’agrandissement limité. L’examen des bibliothèques existantes démontre qu’elles nécessitent une reconstruction au bout de 50 à 60 ans. Le développement des possibilités techniques est en rapport avec le développement de la lecture des livres. Après 50 ans la génération nouvelle devra résoudre la question d’une façon différente en harmonie avec tous les progrès réalisés simultanément dans la technique, dans la société et dans la documentation.

d) Les installations techniques progressent sans cesse : éclairage, distribution mécanique des livres, circulation de l’air.


263 Les Archives (Archives anciennes).


1. — Notion.

a) Les archives sont les titres juridiques de l’État, des provinces, des communes, des établissements publics et privés et des particuliers. Les « archives historiques » sont celles qui sont antérieures à une date déterminée. Elles sont accessibles au public par opposition aux « archives administratives », qui servent exclusivement aux besoins de l’administration et qui ne peuvent jouir de la même publicité. Les documents anciens forment des masses considérables

b) La constitution des archives a pour objet notamment la conservation des titres juridiques, la documentation de l’histoire, les informations scientifiques de caractère social.

c) On distingue les archives quant à la propriété (archives officielles ou privées), quant à la publicité (archives publiques ou secrètes), quant à l’objet (archives administratives ou scientifiques).

2. — Historique.

En France, l’Assemblée Constituante, par voie de confiscation, a mis à la disposition de l’État, c’est-à dire de tout le monde, une foule d’archives privées et de collections particulières : archives, bibliothèques et musées de la Couronne, archives et bibliothèques de couvents et de corporations supprimées. On les a réparties entre quelques établissements nationaux. Le même fait s’est produit sur une moins grande échelle en Allemagne, en Espagne et en Italie.

Les Archives nationales de France renferment plusieurs millions de titres, répartis dans environ 300,000 cartons, liasses, registres et portefeuilles ; elles s’augmentent chaque jour de documents dont les administrations n’ont plus besoin pour les affaires courantes. En Angleterre, une Commission royale de 1914 s’est occupée de la question des archives. (Voir rapport Edwards, no 13.)[103] En Russie, le Gouvernement des Soviets a pris un ensemble de mesures nouvelles pour la centralisation et le classement des archives.

3. — Archivistique. Méthodes.

La science des archives, créée par Mabillon sous le nom de Diplomatique, n’a cessé de se développer. Des méthodes très précises ont été élaborées pour l’organisation des archives.[104] Il en a été discuté dans les Associations d’archivistes et les Congrès internationaux des bibliothécaires et des archivistes. La manière dont les archives sont traitées a des identités fondamentales avec le traitement des livres dans les bibliothèques : disposition en magasin, inventaire et catalogues, communication publique des pièces, etc. Mais il existe aussi des différences marquées.

4. — Inventaire et mode de conservation.

a) Partout où la chose est possible, il faut classer les archives comme elles le furent à l’époque où existèrent les corps et administrations dont elles proviennent et l’inventaire doit refléter ce classement. Le rétablissement de ce classement primitif est presque toujours possible. La durée éternelle, à laquelle on doit viser dans les travaux de l’espèce ne peut être obtenue que par les inventaires basés sur le classement rationnel ressortant des archives mêmes. Il faut donc respecter les fonds (principe de provenance) et donner dans l’inventaire une image exacte de l’organisme ou de l’institution dont on veut faire connaître les archives. (J. Cuvelier). « Un fonds d’archives bien ordonné doit offrir dans la distribution des documents l’image extérieure de la structure organique de l’État, comme le bon architecte laisse deviner dans la façade la destination et la structure interne de l’édifice » (Léopoldo Galcotti).

b) Un effort considérable a été fait dans la plupart des pays pour opérer le dépouillement systématique des archives : tableaux, index, répertoires, inventaires et catalogues d’actes. Les archives ainsi traitées analytiquement sont les matériaux classés de l’histoire. Les ouvrages synthétiques d’histoire peuvent vieillir, ne plus répondre à la conception de l’heure, tandis que les archives demeurent permanentes. « La tâche de l’archiviste doit consister exclusivement, dit J. Cuvelier, à faire des travaux d’analyse qu’il mettra à la disposition de l’historien. Sic vos non vobis. Pendant ses heures de bureau, l’archiviste sera l’encyclopédiste de l’histoire, fournissant tour à tour des renseignements sur les documents de toutes les parties de l’histoire. » — R. Galli a proposé de former à Rome une collection complète des inventaires imprimés de tous les dépôts d’archives du monde (Nuova Antologia, juillet 1895).

c) Les archives anciennes sont conservées sous trois formes : registres, dossiers, cartons. Les registres présentent la forme d’origine que l’on ne saurait modifier. Les cartonniers doivent être évités autant que possible, sauf pour les chartes et diplômes (parchemins et sceaux) qui doivent être placés sous enveloppes et rassemblés en cartons qui les protègent. Les dossiers constituent le mode le plus pratique. Ils sont extensibles à volonté, ils prennent donc le minimum de place et, disposés sur les rayons, on s’aperçoit facilement qu’ils ont été déplacés.

5. — Centralisation.

On a projeté en France de faire dépendre d’une seule administration les archives de tous les ministères. En Autriche, M. Redlich a demandé que les archives forment un organisme unique qui embrasserait toutes les archives de l’État, tant des administrations centrales que provinciales, et comprendrait un personnel commun avec une direction scientifique M Mayr y a proposé que toutes les archives soient réunies dans un même bâtiment. Napoléon 1er conçut la pensée de réunir à Paris les archives de l’Europe entière et il y envoya pour commencer celles du Vatican, du Saint-Empire, de la Couronne de Castille, etc., que l’on dût plus tard restituer.

6. — Rapport entre la documentation administrative et les archives.

On désigne sous le nom d’archives les dépôts de titres et de documents authentiques de toute espèce qui intéressent un État, une personne, une ville, un établissement public ou privé, une compagnie, un particulier. Des relations organiques doivent être établies entre les archives courantes qui constituent la documentation des administrations et les archives anciennes. 1° Il est désirable de voir les grandes administrations transférer périodiquement aux archives de l’État les documents devenus inutiles pour le service courant et désignés de commun accord par une commission composée de fonctionnaires des administrations et des archives de l’État. Le transfert est une opération qui a pour but le désencombrement, la sécurité des archives, la mise à la disposition des travailleurs scientifiques. Il est fait d’après les circonstances. Parfois la loi le réglemente. Ainsi, dans certains cas, une nouvelle législation rend inutile les pièces antérieures. On a proposé de fixer le terme moyen de vingt-cinq ans, sauf à admettre des exceptions. Un duplicata du catalogue est transféré avec les archives. L’original cependant demeure à l’administration de manière qu’elle puisse à tout instant faire revenir les pièces dont elle aurait besoin. Les dépôts d’archives sont, en un certain sens, des succursales du service de documentation des administrations. Ils sont, pour les pièces du passé, « les Centrales des Centrales de documents »[105]. 2° Il est désirable que le traitement des archives courantes soit assuré de telle sorte, qu’après leur transfert aux dépôts d’archives, elles n’exigent plus qu’un minimum de classement et de catalogage. Si les archives administratives (documentation administrative, archives modernes) étaient bien classées au moment de leur constitution ce classement demeurerait après leur versement aux archives.

7. — Destruction des pièces.

Plusieurs pays ont arrêté des dispositions très précises pour la mise au rebut et l’élimination de certains documents d’archives (voir les règlements des archives anglaises et italiennes). Tout document officiel doit être tenu comme propriété de l’État. Toute administration doit avoir la faculté de transférer à tout moment aux archives de l’État (service central ou départemental) les documents dont elle n’a plus l’usage. Dans toute administration une personne doit être désignée ayant la responsabilité de la garde des documents et de leur transfert éventuel aux archives nationales. La direction de celles-ci, jamais elle seule, doit avoir le droit d’ordonner la destruction des pièces de l’accord des diverses administrations intéressées. La guerre mondiale a détruit d’énormes quantités d’archives, bien que, d’autre part, elle en a préparé beaucoup pour l’avenir.

8. — Archives économiques et sociales.

a) On a formé des archives économiques et sociales contemporaines : collections des documents imprimés ou manuscrits, intéressant l’histoire d’une commune au point de vue artistique, économique, social et politique. Il s’agit non pas de livres ou de brochures, qui ont leur place indiquée dans une bibliothèque, mais de feuilles volantes distribuées sur la voie publique, de prospectus de maisons de commerce, de préférence des prospectus illustrés ou accompagnés d’échantillons, de programmes illustrés de théâtre, etc., en un mot de tout un ensemble de documents de la vie journalière, d’un caractère extrêmement fugitif et, par conséquent, voués, de la part des particuliers, à une destruction immédiate :

b) On a institué notamment en Hollande plusieurs dépôts d’archives de grandes firmes commerciales.

c) Il faudrait (localement, régionalement, nationalement, internationalement) des dépôts généraux où il soit possible à tous, gratuitement s’il s’agit d’institutions publiques scientifiques ou d’utilité publique, moyennant payement pour les autres, de déposer les papiers hors d’usage fréquemment mais qu’il importe de ne pas détruire. Ces dépôts pourraient être installés hors des centres.

9. — Une Internationale des Archivistes.

L’Institut International de coopération intellectuelle a réuni, en 1931, un comité international d’archivistes, dont les sessions seront dorénavant périodiques. Ce comité est composé des directeurs d’archives d’État de neuf pays : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Italie. Grande-Bretagne. Pays-Bas, Suisse. Il a estimé que le travail de coordination des administrations centrales d’archives devait porter notamment sur la publication d’un guide international des archives, sur l’échange de fac-similés paléographiques, sur l’unification de la terminologie ainsi que sur des échanges de professeurs et conférenciers entre les différentes institutions ou écoles formant des archivistes.

264 Les Administrations. Documentation administrative.

(Bureaux, Secrétariats, Archives courantes.)

264.1 Notions fondamentales.

a) On définit la documentation administrative (distincte de la documentation scientifique), celle qui procède de l’administration des choses. C’est l’ensemble des opérations documentaires et des documents eux-mêmes qui enregistrent, inscrivent, prennent note de l’activité pratique au fur et à mesure qu’elle se produit, aux fins de communication, de mémoire et de preuve.

b) La documentation administrative constitue l’outillage de l’administration. C’est l’ensemble des pièces qui renseignent les chefs et les agents et leur permettent dans toute circonstance de prendre des décisions en connaissance de cause. De même qu’une usine élabore des produits, une administration élabore des documents. Mais dans l’usine le produit est le but ; dans l’administration le but est l’action administrative laquelle ne peut s’exercer qu’en s’accompagnant de documents, en s’incorporant en eux.

c) La documentation administrative se rapporte à toute administration. Qu’il s’agisse de celle des organismes publics (l’administration proprement dite) ou de celle des organismes privés ; que les organismes poursuivent des buts lucratifs ou des fins économiques ou sociales ; que les organismes soient des collectivités ou des bureaux et studios de particuliers, de mêmes principes, une même méthode régissant la documentation administrative sous toutes ses formes et dans toutes ses applications.

Les Anglais disent « Registration » (Record Department). Les Allemands disent « Registratuur ». Les Français disent « Archives » et parfois « Enregistrement » ; mais le premier de ces termes étant aussi employé pour désigner le document ancien et le second étant aussi appliqué à un organisme fiscal, l’administration de l’enregistrement, aucun d’eux d’ailleurs ne couvrant exactement le contenu de ce qu’ils doivent signifier, il semble préférable d’employer le mot « Documentation administrative ».

c) La documentation administrative est directement dérivée de l’administration elle-même et celle-ci se modèle sur l’organisation qui est donnée à l’action (travail).

264.2 L’Administration. Les transformations survenues parallèlement aux transformations de la Société.

1. — Place dans l’ensemble.

La documentation administrative occupe la place suivante dans le tableau synoptique des choses et des propriétés présenté selon un développement dichotomique. a) La Vie humaine et les autres formes d’existence, b) La Société et la partie non sociale de l’existence de l’homme, c) Le Gouvernement et la Vie sociale privée, d) L’Administration et les autres modes d’activité officielle, e) La Documentation et les autres fonctions de l’ordre administratif.

2. — L’Administration.

La notion de documentation administrative est fonction des notions de documentation, d’une part, d’administration, d’autre part.

Or, la notion de la documentation s’est transformée ; la notion de l’administration aussi. C’est qu’en dépit des apparences, en dépit des régressions momentanées, locales ou spéciales, la civilisation et le progrès général sont à l’œuvre partout, transforment tout et chaque chose. C’est peu ou mal comprendre le processus dans lequel nous sommes indétachablement engagés que de ne pas envisager de ce point de vue les grands problèmes. Cette formule en triptyque doit l’emporter : « À civilisation nouvelle, administration nouvelle ; à administration nouvelle, documentation nouvelle ».

3. — Processus à l’œuvre dans les sociétés.

Les grands processus qui sont simultanément à l’œuvre et influent les besoins de la documentation sont notamment ceux-ci :

a) Notre société s’« économise » ou s’« industrialise » de plus en plus, c’est-à-dire qu’elle attend sa vie matérielle d’une extension du machinisme, d’une production en grand et, partant, d’une concentration de toutes tes fonctions économiques.

b) Elle s’« intellectualise ». c’est-à-dire qu’à l’empirisme se substitue la rationalisation ou application raisonnée de la science.

c) Elle s’« universalise », c’est-à-dire qu’elle étend ses structures et ses activités à la fois dans les divers domaines (liaisons étroites de tous les départements de la vie sociale) ; dans l’espace (tous les pays) ; dans le temps (continuité évolutive du processus en visant à un développement progressif constant).

d) Dans l’ensemble des activités sociales, à côté de celles des individus et des groupes, les activités de l’État et de ses divisions (central, régional, local) accroissent leur importance comme organes de la coordination des activités individuelles et comme agents des activités collectives utiles à la communauté tout entière.

e) L’administration revêt des formes nouvelles qui toutes requièrent un développement de la documentation.

4. — Formes caractéristiques nouvelles de l’administration.

a) Que l’on envisage la formule communiste (collectivisme, marxisme) ou la formule dictatoriale (fascisme) on aboutit des deux côtés à un développement des fonctions de l’État avec, comme corollaire, celui de l’administration.

La conception d’une administration limitée a dû céder presque partout à celle d’une large intervention des pouvoirs publics dans la vie économique, sociale et intellectuelle. Tout à l’extrême est maintenant l’administration communiste de la Russie des Soviets. L’Allemagne est à demi socialisée. En Autriche, à Vienne, la municipalité est intéressée dans 66 entreprises, principalement dans celles du bâtiment, des constructions électriques et des machines. Cet intérêt dépasse la moitié du capital pour certaines entreprises et même la totalité pour d’autres.

La grande transformation, c’est que maintenant l’administration doit être au service du public et non pas l’inverse. Comme sous le régime aristocratique ou oligarchique où l’administration était l’organe du prince ou des élites privilégiées, l’administration, organe de la collectivité doit assumer tout ce qu’il est plus efficient de lui faire faire en commun et par voie réglementaire plutôt que de le confier aux particuliers livrés à eux-mêmes. L’administration alors apparaît comme un énorme appareil, une machinerie dont il importe de savoir se rendre maître pour qu’à son tour elle ne se rende pas elle-même maîtresse de ses maîtres.

b) Aux formes traditionnelles, l’administration ajoute des formes nouvelles. Grandissent considérablement, en ce moment, les entreprises ou services de nature mixte. Jusqu’ici, on n’avait comme formes juridiques de l’activité de la puissance publique dans l’ordre économique, que la régie et la concession. La régie dans laquelle la collectivité publique se fait entrepreneur, se charge de gérer elle-même le service à ses risques et périls, par ses propres employés et agents auxquels elle commande, qu’elle dirige et qui reçoivent des traitements et salaires fixes ; la concession par laquelle la collectivité publique confie l’établissement et l’exploitation du service à un entrepreneur privé, le plus souvent à une société, qui supporte les aléas de l’entreprise, mais est généralement seule à en cueillir les bénéfices et qui, sous la seule réserve de se conformer aux diverses stipulations du cahier des charges, peut la gérer suivant les méthodes et dans les conditions qui lui semblent les meilleures.

À ces deux systèmes et comme modalité s’ajoutent le système de la régie intéressée, où l’exploitation est confiée à un régisseur (individu ou société), rémunéré proportionnellement à la dépense et aux bénéfices : et le système de l’affermage, ou remise de l’exploitation à un intermédiaire qui paye une redevance forfaitaire en gardant pour lui le reste des bénéfices.

La formule de l’économie mixte associe la collectivité concédante, représentant l’intérêt public avec la compagnie concessionnaire, représentant le caractère industriel de l’entreprise ; elle partage entre les deux parties contractantes les charges sociales, les responsabilités de la gestion, les bénéfices et les pertes : cette formule relie en quelque sorte toute la puissance publique à l’activité privée : elle offre une conciliation entre le droit public et le droit commercial ; elle sert d’intermédiaire entre l’administration et l’économie.

La société anonyme peut être la forme juridique donnée à l’économie mixte, le pouvoir public lui faisant un apport en nature ou en argent en représentation duquel il reçoit des actions qui lui confèrent voix délibératives et même des sièges dans le Conseil d’administration ; sièges d’ailleurs pouvant lui être réservés en dehors de toute élection, en raison de son caractère de puissance publique et des intérêts généraux qu’il représente.[106]

c) L’administration comparée révèle l’existence de nouvelles structures et de nouvelles activités administratives. Retenons notre attention sur quelques exemples. Dans l’organisation municipale moderne de Vienne fonctionne un Office de Contrôle (Kontrollambt). Il a trois attributions, théoriquement distinctes, mais pratiquement interdépendantes : ce sont : le contrôle des gestions ; le contrôle des comptes ; le contrôle de l’organisation.

Quant à la gestion, l’Office a pour devoir suprême de tenir la municipalité continuellement et entièrement au courant de ses constatations et de découvrir toutes les défectuosités économiques. Ses fonctionnaires examinent journellement sur place les opérations économiques. Ils s’assurent que les données des comptes et des dossiers sont conformes à la réalité. Quant au contrôle d’organisation, il est la condition indispensable pour que le contrôle des gestions et celui des comptes puissent s’exercer avec efficacité. Il doit approuver les projets modifiant l’organisation où il prend des initiatives dans ce sens. Au cours de ses vérifications journalières, il est à même de recueillir une expérience étendue et de faire bénéficier immédiatement toutes les organisations municipales des constatations faites dans l’une d’elles en matière de défectuosités ou de perfectionnement.

d) Certaines grandes administrations (l’aviation en France, par ex.) en arrivent à constituer de véritables intégrations de toutes les techniques. Son organisation se compose de services complets et parallèles où le nombre de freins est réduit au minimum et où chacun suit directement son travail : le service de recherches, le service technique, le service de fabrication, le service des bases extérieures et, pour l’information de tous, le service de l’Office de Documentation

e) En même temps, on assiste à la création, au sein même de l’administration, d’organes de coordination et de liaison. Citons les transformations apportées aux organismes du Gouvernement central en Angleterre à l’avènement du Gouvernement travailliste ; les plans présentés en France pour faire de la Présidence du Conseil un organe coordinateur entre les divers Ministères (travaux du groupe d’études administratives Fayol à ce sujet). Le plan mis en œuvre en Serbie-Croatie.

f) De loin, dans divers pays, on organise la mobilisation de la nation en cas de guerre. Une vaste organisation corrélative s’en est suivie, mi-militaire, mi-civile.

5. — La rationalisation du progrès.

En fait, aujourd’hui toutes forces actives de la Société sont en lutte contre la routine et l’empirisme pour le progrès et la rationalisation. Mais il a été démontré à surabondance que la routine trouve un point d’appui dans les règlements administratifs qui, par la lenteur de leur élaboration, sont le plus souvent en retard sur la technique, même au jour de leur approbation. Une meilleure documentation de l’administration obviera en partie à ce vice rédhibitoire. Les règlements administratifs doivent prendre aujourd’hui une forme souple pour s’adapter au progrès. Leurs données essentielles doivent périodiquement être revues et corrigées à la lumière des résultats nouveaux. Une collaboration incessante est nécessaire, entre les administrations, les organismes scientifiques, les grandes industries.

6. — La Science et l’Administration.

Le rôle de la science a été graduellement introduit dans les affaires sociales et la science y vient agir à la fois sur l’administration et sur la documentation.

a) Au temps de l’autocratie, c’étaient les conseillers privés du Prince, personnes choisies arbitrairement par lui et dont les avis donnés secrètement ne devaient pas nécessairement être suivis.

b) Puis vint l’organisation d’une hiérarchie de fonctionnaires faisant rapports et propositions, mais c’étaient des agents payés, ne jouissant d’aucune indépendance d’esprit. Le problème reste d’ailleurs ouvert, aujourd’hui encore, du droit du fonctionnaire quant à l’obéissance aux ordres irrationnels ou soulevant l’objection de sa conscience.

c) Les experts ont été nommés ensuite.[107] Ils sont désignés à raison de leur compétence connue et ils sont supposés libres de toute entrave dans l’exposé de leur opinion. Simple supposition cependant, car le fait même de leur désignation implique un choix intéressé et, en fait, l’expert est rarement indépendant.

d) L’organisation objective de la fonction scientifique en fixant par un statut régulier les rapports entre les pouvoirs publics et leurs administrations, d’une part et, d’autre part, les organismes savants indépendants avec les travaux ou services dont Ils sont chargés par conventions.

264.3 Le problème et sa solution.

Le problème général de la documentation administrative peut se formuler ainsi : 1° Comment les unités administratives (État, provinces, municipalités) peuvent-elles offrir à tout moment et donner à connaître à leurs administrés la présentation documentaire de leur situation ? 2° Comment sortir du désordre dans l’action et s’élever à une coopération de plus en plus régulière et étendue, du degré local et national au degré international ? Comment faire que chaque organisme établisse sa propre documentation en s’orientant vers une organisation mondiale des activités humaines et un Plan Mondial ?

La solution posée est celle-ci : a) Considérer par la pensée comme une et indivisible, chaque unité administrative envisagée, quelle que soit sa division en organes distincts (directions, départements, sections, services, etc.). b) Donner au point de départ un exposé, une description analytique et intégrale, une situation de l’entité considérée (documentation statique). c) Enregistrer systématiquement et continuellement toutes les modifications particulières qui surviennent dans cette situation et cela au fur et à mesure qu’elles se produisent et selon une forme telle qu’elle affecte, élément par élément, de la plus petite à la plus grande, chacune et toutes ensemble, les données de cette situation (documentation dynamique). d) Périodiquement confronter la représentation intra-documentaire ainsi obtenue avec la réalité documentée externe en opérant toutes les rectifications et ajustements requis.

264.4 Principes généraux d’organisation.

1 — Organisme.

Tout organisme (établissement industriel, commercial, administratif ou scientifique) constitue une unité qui nécessite, pour son fonctionnement normal, un certain nombre de « documents » ou écrits divers, sous forme de feuilles, fiches, tableaux, reliés en livres, cahiers ou carnets, ou détachés et mobiles (formules au sens général du mot). Il y a le plus grand intérêt à ce que tous ces documents forment eux-mêmes une unité correspondante (unité de l’organisme documentaire) et que, par suite, des simplifications, des compléments, des enchaînements y soient établis. Et l’on dira de même de l’œuvre, l’institut, l’établissement, le service et l’administration publique. L’entreprise est une œuvre au sein de laquelle la vie se manifeste par des mouvements multiples qu’il s’agit de suivre et de comptabiliser, si l’on veut se rendre compte de la façon dont se comporte l’organisme. Mais il n’y a pas dans la vie de l’entreprise que des mouvements intérieurs. Cette œuvre qui la figure est en contact avec l’extérieur ; des mouvements d’échange existent entr’eux qu’il faut connaître, des conditions existent qui ont des répercussions de l’un à l’autre (E. des Fages)

À tout organisme (individu, administration, firme, etc.) correspondent quatre ordres d’unités qui s’interfèrent et se combinent. 1° Unité réelle (physique). 2° Unité juridique (statut). 3° Unité comptable (patrimoine). 4° Unité documentaire.

La division de tout organisme s’opère en services, départements ou sections. Ils comprennent la coexistence des personnes, des choses, des locaux et emplacements, tout à l’état statique et à l’état de fonctionnement dynamique, soit les opérations dans le temps et dans l’espace.

2 — Action organisée.

L’action organisée (le Travail) donne lieu à la mise en œuvre d’un certain nombre de facteurs essentiels dont l’existence et les rapports réciproques peuvent être ramenés aux douze termes de la formule suivante :

« Dans le But (A), précisé et développé selon le Plan (B) ; répartis dans le temps suivant le Programme ou Budget (C) en exécution des Instructions et des Ordres (D) en se conformant aux méthodes (E), soumettre la matière et les objets (F) à une série d’opérations (G) en faisant intervenir les agents personnels individuels ou collectifs (H), les agents matériels (matières, formes ou propriétés) et les machines, outils ou instruments (J) de manière à obtenir les produite ou Résultats (K) destinés à être intégrés dons les ensembles (L). »

3 — Action documentée.

Le fonctionnement de toute administration doit être accompagné de documents. Il y a lieu de réaliser au cours des opérations, un enregistrement continu des données administratives essentielles, enregistrement opéré sur des documents adéquats et permettant une circulation constante des données administratives nécessaires aux travaux à travers tout l’organisme documentaire. La documentation, dédoublement et miroir de l’action ainsi définie intervient : 1° pour chacun des douze termes envisagés ; 2° pour chacun de leurs rapports mutuels deux à deux, ou plus de deux à plus de deux ; 3° à chacun des moments du temps de leur interaction ; 4° à chacun des lieux de l’espace où elle se produit.

4 — Éléments de la documentation.

1° Les écritures qui sont simples ou composées (analytiques et synthétiques) et tendent vers des rédactions unifiées et standardisées (formule). 2° Les ensembles documentaires ou collections de données documentées qui contiennent les écritures similaires. 3° Le classement assigné aux écritures dans le document et assigné aussi aux documents dans l’ensemble ou collections qu’ils constituent. 4° Le contenant ou réceptable matériel des documents. 5° Les relevés (statistique, comptabilité, mesures), d’après les écritures faites, et consistant en comptage dont les données numériques (totaux, moyennes, coefficients, indices) expriment, d’après les enregistrements administratifs, l’état global, absolu ou relatif des données « administrés ». 6° Les rapports périodiques ayant pour objet : a) de déterminer la situation des éléments administrés à des dates successives (état ou bilan) ; b) de proposer les objectifs prochains, orientation et travaux. 7° Les décisions qui sont : a) des ordres, s’il s’agit de chefs hiérarchiques ; b) des résolutions, s’il s’agit de corps ou collèges ayant autorité ; c) des conventions ou accords, s’il s’agit d’ententes intervenues entre entités indépendantes. 8° Les données à enregistrer ont, toutes, une portée administrative, mais elles peuvent être de différents ordres : 1. comptables, 2. juridiques et légales. 3 techniques.

5 — Caractéristiques des pièces.

Les pièces que comprend l’unité documentaire présentent les espèces et caractéristiques suivantes : 1° Les pièces dites imprimés, pièces manuscrites, pièces reçues du dehors ; 2° celles établies à l’intérieur ; 3° les pièces de base (pièces mères), pièces originales et les pièces qui en sont dérivées (résumés, extraits, éléments à porter sur d’autres pièces) ; 4° les pièces elles-mêmes, leur catalogue et le simple énoncé des rubriques ou des indices servant à leur maniement, à leur distribution et à leur placement c’est-à-dire la classification.

6 — Corrélations.

La soudure doit être établie entre les publications administratives, la correspondance administrative et tous les « enregistrements » d’ordre administratif qui viennent prendre place dans des registres, des listes, des répertoires. Une grande clarté est apportée dans le dédale de la documentation en posant désormais ce principe : que la base et la source première de toute documentation est constituée par les enregistrements intérieurs, en étant tenus comme derniers les deux autres formes (soit les correspondances à destination connue d’une part, d’autre part les imprimés qui ne sont en fait que des correspondances à destinataires impersonnels, universels, Inconnus). Correspondance et imprimés peuvent, à un certain moment, être en avance sur l’enregistrement, mais il importe alors d’y introduire leurs données essentielles de caractère général ou permanent, et cela immédiatement après qu’elles auront été établies dans la correspondance ou les imprimés. C’est le moyen de disposer, pour les données administratives, d’un répertoire quelque multiples et variées et soient les formes et les expressions. Un ensemble totalitaire et continu qui soit pour les données et les administrations, leurs éléments, leurs groupements, leurs répercussions, l’analogue de ce que sont les opérations chiffrées en argent dans la comptabilité.

Toutes les données administratives et par conséquent tous les documents qui les contiennent sont rattachés les uns aux autres selon le principe de la classification. Elle est synthétique, procédant du général au particulier, de manière à passer des faits et résultats généraux aux faits individuels et particuliers.

7 — Classification.

La classification détaillée de l’entité administrative (structure, fonction, but, organes, activités, éléments avec lesquels ou sur lesquels elle agit), cette classification est unique quel qu’en soit le développement.

8 — Formes de la documentation.

L’ensemble de la documentation est représenté par trois ordres d’éléments : a) archive des pièces remises en dossiers ; b) le répertoire des notices disposées sur fiches ; c) l’atlas des tableaux synthétiques résumant et coordonnant les données de l’un et de l’autre d’une manière synoptique et visuelle. Archive, répertoire et atlas se complétant l’un et l’autre, leur objet commun est la réalité administrée elle-même. Ils ne sont déterminés distincts, au point de vue matériel, que par les nécessités de la dimension de leurs pièces et, au point de vue intellectuel, par les nécessités inhérentes au mode adopté pour l’enregistrement.

9 — Plan.

Le plan détaillé de l’entité : plan dressé en conformité de son but, de son programme et qui soit une projection par avance de la réalité future proposée aux efforts de l’entité. Un budget est la partie financière d’un tel plan comme la loi et le règlement en est la partie juridique, les uns et les autres étant à compléter par d’autres parties du plan général.

10. — Bilan administratif.

La mise des données en forme telle que toutes concourent à constituer pour l’entité le bilan administratif de son efficience. Par là il faut entendre une disposition de la documentation qui, en procédant de résumé en résumé, et de condensation en condensation, rende possible, non seulement de se représenter et de chiffrer les facteurs dominants de la vie totale de l’entité avec leurs causes, conséquences et incidences, mais encore, en regard de chacun d’eux, les coefficients mesurant, d’après le plan, les objectifs à atteindre. L’efficience sera exprimée par l’écart en plus ou en moins entre les chiffres de l’état réel et ceux de l’état proposé.

11. — Manuel.

Dans chaque organisme établir un Manuel Général comportant : 1° la classification synthétique de l’organisme mise en rapport de concordance avec la classification décimale universelle[108] ; 2° la description de l’organisme et des opérations à faire ; 3° une collection générale de formules avec observations expliquant leur emploi.

12. — Partition administrative.

Tendre à doter l’administration de tout organisme d’un document central, coordonnant tous les autres documents et qui soit pour le commandement et la vue d’ensemble des activités de l’organisme, l’analogue de ce qu’est, pour la cohésion d’action des musiciens, la partition du chef d’orchestre. La partition d’orchestre comporte autant de portées horizontales que de parties ou groupes d’instruments de l’orchestre et ces portées sont coupées verticalement par les barres de mesure du temps, de telle sorte qu’un synchronisme parfait est assuré entre tous les instruments. La « partition » administrative est à diviser en bandes horizontales par services et à subdiviser ensuite par bandes verticales correspondant aux moments du temps où les opérations sont à effectuer. Dans les grands organismes, la partition administrative peut être conçue et donner lieu, par dédoublement, à un mécanisme déroulant automatiquement la partition et mettant en mouvement, à distance, d’autres mécanismes secondaires déclanchant la mise en mouvement des parties afférentes à chaque service et les avertissant par une signalisation visuelle ou auditive.

264.5 Questions diverses.

1. — Statistique. Comptabilité et Métrie.

a) À la documentation administrative se rattachent étroitement la comptabilité (notamment : tenue des comptes, bilans, budget, prévision, contrôle, comptabilité mécanique), la statistique (recensement et statistique résultant des enregistrements administratifs, mesures des phénomènes, coefficients et constantes sociales, répertoires manuscrits et annuaires imprimés, statistique mécanique), l’établissement des atlas administratifs.

b) Statistique, comptabilité et métrie sont distinctes. 1° La statistique, c’est le comptage des phénomènes caractéristiques selon leurs unités naturelles concrètes : des hommes, des maisons, des terres cultivées, etc. 2° La comptabilité, c’est l’enregistrement du mouvement des valeurs économiques d’un patrimoine ramené à l’étalon de valeur monétaire, le franc ou tout autre type de monnaie. 3° La métrie, c’est la mesure de tous les phénomènes caractéristiques ramenés chaque fois aux étalons propres à chaque phénomène. Mais tout en demeurant distinctes l’une de l’autre, statistique, comptabilité et métrie ont entr’elles d’étroites relations : 1° Il y a lieu d’établir des unités-étalons pour chaque catégorie ou aspect de phénomène, comme on l’a fait pour la monnaie ; 2° de se servir des comptages statistiques pour établir leurs mesures réelles ; 3° d’établir des formules générales de situation à tout point de vue à la manière des comptes actifs et passifs et des bilans.[109]

2. — Documentation scientifique et technique dans les administrations.

Parallèlement à l’organisation de la Documentation administrative, toute administration doit veiller à organiser une documentation en conformité avec les méthodes et les desiderata généraux reliés au Réseau Universel. 1° Publications et Catalogues de ses publications. 2° Bibliothèque et Échanges nationaux et internationaux. 3° Bibliographie. 4° Dossiers documentaires,

265 Les Musées.

265.1 Notions.

a) Un musée public est tout édifice servant de dépôt pour la conservation d’objets relatifs à l’art, l’histoire, la science ou l’industrie, qui est ouvert au public pour l’étude de ces sujets (Henry Miers). En principe, un musée peut comprendre des animaux et des plantes vivantes, des livres et les œuvres de peinture et de sculpture. Mais les collections de cette nature prennent nom Jardin Zoologique, Jardin Botanique, Bibliothèque, Galerie de Peinture. Le musée se différencie des autres institutions de la documentation en ce qu’il comprend soit les pièces ayant trois dimensions alors que les autres documents sont présentés sur des surfaces, soit des pièces destinées dans leur arrangement à être vues et non à être lues.

b) Les musées modernes constituent de formidables accumulations d’objets. Ce sont les magasins de la nature et de la civilisation. Les musées de peinture, au commencement de ce siècle comptaient déjà plus de 25,000 œuvres. Quand le Natural History Museum de Londres a occupé ses locaux actuels, le transfert a duré trois ans. Les seuls poissons fossiles y comptent plus de 9,000 numéros. Le National Museum de Washington a entré plus de 200,000 spécimens par an. Plus de 150,000 vases se trouvent dans les grands musées d’Europe. Le Musée historique des Tissus de Lyon comprend 400,000 échantillons.

c) Les musées sont devenus des « Trésors » collectifs. Ils sont pour la collectivité entière ce qu’étaient les anciennes collections royales pour les seuls détenteurs du pouvoir ; ils sont aussi, au point de vue intellectuel, ce qu’au point de vue spirituel ont été les trésors des cathédrales. Les musées, par leurs merveilles, nous étonnent, nous enchantent, nous éblouissent. Leur vue nous donne des émotions salutaires ou bien constitue pour nous un enseignement profond.

d) Les choses rassemblées en leur entier, ou par échantillons (partie d’une matière homogène) constituent des documents par le fait de l’intention qui préside au rassemblement (collection) et qui sont utiles à l’étude, à l’enseignement, à la recherche.

e) La présentation des objets, au repos ou en mouvement, les musées, les expositions, les démonstrations, ont les plus grandes affinités et sont en un certain sens les espèces d’un genre commun basé d’une part sur la vue des choses, d’autre part sur le fait que les pièces sont essentiellement à trois dimensions.

f) M. Paul M. Rea, Président de l’American Association of National Enseignement a présenté les observations suivantes :[110]

« L’idée essentielle du musée, outre sa fonction de conservation des données de la science, dit l’auteur, est l’interprétation des idées associées avec les objets dans les collections. Le musée appelle à l’organe sensible le plus rapide et le plus vivant que nous possédons : l’œil. Ils sont donc des institutions d’enseignement visuel. Les principes de l’enseignement visuel sont essentiellement les mêmes quelle que soit la nature de l’objet, qu’il soit d’art, d’histoire ou de science ; qu’il soit fait appel au public en général ou à des groupes choisis. Et tous ont encore le problème de la présentation. Ce problème implique non seulement la technique, mais la psychologie et il est éclairé par le problème similaire que rencontre l’annoncier commercial dont la tâche est également d’arrêter l’attention et d’imprimer des idées

g) Le développement d’un musée peut être comparé à celui d’un enfant : les progrès visibles d’un jour à l’autre sont petits bien que la croissance à la fin de l’année soit grande. Un musée ne saurait être considéré comme chose réalisée une fois pour toutes et fixée. La stagnation est la mort pour le musée. La conception désirable est celle d’un cadre constamment complété, amélioré quant aux pièces présentées et quant aux points de vues mis en évidence.[111]

265.2 Muséologie. Muséographie.

a) La muséologie ou muséographie est l’ensemble les connaissances, des principes et des règles pratiques relatives à la réunion, montage, à la disposition des objets réels en vue de conservation, d’étude, d’enseignement ou de démonstration, soit en collection permanente ou musée, soit par l’utilisation des objets comme auxiliaire de la graphie dans la démonstration des idées.

b) Les musées soulèvent en grande partie les mêmes questions que les bibliothèques : objet et but ; organisation (Fondation et statuts, direction, personnel, membres). Administration (finances, budgets, recettes et dépenses) ; opérations : (formation de collections, catalogue, préparation, étiquetage, inventaire. Catalogue, conservation, présentation démonstration). Musée, cartes de recherche, de documentation, d’étude, de diffusion et d’information.

Les musées d’objets et la muséographie trouvent leur place dans la documentation, soit qu’on les considère comme une partie intégrale de celle-ci, au sens large, soit qu’ils constituent des sources auxiliaires d’information, soit que certains principes, certaines méthodes, soient communs à l’un ou à l’autre domaine, soit encore qu’il existe des connexions étroites entre musées et bibliothèques.

Le musée, c’est le livre in natura.

d) Des organismes ont été constitués pour l’étude de la Muséographie. Ainsi l’American Association of Museum, la Société des Musées allemands, la Junta de Museos de Ciencias Naturales, Madrid, etc.

L’Office International des Musées, organisé par la Commission de Coopération Intellectuelle de la Société des Nations étudie diverses questions intéressant directement les administrations nationales des Beaux-Arts, notamment l’exportation clandestine des œuvres d’art, la formation professionnelle des restaurateurs d’œuvres d’art, les précautions à prendre en cas de transport par voie de mer, la collaboration internationale entre les cabinets de médailles, l’étude des problèmes de la construction moderne des musées, l’unification des catalogues des musées, l’élaboration des méthodes unifiées pour la rédaction de ces catalogues et à la rédaction des étiquettes placées dans les musées eux-mêmes, etc. L’office publie la revue Mouseion.

265.3 Historique.

a) Noë avait dans l’arche le plus beau musée d’histoire naturelle qui soit. Alexandre le Grand, d’après la tradition plus ou moins vraie, avait au cours de ses expéditions militaires, fait rassembler une grande collection d’animaux qui servit à Aristote à écrire son histoire naturelle. Certains pensent que ce fut plutôt une sorte de Jardin Zoologique. Les anciens appelèrent d’abord musée, un temple de Muses. Puis le nom s’appliqua à tout endroit consacré aux muses, c’est-à-dire à l’étude des belles lettres, des sciences et des arts. Tel fut le Musée d’Alexandrie, que Ptolémée II, Philadelphe, fit construire vers le milieu du IIIe siècle av. J.-C. et qui renfermait, outre la fameuse bibliothèque, des salles de cours, des salles d’élèves et des logements pour les professeurs. Le tout périt dans les flammes.

b) Les collections artistiques ont eu un développement distinct à Athènes : dans une des ailes des Propylées on avait réuni des œuvres de plusieurs peintres célèbres (Pinacothèque). À Rome : les chefs-d’œuvre enlevés à la Grèce furent placés dans des endroits publics. On ornait les monuments publics de peintures ; des riches citoyens réunissaient des curiosités naturelles. À Byzance, Constantin rassembla les œuvres d’art et les répartit dans la ville. Les princes et les riches formaient des collections publiques.

Au moyen âge il n’y eut pas de musées artistiques, mais les églises, les couvents, les abbayes en tinrent lieu. La renaissance opéra des fouilles. Les rois, les villes et les grands eurent des collections plus ou moins précieuses qui devinrent les noyaux de la plupart des grands musées publics. (Médicis, Florence ; Papes, Vatican ; Escorial, Madrid ; François Ier et Louis XIV, Louvre). Les collections des princes furent au début des souvenirs personnels, la collection de portraits de parents et intimes ; le trésor privé, les insignes et les joyaux de la couronne, les meubles, les tapisseries, les verreries, les porcelaines, ce que les souverains ont emporté de leurs voyages, ce que les ambassadeurs étrangers leur ont apporté de cadeaux.

À la fin du XVIIIe siècle intervient l’idée de faire servir les œuvres d’art à former le goût de la population. À partir de la Révolution, on concentra les collections des couvents et les musées sont devenus des institutions publiques. Ils dépendent encore, en certains pays du domaine de la Couronne, mais ils sont inaliénables. Le Louvre a été le premier musée vraiment national qu’il y ait eu en Europe. Pendant les guerres de l’Empire, les Français emportèrent quantités d’œuvres d’art, notamment de Belgique. En 1801 on créa des dépôts dans 15 villes.

Les musées scientifiques ont leur origine dans les cabinets de curiosités naturelles qui naissent avec les sciences naturelles. Les progrès de la navigation, les voyages, les découvertes, les grandes conquêtes coloniales puis, surtout au XVIIIe siècle, l’habitude d’embarquer des naturalistes pour chaque lointaine expédition rassemblent en Europe des collections de presque tout ce qui vit sur le globe, animaux et plantes. Un long et laborieux travail de description et de classification mit de l’ordre dans la multitude des formes et aboutit à une série d’inventaires qui nous servent encore aujourd’hui. Pour les parfaire, certains ont suivi les explorateurs dans les dernières terres inconnues, d’autres ont parcouru les mers. De nombreux amateurs ont recueilli dans une région tous les êtres qui leur plaisaient. Depuis cinquante ans, les navires océanographiques ont révélé un monde nouveau, vivant dans les profondeurs des eaux. Le bilan des êtres vivants s’enrichit ainsi constamment de formes nouvelles. Dès 1619 est publiée une liste de Cabinets scientifiques. En 1681 est installé le Hall d’Anatomie et le Théâtre public de l’Université de Leyde. Vers 1750 est fondé le Musée de Brukman de Wolfenbüttel qui contient des curiosités artificielles. Les chambres des anciens alchimistes, les cabinets de physique, les salons scientifiques du XVIIIe siècle sont des contributions à la formation des musées scientifiques.

255.4 Transformations des musées.

Une transformation similaire à celle des Bibliothèques semble en voie de se produire actuellement dans les musées. Elle prend diverses directions :

1° Les musées étaient autrefois des conservatoires d’objets rares et précieux. Sans leur enlever ce caractère, on cherche à en faire aussi des centres de documentation pour les objets à voir (documents à trois dimensions) ; complètes les objets, soit en les reproduisant, soit en montrant leur liaison et enchaînement, soit en les commentant à l’aide de textes choisis. 2° Les musées, faits d’objets originaux, constituent des collections nécessairement incomplètes. On s’efforce de reproduire les objets eu fac-similés de toute nature ou en modèles réduits et de rendre ainsi possible l’intégration de séries formées par les originaux que possédé une collection. 3° Il n’y avait des musées que pour certains domaines des connaissances et des activités pratiques. Progressivement le Musée devient une forme et une méthode s’appliquant à tous les domaines (science, technique, sociologie, histoire, littérature, médecine, commerce, droit, etc.). 4° Dans une même localité les musées et collections étaient séparés, disséminés, laissés là où les circonstances les avaient fait naître. L’idée de musée général, collectif, universel, se fait jour. Les divers musées ne sont plus considérés que comme des départements ou des branches d’un musée central, à la manière dont les collections de la bibliothèque sont considérés comme des fonds et les établissements destinés comme des succursales. 5° Le musée était autonome et isolé parmi toutes les institutions de l’ordre intellectuel. Il tend à prendre une place coordonnée dans l’ensemble de ces institutions envisagées selon le principe supérieur d’une organisation générale du Travail Intellectuel : Rapports du Musée avec le livre (Bibliothèque), avec l’Enseignement (École et Université), avec la Recherche (Instituts) avec les applications sociales (La vie en général). 6° Le Musée dans son organisation demeurait soit local, soit régional ou national. On considère de plus en plus maintenant l’ensemble des musées d’une localité, d’une région, d’un pays et, maintenant, l’ensemble des musées du monde. Et cela non seulement pour l’interéchange des collections, mais pour la coopération à des travaux d’élaboration en commun.

265.5 Méthodes.

Le travail muséographique consiste : 1° à réunir les pièces ; 2° à déterminer les pièces ; 3° à les classer ; 4° à les étiqueter ; 5° à en dresser le catalogue ; 6° à consacrer une notice spéciale aux pièces caractéristiques ou à des ensembles ; 7° à disposer les objets soit en séries dites de magasin et de réserves, soit en exhibition et démonstration dans des galeries publiques pour les études ; 8° à organiser la division du travail de la coopération.

1. Collectionnement.

Les collections ne doivent pas être réunies au hasard. Il faut une méthode, une systématisation dans le collectionnement des objets choisis, spécialement demandés ou créés. Il ne faut pas se borner uniquement à ce qu’apporte le cas fortuit des donations. On distingue les salles d’exposition qui constituent l’essentiel des réserves où l’exclusive ne s’impose pas. Le succès d’un musée est d’avoir un plan bien défini, un système organisé de collectionnement des objets et ensuite de faire appel à l’apport par les particuliers soit des pièces elles-mêmes, soit de l’argent pour les acquérir.

2. Classement.

Il est chose capitale dans le musée ou dans la bibliothèque. On a suivi des méthodes très variées d’après l’espèce de musées, fondées sur la nature des objets ou la distinction de l’institution. On suit l’ordre historique (chronologie, école) ou géographique (pays, régions) ou simplement (d’après le système en usage dans les sciences). En suivant, pour le classement des objets, le même ordre que celui des textes dans les ouvrages, les deux sortes de documentation, bibliographique et muséographique, sont présentées comme complémentaires l’une de l’autre. Dans un Musée du type documentaire, le visiteur trouve les objets rassemblés systématiquement dans une représentation évocatrice de la vie ce qu’on sait d’essentiel sur l’ensemble de ces objets et sur chacun d’eux.

3. Catalogue.

Les musées organisés ont leur catalogue dont le rôle est semblable au catalogue dans les bibliothèques. Mais ici vu le nombre de pièces relativement bien plus restreint et leur classement systématique on a développé davantage la description des pièces et les mentions d’origine.

Les catalogues de musées constituent une littérature considérable. Les accroissements et transformations des musées donnent lieu à des éditions nouvelles de catalogues qui ont besoin d’être tenus à jour, amplifiés, détaillés, approfondis avec des inscriptions toujours plus proches de la vérité.

Les catalogues sont de valeur très inégale ; il serait utile d’établir des conditions minimum pour de telles œuvres. Les catalogues d’objets et ceux des livres impliquent de simples notices signalétiques ou des notices détaillées ; un seul ordre de choses ou plusieurs ordres (par n° d’inventaire, par notice, par pays, par date, par catégorie d’objets) : ils sont à l’état de manuscrits ou imprimés, de fichiers ou de registres ; ils sont réservés à l’administration des musées ou mis aussi à la disposition du public. Le catalogue, guide pratique du musée, expose la matière dans l’ordre des salles. Une introduction générale place immédiatement le visiteur dans l’esprit même des collections exposées. Les musées, par certains catalogues qu’ils établissent, fournissent des réponses aux demandes de renseignements et leurs vastes répertoires sont devenus des centres d’études. Ce fut là, par exemple, le but primitif du Musée Germanique de Nuremberg. Comme pour les livres encore, il y a les catalogues collectifs ou communs, les catalogues des catalogues, les listes (directory ou annuaires) des collections et des musées.[112]

4. Présentation. Moulage.

Il s’est formé toute une technique du moulage, de la présentation des pièces et de l’art d’opérer les démonstrations : machines découpées de manière à montrer le mécanisme ordinairement caché ; machines mises en mouvement sous la pression de boutons électriques ou de leviers ; diorama ou théâtre en miniature, sur lesquels les objets sont montés en une présentation dramatique ; cinéma et projections en plein jour (Day-light motion-picture) complétant les objets par des vues en mouvement, etc.

5. Locaux.

Les locaux des musées ont donné lieu à des édifices typiques qui constituent un groupe important parmi les édifices monumentaux. Comme toute l’architecture, celle-ci tend à être de plus en plus fonctionnelle. Les locaux ont donc toute la diversité que créent les circonstances et l’état des fonds dont on dispose. En principe il faut s’affranchir des formes et des espaces donnés en les pliant à la démonstration et non l’inverse. Si le musée doit être un traité visualisé, objectif et synoptique, la répartition des locaux y consacrés partira du même principe que celui qui, dans le livre, préside à la répartition par chapitre, par section, par paragraphe, pour aboutir à la phrase et au mot. On considérera donc des grands espaces rectangulaires bien éclairés qui seront divisés à l’aide de cloisons mobiles disposées de manière à former salles, stands et panneaux.

6. Coopération.

On a peu pratiqué jusqu’ici la coopération et l’assistance mutuelle dans le domaine des musées. La coopération peut prendre des formes diverses : a) distribution des doubles ; b) échange ; c) prêts temporaires ; d) conférences pour discuter des points d’intérêt commun ; e) les associations de musées. Un système central de musée municipal avec galerie d’art et branches dans les divers quartiers de la ville a été instauré à Glasgow, Hull, Manchester et Norwich. Le système du pays de Galles créa des liaisons entre le Musée national à Cardiff et les musées locaux.

265.6 Expositions. Foires. Démonstrations.

a) Aux Musées se rattachent les Expositions. Elles sont : locales, régionales, nationales ou internationales, temporaires ou permanentes (musées fixes ou circulants) ; elles sont particulières et spéciales ou générales et universelles.

b) Les Expositions universelles internationales figurent parmi les fêtes ou manifestations publiques qui caractérisent les temps modernes. Déjà Mansard avait inauguré au Louvre (1609) des expositions de peinture et de sculpture. Un siècle plus tard (1798), on voyait, à Paris encore, la première exposition des produits de l’industrie. Les expositions de ce genre ne tarderont pas à se multiplier en France et à l’étranger. Mais la première Exposition universelle internationale n’eut lieu qu’en 1851 à Londres, au Palais de Cristal. Vinrent ensuite : la première exposition universelle internationale de Paris (1867) ; celles de Vienne et de Philadelphie (1876) ; la 3e de Paris (1878) ; la 4e, la plus brillante en 1889 ; celle de Chicago (1893), pendant laquelle se tint le fameux Parlement des religions ; celle de Paris 1900 et celles récentes en Amérique, St-Louis et Chicago. En Belgique, Bruxelles, Anvers et Liège.

c) On organise des expositions pour reconstituer pendant quelques semaines, quelques jours des ensembles qui furent une fois, mais que le temps a dispersés. Par ex. : l’Exposition du « Grenier des Goncourt » (Paris, mai 1933, 473 numéros).

d) les expositions ont de grandes analogies avec les musées. Comme eux, elles présentent des choses à la vue, mais pour une durée temporaire et non permanente. Les expositions, en quelque sorte, ce sont les choses en voyage accompagnées des hommes qui les expliquent.

e) Après les expositions ambulantes ou circulantes, on a vu les trains et les bateaux expositions. Aussi on a organisé des trains-expositions ayant jusque 18 voitures, stationnant dans de nombreuses villes, (train canadien, train belge).

f) les Foires, dont l’origine remonte haut dans le moyen âge, ont pris un grand développement après la guerre. Basées sur la présentation d’échantillons, elles se rapprochent des expositions.

g) Montrer peut être une opération documentaire quand la chose à montrer est un document : « Mostra » dit-on en italien. Et il y a l’ « Ostension de la Sainte Tunique du Christ » à Trêves.

Le renouveau des méthodes transforme les expositions. Ainsi l’Exposition de la Révolution fasciste, à Rome, a été rendue efficace pour la propagande : un art dynamique, passionné sinon brutal, qui rassemble en une synthèse changeante et exaspérée les objets les plus disparates. Le journal, l’affiche, la chanson, la caricature, la photographie, l’insigne, l’emblème, le vêtement, l’arme, le drapeau. (E. Condroyer). Les 18, 000 documents fascistes y sont présentés en 30 salles, non point à la manière neutre, académique et solennelle des musées d’art, mais d’une méthode agressive et diverse qui se tient à égale distance de la mise en scène théâtrale et de la publication[113]. On a cherché par les lumières, les couleurs, les formes à susciter chez le visiteur une tension d’état d’âme dont chacun le prépare aux documents qu’il va découvrir.

265.7 Monuments. Sites. Ruines et Fouilles.

a) Les monuments sont des documents du point de vue scientifique, historique ou esthétique. Ainsi les œuvres d’architecture, créées par l’homme, anciennes ou nouvelles, à l’état conservé et à l’état de ruine. Ainsi également les sites naturels.

b) Monuments et sites sont décrits, catalogués, reproduits. Des mesures sont prises pour leur classement (au titre de monument national). Il est des organismes chargés de leur protection. (Commission des sites et des monuments).

c) Des fouilles ont été entreprises en divers endroits depuis des temps déjà reculés. En ce siècle, une recrudescence d’excavation due à la rivalité et à la coopération de divers pays a mis à jour des centres archéologiques de première importance dans toutes les parties du monde. Ainsi l’expédition suédoise, à Chypre, à elle seule, a découvert plus de 18, 000 objets. Certaines protestations se sont élevées contre la profanation des tombeaux, et l’on s’est plu à reconnaître dans la mort violente des violateurs la mise en œuvre des puissances magiques des Pharaons troublés dans leur dernier sommeil.

27 PERSONNES.

Dans la Documentation interviennent des organisme, et des personnes spécialisées. Un exposé systématique complet exigerait qu’il en fut traité ici, distinctement et séparément. Ainsi le voudrait une analyse et une synthèse intégrales. Mais en vue d’éviter des répétitions, on s’est borné à traiter de ces matières aux divers sujets spéciaux avec lesquelles ils ont des affinités et aussi sous la division 4 Organisation.

a) Le livre est un des produits de l’activité humaine qui exige le plus d’opérations distinctes. Celles-ci, au cours du temps, ont été réparties selon les principes de la division et de la coopération dans le travail, entre une série de personnes et de fonctions.

b) Les Auteurs (écrivains, savants, publicistes) établissent le manuscrit des ouvrages. Ils sont les créateurs des livres et les signent. Ils en ont la propriété qu’ils peuvent céder en tout ou en partie. Les Éditeurs se chargent de leur diffusion et de toutes les opérations d’ordre commercial ; ils sont, en quelque sorte, les entrepreneurs généraux du livre, groupant sous leur direction, les différents métiers et professions. Ils ont tendance à se spécialiser dans un genre. Les Imprimeurs (typographes, lithographes, graveurs, photograveurs, etc.) reproduisent le livre en multiples exemplaires sur commande des éditeurs ou des auteurs. Les Libraires s’occupent de la vente des livres neufs. Ce sont les dépositaires de » éditeurs. Les Bouquinistes (librairies d’occasion, librairies anciennes, antiquariats), s’occupent des livres anciens. Les Bibliographes font les catalogues, les descriptions des livres, les Critiques les jugent. Les Bibliothécaires les conservent et les distribuent.

c) Le monde du livre a une organisation collective puissante : associations et syndicats ; maisons ou bourses du livre avec centrale de commandes ; organismes pour l’exportation et l’expédition à l’étranger, catalogues collectifs, publications professionnelles. Des règlements et des contrats collectifs ainsi qu’une législation locale, nationale et internationale, organisent les rapports juridiques du livre et de ceux qui y travaillent.

d) Des organismes correspondent à chacune des grandes fonctions, opérations, groupes, personnes. Ex. : Imprimeries, Librairies, Bibliothèques, Archives, Offices de Bibliographie et Documentation, etc.

28 CORRÉLATIONS ENTRE LES DIVERS ÉLÉMENTS DU LIVRE ET DU DOCUMENT

280 Généralités.

Une étude générale des corrélations du livre prendra place dans le cadre suivant, dont certaines parties seulement ont été traitées ci-après.

281
Corrélations en général : rapports entre les divers éléments, parties, espèces. Fonction du livre et du document.
282 Corrélation avec les idéalités :
111.1xx Le Vrai (La Science).
111.2 Le Beau (L’Esthétique).
111.3 Le Bien (Morale). Le livre et l’action.
283 Corrélation avec les utilités.
111.1 Santé. Hygiène.
111.2 Économie.
111.3 Droit.

Le tableau général des corrélations est donné in fine de l’ouvrage.

283.2 L’Économie et le Commerce des Livres. Biblio-économie.

Le livre, sa confection, sa circulation, sa conservation, sa répartition, son utilisation sont des matières à opération économique. Il y a une Biblio-économie.

Comment, d’autre part, les facteurs économiques influencent-ils le Livre ?

Le livre et l’économie. — Dans le livre sont représentés les trois catégories économiques : le capital par les éditeurs, le travail par les ouvriers des industries du livre, l’intelligence par les auteurs. On peut aussi classer les auteurs parmi les travailleurs, étant donné d’une part le rôle prépondérant qu’ils jouent dans la confection du produit et le fait d’autre part que leur apport d’intelligence ne s’applique pas à la direction de l’industrie du livre elle-même.

Étudié sous son aspect économique, le livre nous fait retrouver chez lui les grandes catégories de la période moderne.

1. La division du travail.

2. La commercialisation : valeur nouvelle qui s’ajoute aux autres.

3. L’industrialisme, capitalisme (part plus grande des capitaux fixés dans l’établissement des imprimeries).

Production. — Toutes les questions économiques générales se posent pour le livre.

Elles sont orientées vers l’organisation des cinq forces : Capital, Travail, Savoir, Consommation, État coordinateur.

L’organisation des écrivains devant les éditeurs, des lecteurs devant les uns et les autres pour les prix et la qualité.

Si l’on prend en considération les frais de transport aux États-Unis, les frais d’assurance, les droits de douane, de commission et la différence dans le coût du papier, on peut aisément calculer qu’un livre vendu en France au prix de fr. 3.50 pourrait être mis en vente aux États-Unis, s’il y était imprimé, au prix de 2 fr. et peut-être au-dessous de ce prix.

La part des auteurs. — Travail intellectuel. Vivre de son esprit : écrire dans les journaux, faire des traductions, donner des leçons.

La commercialisation du livre. — On se plaint du mercantilisme des directeurs qui au lieu d’exercer une bienfaisante magistrature, n’ont que le souci de s’enrichir. On peut se plaindre même du mercantilisme des « marchands de papier ».

La littérature industrielle que dénonçait déjà Nizard vise simplement au succès, c’est-à-dire au tirage.

Demain, un syndicat puissant de littérateurs et d’éditeurs jettera à profusion sur le marché mondial une abondante et ignoble littérature de guerre. La littérature militariste qui s’est ajoutée à la littérature policière se développera d’une façon intense et complexe. (Guilheaux.)

Il est désirable que les producteurs intellectuels, artistes, hommes de lettres, savants, puissent trouver des moyens de vie en dehors des œuvres qu’ils produisent pour leur propre satisfaction et dont le public ne peut apprécier assez vite la valeur pour qu’ils en puissent vivre comme producteurs.

Comment l’intelligence peut-elle se protéger contre la tyrannie de l’or ? Charles Mauras a traité cette question dans « L’Avenir de l’Intelligence ».

La Confédération des travailleurs intellectuels dans les différents pays, la Confédération internationale des Travailleurs intellectuels (C. I. T. I.) s’emploient à la défense des intérêts économiques et juridiques des écrivains.

La Société des Gens de Lettres s’occupe des intérêts matériels des écrivains. Aussi tel feuilleton est de reproduction interdite aux journaux qui n’ont pas traité avec elle.

Le domaine de la documentation est partagé entre la Commercialisation (action d’industrialisation et d’organes privés opérant pour un profit) et son inverse (action d’individus et d’organismes de caractères publics ou privés opérant sans profit et pour le bénéfice de la communauté).

Le commerce dispose de moyens quasi illimités sous la forme de capital rentable. Celui-ci par ses avances ou crédit permet d’entreprendre des travaux à récupération éloignée. La communauté dispose des fonds publics et de ressources volontaires qui sont aussi considérables mais qui ne sont pas mis à disposition du travail et des services avec la quantité, la rapidité et la régularité désirables.

Il y a maintenant développement simultané dans les deux sens : commercialisation d’une part des services publics, travail scientifique d’autre part. La tradition a fait des travaux et des services de l’esprit des œuvres hors commerce, ainsi les savants, les poètes, les philosophes, les prêtres. (Les clercs ne faisaient œuvre servile.) Il y a eu de ce fait pour les biens intellectuels une sorte de communisme, bien que le petit nombre de lettrés, des écrivains dans le passé ait établi une différence entre les biens intellectuels et les biens moraux au partage desquels très tôt tous étaient appelés (les œuvres de religion, de morale, les œuvres de salut). De nos jours le socialisme et le communisme, éloignés au début de ce qui concerne l’intellectualité, entendent ériger certains travaux en services publics (Ex. : organisation des bibliothèques, des musées de l’édition, de la librairie, de la bibliographie, dans la Russie des Soviets).

d’autre part l’édition d’ouvrages est devenue presque entièrement commerciale, le magazine, le journal, la librairie l’est tout à fait, la critique aussi ; il y a des cabinets de lecture payants avec abonnements à domicile. Il y a des offices de documentation commercialisés.

283.4 Le Droit et le Livre.

1. En général.

Le droit qui a pour objet la réglementation des relations sociales étend son domaine sur les choses du livre. C’est d’une part la liberté et la réglementation de la presse (imprimerie, vente, circulation), d’autre part les droits privés auxquels donnent lieu les œuvres écrites, le vaste domaine de la propriété littéraire. Ce dernier droit comprend deux parties bien distinctes : le droit au maintien de l’individualité de l’œuvre, prolongement de l’individualité de l’auteur, le droit aux avantages économiques de l’œuvre en tant qu’objet ayant une valeur monnayable.

La liberté, la personnalité, la propriété sont les données des institutions générales d’ordre juridique. Elles se présentent à l’occasion du Livre et du document. Là où il y a une ou des choses, objet de production, un ou des agents humains de la production et un processus productif, là il y a des droits sur des choses ou des droits de personnes ou à l’égard de personnes, et des droits de faire ou de ne pas faire.

Toute une législation, locale, nationale, internationale, régit le livre. Elle est prolongée par des réglementations collectives, volontaires, éditées par les Associations et les syndicats. La liberté d’écriture, la censure officielle. Le droit d’auteur, les dispositions relatives à l’imprimé et à la presse, à l’affichage, le colportage, la vente et à la distribution postale des imprimés sont des parties du droit de la documentation. Les contrats collectifs entre auteurs et éditeurs, entre syndicats de typographes et patrons imprimeurs, entre libraires et éditeurs, entre bibliothèques, sont autant de dispositions et règlements organisant la vaste matière documentaire dans le cadre des lois générales et spéciales.

2. Droit international.

Le droit d’auteur international a été détermine par la Convention de Berne. Passée en 1886, revisée en 1908 et en 1914, elle assure dans les pays adhérents, la même protection à chaque auteur ressortissant d’un État unioniste qu’aux nationaux de ce pays, même si cette protection est plus étendue que celle prévue par la loi étrangère de l’auteur. En bénéficient toutes les œuvres littéraires, ou artistiques, en ce qui concerne les droite de reproduction, traduction, représentation et adaptation. Les États-Unis ne sont pas parties de la convention de Berne. D’après le système du copyright d’après lequel, pour voir respecter ses droits chez eux, un auteur devant jusqu’ici faire une déclaration de son œuvre et payer une taxe. Un mouvement se produit actuellement en faveur de l’entrée du pays dans l’Union. L’U. R. S. S. a établi le communisme dans le domaine littéraire comme dans le domaine économique. Elle s’approprie toutes les œuvres étrangères qu’elle juge intéressantes pour en faire tel usage qui lui semble bon.

La Convention de Berne de 1886 revisée à Rome en 1928, sera revue de nouveau en 1935. Dans la séance du 18 mai 1934 de l’Académie diplomatique internationale, M. Ernest Lemonon a préconisé le dépôt légal international et l’établissement de sanctions internationales pour le droit d’auteur.

Les citoyens doivent être garantis dans leur personne, leur domicile, leurs papiers, leurs propriétés contre toute perquisition et saisie. La Constitution de Pennsylvanie (art. 8 chap. 1 de la loi de 1873) le dit formellement.

Établissement d’un droit de domaine sur les ouvrages étrangers proposés au Congrès du Livre à Paris.


(*) L’élaboration de ce Traité, dont l’impression s’est poursuivie au cours de l’année 1933, a été interrompue en 1934 par les pénibles événements de la Fermeture du Palais Mondial exposés in fine. Les incidents précurseurs de cette fermeture sont survenus tandis que la composition en était arrivée à cette page 328.

  1. Sur le processus du travail de l’esprit et les conditions d’élaboration du savoir, s’en référer aux travaux sur la psychologie, la logique, la méthodologie et la philosophie des sciences. Voir notamment :

    Paulhan. Analyses et esprits synthétiques. — Ribot. Essai sur l’imagination créatrice. — Toulouse : Poincaré. Enquête sur la supériorité intellectuelle. — Poincaré. a) La science et l’hypothèse, b) La valeur de la science, c) Science et méthode. — Boutmy. La vérité scientifique.

  2. Jean Boccardi : Les sciences d’observation à travers les âges. Revue Scientifique 1933. p. 226.
  3. Exemple : W. Jäger Aristotels Grundlegung einer Geschichte seiner Entwicklung. Berlin 1923.
  4. Alfred Lacroix. — Figures de savants.
  5. « Pourquoi écrivez-vous ? » Enquête de Littérature, Paris, nov. 1919. 8, place du Panthéon. — Une enquête a aussi été conduite par les Écrivains de l’U. R. S. S.
  6. Rouge et Noir, 7-12-1932.
  7. Les desiderata de l’Intelligence française. Enquête du Mercure Universel (n° de juin 1932). — Discussions et travaux de la Confédération Internationale des Travailleurs Intellectuels et des Confédérations nationales affiliées.
  8. Voir aussi n° 233 Place des notes dans les ouvrages et n° 237 Lecture des notes. 412.6 Système des fiches et feuilles, ou système de livres, cahiers et registres.
  9. Kolman Mikszath, à qui l’on demandait une préface pour une « Théorie de la nouvelle ». se borna à raconter cette histoire. Un forgeron, passé maître comme spécialiste de la cataracte, fut convié par les professeurs à faire l’opération devant eux. Il y réussit avec son simple couteau, mais quand il eut appris d’un des maîtres toutes les complications et tous les dédales de ce monde qu’on appelle l’œil et toutes les catastrophes qu’un petit tremblement de sa main, une palpitation plus forte de ses veines, un glissement minuscule de son couteau, pouvaient amener, il n’osa jamais plus opérer une cataracte, ni même guérir un simple compère-loriot. « Ce sort, conclut Mikszath, serait aussi le mien, si pour votre livre, j’allais apprendre tout ce que la science exige d’une œuvre littéraire : jamais plus je n’oserais écrire une nouvelle. » (Nouvelle revue de Hongrie, mai 1933, p. 509.)
  10. Modern Printing, by the British Printer. Thanet House. Fleet street 8c. London. 5 sh.

    Greffier, Désiré. — Les règles de la composition typographique, à l’usage des compositeurs, des correcteurs et des imprimeurs. Ce sont les lois créées par les maîtres et un long usage qui sont exposées dans ce livre. Paris. A Muller. Prix : 1 fr.

    Degaast, H. — Manuel d’apprentissage pour les industries du livre (20 volumes illustrés). Paris, aux Orphelins d’Auteuil.

    Thibaudeau, F. — 1924. Manuel français de typographie moderne. Vol. 1-3. Paris, Bureau de l’éd. 1924 (suite de la Lettre d’imprimerie). Vol. 1 Typographie moderne. XVI. 583 p. 2-3 album d’alphabets.

    Boivin et Lecene. — Le livre illustré moderne (histoire technique). Cercle de la Librairie. 4 fr.

    Morison, Stanley. — Four centuries of Printing (A survey of the development of the art of printing from the beginnings down to 1924).

    Turpain, A. — De la presse à bras à la linotype et à l’Électrotypographie. Revue générale des sciences pures et appliquées. Nov. 15, 1907.

    L’imprimerie et la pensée moderne. Bulletin officiel des Maîtres imprimeurs. Paris.

  11. Une bonne histoire abrégée de l’imprimerie a été donnée par Van Hoesen et Walter dans leur « Bibliography enumerative and historical ».

    Voir aussi : Winship, Gutenberg to Plantin, Cambridge, Harvard University Press, 1926. — R. Peddie, Books on the practical side of Printing, Bibl. Soc. Trans. 9 ( 1906-18), p. 1. — Morison and Jackson, Brief Survey of printing, N. Y. Knopf, 1923.

  12. Pierre Gusman. — Avant d’être imprimeur, Gutenberg fit-il des miroirs ? Toute l’Édition. 10 juin 1933. — D’après les recherches de l’Abbé Requin.
  13. Employé dans l’Amérique du Nord pour les annonces, l’agate fut introduit en France par les machines à composer.
  14. En Angleterre, les multiples se comptent soit sur la nonpareille, soit sur le cicéro ; on dit par exemple, pour le corps 24 four line nonpareil ou two line pica.
    xxxLes caractères allemands sont fondus sur le point Didot. Les caractères anglais sont fondus sur un point spécial imaginé par les Américains. Ce point est basé sur l’inch ou pouce anglais, lequel correspond à 72 points. À titre de comparaison : il y a 2,660 points Didot et 2,835 points anglais dans un mètre.
  15. Revue suisse de l’Imprimerie, 1933, juin, p. 15
  16. Cf. Delalain. Étude sur la librairie parisienne du XIIIe au XVIe siècle.
  17. Travail, de M. Caullery, sur les « Presses Universitaires » et diverses entreprises coopératives d’impression et d’édition existantes hors France (présenté à la Confédération des Sociétés Scientifiques françaises).
  18. Les listes des éditeurs sont données dans le Cleggs’ international directory of Booksellers, publishers, etc. (édition 1931) ; Lexicon der deutschen Verlage, Leipzig 1930 ; les listes des éditeurs jointes aux bibliographies nationales.
  19. What editors and publishers Want Liverpool Literary Year Book press, 1925.
  20. Prospectus la « Société des Éditions de la Sirène » Calman Lévy se vit adjuger pour 500 francs, à la mort de Baudelaire, la propriété des œuvres du poète vendues par ses créanciers. Durant les cinquante années qu’en a duré la propriété littéraire, le seul recueil des « Fleurs du mal », souvent réédité, a rapporté une centaine de mille francs.
  21. Hans Köster. — L’organisation de la Librairie allemande. Toute l’édition n° 345, 346 et suivants.
  22. Voir Börsenblatt, 3 et 18 mai 1933.
  23. Rapport Cheney sur les conditions économiques du livre aux États-Unis.
  24. Svlvain Bonmariage, Mercure Universel, juin 1932, p. 27.
  25. Charles Nisard. — Histoire des livres populaires ou de la littérature du colportage. Paris, Amyot, 1854. 2 v.
  26. Un jugement récent au sujet des Messageries Hachette contient de très suggestifs attendus.
  27. Ex. La librairie Walter Schatzki. Francfort.
  28. The Library, 1904. p. 146.
  29. M. Rafael Alberto Arrieto. El Libro y la Calle, paru dans « Boletin de El libro y el pueblo », Mexico, sept. 1929.
  30. Clegg, James. The International Directory of Booksellers.
  31. The Pageant of transport through the ages, by W. H. Boulton. London, Sampson.
  32. L’Union Postale, août 1933.
  33. Imprimés de toute nature y compris les journaux et tracts politiques non pourvus de l’adresse des destinataires ni des figurines d’affranchissement, à remettre dans toutes les maisons du canton postal à raison d’un exemplaire par maison.
  34. Belga. Les vignettes postales en taille-douce et en héliogravure. La chronique graphique, 1932, p. 167.
  35. Le timbre néerlandais de la Paix. Bulletin interparlementaire, juin 1933, p, 114.
  36. L’Union Postale, février 1932. Automécanisation postale de l’Hôtel des Postes de Buenos-Aires, par M. Ramon R. Tula, Directeur des Postes.
  37. J. Emler. — Prêt international entre bibliothèques. Fédération inter. des Associations de Bibliothèques. Publ. vol 4. La Haye 1932, p. 150. — Gustav Abb. Wege zum internationale Leihverkehr. Zentralblatt für Bibliothekswesen. 1933. p. 161.
  38. Institut International de Coopération Intellectuelle. Guide des services nationaux de renseignements, de prêt et des échanges internationaux.
  39. Haebler. K. — Typenrepertorium der Wiegendrucke. Sammlung Bibliothekswissenschaftliche Arbeiten.
  40. « On connaît en Allemagne l’existence de chaque fusil ». Hitler, 19 octobre 1933.
  41. Souvent les ressources manquent aux organismes. Ainsi le grand Index Medicus fut interrompu quelques mois en 1895, puis continué jusqu’en 1899, date à laquelle il avait paru sombrer définitivement. Alors est fondée la Bibliographia Medica par Marcel Baudoin (dir. Richet-Potin). Elle parait seulement de 1900 à 1908. En 1921, l’Index Medicus reprend, publié par l’Institut Carnegie. Puis sa suite est annoncée sous la direction de l’American Medical Association.
  42. Wheatley. — Bibl. Soc. Transactions, I (1892-93).
  43. Il n’y a pas de liste spéciale des travaux des congrès, conférences et réunions internationales de Bibliothèques et de Bibliographies. Des données à ce sujet sont à trouver dans le Zentralblatt.
  44. Voir une esquisse de l’Histoire de la Bibliographie dans Otlet et La Fontaine : la création du Répertoire bibliographique Universel. Bulletin de l’Institut International de Bibliographie, 1895.

    Voir aussi : Erman, Wilhelm. Weltbibliographie und Einheitskatalog, Bonn et Leipzig, 1919.

  45. Myers, Denys, P., International Documentation, its classification and purpose. In Libraries, 1927, p. 107-13.
  46. Répertoire des catalogues d’imprimés des principales bibliothèques du monde, dans Stein Manuel de Bibliographie générale (F. Milkau Centralkatnlogue und Titeldrucke (1898).
  47. H. Fuchs. — Das Gesamkatalog der Preussischen Bibliotheken und sein Ausbau zu einen Deutscher Gesamtkatalog. In Von Bucherei und Bibliotheken. Ernst Kuhnert dargebracht, Berlin 1928.
  48. Ch. W. Berghoeffer. a) Der Frankfurter Sammelkatalog, Zentralblatt für Bibliothekswesen, 1925. b) Vorschrift für den Sammelkatalog, 1927.
  49. Guide for collaboration in the preparation of abstracts for Biological abstracts, 1928, 12 p. avec modèles.
  50. Sources : V. J. Jastrow a étudié théoriquement les règles des Jahresberichte Handbuch zu Litteratur berichten, Im Anschluss an die Jahresberichte der Jahreshcrichte der Geschichtwissenschaft, Berlin, 1891, in-8 — A. S. L. I. B a réuni une collection d’instructions remises à leurs analystes par certaines publications. Elle en a discuté la méthode dans ses réunions Aslib Information, June 1933). — Rosenhain, Dr. 1928. Scientific Abstracting (A. S. L. I. B. Bulletin). — Ahren, Wilhelm. Ein Vorschlag für das Buchbesprechungewesen. Börsenblatt f, den D. Buch. 89. 1922. S. 877-881 — Savage and Baker. Manual of Descriptive Bibliography for Library Catalogue, London, Library Supply Cy. — Picard Edmond. Comment doivent être rédigés scientifiquement la notice et l’argument d’une décision judiciaire. Pandectes Belges, introduction, 1886.
  51. Chateaubriand. Études ou discours historiques sur la chute de l’Empire romain. Préface, p. 10.
  52. E. Morel. « Mécanique et Bibliographie ». La Librairie, 15 déc. 1933.
  53. Trebst, Hans, Studien zu einer analytischen Sachkatalogisierung, Z. f. B. (1931) S. 36 ff. und S. 119 ff.
  54. Mann, Margaret. Introduction of Cataloguing and the Classification of Book. (Principles, objectives, detail of actual practices. Discusses classifications systems Kind of Cataloge).

    Wisconsin University Library School. Cataloguing rules on cards comp., by Helen Turnell. New ed Madison 1919.

    John Crerar Library, Chicago. Cataloguing rules. Supplementary to the Cataloguing rules, compiled by the Committee of the American Library Association and to the Supplementary Cataloguing rules, issued on cards, of the Library of Congress. Chicago, the Board of Director, 1916.

    Schamourine. E. J. Le catalogue alphabétique. Palais central du Livre. Moscou 1932 (en russe, évolution de la théorie catalogisme, Bibliographie abrégée classée).

    J. Van Hove, F. Remi. J. F Vanderheyden. Règles catalographiques à l’usage des Bibliothèques de Belgique. Catalogue alphabétique d’auteurs et d’anonymes. Bruxelles 1933. 256 p.

    Biographie de Belgique, t. I. Introduction : Sur les principes qui ont servi de base au classement alphabétique des notices dans la Biographie.

    Lévy, Édouard. Le manuel des prénoms. Un vol. in-8o de VII + 312 pages. Préface de Pierre Mille. Prix : 12 fr. Paris. Imprimerie administrative centrale. 1922.

    Van Vijk, N. De transkriptie van russische eigen namen. ’s Gravenhage, secretariaat der C. V. V. O. L. B. 1925.

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    Library of Congress. Notes on the Cataloguing. Calendaring and Arranging of Manuscripts. Washington, 1931.

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    Hanson, I. C. M. Rules for corporate entry. New York. 1905.

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    Bibliothèque Royale de Belgique. Bureau de documentation des études byzantines et slaves. Tableau de transcription des alphabets cyriliques. Bruxelles, 1932.

    Library of Congress. Preservation of maps. How they are classified, preserved and cataloged. The method employed in the L. C. « New York Tribune », 1899, 28 nov.

    Schmidt-Phiseldeck, Kay. Musikalien. Kntalogisierung Ein Betrag zur Lösung ihrer probleme. Leipzig. Breitkopf & Haertel 1926.

    Wallace Ruth. The care and treatment of music in Library. Chicago, American Library Association. 1927. A. L. A. Committee on Cataloguing Contribution n° 1).

    Mac Nair, Mary Wilson. Guide to the cataloguing of periodicals (3e ed.) Washington Government Printing Office. 1925 (Library of Congress).

  55. R. P Brockaert : Le guide du jeune littérateur. 1882. p. 218.
  56. Lichtenberger. — Philosophie de Nietsche.
  57. N. Roubakine : Organisation biblio-psychologique de la bibliothèque d’instruction générale (1933).
  58. Lanson : La méthode de l’Histoire Littéraire (Revue du Mois, 1910, t. II, p. 403). — Paul Van Tieghem : La question des méthodes en histoire littéraire. (Premier Congrès International d’Histoire littéraire, Budapest, 21-23 mai 1931). (Bulletin des Sciences historiques, 1931). — Etienne, S. : Défense de la Philologie, Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège, fasc. LIV, 1933.
  59. J. B. Besançon et W. Struik. Précis historique et anthologie de la littérature française. Le Critique, II. p. 325.
  60. Byvanck. Un Hollandais à Paris en 1891. p. 1944. Paris. Perrin, 1892.

    « La Mission de Claudel », par Victor Bindel. — La Revue catholique des Idées et des Faits.

  61. Voir ce qui est dit au n° 255 de Bibliographies critiques et de leur utilisation.
  62. Code des vœux et résolutions des Associations Internationales. Publication de l’Union des Associations Internationales, Bruxelles.
  63. Institut International de Coopération Intellectuelle 1932. — La revision des manuels scolaires contenant des passages nuisibles à la compréhension mutuelle des peuples. 234 p.
  64. Pasquino, par Renato et Fernando Silenzi, Milan. Valentino Bompiami (Recueil de satires populaires depuis l’an 1500).
  65. Demartial : La mobilisation des consciences.
  66. Berger, Marcel et Allard, Paul. — Les secrets de la censure pendant la guerre. (Edit, les Portiques, 144.)
  67. Giuseppe Ricciotti, — Bibbia e non Bibbia Brescia, Morcelliano, 1932.
  68. Mazel, Henri, 1906. — Ce qu’il faut lire dans sa Vie. (Cycle complet de lectures systématiques embrassant toutes les périodes de l’existence et conduisant l’homme jusqu’à son âge mûr, l’esprit enrichi de tout ce qu’il aurait retenu de son voyage à travers la littérature universelle.)
  69. Voir l’analyse de ces guides dans le Bulletin de l’Institut International de Bibliographie, 1911 ; voir aussi Boïarsky. (Enseignement autodidacte dans la collection Le Musée du Livre, Bruxelles).
  70. Voir Delacroix. Le Langage.
  71. Danjon : Revue d’optique, mai 1928 (analyse dans Revue scientifique, 1929, p. 245).
  72. British Medical Research Council, Report on the legibility of type by R. L. Pyke, 1926, et le chapitre de Koopman, Booklover and His Books, Boston, 1927.
  73. Ch. Richet. — Stabilité des caractères acquis. Académie des Sciences de Paris. 7 août 1933.
  74. Mirguet, Victor : La lecture expressive. — Riquier, Léon : Leçons de lecture expressive. — Legouvé, Ernest : L’art de la lecture. — Yoland, Victor : Le bon langage. — Mlle Tordeus : Manuel de prononciation. — Sigogne : l’art de parler.
  75. G. Tarde. L’opinion et la foule. Paris, Alcan, 1901.
  76. C. D. I. P. Frédériq. — Corpus documentorum. Inquisitionis pravitatis Neerlandicœ. Gand, 1902-1906, v. p. 394.
  77. Bulletin des Archives d’Anvers, II, p. 309.
  78. Lopez Pelaez, Les ravages du livre. Ch. XV. La Poésie, p. 233.
  79. Lopez Pelaez : Les ravages du livre. L’auteur étudie spécialement les romans.
  80. Marc : La Folie. — Bourget : Le Disciple. — José Ingenieros : La Psychologie des simulateurs (La Lecture, 1905). — Dr Moreau : Œuvres. — Ferri : L’Homicide devant l’anthropologie criminelle. — Cervantes : Don Quichotte, — Spencer : La morale des divers peuples. 234 p.
  81. Richard de Bury : Philobiblon. — Jackson, H : The anatomy of bibliomanie, N. Y. 1932, 869 p. — Philobiblon, Zeitschrift für Bücherliebhaberei, Leipzig. Harrasowitz. — Het Book. — Zeitschrift für Bücherfreude. — Library, Bibliofilia. — Nordisk Tidschrift för Bok och Bibliothekvasen.
  82. Clément-Janin & Kieffer, René. — Essai sur la bibliophilie contemporaine (de 1900 à 1928). Illustrations et planches nombreuses qui donnent l’impression en raccourci d’une merveilleuse bibliothèque de livres d’art.
  83. John T. Winterich : A primer of Book collecting (London 1928). — Bernard Grasset ; La chose littéraire, Paris, Gallimard 1929. — Émile Henriot : Sur la Bibliophilie, « Gazetet de Lausanne », 9 mai 1930.
  84. Dryon, F. — Essai bibliographique sur la destruction volontaire des livres ou bibliolyties. Paris, 1889, in-4o, extr. du Livre.
  85. André Delenge. — L’Esprit. 1932, p. 155.
  86. Berthelot. — Collection des anciens alchimistes. Introduction, p. 4.
  87. Sur le désordre qui fut introduit en 1924 dans la Bibliothèque Mondiale à la suite d’un désastreux déménagement d’office, voir la Publication de l’Union des Associations Internationales : L’Affaire du Palais Mondial.
  88. Il y eut l’affaire de la « balustrade de Louvain » qui devait être placée sur la façade de la Nouvelle Bibliothèque. Elle portait ces mots : Furore teutonico diruto, dono americano restituta. En juin 1928, Mgr Ladeuze, recteur de l’Université, s’opposait à son placement et déclarait qu’il allait lui en substituer une autre ne portant aucune inscription. Un groupe d’étudiants s’étant opposé à leur tour à son placement, Mgr Ladeuze la faisait alors installer sous la protection de la police. Un matin de juillet, un ouvrier, Félix Morren, la brisait et était condamné de ce fait à 1 mois de prison. Un procès s’en était suivi engagé contre l’Université par l’architecte Warren, qui exigeait qu’on mit la balustrade avec l’inscription. Il insistait d’autant plus vivement que cette inscription avait été approuvé, disait-il, par le Cardinal Mercier. Après avoir gagné en instance, Warren perdait en appel, puis en cassation. Gain de cause restait alors à l’université. C’est dans ces conditions qu’une nouvelle balustrade dépourvue de toute inscription fut replacée en mai 1933. Huit jours après, le même ouvrier Morren l’abattit une seconde fois à coups de marteau alléguant qu’il considérait la balustrade sans inscription comme étant celle d’Hitler.
  89. La guerre atteint de plusieurs manières la production intellectuelle. Quand elle éclate, elle détruit brutalement des valeurs existantes et anéantit des productions. À l’état de préparation, la paix armée soustrait des hommes jeunes à la production et pendant leur service militaire les empêche de produire. On peut s’imaginer ce que sera une nouvelle guerre. Un avion ordinaire pourrait porter aisément 1000 projectiles dits « Electrons » de la forme d’un œuf et pesant un kilo. Il allumerait mille foyers d’incendie qu’aucun des moyens actuellement connus ne peut éteindre. En utilisant le gaz, le Phosgène ou Lewisite, ce serait la destruction et la mort sur d’immenses étendues. — En Angleterre, comme le papier de journaux manquait, on envoya au pilon de grandes collections de documents officiels qui n’avaient pas été distribuées. Les paysans russes avaient peu de Bibles et ils étaient en général illettrés. Mais les Bibles qui étaient dans les campagnes, ils s’en sont servis pendant la guerre civile pour faire des cigarettes !
  90. Farcrer, James Anton. — Books Condemned to be burned. London. Stock, 1892.
  91. Récit du Telegraaf d’Amsterdam, 11 mai 1933 (Avondblad. 4° bladz., p. 13.) — Voir notre protestation dans La Librairie, Paris.
  92. Sur l’organisation pratique d’une section catalographique dans une Bibliothèque, voir J Van Hove : Bulletin de la Presse Périodique belge, 1933, n° 1.
  93. Sur l’histoire des bibliothèques, consulter :

    Lipsius, Justin : Histoire abrégée des Bibliothèques. Anvers. 2e éd. 1607. — Savage, Ernest Albert : Old English Libraries. Hessels, Alfred : Geschichte der Bibliotheken. Göttingen, Hochschulverlag, 1925. — Van Hœsen et Walter : Bibliography, p. 406. — Les articles généraux sur les bibliothèques dans les encyclopédies comme l’Americana, la Britannica, Meyer, Larousse, etc. — Consulter aussi les traités généraux de Grœsel, Greenwood, Edwards, Spofford.

  94. Voir à ce sujet le rapport de Sir Frédéric C Kenyon, directeur du British Museum et Président du Board of Education Departmental Committee Public Library dans Library Journal, 1 January 1928. p. 11.
  95. Sevensma T. P. — La Bibliothèque de la Société des Nations. Paris, Champion, 8e, 1930.
  96. Waas — Volkstumliche und Wissenschaftliche Bibliotheken. Zentralsblatt für Bibliothekswesen, 1926, p. 476-79.
  97. Consulter les ouvrages de Muhlbecht, Otto : Buchlielhberei. 1898. — Slater : How to Collect Book, 1905. — Winterich : Primer of Book Collecting, 1927. — Allans : Book-Hunter at home, 1922. — Willis’s : Bibliophily, Boston 1921.
  98. Milkau, F. : Handbuch der Bibliothekswissenschaft, 2 vol. 1932-33. — Morel, Eugène : Bibliothèque. Essai sur le développement des bibliothèques publiques et de la librairie dans les deux mondes, Paris 1908. — Briscoe, W. A. : Library planning. A compilation designed to assist in the planning, equipment and development of new libraries, and the reconstruction of old ones, London 1927. 141 p. — Coyecque, Ernest : Code administratif des bibliothèques d’études, Paris 1929, 2 vol. (organisation, cadres et traitements). — Paul Otlet : Manuel de la Bibliothèque publique, publication n° 133 de l’Institut International de Bibliographie, 1925, 166 p. — Trozet, Léo : Manuel pratique du Bibliothécaire. Préface de MM, Pol Neveux et Charles Schmidt. Paris. E. Nourry, 1933.
  99. Les collections d’ex-libris présentent non seulement un intérêt pour l’art, mais aussi pour l’histoire des bibliothèques. Les répertoires d’ex-libris auxquels elles donnent lieu constituent de véritables listes historiques des bibliothèques privées. Le nombre de ces répertoires, pour telle ou telle région, devient de plus en plus grand. On les termine aujourd’hui par des tables alphabétiques générales, des armoiries, des devises et des noms propres, renvoyant aux notices descriptives des armoiries elles-mêmes et permettant ainsi de les identifier facilement. L’équivalent de l’ex-libris appliqué sur les documents de toute espèce devrait être dit Ex-Documentis et faire l’objet d’une certaine standardisation. C’est à l’Allemagne que reviendrait l’honneur d’avoir inventé, vers le milieu du XVe siècle, l’ex-libris ; on en trouve la première mention en l’an 1480, Un siècle plus tard, on trouve des ex-libris en France et en Angleterre.
  100. Aux États-Unis, les Tables de Cutter et de Biscoe. Les Russes en ont fait une adaptation à la forme et à la fréquence de leurs noms propres. Voir Griorjev, J. V. : Distribution et conservation des livres dans les bibliothèques, Moscou 1931, p. 23.
  101. Les in-folio, à raison de leurs dimensions sont avantageusement conservés à plat. Lorsqu’ils sont dressés, les ouvrages voisins les pressent et les abîment. On a créé un type de meuble spécial pour conserver et lire les in-folios dans les petites bibliothèques (armoires des atlas)
  102. La nouvelle Bibliothèque de l’École des Hautes Études commerciales de Varsovie, qui abrite provisoirement la Bibliothèque Nationale Polonaise (architecte Jan Witkiewicz Koszczyc) réalise une nouvelle disposition de locaux : les salles de lecture sont placées immédiatement au-dessus du magasin à livres et reliées à lui par des monte-charges électriques. Ainsi le livre se trouve à une distance minime du lecteur, son trajet étant vertical et d’un étage seulement. Dans l’édifice, 1,000 étudiants peuvent travailler aisément et simultanément. L’édifice a été construit en 17 mois et demi.
  103. Il y a les archives des organisations secrètes de l’« Intelligence service » dans les archives du Foreign Office, des ministères, du château de Windsor. (Les pièces passées à l’état historique mais qui intéressent les intrigues des cours), du British Museum (sans indication de provenance) de Scotland Yard (les portraits des espions) de l’Amirauté et du War Office (plans, graphiques, épures du contre-espionnage). Les archives de l’Intelligence service restent à l’abri d’un attentat convoité, d’un incendie criminel. Il y a des gens très haut placés de par le monde qui, de tous temps, eussent bien aimé considérer comme détruits certains dossiers ». (Les hommes aux mille visages). « Indépendance Belge, 21 oct. 1933 ».
  104. Manuel pour le classement et la description des archives. par S Muller. J. A. Feith et Fruin. Traduction française du hollandais, adaptation aux archives belges, par Jos. Cuvelier, adaptation aux archives françaises par H. Stein. La Haye, A. de Jager, 1910.
  105. J. Cuvelier. De la nécessité des versements périodiques des documents administratifs dans les dépôts d’archives. Rapport au Congrès International des Sciences administratives 1910. (4-1-12).
  106. Rapport de Maurice Félin, dans l’Administration locale. 1930. p. 938.
  107. Mi-janvier 1930, le Gouvernement espagnol faisait paraître une note officieuse contenant ce passage : « Persuadé de l’injustice de la campagne de diffamation qui est menée à l’étranger contre la situation économique de l’Espagne, le Gouvernement a décidé d’inviter quatre ou six experts étrangers en sciences économiques et financières à visiter l’Espagne et à étudier la situation afin d’émettre un avis autorisé. »
  108. Pour les développements, voir les travaux de l’Institut International de Bibliographie et de Documentation et les collections types et comparées formées au Palais Mondial. En particulier, voir : 1° La Classification universelle décimale. 2° L’Atlas administratif. 3° La collection comparée des formules, par établissement et dans leur unité organique, par types de formules comparées. 4° Les traités Paul Otlet : a) Manuel de la Documentation Administrative (publication η° 137) ; b) Sur les possibilités pour les entités administratives d’avoir à tout moment leur situation présentée documentairement (publication n° 162).
  109. Voir Paul Otlet Statistique et Comptabilité de l’I. I. B. n° 137 et 162 mentionnées ci-dessus. Rapport sur l’avenir de la comptabilité dans Congrès International de Comptabilité, 1923, Études sur le Bilan Mondial : « France Comptable », 1932 et 1933.
  110. Bulletin of the International Association of Medical Museums, déc. 1922.
  111. Murray, D. Museum their History and their use. 3 vol. Glasgow, 1904. — Flower, W. H. Le rôle et l’organisation des musées d’Histoire naturelle Revue scientifique, vol. XLIV, p. 385 — A report on the public museum of the British Isle (Other than the National Museum) by Sir Henry Miers to the Carnegie United Kingdom Trustee 1928. — Lowe. Dr. A report on American Museum Work, by Dr. Lowe. Dunfermline Carnegie United Kingdom trustees. — Coleman (Laurence Vail) Manual for Small Museum, New-York. — Mouseion. Revue Internationale de Muséographie. Publiée par l’Office International des Musées. Paris. — The Museum. Illustrated Journal devoted to museum activities and interests.
  112. Pour les Herbiers, par exemple, on possède : 1° la liste des herbiers d’administrations publiques, des sociétés et de particuliers ; 2° l’énumération alphabétique d’auteurs et collectionneurs, avec indication des herbiers qu’on peut consulter sur les échantillons authentiques, avec références aux sources permettant d’affirmer les faits. Indication sur le lieu actuel des collections.
  113. Voir Bruxelles. Janvier 1934, p. 4.