Traité de dynamique/1758/Partie 2/Chapitre 1

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SECONDE PARTIE.

Principe général pour trouver le Mouvement de plusieurs Corps qui agissent les uns sur les autres d’une maniere quelconque ; avec plusieurs applications de ce Principe [1].



CHAPITRE PREMIER.


Exposition du Principe.

Les Corps n’agissent les uns sur les autres que de trois manieres différentes qui nous soient connues : ou par impulsion immédiate, comme dans le choc ordinaire ; ou par le moyen de quelque corps interposé entr’eux, & auquel ils sont attachés ; ou enfin par une vertu d’attraction réciproque, comme font dans le systê me Newtonien le Soleil & les Planetes. Les effets de cette derniere espece d’action ayant été suffisamment examinés, je me bornerai à traiter ici du mouvement des corps qui se choquent d’une maniere quelconque, ou de ceux qui se tirent par des fils ou des verges inflexibles. Je m’arrêterai d’autant plus volontiers sur ce sujet, que les plus grands Géometres n’ont résolu jusqu’à présent (en 1742) qu’un très-petit nombre de Problêmes de ce genre, & que j’espere, par la Méthode générale que je vais donner, mettre tous ceux qui sont au fait du calcul & des principes de la Mécanique, en état de résoudre les plus difficiles Problêmes de cette espece.

Définition.

J’appellerai dans la suite Mouvement d’un corps, la vitesse de ce même corps considérée en ayant égard à sa direction ; & par quantité de Mouvement, j’entendrai à l’ordinaire le produit de la masse par la vitesse.

PROBLÊME GÉNÉRAL.

60. Soit donné un systême de corps disposés les uns par rapport aux autres d’une maniere quelconque ; & supposons qu’on imprime à chacun de ces Corps un Mouvement particulier, qu’il ne puisse suivre à cause de l’action des autres Corps ; trouver le Mouvement que chaque Corps doit prendre.

Solution.

Soient , , , &c. les corps qui composent le systê me, & supposons qu’on leur ait imprimé les mouvemens , , , &c. qu’ils soient forcés, à cause de leur action mutuelle, de changer dans les mouvemens , , , &c. Il est clair qu’on peut regarder le mouvement imprimé au corps comme composé du mouvement , qu’il a pris, & d’un autre mouvement ; qu’on peut de même regarder les mouvemens , , &c. comme composés des mouvemens , ; , ; &c. d’où il s’ensuit que le mouvement des corps , , , &c. entr’eux auroit été le même, si au lieu de leur donner les impulsions , , , on leur eût donné à la fois les doubles impulsions , ; , ; , , &c. Or par la supposition, les corps , , , &c. ont pris d’eux-mêmes les mouvemens , , ; &c. Donc les mouvemens , , , &c. doivent être tels qu’ils ne dérangent rien dans les mouvemens , , ; &c. c’est-à-dire que si les corps n’avaient reçû que les mouvemens , , , &c. ces mouvemens auroient dû se détruire mutuellement, & le systême demeurer en repos.

De là résulte le principe suivant, pour trouver le mouvement de plusieurs corps qui agissent les uns sur les autres. Décomposés les mouvemens , , , &c. imprimés à chaque corps, chacun en deux autres , ; , ; , , &c. qui soient tels, que si l’on n’eût imprimé aus corps que les mouvemens , , , &c. ils eussent pû conserver ces mouvemens sans se nuire réciproquement ; & que si on ne leur eût imprimé que les mouvemens , , , &c. le systême fût demeuré en repos ; il est clair que , , seront les mouvemens que ces corps prendront en vertu de leur action. Ce qu’il falloit trouver.

Corollaire.

61. Lorsqu’un des mouvemens imprimés est , il est visible que les mouvemens dans lesquels on le décompose sont des mouvemens égaux & contraires. Par exemple si est , on aura le mouvement & de direction contraire au mouvement :en effet est dans tous les cas la diagonale d’un parallélogramme dont & sont les côtés ; or quand la diagonale est , les côtés sont égaux & directement opposés. Donc &c.




  1. Ce principe & la plûpart des Problêmes suivans, étoient contenus dans un Mémoire que j’ai lû à l’Académie sur la fin de 1742, quoique la premiere Edition de ce Traité n’ait parû qu’en 1743. Le même jour où je commençai la lecture de mon Mémoire, M. Clairaut en présenta un, qui avoit pour titre, Sur quelques Principes qui facilitent la solution d’un grand nombre de Problêmes de Dynamique ; ce Mémoire imprimé dans le Volume de 1742, a été lû après le mien, avec lequel il n’a d’ailleurs rien de commun.