Traité de la peinture (Cennini)/XL
Il y a une couleur rouge que l’on nomme cinabre ; il se fait chimiquement, se travaille à l’alambic. Le détail de ce travail serait trop long à donner, si tu veux en prendre la peine, tu en trouveras bien des recettes particulièrement chez les frères ; mais je te conseille, pour ne pas — perdre le temps dans les incertitudes de la pratique, d’en prendre purement chez les apothicaires, où tu en trouveras pour ton argent. Je veux t’enseigner à acheter, à reconnaître le bon cinabre. Achète toujours le cinabre en morceaux, et non écrasé ou broyé, parce que souvent on le falsifie en le mélangeant avec le minium ou de la poussière de brique. Regarde le morceau de cinabre dans son entier, là où il a le plus de hauteur et la veine plus étendue et délicate, là est le meilleur. Celui-là mets-le, sur la pierre et broie-le avec de l’eau claire autant que tu le pourras. Que si tu le broyais tous les jours pendant vingt ans, il serait toujours meilleur et plus parfait.
Cette couleur s’accommode de plusieurs colles, selon les lieux où on doit la placer. Je t’en entretiendrai plus tard et te dirai où surtout il faut l’employer. Mais souviens-toi que sa nature n’est pas de voir l’air, et qu’il se conserve mieux sur panneau que sur mur, parce qu’après un certain temps le contact de l’air, quand il est employé sur mur, le rend noir.