Traité de la peinture (Cennini)/XLIV

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xliv.00De la nature d’un rouge que l’on nomme laque.

Il y a une couleur rouge que l’on nomme laque, et qui est un produit de l’art. Il y a pour la faire plusieurs recettes ; mais je te conseille de te procurer pour ton argent de ces couleurs faites en observance des habitudes. Cependant, sache connaître la bonne, car il y en a de plusieurs espèces. On fait de la laque avec la bourre de soie ou de drap ; elle est belle à l’œil. Garde-t’en ; elle conserve toujours une nature graisseuse à cause de l’alun, et ne dure pas, soit qu’on l’encolle ou non, et perd de suite sa couleur. Garde-toi bien de celle-là, mais prends la laque qui se tire de la gomme. Elle est sèche, maigre, graineleuse ; elle ressemble presque à une terre et est de couleur sanguine  [1]. Celle-ci ne peut être que bonne et parfaite. Prends-en, écrase-la sur la pierre et broie-la avec de l’eau claire ; elle est bonne sur panneau, on l’emploie sur mur à tempera, mais elle est ennemie de l’air. Il y en a qui la broient avec l’urine, mais elle devient de suite désagréable par sa puanteur.

  1. C’est la gomme laque qui généralement n’est plus aujourd’hui employée par les peintres. On s’en servait dans les anciennes écoles, et principalement à Venise, parce qu’un grand commerce de couleurs se faisant dans cette ville, peut-être y étaient-elles plus parfaites, et cette couleur aujourd’hui très-commune aura sans doute été excellente. Le mot laque vient de l’arabe lach, et également des Grecs, λαχχα. (Cav. Tambroni.)