Traité des sièges et de l’attaque des places/06

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FAÇONS DES LIGNES.

On emploie ordinairement huit, neuf ou dixTemps que l’on emploie aux prépara­tifs du siége devant la place. jours à la façon des lignes pour les bien faire : aux apprêts du parc ; à l’arrivée des paysans et des munitions, et à se préparer pour l’ouverture de la tranchée. Pendant ce temps les ingénieurs sont distribués le long des lignes, qu’ils se partagent entre eux, pour avoir soin que les mesures y soient observées, et qu’elles se fassent bien. La diligence avec laquelle elles se font, ne permet pas qu’on y puisse apporter grande façon. Il faut cependant faire exactement observer les talus des fossés et les profondeurs demandées par les profils ; autrement, soit que ce travail se fasse par des paysans ou par des soldats, ils en feront les talus gras ou renflés, et ne donneront jamais la profondeur nécessaire au fossé, ni la largeur requise à son fond. Le principal soin de ces ouvrages est l’affaire des officiers généraux, chacun à son quartier ; et celui des ingénieurs, quant aux mesures et façons qu’il faut leur donner. Il faut aussi donner quelque forme au devant et au derrière des parapets de la ligne, ce qui se peut faire, quant au devant, en piétonnant et foulant bien les terres par lits de demi-pied d’épais sur deux ou trois de large, les tapant aussi en talus avec la pelle et le plat de la pioche. La finesse de l’œil est ce qui doit régler le talus extérieur des terres, qui ne devant servir que peu de temps, on n’y fait pas grande façon. Il faut cependant recouper les terres du talus intérieur, les fouler et piétonner, même fasciner si l’on peut de fougère, de balais, d’épines, deMatériaux pour revêtir le talus inté­rieur des li­gnes. paille, d’éteules, de grandes herbes, de menus branchages, et enfin de tout ce qu’on peut, même de gazons grossièrement coupés sur le lieu, afin de soutenir les terres de derrière sur un moindre talus que celui du devant, et que les soldats puissent au besoin joindre le parapet et faire feu par dessus. Il y faut aussi faire une banquette, et, pour conclusion, il faut rendre l’élévation des lignes, à très-peu de chose près, conforme à celles des profils qu’on aura choisis ; les ingénieurs subalternes doivent assidûment prendre ce soin, pendant que celui qui les dirige en chef s’occupe avec les principaux à reconnaître le fort et le faible de la place, pour, après en avoir rendu compte au général, former le dessein des attaques.

Épaulemens que l’on fai­sait autrefois.On faisait autrefois des épaulemens dans l’intervalle des lignes et de la tête des camps, à quelques vingt toises de ces dernières, et de trente-cinq à quarante de long, notamment dans les parties exposées à quelque commandement des dehors ; rarement sur les autres. Ils étaient disposés par alignemens et parallèles à la tête des camps, et de neuf pieds de haut sur dix à douze d’épais, mesurés au sommet ; je me souviens d’en avoir vu dans les lignes d’Arras1654. : la cavalerie des assiégeans se met derrière à couvert quand on attaque les lignes, et ne les quitte que quand il faut charger ; cela la met à l’abri du canon. Je n’en ai point vu depuis ce temps-là, qui était fort voisin de celui où l’on fortifiait les lignes par des forts et redoutes palissadées de distance en distance ; on retranchait même la plupart des quartiers tout autour, ce qui ne se fait plus présentement ; la promptitude avec laquelle on expédie les siéges ne le permettant pas.