Traitté du jeu royal des échets (Benjamin Asperling de Rarogne)/Livre Premier

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Préface Livre Second
LIURE PREMIER
DV IEV DES ECHETS.
Les Reigles
1.me


LOn jouë ordinairement aux échets ſur un Eſchiquier ou Damier composé de 64 cazes moitié blanches, moitié noires : ſur lequel Echiquier l’on agence d’un côté ſeize pieces blanches, & de l’autre ſeize pieces noires. Mais avant toutes choſes, les joueurs doivent diſposer l’Echiquier en ſorte qu’ils ayent l’un & l’autre à leur main droitte une caze blanche au coin de l’Eſchiquier.

2.me.

Je ſçay par experience qu’il eſ‍t poſ‍ſ‍ible de jouer aux Echets par cœur ſans voir d’Eſchiquier ni d’Echets. Mais pour cela il eſ‍t néceſ‍ſaire de connoitre par leur nom les 64 cazes, & les 32 pieces du jeu. Pour commencer par les pieces, chaque joueur en a de ſon côté huit principales, & huit qui le ſont moins. Les principales ou pieces nobles par excellence, ſont le Roy, la Reine, le fou du Roy, le fou de la Reine, le chevalier du Roy, le chevalier de la Reine, la Tour du Roy, & la Tour de la Reine : lesquelles pieces ont toutes des marches dif‍ferentes. Les huit autres de moindre valeur s’appellent pions, qui ont tous une même marche : mais pour les diſ‍tinguer ils prenent le nom des pieces Nobles qu’ils couvrent. Ainſ‍i le pion qui ſe met dans la caze devant le Roy, s’appelle pion du Roy : comme celuy qui ſe place devant la Tour de la Reine, s’appelle pion de la Tour de la Reine. Les 64 cazes prenent auſſi leur nom des pieces nobles. Et chacune des dittespieces, tant noires que blanches donne le nom à 4 cazes. Ainſi l’on appelle toujours caze du Roy celle ou il prend ſon premier poſte. 2. du Roy celle ou eſt ſon pion. 3. du Roy, celle qui eſt un degré plus avant. & 4. du Roy celle qui eſt encore un degré plus avant. Et au contraire en parlant du jeu & champ de bataille de l’Ennemy, on dit la caze du Roy contraire à la 2. 3. 4. du Roy contraire, & ainſi des autres.

3.me

L’Echiquier étant diſpoſé de la maniere que j’ay dit, l’on doit placer de côté & d’autre les huict piéces nobles aux deux extrémités oppoſées de l’Echiquier, toutes ſur une meſme ligne, chaque piece devant occuper une caze fixe & determinée. Ainſi le Roy blanc doit toûjours occuper à l’Entrée du jeu une caze noire ; & la Reine doit être à sa gauche occupant une caze blanche. Au contraire le Roy noir doit occuper une caze blanche oppoſé au Roy blanc : Et la Reine doit être en caze noire, oppoſée à la Reine blanche. Les deux fous ſe placent l’un au côté du Roy, l’autre au côté de la Reine. Les deux Tours, ou Rocs ſe placent aux extremites, & ſur les ailes de l’Echiquier. Les chevaliers ſe placent entre les Fous & les Tours. Finalement les huict pions ſe placent dans les huict cazes de la ligne qui eſt immediatement au deuant des pieces nobles.

4.me

Toutes les pieces peuvent avancer, & reculer de même, à la reſerve des pions qui avancent toûjours, & ne reculent jamais qu’ils ne ſoyent damez.

5me.

Lors qu’une piece prend une autre piece elle ſe met a la place de celle qu’elle prend ; & generalement les pieces prenent comme elles marchent, à la reſerve des pions, & du Roy quand il ſaute.

6me.

Les pions marchent tout droit contre l’Ennemy ſans pouvoir jamais reculer, ſi premierement ils n’ont attaint une des 8. dernieres cazes de l’Echiquier. Que ſi par leur valeur ils arrivent juſques la, dans ce moment ils ſont faits dames, ayant abſolument le meſme pouvoir que la Reine, qui eſt la meilleure piece du jeu. La marche des pions, eſt de une ou de deux cazes s’ils veulent pour le premier coup qu’ils ſe remuent : aprez quoy ils ne peuvent aller que pas à pas & toûjours en droitte ligne, ſans pouvoir ſe detourner a droit ni a gauche dans leur marche, & ſans pouvoir prendre aucune piece de celles qu’ils rẽcontrent immediatement devant eux. Mais ce qu’il y a en cecy de bizarre, eſt qu’ils prenent ou peuvent prendre tout ce qui les touche en avançant de biaiz, changeans par ce moyen leur ligne naturelle & ſe doublans les uns ſur les autres. Ainſi de toutes les pieces, il ni a que le pion qui ne marche pas comme il prend, & qui ne prend pas comme il marche. Il faut encore obſerver dans la marche du pion, qu’il ne peut plus ſe ſervir du privilege d’avancer 2. cazes le premier coup, lors qu’un des pions de l’Ennemy frappe immediatement ſur la caze qui eſt la plus proche au devant de luy. Ainſi le pion du Roy blanc ne pourroit pas avãcer 2. cazes tout d’un coup, s’il y avoit un des pions ennemis a la 4. de la Dame, ou à la 4. du fou du Roy blanc. Et lors que par le conſentement des joueurs l’on enfraint cette regle comme on peut le reſerver au commencement du jeu : alors cette maniere de jouer contre la reigle, s’appelle jouer à paſſer bataille.

7me.

Les Fous marchent de biaiz ou de pointe tant loing qu’ils veulent en ligne droite, & peuvent prendre ce qui ſe rencontre en leur paſſage, l’ors qu’il n’y a aucune de leurs pieces entre-deux. Les fous gardent toûjours leur couleur, c’est-à dire que ceux qui ſont en caze noire, vont par toutes les cazes noires, ſans entrer jamais ſur les blanches ; et ceux qui ſont en cazes blanches vont par toutes les cazes blanches ſans entrer jamais ſur les noires.

8me.

Les Chevaliers ont une marche toute extraordinaire, car ils n’avancent & ne reculent jamais que de deux cazes à la fois, en circulant de côté : ſautant toujours d’une caze noire à une blanche, & d’une blanche à une noire. Ainſi ne marchant point en ligne droite comme les autres pieces, ils ſautent & franchiſſent par deſſus tout.

9me.

Les Tours ou Rocs marchent en croizant l’Echiquier, avancent & reculent en ligne droite autant qu’elles veulent, & prenent ce qui ſe trouve à leur paſſage, lors qu’il ny a aucune de leurs pieces entre-deux. Ainſi les Tours ſont tantôt ſur le blanc, tantôt ſur le noir, avantage que les fous n’ont point. Les Tours ont encore un avantage tout particulier ; c’eſt que ſi elles n’ont point bougé de leur place ; lors que le Roy fait ſon ſaut dans la ligne des pieces nobles, on peut en même temps & d’un seul coup les joindre au Roy de l’autre côté, ce qui s’appelle rocquer. Par ce moyen l’on ſort ordinairement les Tours en bataille.

10me.

La Reine marche comme les Fous & comme les Tours & prend de même en avançant & reculant comme bon lui semble ; pourvû que ce ſoit toûjours en ligne droitte, & qu’il n’y ait aucune de ſes pieces entredeux.

11me.

Le Roy marche de tous côtez & recule comme il veut ; mais toujours pas à pas & jamais plus viſte ; excepté le premier coup qu’il ſe remue, pourvû que ce ſoit librement & ſans violence d’Echet : Car alors il peut faire 2. pas de toutes ſortes de façons ; ou comme le pion, ou comme le chevalier, ou comme les autres pieces : ce qui eſt le caractere de la Royauté ; & cela s’appelle faire ſauter le Roy. Lors qu’il ſaute dans la ligne des pieces nobles, & qu’il n’y a point de piece entre luy & la Tour, l’on peut d’un ſeul coup le faire ſauter, & luy joindre la Tour de l’autre côté, ce qui s’appelle rocquer. Iamais les deux Roys ne peuvent ſe toucher ; il y doit pour le moins toujours avoir une caze entre-deux. Enfin le Roy ne peut point prendre de piece en ſautant, mais hors de cela il peut prendre tout ce qui le touche, pourvû qu’il ne ſe mette point en Echec.

12me.

L’on n’eſt jamais obligé de prendre par force les pieces de l’ennemy quand elles ſont en priſe. L’on ne prend que volontairement & ou l’on croit de trouver quelque avantage.

13me.

Le Roy eſt celuy au bien ou à la mort duquel on dit gagner ou perdre une partie ; Ce qui arrive quand il eſt échec & mat. Iamais l’on ne peut gagner que l’on ne matte le Roy contraire, quand même l’on auroit pris toutes les pieces de l’Ennemy. Par contre auſſi l’on peut matter le deuxieme coup du jeu ſans avoir pris aucune piece à l’Ennemy, qui pour cela ne laiſſe pas de perdre.

14me.

L’Echec eſt une attainte ou rencontre de quelque piece qui menace de tuer le Roy ; c’eſt-à dire qui le met en priſe, ſoit de loin, ſoit de prez. A cela il n’y a que trois remedes. Le premier eſt de prendre la piece qui menace le Roy. Le ſecond ſi on ne peut, ou ſi on ne la veut pas prendre, eſt de couvrir le Roy en mettant quelque piece entre-deux. Enfin ſi ces deux la manquent, ou qu’on ne s’en vueille pas ſervir, il n’y à plus de moyen pour ſortir de cet embaras que de faire ſauver le Roy dans quelque caze de celles qui le touchent, dans laquelle il ſoit hors d’Echec.

15me.

Il y à quattre ſorte d’echec. L’Echec ſimple, l’Echec double, l’Echec mat, & l’Echec ſuffoqué autremẽt dit le pat. L’Echec ſimple eſt celuy qui ſe fait par la rencontre d’une ſeule piece qui menace de tuer le Roy.

16me.

L’Echec double eſt celuy qui ſe fait d’un ſeul coup par la rencontre de deux pieces qui menacent également de tuer le Roy. L’on ne peut aucunement couvrir le Roy de cet échec : parce qu’il eſt attaqué de deux côtez à la fois. De plus l’on ne peut prendre aucune des pieces qui donnent échec, quand même elles ſeroient toutes deux en priſe ; à moins que le Roy luy même n’en prit une en s’oſtant d’Echec. Cette ſorte d’échec ſe fait par la découverte d’une piece qui frappe ſur le Roy.

17me.

L’Echec mat eſt lors qu’une ou deux pieces donnent au Roy une ſi viue attainte, qu’il ne peut ni prendre la piece, ni ſe couvrir, ni s’enfuir dans aucune caze ou il ſoit hors d’Echec. Ainſi le Roy eſt échec mat, & la partie eſt abſolument perdue.

18me.

L’Echec ſuffoqué ou pour mieux dire le pat ou ſimple mat, eſt lors que le Roy eſt reduit à eſtre ſeul, ou s’il a quelques pieces elles ſont tellement enſerrées qu’il n’en peut jouer aucune, ni ſe remuer luy même ſans être échec ; & cependant dans le lieu ou il eſt, il eſt hors d’echec. Quand le Roy eſt ainſi reduit à l’impoſſible de jouer, alors la partie n’eſt qu’à moitié perdue : puis qu’il eſt ſimplement mat ſans étre échec. Car comme l’échec tout ſeul ne ſuppoſe pas le mat, auſſi le mat tout ſeul ne ſuppoſe pas l’Echec.

19me.

Jl y a 3. ſortes d’echec dont on ne ſe peut couvrir. L’Echec du chevalier, l’Echec double & l’Echec du pion ou de toute piece qui frappe le Roy de prez.

20me.

Il n’eſt point permis pour le premier coup que l’on joue de pouſſer deux pions à la fois.

Maximes que l’on doit obſerver pour ſe rendre bon joueur D’Echets.
1ere.


UN bon joueur doit toujours commencer de jouer, en pouſſant les pions du Roy ou de la Reine deux cazes.

2me.

Les fous doivent eſtre prompts â ſecourir & ſeconder la Reine : c’eſt pourquoy l’on doit eviter de les tenir enſerrez, ce qui arriveroit ſi on pouſſoit les pions du Roy ou de la Reine ſeulement une caze.

3me.

Il eſt generalement dangereux de recevoir échec. Mais il n’eſt pas moins vray qu’il y a quelque fois des échecs qui font plus de mal par la ſuitte à celuy qui les donne qu’à celuy qui les reçoit. Par exemple ſi les Roys sont à leur cazes, & que le blanc donne Echec de la dame à la 3. caze du Roy contraire. Si le noir couvre d’une Tour, il forcera la dame blanche.

4me.

Il eſt dangereux de donner Echec, lors que d’un autre côté l’on à quelque piece en priſe : parce que ſi l’on mettoit encore en priſe avec un pion, ou avec le Roy, la piece qui donne l’Echec, il faudroit perdre l’une ou l’autre à moins qu’on ne ſe dedomage & tire d’affaire par le moyen de quelque autre Echec ce qui arrive difficilement.

5me.

Jl eſt pourtant de l’adreſſe d’un fin joueur de laiſſer quelque fois ſes pieces en priſe d’un côté, lors que d’un autre côté il peut preſſer ſon ennemy par des Echets, & le matter ou luy prendre des pieces qui valent mieux que celles des ſiennes qui ſont en priſe.

6me.

Jl eſt dangereux de recevoir un Echec à la découverte, & encore plus quand il eſt double. Ainſi l’on y doit prendre garde pour les eviter, & tacher d’en donner au Roy contraire.

7me.

Quand on n’a point encore rocqué l’Echec du chevalier eſt dangereux : parce qu’on ne s’en peut couvrir, & qu’ayant une fois remué le Roy ou ne peut plus rocquer, ce qui eſt facheux.

8me.

Jl eſt generalement dangereux de mettre ſa Reine devant une Tour & un fou contraire ſe couvrans l’un l’autre ; quoy que la piece de derriere qui doit ou peut mettre la Reine en priſe ne ſoit pas defenduë : parce qu’en donnant Echec de la premiere l’on decouvre l’autre ſur la Reine. Que ſi la piece de derriere eſt deffenduë alors ſans donner d’Echec l’on peut faire un mauvais party.

9me.

Jl eſt dangereux de mettre la Reine derriere le Roy ; parce qu’en donnant Echec ſur la même ligne ſoit avec un fou, ſoit avec une Tour, on fera perdre la Reine ſi l’on ne peut couvrir l’Echec.

10me.

Par la même raiſon il eſt dangereux de mettre la Reine devant le Roy : parce que l’ennemy mettant une Tour ou un Fou ſur la même ligne ; s’ils ſont defendus, & que l’on ne puiſſe mettre de piece entredeux pour couvrir la Reine, il faudra la perdre. Le même danger ſe rencontre auſſi pour la Tour, au regard du Fou qui luy eſt inferieur.

11me.

Jl n’eſt pas bon de rocquer ſi viſte, parce que l’ennemy tourne d’abord ſes forces de ce côté la. Il vaut mieux ſortir ſes pieces, & ſe mettre en etat de pouvoir rocquer de côté et d’autre. Par ce moyen l’on tient l’Ennemy en ſuſpens & incertain de quel côté il tournera ſes forces. En un mot il n’eſt pas ſeur de rocquer du côté ou ſe rencontrent les plus grandes forces de l’Ennemy, principalement ſi les vôtres ſont d’un autre côté.

12me.

Il eſt pourtant mieux de rocquer avec la Tour du Roy : parce que rocquant avec la Tour de la Reine, il faut encore que le Roy faſſe un pas pour deffendre ſes pions.

13me.

Les bons joueurs ont accoutûmé de bien ordonner leur jeu en pouſſant le pion du fou de la Reine une caze : pour donner paſſage à la Reine, & auſſi pour pouvoir avancer s’il eſt neceſſaire le pion de la Reine deux cazes.

14me.

L’on doit bien ménager les pions des ailes, affin d’avoir toûjours de reſerve un lieu ſeur pour y faire ſauter le Roy.

15me.

Entre des joueurs égaux, celuy qui gagne un pion à un grand avantage. Ainſi l’on ne doit pas faire difficulté de changer de dame pour gagner un pion.

16me.

Entre des joueurs égaux, il eſt bon de changer de dame, ſeulement pour empecher de rocquer, ou pour deſunir ou faire doubler des pions à l’Ennemy. En un mot celuy qui neglige ſes avantages merite de perdre.

17me.

Un fou vaut bien un chevalier, & un chevalier vaut bien un fou. Les fous ſont meilleurs en ce qu’ils frappent plus loing : ils gardent mieux les pions, et les conduiſent mieux à dame. En ce qu’avec un pion derriere le fou, on ſerre le paſſage à la dame & à la Tour. Enfin ils ſont meilleurs en ce qu’avec deux fous et le Roy l’on peut facillement donner échec & mat au Roy ſeul, ce qui eſt impoſſible avec deux chevaliers, à moins que le Roy ſeul n’épargne les dits chevaliers quand ils ſont en priſe, ou ne ſe laiſſe volontairement acculer. Mais les chevaliers ſont auſſi meilleurs que les fous, en ce qu’ils peuvent ſortir en bataille ſans ouverture de pions, & ſe fourrent mieux parmy les cohortes ennemies quoy que bien liées & ſerrées. En ce que l’Echec du chevalier eſt plus dangereux que celuy du fou, ſoit pour empecher de rocquer, ſoit pour prendre des pieces. En ce que deux chevaliers ſe deffendent l’un l’autre, ce que ne peuvent jamais faire les fous. En ce qu’un chevalier peut aller par toutes les cazes du jeu tant blanches que noires, ce que le fou ne ſçauroit faire. En ce que le chevalier peut mettre en priſe plus de pieces à la fois que le fou. Enfin le chevalier eſt meilleur en ce que ſi les jeux ſont égaux de pions, & qu’il y ait d’un côté un fou, & de l’autre un chevalier : le jeu du chevalier ayant ſes pions en caze ou le fou ne peut aller, aura grand avantage ſur l’autre. La force de ces raiſons contrepeſées, fait que l’on à toûjours également eſtimé ces deux pieces.

18me.

Deux pions ne ſçauroyent jamais valoir un chevalier, ni un fou, à moins que par cet échange, l’on ne puiſſe facillement damer, ou donner échec mat.

19me.

Une Tour vaut beaucoup mieux qu’un Fou, ou qu’un chevalier pour pluſieurs raiſons, & principalement parce qu’avec la Tour, & les Roys ſeuls on peut gagner le jeu, ce qu’on ne ſçauroit faire avec une autre piece que la dame. C’eſt pourquoy ſans heſitter l’on doit changer un fou, ou un chevalier contre une Tour, quand même en le faiſant l’on devroit perdre un pion.

20me.

Deux Tours valent peut étre bien la Reine ſur la fin du jeu quand il eſt debaraſſé. Mais au commencement & au milieu du jeu, je donnerois toûjours ſans heſitter mes deux Tours pour gagner la Reine contraire.

21me.

Comme l’on ne doit jamais jouer de piece ſans deſſein, il faut eſtre perſuadé que l’ennemy en fait de même. C’eſt pourquoy quand il joue une piece, l’on doit s’étudier a penetrer ſon intention pour y parer, & faire avorter ſes deſſeins.

22me.

Quand on n’a point de but particulier, il faut pour le moins avoir un deſſein general de ſortir & diſpoſer adroittement ſes pieces, ſans les tenir enſerrées : Et l’on doit toûjours faire en ſorte qu’il n’y en ait aucune ſans deffenſe.

23me.

Quand on deffend une piece noble avec une autre piece noble ; il faut ſur tout bien prendre garde que la piece qui deffend ne ſoit en priſe parce que l’ennemy feroit un mauvais party en la prenant.

24me.

Il faut ſoigneuſement evitter de mettre deux pieces nobles à une caze de diſtance au devant d’un pion que l’on pourroit avancer ſur ces deux pieces : parce qu’en ce faiſant, l’ennemy les mettroit toutes deux en priſe, & feroit un mauvais party.

25me.

Il faut regarder plus d’une fois avant que de jouer, de peur que l’on ne jouë des coups infructueux & vains, qui donnent moyen à l’ennemy d’agencer ſon jeu, & d’avoir la main : Ce qui eſt un grand avantage pour celuy qui en ſçait profiter.

26me.

Vn bon joueur doit prévoir les coups de fort loing, pour attaquer & pour ſe deffendre. L’on doit ſur tout s’étudier à former des attaques doubles ; je veux dire à mettre d’un ſeul coup pluſieurs pieces en priſe à la fois. En un mot il faut toûjours harceller ſon ennemy par de continuelles attaques, qui ne luy donnent pas le temps de ſe reconnoitre, & d’agencer ſon jeu.

27me.

Jl n’eſt pas impoſſible de donner échec & mat au Roy ſeul, auec une Tour & un chevalier, ſans l’aide du Roy ni d’autre piece. Mais il eſt impoſſible de le faire ſi l’on ſe défend bien.

28me.

Il eſt abſolument impoſſible de donner échec & mat au Roy ſeul avec une Tour & un fou, ſans l’aide du Roy, ou de quelque autre piece.

29me.

Il eſt facille de donner échec & mat au Roy ſeul avec deux fous & une Tour ; ou avec deux cheualiers & une Tour, ſans l’aide du Roy, ni d’autre piece.

30me.

Il eſt facille de donner échec & mat au Roy ſeul avec une Tour, un fou & un chevalier ſans l’aide du Roy ni d’autre piece.

31me.

Il n’eſt pas impoſſible de donner échec & mat au Roy ſeul, avec le Roy & deux chevaliers ſeuls. Mais il eſt impoſſible de le faire ſi l’on ſe deffend bien.

32me.

Il eſt facille de donner Echec & mat au Roy ſeul, avec le Roy & deux Fous ſeuls.

33me.

Il eſt facille de donner Echec & mat au Roy ſeul, avec le Roy un fou & un chevalier ſeuls.

34me.

Jl eſt jmpoſſible de donner Echec & mat au Roy ſeul avec deux fous ſeuls, ou deux chevaliers ſeuls, ou un fou & un chevalier ſeuls, ſans l’aide du Roy ou de quelque autre piece.

35me.

Il n’eſt pas impoſſible de donner Echec & mat au Roy ſeul, avec un chevalier & deux fous ſeuls, ſans l’aide du Roy n’y d’autre piece. Mais il eſt impoſſible de le faire ſi l’on ſe deffend bien.

36me.

Il n’eſt pas impoſſible de donner Echec & mat au Roy ſeul, avec un fou & deux chevaliers ſeuls, ſans l’aide du Roy ni d’autre piece. Mais il eſt impoſſible de le faire ſi l’on ſe defend bien.

Fin du Premier Livre.
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