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Trois petits poèmes érotiques/La Foutriade/05

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Trois petits poèmes érotiquesImprimé exclusivement pour les membres de la Société des bibliophiles, les amis des lettres et des arts galants (p. 21-27).

CHANT CINQUIÈME


SOMMAIRE
Les putains sont sur leur vaisseau. — Discours de Vastecon. — Réplique de Laréglée. — Humaine résolution des femmes. — Poilépais est envoyée vers les hommes en ambassade. — Discours de Viferme à ses sujets. — On convient de chasser les salopes de l’île. — Pissegoutte est dépêché vers elles. — Sa rencontre avec Poilépais. — Il lui fait part de son message. — Poilépais retourne vers ses amies. — Conseil de Consale. — Autre discours de Vastecon. — On vote. — La guerre est déclarée entre les deux sexes.


Alors que la vérole avait à nos fouteurs
Fait sentir tout à coup ses mortelles douleurs,
Les putains, qui craignaient les excès de leur rage,
Avaient sur leur vaisseau fui non loin du rivage.
C’est là qu’en s’abreuvant du robb de Giraudeau,
Toutes du mal de con se guérirent bientôt.
La maquerelle alors prend ainsi la parole :

« Nous voici donc encor quittes d’une vérole,
» Garces ! Eh bien, il faut de nouveau la risquer.
» Il nous faut sur ces bords de nouveau forniquer.

» Regagnons-les… Eh quoi ! privés de tout remède,
» Ces hommes abattus que la vérole obsède
» Effrayeraient-ils encor vos âmes ? Eh, putains !
» S’ils s’osent révolter n’avons-nous pas des mains ?
» Plus fortes maintenant, ils nous sera facile
» De rendre sous nos coups leur révolte inutile.
» Oui, retournons vers eux ; dissipons toute peur ;
» Et montrons, mordicus ! qu’une garce a du cœur. »
« — J’approuve ce discours, réplique Laréglée :
» Revolons promptement vers la gent vérolée.
» Mais, source de ses maux, dites, ne faut-il pas
» Par un remède sûr la sauver du trépas.
» La justice le veut. Toutes, nous sommes saines.
» Rien donc n’empêche plus que nous soyons humaines.
» Oui, portons aux mortels, victimes de nos cons,
» Portons-leur sans retard le robb que nous avons.
» En éteignant leurs maux, nous éteindrons leurs haines,
« Et nous vivrons près d’eux sans tracas et sans peines. »

Elle a dit. Les putains approuvent ses avis.
Toutefois on convient qu’avant qu’ils soient suivis,
On enverra dans l’île une digne ambassade
Pour traiter de la paix avec la gent malade.
Quelque faibles que soient ces hommes maintenant,
Encor ne faut-il pas les braver fièrement.
La colère d’ailleurs est mère du courage.
Il ne faut pas sans but se livrer à leur rage.
On restera sur l’onde alors que Poilépais
A ces humains pourris proposera la paix,
En jurant de leur rendre une heureuse existence
S’ils veulent recevoir la féminine engeance,

S’ils veulent dans ses cons aujourd’hui nets et sains
Après leur guérison foutre encor leurs engins.

Instruite exactement de son noble message,
Poilépais fait cingler l’esquif vers le rivage,
Tandis qu’à ses sujets Viferme dit ces mots
Qu’entrecoupent vingt fois ses douloureux sanglots :

« Malheureux compagnons ! nous sommes les victimes
» De monstres qu’ont vomis les liquides abîmes.
» Nous les avons foutus. Soudain, de cruels maux
» Nous ont fait regretter de n’être plus puceaux.
» Vains regrets ! Nous souffrons. Mille douleurs cuisantes
» Aiguisent sur nos corps leurs pointes déchirantes.
» Le trépas même approche… Eh ! qu’il ne tarde pas
» A plonger dans nos seins son tranchant coutelas.
» La mort est chère à ceux que le malheur accable.
» Appelons donc, amis, cette mort ineffable.
» Qu’elle frappe !… que dis-je ? ah ! n’implorons ses coups
» Qu’alors que les putains auront fui loin de nous.
» Qu’elles n’insultent pas à notre heure dernière.
» Qu’elles laissent nos corps giser sur la poussière
» Pour que d’autres humains en parcourant ces lieux
» Voient des amours lascifs les effets malheureux,
» Et se gardent jamais de se livrer aux femmes
» S’ils veulent éviter des châtiments infâmes.
» Amis, renvoyons donc ce peuple de putains.
» Que son vaisseau l’emporte en des climats lointains.
» S’il résiste, s’il veut ne point quitter nos rives,
» Gardons-nous d’écouter ses paroles plaintives.
» Rappelons notre force et notre ancienne ardeur,

» Et frappons, immolons un peuple si trompeur.
» Le ciel, ce juste ciel qui soutient l’innocence,
» En nous rendant plus forts prendra notre défense.
» Parlez. M’approuvez-vous ? »

» Parlez. M’approuvez-vous ? »De longs cris de bravos
Couvrant de vains soupirs accompagnent ces mots.
Mais le calme renaît. Viferme alors ajoute :

« Vous m’approuvez : Eh bien ! avance Pissegoutte.
» C’est toi qui de nous tous est le moins attaqué.
» Il est vrai que ton vit a le moins forniqué.
» C’est donc à toi, baiseur, à toi seul que j’ordonne
» D’aller vers les putains qui peuplent notre zône.
» Tu leur commanderas de s’éloigner de nous,
» Sinon de s’apprêter à recevoir nos coups.
» Vas, vole, tu m’entends. »

» Vas, vole, tu m’entends. »Le vif parlementaire
Court et d’un pied léger rase à peine la terre.
Il touchait au rivage. A ses yeux étonnés
Poilépais tout à coup a présenté son nez.
« J’allais vers vous, dit-elle. — Et moi, vers ta peuplade. »
Il lui dit aussitôt quelle est son ambassade.
Poilépais irritée au même instant répond :

« Je vais de ton message instruire Vastecon.
» Attends-moi. Je reviens te déclarer la guerre
» Si nous nous décidons à rester sur ta terre. »

Elle fuit ; elle arrive ; elle instruit les putains

Des ordres insolents des vérolés humains.
Toutes tremblent. Consale en ces mots se déclare :

« Garces ! fuyons, fuyons un peuple trop barbare.
» Il demande du sang ; il veut notre trépas ;
» Furieux, irrité, nous ne le vaincrons pas.
» Sauvons-nous donc. On n’est ni lâche ni timide
» En se hâtant de fuir une main homicide. »

A ces mots, tout à coup éclatent mille cris,
Les uns approbateurs, les autres de mépris.
Redoutant les effets de cette dissidence,
La maquerelle parle, on l’écoute en silence :

« En conseillant la fuite ; en usant de son droit,
» Consale vous parlait sans crainte, croyez-moi.
» Je la connais. La peur n’est jamais son partage.
» Elle a cru nous donner un conseil juste et sage.
» Quelques-unes de vous l’ont jugé tel aussi.
» D’autres et moi putain ne pensons point ainsi.
» Il est vrai qu’en optant pour une fuite prompte
» Nous fuyons des périls. Mais, grands dieux ! quelle honte
» Quel opprobre éternel ne nous couvrirait pas !
» Nous, qui vers ces pays n’avons porté nos pas
» Que pour sauver nos fronts d’un opprobre semblable
» Qu’osait nous présenter un joug insupportable.
» Non, nous ne pouvons fuir. Restons, c’est mon conseil,
« Garces ! nous recevrons partout un joug pareil,
» Mais sur ces bords, c’est nous qui seront souveraines ;
» C’est nous qui forgerons et des lois et des chaînes.
» Et vous voudriez fuir ? Non, ce sort est trop doux.

» Restons donc, des ribaux méprisons le courroux.
» Si, quoique décrépits, ils osent nous combattre,
» Plus saines, j’en réponds, nous saurons les abattre.
» Quelles armes d’ailleurs peuvent-ils manier ?
» Un frêle bois !… Mais nous… nous brandirons l’acier.
» Oui, j’ai de rasoirs fins tout un assortissoire :
» J’en armerai vos mains pour courir à la gloire,
» Pour châtrer ces humains qu’une sotte bonté
» Nous poussait bêtement à rendre à la santé.
» Qui n’approuverait pas un conseil aussi sage,
» Manquerait à la fois et d’âme et de courage.
» Toutefois pour agir comme il convient : votons.
» Veut-on combattre ? Eh bien ! qu’on se bouche les cons.
» Veut-on partir ? » Soudain, quel mouvement ! Les gueuses
Toutes dans leurs vagins foutent leurs mains crasseuses.
Consale vote même en faveur des combats.
Quel bruit ! Quelle allégresse ! et quels joyeux ébats !
Toutes, non pas demain, mais à l’instant même,
Toutes veulent châtrer une engeance au teint blême.
Mais Vastecon retient leur belliqueuse ardeur
Et dit à Poilépais : « Vas vers l’ambassadeur.
» Instruis-le qu’à jamais nous foulerons sa terre ;
» Qu’à l’unanimité nous optons pour la guerre ;
» Et que nous volerons aux batailles demain
» Quand l’Orient luira des clartés du matin. »

Poilépais est partie, et bientôt Pissegoutte
Instruit par la putain, triste, reprend sa route.
Il arrive, et le peuple apprend non sans frémir,
Que la troupe femelle aux combats veut courir.
Mais le chef des fouteurs, par un hardi langage,

Ranime leur fureur ; excite leur courage ;
Et parvient à donner à ses chétifs soldats
Un semblable désir de voler aux combats.