Trois semaines d’herborisations en Corse/26

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Campo di Loro. — 31 mai.


Il nous fallait employer le plus utilement possible les trois derniers jours de nos vacances ; aussi dès le matin du 31 partîmes-nous pour Campo di Loro, réservant pour le lendemain une excursion à la Chapelle des Grecs. Ces deux stations, très voisines d’Ajaccio, la première à l’est, la seconde à l’ouest de la ville, ont été fréquemment explorées par les botanistes corses et visitées par la Société botanique de France. Aussi ne pensions-nous pas faire autre chose qu’étudier sur place : les nombreuses espèces citées, aux comptes-rendus de la session.

À la gare de Campo di Loro la voie est traversée par la route de Sartène que nous suivons quelque temps jusqu’au pont de la Gravona, jolie rivière descendue de Vizzavona et dont les eaux alimentent les fontaines d’Ajaccio. Sur ses bords sablonneux croissent :

Glyceria plicata Fries.
Spergula arvensis β. vulgaris s.-v. gracilis E. et F.
Spergularia rubra Pers.
Bartsia viscosa L.
Iris Pseudacorus L.
Malachium aquaticum Fries.
Bunias Erucago L.
Filago eriocephala Guss.
Phytolacca decandra L.
Linaria Pelisseriana DC.
Hordeum murinum L.
Melandryum macrocarpum Willk.
Ornithogalum Narboriense L.
Medicago maculata Willd.
Briza maxima L.
— minor L.
Grammitis leptophylla Sw.
Melica Magnolii G.-G.

avec deux acquisitions intéressantes pour la flore de Corse : Stellaria graminea β. latifolia God.et Potamogeton mucronatus Schur. dont les rameaux vert sombre ondulent dans le courant, avec de jolies touffes de Nitella brachyteles A. Br.

Le long de la route, en allant vers le Prunelli, les fosses se couvrent d’un lacis inextricable au milieu duquel apparaissent :

Fumaria speciosa var. atrosanguinea Broch. et Neyr.
Asphodelus microcarpus Viv.
Humulus Lupulus L.
Smyrnium Olusatrum L.
Populus pyramidalis Ros.

Voici bientôt le pont de Prunelli, où se remarquent :

Œnanthe fistulosa L.
Juncus bufonius L.
Silene læta β. Loiseleurii R. et F.
Cyperus badius Desf.
Spergularia arvensis var. vulgaris Koch.

et d’où nous apercevons les feuilles d’un Potamogeton qui n’est autre, à notre grande joie, qu’une troisième nouveauté pour la flore insulaire, P. Rujescens Schrad.

En vain tentons-nous de descendre la rivière pour pénétrer dans les prairies basses comprises entre la route et la mer : d’épais buissons barrent étroitement le passage au point d’interdire toute tentative de marche en avant, et notre déconvenue est telle que la vue de superbes roses (R. scandens Mill.) épanouies dans la broussaille ne peut nous consoler du détour considérable auquel nous sommes condamnés.

Encore si c’était là la fin de nos misères ! Mais après avoir escaladé maintes barrières, sauté maints fossés, nous arrivons de nouveau devant la Gravona qu’il faut absolument franchir. Grosse affaire ! Instruits par l’aventure de l’Ostriconi qu’il vaut mieux en pareil, cas prendre le taureau par les cornes, nous nous mettons à l’eau, et sans trop d’avaries, mais non sans émotion car le sable du lit est abominablement mouvant ; nous abordons à l’autre rive où nous déjeunons en face de la mer.

Sur la plage semée de grosses touffes de Scrofularia ramosissima Lois. et de Genista aspalathoides Lam., se voient :

Cakile maritima forma litoralis R. et F.
Jasione montana L.
Diotis canditissima Desf.
Medicago marina L.
Polygonum maritimum L.
Medicago turbinata Willd.
Andryala integrifolia L.
Carlina corymbosa L.
Polycarpon tetraphyllum L.
Malcolmia parviflora DC.
Matthiola sinuata R. Br.

avec Rumex Acetosella L., fort rare dans la région basse.

Mais à peine avons-nous erré pendant une heure que le ciel, déjà chargé de nuages sombres, se montre de plus en plus menaçant et qu’il devient prudent de battre en retraite vers la rivière. Hélas ! l’averse fond subitement sur nous avec une impétuosité folle ; en deux minutes nous sommes trempés de pied en cap sous nos vêtements légers et nous courons quand même parmi les grandes herbes, les hautes fougères, les ronces, les clôtures, frayant un passage à l’aventure, sans souci des accrocs. Enfin nous arrivons à la station au moment où l’ondée s’apaise, — dans quel état, grand Dieu ! — et juste à temps pour prendre à 4 heures le train d’Ajaccio.

Une poignée de plantes cueillies précipitamment augmente notre liste des espèces suivantes :

Centaurea napifolia L.
Digitalis purpurea var. tomentosa Webb.
Chenopodium ambrosioides L.
Osmunda regalis L.
Antirrhinum Orontium L.
Ballota nigra Sm.
Hypericum humifum subsp. australe ζ. minus R. et F.
Echium plantagineum L.
Linaria commutata Bernh.
Cuscuta major DC.
Mentha rotundifolia L.
Isnardia palustris L.
Stachys Germanica L.