Trois semaines d’herborisations en Corse/4

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Montagne de Rondoli. — 14 mai, soir.


Notre enthousiasme du premier jour commençait à s’éteindre ; on s’accoutume à tout, même à fouler aux pieds des plantes rares. D’ailleurs le plan de voyage que nous avions arrêté, ne nous permettait pas de séjourner longtemps à chaque étape ; dès lors il fallut s’enquérir des moyens de transport utilisables pour gagner Ajaccio par la route de l’ouest. Notre surprise fut grande d’apprendre qu’il n’en existait point ! Tout au plus aurions nous pu louer un mauvais cabriolet par lequel s’effectue le service postal de Calvi à Galéria, ou profiter du passage de quelque forestier. Mais nous aurions été dans l’obligation de faire à pied à partir de ce village un trajet considérable en pays montagneux et M. Foucaud se trouvait dans un état de santé qui lui interdisait tout surmenage physique. Il n’y fallait donc pas songer.

Nous décidâmes de partir le lendemain dans l’après-midi par l’Île Rousse pour nous diriger vers Bastia, d’où nous suivrions en sens inverse notre itinéraire primitif.

Une courte herborisation occupa notre après-dîner ; traversant la petite plaine basse qui borde le golfe, nous choisîmes comme but une montagne abrupte terminée en terrasse et qu’on appelle Rondoli.

Dès la sortie de la ville, on trouve sur les bords d’une rivière limoneuse, la Ficarella, des cultures nombreuses mais peu variées : des moissons de froment, des jardins et surtout des plantations d’oliviers et d’amandiers. De petites constructions blanches et carrées comme des maisons mauresques, presque sans ouvertures, se cachent derrières de robustes clôtures d’Agaves et de Cactus, ou sous l’épais ombrage des figuiers et des chênes-verts. On cultive assez peu les orangers et les cédratiers, qui donnent des fruits bien moins estimés et de moins belle venue qu’aux environs de l’Île-Rousse ou de Belgodère. Nous en vîmes cependant une jolie plantation dans un jardin que nous visitâmes, ainsi que quelques pieds de dattiers (Phœnix dactylifera L.) très élancés, bien fournis de feuilles, mais évidemment stériles.

Il n’est pas prudent de stationner longtemps dans cette partie de la côte, un peu marécageuse, où les émanations paludéennes sont redoutables pendant une grande partie de l’année, principalement vers la fin de septembre ou d’octobre. Il en est de même d’ailleurs non seulement dans la plaine orientale, réputée à juste titre pour la région la plus malsaine de l’île, mais encore, paraît-il, sur tout le littoral formé d’alluvions, à l’embouchure des rivières, malgré la consistance apparente du sol.

Le long d’un sentier qui longeait un champ de blé, nous recueillîmes :

Potentilla reptans L.
Chrysanthemum Myconis L.
Allium roseum L
Agrostemma Githago L.
Lolium arvense Schrad.
Silene Cucubalus forma vesicaria ε. Tenoreana R et F.
Vicia angustifolia var. segetalis (Koch.).
Pallenis spinosa Cass.
Vicia atropurpurea Desf.
Vicia Corsica Ces. Pas. et Gib.
Silene Gallica var. rosella R. et F.
Melissa altissima Sibth.

Puis, passant auprès d’une construction ruinée dont les décombres étaient couverts de jusquiame (' Hyoscyamus albus L.), nous suivîmes un chemin ombragé d’oliviers qui s’élevait, à travers les vignes et les jardins, dans la direction de la montagne. Par endroits, sur des murs, se voyait le Ruta bracteosa DC ; dans les fossés Arundo Donax L. et sur les berges, Galactites tomentosa Mœnch ; Potentilla reptans (variation), Cynoglossum pictum L.

Nous eûmes à noter encore :

Arabis hirsuta subsp. sagittata var, longisiliqua R. et F.
Arum Italicum Mill.
Papaver hortense forma setigerum R. et F.
Psoralea bituminosa L.
Brachypodium pinnatum P. B.
Bromus sterilis L.
Rosa scandens Mill.
Rubia peregrina β. intermedia G. et G.
Papaver Simoni Fouc.
Tolpis virgata Bert.
Selaginella denticulata K.
Plantago Bellardi All.
Lathyrus Clymenum var. tenuifolius G. G.
Trifolium subterraneum L.
Euphorbia biumbellata Poir.
Clematis Flammula forma maritima DC.
Senecio lividus L.
Galium Aparine L.
Poterium dyctyocarpum Spach.
Centranthus Calcitrapa Dufr.
Zacintha verrucosa Gærtn.
Paronychia echinata Lam.

Erythræa maritima Pers.
Vicia hybrida L.

Peu à peu, à mesure que nous gravissions la pente, les cultures disparaissaient pour faire place au maquis ; les murailles de soutènement, étagées parmi les vignes, étaient interrompues par d’énormes blocs de rochers ou par des éboulis. Là se multipliait la végétation particulière de la brousse : l’arbousier, le lentisque, l’Erica arborea L., le Phillyrea angustifolia L., etc.

Le Verbascum Boerhavii L. abonde aux endroits graveleux avec Tyrimnus leucographus Cass., Lavandula Stœchas L., Trifolium subterraneum L. Dans les anfractuosités nous retrouvions Sedum cœruleum Vahl, Stachys glutinosa L., Grammitis leptophylla Sw., puis :

Phillyrea media L.
Asplenium lanceolatum var. obovatum Moor.
Osyris alba L.
Polypodium vulgare L.
Cheilanthes odora Sw.
Limodorum abortivum var. abbreviatum G. G.
Cystopteris fragilis Bernh.
Cynosurus elegans Desf,

Nous arrivâmes à la terrasse du sommet sans avoir fait plus ample cueillette. Voici la liste, courte mais complète, des plantes qui habitent sur ses dalles glissantes et érodées par le temps :

Sedum cæruleum Vahl.
Briza maxima L.
Hypochæris pinnatifida Cyr.
Linum Gallicum L.
Lavandula Stœchas L.