Les Troubadours, leurs vies, leurs œuvres, leur influence/Chapitre II

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Librairie Armand Colin (p. 26-49).



CHAPITRE II

CONDITION DES TROUBADOURS
LÉGENDES ET RÉALITÉ
TROUBADOURS ET JONGLEURS

Troubadours d’origine noble, bourgeoise. — Poétesses provençales. — Les protecteurs des troubadours. — Sources de leurs biographies. — Nostradamus. Biographies de Bernard de Ventadour, de Guillem de Capestang, de Jaufre Rudel, de Peire Vidal, de Guillem de la Tour, de Giraut de Bornelh. — Légendes et réalité. — Jongleurs et troubadours.


Nous possédons des poésies d’environ quatre cents troubadours, du xiie et du xiiie siècle. Nous connaissons aussi le nom de soixante-dix autres poètes dont les œuvres ne nous ont pas été conservées. Ce chiffre donne une idée de l’activité poétique qui a régné pendant ces deux siècles. Mais le temps a fait subir à ce trésor des pertes irréparables. Les poésies des troubadours furent réunies dès le xiie et le xiiie siècle en anthologies. Combien d’entre elles n’ont-elles pas disparu depuis cette époque lointaine ? Avec une pieuse sagacité, quelques savants ont suivi à la trace des manuscrits signalés par les érudits du xvie et surtout du xviie et du xviiie siècle[1] ; mais leurs efforts n’ont pas été toujours couronnés de succès. Un heureux hasard vient quelquefois en aide aux provençalistes. Il y a une quarantaine d’années M. Paul Meyer publiait le contenu d’un manuscrit des plus importants pour l’histoire des derniers troubadours. Suivant la poétique réflexion du savant éditeur, la « terre de Provence » avait été « légère au vieux manuscrit ». Il avait séjourné en effet plusieurs années[2] enfoui au pied d’un olivier. Plus récemment, dans une des bibliothèques les plus fréquentées de Florence, un savant italien découvrait à son tour un autre manuscrit qui mettait au jour plus d’une vingtaine de noms de troubadours inconnus jusque-là[3]. Mais ces hasards sont rares et il faut se résigner à admettre que de nombreuses richesses sont à jamais perdues.

Celles qui nous restent proviennent de troubadours de toute classe et de toute condition. Le premier connu, est, comme on l’a vu, un homme de « haut parage », Guillaume de Poitiers, duc d’Aquitaine. Parmi les plus anciens se trouvent également d’autres personnages de noble naissance. Ainsi Jaufre Rudel, qui s’enamoura de la « Princesse lointaine » et qui « usa la voile et la rame pour chercher sa mort » suivant l’expression de Pétrarque, était prince de Blaye. Cinq rois se sont exercés à la poésie provençale : il est vrai qu’on a remarqué à leur sujet que leur contribution n’avait pas été des plus brillantes. La liste des troubadours comprend encore dix comtes, cinq marquis et autant de vicomtes ; parmi eux Bertran de Born. Beaucoup d’autres sont de puissants barons ou de riches chevaliers. Plusieurs, par contre, sont des chevaliers sans fortune qui abandonnent le métier des armes pour la poésie[4].

Cependant ce n’est pas seulement dans les hautes classes que sont écloses les vocations poétiques. Un des troubadours les plus anciens et les plus originaux, Marcabrun, originaire de Gascogne, était un enfant illégitime. Un des plus gracieux, le Limousin Bernard de Ventadour, était le fils d’un domestique du château de Ventadour, dont les seigneurs, poètes eux-mêmes, furent depuis les origines de la poésie provençale les protecteurs nés des troubadours : Giraut de Bornelh, dont la vie, suivant la biographie provençale, fut si édifiante, était aussi de petite naissance. De même origine fut sans doute le dernier troubadour, Guiraut Riquier de Narbonne.

D’autres troubadours, et non des moindres, s’étaient destinés d’abord à l’état ecclésiastique. La biographie provençale nous raconte de plus d’un qu’arrivé à l’âge d’homme il « s’éprit des joies du monde » et quitta le métier de clerc pour celui de troubadour. Il est vrai que plusieurs suivirent une voie inverse. Bertran de Born, après une vie consacrée aux armes et à la poésie, finit obscurément à l’abbaye de Dalon. Le troubadour Folquet de Marseille, fils d’un riche marchand, entré dans les ordres après sa carrière poétique, devint évêque de Toulouse. Il se signala, dans ce nouveau poste, par un tel zèle contre les Albigeois que l’Église le sanctifia. Un demi-siècle plus tard le troubadour Gui Folqueys, devenu pape sous le nom de Clément IV, accordait cent jours d’indulgence à qui récitait ses poésies ; hâtons-nous de dire qu’il s’agissait de prières à la Vierge.

Les sentiments de l’Église vis-à-vis de la poésie des troubadours paraissent avoir varié avec le temps et peut-être aussi avec les hommes. Ainsi Gui d’Ussel, qui appartenait à une noble famille de troubadours, et qui était chanoine de Brioude, dut jurer au légat du pape de renoncer à la poésie profane. En revanche le moine de Montaudon avait la permission de son supérieur de se livrer à la poésie dans l’intérieur de son couvent. De plus il était autorisé à visiter les châteaux du voisinage et à y réciter ses chansons ; seulement il devait rapporter au cloître les présents qu’il recevait. On a compté seize ecclésiastiques parmi les troubadours, dont deux évêques et plusieurs chanoines. Au point de vue profane, très profane même, la palme appartient parmi ceux-ci à un chanoine de Maguelone, Daude de Prades, qui peut compter au nombre des ancêtres les plus immédiats de Rabelais ; il vivait au xiiie siècle, et son activité poétique ne paraît pas avoir été gênée par ses supérieurs.

La bourgeoisie enfin a fourni également bon nombre de troubadours : les fils de marchands ne sont pas rares parmi eux : Bartolomé Zorzi, de Venise, était marchand ; Élias Cairel, originaire du Périgord, était graveur en métaux précieux ; Arnaut de Mareuil et plusieurs autres étaient notaires. Toutes les classes de la société étaient ainsi représentées dans ce monde étrange des troubadours ; fils de nobles, fils de bourgeois, ou simples fils de gueux, un même amour pour la poésie les rapprochait.

Il manquerait un fleuron à cette couronne poétique, si nous n’ajoutions que les femmes aussi s’exercèrent avec honneur à la poésie. On compte dix sept poétesses : parmi elles Béatrice, la gracieuse comtesse de Die, dont les chansons nous font connaître le roman d’amour avec le troubadour Raimbaut, comte d’Orange. Marie de Ventadour, femme d’Èbles IV, passait pour une connaisseuse en art poétique ; elle composa des poésies et fut choisie comme juge, avec d’autres nobles dames, dans des questions de casuistique amoureuse[5].

Dans certaines familles les deux époux étaient poètes : nous connaissons au moins deux exemples d’unions de ce genre[6]. Quelquefois il se formait une vraie dynastie de troubadours, comme dans la famille des châtelains d’Ussel, en Limousin. « Gui d’Ussel, nous dit le biographe, était un noble châtelain ; l’un de ses frères s’appelait Èbles, l’autre Pierre ; son cousin s’appelait Élie ; et tous quatre étaient troubadours. Gui trouvait de bonnes chansons, Élie de bonnes tensons et Èbles les mauvaises [il y a là une distinction qui ne nous paraît pas très claire ; peut-être les mauvaises tensons désignent-elles des tensons grossières, comme cela arrivait quelquefois]. Pierre chantait tout ce que son cousin et ses frères composaient. Gui était chanoine de Brioude et de Montferran… » C’est à lui, on s’en souvient, que le légat du pape fit jurer de renoncer à la poésie profane.

On voit, par cette rapide esquisse, combien variée fut la condition des troubadours. Il y en eut parmi eux à qui la fortune sourit en même temps que la poésie, dès leur berceau ; et il y eut aussi de pauvres hères, qui, épris d’idéal et de rêve, n’eurent d’autre ressource pour le réaliser que de courir le monde. Aussi la plupart d’entre eux furent-ils de grands voyageurs. Nous en connaissons qui sont allés en Orient, quelques-uns dans les pays d’outre-Loire, comme Bernard de Ventadour et Bertran de Born, qui séjournèrent en Normandie. D’autres paraissent avoir vécu à la cour des comtes de Champagne, comme un des plus anciens, Marcabrun, et peut-être Rigaut de Barbezieux.

Quant au sud de la France, à la péninsule ibérique et au nord de l’Italie, c’était leur pays de prédilection. C’est là qu’ils trouvaient leurs plus puissants et leurs plus généreux protecteurs : en Italie les marquis de Montferrat et d’Este, dans la marche de Trévise ; l’empereur Frédéric II. En Espagne ils vinrent en foule à la cour des rois de Castille et d’Aragon, en particulier à celles du roi Alfonse X le Savant et de Jacme le Conquistador. En France il suffit de citer les noms de quelques-uns de leurs protecteurs pris parmi des plus connus ce sont les comtes de Toulouse et de Provence, les vicomtes de Marseille, les seigneurs de Montpellier, les vicomtes de Béziers, les vicomtes de Narbonne, les comtes de Rodez, et ceux d’Astarac. À ces puissants protecteurs il faut ajouter les rois d’Angleterre qui ont vécu en France, comme Henri au Court-Mantel et surtout Richard Cœur de Lion, poète lui-même, et protecteur d’Arnaut Daniel, de Peire Vidal, de Folquet de Marseille[7].

Ce rapide coup d’œil sur l’histoire des troubadours nous laisse entrevoir combien ardent était, dans toutes les classes de la société, l’amour de la poésie et de quelle faveur y jouissaient les poètes. Une étude rapide de leurs biographies confirmera ces impressions. Jamais peut-être la poésie n’a suscité tant d’enthousiasme, tant de dévouements.

Il existe deux sources principales pour la biographie des troubadours l’une ancienne, l’autre plus récente. Celle-ci est du célèbre Jehan de Notredame, plus connu sous le nom de Nostradamus, procureur du roi au Parlement d’Aix-en-Provence, à la fin du xvie siècle, et mystificateur littéraire des plus audacieux. Il connaissait très bien l’ancienne poésie provençale et il avait à sa disposition de précieux documents que nous ne possédons plus. Il pouvait rendre service aux études provençales pour lesquelles il avait une si grande sympathie. Il s’est amusé à créer une vie légendaire des troubadours en mêlant à des faits exacts ce que lui suggéraient son imagination et sa fantaisie. Il tirait ses renseignements, prétendait-il, du manuscrit d’un savant moine, né au début du xve siècle, au monastère de Saint-Honorat, dans l’île de Lérins, et qui s’appelait du joli nom de Moine des Îles d’Or. C’était un mythe. On crut pendant longtemps à cette supercherie ; ce n’est que dans le dernier siècle qu’on a exprimé des doutes ; et tout récemment enfin le savant provençaliste Chabaneau a fait connaître le mot de l’énigme : le Moine des Îles d’Or n’est autre chose que l’anagramme du nom d’un ami de Nostradamus[8]. Telle était la source principale de ses récits : qu’on juge par là des autres. Ce fut une belle mystification, une galéjade littéraire : elle n’a que trop bien réussi ; les inventions de Nostradamus ont eu la vie dure, presque autant que les Centuries de son frère aîné, Michel de Nostredame, le prophète.

Laissons de côté son livre suspect sur la vie des « plus anciens et plus illustres poètes provençaux ». C’est un travail trop délicat que d’y démêler la vérité du mensonge.

L’autre source pour la vie des troubadours est formée par un recueil de biographies provençales écrites vers le milieu du xiiie siècle par plusieurs chroniqueurs.

On connaît le nom de deux d’entre eux ; mais la plus grande partie est anonyme, et c’est une question de savoir si on doit les attribuer à l’un de ceux qui ont signé leurs récits. Quel que soit l’auteur, on doit lui reconnaître, à défaut de sens historique, le sens poétique. Lui aussi a raconté la vie légendaire des troubadours, parce que déjà de son temps on ne connaissait de leur vie que des légendes ; mais il semble avoir choisi parmi les plus intéressantes.

Si son récit est des plus suspects au point de vue historique et s’il a écrit en poète la vie des troubadours, son œuvre est « un document de premier ordre, non seulement pour l’histoire de la littérature, mais encore et surtout pour l’histoire de la société du Midi de la France au moyen âge. »[9] C’est à ce titre que ces biographies méritent d’être examinées ici ; elles nous feront connaître le milieu où vécurent les troubadours ; n’oublions pas seulement, avant de les aborder, que la plupart sont des légendes, nées dans l’esprit des contemporains des troubadours et dont le chroniqueur anonyme s’est fait l’écho.

Commençons par une des rares biographies, dont l’auteur nous soit connu : celle de Bernard de Ventadour, écrite dans la première moitié du xiiie siècle par le troubadour Uc de Saint-Cyr. Ce qui la distingue de toutes les autres, c’est que l’auteur en a recueilli les éléments auprès du vicomte Èbles IV de Ventadour, descendant d’Èbles II, poète, protecteur et maître de Bernard.

« Bernard de Ventadour était originaire du château de Ventadour, en Limousin. Il était de naissance pauvre, fils d’un domestique qui chauffait le four… Il était bel homme et adroit, savait bien chanter et trouver, et il était courtois et instruit. Le vicomte, son seigneur, le prit en affection à cause de son talent poétique et l’honora grandement. Le vicomte avait pour femme une dame aimable et gaie, qui s’intéressait beaucoup aux chansons de Bernard ; elle s’éprit de lui et lui d’elle… Longtemps dura leur amour, avant que le vicomte et ses compagnons l’eussent remarqué : quand il s’en aperçut, il s’éloigna de son poète et fit enfermer et garder sévèrement la dame. Celle-ci fit donner congé à Bernard, en lui disant de quitter le pays. Et il partit ; il s’en alla vers la duchesse de Normandie, qui était jeune et de grand mérite. » Bernard de Ventadour trouva auprès d’elle un excellent accueil. Mais bientôt elle devint la femme du roi Henri d’Angleterre[10]. « Et Bernard resta triste et dolent ; il s’en vint vers le bon comte de Toulouse et demeura auprès de lui jusqu’à la mort du comte. À ce moment, de douleur, il se retira à l’abbaye de Dalon ; c’est là qu’il mourut. »

Plusieurs points sont à remarquer dans ce récit. C’est d’abord le soin que prend le vicomte poète du fils d’un de ses plus humbles serviteurs, en qui il reconnaît des dons poétiques. Et c’est aussi l’ingratitude de cet enfant gâté, mais c’est surtout la punition dont elle fut payée. Par ce temps de haute et basse justice, la vie d’un pauvre poète pouvait paraître peu de chose. Mais le seigneur de Ventadour se contenta de lui marquer sa froideur en ne l’admettant plus dans son intimité.

Tout autre fut, en pareille occurrence, la conduite d’un grand seigneur du Roussillon. Voici comment le chroniqueur anonyme raconte l’histoire.

Guillem de Capestang était un chevalier de la contrée du Roussillon, voisine de la Catalogne et du Narbonnais. Il était très beau, très bon cavalier et très courtois. Il y avait dans la contrée une dame appelée Seremonde, femme du seigneur de Castel-Roussillon. Celui-ci était un homme riche, mais dur, sauvage et orgueilleux. Et le troubadour Guillem de Capestang faisait de belles chansons sur la dame de son seigneur. Celui-ci l’apprit et un jour, rencontrant le troubadour à la chasse, il le tua. Ensuite il lui enleva le cœur et le fit porter par un écuyer à son château. Il le fit rôtir avec du poivre et le donna à manger à sa femme. Et quand elle l’eut mangé, le seigneur lui dit ce que c’était, et elle en perdit la vue et l’ouïe. Revenue à elle, elle lui dit « Seigneur, vous m’avez donné un si bon mets que jamais je n’en mangerai de semblable. » Il voulut la frapper, mais elle se précipita du haut de sa fenêtre et se tua. La cruauté du seigneur de Castel-Roussillon et le suicide de la dame causèrent une grande tristesse dans le pays. « Tous les chevaliers de la contrée, tous ceux qui étaient jeunes, se réunirent, le roi d’Espagne se mit à leur tête et le comte fut pris et tué. » Les corps des deux victimes furent portés en grande pompe dans l’église de Perpignan. Tous les ans avait lieu un pèlerinage et les parfaits amants priaient Dieu pour leur âme.

C’est là, sous sa forme provençale, le roman du Châtelain de Coucy[11], poème du xiiie siècle, comme la biographie de notre troubadour. Ce n’est pas le lieu de chercher ici si le récit a un fondement historique ou si, comme cela est plus vraisemblable, il n’est pas une variante d’un conte populaire.

Opposons à cette légende une des plus gracieuses et des plus touchantes que le biographe nous ait transmises. C’est celle dont le troubadour Jaufre Rudel, prince de Blaye, fut le héros. Voici ce récit dans sa sèche brièveté

« Jaufre Rudel, prince de Blaye, s’enamoura de la princesse de Tripoli, sans la voir, pour le grand bien et la courtoisie qu’il entendit dire d’elle aux pèlerins qui revenaient d’Antioche. Il fit sur elle mainte belle poésie avec de belles mélodies. Pour aller la voir il se croisa et s’embarqua. Mais quand il fut en mer, une grave maladie le prit ; si bien que ses compagnons pensaient qu’il mourrait sur le navire. Ils firent tant cependant qu’ils l’amenèrent à Tripoli et le déposèrent en une auberge, comme mort. On avertit la comtesse, qui vint à son chevet et le prit entre ses bras. En la voyant, il recouvra la vue, l’ouïe et l’odorat ; et il loua Dieu et le remercia d’avoir soutenu sa vie jusqu’à ce moment. Il mourut ainsi entre les bras de la comtesse. Elle le fit ensevelir avec honneur dans la maison des Templiers et entra dans les ordres le même jour, pour la douleur qu’elle éprouva de sa mort[12]. »

Telle est cette romanesque histoire. Elle n’a pas manqué de frapper les historiens et les poètes, depuis Pétrarque jusqu’à l’auteur de la Princesse lointaine, jusqu’à Carducci et Gaston Paris, en passant par Uhland, Swinburne et autres. Henri Heine en a senti toute la poésie et l’a admirablement rendue dans une des plus belles pièces de son Romancero. On peut se douter par avance de tout ce que l’imagination du poète romantique a su ajouter au simple récit du vieux chroniqueur.

Dans le château de Blaye, on voit à la muraille de tapisseries que la comtesse de Tripoli broda jadis de ses mains sages.

Elle y broda toute son âme, et des larmes d’amour ont sanctifié la tapisserie brodée de soie qui représente le tableau suivant :

Comment la comtesse vit Rudel mourant couché sur le rivage, et reconnut dans ses traits l’image de ses rêves.

Rudel aussi a vu ici pour la première et pour la dernière fois en réalité la dame qui l’a si souvent charmé dans ses rêves.

Sur lui se penche la comtesse ; elle le tient amoureusement dans ses bras ; elle embrasse le pâle visage de celui qui a si bien chanté ses louanges.

Dans le château de Blaye, toutes les nuits, il y a comme un bruit de vêtements, comme un frémissement. Les figures des tapisseries commencent soudain à s’animer. Le troubadour et sa dame secouent leurs membres endormis, sortent du mur et se promènent à travers les salles.

Tendres propos, doux badinage, mélancoliques secrets, galanterie posthume de l’époque des chants d’amour.

« Geoffroy, mon cœur mort est réchauffé par ta voix ; dans les charbons depuis longtemps éteints je sens une nouvelle flamme.

« — Mélisande ! Bonheur et Fleur ! Quand je te regarde dans les yeux, je revis, moi aussi ; mon mal terrestre, mes souffrances terrestres sont seules mortes.

« — Geoffroy, nous nous aimions ainsi jadis en rêve ; et maintenant nous nous aimons aussi dans la mort. Le Dieu de l’amour a fait ce miracle.

« — Mélisande, qu’est-ce que le rêve ? Qu’est-ce que la mort ? De vaines paroles ; dans l’amour seul est la réalité — et je t’aime, ô éternellement belle.

« — Geoffroy, comme il fait bon ici, dans la salle silencieuse éclairée par la lune ; je ne voudrais jamais plus sortir aux rayons du soleil.

« — Mélisande, chère folle, tu es toi-même la lumière et le soleil. Partout où tu passes fleurit le printemps, l’amour et la joie du mois de mai sortent de terre. »

C’est ainsi que devisent, en se promenant, ces tendres spectres ; ils vont de côté et d’autre, pendant que la lune laisse tomber ses rayons par les fenêtres gothiques.

Mais, repoussant ces gracieux fantômes, à la fin revient l’aurore ; et ils rentrent craintifs dans le mur, dans la tapisserie.

Enfin une des plus romanesques biographies est bien celle du toulousain Peire Vidal, dont la carrière poétique s’étend sur la première partie du xiiie siècle. Il semble avoir été doué d’une imagination fertile et touché d’un grain de folie. Son imagination ne dépassait peut-être pas celle du chroniqueur qui lui a prêté de si étranges aventures. Épris d’inconnu Peire Vidal partit pour l’Orient et se maria avec une Grecque de l’île de Chypre. « On lui donna à entendre, raconte son biographe, qu’elle était nièce de l’empereur de Constantinople et qu’à cause d’elle il avait des droits à l’empire. » Il n’en fallait pas davantage pour mettre en branle son imagination et son ambition. Il employa son argent à faire construire un vaisseau pour aller conquérir l’empire. « Et il portait des armes impériales, se faisait appeler empereur et sa femme impératrice. »

Voilà pour la folie des grandeurs. Mais ce n’était pas la seule dont la nature l’eût généreusement doté. « Il était l’homme le plus fou du monde, dit la chronique, car il croyait que tout ce qui lui plaisait ou qu’il voulait était vrai. » Et c’est ainsi qu’il s’éprenait de toutes les dames qu’il voyait et qu’il leur faisait des déclarations. Ces femmes d’esprit se moquaient de lui, mais « lui laissaient croire tout ce qu’il voulait ». « Et il croyait, continue le chroniqueur, qu’il était l’ami de toutes et que chacune se donnerait la mort pour lui. »

Mal lui en prit cependant avec Azalaïs, femme du seigneur de Marseille, Barral de Baux.

Le seigneur Barral, dit la chronique, savait bien que Peire Vidal aimait sa femme et il s’en amusait. Tous ceux qui le savaient, ainsi que sa femme, le prenaient en riant. Et quand Peire Vidal s’irritait contre elle, le seigneur Barral remettait aussitôt la paix, et lui accordait par pitié tout ce qu’il demandait. Un jour Peire Vidal apprit que Barral s’était levé et que la dame était seule en sa chambre. Il vint devant elle, la trouva endormie, s’agenouilla et lui baisa la bouche. Elle sentit un baiser, crut que c’était le seigneur Barral et se leva en souriant. Elle regarda et vit que c’était ce fou de Peire Vidal ; alors elle se mit à crier et à faire grand bruit. Ses demoiselles d’honneur vinrent à ses cris et demandèrent ce que c’était. Et Peire Vidal s’enfuit.

La dame fit appeler son mari ; mais les troubadours avaient décidément des privilèges : « Barral, comme un galant homme, prit l’aventure en riant ; et il gronda sa femme d’avoir fait tant de bruit pour l’acte d’un fou. »

La dame exigea le départ du troubadour, qui se réfugia à Gênes. Là, ayant appris qu’Azalaïs le poursuivait de ses menaces, il passa outre-mer. Il se consolait par des chansons, sans oser revenir en Provence. Enfin Barral de Baux, qui aimait beaucoup son poète, obtint son pardon, le lui manda en Syrie, et Peire Vidal, pardonné, revint joyeusement à Marseille.

Une autre de ses folies faillit finir plus mal pour lui. Il s’était épris d’une grande dame qu’il surnommait la Louve (on ne sait, pour le dire en passant, si ce nom lui vient de notre troubadour, ou s’il était un de ses surnoms). La Louve, puisque louve il y a, habitait un château des environs de Carcassonne. Pour lui témoigner ses sentiments, Peire Vidal ne trouva rien de mieux que de s’habiller en loup. « Il se vêtit d’une peau de loup, pour le faire croire aux bergers et aux chiens. » Cette fantaisie déréglée faillit lui être fatale. Pâtres et chiens se mirent à sa poursuite.

Le pauvre loup en cet esclandre,
Empêché par son hoqueton,
Ne put ni fuir ni se défendre.

Il fut porté pour mort au château de la Louve. « Quand elle apprit que c’était Peire Vidal, elle commença à rire beaucoup de sa folie, et son mari de même. Son mari le fit mettre en un lieu bien tranquille ; il manda un médecin et le fit soigner jusqu’à ce qu’il fût guéri. » Peire Vidal paya ces soins et racheta sa folie par une de ses plus jolies chansons (De chantar m’era laissalz).

Une des plus étranges biographies est celle de Guillem de la Tour. Il vint en Lombardie, enleva à Milan la femme d’un barbier et s’enfuit avec elle jusqu’au lac de Côme. Il advint que la dame mourut. « Il en eut une si grande tristesse qu’il en devint fou ; il crut qu’elle simulait la mort pour se séparer de lui. » Il la veilla dix jours et dix nuits ; et chaque soir il lui demandait si elle était morte ou vivante ; si elle était vivante, qu’elle revînt vers lui ; si elle était morte, qu’elle lui contât ses peines et il lui ferait dire toutes les messes qu’elle voudrait.

Il fut chassé de la cité. Il partit à la recherche de devins ou de devineresses. L’un d’eux lui dit que s’il récitait cent cinquante patenôtres par jour, s’il donnait des aumônes à sept pauvres avant de se mettre à table, et s’il agissait un an ainsi, sans faillir un seul jour, sa femme reviendrait à la vie, mais sans pouvoir manger, ni boire ni parler. Le pauvre homme suivit le conseil avec joie ; seulement quand l’année fut terminée, il s’aperçut qu’il était berné ; il se désespéra et se laissa mourir.

Terminons cette revue par une biographie édifiante.

« Giraut de Bornelh était Limousin, de la contrée d’Excideuil… Il était de basse naissance, mais il était très savant et avait beaucoup d’intelligence naturelle… Il fut appelé le maître des troubadours, et il l’est encore par les bons connaisseurs, ceux qui entendent bien les mots subtils qui expriment bien les sentiments amoureux… Sa vie était la suivante : tout l’hiver il restait à l’école et étudiait ; tout l’été il parcourait les châteaux, menant avec lui deux chanteurs qui chantaient ses chansons. Il ne voulut jamais de femme ; et tout ce qu’il gagnait il le donnait à ses parents pauvres et à l’église de la ville où il naquit. »

Mais voilà assez de légendes, tragiques ou gracieuses : nous en passons beaucoup d’autres sous silence. Essayons de voir ou au moins d’entrevoir ce que fut la réalité. Que les troubadours aient reçu un excellent accueil dans les cours où ils apportaient la poésie et la joie, c’est ce que tous les témoignages du temps, leurs œuvres en premier lieu, nous apprennent. Mais ils nous disent aussi combien âpre fut ce que nous appellerions du nom vulgaire de concurrence ou du nom en apparence plus scientifique de lutte pour la vie. Les poésies des troubadours sont pleines d’allusions aux « médisants » ; ce sont eux qui perdent le poète auprès de sa dame ou qui ternissent sa réputation. Ils le brouillent, chose aussi grave, avec son protecteur. On peut croire les troubadours, sur parole. Dans ces petites sociétés fermées où ils vécurent, la jalousie, et son cortège habituel, la calomnie et la médisance, durent pousser comme fleurs naturelles.

La haute situation sociale de quelques troubadours, les légendes romanesques dont certains furent les héros, ne doivent pas nous faire illusion sur les conditions de leur vie. Beaucoup étaient de très humble origine. Plusieurs, on l’a vu, avaient renoncé pour la poésie, à des carrières lucratives. D’autres, de naissance noble, mais trop pauvres pour soutenir leur rang, s’engageaient à leur tour dans une voie aventureuse où ils espéraient bien récolter profits et honneurs, mais où ils ne trouvaient souvent que misères et privations. Ils étaient trop de quémandeurs ; de bonne heure la carrière était déjà encombrée.

La connaissance de ces conditions d’existence doit nous rendre indulgents pour les troubadours. Ils manquent de dignité, c’est certain, dans les demandes qu’ils adressent aux grands seigneurs ; avec insolence ou humilité, par la menace ou la flatterie, ils tâchent d’obtenir, l’un un bon cheval, l’autre un beau vêtement, celui-ci quelques deniers : le milieu où ils vivaient n’était pas une école de caractère. Vouloir leur en faire un reproche, c’est méconnaître les conditions de leur vie et ignorer leur histoire. Renan, traitant dans l’Histoire littéraire de la France[13], de la poésie hébraïque au xiiie siècle, dit en parlant d’un poète juif, Gorni, dont la vie ressemble étrangement à celle d’un troubadour : « Gorni n’était pas poète d’une façon désintéressée… Il l’était de profession… Tout nous montre en lui un adulateur, ou un insulteur vénal, qui mesurait l’éloge ou le blâme aux profits ou aux mécomptes de sa vie de mendiant littéraire. » Les réflexions de Renan rappellent les critiques de ce bourgeois cossu qu’était Boileau, reprochant à Colletet, non pas de faire de mauvais vers, mais d’aller chercher son pain de cuisine en cuisine. Les troubadours allaient le chercher de château en château : cette nécessité explique et excuse bien des choses.

Ils y trouvaient de redoutables rivaux dans la personne des jongleurs. Les jongleurs étaient un héritage de la société romaine — ils existaient d’ailleurs avant elle — et on peut suivre leur histoire depuis l’Empire jusqu’aux origines des littératures modernes. Ils étaient en pleine activité quand les troubadours commencèrent à chanter. Les jongleurs devinrent pour eux des auxiliaires : les troubadours grands seigneurs — et ils étaient nombreux à l’origine — leur confièrent souvent le soin de réciter les chansons qu’ils avaient composées. Leur rôle grandit ainsi, en même temps que le goût pour la poésie se développait.

Le rôle de ces deux classes, troubadours et jongleurs, étant bien délimité, il n’y avait pas de raison, du moins au début de leur histoire, pour qu’elles fussent rivales. Seulement il n’était pas rare de voir un jongleur s’élever au rang de troubadour. Le métier de jongleur exigeait certaines qualités : une mémoire fidèle et une grande habileté à toucher des instruments. À chanter ainsi les vers d’autrui, plus d’un sentit s’éveiller en lui le goût de la poésie, et son instruction générale de jongleur, sa connaissance de l’art et de la technique des troubadours lui permirent d’arriver à son tour au rang de poète. « Ce contact continuel entre troubadours et jongleurs favorisait la confusion des deux classes. » Vingt et un troubadours au moins furent en même temps jongleurs[14].

Cette confusion n’aurait pas été grave, si le rôle du jongleur était resté ce qu’il était à l’origine de la poésie des troubadours : celui d’un auxiliaire utile des poètes. Mais le discrédit qui pesait sur eux pendant le haut moyen âge et le bas-empire reparaissait avec le temps ; il retombait sur les deux classes[15].

Et quel milieu que ce monde étrange et peu recommandable, où des troubadours déclassés voisinaient avec des montreurs de singes et d’ours ! De courts tableaux esquissés par le dernier troubadour, Guiraut Riquier, ainsi que d’autres témoignages, nous en donnent quelque idée. Nous y voyons le chanteur et le musicien ambulants, qui vont dépenser leur recette au cabaret ; le bateleur, avec ses tours de passe-passe, qui a si bien représenté la classe des jongleurs que son nom en est devenu synonyme ; le saltimbanque enfin, souvent accompagné de danseuses aux mœurs faciles, exhibant à la badauderie publique les nombreux animaux qu’il a dressés, oiseaux, singes, ours, chiens et chats savants ; tous les types en un mot de la foire et du cirque décorés du nom général de jongleur.

On pensera sans doute que ce sont là des tableaux d’une époque de décadence, et que les spectacles de ce genre étaient plus appréciés du peuple que des sociétés courtoises où fréquentaient ordinairement les troubadours. Cela est vrai, en partie. Cependant voici le divertissement qu’un grand seigneur du temps offrait à ses invités. Le récit en est emprunté au roman de Flamenca[16], si instructif pour l’histoire des mœurs. La scène se passe dans le palais de Bourbon d’Archambaut, qui est immense. C’est le jour de la Saint-Jean ; après le repas, les jongleurs se lèvent. « Chacun veut se faire entendre ; alors vous auriez entendu retentir des cordes de diverses mélodies ; qui sait un air nouveau de viole, chanson, descort ou lai, s’avance le plus possible… L’un touche la harpe, l’autre la viole ; l’un joue de la flûte, l’autre siffle… l’un joue clé la musette, l’autre de la flûte ; l’un de la cornemuse, et l’autre du chalumeau. L’un joue de la mandore, l’autre accorde le psaltérion avec le monocorde. L’un fait le jeu des marionnettes, l’autre le jeu des couteaux ; l’un se jette à terre et l’autre saute, l’autre danse avec sa bouteille… »

Si nous avons ici un tableau de fantaisie, les traits en sont empruntés à la réalité. Les musiciens dominent dans cette assemblée de jongleurs ; mais les bateleurs n’y manquent pas. La poésie seule paraît être une de leurs moindres préoccupations.

Dira-t-on que ce tableau représente plutôt les mœurs de la France du Nord, et que les jongleurs que fréquentent les troubadours ne ressemblent en rien à ceux-ci ? Détrompons-nous : nous avons d’autres témoignages. Des troubadours ont pris la peine de composer en vers, vers médiocres sans doute, mais précieux par leur contenu, des codes du parfait jongleur. Voici quelques extraits d’un de ces « enseignements » (c’est le nom qu’ils portent dans la poésie provençale)[17]. Le poète reproche au jongleur de ne pas savoir jouer de la viole et de chanter encore pis, du commencement à la fin. « Celui-là fut un mauvais maître, qui t’enseigna à remuer les doigts et à conduire l’archet. Tu ne sais ni danser, ni bateler, à la manière d’un jongleur gascon. Je ne t’entends dire ni sirventés, ni ballade, ni retroencha, ni tenson. » Notons que ce même jongleur doit connaître, d’après notre poète, la plupart des cycles de la littérature épique, depuis la geste « Carlon » — de Charlemagne — jusqu’à celle d’Arthur : Aïol, les Loherains, Érec, Gérard de Roussillon, l’empereur Constantin, Salomon, etc. Toute la lyre !

Voici encore les conseils que donne un autre poète à un apprenti jongleur. « Sache trouver et bien sauter, bien parler et proposer des jeux-partis ; sache jouer du tambour et des castagnettes et faire retentir la symphonie… sache jeter et rattraper quelques pommes avec deux couteaux, avec chants d’oiseaux et marionnettes… sache jouer de la cithare et de la mandore et sauter à travers quatre cerceaux. Tu auras une barbe rouge (?) dont tu pourras t’affubler… Fais sauter le chien sur un bâton et fais-le tenir sur ses deux pieds…[18] »

Tel est le monde étrange avec lequel les troubadours étaient constamment en contact. Sans doute à la belle époque, à l’âge d’or, il dut y avoir des distinctions parmi les jongleurs. Mais combien de temps durèrent ces distinctions sociales ? Et qui pouvait les maintenir ? Il est probable que, si elles ont existé, elles durèrent peu. La confusion des jongleurs et des troubadours commença de bonne heure : avec la décadence de la poésie elle s’accentua rapidement.

Rappelons-nous maintenant les légendes romanesques dont les biographes des troubadours ont entouré leur vie. Vus à travers ces biographies, ou à travers celles de Nostradamus, encore plus mensongères, ils nous apparaissent comme entourés d’une auréole. Il semble qu’ils aient vécu dans un monde charmant, ennobli, idéalisé. La réalité dut être moins belle ; on l’entrevoit à chaque instant en étudiant leurs poésies. Cependant l’impression finale est juste en partie. Il y eut à cette époque un tel enthousiasme pour la poésie que les poètes prirent dans la société d’alors une place qu’ils n’avaient plus depuis des siècles et qu’ils mirent longtemps à retrouver.


Voir pour tout ce chapitre les Biographies des Troubadours, par M. C. Chabaneau (Histoire générale de Languedoc, éd. Privat, tome X).

  1. Cf. en particulier Chabaneau, Notes sur quelques manuscrits provençaux égarés ou perdus, Paris, 1886.
  2. Paul Meyer, Les derniers Troubadours de la Provence, Paris, 1871.
  3. G. Bertoni, I trovatori minori di Genova, Dresde, 1903. id., Nuove rime di Sordello di Goïto, Turin, 1901 (Extrait du Giornale Storico della letteratura italiana).
  4. Cf. A. Stimming in Grœber, Grundriss der romanischen Philologie, II, A, p. 19. Une partie des détails qui suivent est empruntée à cet excellent résumé.
  5. O. Schultz(-Gora), Die provenzalischen Dichterinnen, Leipzig, 1888.
  6. Raimon de Miraval et son épouse Gaudairenca ; Hugolin de Forcalquier et Blanchemain (A. Stimming, loc. cit., p. 19).
  7. Sur les protecteurs des troubadours, voir Paul Meyer, Provençal language and litterature, in Encyclopædia britannica, et la liste dressée par Diez, Leben und Werke, 2e éd., p. 497. Cf. aussi Restori, Lett. prov., p. 77-79.
  8. Jean de Nostredame, Vies des plus célèbres et anciens poètes provençaux, Lyon, 1575. M. Chabaneau préparait depuis de nombreuses années une réédition de cet ouvrage. Nous la publierons le plus tôt possible. Cf. Chabaneau, Le Moine des Îles d’or, Annales du midi, 1907.
  9. Chabaneau, Biographies des Troubadours.
  10. La duchesse de Normandie était Éléonore d’Aquitaine, petite-fille du premier troubadour, Guillaume, comte, de Poitiers, épouse divorcée de Louis VII depuis 1152. C’est entre 1152 et 1154 que Bernard de Ventadour aurait séjourné à sa cour ; cf. Diez, L. W., p. 25.
  11. Cf. sur le châtelain de Coucy, G. Paris, La Littérature française au moyen âge, § 128, et Esquisse historique… § 135.
  12. Sur la légende de Jaufre Rudel, cf. G. Paris, Jaufre Rudel, Rev. hist., t. LIII, p. 225 et suiv.
  13. Histoire littéraire, XXVII, 723-724.
  14. A. Stimming, dans le Grundriss de Groeber, II, B, p. 16.
  15. Cf. notre étude sur le dernier troubadour, Guiraut Riquier, p. 122 et suiv.
  16. Le gracieux roman de Flamenca, comprenant plus de 8 000 vers, a été publié deux fois par M. Paul Meyer, en 1865, et en 1901 le premier volume de cette deuxième édition (contenant le texte) a seul paru jusqu’ici. Le roman est du xiiie siècle et il est aussi intéressant pour l’histoire littéraire que pour l’histoire de la civilisation.
  17. Sur ces ensenhamens, cf. notre étude citée plus haut, p. 131. Le premier et le plus ancien de ces ensenhamens, auquel est empruntée la citation qui suit, est de Guiraut de Cabreira, noble catalan contemporain de Bertran de Born et de Peire Vidal.
  18. La citation est empruntée à l’ensenhamen de Guiraut de Calanson. Ce poème a été publié récemment par M. Wilhelm Keller sous le titre suivant : Das Sirventes « Fadet Joglar » des Guiraut von Calanso, Erlangen, 1905. Le texte est accompagné d’un abondant commentaire. La « symphonie » était un instrument à vent, ou peut-être un « tambour de basque » (Keller, p. 63).