Un épisode de l’histoire du Nouvion-en-Thiérache

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Le Nouvion-en-Thiérache est un gros bourg de l'arrondissement de Vervins, qui faisait autrefois partie du duché-pairie de Guise. Trois mille habitants, belle église moderne, palais scolaire, ligne de chemin de fer qui donne la communication facile et rapide avec Paris. Superbe forêt, percée de routes en tous sens, à l'entrée de laquelle se trouve une grande maison de campagne, le « château » ; belles promenades, allées vertes, ruisseaux et fontaines. Les terres labourables du XVIIIe siècle ont été converties en prairies, ou plutôt en « pâtures », selon l'expression du pays, toutes encloses de haies et pour la plupart plantées de pommiers. Industrie : beurre délicieux, fromages succulents. Si vous aimez la nature luxuriante, le bon air, la verdure, les bêtes à cornes, allez au Nouvion ; quand le temps est beau, le séjour est enchanteur. Les habitants sont affables et bienveillants; il y a bien quelques exceptions; mais, comme chacun sait, l'exception confirme la règle.

UN ÉPISODE DE L'HISTOIRE DU NOUVION-EN-THIÉRACHE

L'abolition des droits féodaux fut un des premiers actes de l'Assemblée Nationale (4 août 1789), et ne souleva nulle part autant d'enthousiasme que dans le duché de Guise. Il y avait longtemps que le peuple des campagnes supportait impatiemment ce dernier vestige de la féodalité, et, bien avant 1789, plusieurs villages et bourgs de la Thiérache, notamment Le Nouvion, avaient protesté et s'étaient insurgés contre le prélèvement de la part du seigneur. Les droits féodaux pesaient-ils plus lourdement que les impôts actuels? Cela paraît difficile à croire, mais le mode de perception n'était pas le même ; confié à des fermiers qui louaient à bail et qui cherchaient avant tout leur bénéfice, il revêtait souvent une forme vexatoire dont on ne s'accommodait guère; et puis on percevait en nature, et tel qui payait volontiers quelques sols murmurait en voyant enlever de son champ quelques gerbes de blé ou d'avoine, toujours les plus belles. Les laboureurs ne pouvaient rentrer leurs grains qu'après le passage des fermiers et la perception des droits, et le mauvais temps survenait souvent sans qu'il fût possible d'y soustraire la récolte faite. Les protestations se renouvelaient tous les ans, querelles avec les collecteurs, procès, arrêts, et invariablement condamnation des habitants du Nouvion. La résistance avait commencé dès la fin du XVIIe siècle ; elle va s'accentuant pendant la première moitié du XVIIIe, et arrive à la période aiguë vers 1740.

Nous ne dresserons pas la liste des droits seigneuriaux qui composaient la « ferme du Nouvion » ; l’énumération de tous ces termes, aujourd’hui hors d’usage et inconnus du grand nombre, serait fastidieuse ; il faut cependant en expliquer quelques-uns. La perception des droits était faite d’après le terrier de 1612, époque à laquelle le duc de Guise[1], tenant compte de nombreuses réclamations, avait ordonné la révision générale des impôts dans le duché, suivant la déclaration exacte des terres, prés, fiefs, etc. Le terrier de 1612, modifié cent ans plus tard, resta en vigueur jusqu'à la Révolution. Voici les principaux droits qu'il consacrait :

Le droit de terrage était dû à raison de sept gerbes et demie par cent; il devait être rendu à la grange du seigneur ou de son fermier sous peine de 3 livres 15 sols d'amende; il y avait en outre des cens et rentes en argent, chapons, poules et avoine: voilà pour la terre.

Les habitants du Nouvion payaient un droit de bourgeoisie de 12 deniers parisis par ménage, un droit de four banal de pareille somme, et les droits des deux foires franches.

Nous mentionnerons en outre les droits de rouage et d'afforage : le premier consistait en quatre pots par chariot et deux pots par charrette de vin, eau-de-vie, bières et autres breuvages apportés et débités au Nouvion; — le second en seize pots par brassin de bière, un pot par chaque pille de vin et autres breuvages, avec un pain, un fagot, un quartier de fromage et une gousse d'ail; —les dits droits à prendre et percevoir sur tous les brasseurs, cabaretiers et débitants d'eau-de-vie et autres breuvages au bourg du Nouvion.

Tenons-nous en là; quelques-uns de ces droits étaient bizarres et surannés; figurez-vous la perception de quartiers de fromage et de gousses d'ail! Il est facile de s'imaginer les réclamations, difficultés, querelles qui pouvaient se produire. Le droit de terrage était celui qui soulevait le plus de résistance, et c'est surtout contre ce droit que Le Nouvion s'insurgea pendant cinquante ans.

Un premier arrêt fut rendu par le Parlement de Paris contre les habitants du Nouvion le 18 août 1682; il ne reçut pas d'exécution. A la fin du règne de Louis XIV, la Thiérache, désolée par la guerre, était presque ruinée, et les droits ne pouvaient guère être perçus ; cependant un arrêt du 26 juillet 1714 vint confirmer le premier. Les habitants protestèrent, entamèrent une nouvelle instance, et s'inscrivirent en faux, tant contre le terrier de 1612 que contre différentes déclarations et actes postérieurs. Le 27 août 1717, ils furent condamnés à payer les droits de terrage, cens, rentes, etc., suivant le terrier de 1612. Ils s'obstinèrent, et la lutte continua.

Au mois de novembre 1720, Pierre Liénard et Jean-Baptiste Beauboucher sont condamnés à payer à Jacques Lemaire, Jean Denis, Jacques Fournier, adjudicataires de la ferme du Nouvion, entre les mains de leur receveur, Maurice Azambre, le droit de terrage à raison de sept gerbes du cent de toutes natures et espèces de grains par eux récoltés; défense leur est faite de lier et de faire enlever à l'avenir les grains de leur moisson, qu'ils n'aient au préalable averti les commis des dits Lemaire, Denis, Fournier, et payé le droit de terrage. Ils en appelèrent, furent condamnés, ne se découragèrent pas pour cela, et firent traîner l'affaire en épuisant toutes les juridictions. Eux morts, leurs héritiers la reprirent et la continuèrent, et tout se termina par un suprême arrêt rendu contre eux le 1er juin 1736. L'affaire avait duré seize ans ! L'exécution de l'arrêt en demanda six!

Ils n'étaient pas les seuls à protester. Dès 1723, Jacques Wattier, Jacques Beau-boucher et Jean Vitu, laboureurs au Nouvion, sont en procès contre le duc de Bourbon. Beaucoup d'autres, sans entamer d'instance, refusaient simplement de payer. Vers 1735, la plupart des laboureurs ne réglaient plus le droit de terrage.

Les Nouvionnais furent encouragés dans leur lutte par le gain d'une cause où, cette fois, le droit était de leur côté. Les habitants nommaient chaque année leurs officiers municipaux; l'élection devait être ratifiée par le bailli du duché de Guise; mais en 1737, au plus fort des difficultés soulevées par la perception des droits, le bailli crut devoir faire acte d'autorité et annula l'élection d'une municipalité hostile. Aussitôt la requête suivante fut adressée au Parlement :

« A nos seigneurs du Parlement en la grand'chambre, supplient humblement Pierre Accatebled, Antoine Goret père et fils, Jacques Beauboucher, Pierre Denis, Alexandre Legrand, Jean Vitu, Antoine Moreau de Malassise, Pierre-André Duchesne, Louis Hazard, Martin Furet, etc., etc., tous laboureurs et principaux habitants du bourg du Nouvion-en-Thiérache, tant en leur nom que se portant fort pour la plus saine partie des habitants dudit Nouvion, disant les suppliants que les habitants et communauté du Nouvion sont en droit immémorial de donner leurs suffrages pour la nomination et élection des officiers municipaux dudit bourg du Nouvion, lequel usage est universel dans la Champagne, la Picardie, la Thiérache, le Laonnois et le Soissonnois, où les officiers, dans les moindres villages comme dans les plus grosses villes, sont nommés à la pluralité des voix des habitants; jamais ce droit de nomination n'a été contesté aux suppliants, qui en ont toujours joui exactement. Après la nomination faite par les habitants des officiers municipaux à la pluralité des voix, les seigneurs du duché-pairie de Guise, qui ont la haute, moyenne et basse justice, ont droit, par eux et leurs officiers, de recevoir et nommer pour maire et lieutenant de maire ceux qui se trouvent avoir été nommés par les habitants, et de leur faire prêter le serment, en sorte que cette réception et nomination ne fait que donner le sceau à l'élection précédemment faite par les habitants, parce que ce droit d'élection leur appartient incontestablement et leur a toujours appartenu. Le 5 mai 1737, jour du dimanche, les suppliants et autres habitants du Nouvion, dûment assemblés au son de la cloche pour la nouvelle nomination de maire, lieutenant et échevin pour ladite année, ayant donné leurs voix et nommé pour maire du Nouvion François Baheux, pour lieutenant Henri Briquet, pour échevin Antoine Moreau de la Fontaine des Pauvres, et pour syndic Claude Chéry, il a plu aux officiers de M. le duc de Bourbon, prince de Condé, duc de Guise, de nommer de leur autorité privée Joseph Garbe pour maire, Charles Macon pour échevin, et Louis-Joseph Tupigny pour syndic...» ; les habitants demandaient au Parlement d'annuler l'élection et d'assigner le duc de Bourbon[2] en dommages-intérêts. Ils eurent gain de cause, et la nouvelle municipalité, grisée de ce succès, continua la résistance et dirigea le mouvement.

Cependant le conseil du duc de Bourbon comprenait qu'il fallait en finir. Le 7 décembre 1737, il ordonna, pour faire acte de conciliation, de procéder à la réformation du terrier du duché de Guise, ajoutant « qu'il serait à propos de faire terminer à l'amiable ou par les règles de la justice les contestations que les habitants du Nouvion ont formées et font encore sur la perception du droit de terrage, au payement duquel ils ont été condamnés par arrêt du Parlement, en nom collectif avec quelques particuliers »[3]. Les Nouvionnais ne voulurent rien entendre et la lutte recommença de plus belle. Une instance entamée en 1733 par Alexandre Legrand, Antoine Goret, Jean Denis, Martin Furet, Jacques Wattier et Antoine Moreau était toujours pendante; à la fin de 1737, « trente particuliers intervinrent dans cette cause et se joignirent aux six dénommés par de mêmes conclusions » ; le droit de terrage fut refusé presque unanimement.

La situation s'aggrava en 1738. Au moment de la récolte, la municipalité du Nouvion écrivit à l'officier de la maréchaussée de Guise[4], le priant « de vouloir bien avoir la bonté de prêter la main dans nos pressants besoins au sujet d'un fermier qui nous persécute et enlève nos grains sur les champs». On se révolta contre les terrageurs : « Les hommes n'ont point paru ; mais toutes les femmes en troupe se sont jetées sur un charretier qui conduisoit la voiture, l'ont arrêté et ont éparpillé les gerbes. On a crié au voleur sur les terrageurs ». Le 15 septembre 1738, plus de cent personnes des deux sexes se présentèrent à Marlemperche, au domicile de Maurice Azambre[5], fermier du duc de Bourbon, pour reprendre le terrage perçu sur le terroir du Nouvion. Assisté de Jean Lancien, garde forestier, et de quelques ouvriers, Azambre parvint à leur interdire l'entrée de sa grange, et les mutins se retirèrent avec force menaces et imprécations, « disant qu'ils reviendroient bientôt pour reprendre le terrage, et que tous ces bougres de voleurs n'oseroient se présenter pour terrager davantage sur le terroir dudit Nouvion; qu'on saccageroit tout ». D'ailleurs, une grande partie du terrage n'avait pu être perçue; beaucoup de laboureurs avaient rentré leurs grains sans attendre le passage des fermiers; la présence d'un huissier, requis pour instrumenter contre les récalcitrants, ne fit qu'animer les colères. « Jacques Garbe, avec trois quidams inconnus, a repris de force ouverte dans la charrette du terrageur cinq gerbes qu'on avait perçues pour le terrage. — Simon Legrand avait ameuté contre les commis du fermier vingt-cinq habitants, tant hommes que femmes. — Un autre s'était fait assis- ter de soixante-dix habitants du Nouvion, tous armés de fourches et de bâtons, qui proféraient des imprécations horribles. Henri Briquet, maire, a porté un coup de fourche à l'un des assistants de l'huissier». Les marguilliers se mirent de la partie et protestèrent contre l'enlèvement de 25 gerbes de grains sur le bien de l'église. Une série de procès s'ensuivit.

Le 23 mai 1739, un arrêt du Parlement condamna Alexandre Legrand, Antoine Goret, et quelques autres au payement de la somme de 88 livres 7 sols 3 deniers.

Ces longues instances étaient onéreuses pour Le Nouvion ; alors, comme maintenant, on ne plaidait pas gratis. « L'intention des habitants n'ayant jamais été de refuser le payement des droits qui sont dus à Son Altesse Sérénissime, ils ont cru prévenir les suites d'un long procès qui les ruine et qui les accable en se soumettant de payer le droit de terrage suivant la quotité qui se trouverait fixée et établie par un titre valable »; tel est le préambule d'un long mémoire que deux habitants du Nouvion allèrent présenter au conseil du duc de Bourbon au mois de mai 1739. On trouva leurs propositions si déraisonnables qu'elles furent toutes rejetées. L'insuccès de leur démarche n'était pas fait pour calmer les Nouvionnais; ils envoyèrent une députation à Paris pour presser les gens de justice, et résolurent en même temps de refuser le paiement de tous les droits, quels qu'ils fussent. Le dimanche 26 décembre 1739, Nicolas Gardé et Maurice Azambre, assistés de Charles Terlant, sergent immatriculé au bailliage du duché et pairie de Guise (huissier), se rendirent au Nouvion à l'issue de la messe paroissiale, à l'effet d'y recevoir les cens et rentes ; personne ne se présenta. Ils attendirent en vain deux jours entiers. « Après plusieurs sommations et interpellations faites au son de la cloche en la manière ordinaire et accoutumée, les maire, lieutenant, échevin, syndic, habitants et communauté du bourg du Nouvion ont fait refus tout de pleine voix de payer les droits ». L'année 1740 vit se produire de graves incidents. Le 23 septembre éclata une véritable rébellion. Certains de rencontrer de grandes résistances dans la perception du droit de terrage, Azambre et Gardé avaient requis la force armée. Ils étaient assistés de Nicolas-François Quinebaux, sergent royal (huissier) immatriculé au bailliage général de Vermandois, de Charles Terlant, sergent au duché-pairie de Guise, d'Abel-Baptiste Beffroy, exempt de la maréchaussée de Guise, et de ses quatre cavaliers, sans compter quatre ou cinq ouvriers amenés de Guise comme témoins. Voici comme ils furent reçus : « Étant sur le point d'entrer dans une pièce de terre, lieu dit la Terre-au-Pot, empouillée en bled, fauchée et mise en hutelettes, ce qui est expressément défendu, laquelle pièce de terre appartenant à Henri Briquet, maréchal-ferrant et maire du Nouvion, lesquelles hutelettes il lioit et faisoit lier par des ouvriers à nous inconnus, nous avons aperçu un homme partir de ladite pièce de terre, qui couroit à grands pas pour avertir une troupe innombrable de paysans armés de fourches à dents de fer et grands bâtons, au nombre de plus de cinquante, qui étoient en embuscade aux environs de ladite pièce de terre, et qui sur-le-champ se sont mis en devoir de venir à notre rencontre; ce qui nous faisant croire que ces gens ne venoient à nous que dans le dessein de former une rébellion, nous avons sommé ledit Briquet de nous dire à quel dessein il avoit envoyé chercher cette troupe si nombreuse, et si c'étoit pour empêcher de payer le droit de terrage dû à Son Altesse Sérénissime; à quoi il nous fit réponse qu'il n'entendoit payer aucun droit de terrage, et qu'il n'avoit donné aucun ordre à cette troupe de nous insulter; à quoi nous lui avons fait réponse qu'il prit garde à lui, et que si ces gens venoient pour nous insulter et mal- traiter, comme il nous l'a bien paru, nous le rendions responsable en son pur et privé nom, comme maire du Nouvion et maître de la pièce de terre où nous étions, de tous les événements qui pourroient en arriver; ce qui, loin de contenir cette troupe mutine et appelée par ses ordres, n'a pas empêché qu'aussitôt son arrivée la plus grande partie de ceux qui la composoient (tous gens à nous inconnus, à l'exception de Louis Denis et de Louis Chevalier, tous deux laboureurs à Barzy-sur-France, et Toussaint Rousseau, valet dudit Louis Denis, tous trois armés de chacun une fourche, du reste la plupart nous ont paru être de la paroisse du Nouvion et de Barzy), ont commencé par donner à grands coups de fourche, tant sur moi que sur la brigade de la maréchaussée et mes témoins, de manière que Cabaret, l'un des cavaliers, pour se débarrasser des coups précipités qu'on lui portoit sur le corps, desquels il a manqué d'être tué par un coup de fourche poussé à vive force dans l'estomac s'il ne l'eût paré avec un de ses pistolets, fut obligé de tirer sur son adversaire, sans savoir s'il l'a blessé ou non, n'ayant que le temps de parer les coups qu'on lui lâchoit, desquels il fut jeté en bas de son cheval et mis hors de défense, de même que Petteau et Lequin, aussi cavaliers, qui, accablés de pareils coups de fourche, furent aussi obligés de lâcher chacun un coup de pistolet sans en avoir su les événements, et n'ont pas même eu le temps — voyant grossir la troupe de plus en plus par toute sorte de gens de l'un et de l'autre sexe qui arrivoient de toutes parts, aussi armés de fourches, bâtons et râteaux, qui crioient au plus fort : « Il faut tuer tous ces bougres de voleurs-là, et que pas un d'eux n'en échappe! , — de reprendre, savoir Cabaret son chapeau, sa perruque et son épée, et Lequin son chapeau et son mousqueton cassé, dont la crosse est restée sur le champ. Voyant donc que nous n'étions pas les plus forts, et que plusieurs d'entre nous étoient dangereusement blessés par des contusions et excoriations sur toutes les parties du corps, provenant des coups de fourche lâchés sans mesure par ces mutins rébellionnaires, nous avons pris le parti, pour éviter un plus grand danger et nous abstenir d'en tuer quelques-uns, de nous retirer sans que nous ayons pu leur faire autres sommations ni interpellations, non plus qu'au dit Briquet, maire, qui loin d'empêcher le tumulte en sa dite qualité, l'a autorisé, puisque cette troupe n'étoit là sans doute que par ses ordres et à portée de son champ pour se trou- ver en état de lui prêter secours au premier signal, et empêcher la perception du droit de terrage; ainsi que le nommé Maurice Canon, huissier demeurant au Nouvion, que nous avons vu assis sur une des hutelettes, lequel étoit là sans doute pour verbaliser à l'avantage des mutins, comme il l'a fait les années précédentes, et exciter le tumulte. Après quoi nous nous sommes retirés, toujours menacés et même frappés par les mu- tins, jusqu'à presque l'entrée du bourg, au domicile de Louis Hazard, hôte du cabaret où pend pour enseigne le Croissant, chez lequel nous avons fait et dressé le présent procès-verbal de rébellion, voies de fait et menaces... »[6].

Après une rigoureuse information, le conseil du prince de Condé[7] obtint « cinq ordres du Roi pour arrêter plusieurs particuliers du Nouvion et une lettre de cachet pour remettre à M. de Sainte-Suzanne à l'effet de les recevoir au château de Guise.... M. de Sainte-Suzanne a reçu un ordre de faire désarmer les habitants du Nouvion. Il faut commencer l'opération de la liquidation des arrérages dans l'instant que tous ces gens seront en prison. C'est une opération très importante et qu'il faut faire toute chose cessante, à la rigueur absolument. Il n'y a plus à reculer »[8]. L'affaire fut vivement poussée devant le Parlement, qui, le 4 juillet 1741, rendit un arrêt ainsi conçu : « Les nommés Toussaint Rousseau, valet de Louis Denis, Henri Briquet, maréchal et maire du Nouvion, un des enfants de Louis Chevalier et Louis Denis, laboureurs à Barzy, seront pris au corps et conduits dans les prisons de Ribemont pour être ouïs et interrogés par-devant le lieutenant criminel de Ribemont. S'ils ne peuvent être pris, ils seront assignés à quinzaine, leurs biens » saisis et annotés, et sur iceux commissaires établis, jusqu'à ce qu'ils ayent obéi ».

De leur côté, Nicolas Gardé et Maurice Azambre s'adressaient au conseil pour obtenir la remise de leur fermage. En trois ans (1738, 1739, 1740), ils n'avaient perçu que 3802 livres 14 sols[9]. Une dernière signification faite par ministère d'huissier le 7 mai 1741 n'avait produit aucun effet sur les Nouvionnais, « toujours obstinés et rebelles, et jurant qu'ils ne payeront rien, menaçant de maltraiter les fermiers et les huissiers. »

Sur ces entrefaites, le lieutenant criminel de Ribemont, à qui l'on reprochait sa mollesse et ses lenteurs, tomba en apoplexie; un arrêt du 5 août commit en son lieu et place le substitut du procureur général au siège de Ribemont, ou le lieutenant-général civil. Le même arrêt permettait aux fermiers du duché de Guise de se faire assister, pour la perception du droit de terrage, de tel nombre d'officiers et archers de la maréchaussée qu'il serait nécessaire, « en leur payant leurs salaires raisonnables ». En même temps, M. de Jarlière, directeur des terriers du duché de Guise, envoyait des instructions précises à M. de Lalande, maître général des eaux et forêts, résidant à Etréaupont : « Je commence à croire, écrivait-il le 6 août, que le conseil de S. A. S. veut à présent donner tous ses soins pour avoir raison de nos mutins; je suis d'avis de les laisser tranquilles cette semaine, en recommandant aux fermiers de s'appliquer seulement à bien marquer leur terrage, sans témoigner la moindre envie de l'enlever, et d'obtenir de M. de Sainte-Suzanne un détachement, qui, avec la maréchaussée et le sergent et ses recors, ira enlever dans les granges ce qu'ils auront recueilli pendant la semaine, et de leur donner ce réveille-matin tous les dimanches ». L'huissier et les gendarmes, se souvenant des coups reçus, et s'imaginant bien la réception que leur ménageaient les habitants du Nouvion, refusaient d'y retourner. « J'ai remis le cœur au ventre à notre maréchaussée et j'espère qu'elle marchera de bon cœur », écrivait M. de Jarlière à M. de Lalande, qui lui répondait le lendemain : « L'huissier a la fièvre depuis son retour de Ribemont; mais, quand il ne seroit point malade, il auroit de la répugnance à retourner au Nouvion; il se souvient encore du mauvais traitement qu'il y a reçu l'année dernière, dont il a été près de trois semaines sans sortir ». Le pauvre huissier se plaignait en outre qu'on eût retranché 43 livres sur son mémoire des frais; c'était vraiment décourageant; aussi ne voulait-il pas se laisser rassurer : « Nous ne pouvons guérir le sieur Quinebaux de la peur; ainsi il faudra tâcher de s'en passer. Si vous jugez à propos d'envoyer chercher l'huissier d'Origny, on s'en servira, et à son défaut j'en pourroi trouver deux à Guise qui seront plus hardis que Quinebaux »[10]. Quant aux gendarmes de Guise, ils ne voulaient plus bouger : « Il ne faut pas compter que la maréchaussée de Guise marche seule; il faudra rassembler plusieurs brigades »[11]. Ce n'était plus le temps, d'ailleurs, de faire instrumenter un huissier accompagné de quatre gendarmes; on en avait fait l'expérience l'année précédente. Pour arriver à un résultat, il fallait agir plus vigoureusement : « Il est question de vaincre sans péril, et non pas de combattre; il faut demander des troupes aux commandants d'Avesnes ou de Landrecies »[12]. En même temps, le comte de Charolais, tuteur du jeune prince de Condé, s'adressait directement au marquis de Breteuil, ministre de la guerre, et celui-ci envoyait à M. de Sainte-Suzanne, gouverneur de Guise, l'ordre de tenir des troupes à la disposition des agents du duché. « Si la maréchaussée refuse de marcher, comme il semble que le sieur Beffroy en a envie, vous ferez assister les fermiers et terrageurs par les soldats seuls. Cette affaire tient extrêmement à cœur à S. A. S., qui voit avec peine l'opiniâtreté dés habitants. Il y a grande apparence que nous ne percevrons pas la totalité du terrage, par les précautions que les habitants auront prises; mais du moins verront-ils qu'on ne les a pas tout à fait oubliés, en attendant l'année prochaine »[13].

Enfin la gendarmerie se décida à marcher, appuyée, il est vrai, d'un détachement de la garnison de Guise, 23 hommes commandés par un lieutenant, pour assister les fermiers dans la perception du droit de terrage. Un huissier les accompagnait, porteur des ordres du Roi et des arrêts de la Cour. En arrivant au Nouvion, le 21 octobre 1741, l'escorte trouva les habitants attroupés au nombre de plus de six cents, armés de fusils, pistolets, fourches, etc., et dut s'arrêter. L'huissier attendit patiemment. Le 24, il fit sonner la cloche et donna lecture aux habitants de l'ordre du Roi portant commandement à M. de Sainte-Suzanne de donner un détachement de sa garnison afin de faire exécuter les arrêts de la Cour; puis, s'adressant au syndic, l'huissier demanda si les habitants voulaient obéir aux ordres du Roi. Le syndic ne répondit que par des paroles de mépris et d'injures; les habitants envahirent la halle, en occupèrent toutes les issues, et menacèrent d'assommer les soldats et les gendarmes s'ils voulaient exécuter les ordres dont ils étaient porteurs : « Nous avons bien battu et roué de coups l'année dernière la maréchaussée; nous devions, à ce que l'on disait, être tous pendus, et nous voilà encore; nous vous ferons pis, car vos fosses sont prêtes. Si Gardé ne s'était retiré, nous aurions commencé par lui, et il aurait été abîmé ». L'escorte battit en retraite; procès-verbal fut dressé, envoyé à Paris, et aussitôt transmis au Parlement, avec une pressante requête. De leur côté, les Nouvionnais rédigèrent sans retard un placet, qu'ils adressèrent au cardinal de Fleury, premier ministre, et au ministre de la guerre. Ceux-ci le communiquèrent au comte de Charolais, qui en saisit son conseil et y répondit de suite par un mémoire bien libellé. « Lisez le procès-verbal de ce qui vient de se passer, écrivait-il au ministre de la guerre le 5 novembre; vous y verrez la rébellion la plus forte qui ait jamais été, et dont je vous prie de rendre compte au Roi, à qui je demande d'employer son autorité pour réduire de telles gens. Je crois que le meilleur moyen pour y parvenir est d'y envoyer des troupes à discrétion, de la garnison de Landrecies ou de tel endroit que vous jugerez à propos, de faire désarmer toute la communauté par lesdites troupes, d'exiler ou faire mettre en prison les principaux chefs des mutins, et de faire prêter main-forte aux arrêts, de façon que force reste à justice ». Le Roi prit fait et cause pour son cousin, et donna l'ordre d'envoyer des troupes au Nouvion : « C'est le commencement de la punition que Sa Majesté leur prépare. Les troupes seront logées chez les mutins, afin que les bons ne puissent pas souffrir de la faute de leurs compatriotes[14].» Au commencement de décembre, un détachement d'infanterie et de cavalerie de la garnison de Maubeuge (grenadiers et hussards) arrivait au Nouvion. Le sieur Beffroy reçut aussi l'ordre de s'y rendre de Guise avec ses gendarmes; il ne s'en souciait guère et n'était pas rassuré; dans une lettre adressée le 6 décembre à M. de Lalande, il insinuait « qu'une seconde brigade de maréchaussée avec la sienne feroit un bon effet ». Inutile de dire que les troupes furent froidement reçues ; mais cette fois la résistance était impossible; ce n'était plus aux fermiers du prince de Condé qu'on avait affaire, et, en voyant arriver les « soldats du Roi », les habitants comprirent la gravité de la situation. Le commandant des troupes était porteur de lettres de cachet ; les principaux meneurs furent arrêtés et envoyés dans la prison de Ribemont. Les Nouvionnais désarmèrent aussitôt et firent des propositions d'accommodement; elles furent accueillies avec défiance. « Il ne s'agit plus de notre part de nous laisser amuser, ni de la leur de se moquer de nous », écrivait M. Joly à M. de Lalande le 28 janvier 1742 ; et quelques jours après : « Il n'y a qu'un moyen d'en finir, c'est de consentir la liquidation exacte de tous les arrérages qui sont dus, tant du droit de terrage que de tous les autres droits qu'ils ont contestés, de passer de bonnes déclarations tant de la part de chaque particulier que par la communauté en corps, bien relatives à tous les arrêts que nous avons. Toute la grâce que ces mutins pourroient espérer ne pourroit jamais rouler que sur le plus ou moins d'arrérages ; ainsi il ne s'agit point à présent de pourparlers, il ne s'agit que de presser l'opération dont M. de Jarlière est chargé »[15]. C'était dur pour les Nouvionnais ; ainsi leur longue résistance restait vaine, et il leur fallait reconnaître ces droits qu'ils refusaient depuis si longtemps. Ne pouvant rien contre la force, ils essayèrent encore des voies de justice, et au mois de février 1742 ils interjetèrent appel des sentences rendues contre eux. Effort inutile! Condamnés par une longue série d'arrêts, ne comptant plus sur la justice, voyant leurs maisons occupées par les soldats, ils comprirent qu'il fallait céder; quelques chapons ou gerbes de blé ne valaient pas l'entretien d'une garnison. Cependant ils eurent un moment d'espoir. Depuis quelques mois la France était en guerre avec l'Autriche, et la situation se dessinait mal ; une armée française était bloquée dans Prague, les autres n'avaient guère meilleure posture; il fallait rassembler de nouvelles troupes, et le détachement du Nouvion allait, disait-on, regagner Maubeuge. Les agents du duché en étaient inquiets, et craignaient en outre que les officiers, pris d'ennui, ne demandassent à se retirer avec leurs hommes. M. Joly recommandait de procurer des douceurs aux troupes et de donner du gibier aux officiers[16]. « Je ne doute pas que les officiers ne soient bien contents. Je serois fort fâché qu'on nous retirât les troupes, car nous en aurons grand besoin lors de la prochaine récolte et pendant la liquidation des arrérages »[17] et le 7 mars : « J'ai rendu compte de votre appréhension qu'on ne nous retire les troupes du Nouvion si le régiment a ordre de marcher. S. A. S. m'a dit qu'on ne pouvoit quant à présent faire aucune démarche et qu'il ne pouvoit en demander d'autres que celles-là ne fussent retirées ».

Rien ne bougea, et les Nouvionnais députèrent deux des leurs à Paris pour proposer un accord définitif. Un mémoire de leurs réclamations, annoté par M. de Jarlière, fut transmis au conseil. Le 1er avril, la lettre suivante fut adressée au comte de Charolais : « Les habitants du Nouvion-en-Thiérache représentent très humblement à Votre Altesse Sérénissime que, dans le dessein où ils sont de se soumettre entièrement à ses volontés et non de continuer à soutenir contre elle un procès qui ruine leur communauté, ils sont prêts de lui reconnaître les droits de terrage et de cens qu'elle leur demande en conformité du terrier de 1612; mais comme la levée de ces droits leur paraît peu supportable, par la rigueur des fermiers qui exercent sur eux des violences et leur demandent des droits qui ne sont pas dus, ils sont persuadés que Votre Altesse Sérénissime n'auroit point toléré leur conduite si ces faits lui avoient été connus. Ils la supplient très humblement de vouloir bien charitablement leur accorder la ferme desdits droits, aux mêmes prix, clauses, charges et conditions qu'elle est à présent affermée, étant indifférent à V. A. S. de quelle manière elle perçoive ses droits. Et comme ils sont dans une extrême pauvreté, causée par trois à quatre années de chétive dépouille (récolte), par la cherté des vivres et l'accablement des troupes, ils supplient très humblement V. A. S. de leur accorder la remise et décharge des arrérages, comme aussi l'élargissement de leurs pauvres prisonniers, le départ des troupes et la compensation des dépens faits pour raison de toutes procédures concernant lesdits droits, et qu'icelles procédures demeurent assoupies, terminées et éteintes ».

C'était trop demander, et voici ce qui leur fut répondu :

« Les intentions de S. A. S. Mgr le comte de Charolais et du conseil de Mgr le prince de Condé sont de n'entendre à aucun arrangement avec les habitants du Nouvion que :

1° Toute la communauté en corps, et nommément tous les particuliers, chacun à son égard, qui ont paru en tous temps les plus animés, ne se soient positivement et expressément soumis par écrit non seulement à ce qui est contenu dans les terriers, mais aussy à l'exécution de tous les arrêts rendus contre eux, dont » on établira la filiation;

2° Qu'ils ne se soient, en corps de communauté et chacun en particulier, désistés de toutes instances et procès pendants soit au Parlement ou aux Requêtes du Palais, sur lesquels désistements sera passé arrêt;

3° Qu'ils n'ayent consenti le règlement de tous les frais qui ont été faits contre eux, soit à Paris, soit à Ribemont et à Guise;

4° Que la liquidation de tous les arrérages du terrage qui peuvent être dus ne soit faite contradictoirement par le lieutenant-général de Ribemont avec toute la communauté et avec tous lesdits particuliers, et homologuée par arrêt du Parlement;

Sauf ensuite à faire par S. A. S. et le conseil telle grâce et tels arrangements qui seront jugés nécessaires ».

Le 22 avril 1742, toute la communauté du Nouvion s'assembla en corps, au son de la cloche, et passa une déclaration qui fut signée de plus de trois cents habitants, chefs de famille, dont les plus séditieux sont du nombre. Lesdits habitants se soumettent pleinement à l'exécution de tous les arrêts rendus contre eux, se désistent généralement de toute instance, s'obligent à payer tous les frais, tous les arrérages des droits de terrage et autres droits seigneuriaux, et supplient très humblement S. A. S. de leur faire grâce sur partie des arrérages desdits droits de terrage ».

La lutte était bien finie, et la soumission complète. Le 20 mai, le comte de Charolais demanda au ministre de la guerre la levée de la garnison, l'élargissement des prisonniers, et ordonna de récompenser la troupe. 50 pistoles furent distribuées aux soldats; chaque officier reçut un panier de cent bouteilles de vin de Champagne; ils quittèrent Le Nouvion avec joie. Nul doute que le plaisir ne fût partagé par les habitants, mais tout n'était pas fini pour eux. Heureusement le conseil du prince de Condé ne fut pas impitoyable ; le 14 juin, il autorisa M. de Jarlière « à faire avec tous les particuliers qui y voudroient consentir la liquidation des arrérages du terrage à l'amiable, par grâce et pour leur éviter des frais ». Le 19 juillet, M. de Jarlière fut invité à transiger définitivement avec le corps de communauté du Nouvion; après quelques pourparlers on demeura d'accord, et la transaction fut signée le 15 août; en voici les principaux termes :

Le Nouvion se reconnaissait redevable de 38,460 livres envers le prince de Condé; le conseil du prince réduisait gracieusement cette somme à 16,000 livres, payables en dix ans. Les habitants devaient passer déclaration au terrier du Nouvion; ceux qui s'y refuseraient ou qui ne signeraient pas la transaction paieraient la totalité de leurs arrérages, sans profiter de la remise et sans participer au paiement des 16,000 livres. Les héritiers Liénard et Beauboucher avaient les honneurs d'un article spécial : ils devaient payer les 1,161 livres dues pour les arrérages des droits seigneuriaux de 1720 à 1728, selon l'arrêt du 1er juin 1736. En outre, les habitants du Nouvion acquiesçaient aux nombreux arrêts rendus contre eux de 1682 à 1740. Ils finissaient en rendant très humbles grâces à S. A. S. de la clémence dont elle usait à leur égard, et promettaient sincèrement de lui rendre tous devoirs de bons et fidèles censitaires et vassaux[18].

Les Nouvionnais se Jouaient à bon droit de la clémence du comte de Charolais; ils en eurent encore besoin et en usèrent largement. Les dix ans convenus pour le payement des 16,000 livres étaient écoulés que la somme presque entière restait encore due ; ils trouvèrent le moyen d'en détourner une partie au profit de leur ville. Au mois d'août 1754, les habitants et communauté du Nouvion « demandèrent à S. A. S. et au conseil de leur accorder la grâce de faire reconstruire la maison servant d'hôtel de ville, où seront l'audience, les prisons et les logements des maîtresses d'écoles ». Un devis fut demandé; le prince de Condé accorda son autorisation, et à la fin de l'année on procéda à l'adjudication au rabais. Alexandre Beauboucher obtint les travaux, qu'il avait offert d'exécuter pour la somme de 4,380 livres. Par décision du prince de Condé, cette somme de 4,380 livres devait venir en déduction des 16,000 livres dues par Le Nouvion d'après la transaction du 15 août 1742 : c'était une belle faveur, et la reconnaissance fut grande. Le marché fut signé le 5 janvier 1755 par Beauboucher, entrepreneur; Buffy, maire; Huget, lieutenant; Legrand, syndic; Garbe, procureur fiscal; Mayeur, Gosseau, etc., et Nicolas Delavigne, ingénieur-géographe, représentant le prince de Condé. Celui-ci donna sa ratification le 2 février suivant, et les travaux commencèrent bientôt; ils furent terminés en quinze mois, et la réception eut lieu le 26 octobre 1756. Cet hôtel de ville occupait le milieu de la place actuelle; il fut démoli en 1846 et remplacé quelques années plus tard par celui que l'on voit aujourd’hui.

FIN.
  1. Le duché de Guise passa de la maison de Lorraine dans la maison de Condé après la mort de Mademoiselle de Guise (1688). Celle-ci n’avait pas été mariée ; tous ses biens échurent à Anne de Bavière, femme de Henry-Jules de Bourbon, prince de Condé, et à Henriette-Bénédicte de Bavière, femme de Jean-Frédéric, duc de Brunswick-Hanovre. Les deux sœurs descendaient de Catherine de Lorraine, qui avait épousé leur grand-père Charles de Gonzague, duc de Nevers, et c’est à ce titre qu’elles héritaient des biens de Mademoiselle de Guise. La duchesse de Brunswick céda ses droits moyennant finances, et le duché de Guise resta en entier aux princes de Condé, qui le conservèrent jusqu’en 1830. Ce qui en reste appartient aujourd’hui à M. le duc d’Aumale.
  2. Depuis 1710, le duc de Guise était Louis-Henri de Bourbon, prince de Condé, appelé le duc de Bourbon, qui fut premier ministre de Louis XV de 1722 à 1726, et mourut en 1740.
  3. Les documents que nous citons sont tirés des archives de l'ancien duché de Guise, conservées au Musée Condé, à Chantilly.
  4. La lettre est signée Henry Briquet, maire, Claude Chéri, syndic, et Jean Vitu.
  5. Le 29 octobre 1737, la ferme du bourg du Nouvion, hameaux et dépendances, et celle du fief de Beauchamp, avaient été adjugées à Nicolas Gardé, laboureur, demeurant au Petit-Dorengt, et à Maurice Azambre, aussi laboureur, demeurant à Marlemperche, pour la somme de 2650 livres par an.
  6. Procès-verbal dressé par l'huissier Quinebaux, le même jour 23 septembre 1740.
  7. Le nouveau prince de Condé, Louis-Joseph de Bourbon, n'avait que quatre ans. Il avait pour tuteur son oncle, Charles de Bourbon, comte de Charolais.
  8. M. Joly, secrétaire du conseil, à M. de Lalande, maître général des eaux et forêts du duché de Guise. Paris, 2 janvier 1741.
  9. Dans un mémoire adressé au conseil, les fermiers dressaient le compte suivant de ce qu'ils n'avaient pu percevoir : 1° En censives en argent, 6 livres, 1 sol parisis par an, faisant 6 livres 6 sols, dont les habitants refusent le payement depuis trois ans, soit 18' 18' 2° En chapons, 491 1/3 et l/4, à l8 sols le chapon, faisant pour les trois années plus de 1335 livres, dont il reste dû plus de 12271 » 3° En 11 poules à 10 sols, dont n'ayant pu rien recevoir il reste dû 5' 10" 4° En avoine, 366 jalois 1/4 1/2 par an, faisant plus de 2937 livres pour les trois années échues dont rien n'a pu être perçu, soit 2937' 5° La rente de 10 livres 10 sols parisis un chapon, due par le lieu nommé la Folie-Héquet, faisant 13 livres 10 sols par an, soit 40 livres 10 sols pour les trois années, dont rien n'a été payé, soit 40' 10' 6° Le droit de bourgeoisie d'un sol par ménage, dont les fermiers n'ont pu rien toucher de plus de 400 ménages, faisant pour trois ans 60' 7° Le droit de four banal aussi d'un sol par ménage, dont reste dû pour les trois années 75' 8° Le droit de cens des prés, qui est de 4 deniers parisis par razière, montant à 200 livres par an, fait, pour les trois années dont les suppliants n'ont pu le faire payer par les habitants 600' 9° Les droits de rouage, afforage et vinage, qui sont, refusés totalement, montant à 100 livres par an, soit 300' 10° De même que le droit de foire franche 11° Une rente de 10 livres 8 sols parisis à prendre tous les ans sur le fief de Beaucamp, faisant 38' 12° Sur le droit de terrage, les fermiers estimaient qu'il leur restait dû plus de 4500 livres 4500' Soit un total de 11136 livres 18 sols; les fermiers déclaraient avoir perçu 3802 livres 14 sols en trois ans; les droits annuels à percevoir sur le terroir du Nouvion s'élevaient donc au tiers du total, soit 4980 livres environ. Déduction faite des 2650 livres du fermage, il restait aux fermiers un bénéfice de 2330 livres; il est vrai qu'ils avaient à payer là-dessus leurs commis, ouvriers et charretiers.
  10. M. de Jarlière à M. de Lalande; Guise, 22 août 1741.
  11. Ibidem.
  12. Ibidem.
  13. M. Joly à M. de Lalande, Paris, 29 septembre 1741.
  14. M. Joly à M. de Lalande. Paris, 29 novembre 1741.
  15. M. Joly à M. de Lalande, Paris, 3 février 1742.
  16. A M. de Lalande, 3 février 1742.
  17. Au même, 16 février 1742.
  18. « Fait et passé au Nouvion au devant de la grande porte et principale entrée de l'église, lieu ordinaire où se tiennent les assemblées ». — Suivent les signatures de Gillet, curé, Mariage, marguillier.Vaudigny, maire, Bertrand, lieutenant-maire, Garbe, syndic, Lachaussée, échevin, et de 248 habitants. Nous relevons les noms suivants, qui sont encore aujourd'hui représentés au Nouvion et environs : Denis, Azambre, Vitu, Moreau, Maréchal, Berger, Beauboucher, Cartigny, Hennechart, Canon, Emond, Legrand, Duchesne, Chébault, Huget, Lachambre, Furet, Fournier, Blattier, Buffy, Melot, Joly, Groussel, Lefèvre, Jupin, Liénard, Delcourt, Leroy, Carrière, Viéville, Mayeur, Brunois, Désimeur, Watelet, Plichard, Laporte, Moricourt, Servais, Chéry, Gosseau, Aimé, Lainel, Lancien, Desnoyelles, Dupré, Dufour, Plinguet, Lagasse, Monvoisin, Pierquet, Baudoin, etc.