Un Jardin botanique tropical

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Un jardin botanique tropical
M. Treub

Revue des Deux Mondes tome 97, 1890


UN
JARDIN BOTANIQUE TROPICAL

Naguère, dans un discours solennel, le recteur d’une des plus grandes universités de l’Europe a mis en cause les jardins botaniques. L’orateur, célèbre phytophysiologiste, reproche à ces jardins de ne plus être au niveau de la science botanique d’aujourd’hui. Collections de plantes officinales au moyen âge et jusque vers le milieu du XVIe siècle, les jardins botaniques devinrent depuis cette époque de véritables institutions scientifiques. Abandonnant la spéculation pure, l’intérêt se reporta sur les êtres vivans eux-mêmes et avant tout sur les végétaux. Mécènes et savans réunirent leurs efforts pour faire venir des contrées les plus lointaines des plantes rares ou inconnues. On assigna aux jardins, dépositaires de ces richesses, la lourde tâche de présenter une réduction du monde végétal tout entier, et de réunir, dans la mesure du possible, des spécimens de toutes les plantes vasculaires existantes. Malgré le nombre toujours croissant des plantes introduites en Europe, cette manière de voir a persisté longtemps, et ce n’est qu’au commencement de ce siècle que l’on s’est vu contraint de changer de méthode. D’abord, on dut reconnaître l’impossibilité de donner dans un jardin, quelque grand et bien aménagé qu’il fût, un aperçu tant soit peu complet de l’énorme quantité de plantes vasculaires distribuées à la surface de notre globe. Ensuite, et c’est là un argument plus grave, les conditions offertes dans les jardins aux végétaux introduits sont souvent, trop peu naturelles, pour que l’on puisse considérer les plantes exotiques cultivées comme fournissant des termes de comparaison sûrs, dans les recherches scientifiques telles qu’on les comprend de nos jours. Trop de plantes, dans des conditions trop peu normales : telles sont, résumées en quelques mots, les critiques que l’orateur adressait aux jardins botaniques.

Ces institutions, attaquées en si haut lieu, n’ont pas manqué de défenseurs. Tout en reconnaissant le bien fondé d’une partie des critiques avancées, on a fait remarquer qu’on variant quelque peu d’objectif, en s’attachant plus que par le passé à l’adoption d’un plan commun, les jardins botaniques de l’Europe éviteraient aisément la déchéance dont ils étaient menacés. Mais nous n’avons pas à prendre parti dans le différend, par la raison que les jardins botaniques tropicaux sont ici hors de cause, et c’est le fait que nous aurons à mettre en évidence dans les pages suivantes.

Le nombre des jardins botaniques situés dans la zone intra-tropicale est beaucoup plus grand qu’on ne le pense généralement. D’après une énumération récente, il n’en existe pas moins d’une quinzaine dans les possessions anglaises. Dans les colonies françaises, on en trouve à Saint-Denis dans l’île de la Réunion, à la Pointe-à-Pitre dans l’île de la Guadeloupe, à Saint-Pierre dans l’île de la Martinique, à Pondichéry et à Saïgon. L’Espagne en a à la Havane et à Manille, et la Hollande un seul, à Buitenzorg dans l’île de Java. Il y a encore des jardins botaniques tropicaux dans l’Amérique méridionale, ce qui fait qu’en somme leur nombre total est assez élevé. Cependant, il faut le dire, quelques-uns ne sont pas des jardins botaniques proprement dits, mais plutôt des stations agronomiques ou des jardins d’acclimatation. Il y en a d’autres, toutefois, qui méritent le nom de grands établissemens scientifiques, tout en ne se désintéressant pas de l’agriculture tropicale. Parmi ces derniers il faut citer, sans contredit, en premier lieu, d’après l’ordre chronologique, ceux de Calcutta, de Buitenzorg, à Java, et de Peradeniya à Ceylan.

Le jardin royal de Calcutta a été fondé en 1786, par le colonel Robert Hyd, qui en fut le premier directeur. Dans la liste de ses successeurs, on trouve les noms célèbres de Roxburgh, de Wallich et celui de Griffîth, le plus grand naturaliste de notre siècle dans l’extrême Orient. Actuellement, le jardin de Calcutta se trouve, depuis plusieurs années, sous la direction aussi savante qu’habile du docteur G. King, aux soins duquel l’herbier de Calcutta doit sa grande réputation. Le jardin royal de Peradeniya, dans l’île de Ceylan, date de 1821. Situé, près de Kandy, à une altitude de presque 500 mètres, jouissant d’un climat chaud et humide, occupant une superficie de plus de 60 hectares et relié, comme il l’est, au port de Colombo par un chemin de fer, le jardin de Peradeniya se trouve sous tous les rapports dans les conditions les plus favorables. Pendant de bien longues années il a été dirigé par le docteur Thwaites, homme d’un réel mérite, mais d’après lequel un jardin botanique dans un pays tropical devait être, en quelque sorte, une copie réduite de la forêt vierge. Ce système, plus original que méritoire, excluait tout arrangement méthodique des plantes et restreignait forcément le nombre des étiquettes. Dès son arrivée à Ceylan, il y a neuf ans, le successeur du docteur Thwaites, le docteur H. Trimen, a immédiatement compris les inconvéniens de la manière de voir de son prédécesseur. Distribuer sur un terrain d’une soixantaine d’hectares, sans ordre quelconque, un grand nombre de plantes pour la plupart non étiquetées, c’est entraver fatalement, et à un degré très sensible, l’emploi scientifique des riches collections qu’on a su réunir. Aussi, M. Trimen n’a pas tardé à inaugurer un nouvel arrangement des plantes, d’après le système naturel, et à faire poser autant que possible des étiquettes. Avec ses succursales tant dans la plaine que sur la montagne, le jardin de Peradeniya est appelé à un brillant avenir. Le troisième des jardins mentionnés, celui de Buitenzorg dans l’île de Java, a été fondé en 1817. Nous allons retracer brièvement son histoire et démontrer, par l’étude de son organisation actuelle, comment une ère nouvelle commence pour les grands jardins botaniques tropicaux, dont le rôle est destiné à grandir incessamment dans l’évolution future de la science des végétaux.


I

Le 29 octobre 1815, une escadre, quittant la rade du Texel, au nord de la Hollande, mettait à la voile pour les Indes. Les passagers, car il y en avait sur ces navires de guerre, durent se réjouir doublement de quitter la brume et les froides rafales de la mer du Nord, pour les parages ensoleillés de la Malaisie. L’escadre, en effet, amenait vers Java les commissaires-généraux auxquels le souverain de la Hollande avait confié la tâche de reprendre en son nom le gouvernement des Indes néerlandaises. Guidé par des vues larges, le nouveau roi avait adjoint aux commissaires un naturaliste distingué, Reinwardt, professeur à l’athénée d’Amsterdam, afin d’asseoir sur des bases solides l’étude de la merveilleuse nature qui fait la richesse des possessions néerlandaises, dans le sud de l’Asie.

L’escadre ne pénétra dans le détroit de la Sonde que vers la fin d’avril de l’année suivante. Il dut tarder aux hauts fonctionnaires, voguant, après une longue traversée, entre de charmans îlots enchâssés comme autant d’émeraudes dans les minces filets argentés des brisans, respirant les senteurs légères, émanées des côtes voisines, d’atterrir enfin et de s’acquitter de leur tâche. L’avenir, pourtant, leur réservait maints déboires, et ce ne fut qu’après de longues tergiversations que les autorités anglaises se décidèrent enfin, le 19 août 1816, à transmettre le pouvoir sur les Indes néerlandaises aux plénipotentiaires du souverain hollandais. Celui des commissaires destiné à remplir les fonctions de gouverneur-général, le baron van der Capellen, s’installa peu après à Buitenzorg, emmenant Reinwardt avec lui.

Buitenzorg, résidence des vice-rois des Indes néerlandaises, est situé à 58 kilomètres de Batavia, par 106° 53’ 5’’ de longitude est et 6° 35’ 8’’ de latitude sud, sur une des longues arêtes qui descendent vers le nord de la grande montagne le Salak. Site enchanteur, jouissant d’un beau et sain climat, il n’est pas étonnant que les gouverneurs-généraux s’y soient établis plutôt qu’à Batavia, quelque grande et belle que soit la « cité des villas. » Cette préférence accordée à Buitenzorg par les représentans du roi a été la cause de la création d’un établissement botanique sur ce point. En effet, sur les instances de Reinwardt, les commissaires-généraux décidèrent, par arrêté du 15 avril 1817, de fonder un jardin botanique à Buitenzorg, sur un terrain inculte appartenant au domaine et cédé par le baron van der Capellen. C’est sur ce terrain, contigu au parc et au jardin du palais, que les travaux commencèrent, le 18 mai, avec une cinquantaine d’ouvriers indigènes, sous la direction de deux jardiniers en chef, dont l’un, amené par Reinwardt, avait exercé le même emploi en Hollande, tandis que l’autre était élève du jardin royal de Kew. Il eût été difficile de trouver, dans toute l’île de Java, un endroit mieux approprié à une création de ce genre, parce que, grâce à des circonstances particulières, Buitenzorg réunit à d’autres avantages encore celui de ne pas avoir de mousson sèche proprement dite.

Il est évident qu’une période de sécheresse presque continue, de quatre à cinq mois, habituelle, par exemple, dans l’est de Java, ne saurait convenir qu’à un nombre de végétaux relativement restreint. Même le climat de Batavia, où deux ou trois mois privés de fortes pluies ne sont pas rares, conviendrait beaucoup moins à un jardin botanique que celui de Builenzorg, où l’on se plaint déjà lorsque, au milieu de la saison sèche, il cesse de pleuvoir pendant trois semaines consécutives. Ces fréquentes et fortes pluies ont un double avantage pour le jardin : d’abord, Buitenzorg leur est redevable de sa végétation toujours luxuriante, ne s’arrêtant pour ainsi dire jamais. Ensuite, les pluies amènent un abaissement de la température moyenne, qui rend possible la culture de beaucoup de plantes de la forêt vierge des montagnes, bien que Buitenzorg ne se trouve qu’à une altitude de 280 mètres. Pour donner une idée de la masse d’eau qui se déverse annuellement sur le Sans-Souci[1] de Java, il suffira de dire qu’en moyenne il tombe, à Buitenzorg, 4,680 millimètres de pluie par an, tandis qu’en Hollande, un des pays les plus pluvieux de l’Europe, il n’en tombe par an que 660 millimètres. Aucun plan ne fut d’abord arrêté. Les archives ne contiennent d’indication d’aucune sorte sur l’aménagement primitif du jardin. On sait seulement que son fondateur, Reinwardt, profita des nombreux voyages qu’il fit pour expédier des plantes à Buitenzorg. Toutefois, le premier catalogue du « Jardin botanique de l’état, » nom officiellement adopté, publié quelques mois après le départ de Reinwardt, se borne à une énumération de 912 espèces de plantes. Reinwardt retourna en Europe en juin 1822 pour aller occuper une chaire à l’université de Leyde. Sur sa proposition, le gouvernement plaça à la tête du jardin le docteur C. -L. Blume, le premier directeur de l’Hortus Bogoriensis[2], botaniste hors ligne, dont la renommée scientifique eut Buitenzorg pour berceau. Blume déploya une remarquable activité comme directeur du jardin ; il commença, en 1825, la publication d’un travail sur la flore des Indes néerlandaises. Avec une rapidité fiévreuse il fit paraître, dans le courant de 1825 et pendant la première partie de 1826, dix-sept fascicules, avec la description de plus de 1,200 espèces nouvelles, d’un grand nombre de genres et de plusieurs familles de plantes entièrement inconnues jusqu’à lui. Le jardin profita directement des travaux de Blume, parce que la collection de plantes vivantes s’enrichit d’une suite nombreuse de spécimens des espèces découvertes par lui. D’autre part, Blume parvint à faire attacher au jardin, outre un nombreux personnel indigène et les deux jardiniers en chef, encore un troisième jardinier européen et un dessinateur. Bref, sous tous les rapports, la jeune institution débuta brillamment, et il fut permis de bien augurer de son avenir. Un cruel revirement ne tarda pas, cependant, à démentir les pronostics favorables. Blume, après s’être réellement surmené, dut retourner en Europe, en 1826, pour rétablir sa santé. Presque en même temps, le baron van der Capellen fut remplacé par le vicomte du Bus de Gisignies. Rien n’avait été négligé par le premier pour donner un nouvel élan à la colonie ; mais, en poursuivant ce but, en grand seigneur qu’il était, il avait trop délié les cordons de la bourse. Aussi, du Bus fut envoyé comme commissaire-général, avec ordre de diminuer les dépenses et de rétablir ainsi l’équilibre du budget colonial. Le commissaire exécuta les ordres qu’il avait reçus, et les dépenses furent immédiatement réduites, mais aussi que d’institutions utiles supprimées, ou peu s’en fallut ! Le jardin botanique de Buitenzorg fut la première victime des nouvelles mesures. Il fut sur le point de disparaître : en août 1826, les postes de directeur et de dessinateur furent supprimés ; on ne lui laissa qu’un seul jardinier européen. Par arrêté de l’année suivante, son budget spécial disparut et l’on décida que, dorénavant, il serait pourvu aux besoins du « Jardin botanique de l’état » avec une partie de la somme allouée aux gouverneurs-généraux pour l’entretien de leur parc de Buitenzorg.

Il y a heureusement des hasards providentiels grâce auxquels de chétives institutions résistent aux coups les plus meurtriers. Ces hasards se produisent lorsqu’un homme ferme et persévérant vit assez pour démontrer une fois de plus que la volonté triomphe, à la longue, des arrêtés les plus rigoureux, dus à des nécessités du moment, destinés à disparaître avec les circonstances qui les avaient motivés. L’homme se rencontra et le hasard se produisit. Le général comte van den Bosch, successeur du vicomte du Bus de Gisignies, débarqué à Batavia en janvier 1830, avait emmené avec lui de la Hollande un simple aide-jardinier, jeune homme qui avait occupé une position inférieure dans une maison de campagne près de La Haye. Vers la fin de l’année, le seul jardinier en chef resté au jardin tomba malade, retourna en Europe et mourut en route. On désigna, pour le remplacer, l’aide-jardinier du gouverneur-général ; il se nommait J.-E. Teysmann. Ce simple jardinier, qui n’avait d’autre instruction que celle de l’école primaire, reçut, un demi-siècle plus tard, un témoignage aussi brillant que rare de l’estime qu’il avait su s’acquérir dans le monde scientifique.

C’est à lui effectivement qu’en dehors des diplômes d’honneur, des médailles frappées à son effigie, des félicitations venues de toutes parts, fut offert un album dans lequel plus de cent botanistes, unis aux Darwin et aux Candolle, lui présentèrent leurs hommages, et cet album, sur une plaque d’or, portait l’inscription suivante :

Celeberrimo indefessoque J.-E. Teysmann cum dimidium per sœculum Archipelagi indici thesaurum botanicum exploravit, mirantes collegœ.

Pour en arriver là, il fallait sans doute posséder des qualités hors ligne, et Teysmann en était véritablement doué. Homme de forte trempe, sous tous les rapports, il unissait, jusqu’à la fin de sa vie, à une grande énergie et à une vive intelligence, l’âpre désir de ne laisser échapper aucune occasion de s’instruire, d’étendre ses connaissances spéciales et surtout d’élargir ses vues.

De 1830 à 1837, on n’entend plus parler ni du jardin de Buitenzorg, ni de son jardinier en chef : le jardin botanique n’existant, pour ainsi dire, pendant cette période, que de nom, et le préposé considérant les dix premières années passées à Java comme des années d’apprentissage. Cependant ce fut pendant cette période, en 1837, que le gouvernement colonial prit une mesure qui devait amener par la suite les conséquences les plus heureuses. Le membre dirigeant d’une commission dite d’histoire naturelle, à qui revenait la direction scientifique de Buitenzorg, était alors Diard, de nationalité française, et ce fut lui qui appuya chaudement auprès du gouverneur la demande de M. Hasskarl, débarqué récemment à Batavia et en quête d’une position. Plaidant la cause de son candidat, Diard réussit à le faire nommer provisoirement jardinier en second, puis « botaniste » et chargé en cette qualité de l’arrangement systématique des plantes du jardin. L’idée de Diard, strictement exécutée par M. Hasskarl, contribue maintenant, plus encore que le grand nombre d’espèces cultivées, à la valeur scientifique du jardin. — Des groupes arborescens, de véritables « quartiers » composés des plus grands végétaux, furent ainsi distribués dans un ordre naturel, et pendant les cinq ans qu’il resta attaché au jardin, le « botaniste » put déterminer un grand nombre d’espèces et composer le second catalogue du jardin, publié en 1844 et comprenant près de 3,000 plantes, parmi lesquelles plusieurs entièrement nouvelles.

Diard et M. Hasskarl partirent en congé pour l’Europe, et Teysmann resta seul de nouveau et dans des circonstances bien difficiles, puisque, depuis le départ de Diard, le gérant du jardin botanique fut un militaire : l’intendant des palais du gouverneur-général. Cet arrangement insolite continua, et pendant une trentaine d’années des militaires eurent la direction de l’Hortus Bogoriensis. Dans de telles conditions, une nouvelle période de déclin, sinon d’oubli complet, du jardin eût été inévitable, sans la présence de l’énergique Teysmann. Plus les temps furent difficiles et plus il déploya ses rares qualités, dans l’intérêt de l’institution à laquelle il se sentait attaché pour la vie. Voyageant beaucoup dans tout l’archipel, il ne cessa d’envoyer des plantes et des graines à Buitenzorg. De retour, il était constamment sur la brèche, luttant pour les intérêts de son jardin, et ne redoutant pas même les conflits avec son chef militaire ; conflits, il faut le dire, assez fréquens.

Le résultat de cette ligne de conduite fut pour lui la publication en 1864, avec l’aide d’un assistant, Binnendijk, arrivé à Java en 1850, du troisième catalogue du jardin, dans lequel le nombre des espèces en culture permanente dépasse déjà huit mille.

Enfin, en 1868, la longue période des vicissitudes se trouve close. Le jardin redevient institution scientifique de l’état, avec un directeur et un budget spéciaux, et une entière indépendance des intendans du palais, avec lesquels il n’existe plus, depuis lors, que des rapports de bon voisinage. Ce retour à l’organisation primitive était dû aux instances de Teysmann, qui, lui-même, resta en relation continue avec le jardin par de nombreux envois de graines et de plantes récoltées lors de ses voyages dans les parties les plus éloignées des possessions néerlandaises. Le gouvernement nomma directeur le docteur Schefler, de l’université d’Utrecht, élève de Miquel, l’auteur de la Flore des Indes néerlandaises. Le nouveau directeur commença ses recherches scientifiques dès son installation à Java. Quelques années plus tard, il obtint du gouvernement une subvention spéciale pour la publication d’un recueil scientifique intitulé : Annales du jardin botanique de Buitenzorg. Pendant la direction du docteur Scheffer, deux changemens de grande importance eurent lieu. Les collections du service des mines, installées dans un grand musée en face du jardin, furent transférées à Batavia, et le gouvernement céda le grand bâtiment au jardin botanique pour l’installation de l’herbier, des collections et de la bibliothèque. La seconde mesure, non moins importante, fut la fondation, en 1876, d’un jardin et d’une école d’agriculture ; la dernière supprimée depuis. L’extension considérable donnée au jardin aurait dû aller de concert avec une augmentation du personnel scientifique. On eut le tort de ne pas le comprendre, et le docteur Scheffer resta seul jusqu’à sa mort, survenue à l’âge de trente-six ans, en 1880. Ce qui advint après la mort du docteur Scheffer n’est pas encore du domaine de l’histoire. Aussi, contentons-nous de jeter un coup d’œil rapide sur l’organisation actuelle du jardin. L’intérêt qui s’attache à l’histoire d’une institution tient surtout à l’importance et à l’étendue que présente cette institution au moment où on la considère ; en est-il ainsi de l’établissement que nous avons en vue ? Le lecteur en jugera.

Le jardin botanique de l’état à Buitenzorg comprend trois jardins différens. D’abord il y a le jardin botanique proprement dit, au’ centre de la ville, occupant une superficie de 36 hectares, enclavé entre le parc du gouverneur-général, une petite rivière, le Tjiliwong, et la route postale. Il est traversé, dans toute sa largeur, par une grande et belle allée, nommée allée des Kanaries, d’après le nom indigène des arbres qui la bordent, beaux pieds de Canariurn commune, atteignant une hauteur d’environ 30 mètres. Sur cette allée qui longe un grand étang, égayé par un gracieux îlot, voitures et piétons circulent librement : sur ses côtés, des routes carrossables, en partie ouvertes au public, pénètrent dans toutes les directions et constituent des artères, auxquelles se rattache tout un dédale de chemins et de sentiers d’ordres différens. Les plantes d’une même famille, nous l’avons déjà dit, se trouvent réunies ; elles forment des groupes épars ou bien elles occupent un ou plusieurs quartiers, délimités par des sentiers. A l’un des angles de chaque quartier se trouve l’indication des genres qu’il renferme. Chaque espèce est représentée par deux pieds, dont l’un porte une étiquette indiquant le nom scientifique, le nom indigène, s’il y en a, et le plus souvent aussi la provenance de la plante. Vu le grand nombre de plantes grimpantes des pays tropicaux, Teysmann a eu l’heureuse idée de les localiser dans une partie spéciale du jardin, où elles sont disposées de même d’après leurs affinités naturelles ; partie qui offre un vaste champ à d’intéressantes observations. Au total, les plantes herbacées comprises, le nombre des espèces est d’environ 9,000. Au milieu du jardin, se trouve une rangée de pépinières, où l’on cultive les jeunes plants, en partie sous des abris qui les protègent contre l’ardeur du soleil ou contre l’effet nuisible des pluies battantes. Quelques plantes réclament des soins spéciaux, notamment un certain nombre de fougères, d’aroïdées et d’orchidées ; elles sont placées dans deux constructions qui ressemblent aux serres d’Europe, à cette différence près, qu’à Buitenzorg elles servent à mettre les plantes au frais et non à leur procurer une température plus élevée. Le jardin a ses propres charpentiers pour exécuter de pareilles constructions ; petit détail qui cependant peut servir à donner une idée de l’échelle sur laquelle tout est organisé. Le personnel indigène se compose d’une centaine d’individus, parmi lesquels il y a trois employés ayant des connaissances botaniques spéciales, beaucoup plus approfondies qu’on ne s’attendrait à les trouver chez des Malais. Ce personnel travaille sous les ordres d’un jardinier en chef-et d’un jardinier en second. Jour et nuit le jardin est ouvert ; chose possible seulement en Orient, où l’on n’est pas encore assez avancé pour considérer la propriété comme un vol. Aux deux entrées principales, il y a des portiers, mais non des portes.

Le jardin d’agriculture, seconde division de l’Hortus Bogoriensis, situé après d’une lieue du centre de Buitenzorg, n’occupe pas moins de soixante-dix hectares. L’aménagement du local et la distribution des plantes indiquent tout de suite un but exclusivement pratique. Tout y est régulier ; les chemins et les sentiers qui se coupent à angles droits ; les quartiers qu’ils enclavent, presque tous de même dimension ; les plantes, dans chaque quartier, toutes de la même espèce et du même âge. Tandis que dans la division scientifique chaque espèce n’est représentée que par deux pieds, il y en a ici, en moyenne, une centaine pour chaque espèce. Mais aussi on se borne à cultiver les plantes qui sont, ou peuvent devenir utiles à l’agriculture ou à l’industrie coloniales : les différentes espèces et variétés de caféier, de thé, de canne à sucre, d’arbres à caoutchouc et à gutta-percha, l’Erythroxylon coca, qui fournit la cocaïne, les arbres qui produisent du tannin et des huiles, les plantes fourragères, etc. Une partie spéciale du jardin est réservée aux plantes officinales. Il y a un jardinier en chef pour conduire et surveiller les travaux, et un personnel de 70 ouvriers indigènes. Le troisième jardin se trouve à une assez grande distance de Buitenzorg, sur un des versans du volcan voisin, le Gedé. Avec une superficie de 30 hectares, situé à une altitude de 1, 500 mètres, il possède un climat qui se prête à merveille, tant à la culture des plantes de la flore indigène des montagnes qu’à celle des végétaux de l’Australie et du Japon. Une dizaine d’indigènes y travaillent sous les ordres d’un jardinier européen. Les trois jardins qui constituent ensemble le jardin botanique de l’état à Buitenzorg occupent une superficie de presque 140 hectares.

Le musée, situé en face du jardin botanique proprement dit, bâtiment de 44 mètres de long, a été spécialement construit pour l’usage auquel il sert encore actuellement, bien qu’il ait été consacré originairement à des collections minéralogiques. Il se compose d’une salle, occupant le corps de logis principal, et de deux ailes. De plain-pied la salle contient des armoires le long des murs, et des vitrines au milieu, qui renferment les collections tant botaniques que techniques. Les objets sont en partie desséchés, en partie conservés dans l’esprit-de-vin. Une galerie faisant le tour de toute la salle, à une hauteur d’environ 4 mètres, est exclusivement occupée par l’herbier. Les plantes desséchées ne se trouvent pas dans des portefeuilles, comme en Europe, mais dans des boîtes en fer-blanc, afin de mieux les protéger contre les insectes et les moisissures, ces grands ennemis des collections dans un pays tropical. Il va sans dire que le sublimé corrosif, la naphtaline et le sulfure de carbone sont considérés à Buitenzorg comme de précieux auxiliaires dans ce combat, livré constamment contre les insectes. Le nombre des boîtes en fer-blanc, renfermant l’herbier, dépasse 1,200 ; chaque boite contient en moyenne 100 spécimens. Une des ailes est affectée au service du musée, division qui a pour chef le directeur-adjoint du jardin, assisté d’un aide-naturaliste. L’autre aile, longue d’un peu plus de dix et large de près de onze mètres, est réservée en entier à la bibliothèque, qui renferme plus de 5,000 volumes. Nombre considérable dès qu’il s’agit d’une bibliothèque spécialement botanique, bien que les livres d’histoire naturelle générale et les comptes-rendus des académies des sciences, telles que celles de Paris, de Berlin et de Londres, ne fassent pas défaut. En fait de botanique descriptive, on tient, outre les travaux généraux classiques et indispensables, à posséder surtout ce qui concerne la flore de l’extrême Orient. Quant aux livres de botanique générale, on n’a cessé de les compléter par l’acquisition des traités les plus récens et des dernières publications sur la morphologie, l’anatomie, la physiologie et la paléontologie végétales. Mais ce qui fait surtout la richesse de la bibliothèque du jardin de Buitenzorg, ce sont les séries, généralement complètes, de tous les recueils et revues botaniques de premier ordre qui se publient actuellement dans les langues hollandaise, française, allemande, anglaise et italienne. L’isolement dans lequel se trouve forcément un jardin botanique, situé à égale distance des centres scientifiques de l’ancien et du nouveau monde, oblige à poursuivre avec un soin continuel tout ce qui peut maintenir la bibliothèque au grand complet et en parfait accord avec les progrès de la science.

Le nombre des laboratoires est de trois. Bientôt il en existera encore un quatrième, car, sur la proposition du gouvernement colonial, agréée par celui de la mère-patrie, le personnel du jardin de Buitenzorg sera augmenté de deux fonctionnaires, un botaniste et un chimiste, à qui reviendra la tâche de fournir, par de patientes et sérieuses recherches, des données scientifiques sur les plantes utiles des pays tropicaux et sur leur culture ; le laboratoire destiné au chimiste n’est pas encore ouvert. Derrière le musée, dans un bâtiment spécial, est installé le laboratoire pharmacologique, où un chimiste pharmacien, temporairement attaché au jardin, fait des recherches sur les alcaloïdes et les autres substances curieuses et utiles que contiennent les plantes tropicales. Vu le peu de notions précises que nous possédons sur ces substances, cette heureuse innovation ne peut manquer de produire des résultats d’une grande utilité pratique et intéressans en même temps au point de vue scientifique.

Deux laboratoires botaniques sont placés dans le jardin botanique proprement dit, derrière la rangée de pépinières. L’un, vaste salle, large de six et longue de vingt mètres, est réservé aux savans d’outre-mer qui viennent passer quelques mois à l’Hortus Bogoriensis, pour entreprendre des explorations et étudier sur place la flore des tropiques. Ce laboratoire est éclairé par cinq fenêtres, à chacune desquelles correspond une table de travail ; des armoires placées contre le mur opposé renferment les ustensiles nécessaires, appareils optiques et autres, flacons, vases, etc., et les réactifs dits microchimiques. En outre, il y a une petite collection de livres qu’il faut toujours avoir sous la main pendant le travail, et que, de la sorte, on n’a pas besoin d’envoyer quérir, à chaque instant, à la bibliothèque. De même, on se propose, pour faciliter les recherches des visiteurs, de déposer dans la salle un herbier composé uniquement de spécimens des plantes cultivées au jardin, afin que l’identification rapide d’une plante quelconque puisse, dans les cas douteux, se faire sans avoir recours à l’herbier du musée. Cet herbier spécial du laboratoire n’en est encore, à l’heure actuelle, qu’à son commencement. L’aménagement de la salle est simple, tout en présentant les deux avantages d’offrir une bonne lumière et beaucoup de place. Ce dernier point est essentiel dans un pays chaud, où il faut être au large, surtout dans un laboratoire de recherches. Même à Buitenzorg, où les soirées, les nuits et les matinées sont fraîches, la température moyenne au milieu de la journée est de 28° à 29° centigrades ; il y a même des jours pendant la mousson sèche où le thermomètre monte, vers les deux ou trois heures de l’après-midi, jusqu’à 31° centigrades. Le second laboratoire botanique, à une centaine de pas de distance, adossé contre le bureau du jardin et communiquant avec celui-ci, est réservé au directeur et au nouveau fonctionnaire botaniste attendu de l’Europe. Le quatrième laboratoire, celui de chimie agricole, devra être installé sous peu dans le jardin d’agriculture.

Dans le proche voisinage des laboratoires botaniques sont situés les bureaux et un petit atelier photographique et lithographique du dessinateur-photographe du jardin. Les bureaux, autrefois mal installés dans deux petites chambres du musée, viennent d’être transférés dans une maison spéciale, cédée à cet effet par le gouvernement ; nouvelle preuve de la sollicitude que le gouvernement des Indes néerlandaises et celui de la mère-patrie ne cessent de témoigner au jardin de Buitenzorg.


II

D’après quels principes et de quelle façon fonctionne l’organisation que nous venons de décrire ? Quels sont les avantages propres aux grands jardins botaniques tropicaux, et pourquoi y a-t-il lieu de leur assigner dans l’avenir une grande influence sur le développement de la botanique ? Avant de répondre à ces questions, il s’agit de s’entendre sur un point essentiel, savoir la différence qui existe, quant à la répartition de l’étude des sciences et de celle de leurs applications, entre l’Europe et l’Amérique, d’une part, et une colonie tropicale, de l’autre. Lorsque, chez les peuples européens, les sciences prirent le merveilleux essor qui caractérise notre siècle, une différenciation ne tarda pas à s’établir. Les études et les investigations purement scientiiiques restèrent attachées, comme auparavant, plus ou moins directement, aux universités et aux facultés, en un mot, à l’enseignement supérieur proprement dit. Mais en même temps les remarquables applications qu’amenèrent les progrès de la science nécessitèrent la création d’institutions spéciales : écoles polytechniques, laboratoires techniques, jardins d’essais, stations agronomiques, etc. L’une et l’autre de ces deux branches devenues sœurs, la science et l’application, réclament également des travailleurs infatigables, doués de méthode autant que d’intelligence. Elles restent, tout en ayant un objectif différent, en rapport et en contact continuels ; cependant la spécialisation existe, et il est à prévoir qu’elle s’accentuera toujours plus. Il en est, ou il en sera, de même pour les colonies où les conditions de climat permettent à l’Européen de se fixer à demeure. Mais il n’en est pas ainsi pour les colonies européennes dans les pays tropicaux. Ici les colons ne viennent nullement pour s’y fixer à tout jamais ; au contraire, dès leur arrivée dans le pays lointain, quelque beau et fertile qu’il soit, ils ont la ferme intention de reprendre le chemin de la mère patrie. Pour la grande majorité d’entre eux, la position sociale ou la fortune voulues une fois acquises, on s’empresse de regagner le sol natal ; quitte à s’apercevoir ensuite que les souvenirs de l’enfance et de l’adolescence sont souvent trompeurs, et que le climat et l’organisation sociale, en Europe, sont loin de réaliser l’idéal qu’on s’en était fait à plaisir, pendant le séjour aux antipodes. Dans ces derniers temps, on a beaucoup discuté la question de savoir si les Européens peuvent fonder dans les pays tropicaux des colonies dans le sens strict du mot, y résider pendant plusieurs générations de suite et y faire souche de race pure. Le célèbre professeur Virchow est un de ceux qui nient, avec autant d’autorité que d’énergie, la possibilité d’une véritable acclimatation de la race européenne dans un pays tropical. S’il est permis à un naturaliste, ayant habité pendant plusieurs années la belle île de Java, et dont il est fervent admirateur, d’émettre un avis discret sur ce point litigieux, il faut bien avouer que tout porte à donner raison à M. Virchow. Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, de la possibilité théorique de cette acclimatation, le fait brutal est celui-ci : dans les Indes néerlandaises, et autant que je sache aussi dans d’autres pays tropicaux où s’exerce depuis des siècles la domination européenne, la race pure n’a pas réussi à s’acclimater.

Ces points une fois posés, on conçoit clairement pourquoi, à de rares exceptions près, les universités, facultés des sciences et institutions analogues ont fait jusqu’ici défaut dans les colonies tropicales. Les familles envoient leurs fils en Europe faire leurs études et prendre leurs grades ; le corps enseignant universitaire, avec ses laboratoires, ses bibliothèques, ses cabinets et ses collections, n’existe pas. Ces grandes installations, usines où se meut tout un monde de travailleurs dans le domaine de la science, sont absentes et pourtant, c’est surtout dans une colonie tropicale que l’intérêt matériel, qui y joue un si grand rôle, doit faire attacher beaucoup de valeur à l’application des données scientifiques. Il y a là une contradiction qui saute aux yeux, et qui devient plus manifeste encore si l’on passe de la thèse générale au cas spécial de la botanique, science qui entre la première en ligne de compte, à cause de l’importance capitale qui revient à l’agriculture dans un pays tropical. Or les temps sont passés, et on doit s’en féliciter, où le prix élevé des denrées coloniales, le manque de concurrence, le bon marché excessif de la main-d’œuvre, parfois malheureusement aussi des iniquités commises envers la population indigène, rendaient superflues toutes connaissances spéciales à celui qui courait la chance de faire fortune dans l’agriculture. Nous sommes déjà loin de ce temps où l’empirisme le plus grossier suffisait à mainte personne, en lui permettant de s’enrichir sans instruction aucune, et souvent même sans intelligence. Pour s’assurer un gain solide, l’agriculture tropicale ne réclame pas moins que celle des pays tempérés, de l’entente et des notions spéciales ; et pour elle aussi le besoin se fait sentir de s’établir sur de sérieuses bases scientifiques. On a dit, il est vrai, en se plaçant à un point de vue pratique des plus étroits, que la contradiction que nous venons de signaler n’existait pas nécessairement, puisqu’il n’y aurait qu’à prendre les bases scientifiques, telles qu’elles ressortent des recherches des savans d’Europe, et que l’application seule en serait quelque peu différente sous les tropiques. Erreur bien grave, notamment lorsqu’il s’agit des phénomènes de la vie ! On a beau comparer, quant à l’effet subi par la végétation, la mousson sèche à l’hiver, la mousson pluvieuse à l’été et au printemps, il n’en est pas moins vrai que les formes et les fonctions par lesquelles se manifeste la vie végétale sont bien différentes, dans un pays équatorial et dans la zone tempérée. Ici et là les manifestations de cette vie sont tout autres, bien que les lois essentielles qui la régissent restent les mêmes.

Ainsi, dans leur intérêt direct, il faut que les colonies tropicales possèdent des établissemens scientifiques pour l’étude de la vie végétale, dans ses formes et dans ses fonctions. Des institutions de ce genre, relevant d’universités ou de facultés, n’existant pas, il est évident que des jardins botaniques créés par l’état sont indispensables. Ces jardins ont un double objectif, scientifique et pratique ; mais n’oublions pas que c’est la science qui constitue, pour ainsi dire, la souche ; l’institution scientifique forme le tronc, sur lequel on greffe des branches utiles. Pour peu que le tronc soit entravé dans sa croissance et perde de sa vigueur, les branches ne manqueront pas d’en souffrir, et même elles finiront par périr. Ainsi, tout ce qui rabaisse le niveau scientifique d’un jardin botanique tropical est contraire, non-seulement à l’avancement de la science, mais tout autant à l’intérêt direct de la colonie.

Il importe d’insister sur cette vérité, parce qu’il y a toujours chez les agriculteurs une tendance à ne pas distinguer un jardin botanique d’une station agronomique ou d’un jardin d’essais. Cette erreur est excusable chez des personnes qui, ne comprenant pas le festina lente de la science, voudraient toujours des réponses immédiates aux questions de pathologie et de physiologie végétales, posées par eux dans l’intérêt d’une culture spéciale à laquelle ils s’adonnent. Ce manque de patience et de compréhension du modus operandi dans les investigations scientifiques constitue la raison principale pour laquelle les stations agricoles fondées par les agriculteurs eux-mêmes risquent de ne pas donner les résultats qu’on en attend, et que mériteraient certes les louables efforts de ceux qui les ont créées. A l’abri de ces impatiences, un établissement de l’état poursuit son développement régulier. Il étend sa sphère d’action de plus en plus, dans l’intérêt de tous, mais sans se laisser bouleverser par les exigences variables du moment, bien souvent exagérées. C’est aux fonctionnaires placés par les gouvernemens coloniaux à la tête des jardins botaniques qu’incombe en premier lieu la tâche de lutter contre le manque de stabilité et d’esprit de suite, fléau de chaque colonie. Les gouvernemens ont non-seulement le droit, mais même le devoir d’exiger de ceux à qui ils confient ces postes, d’être exempts de vues changeantes et étroites, excusables chez d’autres, mais qui ne le sont jamais chez le naturaliste. Celui-ci a eu le bénéfice d’un enseignement scientifique éclairé, et on lui suppose une certaine largeur de vues, qui doit être le résultat de ses recherches personnelles.

Ces principes généraux admis, venons-en au mode de fonctionnement dans le cas particulier qui nous occupe. Le gouvernement des Indes néerlandaises autorise le directeur du jardin de Buitenzorg à répandre gratuitement des graines et des plants de végétaux utiles. En 1888, quatorze cents lots de graines, de boutures et de jeunes pieds de plantes utiles ont été expédiés dans toutes les parties de l’archipel. C’est surtout grâce au jardin d’agriculture qu’il a été possible de satisfaire à autant de demandes. Mais ce jardin fait partie d’un organisme scientifique et fonctionnerait bien mal s’il était seul. Les exemples suivans peuvent servir à en donner la preuve. Lorsque les remarquables propriétés anesthésiques de la cocaïne furent découvertes, il n’y avait qu’à aller aux deux pieds d’Erythroxylon Coca, du groupe des Erythroxylées, dans le jardin botanique proprement dit. On put récolter assez de graines pour faire une petite plantation dans le jardin d’agriculture. Lorsque, une année après, un savant insista auprès du ministère des colonies de La Haye pour qu’on favorisât l’introduction de l’Erythroxylon Coca à Java, on a pu répondre de Buitenzorg que des graines, récoltées dans le jardin d’agriculture, venaient d’être distribuées par milliers. L’arbre depuis longtemps connu comme producteur d’une gutta-percha de première qualité, le Palaquium (Isonandra) Gutta, ne croit peut-être plus nulle part à l’état spontané ; en tout cas, il n’est guère possible d’en obtenir des graines. Dans le quartier des Sapotacées du jardin de Buitenzorg se trouvent deux pieds, âgés d’environ trente à quarante ans, qui produisent tous les deux ans un grand nombre de graines. C’est d’elles que provient la jeune plantation du jardin d’agriculture, ainsi qu’un grand nombre de pieds compris dans une vaste plantation spéciale d’arbres à gutta-percha, commencée par le gouvernement, il y a quelques années, sous les auspices du jardin de Buitenzorg. Le camphrier de Sumatra, arbre de grande valeur, est excessivement difficile à obtenir, d’abord parce que ses graines sont rares, ensuite parce qu’elles perdent très rapidement leur faculté germinative, même pendant un court voyage. Par des soins spéciaux, Teysmann a cependant réussi à introduire l’arbre à Buitenzorg. En 188ô, les pieds du jardin botanique ont commencé à fructifier, et maintenant le jardin d’agriculture est en possession d’une jeune plantation de camphriers de Sumatra ; tandis qu’en outre un assez grand nombre de plants pourront être distribués dans la prochaine mousson pluvieuse. Pourquoi le jardin d’agriculture possédait-il, peu de temps après leur découverte ou après leur mise en vogue, de nouveaux cacaotiers du Nicaragua ; des arbres à caoutchouc ; des plantes fourragères et de nouvelles variétés de caféiers du Brésil ; des végétaux oléifères, des plantes potagères et des arbres utiles du Gabon ; des lianes à caoutchouc de Zanzibar, etc. ? C’est uniquement parce que, étant une dépendance d’un grand jardin botanique, il peut offrir en échange à ses correspondans mainte plante intéressante au point de vue de la botanique ou de l’horticulture.

Les recherches faites jusqu’ici à Buitenzorg sur la pathologie et la physiologie des plantes de grande culture ont été peu nombreuses, et encore ont-elles dû être plus ou moins contraires aux intérêts du jardin, ce qui est à réprouver d’après ce que nous venons de dire. Dès l’arrivée des deux nouveaux fonctionnaires, le botaniste et le chimiste, exclusivement destinés à ce genre de recherches, le personnel scientifique du jardin botanique de Buitenzorg sera assez nombreux et varié pour répondre à tous les besoins. D’une part, tout abaissement du niveau scientifique de l’ensemble sera impossible ; d’autre part, de patientes et solides recherches fourniront à l’agriculture de sérieuses données, dont elle ne manquera pas de profiter. La souche conservera la sève nécessaire pour l’alimentation des branches, dont la greffe aura été faite avec des visées pratiques. Ce qui s’accomplira sous peu en vue de l’agriculture a eu lieu, il y a un an, pour la pharmacologie et la toxicologie, par la fondation du laboratoire pharmacologique. Bien que l’habile pharmacien-chimiste, qui est le chef de cette nouvelle division, ne soit qu’au début de ses recherches, les résultats obtenus dès aujourd’hui fournissent des preuves concluantes, tant de l’utilité de la mesure prise par le gouvernement colonial que de la nécessité de rattacher ce laboratoire à un grand jardin botanique.

Lors de la fondation de l’Hortus Bogoriensis, on n’a pas manqué d’entrevoir la grande utilité que la colonie pourrait en retirer dans la suite ; mais ce n’est pas là le motif qui a décidé en premier lieu sa création. Lorsque le gouvernement de la Hollande envoya Reinwardt aux Indes néerlandaises, c’était, comme le disait expressément le souverain, « afin d’obtenir des connaissances aussi approfondies de nos colonies, que nos voisins en possèdent des leurs. » Il entrait dans les intentions du roi de contribuer, en encourageant l’exploration scientifique des colonies, « à rendre manifeste l’heureuse renaissance du nom néerlandais. » Fruit de sentimens aussi généreux qu’élevés, le jardin de Buitenzorg a le devoir de ne jamais renier son origine. Poursuivre l’émulation avec les colonies voisines ; aider à faire bien connaître, sous tous les rapports, l’exubérante végétation tropicale ; contribuer à l’avancement de la science indépendamment de toute utilité directe : c’est encore là rendre service à la colonie, et d’une manière à la longue tout aussi efficace que celle qui ne vise qu’à l’intérêt pratique direct. Plus la civilisation marche, plus on exigera des nations qui possèdent de grands royaumes, dans de lointaines contrées bénies du ciel, de ne jamais oublier que royauté oblige ; et moins il sera loisible de se soustraire à la noble tâche d’augmenter la connaissance de la nature, en dehors d’un intérêt précis, tant actuel que futur.

Une partie considérable de ce rôle incombe aux jardins botaniques, surtout lorsqu’ils possèdent des avantages spéciaux, comme celui de Buitenzorg. Nous disions au début que les critiques, adressées récemment aux jardins botaniques, ne sauraient atteindre les jardins tropicaux, parce que ceux-ci se trouvent dans des conditions tout à fait spéciales. En effet, la courte description que nous venons de donner suffira à faire comprendre que, par exemple à Buitenzorg, il n’est pas question d’un entassement de plantes anormales. Il est vrai que, dans maint quartier du jardin, la croissance a causé un trop grand rapprochement des arbres. Mais même les pieds qui en souffrent ne l’ont nullement penser à ces spécimens grêles et malingres des serres, visés par le savant critique. Quant aux conditions offertes aux plantes, il est évident que là encore il y a une bien grande différence entre les serres et un jardin. Non pas que l’Hortus Bogoriensis corresponde, pour toutes les plantes qui s’y trouvent rassemblées, à leurs stations favorables. Mais de là à des conditions anormales il y a loin. Il suffit de se rappeler qu’à part les jeunes plants et les espèces, très peu nombreuses, cultivées sous des abris, toutes les plantes croissent en pleine terre. En second lieu, il est évident que le grand nombre de végétaux répandus sur un aussi vaste espace implique l’impossibilité de conserver à tel pied une vie factice, en lui prodiguant des soins méticuleux. En général, on peut dire que tout végétal introduit à Buitenzorg et auquel le climat ne convient pas du tout finit par mourir, le plus souvent, dans un assez bref délai. Les plantes qui continuent à croître dans un jardin tropical peuvent se développer plus ou moins bien, mais il est très rare qu’on doive leur attribuer un développement anormal. Aussi, le taxinomiste et le morphologiste peuvent-ils étudier les plantes du jardin sans crainte de tomber à chaque instant sur des caractères dénaturés ou faussés par la culture. Dans les rares cas de doute, l’herbier est là pour servir de contrôle et permettre la comparaison avec des espèces voisines, non cultivées au jardin. Vu le grand nombre de plantes ligneuses des flores tropicales, l’étude des pieds vivans présente, pour la systématique, un réel avantage sur celle des spécimens d’herbier. Ceux-ci ne sont forcément que de tout petits fragmens, portant, il est vrai, des fleurs et des fruits, mais chez lesquels le polymorphisme, si fréquent dans les parties végétatives, ne ressort presque jamais. Le physiologiste et l’anatomiste peuvent faire des recherches sur le développement, le jeu des fonctions et la structure intime des plantes du jardin, sans risquer d’être induits en erreur par des dégradations et des réductions dues à une vie souffreteuse et maladive, conséquence de conditions trop peu naturelles. C’est notamment pour ce genre de recherches que l’absence de véritable mousson sèche est un avantage spécial du jardin de Buitenzorg. La périodicité qui se montre dans les phases successives du cycle évolutif de la plante y est presque toujours due à des causes internes et bien rarement à l’influence directe de causes externes. C’est pour le phytophysiologiste un avantage qu’il ne trouve pas dans la zone tempérée, et rarement sous les tropiques.

On conçoit dans quelles circonstances favorables se trouvent les botanistes attachés à l’Hortus Bogoriensis et résidant à Buitenzorg pour étudier, à tous les égards, la flore des Indes néerlandaises et, en général, les manifestations de la vie végétale dans une contrée tropicale. Mais ce serait chez eux bien mal comprendre leur tâche et faire preuve d’une regrettable étroitesse d’idées que de vouloir se réserver, autant que possible, les découvertes et les travaux à poursuivre dans ce vaste et fertile champ d’études. Au contraire, il est de leur devoir d’engager sans cesse leurs confrères d’outre-mer à venir profiter de l’occasion pour étudier une foule de questions impossibles à aborder en Europe. Une large hospitalité scientifique offerte à tous, profitable à la science et digne de la grande colonie qui a l’avantage de pouvoir l’offrir, voilà la seule ligne de conduite qu’il convienne de suivre. C’est dans cet ordre d’idées que le gouvernement des Indes néerlandaises a fondé à Buitenzorg, il y a quatre ans, le laboratoire de recherches qui est à la disposition des naturalistes étrangers.

Nous voilà arrivés à la question importante : pourquoi les jardins botaniques tropicaux sont-ils entrés dans une nouvelle phase, dans laquelle ils exerceront une grande influence sur le développement de la botanique ? La réponse est aussi simple que brève : c’est parce qu’ils deviennent « stations botaniques » à l’instar des « stations zoologiques » des côtes en Europe. Quiconque s’intéresse aux sciences naturelles ne peut manquer de savoir que la zoologie doit une grande partie de son essor actuel à ces stations littorales. Quelque hasardé que cela paraisse, on peut prédire que les jardins botaniques tropicaux seront, dans l’avenir, d’une plus grande importance encore pour l’avancement de la botanique. Il faut que pour cela ils soient grands et bien situés, comme celui de Buitenzorg et celui de Peradeniya, où l’on vient d’imiter l’exemple donné en instituant un laboratoire réservé aux visiteurs.

Pour que ce pronostic se réalise, il faut encore deux choses : d’abord, que les botanistes suivent l’exemple donné par leurs collègues les zoologues et qu’ils deviennent un peu moins casaniers ; ensuite, que l’on se fasse des notions un peu plus justes sur les « périls » auxquels on s’expose dans un voyage sur mer et notamment sur les « dangers » que l’on affronte en allant visiter un pays tropical. Écueils, ouragans, naufrages, d’une part ; maladies pernicieuses, fauves, serpens et autre engeance venimeuse, de l’autre ; ce sont autant de fantômes qui hantent les imaginations craintives et les esprits prévenus. Quiconque connaît les grands steamers qui font le voyage vers la mer des Indes sait que les périls et les inconvéniens auxquels on se croit exposé à bord de ces navires, bien aménagés et offrant beaucoup de confortable, ont très peu de réalité. Trois ou quatre semaines de dolce far niente, passées à bord d’un grand mail-steamer, pendant lesquelles on hume l’excellent air frais de la mer, sont profitables à la santé. Il est vrai qu’il y a des momens où l’on s’ennuie, momens où l’on constate une certaine monotonie dans les distractions offertes par les poissons volans et les marsouins. Mais, en revanche, que d’excellens souvenirs ne conserve-t-on pas des journées passées à bord ! L’appréhension la moins fondée, celle des dangers à encourir en allant passer quelques mois dans un pays tropical, est encore la plus difficile à dissiper. Les opinions fausses à cet égard, que l’on retrouve dans tous les pays, ont une singulière ténacité. Pour peu qu’on aille dans un endroit sain et civilisé, un séjour de quelques mois dans un pays tropical ne présente pas le moindre danger. Au contraire, pour beaucoup de constitutions, l’automne et l’hiver de l’Europe sont loin de valoir le climat des tropiques. Certes, celui-ci peut avoir un effet nuisible sur la santé ; mais cet effet ne se fait sentir qu’à la longue. Quelque peu fondées que soient de pareilles craintes, on ne se décidera à les surmonter que s’il ne subsiste aucun doute sur l’utilité, pour un naturaliste, d’un séjour de quelques mois dans un jardin botanique de l’extrême Orient. On a fait parfois la réflexion qu’un jardin de ce genre, si grand et si riche qu’on le suppose, ne saurait pourtant donner à lui seul une idée réelle de ce qu’est la végétation d’une forêt vierge, cet irrésistible attrait du scrutateur de la nature vivante. L’observation est des plus justes ; seulement on oublie qu’à Java, comme ailleurs sous les tropiques, l’état primitif et la civilisation se coudoient. A Buitenzorg, demeure des vice-rois, une simple excursion d’un, de deux ou trois jours transporte le botaniste en pleine forêt vierge, tant celle-ci est proche. Il y a plus, et dans la montagne se trouve une succursale du jardin, qui porte le nom de Tjibodas et qui touche la lisière même de la forêt sur laquelle elle a empiété. C’est là que les naturalistes, visiteurs de la station botanique de Buitenzorg, vont passer quelque temps pour faire des observations et recueillir à leur aise les plantes de la forêt vierge. Afin que celle-ci fût à l’abri de toute dévastation de la part des indigènes et gardât son caractère primitif, le gouvernement a pris soin de mettre une étendue d’environ 250 hectares sous la dépendance immédiate du jardin botanique.

Une absence assez prolongée, souvent un congé à obtenir ou une mission à solliciter, les objections de membres de la famille, peu faits aux voyages, ce sont là des obstacles à vaincre lorsqu’il s’agit d’un voyage aux Indes-Orientales. Aussi s’est-on demandé si ce voyage réserve à l’investigateur non-seulement la certitude de constater de nouveaux faits qui se rangent dans des cadres déjà connus ; mais s’il existe beaucoup de chance de découvrir de nouvelles veines, dont l’exploration fournirait à la science des aperçus originaux. Cette question mérite une réponse plus affirmative encore que ne le pensent beaucoup de naturalistes, qui n’ont jamais quitté l’Europe. Il faut avoir vu combien le struggle for life, la « concurrence vitale, » est acharné dans le monde végétal, sous les tropiques, pour bien comprendre à quel point la nature a dû s’épuiser à fournir aux combattans une diversité d’armes offensives ou défensives inconnues partout ailleurs. Il faut, — pour ne citer qu’un seul exemple, — avoir observé soi-même ces arbres de haute stature, couverts jusqu’à la cime d’une végétation touffue de parasites et d’épiphytes, pour concevoir, avec le genre de vie qui leur est particulier, l’existence chez ces lutteurs, d’une foule d’adaptations spéciales dont on commence à peine à entrevoir l’origine et le fonctionnement. C’est seulement après avoir éprouvé en personne la surprise causée par l’aspect de la luxuriante végétation tropicale que le physiologiste obtiendra finalement une notion vraie des merveilles que lui réserve l’étude de phénomènes vitaux, se manifestant avec une aussi remarquable surabondance. Enfin, il importe d’avoir présent à l’esprit que les conditions climatologiques actuelles des contrées équatoriales se rapprochent sensiblement de celles qui s’étendirent autrefois à la surface entière de notre globe. Partant, c’est à l’étude des plantes tropicales qu’il est indispensable de s’adresser en premier lieu, dès que l’on s’attache à la solution de cette série d’énigmes, concernant l’origine et la filiation des groupes de végétaux de notre époque. L’avenir réserve aux botanistes qui viendront étudier sur place cette flore merveilleuse, l’honneur de combler de grandes lacunes dans les connaissances actuelles et de faire des découvertes dont on ne devine que partiellement aujourd’hui l’importance et la signification.

Ce que nous venons de dire n’est ni prématuré, ni déplacé. D’abord, les résultats obtenus des maintenant nous y autorisent. Ensuite, les naturalistes ont fourni récemment la preuve de l’intérêt qu’ils ont à étendre leurs recherches sur la nature des contrées équatoriales. Depuis quatre ans qu’existe le laboratoire de recherches à Buitenzorg, il a été visité par quatorze naturalistes, et tous, — à l’exception d’un seul, — venus d’outre-mer et de pays différens. C’est à regret que nous devons ajouter qu’aucun botaniste français n’est, jusqu’ici, venu occuper une table de travail dans le laboratoire de l’Hortus Bogoriensis. A ne pas en douter, le nombre des visiteurs ira en augmentant, et à la longue, il en viendra de toutes les nationalités. Celui qui a l’honneur de diriger pour le moment l’établissement scientifique dont il a été question dans ces lignes est le premier à le désirer. C’est même, et avant tout, avec l’intention d’encourager ce mouvement et de contribuer à le rendre plus actif qu’elles ont été écrites.


M. TREUB.


  1. La tradition littérale du mot Buitenzorg serait « hors de souci. »
  2. Hortis Bogoriensis, le nom scientifique du jardin, tire son origine de Bogor, nom indigène de Buitenzorg.