Un Sauvetage/01

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Tallandier (p. 3-11).

UN SAUVETAGE


CHAPITRE PREMIER


— Viens-tu Germaine ?

— Tout de suite, Suzanne ; je prends ma raquette et me voici.

En disant ces mots, elle passa son bras sous le bras de son amie et elles partirent d’un bon pas.

Le soleil descendait derrière les collines et la chaleur était moins accablante. Après les dernières maisons, les jeunes filles découvrirent les courts de tennis entre le rivage et la lisière des bois. Deux jeunes gens qui s’y trouvaient déjà les saluèrent de loin avec de grands cris et quand elles furent arrivées, avec de vigoureuses poignées de mains.

La partie s’engagea. Les quatre joueurs, vêtus de blanc bondissaient pour attraper la balle et la renvoyer d’un revers de raquette. Le plus adroit semblait être Gilbert de Cerdon, un grand blond au coup d’œil précis, à la main sûre. Le second des jeunes gens n’avait pas son sang-froid précis. Il s’agitait, se démenait et manquait ses coups. C’était un garçon assez grand, lui aussi, nerveux, des épaules robustes, et dont les yeux d’un noir ardent éclairaient un visage presque basané. Ses cheveux bruns, naturellement ondulés, achevaient la ressemblance avec un Sud-Américain.

Quand il parlait de lui-même, il racontait son enfance dans les prairies. Il se représentait parcourant à cheval les immenses et riches plantations d’un oncle qu’il avait là-bas.

Mais, outre qu’il ne parlait pas souvent de lui-même, on lui trouvait, à la longue, à l’examiner de près, un air douteux, inquiétant, une physionomie un peu trouble d’aventurier qui vous engageait à n’accorder à ses paroles qu’une foi très limitée ; son nom d’ailleurs y aidait : José de Manaos.

À part cela, charmant garçon, beau parleur, élégant, trop peut-être, avec un peu, mais très peu, du bellâtre.

Leurs camarades de jeu étaient deux jeunes filles qu’une étroite amitié réunissait quoiqu’elles fussent assez différentes de caractère et totalement différentes de physionomie.

Suzanne Provins était une belle brune solidement bâtie, la tête haute, le regard net, et que l’on sentait disposée à ne rien dédaigner de ce que la vie pouvait lui offrir de bon. Malheureusement, elle n’avait pas de fortune. Ses parents s’étaient souvent privés du nécessaire pour lui faire donner une éducation bien au-dessus de leur condition : les pensionnats les plus chers, les maîtres les plus réputés. Suzanne y avait gagné par surplus quelques relations agréables et même quelques amitiés utiles.

Maintenant qu’elle avait vingt ans, ses parents continuaient à se saigner aux quatre veines pour la produire dans le monde, les bals, les théâtres, les plages à la mode, dans l’espoir du riche mariage. Ce n’était pas impossible à cause de la beauté vraiment impressionnante de la jeune fille, mais très problématique à cause de ce funeste « sans dot ». Enfin, c’était toujours une chance à courir.

En attendant, Suzanne renvoyait la balle d’une raquette énergique, avec un mouvement qui développait son beau bras rond hors d’une manche courte et plaquait sa jupe contre ses jambes nerveuses.

C’était précisément dans un riche pensionnat qu’elle avait connu Germaine Montfort. Les deux jeunes filles s’étaient liées d’une amitié qui ne s’était pas démentie. Germaine savait que Suzanne n’avait pas de fortune, mais cela ne l’avait pas éloignée d’elle ; au contraire, cette circonstance l’avait attachée davantage à son amie, qu’elle comblait de prévenances et d’invitations, car elle-même était fort riche. Son père, M. Gustave Montfort était sénateur et industriel.

Et c’est ainsi que Suzanne jouait au tennis avec Germaine sur cette plage de Guézennec, petite mais jolie, charmante avec sa crique de sable ferme encadrée de rochers énormes. Elle n’était pas encore très connue cette plage ; il y avait deux excellents hôtels, pourtant, des villas charmantes et un casino. C’était un lancement. Il n’y venait pas encore beaucoup de inonde : on était presque entre soi et c’était fort agréable.

La partie de tennis continuait.

Cependant, assis à l’ombre d’un parasol de coutil rayé, le baron Adhémar regardait.

Il regardait, c’est peu dire : il ne perdait pas un mouvement de ces demoiselles. Le monocle à l’œil, il les suivait dans leurs évolutions, et quand par hasard un mouvement un peu plus brusque découvrait un peu plus haut une jambe fine, il en ressentait jusqu’au fond du cœur un vif plaisir. Par contre, il ne voyait qu’avec envie et dépit les jeunes gens qui jouaient avec elles. Ils étaient la jeunesse, et lui, sans être vieux encore, ne pouvait pas rivaliser avec eux. Ils étaient ceux qui venaient derrière lui et le poussaient jour par jour par les épaules en lui disant :

— Allons, mon ami, cède la place… il te reste encore les joies calmes de la vie, mais celles qui demandent de la vigueur, de la jeunesse, ne sont plus pour toi : à notre tour…

Il en était de tout presque comme de cette partie de tennis : les autres jouaient et lui regardait jouer. Il n’était pas vieux, cependant, avec quelques artifices il pouvait passer pour un homme encore presque jeune, de même qu’avec quelques soins il pourrait fournir une assez bonne carrière : mettons qu’il en arrivait à l’âge où il faut commencer à se ménager.

Ainsi, les jeunes gens jouaient et le baron les regardait jouer, ou plutôt il regardait les jeunes filles, et particulièrement Germaine Montfort, la fille du sénateur.

Certes, il rendait hommage à la beauté de Suzanne, il la trouvait belle, peut-être même trop belle pour lui. Longtemps il avait hésité entre ces deux beautés ; mais enfin, il ressentait un penchant secret pour Germaine.

Suzanne était brune, un peu hautaine ; Germaine, au contraire, était blonde, d’une beauté moins imposante, mais plus touchante, plus intime, plus délicate. Ses cheveux d’or fin faisaient à sa jolie tête une auréole vaporeuse, son teint était de lis et de roses, et sa bouche délicatement arquée donnait à son visage une expression à la fois alanguie et voluptueuse.

Vraiment, si les yeux allaient de l’une à l’autre avec un égal enchantement, le cœur avait bien des excuses pour rester en balance.

— Ah ! ah ! baron, je vous y prends !… Il me semble que vous suivez ces jeunes filles d’un œil bien passionné.

Le baron se retourna, sourit et tendit la main à Maurice Alban, qui le surprenait ainsi.

— Oh ! protesta-t-il, passionné…

— Allons, allons, ne vous défendez pas.

— Je ne me défends pas, mais le mot est peut-être excessif.

— Que non pas… Je vous observais en venant jusqu’à vous et je dirais, si j’osais, que vous n’en perdez pas une bouchée. Vous avez raison, d’ailleurs, Monsieur le baron. Il ne faut jamais perdre un beau spectacle qui s’offre.

— Et celui-ci s’offre de la meilleure grâce du monde.

— En effet. Aussi vous avez bien raison de le contempler, et je vais, si vous permettez, en prendre ma petite part, dit Maurice en s’asseyant auprès du baron. Aussi bien y a-t-il en ce monde peu de choses qui soient vraiment belles.

— Je crois que vous avez raison, Monsieur Maurice.

— Je ne sais plus quel sage prétendait qu’il y en a trois seulement.

— Ah ! Lesquelles ? demanda le baron.

— Un beau cheval qui galope, un fin navire à la voile, une belle femme qui valse.

— Il avait raison. Peut-être pourrait-on en trouver une ou deux encore, mais enfin, il avait raison. Ces demoiselles ne valsent pas, elles jouent au tennis : en somme cela revient presque au même ; c’est le mouvement qui fait valoir leurs formes harmonieuses.

— Très, regardez Mlle Suzanne, quelle souplesse, et en même temps quelle énergie dans le coup de raquette.

— Oui, sans doute, mais… Mlle Germaine Montfort est peut-être plus gracieuse, dit le baron.

— Plus gracieuse, si vous voulez, mais Mlle Suzanne a plus d’ardeur, plus de feu. Ne la trouvez-vous pas plus belle ?

— Peut-être… peut-être… Alors, vous préférez Mlle Suzanne ?

— Je préfère… je préfère… je ne dis pas cela… Comme vous y allez !

— D’ailleurs, vous savez, nous en parlons, c’est pour en parler…

— Hé ! hé ! baron, on ne sait pas !… s’écria Maurice en riant. Voyez-vous que vous deveniez amoureux de ces demoiselles, ou tout au moins de l’une d’elles… si ce n’est pas déjà fait…

Le baron rougit très fort, ce qui fit rire encore plus Maurice et l’incita à continuer sa taquinerie.

— On a vu des choses bien plus extraordinaires… Vous voyez-vous le mari de l’une de ces deux beautés… Heureux baron !…

Le baron se défendait avec la fermeté de quelqu’un décidé à se défendre, mais qui, au fond, manque de sincérité. Soudain il cessa la défense et passa à l’attaque.

— Eh bien ! et vous Monsieur Maurice, ce serait plutôt à vous à vous marier… Auriez-vous aussi l’embarras du choix ?

— Oh ! moi, je suis un pauvre diable qui gagne tout juste sa malheureuse existence.

— Et votre oncle ? Il est très riche, votre oncle !

— Oui, il est très riche, mais cela ne m’avance pas à grand’chose puisqu’il m’a coupé les vivres.

— Quelle folie, Monsieur Maurice !…

— J’avoue. Un moment ça allait un peu fort. Alors il a voulu me marier. J’aurais accepté, quoique la chose ne fût pas particulièrement agréable, mais enfin j’aurais dis oui, par force : mais voilà qu’il me présente un grand échalas desséché, sous prétexte que c’est la fille d’un de ses amis… Me marier, soit, mais tout de même… Je refuse, nous nous disputons, il exige ; je me sauve, et il me coupe les vivres.

— Mais il ne vous déshéritera pas ?

— Je ne crois pas. En attendant, obligé de gagner ma vie, j’entre comme secrétaire chez le sénateur Montfort ; je n’y gagne pas lourd, mais comme je n’ai pas besoin de faire des économies, je m’en contente ; je vis presque en famille, surtout en villégiature, comme ici, et le peu que je gagne me suffit à attendre que mon oncle revienne à de meilleurs sentiments.

— Après avoir été un peu fou, vous voilà redevenu sage.

— Il le faut. Mais je crois que la partie se termine, là-bas.

En effet, les deux jeunes filles, la raquette sous le bras, revenaient vers le parasol où le baron et Maurice étaient assis, pendant que les deux jeunes hommes roulaient et rassemblaient les accessoires.

— Qui a gagné ? demanda le baron.

— Je crois que c’est chacun son tour, répondit Suzanne.

— Oh ! non, Suzanne, reprit Germaine Montfort, tu es plus forte que moi.

— Peut-être, accorda Suzanne, d’ailleurs la question n’est pas là. Il suffit que l’on s’amuse et que l’on fasse pendant une heure ou deux un exercice agréable.

— Et vous n’y avez pas manqué ; je vous regarde depuis un moment…

— Pourquoi ne venez-vous pas jouer, baron ?

— Oh ! j’aime mieux vous regarder.

Les jeunes filles s’étaient assises ; les jeunes gens s’approchaient à leur tour. Suzanne s’était placée auprès du baron.

— Vous avez tort, baron, lui dit-elle, un peu d’exercice vous ferait du bien.

Gilbert de Cerdon s’assit un peu à l’écart ; José se rapprocha le plus qu’il put de Germaine Montfort et, tout en écoutant par politesse la conversation générale et y prenant part, même, on les voyait par instants se pencher l’un vers l’autre et échanger quelques mots à voix basse.

Maurice ne disait pas grand’chose ; tout son esprit, toute sa perspicacité, toute sa force d’attention étaient concentrées sur ce tableau qu’il avait sous les yeux, sur ces divers personnages ; il connaissait leur situation et il démêlait à travers leurs paroles et leurs gestes les sentiments qui les faisaient agir.

Ainsi le baron désirait vivement l’une de ces jeunes filles, Suzanne ou Germaine, qu’il avait l’air de préférer ; mais il avait la quarantaine. Son âge l’arrêterait-il ou bien passerait-il outre ? Suzanne aurait sans doute épousé volontiers Gilbert, mais ils étaient pauvres tous les deux ; avant tout il faut vivre, et c’est pourquoi elle essayait d’enjôler le baron qui était immensément riche. José, lui, avait l’air d’être au mieux avec Germaine, et Maurice les regardait avec un sourire où il y avait de l’ironie, un peu de sarcasme, l’air de dire : « Attendez un peu que je m’en mêle… », et malgré tout un peu d’inquiétude, car enfin, on ne sait jamais.

Maurice était un garçon très intelligent, d’une raison très droite, d’un raisonnement assez sûr, ce qui ne l’empêchait pas d’avoir un cœur et de le laisser battre librement : il aimait la fille de son patron le sénateur Montfort, Germaine. S’il avait eu de la fortune, il aurait poussé ses affaires, mais sa pauvreté le retenait et il se contentait de rencontrer Germaine le plus possible, de causer avec elle, ce qui lui était assez facile de par sa situation et ce qui n’avait pas l’air de déplaire à la jeune fille.

Mais depuis quelque temps il avait découvert que Germaine prenait un grand plaisir en la compagnie de ce José, qui sortait on ne sait d’où, sur le compte duquel circulaient des histoires exotiques et qui possédait ce vernis superficiel, ces qualités extérieures auxquelles se prennent les femmes qui ne vont pas chercher plus loin.

Donc, pour Maurice, José c’était l’ennemi ; mais en homme avisé, il se gardait bien de le combattre ouvertement. Il n’avait d’ailleurs aucun titre pour cela. Au contraire, partant de ce principe que pour combattre son ennemi il faut d’abord le bien connaître, il se mit à fréquenter le jeune homme, à l’étudier, à l’examiner. Ce travail ne lui fut pas inutile ; au bout de quelques jours, les observations de Maurice se résumaient en ces simples mots :

— C’est lui, c’est bien lui, c’est « Jujube ».

Dès lors, Maurice fut plus tranquille et, à peu près sûr de tenir son homme, il se contenta de surveiller de près ses rapports avec Germaine. Cependant, à les voir assis ainsi l’un près de l’autre et causant à voix basse, il en eut un petit frisson au cœur. Il pensa qu’il serait peut-être temps d’entrer en scène s’il ne voulait pas arriver trop tard.

Le soleil était descendu derrière les falaises, l’air se faisait plus vif ; quelqu’un proposa de marcher un peu et tous se levèrent.

Ils virent alors arriver vers eux une femme, trottinant, se dandinant, se trémoussant, une femme que l’on aurait pu prendre d’assez loin pour une jeune et jolie femme. Un examen à distance honnête aurait révélé que les artifices étaient pour beaucoup dans ce premier et rapide jugement. Mme Agathe de Saint-Crépin portait des jupes très courtes et se trémoussait pour se donner l’allure jeune, mais elle était trahie par des mollets raides et desséchés. Et si elle avait à distance une expression de relative jeunesse, on connaissait de près qu’elle le devait au noir de ses yeux et au rouge de ses lèvres.

Elle s’approcha avec de petits cris, de petits rires et des exclamations joyeuses et puériles.

— Oh ! cher Monsieur… comment ça va ?… Et vous… et ces chères demoiselles…

On l’accueillit avec des sourires, et quand elle eut serré toutes les mains qui se tendaient vers elle, la petite troupe se mit en marche. La promenade, mieux encore, favorisa les rapprochements et groupements par préférences. Venaient d’abord Germaine entre le baron et José, et derrière Maurice entre Mme de Saint-Crépin et Suzanne. Gilbert trouva vite un prétexte pour s’en aller. Alors Suzanne quitta Maurice et rejoignit le baron ; peu à peu ce premier groupe se sépara : Suzanne resta avec le baron et Germaine, avec José, ne tardèrent pas à prendre les devants.

Maurice restait derrière et observait. Cependant Mme de Saint-Crépin minaudait :

— Quelle charmante soirée, cher Monsieur !

Et elle ajouta en glissant un regard engageant au jeune homme.

— Quelle charmante promenade…

— En effet, Madame, il fait vraiment exquis se promener au crépuscule, en face de la mer. Surtout quand on est resté enfermé toute la journée.

— Oh ! je connais cela, moi aussi je travaille toute la journée. Vous ne sauriez croire combien mon œuvre des « Chiens égarés » me donne de l’occupation…

— Vous donne-t-elle au moins quelque satisfaction ?

— Je ne me plaindrais pas si j’avais quelqu’un pour m’aider. Mais le baron, qui en est le vice-président, ne m’aide pas beaucoup, et, moi, la présidente, il faut que j’assume toute la besogne.

— Vous en serez récompensée, Madame.

— Je l’espère sans trop y compter, toutefois. Votre sénateur devait me faire avoir les palmes, et voyez comme ça traîne.

— Un peu de patience, Madame, ça viendra.

— Peut-être, mais à force d’avoir de la patience, ça ne vient pas, et, vous savez, dépêchez-vous. J’ai reçu de la partie adverse des propositions fort engageantes.

— Vraiment ?

— Mais oui. M. Comtois, le concurrent de M. Montfort aux prochaines élections, m’a écrit. Il sait que je désire les palmes, il sait aussi que j’aurai beaucoup d’influence pour ses élections. Si je veux soutenir sa candidature, il me jure qu’il me fera avoir les palmes tout de suite et la rosette à bref délai.

— Non ?

— Je vous jure.

— Mais non, voyons !

— Que vous êtes drôle ! Voulez-vous voir sa lettre ?

— Je veux bien.

— Et bien, je vous l’apporterai.

— C’est entendu.

— Ainsi, vous voyez… Ah ! si ce n’était pas pour vous… ajouta-t-elle en glissant vers Maurice un regard plus engageant encore.

Le jeune homme éluda le regard et l’allusion en répondant qu’elle aurait ses palmes à bref délai : maintenant que les démarches essentielles étaient faites et le succès prochain, elle aurait tort de ne pas rester fidèle à M. Montfort pour passer dans le camp de M. Comtois.

Mais la nuit tombait. Germaine toujours accompagnée de José, revenait. Maurice feignit de causer vivement avec Mme de Saint-Crépin et les laissa passer. Puis il quitta son interlocutrice et suivit les amoureux, qui commençaient à se perdre dans l’ombre. Ils ne s’aperçurent pas de sa présence. Alors José prit le bras de la jeune fille et le serra contre lui, et ils continuèrent à marcher inclinés, appuyés, presque abandonnés l’un vers l’autre.

Arrivés à proximité de la villa ils s’arrêtèrent et parurent causer vivement. José cherchait à attirer la jeune fille vers lui pour l’embrasser ; mais elle résistait.

— Germaine, mon amie, disait-il, vous me torturez, vous savez bien que je vous aime, cessez cette querelle.

— Il ne tient qu’à vous de la faire cesser, mais vous ne tenez pas votre promesse.

— Pardonnez-moi, ma bien-aimée, mais je vous avoue que j’ai un peu peur. De penser que je me trouverai seul en face de votre père pour vous demander en mariage… oui, je vous l’avoue, j’ai peur.

— C’est que vous ne m’aimez pas.

— Oh ! Germaine, pouvez-vous…

— Certainement. Si vous m’aimez, prouvez-le moi ; la meilleure, la seule preuve, c’est la demande en mariage. Je l’attends, et si elle n’arrive pas vite, eh bien ! je reprendrai ma liberté.

— Je viendrai, Germaine, je vous jure que je viendrai, mais ne soyez plus méchante, je vous en supplie.

Il essaya encore une fois d’attirer à lui la jeune fille ; mais elle se dégagea et s’enfuit vivement. José, un peu décontenancé, fit demi-tour et s’éloigna à pas lents, et Maurice s’avança à son tour vers la villa Montfort en pensant :

— Il est temps. Décidément, je crois qu’il est temps d’agir.