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Un Sauvetage/03

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Tallandier (p. 20-29).

CHAPITRE III.


Renseigné comme il l’avait été par le plus heureux des hasards, Maurice se mit à surveiller étroitement tous ses personnages, guettant le moment où il pourrait entrer en scène avec le plus d’avantages.

Il remarqua d’abord que José et Germaine évitaient de rester ensemble quand on pouvait les voir, mais ils cherchaient avec soin toutes les occasions de rester seuls hors de tout regard. Il en devina vite la cause. Cette fine mouche de Germaine avait peur que son père lui défendit de revoir ce jeune homme et elle allait au-devant de la défense en l’évitant.

Elle s’était en effet aperçu que son père s’était mis à la surveiller. En se comportant ainsi, elle le rassurait et il ne pouvait manquer de relâcher sa surveillance. Autre avantage : elle pourrait voir José en secret plus facilement.

Maurice qui savait mieux à quoi s’en tenir, ne s’y trompa pas, et il surprit de loin quelques conversations animées entre les deux jeunes gens, qu’il se garda bien de déranger en révélant sa présence.

Il observa aussi l’attitude de Suzanne et il s’aperçut qu’elle aidait aux entrevues des deux autres ; mais à contre cœur et en essayant toujours d’en détourner son amie.

Quand au baron, il devenait nerveux, agité comme un homme qui a une sérieuse préoccupation ; sans doute M. Montfort retardait-il sa réponse en espérant que Germaine reviendrait sur sa décision.

Mais toute cette agitation montrait à Maurice que les choses marchaient et qu’il était temps de s’en mêler s’il ne voulait pas qu’elles marchent sans lui. Il résolut donc d’entrer en scène.

Précisément, les jeunes filles sortaient : il était libre, il les suivit ; il les perdit de vue, monta en vitesse une petite ruelle pour les rattraper, ne les rejoignit pas, redescendit vers la plage et vit Suzanne qui revenait seule, ou plutôt qui allait et venait comme quelqu’un qui attend.

Il la rejoignit et aborda bravement la question :

— Tiens, Mademoiselle Suzanne, je croyais que Germaine était avec vous ?

— Mais oui, fit Suzanne embarrassée, oui, c’est-à-dire elle m’a quittée une minute…

— Pour aller voir M. José sans doute ?

Le jeune fille regarda Maurice avec une certaine méfiance, pensant :

— Que sait-il, celui-là, et que veut-il savoir ?

Maurice devina cette pensée et continua :

— Ne vous étonnez pas, Mademoiselle Suzanne, que je sache cela ; je sais encore d’autres choses qui vous étonneraient bien plus ; mais puis-je vous demander ce que vous pensez de la conduite de votre amie ?… Vous pouvez vous confier à moi, je suis un véritable ami pour Germaine… et pour vous, si vous le permettez. Voyez-vous, je suis bien placé pour voir et pour entendre : je pourrai peut-être vous rendre de petits services. Ayez confiance une fois et vous verrez. Ainsi, Germaine est allée voir José ?

— Elle me désole ; s’écria Suzanne.

— Rien de grave, pourtant ?

— Mais non, ils se retrouvent de temps en temps dans ce petit café ; rien de grave, mais il est temps, et… je me demande ce que je dois faire…

— Ils en sont aux préparatifs de leur fuite…

— Comment ! vous savez aussi ?

— Et ce n’est pas fini. Donc, elle a toujours l’intention de filer avec lui… Et savez-vous si ce sera pour bientôt ?

— Elle parle d’après-demain… Si elle l’aimait, encore !…

— Ah ! elle ne l’aime pas ? fit vivement Maurice.

— Mais non… Ce n’est pas de l’amour, c’est une toquade ridicule, elle en aura assez au bout de huit jours. On n’aime pas M. José ! Qu’est-ce que c’est que M. José !

— En effet, fit Maurice.

— Aussi je ne sais que faire. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour l’en détourner… Inutile. Je me demande si je ne dois pas avertir son père et l’empêcher de faire cette bêtise. J’ai l’air de trahir une amie, mais en réalité ce serait lui rendre un fier service. Et tenez, Monsieur Maurice, au fond, je suis bien aise d’en parler avec vous ; vous êtes sérieux, et il me semble que ma responsabilité est moins lourde.

— Vous avez raison, Mademoiselle, je vous demanderai seulement de me tenir au courant jusqu’à demain : vous me direz s’ils sont toujours disposés à partir. Et nous empêcherons bien M. José de nous enlever Germaine. Mais ceci ne sera qu’un premier résultat. Il ne tiendra qu’à vous que nous restions amis, unis, alliés, que nous nous rendions mutuellement service ; et pour vous montrer que ce ne sont pas là de vains mots, permettez-moi de vous poser une question ?

Maurice prit un temps pour ménager son effet, puis, se rapprochant de la jeune fille, il lui demanda doucement :

— Êtes-vous toujours disposée à épouser le baron ?

— Mais vous êtes sorcier ! s’écria Suzanne avec un sursaut.

— Peut-être… Raison de plus pour m’accorder votre confiance.

— Mais le baron a demandé Germaine en mariage.

— Je le sais, mais je sais aussi que Germaine n’épousera pas le baron et que vous l’épouserez si vous voulez. Mais ceci est moins pressé.

— Oui, pour le moment, occupons-nous de Germaine ; elle va revenir.

— Il vaut mieux qu’elle ne nous voie pas ensemble. Elle va vous raconter son entrevue avec José. Tout à l’heure vous me redirez tout, et je me charge du reste. Votre main en signe d’alliance et je me sauve.

Suzanne resta pensive. Comment diable ce garçon savait-il tout cela : les projets de Germaine, son mariage avec le baron ?… C’est aux choses les plus simples que l’on ne pense pas. Elle fut tirée de ses réflexions par Germaine qui arrivait, l’air grave et décisif. Les deux amies marchèrent un moment en silence, puis tout à coup, d’un ton froid et irrévocable, Germaine laissa tomber ce seul mot :

— Demain.

— Demain ? répéta Suzanne, avec la peur de comprendre.

— Par le train de onze heures du soir.

— Voyons, ma petite Germaine, reprit Suzanne qui, cette fois avait compris.

Mais déjà Germaine l’interrompait !

— Suzanne, je t’en prie, je sais ce que tu vas me dire, tu me l’as déjà dit. Mais il y a un fait qui domine tout cela : nous nous aimons. J’ai compris qu’il était inutile d’en raisonner avec mon père ; à quoi bon avoir des scènes, pleurer, se fâcher ! Il vaut mieux le mettre en face du fait accompli.

— Mais pourtant, Germaine, ce jeune homme…

— Je l’aime.

— Tu ne sais même pas qui il est, ce qu’il est…

— Je te dis que nous nous aimons ; nous trouvons des obstacles, nous sautons par-dessus. Demain soir, il sera à la gare à dix heures ; moi je serai malade pour me retirer dans ma chambre de bonne heure. Je sortirai au dernier moment par la petite porte du jardin…

Suzanne avait écouté sans interrompre. Voyant qu’elle ne détournerait pas son amie de ce projet funeste et ridicule, elle avait au moins écouté pour tout redire à Maurice.

Elle en trouva le moyen le soir même.

— Que me faut-il faire ? demanda-t-elle.

— Rien, dit Maurice, ne bougez pas, ne dites rien à Germaine. Laissez-la faire et laissez-moi faire…

Maurice passa la soirée et une partie de la nuit en réflexions et la matinée du lendemain en observations. Germaine resta dans sa chambre, malade, disait-elle. Préparatifs de départ, pensa Maurice. Au déjeuner, elle parut soucieuse. Après, elle alla faire un tour de plage avec son amie. Au dîner, elle fut plus soucieuse encore. Hésiterait-elle au dernier moment ? Dès le repas fini elle remonta dans sa chambre. Maurice sortit et se dirigea vers le petit restaurant où José prenait d’habitude ses repas. Il le vit en sortir, le suivit, et, à bonne distance, appela :

— Auguste !

José eut un sursaut involontaire mais il ne se retourna pas. Valentin répéta un peu plus fort :

— Monsieur Auguste Lagrue !

José ne bougea pas davantage. Alors Maurice le rejoignit.

— Voyons, vous ne reconnaissez pas les amis ?

— Tiens, Monsieur Maurice ! s’écria José en feignant l’étonnement.

— Ah ! vous me reconnaissez, dit Maurice, mais moi aussi je vous reconnais, Monsieur Auguste Lagrue, malgré votre nom de José de Manaos.

— Monsieur, quelle est cette plaisanterie ?

— Mais ce n’est pas une plaisanterie, c’est un souvenir et pas très vieux encore ; rappelez-vous, il y a six ans à peine que je vous ai connu au Quartier Latin. J’y faisais mon droit, et vous, vous fréquentiez les tavernes, les basses tavernes ; je m’y trouvais aussi quelquefois, car je n’étais pas riche, aujourd’hui non plus, d’ailleurs. Tandis que vous, peste ! vous avez fait votre chemin, vous êtes chic… Je comprends que vous ayez laissé votre nom trop vulgaire d’Auguste Lagrue pour prendre celui bien plus ronflant de José de Manaos. Il est vrai que votre physique, votre teint basané, vous permettait cette appellation exotique ; il vous avait déjà valu un surnom, autrefois, mais moins brillant ; nous vous appelions simplement « jujube ».

— Monsieur, dit José, vous ai-je assez écouté ?

Encore une fois, cessez cette plaisanterie… à moins que vous ne soyez victime d’une ressemblance…

— Non. Quand on a connu Auguste Lagrue, dit « Jujube », on ne l’oublie pas, vous en voyez la preuve, et on ne le prend pas pour un autre, se ferait-il appeler José etc… Vous étiez si connu que lorsque vous faisiez quelques absences pour cause de villégiature du côté de Fresnes, tout le monde s’informait : « Où est donc Jujube ? »

D’un geste familier, Maurice avait passé son bras sous celui de José pour prononcer ces dernières phrases ; mais celui-ci sentait monter en lui une sourde colère contre ce gêneur.

Brusquement il se dégagea, fit un pas en arrière et serra les poings. Ils étaient dans un endroit écarté, à une heure où il ne passait personne. José s’en assura d’un coup d’œil, il se sentit aussi plus robuste que Maurice ; il revint violemment sur lui et le saisît au collet.

Maurice avait prévu l’attaque ; il résista au choc et sortit la main qu’il avait mise à la poche. Cette main tenait un revolver qu’il éleva jusqu’aux yeux de José.

— Mon ami, dit-il tranquillement, vous voyez que je savais à qui j’avais affaire, j’ai pris mes petites précautions ; ne faites pas de bruit, vous seriez encore plus attrapé que moi.

José desserra son étreinte.

— Mais enfin, que me voulez-vous ? s’écria-t-il.

— À la bonne heure ! dit Maurice. Ce que je veux, je vais vous le dire. Donc, le passé est réglé… Passons au présent. Vous alliez à la gare, n’est-ce pas ? Vous alliez prendre deux billets pour Paris, sans doute, ou pour Bruxelles, peu importe. Et à onze heures vous preniez le train avec Mlle Germaine Montfort qui va venir vous rejoindre.

José regardait Maurice avec des yeux ébahis. Maurice se rapprocha de lui et martela les syllabes.

— Ça, je-vous-le-dé-fends !…

— Mais… mais, balbutia José qui comprit qu’il était inutile de nier, si… si elle veut, elle !

— Je vous le défends ! répéta plus violemment encore Maurice. Si elle veut, c’est que vous l’avez trompée, c’est qu’elle ne vous connaît pas… Eh bien ! comptez sur moi pour lui dire ce que vous avez négligé de lui apprendre.

— Mais enfin, de quel droit venez-vous vous mêler…

— Ça, ça n’est pas votre affaire…

— Qu’est-ce que je vous ai fait ? J’étais en train de me refaire une vie.

— Vous êtes un peu cynique, mon ami, reprit Maurice. Vous refaire une vie ! Vous appelez ça vous refaire une vie, en enlevant une jeune fille que vous avez entortillée de je ne sais quelles promesses, enjôlée en faisant miroiter un avenir que vous êtes incapable de réaliser… Ce que vous m’avez fait, à moi ? Rien, je le reconnais : je viens simplement sauver cette jeune fille. Après quoi, vous voulez refaire votre vie, mais je vous aiderai si vous voulez, une fortune même. Voulez-vous que je fasse votre fortune ?

Depuis un moment José baissait la tête ; il se sentait découvert, il comprenait qu’il avait affaire à plus fort que lui. Il se demandait comment il sortirait de cette aventure, en y laissant le moins possible de ses ambitions.

Au mot de fortune, il reprit espoir et releva la tête.

— Que me faudrait-il faire ? demanda-t-il à la fois ranimé et méfiant.

— Presque rien, dit Maurice : m’obéir. D’abord plus un mot à Germaine.

— Que va-t-elle penser ?

— Ne vous inquiétez pas de cela, j’arrangerai tout. Si vous obéissez, je vous donnerai dans peu de temps une indication bien plus précieuse que Germaine et moins dangereuse, car vous vous lanciez dans une aventure un peu risquée, avouez-le.

— Et… si je n’obéis pas ?.,.

— Si vous n’obéissez pas, d’abord je m’oppose à votre départ ce soir. Je crie, je fais du scandale, si bien que Germaine n’osera même pas mettre le pied dans la gare. Et si vous vouliez passer outre, eh bien, ajouta-t-il en mettant la main à son revolver, je vous fiche une balle dans la peau ! Oh ! pas pour vous tuer, non, mais dans les jambes, par exemple : deux mois d’hôpital, ça me suffira pour que Germaine vous oublie, et demain, à la première heure, tout le monde saura qui vous êtes, et Germaine la première, naturellement.

José baissait la tête, dans l’attitude de quelqu’un qui réfléchit. Maurice tira sa montre et résuma :

— Vous avez cinq minutes. Si Germaine a pu sortir de chez elle, elle va être là bientôt. Il ne faut pas qu’elle vous y trouve. Si vous restez là, grabuge, vous perdez Germaine sans compensation. Si vous obéissez, vous renoncez à Germaine, c’est vrai, mais je vous promets compensation.

Se rapprochant de lui, il lui tapota familièrement l’épaule et lui dit amicalement :

— Allons, croyez-moi, mieux vaut m’avoir comme ami que comme ennemi. Allez vous coucher. Ne sortez pas trop et attendez mes indications.

Et José vaincu, s’éloigna la tête basse.

— Ouf, fit Maurice et d’un ! À l’autre, maintenant.

L’autre, c’était Germaine. Comme il lui faudrait plus de tact, plus de doigté. José était parti, eh ! que lui importait José ! Mais Germaine qu’il aimait et qui s’était laissée entraîner à cette sotte aventure. Enfin, il arrivait avant l’irréparable.

Maintenant il fallait prouver à Germaine qu’il lui avait rendu un fier service, et cependant ne pas prendre la pose ridicule du sauveur. Et surtout, surtout, ne pas compromettre l’avenir de bonheur qu’il espérait avec elle.

Il n’y avait pas cinq minutes qu’il était seul qu’il vit une forme féminine s’avancer en se dissimulant le plus possible ; lui-même se cacha derrière un arbre pour que sa présence ne la fit pas changer de chemin, et il ne se montra que pour se trouver exactement devant elle.

— Tiens, Mademoiselle Germaine !… Par quel hasard ?…

— Et vous même, Monsieur Maurice ?…

Maurice fit exprès de ne pas remarquer l’air troublé de la jeune fille, et il continua tout naturellement :

— Je faisais une petite promenade. La soirée est délicieuse… Et vous allez à la gare ? Vous attendez quelqu’un ? Non… Alors je vous accompagne.

Ils entrèrent dans la gare. Germaine d’un coup d’œil circulaire, chercha José, en même temps que le moyen de se débarrasser de ce Maurice indiscret et gênant. José n’était pas là. Quand il serait là ils trouveraient bien le moyen de s’échapper. Où était-il donc ? L’heure passait, le train allait partir. N’aurait-il pas dû être là bien avant l’heure ? Et en même temps qu’elle pestait contre Maurice elle sentait en elle une sourde colère monter contre ce maladroit de José qui n’arrivait pas.

Les minutes coulaient, inexorables. Germaine passa sur le quai ; Maurice ne la quittait pas d’une semelle. José n’arrivait toujours pas. Germaine sentait ses nerfs se tendre et son cœur se gonfler.

Les employés fermaient les portières. Germaine eut un moment envie de sauter dans un wagon ; mais que faire, où aller sans lui ?

Et elle regarda le train s’enfuir, le train qui aurait dû emporter son bonheur, ses espoirs, et qui s’en allait sans elle. Elle le regarda tant qu’elle put distinguer sa petite lueur rouge qui s’éloignait et qui se perdit bientôt dans la nuit. Elle sentit une main se glisser sous son bras ; elle se retourna et vit Maurice, qu’elle avait un peu oublié. Elle se laissa entraîner hors de la gare.

— Maintenant, nous pouvons rentrer à la maison, dit-il en sortant, il ne viendra plus.

Germaine s’arrêta, le regarda de ses grands yeux, démesurément ouverts et éclata en sanglots. dans ses bras et la garda appuyée à son épaule, secouée de tremblements convulsifs, et lui-même était profondément ému.

— Calmez-vous, Germaine, lui disait-il, ne pleurez plus…

Enfin elle releva son joli visage baigné de larmes.

— Quoi, dit-elle, vous me dites qu’il ne viendra pas. Vous saviez donc qui, vous savez donc tout ?

— Je sais tout, répondit Maurice en souriant, et je vous dirai tout. José ne viendra pas ; il serait venu s’il avait dû venir. Maintenant il serait trop tard.

— Mais c’est une trahison de sa part !

— Si vous voulez, Germaine. Mais croyez-moi, il vaut mieux qu’il en soit ainsi.

La jeune fille se redressa agressive :

— Pourquoi dites-vous cela ?

Maurice comprit qu’il ne devait s’avancer qu’avec beaucoup de prudence pour ne pas faire une impression défavorable et définitive sur cette âme encore toute froissée.

— Écoutez, Germaine, tout ce que je sais, je vous le dirai. Mais accordez-moi que ce n’est ni le lieu ni le moment : nous sommes à deux pas de la gare, il est onze heures et demie. Si on s’apercevait que vous n’êtes pas chez vous, si on nous trouvait là, il faudrait fournir des explications. Ce serait pénible, et vous n’y tenez pas.

— Oh ! pas du tout !

— Bon. De plus, vous êtes sous le coup d’une émotion violente. Ce départ raté a amené en vous une perturbation qui vous empêcherait d’apprécier mes explications à leur juste valeur. Pour José, permettez moi un conseil :

Ne cherchez pas à le revoir du moins avant que nous ayons causé. Pour moi, je vous dois une explication nette : vous l’aurez, mais je vous en prie, laissez-moi choisir mon heure. Et pour le moment, croyez-moi, rentrons vite.

— Pourtant, je veux savoir, s’écria Germaine avec un mouvement d’humeur.

— Vous le saurez, ayez un peu de patience.

— De la patience, de la patience, quand je vous trouve mêlé à cette affaire d’une façon inexplicable.

— Inexplicable pour le moment, Germaine. Considérez qu’il va être minuit, peut-être vous cherche-t-on, je ne peux pas me mettre à vous raconter une longue histoire.

— Vous avez donc une longue histoire à me raconter ? C’est donc José qui vous a mis au courant ?

— Demain, Germaine, demain vous saurez tout, mais n’allez pas imaginer des histoires invraisemblables. La vérité est toute simple, comme toujours. Mais maintenant, venez…

Germaine se laissa entraîner et ils gagnèrent sans rencontrer personne la petite porte du jardin qu’ils traversèrent à pas feutrés et Germaine entra dans la villa par la petite porte de la cuisine.

— Reposez-vous, tâchez de dormir, Germaine, et à demain.

Maurice s’assit sur les marches de l’escalier et resta dix minutes pour être bien sûr qu’elle n’avait pas envie de lui échapper ; mais tout resta calme et il regagna lui-même sa chambre.