Un bienfait n’est jamais perdu

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Michel Lévy frères (p. 233-281).

UN BIENFAIT
N’EST JAMAIS PERDU


PROVERBE




PERSONNAGES


ANNA DE LOUVILLE.

M. DE VALROGER.

LOUISE DE TRÉMONT.

M. DE LOUVILLE.


Au château de Louville. — Un salon.





Scène PREMIÈRE


LOUISE, ANNA.


ANNA, debout, agitée.

Enfin, tu diras ce que tu voudras, je refuse de le recevoir.

LOUISE, assise, brodant, calme.

Pourquoi ?

ANNA.

Un homme qui compromet toutes les femmes est l’ennemi naturel de toutes les femmes honnêtes.

LOUISE.

Dis-moi, je t’en prie, ce que signifie ce grand mot-là : compromettre les femmes !

ANNA.

Est-ce sérieusement que tu me fais cette question de sauvage ?

LOUISE.

Très-sérieusement. Je suis une sauvage.

ANNA.

Quelle prétention ! Est-ce qu’il y a encore des sauvages au temps où nous vivons ? Il n’y en a même plus à Carpentras.

LOUISE.

C’est pour ça qu’il y en a peut-être ailleurs. Tu ne veux pas me répondre ? C’est donc bien difficile ?

ANNA.

C’est très-aisé. Un homme qui compromet les femmes, c’est M. de Valroger.

LOUISE.

Ça ne m’apprend rien ; je ne le connais pas.

ANNA.

Tu ne l’as jamais vu ?

LOUISE.

Où l’aurais-je vu ? C’est un astre nouveau dans le monde de Paris, dont je ne suis plus depuis mon veuvage.

ANNA.

Eh bien ! moi qui habite ce château depuis deux mois, je ne connais pas non plus ce monsieur, mais mon mari le connaît ; il dit que c’est un vrai marquis de la régence.

LOUISE.

Bah ! c’est une race perdue. M. de Louville s’est moqué de toi.

ANNA.

Qui sait ? Je suis sûre qu’il me blâmerait beaucoup de le recevoir en son absence.

LOUISE.

Alors tu as bien fait de le renvoyer ; parlons d’autre chose.

ANNA.

Oh ! mon Dieu, rien ne nous empêche de parler de lui.

LOUISE.

Nous n’avons rien à en dire, ne le connaissant ni l’une ni l’autre.

ANNA.

D’autant plus que, si nous le connaissions, nous en dirions du mal.

LOUISE.

Réjouissons-nous donc de ne pas aimer les épinards, car si nous les aimions…

ANNA, allant à une fenêtre et regardant.

Oh ! que tu as de vieilles facéties ! — Tiens, il est affreux !

LOUISE.

Qui ?

ANNA.

Lui, M. de Valroger, ce beau séducteur ; il est très-laid.

LOUISE.

Comment se fait-il qu’il soit dans ton parc, sachant que tu ne reçois pas ?

ANNA.

Il aura voulu voir au moins mon parc, et, comme le jardinier ne sait pas refuser vingt francs… Je le chasserai.

LOUISE.

Le jardinier ?

ANNA.

Certainement. Il aura reçu de l’argent pour fournir à ce monsieur le moyen de m’apercevoir.

LOUISE.

Voilà de l’argent bien mal employé !

ANNA.

Ah ! tu trouves que ma figure ne vaut pas la dépense ?

LOUISE.

Si fait, mais il aurait dû se dire qu’il la verrait pour rien !

ANNA, fermant brusquement le rideau.

Il ne m’a pas vue.

LOUISE.

C’est qu’il n’aura pas voulu ! Alors il a moins de curiosité que toi.

ANNA.

Tu n’es pas curieuse, toi, de voir un homme dont on parle tant ? Il est là, tout près !

LOUISE.

Au fait, la vue n’en coûte rien. (Elle va à la fenêtre et regarde.) Franchement, eh bien ! je ne suis pas de ton avis. Il est très-agréable.

ANNA.

Agréable ! comme monsieur le bourreau de Paris !

LOUISE, revenant.

Ah ! mais, tu le détestes, ce pauvre M. de Valroger !

ANNA.

Et toi, tu le protéges ?

LOUISE.

Contre qui ?

ANNA.

Je ne sais pas, mais enfin tu meurs d’envie que je le reçoive.

LOUISE.

Ça vaudrait peut-être mieux que de s’en priver avec tant de regret.

ANNA.

Parle pour toi.

LOUISE.

Moi ? je suis sûre de le voir chez moi. Sa visite m’a été annoncée par ma mère.

ANNA.

Et tu comptes le recevoir ?

LOUISE.

Certainement.

ANNA.

Ah ! — Au fait, tu es veuve, toi, tu as des enfants…

LOUISE.

Et je suis beaucoup moins jeune que toi ; dis-le, ça ne me fâche pas, bien au contraire ; quand on n’a rien à se reprocher à mon âge, on compte ses années avec plaisir.

ANNA.

Coquette de vertu, va !

LOUISE.

Chère enfant, tu connaîtras ce plaisir-là, à la condition pourtant que tu ne mettras pas trop de curiosité dans ta vie.

ANNA.

Encore ? Je n’entends pas.

LOUISE.

Si fait. Tu sais bien que la curiosité est un trouble de l’âme, une maladie ! La vertu, c’est le calme et la santé.

ANNA.

Très-bien ! un sermon ?

LOUISE.

Que veux-tu ? je vieillis !



Scène II


ANNA, LOUISE, Un Domestique.


LE DOMESTIQUE.

M. le marquis de Valroger fait demander si madame veut le recevoir.

ANNA.

Toujours ? vous n’avez donc pas dit que j’étais sortie ?

LE DOMESTIQUE.

Je l’ai dit ; mais il a vu madame à la fenêtre, et, pensant qu’elle était rentrée…

ANNA.

L’impertinent ! Dites que je ne reçois pas.

LOUISE, au domestique.

Attendez… (Bas à Anna.) Reçois-le !

ANNA, bas.

Ah ! tu vois ! c’est toi qui le veux ! (Au domestique.) Faites entrer. (Le domestique sort.)

LOUISE.

Oui, je veux que tu voies cet homme dangereux, et que tu reconnaisses avec moi qu’il n’y a pas de tels hommes pour une honnête femme.

ANNA.

Mais mon mari… Il est vrai qu’il ne m’a pas défendu de le recevoir !

LOUISE.

Ton mari t’estime trop pour s’inquiéter de rien ; d’ailleurs je suis là.

LE DOMESTIQUE, annonçant.

M. le marquis de Valroger.



Scène III


LOUISE, ANNA, VALROGER.


VALROGER, allant à Anna.

Si j’ai eu l’audace d’insister, madame…

LOUISE.

C’est que vous m’avez vue à cette fenêtre ? (Bas à Anna étonnée.) Laisse-moi faire !

VALROGER, désignant Anna.

C’est madame que j’ai vue.

LOUISE.

Madame est mon amie, madame de Trémont, et vous êtes ici chez moi ; c’est moi seule qui dois vous demander pardon de vous avoir fait attendre.

VALROGER, railleur.

Vous êtes bien bonne de vous excuser, madame, je ne savais pas avoir attendu.

LOUISE.

C’est que… on vous avait dit que j’étais sortie. Je ne l’étais pas.

VALROGER.

Vous êtes adorable de franchise, madame ! Je dois donc me dire que votre premier mouvement avait été de me mettre à la porte ?

LOUISE.

Absolument.

VALROGER.

C’est-à-dire une fois pour toutes ?

LOUISE.

J’en conviens, puisque je me suis ravisée.

VALROGER.

J’en suis bien heureux ; mais à qui dois-je ?…

LOUISE.

Vous le devez à madame, qui m’a dit de vous le plus grand bien.

ANNA.

Ah ! par exemple !… (Louise lui fait signe de se taire.)

VALROGER, à Anna.

Je dois donc vous remercier encore plus que votre amie…

ANNA, sèchement.

Ne me remerciez pas. Je ne mérite pas tant d’honneur !

VALROGER, railleur.

Oh ! madame, vous me dites cela d’un ton… Me voilà éperdu entre la crainte et l’espérance !

ANNA, avec hauteur.

L’espérance de quoi ?

LOUISE.

L’espérance de nous plaire. (Tendant la main à Valroger.) Eh bien ! monsieur, c’est fait ; vous nous plaisez beaucoup.

VALROGER, lui baisant la main.

Vraiment ! (À part.) La drôle de femme !

LOUISE.

Comment voulez-vous qu’il en soit autrement ? Je ne savais pas moi, que vous étiez le meilleur des hommes, et que tous nos pauvres avaient été comblés par vous. C’est mon amie qui vient de me l’apprendre.

VALROGER, à Anna stupéfaite.

Comment ! vous saviez… Vraiment me voilà réhabilité à bon marché ! Est-ce qu’il y a le moindre mérite ?

LOUISE.

Oui, il y a toujours du mérite à savoir secourir avec intelligence et délicatesse. Ce n’est peut-être pas bien méritoire pour nous autres femmes, nous n’avons à faire que ça ; mais un homme du monde que ses plaisirs n’emportent pas dans un tourbillon d’égoïsme et d’oubli !… Allons, je vois que je vous embarrasse avec mes louanges… c’est fini. Je vous devais cette explication, et nous n’en parlerons plus.

VALROGER.

Eh bien, non, madame ! puisque vous le prenez ainsi, je veux tout savoir. Avant que madame de Trémont prît la peine de vous apprendre que j’étais un ange, vous pensiez que j’étais un démon, puisque vous me repoussiez sans merci de votre sanctuaire ?

LOUISE.

Vous saurez tout, car vous êtes de trop bonne compagnie pour me demander d’où je tenais ces renseignements ; on m’avait dit que vous étiez méchant.

VALROGER.

Méchant ! Voilà un mot terrible. Voulez-vous me l’expliquer, madame ?

LOUISE.

Je ne puis vous l’expliquer que comme je l’entends. Un méchant, c’est un cœur haineux, et on vous accusait de haïr les femmes.

VALROGER.

Comment peut-on haïr les femmes ?

LOUISE.

C’est les haïr que de les rechercher pour le seul plaisir de les compromettre. Les compromettre, c’est leur faire perdre l’estime et la confiance qu’elles méritaient, c’est leur faire le plus grand tort et le plus grand mal : voilà ce que c’est qu’un méchant.

VALROGER.

Très-bien. Et une méchante, qu’est-ce que c’est ?

LOUISE.

C’est la même chose. C’est une coquette au cœur froid.

VALROGER.

Voilà une bizarre aventure, madame de Louville ! On m’avait dit à moi que vous étiez une méchante dans le sens que vous donnez à ce mot !

ANNA, s’échappant.

Moi ?

VALROGER, s’apercevant de la mystification.

Vous ? (À part.) Bien ! ces dames s’amusent à mes dépens ! (Haut à Anna.) Oh ! vous, madame de Trémont, vous passez à bon droit, j’en suis certain, pour une femme sincère et indulgente ; mais elle, votre amie, madame de Louville, qui vient de si bien définir la méchanceté, elle est réputée méchante comme Satan !

ANNA.

Eh bien ! voilà une belle réputation ! mais c’est indigne !… Je… (À Louise.) Tu ne te fâches pas ?

LOUISE.

Me fâcher de cela serait avouer que je le mérite.

ANNA.

Mais monsieur l’a cru, il le croit sans doute encore ?

LOUISE.

Dame ! qui sait ? c’est à lui de répondre.

VALROGER.

Eh ! eh !

ANNA, en colère.

Comment ? vous dites eh ! eh !

VALROGER.

Oh ! oh !

ANNA.

Ce ne sont pas là des réponses !

VALROGER.

Que voulez-vous ? Certes, madame a le ciel écrit en toutes lettres sur la figure, et l’accueil qu’elle vient de me faire tournerait la tête à un novice ; mais le plus souvent ces êtres angéliques sont les plus dangereux et les plus perfides. Ils s’arrangent pour vous mettre à leurs pieds, et quand vous y êtes, ils jettent leur soulier rose et vous font voir la double griffe.

ANNA.

Alors, puisque vous ne croyez à la franchise d’aucune de nous, et que vous étiez si mal disposé contre… madame en particulier, pourquoi donc venez-vous chez-elle ? Personne ne vous y avait appelé ni attiré, que je sache.

VALROGER.

Pardonnez-moi, j’étais impérieusement sommé de comparaître pour répondre à une provocation.

ANNA.

Ah ! je ne savais pas !

VALROGER.

Non, vous ne saviez pas ; mais peut-être que madame de Louville le sait !

LOUISE.

Je m’en doute. J’ai, sans vous connaître, et sur la foi d’autrui, dit beaucoup de mal de vous. Je me suis irritée de vos faciles victoires sur les femmes légères. Je vous ai haï comme on hait celui qui vous confond avec les autres, et, tout en disant que je ne vous verrais de ma vie, j’ai eu envie de vous voir pour vous braver en face. C’est à cette provocation que vous avez répondu en venant ici.

VALROGER.

Au moins voici de la franchise.

LOUISE.

J’en ai beaucoup, c’est ma manière d’être coquette ; c’est celle des grands diplomates.

ANNA.

Je hais, je méprise la coquetterie, moi !

LOUISE.

Et moi, j’avoue que nous en avons toutes ! Il vaut bien mieux confesser nos travers que de nous les entendre reprocher à tout propos. Oui, j’avoue que, de vingt-cinq à trente ans surtout, nous sommes toutes un peu perverses, parce que nous sommes toutes un peu folles. Nous sommes enivrées de l’orgueil de la beauté quand nous sommes belles, et de celui de la vertu quand nous sommes vertueuses ; mais quand nous sommes l’un et l’autre, oh ! alors il n’y a plus de bornes à notre vanité, et l’homme qui ose douter de notre force devient un ennemi mortel. Il faut le vaincre, à tout risque, et pour le vaincre il faut le rendre amoureux ; quel prix aurait son culte, s’il ne souffrait pas un peu pour nous ? Ne faut-il pas qu’il expie son impiété ? Alors on s’embarque avec lui dans cette coquille de noix qu’on appelle la lutte, sur ce torrent dangereux qu’on appelle l’amour ; on s’y joue du péril et on s’y tient ferme jusqu’à ce qu’un écueil imprévu, le moindre de tous, peut-être un léger dépit, une jalousie puérile, vous brise avec votre aimable compagnon de voyage. Et voilà le résultat très-ordinaire et très-connu de ces sortes de défis réciproques. On commence par se haïr, puis on s’adore, après quoi on se méprise l’un et l’autre quand on ne se méprise pas soi-même. Il eût été si facile pourtant de se rencontrer naturellement, de se saluer avec politesse et de passer son chemin sans garder rancune d’un mot léger ou d’une bravade irréfléchie !

ANNA.

Ma chère, tu parles d’or ; mais moi, bonne femme, paisible et connue pour telle, je ne vois pas le but de cette confession, et je trouve qu’elle dépasse mon expérience. Je te laisserai donc implorer de monsieur l’absolution de tes fautes, et je me retire…

LOUISE.

Sans l’inviter chez toi ?

ANNA.

Sans l’inviter. Je n’ai rien à me faire pardonner, puisqu’il est convaincu que je le tiens pour un ange !

VALROGER.

Me sera-t-il permis d’aller au moins vous présenter mes actions de grâces ?

ANNA.

Oui, monsieur, au château de Trémont, (Bas à Louise.) où je ne remettrai jamais les pieds ! (Elle sort.)



Scène IV


LOUISE, VALROGER.


LOUISE.

Savez-vous bien que me voilà brouillée avec madame de Trémont ?

VALROGER.

Je vois, madame de Trémont, que vous voilà en délicatesse à propos de moi avec madame de Louville.

LOUISE.

Ah ! vous avez deviné ce que j’allais vous révéler ?

VALROGER.

Oui, madame ; j’ai vu qu’en bonne amie vous avez voulu couper le mal dans sa racine.

LOUISE.

Le mal ?

VALROGER.

Oui ; je venais ici, vous l’avez fort bien compris, pour me venger, n’importe comment, du mépris, de l’aversion que madame de Louville affecte pour ma personne. À présent il n’y aura pas moyen ; vous lui avez trop clairement montré le danger. Et puis vous m’avez rendu ridicule en sa présence, car je n’ai pas vu tout de suite le piége que vous me tendiez. Je dois donc renoncer à ma vengeance ; mais ne triomphez pas trop, j’y tenais médiocrement.

LOUISE.

Alors il me reste à vous remercier du pardon que vous accordez aux femmes vertueuses dans la personne de ma jeune amie, et à prendre acte de votre promesse.

VALROGER.

Quelle promesse ?

LOUISE.

Celle de laisser tranquille à tout jamais cette petite femme qui aime son mari, un mari excellent, un honnête homme que vous connaissez…

VALROGER.

Il n’est pas mon ami.

LOUISE.

Il le sera bientôt, puisque vous voilà établi dans notre voisinage. Vous chasserez ensemble, vous vous rencontrerez partout, vous l’estimerez, vous verrez que son ménage est heureux et honorable ; mais il n’est si bon ménage où le plus léger propos ne puisse jeter le trouble. Vous êtes un homme dangereux, en ce sens que vous ne pouvez plus faire un pas sans qu’on vous attribue un projet ou une aventure ; mais vous êtes un galant homme quand même, et vous me jurez de renoncer…

VALROGER.

Permettez ! Avant de m’engager, je voudrais comprendre…

LOUISE.

Quoi ?

VALROGER.

Je voudrais comprendre comment, pourquoi, vous, la femme proclamée vertueuse et pure par excellence, vous semblez faire bon marché de la vertu des autres femmes, au point de demander grâce pour elles ?

LOUISE.

Oh ! je vais plus loin que cela. Je fais bon marché de ma propre vertu dans le passé. Je ne sais nullement si, poursuivie et tourmentée par un séducteur habile, j’eusse gardé dans ma jeunesse le calme dont je jouis maintenant.

VALROGER.

Dans votre jeunesse ?

LOUISE.

Oui, et comme j’ai été très-heureuse en ménage et très-respectée de tout ce qui m’entourait, je suis très-indulgente pour celles qui se trompent dans les chemins embrouillés.

VALROGER.

Savez-vous bien, madame, que me voilà tenté de vous prendre pour la véritable coquette que je comptais trouver ici ?

LOUISE.

Ah oui-da !

VALROGER.

Madame de Louville est une enfant. Beauté, jeunesse, orgueil et témérité, cela est bien connu, bien peu redoutable et bien peu excitant ; mais une femme vraiment forte, habilement humble, généreuse envers les autres, soi-disant vieille, et plus belle que les plus jeunes, tenez, vous aurez beau dire, vous savez bien que tout cela est d’un prix inestimable, et qu’il y aurait une gloire immense…

LOUISE.

À l’immoler ?

VALROGER.

Non, mais à le conquérir.

LOUISE.

Conquérir ! Comment donc ? le mot est charmant ! Est-ce une déclaration que vous me faites ?

VALROGER.

Si vous voulez.

LOUISE.

Et si je ne veux pas ?

VALROGER.

Il est trop tard. Vous l’avez provoquée, et vous n’avez point paré à temps.

LOUISE.

Au fait, c’est vrai. Eh bien ! monsieur, vous êtes très-aimable, et je vous remercie.

VALROGER.

Cela veut dire que vous prenez mes paroles pour un hommage banal ?

LOUISE.

Je n’ai garde ; j’en suis trop flattée pour cela.

VALROGER.

Ah çà mais, vous êtes atrocement railleuse ! Je commence à vous croire coquette tout de bon.

LOUISE.

C’est dans mon rôle.

VALROGER.

Le rôle d’ange gardien de madame de Louville ?

LOUISE.

C’est cela ! Si je ne m’empare pas de votre cœur aujourd’hui, mon proverbe est manqué.

VALROGER.

Eh bien ! il est manqué ; je vous déteste !

LOUISE.

Oh ! que non.

VALROGER.

Vous croyez le contraire ?

LOUISE.

Pas du tout. Je vous suis parfaitement indifférente.

VALROGER.

Et sur ce terrain-là vous me payez largement de retour !

LOUISE.

Ah ! mais non.

VALROGER.

J’entends ! vous me détestez aussi, vous.

LOUISE.

C’est tout le contraire. Regardez-moi en face.

VALROGER.

Bien volontiers.

LOUISE.

Eh bien ?

VALROGER.

Eh bien ?

LOUISE.

Trouvez-vous que j’ai l’air de me moquer de vous ?

VALROGER.

Parfaitement.

LOUISE.

Oh ! l’homme habile ! Eh bien ! on vous a surfait, vous êtes un bon jeune homme, vous n’avez jamais rien lu dans les yeux d’une femme.

VALROGER.

D’une femme comme vous, c’est possible.

LOUISE.

Quelle femme suis-je donc ?

VALROGER.

Un sphinx ! Je n’ai jamais vu tant d’aplomb dans le dédain.

LOUISE.

Et moi, je n’ai jamais vu tant d’obstination dans la méfiance. Voyons, par quoi faut-il vous jurer que je vous aime ?

VALROGER, riant.

Vous m’aimez, vous !

LOUISE.

De tout mon cœur !

VALROGER, à part.

C’est une folle ! (Haut.) Jurez-le sur l’honneur, si vous voulez que je vous croie.

LOUISE.

L’honneur d’une femme ? Vous n’y croyez pas. Dans les mélodrames, on jure par son salut éternel ; mais vous n’y croyez pas davantage.

VALROGER.

Par votre amitié pour madame de Louville !

LOUISE.

Encore mieux : par l’innocence de ma fille !

VALROGER.

Quel âge a-t-elle ?

LOUISE.

Six ans.

VALROGER.

J’y crois. Donc vous m’aimez, comme ça, tout doucement, de tout votre cœur, comme le premier venu ?

LOUISE.

Je n’aime pas le premier venu. Écoutez-moi, vous allez comprendre que je ne ris pas, et que mon affection pour vous est très-sérieuse.

VALROGER.

Ah ! voyons cela, je vous en prie !

LOUISE.

Vous souvenez-vous d’un jeune garçon qui s’appelait Ferval ?

VALROGER.

Non, pas du tout !

LOUISE.

Augustin de Ferval.

VALROGER.

C’est très-vague…

LOUISE.

Alors, puisqu’il faut mettre les points sur les i, vous vous souviendrez peut-être d’une certaine demoiselle qui s’appelait Aline, et qui n’était pas du tout reine de Golconde ?

VALROGER.

Eh bien ! madame ?

LOUISE.

Eh bien ! monsieur, cette jolie personne, que vous protégiez, fut prise au sérieux par un jeune provincial, mauvaise tête…

VALROGER.

J’y suis, je me souviens ! Il y a de cela cinq ou six ans. Vous le connaissez, ce petit Ferval ?

LOUISE.

C’était mon frère, un enfant qui eut la folie de vous provoquer et dont vous n’avez pas voulu tirer vengeance, car, après lui avoir laissé la satisfaction de vous envoyer une balle, vous avez riposté sur lui avec une arme chargée à poudre. Il ne l’a jamais su ; mais des amis à vous l’ont dit en secret à sa mère, qui l’a répété à sa sœur. Vous voyez bien que cette sœur ne peut pas rire quand elle prétend qu’elle vous aime !

VALROGER.

Alors on a bien raison de prétendre qu’un bienfait n’est jamais perdu, car votre amitié doit être une douce chose ; pourtant…

LOUISE.

Pourtant ?…

VALROGER.

Vous avez tort de l’offrir pour si peu, madame ! C’est un excitant dangereux.

LOUISE.

Dangereux pour qui ?

VALROGER.

Pour moi.

LOUISE.

Pourquoi me répondez-vous comme cela, voyons ? À quoi bon poursuivre l’escarmouche de convention et garder le ton plaisant, quand je vous dis tout bonnement les choses comme elles sont ?

VALROGER.

C’est que vous oubliez vos propres paroles : je suis un méchant, et j’ai le cœur froid comme glace.

LOUISE.

Je n’ai jamais cru cela.

VALROGER.

Eh bien ! vous avez eu tort ; il fallait le croire.

LOUISE.

Pourquoi mentez-vous ? Je ne comprends plus.

VALROGER.

Je ne mens pas. Je suis amoureux de vous.

LOUISE.

Si c’était vrai, cela ne prouverait pas que vous eussiez le cœur froid.

VALROGER.

Attendez ! je suis amoureux de vous à ma manière, sans vous aimer.

LOUISE.

Je comprends ; ma confiance vous humilie, ma loyauté vous blesse. Vous vous vengez en me disant une chose que vous jugez offensante.

VALROGER.

Oui, madame, j’ai l’intention de vous offenser.

LOUISE.

Pourquoi ?

VALROGER.

Pour que vous me détestiez.

LOUISE.

Parce que l’amitié d’une honnête femme vous fait l’effet d’un outrage ?

VALROGER.

C’est comme ça. Je ne veux pas de la vôtre

LOUISE.

Vous êtes brutalement sincère !

VALROGER.

Oui. Je suis un séducteur percé à jour, comme vous êtes une coquette classique.

LOUISE.

Alors me voilà déjouée et rembarrée ! Je suis coquette tout de bon, et j’ai voulu me frotter à un vindicatif plus malin que moi, qui me remet à ma place et compte faire de moi un exemple. Est-ce cela ?

VALROGER.

Précisément.

LOUISE.

Comment vais-je sortir de là ?

VALROGER.

Vous n’en sortirez pas.

LOUISE, élevant la voix avec intention.

C’est-à-dire que vous allez faire pour moi ce que vous comptiez faire pour madame de Louville ?

VALROGER.

Oui, madame.

LOUISE.

Vous viendrez me voir ?

VALROGER.

Tous les jours.

LOUISE.

Et si la porte vous est fermée ?…

VALROGER.

Je resterai sous la fenêtre. Je coucherai dans le jardin, sous un arbre.

LOUISE.

Je suis sauvée ! vous vous enrhumerez !

VALROGER.

Je tousserai à vous empêcher de dormir. Vous m’enverrez de la tisane !

LOUISE.

Vous refuserez de la boire ?

VALROGER.

Au contraire. Je la boirai.

LOUISE.

Et alors ?

VALROGER.

Alors vous aurez pitié de moi, vous me recevrez.

LOUISE.

Et puis après ?

VALROGER.

Je reviendrai.

LOUISE.

Je me laisserai compromettre ?

VALROGER.

Non ! vous fuirez, mais je vous suivrai partout. Partout vous me trouverez pour ouvrir la voiture et vous offrir la main.

LOUISE.

C’est bien connu, tout ça.

VALROGER.

Tout est connu. Je n’ai rien découvert de neuf, il n’y a rien de mieux que les choses qui réussissent toujours.

LOUISE.

Alors c’est cela, c’est bien cela qui s’appelle compromettre une femme ?

VALROGER.

Pas du tout ! Compromettre une femme, c’est se servir des apparences qu’on a fait naître pour la calomnier ou la laisser calomnier. Je ne calomnie pas, moi. Je suis homme du monde et gentilhomme. Je dirai à toute la terre que je fais des folies pour vous en pure perte, ce qui sera vrai jusqu’au jour où vous en ferez pour moi.

LOUISE.

Et pourquoi en ferai-je ?

VALROGER.

Parce que la folie est contagieuse.

LOUISE.

Et je deviendrai folle, moi ?

VALROGER.

Ne vous fiez pas au passé.

LOUISE.

Vous savez bien que je n’en tire pas vanité. Pourtant ce qui est passé est acquis.

VALROGER.

Non ! vous l’avez dit vous-même, votre vertu a été aidée par l’absence de péril. Pourtant vous avez dû allumer des passions ; mais il y a à peine un homme sur mille qui soit doué d’assez de persévérance pour consacrer des mois et des années à la conquête d’une femme… Or je sais, je vois que vous n’avez pas rencontré cet homme-là.

LOUISE.

Et vous vous piquez de l’être ?

VALROGER.

Je le suis.

LOUISE.

Ça vous amuse ?

VALROGER.

C’est mon unique amusement.

LOUISE.

Vous êtes né hostile et vindicatif, comme on naît poëte ou rôtisseur ?

VALROGER.

Le bonheur de l’homme est de développer ses instincts particuliers.

LOUISE.

Même les mauvais ?

VALROGER.

Enfin vous reconnaissez que je suis mauvais ?

LOUISE.

C’est à quoi vous teniez ? Vous vouliez faire peur ; sans cela vous croyez votre effet manqué, et la confiance vous humilie. C’est une manie que vous avez, je le vois bien ; avec moi, elle ne sera pas satisfaite. Je vous crois bon.

VALROGER.

Vous éludez la question. Si je suis tel que je m’annonce, vous devez me haïr.

LOUISE.

Et vous voulez être haï ?

VALROGER.

Oui ; pour commencer, cela m’est absolument nécessaire.

LOUISE.

Eh bien ! comme, en ne vous accordant pas le commencement, je serai, espérons-le, préservée de la fin, je déclare que, méchant ou non, je ne puis haïr le bienfaiteur de mes pauvres et le sauveur de mon frère.

VALROGER.

Vaine invocation au passé ! Vous me haïrez quand même

LOUISE.

Comment vous y prendrez-vous ?

VALROGER.

D’abord je vais faire la cour à madame de Louville.

LOUISE, regardant vers une portière en tapisserie.

À quoi bon, si je n’en suis pas jalouse ?

VALROGER.

Vous m’avez demandé grâce pour elle. Il faut que je sois inexorable pour vous prouver que je ne vaux rien.

LOUISE, lui montrant la portière, dont les plis sont agités.

Vous pouvez lui faire la cour ; à présent qu’elle a tout entendu, elle saura se défendre. Vos plans sont livrés, et peut-être… (Elle va à la fenêtre.) Cette voiture qui roule… Oui, c’est un renfort qui lui arrive.

VALROGER.

Son mari ?

LOUISE.

Précisément.

VALROGER.

Si madame de Louville est hors de cause, on se passera de ce moyen-là.

LOUISE.

C’est tout ce que je voulais. Merci, mon cher monsieur ; elle est sauvée, et moi, je ne vous crains pas.

VALROGER.

Merci, ma chère madame, voilà que vous acceptez le défi !

LOUISE.

Le défi de quoi ? Vous voulez que je vous craigne pour arriver à vous aimer ? C’est un prologue inutile, puisque nous voici d’emblée au dénoûment. Ce que vous voulez, ce n’est pas l’amour, vous en êtes rassasié, vous n’y tenez pas, et c’est ma vertu, c’est-à-dire ma tranquillité seule, que vous voudriez ébranler. Eh bien ! sachez que, dans les âmes fermées aux malsaines agitations de la passion folle, il y a des émotions plus douces et plus pures qu’on peut être fier d’avoir fait naître et de conserver toujours jeunes. Il n’est pas humiliant d’être maternellement aimé par une femme mûre, et il ne serait pas du tout glorieux de lui tourner ridiculement la tête.

VALROGER.

Une femme mûre !…

LOUISE.

J’ai trente-six ans, mon bon monsieur !

VALROGER.

Ce n’est pas vrai, votre fille n’en a que six !

LOUISE.

Mais mon fils en a quinze !

VALROGER.

Allons donc !

LOUISE.

Je n’ai pas son extrait de naissance dans ma poche, sans cela… Mais vous voilà calmé et un peu honteux, convenez-en, de vous être trompé, vous si clairvoyant, sur l’âge d’une femme. Vous verrez mon fils, cela vous guérira tout à fait, car vous viendrez chez moi, tous les jours si vous voulez, et sans être condamné à coucher préalablement sous un arbre. Vous vous enrhumerez pour d’autres, il y aura toujours de la tisane chez moi. Vous me trouverez toujours entourée d’êtres qui ne me quittent jamais, mon fils, ma fille et mon neveu, le fils de cet Augustin de Ferval à qui vous avez sauvé la vie en dépit de lui-même ; plus ma mère qui vous bénit et prie pour vous tous les jours, plus ma belle-sœur, la femme du même Augustin, qui est dans le secret, et qui vous regarde comme un saint, tout perverti que vous passez pour être. Voyez s’il y aura moyen d’entrer chez nous comme un loup dans une bergerie ! Tout ce cher monde s’est réjoui en vous sachant fixé près de nous. Notre pauvre Augustin n’est plus, il est mort l’an dernier, et c’est son deuil que je porte ; mais nous vous devons de l’avoir conservé six ans, de l’avoir vu heureux, marié et père. Sa femme et son enfant sont des trésors qu’il nous a laissés. Toute cette famille reconnaissante, grands et petits, vous sautera au cou et aux jambes, et, quand vous aurez été bien et dûment embrassé sur les deux joues comme un ami qu’on attendait depuis longtemps et à qui l’on ne sait comment faire fête, vous sentirez que vous êtes un homme de chair et d’os comme les autres, — non le spectre de don Juan, le héros d’un autre siècle et d’un autre pays. Vous laisserez fondre la glace artificielle amassée autour de ce cœur-là, qui est vivant et humain, puisqu’il est généreux et compatissant. Votre génie du mal rira de lui-même et vous laissera consentir à aimer les honnêtes gens, à les protéger même, ce qui est bien plus facile que de leur tendre des piéges, et bien moins triste que de se battre les flancs pour les méconnaître. Vous garderez votre science, vos ruses pour celles qui les provoquent et qui ont de quoi mettre à ce jeu-là. On vous pardonnera d’avoir ce goût bizarre, vous, honnête homme, de perdre votre temps à contempler, à étudier, à mesurer la faiblesse de notre sexe, tout en excitant sa perversité. Tenez ! on vous pardonnera tout, même d’être incorrigible. On pensera que ce métier de punisseur des torts féminins est une tâche navrante, et que vous devez être un homme malheureux. On s’efforcera de vous soigner comme un malade, ou de vous distraire comme un convalescent ; si par moments vous êtes tenté de faire la guerre à vos amis, ils se diront : c’est une épreuve ; il veut savoir si nous méritons l’estime qu’il nous accorde. Alors on se tiendra de son mieux pour vous montrer qu’on y attache le plus grand prix. Et, si on ne réussit pas à mettre dans votre existence une affection pure et bienfaisante, on en aura beaucoup de chagrin, je vous en avertis, parce que l’amitié, qui n’est pas une chose convulsive, n’est pas non plus une chose froide. Donc vous aurez, sans vous donner aucune peine pour cela, un triomphe assuré chez nous, celui d’avoir touché, ému, réjoui ou attristé des âmes qui ne sont pas banales, et qui ne se donnent pas à tout le monde.

VALROGER.

Tenez, madame de Trémont, je vous aime tant, telle que vous êtes, que je me regarderais comme un sot et comme un lâche si j’avais prémédité d’entamer cette noble et touchante sérénité. Vous avez fort bien compris que je valais mieux que cela, que d’ailleurs je n’eusse jamais osé menacer sérieusement une personne telle que vous ; mais je cesse de rire, et vous rends les armes. On me l’avait bien dit : vous êtes la plus sincère, la plus tendre et la plus forte des femmes, et il y a longtemps que je sais une chose, c’est que la bonté est l’arme la plus solide de votre sexe. Toute vertu sans modestie est provocation, comme toute résistance sans conviction est grimace. Je suis heureux et fier de vous répéter que je vous comprends, que je vous respecte… Et, puisque vous m’acceptez pour frère, voulez-vous consacrer ce lien qui m’honore ?

LOUISE.

Comment ?

VALROGER.

Vous avez parlé tout à l’heure de m’embrasser sur les deux joues…

LOUISE.

C’était une métaphore !

VALROGER.

Pourquoi ne serait-ce pas la formule qui scelle un pacte d’honneur ?

LOUISE.

N’avez-vous pas encore une autre raison à donner ?

VALROGER.

Une autre raison ?

LOUISE.

Vous ne voulez pas la dire ! Non ! ce n’en est pas une pour vous. Vous avez trop de générosité pour exiger une réparation ; mais voulez-vous savoir une chose ? C’est qu’au moment où vous êtes entré ici, si j’avais écouté mon premier mouvement, je vous aurais sauté au cou ; ne prétendez pas que c’eût été une reconnaissance exagérée. Je sais tout, monsieur de Valroger, je sais qu’une de ces joues-là a été frappée par le gant de mon pauvre étourdi de frère, et, comme je ne sais pas laquelle…

VALROGER.

Toutes deux, madame, toutes deux !

LOUISE.

Je ne dis pas le contraire ; mais toute réparation demande des témoins, et justement en voici qui nous arrivent. (Elle l’embrasse sur les deux joues devant M. de Louville et sa femme qui viennent d’entrer. Anna pousse un grand cri de surprise, M. de Louville éclate de rire. Valroger met un genou en terre et baise la main de Louise.)

VALROGER.

Merci, madame, merci !

M. DE LOUVILLE, riant.

Bravo, mon cher ! voilà qui s’appelle enlever d’assaut les citadelles imprenables.

VALROGER.

C’est-à-dire que c’est moi la forteresse, et que je me suis rendu à discrétion ! (Bas, pendant que Louise va en riant auprès d’Anna.) Dites-moi, Louville, est-ce qu’il n’y a pas moyen d’épouser cette femme-là ?

M. DE LOUVILLE.

Allons donc ! Elle a peut-être quarante ans !

VALROGER.

En eût-elle cinquante !

M. DE LOUVILLE.

Ah bah ! mais elle a aimé son mari, elle adore son fils… Non, c’est impossible !

VALROGER.

C’est dommage ; c’eût été pour moi le seul moyen de devenir un homme sérieux !


FIN