Un drôle de voyage/10

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J. Hetzel et Cie (p. 133-146).

X

essais de cuisine.

« Voici votre cuisine, leur dit-elle ; voyez, le fourneau en est très-commode. Vous trouverez du charbon dans cette boîte et des copeaux dans ce grand sac. La fontaine est remplie d’eau ; n’oubliez pas que le filtre est à gauche. Voici encore, sur ce buffet, un pot d’excellent lait que vous pourrez boire si cela vous convient. — Ah ! j’oubliais de vous dire que cette porte s’ouvre sur la rue, et que le boucher, le boulanger, la fruitière et l’épicier sont à quelques pas.

— Je vous remercie, madame, dit Mimile.

— Vous êtes très-bonne, ajouta Charlot.

— Il est bien entendu maintenant que vous êtes chez vous et que le reste vous regarde.

— Oui, madame. »

Dès que Mimile et Charlot se retrouvèrent seuls, le premier dit à l’autre :

« À ouvrage, Charlot ! Tu vas allumer le feu, pendant que je vais aller aux provisions.

— Il faut acheter des côtelettes, dit Charlot.

— Et des œufs et du beurre, ajouta Mimile.

— Et du fromage de Gruyère, hein ?

— Et du vin, reprit Mimile.

— Et des confitures, » ajouta Charlot.

Des que Mimile fut sorti, Charlot s’occupa de faire du feu, ce à quoi il réussit avec infiniment de peine et de copeaux.

Le malheureux suait à grosses gouttes lorsque son compagnon rentra.

« Voilà ! s’écria joyeusement Mimile, en étalant ses provisions sur la table de la cuisine.

— Les belles côtelettes ! s’écria Charlot.

— Ce sont des côtelettes de veau… dit Mimile ; je les aime parce qu’elles sont plus grandes.

— Oh ! dit Charlot, les côtelettes de mouton, c’est trop petit pour des voyageurs.

— Ce n’est pas tout, dit Mimile ; regarde ces œufs. Sont-ils assez gros, hein ?

— Ça va nous faire une fameuse omelette, fit observer Charlot.

— Voici notre beurre et notre fromage. Je voulais acheter une salade, mais il aurait fallu l’éplucher.

— Et des confitures ? demanda Charlot.

— Il n’y en avait pas, mais le marchand m’a donné du raisiné ; il paraît que c’est meilleur. J’ai acheté aussi un petit pot de miel et deux boîtes d’allumettes, pour ne pas en manquer ; on ne sait pas ce qui peut arriver.

— Tu as bien fait, dit consciencieusement Charlot, surtout pour le miel, je l’aime beaucoup.

— En le mêlant avec le raisiné, ça doit être excellent, dit Mimile.

— Ça doit être excellent, ajouta Charlot.

— Voilà aussi une bouteille de vin ; le marchand me l’a vendue vingt sous, mais la bouteille nous appartient tout à fait. Ça n’est pas cher ! C’est même un très bon marché que nous avons fait là ! Voyons, il s’agit maintenant de faire notre dîner, car j’ai une faim…

— Est-ce que tu sauras bien le faire cuire ? demanda Charlot.

— Très-bien : est-ce que je n’ai pas vu Rosalie bien des fois faire la cuisine à la maison ? ce n’est pas difficile. D’abord, nous allons mettre les côtelettes sur le gril… Où est le gril ? Le voici ; il faut l’essuyer, car il ne s’agit pas de faire des côtelettes à la poussière. Il y a bon feu, et ça va cuire tout de suite… En attendant, il faut casser les œufs pour faire l’omelette… Tiens, voilà un petit saladier qui sera très-commode pour les battre.

— Je m’en charge, laisse-moi faire, dit Charlot.

— Fais, » dit Mimile, qui n’était pas contrariant.

Charlot se mit l’œuvre.

Malheureusement son adresse était loin d’égaler sa bonne volonté, ce qui obligea Mimile d’intervenir tout à coup en s’écriant :

« Pas comme ça ; fais donc attention, il ne faut pas écraser les œufs… Tiens, laisse-moi, que je te montre.

— Non, non ! Je vais faire attention. »

Et Charlot continua opérer absolument de même, ce qui finit par faire des œufs un agréable mélange mi-partie blanc mi-partie jaune, où des éclats de coquilles surnageaient en abondance.

Mimile ouvrait la bouche pour faire une remarque critique à ce sujet, quand une forte odeur de brûlé se répandit dans la cuisine.

« Nos côtelettes ! » s’écria-t-il.

Et il s’élança vers le fourneau ; mais il les retourna si vivement qu’il se brûla les doigts.

Charlot était rapproché de Mimile.

« Comme elles sont devenues noires ! dit-il d’un air désolé.

— Oh ! d’un côté seulement, dit Mimile, ce n’est rien ; mais je vais surveiller l’autre, afin qu’il soit mieux cuit. »

Charlot était déjà retourné à son omelette qu’il battait avec acharnement, quand une idée lumineuse surgit tout à coup dans son cerveau. Il se souvenait d’avoir mangé des omelettes aux confitures, dans sa famille, et il voulait en faire une au raisiné. Immédiatement, sans consulter Mimile, il avait mêlé la moitié de son raisiné aux œufs, et s’était remis à battre le tout ensemble.

L’incorrigible Mimile avait encore une fois quitté son fourneau pour examiner ce que faisait son camarade.

« Qu’est-ce que c’est que ça ? s’était-il écrié en voyant que les œufs de Charlot avaient pris une teinte très-foncée.

— C’est une omelette au raisiné, répondit Charlot d’un air enchanté.

— Quelle idée !

— Ce sera très-bon, tu verras, dit Charlot.

— Très-bon !… très-bon !… répéta Mimile peu convaincu.

— Ça ne peut pas être mauvais, » dit Charlot.

Une nouvelle odeur de brûlé, plus forte que la première, se fit sentir en ce moment.

Mimile épouvanté s’élança au secours de l’autre moitié de ses côtelettes.

« Encore brûlé !… s’écria-t-il en s’arrachant les cheveux. Sais-tu que c’est très-difficile de faire la cuisine !… On a beau être là… »

Il essaya de retourner encore une fois ses côtelettes… mais, hélas ! elles avaient, d’un côté comme de l’autre, des teintes très-prononcées de charbon.

Charlot, qui avait compté qu’elles seraient au moins excellentes d’un côté, en fut vivement contrarié.

Mais il fallut en prendre son parti.

« Heureusement, poursuivit-il, que nous avons une délicieuse omelette pour nous rattraper.

— Tu la feras cuire toi-même, dit brusquement Mimile, que ses insuccès culinaires rendaient de très-mauvaise humeur.

— Oui, moi-même, » répéta Charlot avec un air de suffisance.

Les deux côtelettes, grattées à outrance, furent mises sur un plat par manière d’acquit.

Elles n’étaient plus que l’ombre d’elles-mêmes, quelque chose de lamentable.

Charlot prit une poêle, et, la plaçant sur un feu très-vif, il y précipita, sans la moindre réflexion, ses fameux œufs au raisiné.

Mais, soit ignorance, soit étourderie, il avait omis de commencer par y mettre du beurre.

L’effet de cette négligence fut aussi prompt que déplorable. Une fumée épaisse, accompagnée d’une nouvelle odeur de brûlé plus âcre que les deux autres, remplit la pièce en quelques secondes : elle en était empestée à ce point que Mimile dut courir à la fenêtre et l’ouvrir toute grande pour ne pas suffoquer.

Charlot, pris à la gorge par cette vapeur, avait lâché la poêle, laquelle s’était vidée en partie dans le feu, ce qui avait, augmenté encore le désastre.

Les deux amis, accoudés à la fenêtre, toussaient comme s’ils avaient eu une très-grosse coqueluche.

Il leur eût été impossible d’échanger une parole.

Le plus fâcheux, c’est que l’amalgame formé par les œufs et le raisiné, qui était resté dans le feu, continuait de brûler et de leur envoyer un nuage de fumée noire.

Ils se résolurent enfin à sauter dans le jardin pour donner un peu d’air pur à leurs poumons, ce qui devenait indispensable.

Chaque chose a son temps ; lorsqu’ils virent que la fumée avait entièrement disparu, ils purent retourner dans leur cuisine.

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charlot pris à la gorge avait lâché la poêle.

« Quel malheur ! hein ? répondit Charlot.

— Quelle idée aussi de vouloir faire une omelette sans beurre ! dit Mimile.

— Est-ce que je le savais ? répondit Charlot.

— Cela nous prouve une fois plus, Charlot, qu’on ne sait que ce qu’on a appris. »

Mimile, on le voit, devenait de plus en plus moraliste.

Charlot réfléchit de nouveau sans répondre.

Puis, comme, en définitive, ils ne pouvaient dîner par cœur, et que l’un pas plus que l’autre n’était disposé à recommencer sa malencontreuse cuisine, ils se rabattirent sur les provisions que le feu avait épargnées, et se bourrèrent de pain, de fromage, de miel, de raisiné, arrosant indifféremment le tout et du vin qu’ils avaient acheté, et du lait qu’ils devaient à la libéralité de leur hôtesse.

La nuit n’était pas loin ; comme ils s’étaient levés dès l’aube et que leur journée avait été très-rude, ils s’endormirent le nez dans leur assiette, après avoir échangé quelques menus propos sur les incidents de leur voyage.

Mme Hubert, qui n’avait pas reparu jusque-là, entra en ce moment.

« Pauvres enfants ! » murmura-t-elle, ils sont accablés de fatigue.

Jetant ensuite un regard sur le fourneau, elle sourit en apercevant les côtelettes carbonisées, restées sur un plat, et le résidu de l’omelette au raisiné.

« Comment ! comment ! Est-ce qu’on dort sur une table ? »

Mimile et Charlot, se redressant sur leur siège, regardèrent leur hôtesse d’un air confus.

« Allons, levez-vous pour gagner votre lit, où vous reposerez plus à l’aise, » reprit celle-ci.

Mimile et Charlot gagnèrent leur chambre en trébuchant.

« Bonsoir, mes enfants, leur dit Mme Hubert.

— Bonsoir, madame, » répondit Mimile.

Charlot, le pauvre Charlot, tendait la joue comme il avait coutume de faire quand sa mère le quittait, mais Mme Hubert ne le vit pas.

Les yeux des enfants étaient si lourds que le courage leur manqua pour faire régulièrement leur lit, et ils se couchèrent tous les deux sur les matelas, après avoir pris la précaution de retirer leurs chaussures.

Ils demeurèrent là jusqu’à six heures du matin, c’est-à-dire pendant dix heures consécutives, sans plus remuer que s’ils eussent été de pierre. Ils y seraient restés plus longtemps si leur hôtesse n’était venue les tirer brusquement de leur sommeil.

Une bien grosse affaire l’avait amenée ; vous en jugerez, chers lecteurs.

La gendarmerie du pays avait reçu l’ordre, par le télégraphe, d’arrêter, partout où on les trouverait, deux jeunes garçons qui s’étaient enfuis de chez leurs parents, et de les ramener à Paris de brigade en brigade.

Notez que les signalements des deux déserteurs se rapportaient assez fidèlement à nos petits coureurs d’aventures. Toujours prêts à faire leur devoir, les gendarmes s’étaient, ce jour-là, levés de très-bonne heure pour exécuter cet ordre, et déjà ils avaient fouillé une grande partie des maisons du village.

Comme on le suppose, la rumeur était grande parmi les habitants, qu’on n’avait pas l’habitude de déranger ainsi.

Mme Hubert, instruite une des dernières de ce qui se passait, et redoutant un scandale pour sa maison, aussi bien qu’un dérangement pour ses locataires qu’on avait pu voir la veille en plein village, avait pris sans balancer la résolution de les faire évader au plus vite.

Mimile et Charlot, très-effrayés de ce qu’elle était venue leur annoncer, s’étaient mis rapidement en état de continuer leur voyage, ou tout au moins d’échapper au sort qui leur était réservé par les gendarmes, lesquels ne sont pas dans l’usage de plaisanter.

Cependant Mme Hubert, excellente femme au fond, ne voulut pas que ses hôtes s’éloignassent sans avoir pris chacun un bouillon gras, qui leur parut ce qu’il y a de plus délectable au monde. Elle les munit encore d’un morceau de pain et de quelques pommes, pour qu’ils ne fussent pas exposés à mourir de faim.

« Au revoir, mes enfants, leur dit-elle ; je vais vous ouvrir la porte qui donne sur les champs. Une fois dehors, vous n’aurez qu’à suivre le mur que vous verrez à votre droite, et vous arriverez dans la forêt où vous pourrez vous cacher, en attendant que vous trouviez bon de continuer librement votre voyage ou de retourner dans vos familles, ce qui serait plus honorable et plus sûr que de vous y faire ramener par la force publique. Allez, mes enfants, et bon voyage.

— Mille remercîments, madame, de vos bontés, répondit Mimile.

— Madame, dit Charlot en pleurant, voulez-vous m’embrasser comme maman avant que je parte ?

— De tout mon cœur, mon pauvre enfant, dit la brave femme.

Charlot, à la fois attendri et désorienté, dit à Mimile après un moment de silence :

« Je suis bien fâché de ne pouvoir être tranquille nulle part ; ça m’aurait fait bien plaisir de rester très-longtemps avec Mme Hubert. Ça me faisait penser à maman de là-bas.

Chez nos mamans, repartit Mimile, après un bon dîner tout fait, nous trouvions de bons lits tout faits aussi ; le matin, avant de partir, nous n’avions pas besoin de demander qu’on nous embrasse. Et une fois dehors pour aller au collège, nous n’avions pas les gendarmes à nos trousses.

— Ni Mange-tout-cru, dit Charlot.

— Nous savions comment se passerait la journée ; il ne dépendait que de notre conduite qu’elle fût bonne. Tandis que maintenant… nous sommes obligés d’avoir peur de bien des choses.

— De tout, dit Charlot, en poussant un très-gros soupir.

— Mais bah ! reprit Mimile, je veux être battu comme plâtre si tous ces gens-là nous empêchent d’aller en Amérique, où nous nous amuserons du matin au soir pour rattraper le temps perdu. Par exemple, j’aime mieux y être que d’y aller… Mais patience, patience mon vieux Charlot ; nous y arriverons tôt ou tard. Il m’est venu une idée tout à l’heure, et tu vas voir qu’elle est très-bonne.

— Tu crois ? répondit sans ardeur maître Charlot.

— C’est de dormir pendant le jour et de ne voyager que la nuit. De cette façon, nous ne serons tracassés par personne. Dès que les autres se mettront au lit, crac !… nous nous lèverons tous les deux pour voyager à la sourdine. Nous passerons très-facilement au milieu des sentinelles de Mange-tout-cru. Quant aux gendarmes et aux gardes champêtres, ils sont comme tout le monde ; la nuit, ils aiment mieux dormir que courir, bien sûr, et on ne va jamais les chercher que quand les accidents sont arrivés. Sois tranquille, Charlot ; moi, je suis comme les chats, je distingue de très-loin les objets dans les ténèbres. D’ailleurs, nous aurons de temps en temps le clair de la lune, et comme disait mon oncle à Jean son domestique, qui était poltron, un soir qu’il avait à lui faire faire une course hors de Paris : on a moins chaud quand on marche la nuit ; on ne risque pas d’attraper des coups de soleil. »

Ce tableau, si séduisant qu’il fût, ne produisait qu’un médiocre effet sur Charlot, qui marchait l’œil fixe et la tête inclinée. Mimile reprit alors :

« Tu ne dis plus rien ? Charlot.

— C’est que je suis fatigué d’hier.

— Fatigué !… Mais nous avons passé une si bonne nuit, sur de bons matelas… Qu’est-ce que tu diras donc quand nous passerons des nuits entières à guetter les lions ? Je sais bien qu’on est alors distrait par l’émotion et qu’on se dit tout le temps : Est-ce-moi qui vais tuer le lion, ou bien est-ce lui qui va me manger ? »

Mais plus Mimile parlait, plus le visage de Charlot se rembrunissait. La forêt où ils allaient se réfugier n’était qu’à quelques pas. Ni Mimile ni Charlot n’avaient encore assisté au spectacle grandiose que présente cette immense étendue d’arbres qu’on nomme une forêt. Ils venaient de s’arrêter au milieu d’un premier carrefour formé par trois routes ombreuses qui s’enfonçaient sous bois à perte de vue, et dont un point lumineux indiquait seul l’extrémité.

« C’est très-beau une forêt ! dit enfin Mimile.

— C’est effrayant aussi, balbutia Charlot ; il y a trop de silence. »

Pauvre Charlot ! il se plaignait vraiment que la mariée fût trop belle. À peine venait-il de se plaindre de n’être dérangé par aucun bruit, qu’une voix bizarre, qui partait on ne sait d’où, leur cria comme à travers un cornet :

« Ah ! ah ! Vous voilà par ici !… »

Mimile et Charlot eurent un tressaillement, et ils regardèrent assez longtemps autour d’eux sans apercevoir personne.

Un gros rire se fit entendre, un gros rire suivi d’un sourd bruissement de feuilles.

Puis une créature humaine dégringola d’un arbre, un gourdin à la main et un bissac sur le dos.

« Giboulot ! s’écria Mimile.

— Giboulot ! répéta Charlot. Ah ! comme il m’a fait peur.

— Peur ! dit Giboulot, y a pas de quoi. Eh oui, c’est Giboulot. J’ai appris par Mme Hubert que vous étiez partis en forêt, et j’ai planté là mes oies et mes dindons pour m’en venir avec vous.

— C’est aimable de ta part, dit Mimile.

— Je voulais m’assurer que vous n’étiez pas en peine.

— Nous te remercions bien, Giboulot, dit Charlot.

— C’est pas nécessaire, allez, car je ne me suis jamais tant égayé que depuis ce matin. Les pauvres gendarmes en avaient-ils un pied de nez !…

— Comment ? demanda Mimile.

— Ils avaient mis sens dessus dessous toutes les maisons du village sans trouver ce qu’ils cherchaient, et ils s’en retournaient les bras raides, traînant leurs bottes, leurs sabres et les cordes qu’ils avaient apportées pour vous lier ensemble…

— Par exemple ! dit Mimile, nous ne sommes pas des malfaiteurs…

— Et pourtant nous avons déjà été garrottés, dit Charlot.

— Oui, mais ce n’était pas par des gendarmes.

— C’est toujours la même chose, répliqua Charlot.

— Pas du tout, répondit Mimile. Les brigands comme ceux qui nous ont ficelés ne garrottent jamais que des honnêtes gens, mais les gendarmes, ça ne garrotte que des voleurs. Être garrotté par des brigands, ce n’est pas un affront.

— C’est bien ennuyeux tout de même, » murmura Charlot.

Giboulot les interrompit :

« Faites excuse, dit-il, si je vous coupe la parole. À présent que vous n’avez plus de logis, qu’est-ce que vous allez faire ?

— Nous !… dit Mimile fièrement, nous allons vivre dans la forêt en attendant que nous puissions passer en Amérique.

— En Americ ? qué que c’est que ce pays-là ?

— C’est un pays magnifique où l’on chasse des lions, des tigres, des éléphants tant que la journée dure et encore pendant la nuit.

— Mais ce sont des bêtes féroces, ces animaux-là. Quand on les attaque, ça doit se défendre, dit Giboulot.

— Bien sûr, dit Mimile. Mais quand on sait s’y prendre, on en vient tout de même à bout, et on vend leur peau très-cher. C’est un très-bon commerce ; nous nous mettrons fourreurs, n’est-ce pas, Charlot ?

— Dites donc, si j’allais avec vous ? insinua Giboulot.