Un mensonge de la science allemande/Appendice

La bibliothèque libre.
APPENDICE

J’ai dit en note à la page 116 que je n’avais pas pu me procurer la Neue Bibliothek publiée à Francfort au début du xviiie siècle. Grâce à mon ami M. Ledos, de la Bibliothèque nationale, j’ai appris que ce périodique se trouvait à la bibliothèque de Zurich où, par l’intermédiaire de M. Massigli, attaché à notre ambassade à Berne, j’ai pu emprunter cette 63 part. dont parlait Harles-Fabricius. Elle contient une traduction fort exacte du compte rendu que le Journal littéraire de 1717 avait fait des Conjectures académiques. Wolf avait lu, à n’en pas douter, le passage d’Harles-Fabricius.

Ici encore, les mots d’autrui pointent, si l’on pont dire, sous son texte. Il suffit de mettre en deux colonnes son latin et celui de Harles :

Harles.   Wolf.
Hedelinus in Conjectures académiq. ou Dissertation sur l’Iliade, Paris, 1715, 12, affirmat nullum umquam extitisse Homerum ; e contrario poemata, quae Ilias et Odyssea vocantur, collectionem esse putat diversorum carminum aut tragoediarum quae in Grecia antiquitus decantata fuissent… Sed illorum somnia, quae omnem fidem frangunt tolluntque historicam, ab aliis jam sunt abunde refutata.

Vide Mémoires de Litérature, tome I, p. 317 seq., Novam Bibliothecam germanice scriptam, part. 63, p. 477 seq. q.

Libellus ita inscriptus Conjectures académiques ou Diss. sur l’Iliade, Par., 1715, 8,… hominis Homerum negantis unquam fuisse, utrumque autem σωμάτιον conflatum esse docentis ex tragoediis et variis canticis….

Quod unum est ex paucis, in quibus facile apud omnes fidem inveniat ; reliqua sunt somnia et deliramenta….

[Wolf renvoie à Baillet, tome III, P. i, p. 277 : ce dernier chiffre est faux, comme nous l’avons vu ; Wolf a-t-il été trompé par ce 477 de Harles ?]

Mais Wolf s’était-il reporté à la Neue Bibliothek ?… Il n’y aurait trouvé aucune des « inepties » qu’il reprochait à d’Aubignac. Au sujet des lettres grecques, on y lit : « Von der griechischen Sprache, will d’Aubignac gar nicht urtheilen, weil von ihren Schönheiten und ihren Fehlern gründlich su raisonniren unmöglich ist, wie ersolches weitläufftig beweiset » (p. 480). Au sujet du Pont-Neuf, le texte de d’Aubignac est parfaitement rendu : « Dieses heisst ja soviel als eine Collection zusammen geflickter Gesäuge..., wie denn noch zu unsern Zeiten eine Comoedie von fünff Actibus zu Paris praesentiret worden, darinnen vielerley Historien vorkamen, die in eitel Liedern von der Neuen Brücke beschrieben waren, da nicht ein einiges fremdes Wort hinzugesetzet worden » (p. 482). A la page 494, on trouve un bon résumé de la théorie de d’Aubignac sur les « vieilles tragédies » et les « trilogies » épiques.

J’ajoute ici une note que j’ai laissé tomber, par mégarde, à la page 120, au sujet de l’ « athéisme » homérique. Il semble que Villoison, le premier, ait prononcé le mot. Il écrivait au chevalier Angiolini en 1800 : « Le divin Homère, dont on ne sait pas plus l’origine que celle du Nil, a rendu ses oracles du fond d’un sanctuaire invisible et impénétrable aux yeux des mortels, ce qui a fait révoquer en doute l’existence de ce dieu de la poésie, de ce génie créateur qu’on ne connaît que par ses œuvres, et c’est une des principales causes de cet athéisme littéraire. » Cf. Ch. Joret, D’Ansse de Villoison et l’Hellénisme en France, p. 461.