Un mot sur le 24 février

La bibliothèque libre.

UN MOT


SUR LE 24 FÉVRIER.




La Société et les Gouvernemens de l’Europe depuis la chute de Louis-Philippe jusqu’à la présidence de Louis-Napoléon Bonaparte, par M. Capefigue.[1]




On s’est demandé souvent : Faut-il réfuter la calomnie ? faut-il la laisser parler et garder devant-elle un dédaigneux silence ? N’est-ce pas la meilleure réponse à lui faire ? Dans un temps où l’on ne voit pas deux personnes du même avis sur un individu ou sur un fait ; quand il est presque impossible de s’entendre sur quelque chose ou sur quelqu’un ; quand il n’y a pas un homme ou une action qu’on ne juge de vingt manières différentes ; lorsqu’enfin les imputations les plus odieuses sont répandues avec une facilité, accueillies avec une indifférence qui les rend presque innocentes, tant les blessures qu’elles causent sont peu profondes, à quoi bon s’enquérir de ce qui se dit ou de ce qui s’imprime, et pourquoi donner à l’apologie une importance qu’on n’accorde plus à l’attaque ? Encore si l’accusation tombait de haut, si elle venait de quelque adversaire sérieux, le trait pourrait porter et mériterait qu’on le parât. Il serait nécessaire, il serait urgent d’éclairer à la fois le public et l’écrivain lui-même dont l’autorité aurait égaré ses lecteurs. Abusé par des renseignemens inexacts, il s’empresserait d’expier son injustice en rétractant son erreur ; mais des ennemis si courtois ont toujours été assez rares. D’ailleurs, pour peu qu’on se respecte, on met de la mesure jusque dans le blâme ; on ne se le permet qu’en l’appuyant sur des documens, sinon irrécusables, du moins spécieux. Cette méthode n’est point d’un usage général : elle a été remplacée par une autre beaucoup plus commune, et surtout bien plus facile. Défigurer l’histoire sous prétexte de la réformer, intervertir les opinions reçues et les réputations acquises, flétrir les noms consacrés par la tradition séculaire ou par l’appréciation contemporaine, réhabiliter ceux qu’atteint un jugement sévère et mérité, présenter des idées erronées ou vulgaires sous l’appareil d’une fausse érudition et d’une fausse conscience historique ; mêler ce que tout le monde sait à ce que personne ne croit, ce qui traîne partout à ce qu’on n’a jamais vu nulle part ; faire flotter deux ou trois paradoxes sur un océan de lieux communs ; puis, après avoir donné des banalités pour des découvertes dans un style prétentieux et vague, dont la pesanteur n’est comparable qu’à la légèreté des informations, attacher à cette compilation indigeste une longue préface pleine d’une sorte de forfanterie gouvernementale et de je ne sais quel esprit gourmé soi-disant conservateur ; se poser devant les badauds en avocat consultant de l’Europe monarchique, en conseiller intime des souverains et des hommes d’état du midi et du nord, de l’est et de l’ouest : voilà le procédé appliqué par de prétendus historiens à tous les règnes, à toutes les époques, depuis le Xe siècle jusqu’au XIXe, depuis Hugues-Capet jusqu’à Louis-Philippe ; recette uniforme avec laquelle on peut mettre toute l’histoire de France en pamphlets, comme le père Berruyer avait mis jadis toute l’histoire sainte en madrigaux.

Qu’une personne digne des respects universels et devenue plus respectable encore par l’empreinte sacrée du malheur vienne à être injustement attaquée dans de pareils ouvrages, doit-on s’en indigner ? doit-on même s’en apercevoir ? Y prendre garde, n’est-ce pas tomber dans un piège ? En croyant faire une réclamation, ne risque-t-on pas de venir en aide à une réclame ? Enfin, contre de telles attaques, y a-t-il d’autres armes que le dédain et l’oubli ?

Ces armes suffiraient, sans doute, s’il s’agissait d’une défense personnelle. Qu’un homme engagé dans le mouvement journalier des affaires, en pleine possession de sa patrie et de lui-même, qu’un ministre, par exemple, un fonctionnaire public, calomnié dans un journal, dans un livre, lève les épaules et passe, sa conduite est naturelle et logique : il a pour lui l’occasion et le temps ; il peut prendre sa revanche sans aller s’engager dans une apologie fastidieuse et inutile. Mais si l’agression tombe sur une mère, sur une veuve, sur une princesse exilée et proscrite ; si une accusation imméritée la poursuit dans le seul bien qui lui reste, dans l’intégrité de son caractère ; si elle ne peut pas se justifier en venant elle-même raconter sa vie, moyen le plus simple et le plus sûr pour tout le monde, mais que l’exil lui interdit, faut-il l’abandonner sans défense ou la contraindre à écrire, comme les accusés vulgaires, des factums, des réfutations, des mémoires ? — Non, mille fois non. Il appartient alors à ceux qui savent la vérité de la dire hautement, d’éclairer surtout ce grand nombre de lecteurs plus faibles que méchans, qui, entraînés par la curiosité ou cédant à l’attrait du mystère, prêtent une oreille favorable à toute accusation. Il faut détromper surtout les esprits avides de prétendues révélations politiques ; il faut leur montrer le poison. Un livre a été dirigé contre Mme la duchesse d’Orléans. La conduite politique de cette princesse au 24 février y est complètement dénaturée. C’est à ce point de vue que je m’occuperai de la dernière révolution. Le seul but que je me sois proposé est d’ôter par un récit exact tout crédit à des allégations mal fondées. On a débattu ailleurs, très inutilement selon moi, le degré de sincérité qu’on doit supposer à l’auteur. Est-il ou n’est-il pas de bonne foi ? Rien de plus oiseux, à mon gré, que cette investigation biographique ; je n’ai ni le temps ni le désir de m’y livrer ; je ne prétends ni incriminer ni absoudre des intentions qui, pour ma part, me touchent médiocrement, et qui, en vérité, ne peuvent préoccuper personne. L’attaque subsiste ; qu’importe le motif qui l’a dictée ? Reste cependant un fait pour lequel il est impossible de professer la même indifférence. Des bruits invraisemblables, répandus à dessein, attribuent cette attaque à l’influence d’un parti. C’est encore une nouvelle manœuvre ; on ne peut s’y méprendre, et on doit la signaler. À une époque où l’accord trop rare de toutes les opinions avouables et sincères présente le seul moyen de salut, la seule résistance possible à des doctrines perverses ; lorsqu’il n’y a pas d’autre digue contre le désordre que la conciliation sans artifice, sans subterfuge, sans arrière-pensées, entre toutes les opinions honnêtes, on ne doit pas accueillir légèrement des soupçons vagues et de mensongères rumeurs. Les partis ou plutôt les convictions honorables doivent se ménager, se respecter mutuellement. Je ne croirai jamais que les amis d’un prince dont la jeunesse s’est passée dans l’exil veuillent poursuivre la mère d’un autre prince, comme lui exilé et proscrit ; je ne croirai jamais surtout qu’un tel malheur ne soit pas respecté par ceux qui admirent de près dans la fille de Louis XVI le plus auguste exemple d’une infortune royale injustement subie et héroïquement supportée. Laissons donc à l’auteur de cette incroyable agression sa responsabilité tout entière ; ne cherchons pas à le grandir en attribuant son attaque aux suggestions d’un parti. Cette attaque n’a pas, elle ne peut avoir ce caractère. Rendons-lui seulement de justes actions de graces pour avoir donné l’occasion de révéler des faits qui, sans son intervention officieuse, n’auraient pu être de si tôt produits au grand jour. Si la vérité éclate, c’est à lui seul qu’on le devra.

En 1837, le gouvernement issu de la révolution de juillet semblait parvenu à son apogée ; il était arrivé à ce point précis où le problème d’un établissement politique est résolu, moins encore par ses amis que par ses adversaires, qui ajournent en public des desseins dont ils commencent à désespérer en secret. Au dedans comme au dehors, tout avait réussi à la dynastie nouvelle. Les relations internationales entraient dans une phase régulière ; la révolte comprimée paraissait désarmée et vaincue. Dans l’opinion de l’Europe, la sagesse, l’habileté et, ce qui est plus rassurant que l’habileté et la sagesse, le bonheur, présidaient aux destinées de la France. Sans doute on prévoyait encore de graves périls à conjurer dans l’avenir ; mais on les rejetait au-delà du règne présent. Bien plus, contre ce danger même, quelque redoutable qu’il parût d’avance, le pays trouvait de puissantes garanties dans les espérances fondées sur l’héritier du trône.

Tout le monde a connu et approché M. le duc d’Orléans, car jamais prince ne fut plus accessible, et on peut appliquer à sa mémoire ce qui a été dit d’un des personnages éminens du XVIe siècle, de l’un des Guise, si je ne me trompe : Pour le haïr, il fallait ne pas le voir. La noblesse de son maintien, la grace de son accueil, l’éclat de sa bravoure, enfin tout ce qu’il y avait de séduisant dans ce jeune prince, dans ce jeune homme, est encore présent à tous les esprits et pour ainsi dire à tous les yeux ; mais, si des traits extérieurs peuvent laisser une empreinte durable, il n’en est pas ainsi de la physionomie intime et morale, qui échappe souvent aux contemporains eux-mêmes, effacée et perdue dans un débat contradictoire, et qui disparaît bien plus facilement encore sous les fausses couleurs des pamphlétaires rétrospectifs. À cet égard, les morts ne sont pas plus heureux que les vivans ; le prince royal n’a pas été plus épargné que sa noble compagne. Que dire de ces lignes tracées au hasard où M. le duc d’Orléans n’est nommé que pour être sacrifié à un autre prince, qui certes souscrira moins que personne au jugement dont il est l’objet ? En mettant de côté un parallèle entre des qualités entièrement différentes, et sans entrer dans des détails qui nous mèneraient trop loin, nous récuserons sur ce point, comme sur tous les autres, la compétence du trop fécond historien.

M. le duc d’Orléans représentait, non les idées vaincues et surprises dans la catastrophe de février, mais les idées qui seules auraient pu la prévenir. Quoiqu’un peu dominé par une ardeur belliqueuse que l’âge aurait réglée sans l’amortir, il ne s’était pas trompé sur le caractère de son époque : il la voyait telle qu’elle est il ne tournait pas le dos à un mal réel pour aller combattre un mal imaginaire. Le mot de révolution sociale, devenu aujourd’hui, pour notre malheur, une expression banale et courante, se trouvait alors dans l’esprit de peu de gens, et n’était dans la bouche de presque personne. On signalait beaucoup d’autres périls, on oubliait celui-là. M. le duc d’Orléans avait su le voir. Ceci n’est pas une conjecture ; c’est une assertion appuyée sur un document irréfragable que certes je n’aurais pas désigné le premier à la publicité, même la plus restreinte, mais qui déjà y a été livré. Une intuition prophétique lui montrait la lutte dans un avenir que sa mort a rapproché. Certes, une telle prévision n’est pas d’un homme ordinaire, quoi qu’en dise l’écrivain qui parle du loyal duc d’Orléans avec une légèreté si étrange. S’il l’avait connu, il aurait fait de lui un portrait tout opposé. Au lieu de nier son intelligence, il lui en aurait peut-être reproché l’excès ; il aurait dit que parfois la faculté de saisir vite toutes les questions jetait quelque incertitude sur l’exercice de sa volonté, qu’à force de tout comprendre, il hésitait à choisir. Encore n’était-ce que dans des circonstances secondaires ; les grandes lignes de conduite étaient d’avance tracées dans son esprit. M. le duc d’Orléans avait ses défauts comme les autres hommes, mais il n’avait aucun de ceux qu’on lui impute ici. D’ailleurs, cette flexibilité d’appréciation, cette abondance de ressources, auraient présenté d’incontestables avantages en amenant à temps des transactions nécessaires auxquelles il se serait prêté d’autant mieux qu’il y était préparé d’avance. Il n’aurait pas eu besoin de combattre à outrance contre l’impossible. Son caractère un peu défiant, surtout envers le sort, l’aurait certainement garanti des illusions de l’optimisme, armure brillante et fragile qui couvre et soutient tant qu’elle est intacte, mais qui, au moindre choc, tombe tout entière et se brise en mille éclats. M. le duc d’Orléans était même porté à une disposition toute contraire. Selon l’expression consacrée, il voyait assez volontiers en noir. Il avait l’esprit gai et le caractère sérieux, combinaison qui mûrit l’intelligence, mais ne contribue pas au bonheur. Sur le faîte d’une fortune qu’il portait sans humilité et sans orgueil, avec un sentiment vrai de sa valeur individuelle et de la grandeur de son origine, il se sentait pris quelquefois d’une mélancolie involontaire ; mais cette vague tristesse n’affaiblit jamais ni son activité ni son courage : on aurait dit plutôt qu’il se hâtait d’agir et de vivre. Aucune carrière aussi courte n’a été mieux et plus complètement remplie. Il avait déjà donné beaucoup plus que des espérances. Brave et spirituel, généreux et magnifique, supérieurement désintéressé ; dévoué à ses amis, capable d’en avoir et digne de les conserver ; d’une discrétion à toute épreuve, injustement soupçonnée de dissimulation, il était devenu le favori de la France. Tous les jours elle apprenait à le connaître et s’attachait de plus en plus à ses aimables vertus. À l’exception des partis qu’un principe inflexible ou des passions implacables rendaient hostiles à sa dynastie, on désirait généralement qu’une alliance complétât et fixât sa destinée. On voulait voir M. le duc d’Orléans uni à une compagne digne de lui par les dons de l’esprit et surtout par les qualités du cœur. Ces conditions si rares se trouvèrent réunies dans Mme la princesse Hélène de Mecklembourg.

Les fêtes de Fontainebleau et de Versailles sont loin de nous. Qui voudrait parler aujourd’hui de ces royales splendeurs ? Trop souvent elles furent le présage des révolutions, le signal des catastrophes. Le souvenir de ces pompes nuptiales est éteint comme la flamme des girandoles et les fusées des feux d’artifice. Ce qu’on n’a pas oublié, c’est la grace, la bonté, la dignité parfaite de celle pour qui s’ouvraient alors comme par enchantement les chambres de François Ier et de Louis XIV, les galeries peintes par le Primatice et par Lebrun. À côté d’une vertu modeste et d’une bienfaisance sans faste, on remarqua l’amour et la culture des lettres, une connaissance familière de notre littérature ancienne et moderne. Alors on applaudit à des mérites si divers ; on ne s’était pas encore avisé d’en faire un crime.

Chercher à peindre les momens si rapides que M. le duc et Mme la duchesse d’Orléans passèrent ensemble, c’est essayer de reproduire le calme et l’uniformité de la vie commune. Jamais dans Paris ménage bourgeois n’a goûté un bonheur plus facile et plus simple. La naissance de deux enfans, les phases journalières de l’existence en furent les seuls événemens. On sait combien le prince royal était attaché à sa famille. Sa vénération pour ses parens, son amitié pour ses sœurs et pour ses frères, restèrent toujours inaltérables non-seulement dans leur durée, mais dans leur vivacité passionnée. C’est encore son testament qui nous en transmet l’expression. C’est là qu’on trouve les témoignages de sa tendresse pour le prince qui, dans l’ordre de la naissance, venait immédiatement après lui. « J’aime Nemours, disait-il, encore plus qu’on n’aime un frère. » Mme la duchesse d’Orléans s’associait à ces sentimens. Elle ne cessa jamais, elle n’a jamais cessé d’obtenir un tendre et cordial retour de son beau-frère en particulier et de toute sa famille en général. Le roi Louis-Philippe, la reine Marie-Amélie, l’ont toujours traitée comme une fille chérie. Que dire de l’affection si vive de la princesse Adélaïde, à qui personne, que je sache, n’a reproché d’avoir su dissimuler sa pensée ? Jamais Mme Adélaïde n’aurait pardonné le moindre désaccord avec les sentimens auxquels elle avait voué toutes les forces de son ame impétueuse et sincère, et cependant l’union de ces deux princesses ne se démentit pas un seul instant. La vie de Mme la duchesse d’Orléans se passait tout entière chez la reine, hors quelques fêtes données au pavillon Marsan, auxquelles le roi et sa famille assistaient toujours. Qu’on ne me prenne pas pour le Dangeau de la branche cadette. On sait que je l’ai servie loyalement, mais sans adulation ; le titre de courtisan ne m’appartint jamais. J’espère donc que le puritanisme républicain daignera me pardonner ces détails. Un portrait ne doit-il pas être placé dans son cadre ?

Un grand voyage entrepris dans l’intérieur fit connaître à toute la France des qualités renfermées jusqu’alors dans Paris et connues seulement du petit nombre. Les nobles époux jouirent à cette époque d’une félicité complète ; ils se voyaient appréciés par une nation dont les suffrages varient souvent, mais ne perdent jamais de leur prix et de leur prestige. Cependant le malheur les guettait de près. Des pressentimens funestes, seul héritage que M. le duc d’Orléans ait recueilli d’Henri IV, poursuivaient ce prince, qui promettait d’être un jour digne de son aïeul, et qu’une même fatalité allait atteindre. Lors de son dernier voyage en Afrique, arrivé à Toulon le 9 avril 1840, il traça ses volontés suprêmes. L’idée d’une mort prochaine est visiblement empreinte dans cet écrit. On laà retrouve également dans les lettres qu’il adressa, vers la même époque, aux personnes qu’il honorait du nom de ses amis et qui conserveront précieusement sa mémoire. « Je ne puis quitter Paris pour un voyage lointain, écrivait-il à l’une d’elles, sans vous dire un mot d’adieu. Je ne sais à quel prix la Providence me fera acheter l’acquittement de la dette d’honneur que je vais solder en Algérie ; mais, quelles que soient pour mon avenir, pour ma carrière et pour mon pays, les conséquences du devoir de conscience que je vais accomplir le plus promptement possible, je vais rechercher dans les rangs de l’armée la parole que j’y ai laissée… »

La mort de M. le duc d’Orléans fut sans contredit le coup le plus rude que pût recevoir la dynastie nouvelle. Non-seulement elle se vit privée de l’aîné de sa race, de celui qui avait acquis le plus de titres à l’attention publique ; elle perdit avec lui le prestige de son bonheur.

Dès ce moment, Mme la duchesse d’Orléans se voua à une retraite absolue, trop absolue peut-être. Il aurait été utile qu’une existence faite pour défier le grand jour n’y eût pas été si complètement, si obstinément dérobée ; mais elle n’écouta que les inspirations de sa douleur. La mort de son mari l’avait à la fois séparée du monde et rapprochée des siens. Elle se renferma dans la vie de famille et ne, s’en éloigna plus un seul jour. Elle n’eut pas d’autres résidences que celles de ses parens. Saint-Cloud, Neuilly, les Tuileries, la voyaient arriver et repartir avec ses fils le même jour et presque à la même heure que la reine. Toujours vêtue de deuil, elle n’assistait à aucun des divertissemens ordinaires dans les cours. L’éducation de ses enfans occupait tous ses momens, et si elle accordait quelquefois la faveur d’une audience, c’était avec toutes les formes consacrées par l’usage. Sans doute un esprit aussi élevé ne pouvait rester étranger au spectacle et à l’appréciation des événemens, devenus depuis quelque temps si redoutables et toujours si graves ; mais aucun jugement, surtout aucun blâme ne se plaçait sur ses lèvres. Elle se bornait uniquement à ses devoirs de mère. Si on a osé l’accuser de menées et d’intrigues, c’est faute d’avoir su concilier une réserve si modeste avec un mérite si rare. De nos jours, on ne sait plus comprendre une vie à la fois grande et simple ; l’idée de la véritable grandeur est si généralement obscurcie, qu’on ne peut plus croire à une abnégation volontaire. Dès qu’on reconnaît l’intelligence, on suppose l’agitation. Mme la duchesse d’Orléans resta silencieuse et immobile jusqu’aux jours néfastes où elle devint, non par sa volonté, mais par la force inexorable des événemens, le dernier espoir, le dernier enjeu de la monarchie. Elle n’avait jamais songé à briguer un rôle, et ce fut avec regret, mais avec résolution, qu’elle prit le sien des mains de la nécessité. Jusqu’à l’abdication du roi, elle demeura constamment auprès de la reine. Une commune pensée animait ces deux princesses. Obtenir du roi de ne point renoncer à sa couronne était leur vœu et leur espérance. Prêter à Mme la duchesse d’Orléans, dans ces heures de trouble et d’angoisse, les calculs et le sang-froid de l’ambition, c’est faire plus que de méconnaître son cœur : c’est méconnaître le cœur humain.

Le roi Louis-Philippe avait passé sa dernière revue ; il était rentré aux Tuileries. Pendant qu’il conférait dans son cabinet avec quelques hommes politiques, la reine et les princesses, renfermées dans une pièce voisine, attendaient… avec quelle anxiété ! on peut le deviner aisément. Une des personnes de la maison de Mme la duchesse d’Orléans, s’étant approchée d’elle, lui demanda avec inquiétude : « Que fait-on ? Que fait madame ? » Elle répondit : « Je ne sais pas ce qu’on fait, je sais seulement que ma place est auprès du roi. Je ne dois pas le quitter, je ne le quitterai pas. » Tout à coup la porte s’ouvrit, le roi parut et s’écria d’une voix forte : « J’abdique !… » À ces mots, la reine, Mme la duchesse d’Orléans, toutes les princesses, s’élancèrent au-devant de lui et le conjurèrent, en versant des larmes, de ne pas abdiquer ; sa belle-fille se jeta presque à ses pieds, pressant sa main avec un tendre et douloureux respect. Le roi ne répondit rien et rentra dans son cabinet. Les princesses l’y suivirent. Tandis que Louis-Philippe, pressé de toutes parts, signait son abdication, non pas avec les hésitations misérables, les tergiversations pusillanimes que lui prête un récit sans autorité et sans vraisemblance, mais avec une ferme et imperturbable lenteur, la reine et la princesse royale se tenaient par la main, en silence, à l’autre extrémité de la table. À la vue de fa signature fatale, lorsque tout fut irrévocablement accompli, elles se jetèrent en pleurant, par un mouvement, spontané, dans les bras l’une de l’autre. Où placer, dans une pareille scène, un mot malveillant et dur, une expression amère, un reproche même irréfléchi ? Quel ressentiment injuste pouvait se faire jour dans un tel moment ? Quoi qu’on en dise, il n’y eut de paroles que pour la tendresse et pour la douleur. Le roi et la reine embrassèrent leur belle-fille. Quelques hommes politiques lui parlèrent alors de la nécessité absolue où elle se trouvait de prendre la régence. Elle s’écria : « C’est impossible ! Je ne puis porter un tel fardeau ; il est au-dessus de mes forces. » Elle insista encore auprès du roi pour le conjurer de revenir sur son abdication ; mais le bruit en était déjà répandu dans la garde nationale et dans l’armée. On répéta à Mme la duchesse d’Orléans que la régence était le moyen unique de salut pour la dynastie. Elle combattit cette opinion en peu de paroles, très rapidement, comme tout ce qui se dit et se fit alors. Les gens considérables dont elle était entourée la pressaient d’accepter. Elle leur répliqua par ces mots déjà cités ailleurs : « Ôter la couronne au roi, ce n’est point la donner à mon fils. » Mais enfin il fallut se résoudre et céder. Le roi, la reine, étaient partis. Rentrée au pavillon Marsan, dans son appartement, la princesse en fit ouvrir toutes les portes. Quelques relations, très bienveillantes d’ailleurs, ont prêté à cette scène une pompe déclamatoire, une sorte d’apprêt théâtral qui n’est point dans le caractère de Mme la duchesse d’Orléans, et qui surtout n’était pas dans sa pensée en ce moment. Ce qu’elle fit alors, elle le fit noblement, dignement, simplement surtout. L’enthousiasme n’était pas le mobile unique qui la dirigeait ; ce n’était pas même le motif principal de sa résolution. Sans doute elle admettait la chance d’un grand sacrifice, elle se sentait résolue à périr, s’il le fallait ; mais elle ne rejetait pas la possibilité de se faire entendre à une population désabusée et calmée : elle croyait encore pouvoir être utile à la France, à sa famille, à son fils, en traitant à des conditions honorables. Debout avec ses enfans au pied du portrait de leur père, entourée des personnes de sa maison, de quelques officiers de marine, de quelques membres de la chambre des députés, accompagnée d’une de ses dames restée inséparable de sa destinée, elle était prête à tout, lorsqu’une personne envoyée par M. le duc de Nemours vint l’avertir, de la part du prince, de se rendre en toute hâte, par le pavillon de l’Horloge et par le jardin, au Pont-Tournant, surtout de ne pas perdre un instant pour quitter les Tuileries. La princesse se mit aussitôt en marche. À l’entrée du pavillon Marsan, elle trouva M. le duc de Nemours à cheval. Le prince se plaça auprès de sa belle-sœur pour la couvrir de son corps et la garantir des coups de fusil qu’on tirait de la place du Carrousel dans la cour des Tuileries, qui n’était pas encore envahie, mais au moment de l’être. Sous les yeux mêmes de Mme la duchesse d’Orléans, les insurgés avaient renversé et massacré un piqueur sortant à cheval des écuries du roi. Cet homme était tombé contre la grille, déjà violemment ébranlée et près de céder à l’effort des assaillans. Ceux-ci, repliés sous le guichet du Carrousel, marchaient droit sur le château, qu’ils n’avaient osé attaquer plus tôt, dans la crainte d’y trouver de la résistance. Plus enhardis maintenant, ils allaient forcer la grille, même plusieurs d’entre eux avaient pénétré dans la cour. Ce fut dans cet intervalle de quelques minutes seulement que Mme la duchesse d’Orléans put gagner le jardin des Tuileries par le pavillon de l’Horloge ; elle n’y réussit qu’en pressant le pas le long des murs. Elle tenait M. le comte de Paris par la main ; derrière elle, on portait le petit duc de Chartres, malade, grelottant de la fièvre et enveloppé de manteaux. Ils traversèrent le jardin au milieu d’une foule tumultueuse, qui cependant n’avait rien d’hostile. On criait vive la duchesse d’Orléans ! vive le comte de Paris ! Les soldats placés dans l’intérieur présentaient les armes ; on battait aux champs, derniers honneurs rendus à la royauté. Ce fut ainsi que la princesse arriva au Pont-Tournant ; mais elle n’y trouva ni les personnes ni les voitures qu’on lui avait annoncées. Elle ne put se concerter avec M. le duc de Nemours, resté à l’arrière-garde pour donner des ordres. Ne se trouvant plus à la portée de son beau-frère, entraînée par les conseils de quelques-uns des hommes politiques qui l’avaient suivie, elle se dirigea sur la chambre des députés.

Tout en rendant justice à son courage dans ce moment décisif, on a quelquefois blâmé la résolution qu’elle prit alors. Il fallait, disait-on, tourner du côté opposé, marcher droit sur les boulevards, se faire voir et montrer ses enfans au peuple. Ainsi avait agi autrefois Marie-Thérèse. Son fils dans les bras, elle avait entraîné la nation hongroise tout entière. Vive le roi Marie-Thérèse ! avaient crié les Magyars ; vive la régente Hélène ! auraient crié les Français… En vérité, c’est étrangement méconnaître les lieux et les temps. Quel effet aurait pu produire la nouvelle régente sur ce peuple en révolution, sur cette armée si profondément découragée, qui avait reçu l’ordre de mettre la crosse en l’air ? La troupe lui aurait répondu par le silence, l’émeute par des coups de fusil. Sans doute, elle n’aurait point pâli devant la mort ; mais à quoi aurait servi ce sacrifice, si ce n’est à rendre la révolte plus indomptable et la révolution plus assurée ? Et d’ailleurs aurait-elle seulement été aperçue de tout ce peuple ? Le succès des grands événemens tient souvent à de bien faibles mobiles. Le costume semble une chose bien frivole ; l’éclat extérieur est cependant nécessaire dans ces occasions tumultueuses, et lorsque le prestige en est détruit, comme il l’est désormais parmi nous, c’est une arme de plus brisée dans les mains de la monarchie. Marie-Thérèse portait le vêtement national : un blanc panache flottait sur sa tête, la pourpre et l’hermine couvraient ses épaules, un sabre sonnait à sa ceinture. Aujourd’hui tout cet attirail serait renvoyé sur les planches d’un théâtre ; il ne pourrait produire aucun effet, ou plutôt il produirait un effet contraire à l’enthousiasme. Et pourtant, comment dominer la foule, comment s’en faire apercevoir dans le costume de tous les jours et de tout le monde, sans marque distinctive, sans insignes particuliers, sans parler aux yeux par un moyen quelconque ? En se rendant sur les boulevards et dans les rues, Mme la duchesse d’Orléans ne pouvait que s’y faire tuer pour rien, ce qui convenait à son courage, mais répugnait à sa raison. En allant droit à la chambre, la princesse rendait hommage au principe qui faisait l’essence, l’honneur de sa dynastie et de son parti. À défaut de la légitimité, la royauté de juillet avait la légalité ; elle devait la conserver. Louis-Philippe ne s’en était jamais écarté, et cette fidélité même contribua à sa perte. Il est permis de ne point s’associer à tous les actes de la politique de ce prince ; mais, malgré l’événement, ce n’est point par ce côté qu’elle est attaquable. La foi dans la légalité honora seule la chute du trône. Mme la duchesse d’Orléans ne pouvait pas répudier le principe qui l’attachait solidairement à sa famille et à sa cause. Elle alla donc à la chambre des députés, et, au risque de ce qui en arriverait, c’est là, c’est là seulement qu’elle devait porter sa douloureuse et rapide régence. Poussée par un cri unanime, elle arriva, à travers les flots de la foule émue, devant le péristyle du Palais-Bourbon. M. le duc de Nemours, la voyant de loin se diriger sur la chambre, s’était hâté de la rejoindre, résolu à ne pas l’abandonner. Homme du devoir, il se plaçait auprès de la nouvelle régente ; aussi un des députés qui entouraient Mme la duchesse d’Orléans s’étant approché du prince pour lui demander s’il ne jugerait pas plus utile de rester en dehors avec les troupes sur la place Louis XV, M. le duc de Nemours répondit : « Hélène court ici des dangers, je ne veux pas la quitter ; ne me conseillez pas d’abandonner la femme de mon frère. » Peut-être lui donnait-on un avis salutaire et opportun, je ne serais pas éloigné de le croire ; mais qui pourrait blâmer une résolution si noble ? et d’ailleurs combien le blâme aurait-il été plus assuré et plus général, si on n’avait pas vu M. le duc de Nemours auprès de sa belle-soeur ! Il ne la quitta plus un seul instant.

Le cortège traversa la salle des Pas-Perdus. Bientôt une foule de députés et d’individus étrangers à la chambre déboucha de tous les couloirs et entoura la princesse, au risque de la priver d’air. « Point de princes ! s’écria un homme investi depuis d’un emploi diplomatique (quelle préparation à la diplomatie !). Point de princes ! nous n’en voulons pas ici ! » Après avoir écarté des furieux qui se précipitaient au-devant de Mme la duchesse d’Orléans pour empêcher son entrée dans la chambre, on la dégagea de la presse et on la fit entrer dans la salle des distributions. Elle s’y assit quelques minutes. Enfin on l’annonce dans l’assemblée ; elle y pénètre et se place dans l’hémicycle. On apporte des fauteuils pour elle et pour ses fils ; elle reste debout au pied de la tribune. À sa vue, les cris de vive la duchesse d’Orléans ! vive le comte de Paris ! s’élèvent de tous les côtés. Les acclamations de l’assemblée presque entière sont constatées par le Moniteur, qu’on ne trouvera pas toujours aussi exact. Sans doute des sentimens hostiles avaient déjà pénétré dans la chambre : au fond des tribunes frémissantes on sentait, on devinait des ennemis, le silence des députés de l’extrême gauche était une menace ; mais enfin l’aspect de l’assemblée, loin de révéler un parti pris contre le jeune prince et contre sa mère, semblait favorable et protecteur. Tout dépendait d’un effort : M. Dupin le tenta. Le président ne crut pas devoir s’y associer. Sur les réclamations des députés opposés à la nouvelle régence, il invita les personnes étrangères à se retirer, et, tout en répétant plusieurs fois les mots d’auguste princesse, tout en prodiguant les hommages les plus monarchiques, il engagea Mme la duchesse d’Orléans à quitter la chambre des députés par respect pour le règlement ! Ce fut alors que, se tournant vers le président avec une incomparable dignité, elle lui adressa cette parole que conservera l’histoire : « Monsieur, ceci est une séance royale ! »

Rien ne put la troubler, rien ne put l’émouvoir, et, si son intrépidité stoïque avait pu s’inoculer à toutes les ames, la royauté existerait encore en France. Et pourtant la pression matérielle était au moins égale à la préoccupation morale. L’hémicycle était rempli par une foule nombreuse, entrée avec la princesse dans l’enceinte législative : foule affairée, tumultueuse, bruyante, mêlée d’amis et d’ennemis, de curieux qui étaient venus pour voir, d’officieux qui se faisaient de fête, surtout d’individus sans opinion qui attendaient pour se déclarer, prêts à acclamer le triomphe, quel qu’il fût. Des hommes armés escaladaient les bancs, allaient et venaient, poussés ou rappelés par leurs chefs. Quelques-uns s’approchèrent de la princesse, la touchant presque de la main. « Venez, venez, madame ; » lui dit en passant un jeune homme qui descendait en courant l’escalier de la tribune ; « je vous réponds de vos enfans et de vous ; venez vous montrer au peuple, il vous proclamera tout d’une voix. » — « Ne bougez pas ! » s’écriait un autre ; « si vous faites un pas, vous et vos enfans, vous êtes morts ! » Au milieu de cet effroyable tumulte, Mme la duchesse d’Orléans ne faisait ni un mouvement ni un geste ; seulement elle était un peu pâle, et, comme si elle assistait à un spectacle émouvant et curieux, elle attachait ses regards avec une attention infatigable sur la foule et sur l’assemblée. Puis, lorsque quelques-uns des amis dévoués dont elle était accompagnée s’approchaient d’elle, elle leur répondait par un sourire triste et doux. Craignant pour sa vie, ils la suppliaient en vain de sortir : — « Si je sors d’ici, dit-elle, mon fils n’y rentrera plus. » La chaleur, la presse, la course précipitée de gens qui montaient, descendaient sans relâche, finirent par ne plus lui permettre de demeurer au pied de la tribune. Elle passa sur les gradins supérieurs de la salle, s’y assit avec ses fils et M. le duc de Nemours, suivis par les officiers de la maison de M. le comte de Paris, par quelques députés et par des gardes nationaux.

Rien n’était encore perdu, lorsque de froides et cruelles paroles, tombées goutte à goutte de la tribune, gagnèrent le centre de l’assemblée et glacèrent les cœurs étonnés et indécis. En face de M. le duc de Nemours, dont la présence attestait un acquiescement formel et une abdication bien noblement volontaire, M. Marie se fit le champion bénévole de sa régence. Il rappela la loi qui lavait décernée à ce prince « Il faut, dit-il, obéir à la loi… » À la loi portée par ces mêmes pouvoirs dont la destruction était décidée, accomplie !… L’orateur mit le comble à sa gloire en prononçant le premier ces mots : Gouvernement provisoire ; mots de funeste augure, destinés à servir d’enseigne à une anarchie que la France aurait dû dès-lors étouffer dans son germe, mais qu’à défaut de prévoyance, elle a du moins arrêtée avec courage dans sa marche audacieuse et désordonnée. Puisse-t-elle persévérer ! M. Crémieux prêta à son honorable collègue l’appui de son talent ; mais il crut devoir joindre la pantomime à l’éloquence. Après avoir parlé, il se glissa auprès de Mme la duchesse d’Orléans, et lui montra un petit papier sur lequel il lui avait fait sa leçon en termes ambigus qui pouvaient servir à deux fins. Il ajouta à ce don inestimable beaucoup de conseils, excelleras sans doute. M. Crémieux fut écouté en silence, car il assure qu’il fut écouté[2] : En tout cas, le temps était trop précieux pour l’employer à proposer des énigmes et à deviner des logogriphes. La princesse prit le chiffon que lui tendit son conseiller improvisé, le froissa dans ses doigts, le laissa tomber… On le ramassa, dit-on. Ensuite, Mme la duchesse d’Orléans se leva une seconde fois et essaya de se faire entendre. Elle crut même un instant y avoir réussi ; mais à peine eut-elle prononcé avec beaucoup de calme et de sang-froid ces simples mots : « Mon fils et moi, nous sommes venus ici… » que les hurlemens de la foule d’en bas et des tribunes étouffèrent sa voix. Les uns lui criaient : « Parlez ! parlez ! » d’autres lui disaient : « Laissez parler Odilon Barrot ! » M. Barrot, retenu par des obstacles aussi fâcheux qu’inattendus, était arrivé sur ces entrefaites ; le tumulte l’ayant empêché d’entendre la princesse et la faiblesse extrême de sa vue ne lui ayant probablement pas permis d’apercevoir qu’elle était debout, essayant de se faire écouter, il prit lui-même la parole. Alors, dans l’impossibilité de faire comprendre qu’elle voulait parler, Mme la duchesse d’Orléans fut contrainte de se rasseoir. M. Ledru-Rollin, M. de Larochejacquelein, montèrent tour à tour à la tribune, lorsqu’une bande d’ouvriers en blouse, en bourgeron, parmi lesquels on voyait des gens d’une classe toute différente qu’on reconnaissait à l’élégance de leurs vêtemens, tous le fusil sur l’épaule, tambours battans et drapeaux déployés, se précipitèrent dans la salle, poussant des cris affreux et proférant d’horribles menaces. Un insurgé parut tout à coup dans l’hémicycle envahi et brandit un drapeau à la droite de la tribune. « Il n’y a plus de royauté ! s’écrie cet homme : les Tuileries sont prises, le trône est jeté par la fenêtre ! » Un autre vexillaire se place à la gauche de la tribune. On s’y presse, on s’y pousse, on s’y heurte : tous veulent parler à la fois ; l’escalier est escaladé, le désordre est à son comble. Il est inutile de chercher à le peindre ; il est présent à tous les souvenirs, constaté par tous les documens, par le Moniteur lui-même. C’est ici pourtant qu’il faut relever une erreur grave du journal officiel. Après avoir rendu compte de cette scène tumultueuse, il fait disparaître Mme la duchesse d’Orléans ; il lui fait quitter la salle avant le discours de M. de Lamartine[3]. Nous ne voulons pas croire cette erreur volontaire ; quoi qu’il en soit, elle est importante, elle est capitale, et, dans l’intérêt de l’histoire surtout, elle doit être soigneusement relevée. La vérité est que, lorsque M. de Lamartine parut à la tribune, Mme la duchesse d’Orléans était devant lui. « Messieurs, dit l’orateur, j’ai partagé aussi profondément que qui que ce soit parmi vous le double sentiment qui a agité tout à l’heure cette enceinte, en voyant un des spectacles les plus touchans que puissent présenter les annales humaines, celui d’une princesse auguste se défendant avec son fils innocent, et venant se jeter du milieu d’un palais désert au milieu de la représentation du peuple… »

À ce langage harmonieux et pacifique, les amis de l’ordre crurent la monarchie sauvée ; ils respirèrent. L’un d’eux, qui se trouvait alors le plus rapproché de Mme la duchesse d’Orléans, lui témoigna par ses regards l’espoir dont il se sentait pénétré ; mais, d’un signe presque imperceptible de la main, la princesse lui fit comprendre qu’elle ne partageait pas ses illusions. Tandis qu’on la saluait de l’épée, elle en avait senti la pointe appuyée sur le cœur. Bientôt le glaive s’y enfonça tout entier. M. de Lamartine continua : de vaines espérances tombèrent toutes à sa voix ; les clameurs s’élevèrent plus furieuses. Pendant toute la durée du discours de l’auteur des Girondins, un homme en blouse, un sabre nu à la main, s’était posté au pied de la tribune, les yeux obstinément attachés sur le visage de l’orateur ; dès que M. de Lamartine eut fini de parler, cet homme remit son sabre dans le fourreau en criant : À la bonne heure !

Vers la péroraison, le bruit du dehors s’était violemment accru : on entendit des coups de crosse de fusil briser les portes de la tribune diplomatique, qui se remplit d’hommes armés. La chambre était prise d’assaut. Le président disparut derrière le fauteuil. La portion de la chambre entre Mme la duchesse d’Orléans et la tribune de droite fut dégarnie en un clin d’œil. La princesse resta comme un point de mire aux fusils braqués sur elle. Elle consentit alors à se retirer devant la force. L’assemblée s’était levée tout entière avec un grand bruit. Pendant le tumulte, un huissier de la chambre, vêtu en garde national, prit M. le comte de Paris dans ses bras. La princesse le suivit, tenant M. le duc de Chartres. Elle monta dans le couloir circulaire des pairs de France, longea ainsi la salle et sortit par la porte située au haut de l’extrême gauche. Là se passa une scène terrible dans un passage sombre et étroit, ouvert sur le palier d’un petit escalier tournant. La princesse fut séparée de sa suite par la foule effrayée, qui descendait des tribunes comme un torrent. Elle se sentit heurtée et rejetée contre la muraille, tandis que son faible cortége, allongé dans ce défilé à peine assez large pour le passage d’une seule personne, avait disparu, rompu et brisé par la foule. Tout à coup un homme d’une figure effroyable se jeta sur le comte de Paris, l’enleva de terre et lui serra la tête dans ses mains comme dans un étau, appuyant ses larges pouces sur les yeux de l’enfant. La pauvre mère crut qu’on voulait les arracher de leurs orbites. Elle se précipita sur l’assassin, et, avec le secours d’un garde national, lui fit lâcher prise. L’enfant tomba. Le petit duc de Chartres disparut, emporté par un passant. Nous verrons tout à l’heure comment ils furent retrouvés tous les deux. Mme la duchesse d’Orléans fut alors violemment séparée de ses fils. Entraînée, étouffée, presque jetée au bas de l’escalier, elle y resta, appelant ses enfans avec des cris douloureux. Elle se croyait arrivée à sa dernière heure.

Elle avait raison de le croire. Un prodige pouvait seul la sauver, et pourtant on vient nous dire après coup qu’en la traitant de la sorte, elle et ses enfans, on agissait dans leur intérêt ; on se vante même de l’avoir sauvée, on semble presque compter sur sa reconnaissance. « Que fût-il arrivé, dit-on ([4], si un de ces hommes courageux qui étaient à la tribune eût dit : « Ayez pitié de cette femme et de cet enfant ! Ne vous contentez pas de les entourer de respect et de compassion ; donnez-leur, à l’une la régence, à l’autre un trône ! » Et le peuple, attendri et flottant, aurait peut-être ramené avec acclamations aux Tuileries cette femme et cet enfant…

« Et le lendemain ?…

« L’esprit se perd dans l’abîme de conjectures, toutes plus sinistres les unes que les autres, sur les catastrophes qui se seraient succédé, si des hommes à courte vue et à faible cœur avaient restauré la régence le 24 février. Un instant de trêve, oui ; mais une guerre renaissante et incessante aussitôt après, une émeute nouvelle tous les matins sous les fenêtres de cette femme. L’anarchie, si elle eût cédé ; le sang à grands flots, si elle eût résisté. Aujourd’hui le palais forcé, comme au 20 juin 1791 ; demain la royauté captive, comme au 10 août… »

En vérité, si ce n’est pas une ironie sanglante (on le croirait au premier aspect, mais je repousse une telle pensée), si ce n’est pas une ironie, voilà du moins une singulière logique et une sollicitude plus étrange encore ! Comment ! pour épargner dans l’avenir une catastrophe terrible à cette femme (ce n’est pas moi qui parle, je copie), pour la garantir d’un malheur futur, on l’écrase séance tenante ! Pour la préserver d’une prison problématique, d’une fantastique tour du Temple, on l’exile, on la proscrit, on la chasse ! Pour l’empêcher d’être assassinée le 25, on l’expose à être massacrée le 24 ! D’ailleurs, pour Mme la duchesse d’Orléans, il ne s’agissait plus de la régence, mais de la vie. Arrachez-lui le pouvoir, si vous voulez, mais veillez sur ses jours. Lorsqu’elle est entourée d’assassins, protégez au moins sa sortie ; ne la laissez pas tomber mourante au pied d’un escalier. La politique ne dispense pas de l’humanité… Eh bon Dieu ! pourquoi s’étonner ? la France n’a-t-elle pas été traitée comme cette femme ?

Enfin, quelques amis dévoués parviennent jusqu’à la princesse, et réussissent à la dégager ; ils l’entraînent dans la salle des Pas-Perdus. Nouveau surcroît de danger ! La salle était envahie par des bandes furieuses. Ils gagnent alors à grand’peine la seconde salle d’attente du côté de la cour, puis les couloirs qui mènent aux bureaux de la chambre, où personne n’avait encore pénétré. À travers les corridors des bureaux, ils la conduisent au petit hôtel de la présidence ; mais ce moment, qui semblait celui de la délivrance, fut incomparablement le plus douloureux de tous. Pour la première fois, Mme la duchesse d’Orléans perdit courage et fondit en larmes. Elle ne savait pas ce qu’étaient devenus ses enfans ! Elle ne savait pas s’ils étaient vivans ou morts ! Calme tout à l’heure, presque tranquille au milieu d’un péril partagé, elle demandait avec égarement ses fils qu’elle ne voyait pas ; elle voulait courir les chercher… Bientôt M. le comte de Paris lui fut rendu. Au moment où il était tombé, un des officiers de sa maison, suivi de plusieurs gardes nationaux, le trouva gisant à terre ; l’ayant reconnu à sa voix enfantine, il le saisit rapidement et l’emporta dans ses bras. Arrivé à la salle des Pas-Perdus, l’officier fit descendre le petit prince par une fenêtre basse qui donnait sur le jardin de la présidence. Quant à M. le duc de Chartres, il avait été enlevé, comme son frère, par un insurgé, puis délivré par un huissier de la chambre. Ce brave homme l’avait caché chez lui, dans les combles du palais Bourbon. Plus tard, l’enfant fut aussi ramené à sa mère.

On ne pouvait rester plus long-temps à la chambre des députés ou dans ses dépendances. Par bonheur, une petite voiture à un cheval stationnait dans la cour. Mme la duchesse d’Orléans y monta avec M. le comte de Paris et un garde national ; deux députés l’escortèrent. Ce fut ainsi qu’elle arriva aux Invalides. M. le duc de Nemours, qui avait échappé aux insurgés en habit de garde national, y rejoignit sa belle-soeur.

En descendant de voiture, Mme la duchesse d’Orléans était entrée dans l’appartement du maréchal Molitor. Le vieux guerrier n’attendait pas la princesse. Il la reçut avec un douloureux respect, sans lui cacher cependant les craintes que pouvait inspirer pour ses enfans et pour elle le choix d’un asile où aucune défense n’était possible. « Monsieur le maréchal, répondit Mme la duchesse d’Orléans, quelque danger que nous puissions courir, je suis décidée à rester aux Invalides. Dans ce moment, c’est le séjour le plus convenable pour mon fils et pour moi : convenable pour en sortir, si un avenir nous reste encore ; convenable pour y mourir, si notre destinée est de mourir aujourd’hui. »

Toutefois elle ne se bornait pas à cette abnégation héroïque, elle n’invoquait pas seulement le secours d’un beau désespoir. Elle ne resta pas inactive un seul instant. Tout ne lui semblait pas perdu : elle avait conservé l’espoir d’une réaction dans le sens de l’ordre. Elle dit aux personnes qui l’entouraient : « Je tiens à la vie de mon fils plus qu’à sa couronne ; cependant, si sa vie est nécessaire à la France… il a près de dix ans, il est déjà en âge de s’exposer pour son pays… Tant qu’il y aura une seule personne qui me conseillera de rester ici, quel que soit le danger, je resterai. » Si l’attitude de Mme la duchesse d’Orléans avait été noble et grande dans l’assemblée législative transformée en champ de bataille, elle ne fut pas moins admirable dans sa retraite momentanée à l’hôtel des Invalides. Des négociations s’y nouèrent et s’y dénouèrent sans relâche ; des députations s’y présentèrent ; les noms de ceux qui jouèrent un rôle dans cette circonstance ne sont pas encore acquis à la publicité, et quelques-uns ne laisseraient pas de causer un peu d’étonnement. Mme la duchesse d’Orléans écoutait tout le monde, répondait à tous… Toujours résolue, jamais agitée, elle délibérait, ordonnait sans trouble, sans confusion, avec une présence d’esprit à la fois ardente et calme. Elle ne fut régente que pendant ces six heures, mais elle le fut.

Tant d’intrépidité dut fléchir devant une nécessité inexorable. Des rumeurs menaçantes se succédaient et se rapprochaient ; toutes les espérances des amis de la dynastie se détachaient une à une. Des avis auxquels la princesse ne pouvait opposer que la résignation lui apprirent que c’en était fait. « On connaissait déjà sa retraite aux Invalides… Déjà les hordes insurgées se préparaient à violer cet asile… Comment leur résister avec des piques, car on n’avait pas d’autres armes ?… Il n’y avait plus ni troupes, ni gouvernement, ni ministres… La régence était devenue impossible… Pour en prévenir l’établissement, des fanatiques ou des sicaires pouvaient aller jusqu’à l’assassinat… Il n’y avait plus de sûreté, ni pour les fils ni pour la mère ; tous périssaient sans utilité pour la France. » Voilà les paroles sinistres qui retentissaient autour de la princesse : elle résistait encore ; alors on lui conseilla de se retirer secrètement dans une maison particulière, en laissant croire qu’elle était restée aux Invalides, afin d’assurer sa fuite, si l’hôtel était envahi, ou d’y rentrer dans l’hypothèse d’une réaction monarchique. Mme la duchesse d’Orléans rejeta hautement ce dernier parti. Elle déclara qu’elle ne voulait pas de ce qu’elle appelait une supercherie, que surtout elle ne voulait pas exposer les invalides sans partager leurs dangers. « Je reste tout-à-fait ou je m’en vais tout-à-fait, » s’écria-t-elle avec une émotion généreuse peu éloignée d’une sorte d’indignation. Elle se décida enfin à se laisser conduire par ses amis dans la maison de l’un d’entre eux, située dans le voisinage, et sortit par une porte qui donne sur l’avenue de Tourville. Mme la duchesse d’Orléans était restée aux Invalides depuis deux heures après midi jusqu’à sept heures du soir. Elle passa toute la matinée du 25 dans sa retraite hospitalière ; mais il fallut en repartir le lendemain. L’esprit des campagnes paraissait inquiétant ; la république était proclamée à Paris. À l’aide d’un peu d’argent ramassé à la hâte et d’un passeport étranger, la princesse et ses fils, accompagnés d’un ami, prirent le chemin de fer dans la soirée du 26. Cette nuit-là, ils couchèrent à Amiens ; le lendemain, à Lille ; puis, après avoir traversé la Belgique sans s’être livrée à la joie douloureuse d’aller embrasser à Bruxelles sa sœur chérie, sa meilleure, sa plus constante amie, Mme la duchesse d’Orléans passa la frontière et s’arrêta à Ems. Quelque temps après, elle se retira à Eisenach, dans les états du grand-duc de Saxe-WVeimar, son oncle. Elle y réside encore en ce moment, avec MRe la grande-duchesse douairière de Mecklembourg-Schwerin, sa belle-mère ou plutôt sa mère.

C’est ici que je dois m’arrêter. À des scènes terribles, j’aurais voulu faire succéder de plus paisibles images ; mais Mme la duchesse d’Orléans est entrée dans la vie privée. À moins de méconnaître les lois d’une discrétion respectueuse, il n’est permis à personne de raconter cet exil, soutenu avec une ame religieuse et ferme, consolé (si l’exil pouvait l’être) par les affections de famille et par la satisfaction du devoir accompli. Nul n’a le droit de soulever ce voile. On l’a essayé pourtant ; on a parlé de négociations commencées et restées imparfaites, on a supposé des offres et des refus. Vaines conjectures de spéculateurs oisifs ! À Eisenach comme aux Tuileries, sur la terre d’exil comme sur les marches du trône, la princesse Hélène reste toujours soumise aux décrets de la Providence. Bien plus, ses amis n’auraient jamais cherché à rétablir des vérités obscurcies par tant de passions diverses, si une audacieuse attaque n’avait rendu l’apologie nécessaire. Qu’on le sache bien, parce que c’est la vérité, la politique n’a aucune part à cette défense. Il ne s’agit ici ni d’espérances, ni de regrets, ni de royauté, ni de régence. Et qui pourrait accueillir en ce moment toute autre pensée que le péril de la société menacée ? Sans doute la France a fait justice d’une faction hypocrite qui insinuait le désordre et l’introduisait par ruse dans la place. Elle s’est débarrassée aussi de cette politique nébuleuse qui sacrifie le présent à je ne sais quel avenir problématique, oublie le jour pour le lendemain, les générations présentes pour les générations à naître ; politique à la fois myope et presbyte, voyant trop de loin, pas assez de près, distinguant au bout d’un télescope l’écueil caché dans l’immensité des mers, le rocher perdu dans la brume de l’horizon, n’apercevant pas à ses pieds la chausse-trappe et le piège à loups ; semblable à l’astrologue de La Fontaine, qui se laissait choir dans tous les puits en bayant à tous les nuages. L’anarchie n’a plus de masque ; tous ceux qu’elle portait sont tombés ! Masques humanitaires, progressifs, machiavéliques, dithyrambiques, tout a disparu devant le vote universel. On ne voit plus du socialisme que son visage, sa tête de Gorgone coiffée de serpens ; mais, pour être à découvert, le monstre n’en est pas moins redoutable. Il se pare de couronnes civiques ; ce n’est plus l’impunité, c’est le triomphe qu’il réclame ; il demande sa place dans l’état. Les doctrines les plus perverses s’avouent, s’affichent et s’imposent. La démagogie parcourt et bouleverse l’Europe. Dans un péril général y a-t-il place pour des vœux particuliers, pour des combinaisons dynastiques ? Celle qui en serait l’objet serait la première à les désavouer. Tous les souvenirs, toutes les affections, tous les partis enfin doivent se fondre dans un seul parti : celui de l’ordre ; c’est le seul éternellement légitime. Bisquer d’y jeter la désunion, même par un sentiment honorable dans son principe, rompre une seule maille du réseau serré, mais délicat, qui maintient encore la société, serait à la fois insensé et criminel. Mais cet intérêt n’est pas le seul : dans un pays tel que le nôtre, les idées généreuses doivent savoir vivre à côté des idées utiles ; elles n’ont jamais abdiqué, même pendant nos plus mauvais jours. Parmi nous, la vertu méconnue et outragée, la puissance désarmée et déchue, ont toujours trouvé des défenseurs : c’est une de nos libertés ; nous ne devons en perdre aucune. Ainsi que je l’ai dit en commençant, je n’ai eu qu’un dessein : je n’ai pas prétendu écrire l’histoire du 24 février ; je n’ai pas fait un réquisitoire contre le passé ; je n’ai même nommé personne, à l’exception de deux ou trois hommes publics que j’ai jugés uniquement sur les paroles qu’ils ont prononcées ou sur les documens officiels signés de leur main. Je le répète, je n’ai eu qu’une pensée : j’ai voulu rétablir dans sa vérité un caractère historique présenté sous de fausses couleurs, j’ai voulu réfuter l’erreur ou la calomnie non par des phrases, mais par des faits.


ALEXIS DE SAINT-PRIEST.


P. S. Pendant l’impression de ce récit, M. Capefigue a fait paraître le second volume de son ouvrage. J’ai eu à peine le temps de le parcourir. Les détails ne m’en ont pas paru plus fidèles que ceux du premier volume, notamment dans la scène de la chambre des députés, où, entre autres inexactitudes, l’auteur fait accompagner Mme la duchesse d’Orléans par M. le duc de Montpensier, tenant le jeune comte d’Eu par la main ! Cela suffit pour prouver l’absence de toute information authentique ; néanmoins la manière convenable dont il parle cette fois de la princesse qu’il avait si injustement attaquée semble absoudre ses intentions, sinon ses renseignemens, et je crois devoir lui rendre sur ce point la justice qu’il s’est tardivement rendue lui-même.

  1. Paris, tome 1er, chez Amyot, 1849.
  2. Voir le Moniteur du mercredi 11 avril 1849.
  3. « Les regards se portent vers le sommet de l’amphithéâtre, où s’étaient assis la duchesse d’Orléans et ses enfans ; mais, au moment de l’invasion de la salle par la multitude, la princesse, les princes et ceux qui les accompagnaient sont sortis par la porte qui fait face à la tribune… MM. Crémieux, Ledru-Rollin et de Lamartine paraissent en même temps à la tribune, etc., etc. » — Moniteur du vendredi 25 février 1848.
  4. Le Conseiller dag Peuple, premier numéro, page 11-15.