Une famille pendant la guerre/XXXVI
Monsieur de Vineuil à madame de Vineuil. Paris, 16 novembre.
Enfin des nouvelles ! Juge de ma joie ! et pourtant il ne s’agit que de quatre mots, tout juste, et qui peuvent avoir quinze jours de date ! Tels qu’ils sont, mes quatre mots, ils me rendent si heureux que j’en suis à me reprocher de pouvoir jouir autant quand les angoisses ou les détresses qui m’entourent sont toujours au même point.
H… est entré chez moi ce matin, une lettre ouverte à la main. Elle était de sa femme, de Genève, et avait passé par la valise du ministre d’Amérique. Elle contenait pour moi ceci : Bonnes nouvelles des Platanes et donnait avec la même brièveté des nouvelles d’un grand nombre de familles. Écris de suite à Mme H…, dis-lui la joie qu’a causée son message, supplie-la de le renouveler, tiens-la au courant de ce qui vous arrive, parle-lui d’André… Était-il compris dans la désignation Platanes, mon brave garçon, lui qui les a quittés depuis si longtemps ? Et s’il allait bien d’ailleurs quand la lettre a été écrite, l’affaire de Coulmiers n’avait pas encore eu lieu, et pour lui, mon inquiétude reste entière… Tu vois comme le bonheur rend exigeant, c’est bien mal. Je ne devrais être que reconnaissant.