Une intrigante sous le règne de Frontenac/Épilogue

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ÉPILOGUE



Bien des événements se sont passés dans le cours rapide des trois dernières années.

Le gouverneur Frontenac est mort (28 novembre 1698) dans les sentiments d’un bon chrétien, et après avoir reçu tous les secours de la religion. Sa mort causa des regrets profonds et universels.

Madame DeBoismorel et son frère ressentirent de la tristesse en apprenant cette nouvelle. Et convaincus que la prière est la plus haute expression des regrets, ils prièrent et firent célébrer plusieurs messes à l’intention du défunt, qui avait été un gouverneur aussi respecté que redouté, un grand guerrier, un administrateur habile, un bienfaiteur public.

Mais, comme dit le proverbe, les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Et de même qu’après la pluie vient le beau temps, de même après la tristesse vient la joie.

Le lieutenant Paul Aubry est au comble de ses vœux : il a obtenu dans la marine une très belle promotion. Il l’a bien méritée, car c’est un officier valeureux et qui a le cœur plein de ses devoirs. Le lieutenant aime ses hommes et il est chéri d’eux.

Madame DeBoismorel est contente de son sort. Elle a réalisé un désir qu’elle caressait depuis longtemps, celui de fonder un hospice dans un des quartiers les plus pauvres de Paris.

Le roi, à la demande de la comtesse de Frontenac, a contribué très libéralement à l’établissement de cette maison qui abrite déjà plusieurs vieillards.

Notre héroïne, sans avoir l’habit religieux, assiste les bonnes sœurs dans tous leurs travaux.

Sous le modeste vêtement qu’elle porte, on reconnaîtrait difficilement la coquette qui fut naguère l’idole de la société aristocratique de la Nouvelle-France.

Cependant elle est toujours belle, mais d’une beauté qui la rend plus aimable aux yeux de tous, parce que cette beauté est le reflet d’une âme épurée au creuset des épreuves.



François et Henriette — demandera peut-être le lecteur — que sont-ils devenus ?

Ils ont voulu suivre à l’Hospice Saint-Michel leur bonne maîtresse, mais celle-ci leur a dit :

— Non, non ! mes amis ! Votre place n’est pas là ; elle est dans votre petite patrie, la Bretagne.

— Mais, madame, qu’irons-nous faire en Bretagne ? osa interroger François.

— Tenez, mes amis, allons droit au but. Je vous connais assez pour savoir que vous éprouvez l’un pour l’autre ce noble sentiment que Dieu a mis dans nos cœurs et qui s’appelle l’amour. Or, quand on s’aime, on se marie !

— J’y ai déjà pensé, dit François en rougissant.

— Et moé itou, roucoula Henriette…

— Alors, c’est une chose convenue, n’est-ce pas ? Je mettrai vingt mille francs dans la corbeille de mariage.

Avec cette somme et les économies que vous avez faites, vous pourrez acheter une jolie ferme dans les environs de Saint-Brieuc. Et voilà !…

Un mois plus tard, l’aumônier de l’Hospice Saint-Michel bénit l’union de François Hoël, âgé de 36 ans, et de Henriette Guerech, âgée à peine de 28 ans.

Nous ajouterons que les nouveaux époux filent maintenant le parfait amour à la mode de Bretagne.

Puissent-ils vivre heureux et… avoir plusieurs enfants qui leur ressemblent !