Une poignée de vérités/Préface

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Imprimerie Gagnon, éditeur (p. I-III).

PRÉFACE


LETTRE PRÉFACE PAR M. THOMAS CHAPAIS, CONSEILLER AU PARLEMENT DE QUÉBEC, PROFESSEUR D’HISTOIRE À L’UNIVERSITÉ LAVAL.


Cher M. Larrieu,

J’ai lu avec un bien vif intérêt votre « petit livre ». Et je viens vous dire qu’il n’a pas besoin de pilote pour cingler bravement vers les rives de la France. Déjà je le vois aborder heureusement cette terre bénie, où l’attend, n’en doutez pas, le plus cordial accueil.

Comment pourrait-il en être autrement ? Dans ses pages, vous allez parler à la vieille mère-patrie, de cette France nouvelle qu’elle enfanta naguère à la civilisation et à la foi qui lui fut plus tard arrachée, qu’elle sembla oublier longtemps, et qu’elle voit maintenant lui apparaître pleine de force et de vitalité, avec une physionomie et une voix qui démontrent péremptoirement sa filiation et la persistance de hérédités.

Votre opuscule n’a pas besoin de préface. Le nom de son auteur lui vaudra mieux que toutes les présentations exotiques, auprès de vos compatriotes… La signature du mélodieux troubadour qui, d’un hémisphère à l’autre, fait voler sur les ailes de sa chanson le doux verbe de France, sera pour lui le meilleur mot de passe. Quant à vos cousins du Canada, d’avance ils vous connaissent, ils vous apprécient, ils vous aiment… Et en voyant votre brochure à la vitrine de nos libraires, ils se diront aussitôt, avant même de l’avoir feuilletée : « En voici un qui, nous en sommes sûrs, ne dit pas du mal de nous. »

Non, vous n’en dites pas ! On sent en vous lisant que c’est non pas un simple cousin, mais un frère même qui parle. Laissez-moi vous dire que, pour ma part, j’en suis profondément touché, et que ce sentiment sera celui de tous vos lecteurs canadiens. Qu’importent, après cela, certaines divergences de point de vue, certaines nuances d’opinions, que je pourrais peut-être noter si je faisais ici un article au lieu d’une lettre. Vous nous connaissez, vous nous comprenez, vous nous témoignez la plus ardente sympathie. « Ma sympathie, je ne saurais la cacher, » déclarez-vous, « et je ne le veux pas non plus ! C’est même pour l’affirmer que j’écris. C’est pour prouver à quel point nos « cousins » du Canada ont été ignorés et méconnus. C’est pour montrer qu’ils sont bien des nôtres et qu’ils ont gardé toutes les qualités qui firent du peuple de France un des plus grands peuples du monde. C’est aussi pour les défendre contre les inconcevables calomnies qu’on a répandues à plaisir sur leur compte et que l’on continue à répandre… Voilà donc le lecteur prévenu : l’auteur de ces lignes est l’ami des Canadiens français : ce qu’il désire c’est les faire aimer comme il les aime. » Pour ceci, cher M. Larrieu, et pour tout votre opuscule je vous dis un cordial merci.

Avant d’écrire sur nous, vous avez fait longuement notre connaissance. Comme vous le dites si bien, au cours de vos randonnées, vous avez pénétré dans tous nos milieux ; vous avez fréquenté chez les pauvres aussi bien que chez les riches ; vous avez souvent logé, couché chez « l’habitant. » Votre livre devra donc être un témoignage de réelle valeur.

Les Canadiens sauront l’apprécier, et les Français du vieux pays devront vous savoir gré de leur faire mieux connaître la petite France des bords du Saint-Laurent.


THOMAS CHAPAIS.

Saint-Denis, 3 juillet 1919.

(Canada)