Une vengeance (Gilkin)

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La NuitLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 152).




UNE VENGEANCE



Femme au cœur poignardé d’une secrète offense,
Tes fiers et frêles doigts orgueilleux de vengeance
Ont, pendant son sommeil, lié ton amant nu
Aux colonnes d’argent de son lit méconnu ;
Et sous ses yeux brûlés du vitriol des larmes,
Qui fixaient, noirs d’horreur, un pêle-mêle d’armes,
De linges et de fleurs sur les meubles brisés,
En ces draps, chauds encore de ses derniers baisers,
Tu t’es prostituée à des soldats ; mais, soûle
Des hoquets orageux qui, soulevant la houle
De tes flancs sous leurs flancs jeunes et souverains,
Près de ses reins jaloux tordaient, pâmaient vos reins,
Quelle pensée a, comme un hideux diadème
D’épines, déchiré ton front, quand le troisième,
Sa blonde chair à peine assouvie, abreuvé
De ta cruauté jusqu’à la lie, a levé
Vers ton martyr ses doux yeux de chienne battue,
Plaintif, et murmurant : « Veux-tu que je la tue ? »