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Une voix dans la foule/C’étaient sept princesses

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C’ÉTAIENT SEPT PRINCESSES

Au peintre Charles Guérin.

C’étaient sept princesses autour d’une fontaine,
Assises tristement, le menton dans la main.
Elles chantaient l’amour, et la brise incertaine
Soufflait dans leurs cheveux des parfums de jasmin.

Et l’on voyait l’une parfois mordre des roses
Et l’autre follement griffer la chair des lys.
Car elles savaient trop le sens secret des choses,
Et dans leurs voix pleuraient les beaux jours de jadis.


Le pays alentour semblait vu dans un rêve.
Au bord de bassins bleus dormaient des palais blancs.
On entendait au loin déferler sur la grève
La mer, avec un bruit de soupirs somnolents.

Des paons, rouant sur des balustrades de marbre,
Ouvraient leurs éventails d’émeraude au soleil.
Midi brûlait. L’ombre était ronde sous chaque arbre.
On se sentait les mains lourdes, comme en sommeil.

C’étaient sept princesses autour d’une fontaine.
J’ai depuis bien longtemps oublié leurs doux noms.
Ce pouvaient être Alix, Rosemonde, Maleine,
Gertrude, Mélusine et Laure aux cheveux blonds.

Je me souviens que la septième, la plus belle,
N’avait pas de nom. Claire comme le matin,
Elle ouvrait de grands yeux couleur de mirabelle.
C’est elle que j’aimai dans ce temps si lointain.

L’ombre des lauriers noirs passait sur son visage.
Elle devait suivre en elle un rêve affligeant,
Car on voyait ses petits seins de vierge sage
Soulever de sanglots son gorgerin d’argent.


Je ne sais si j’osai la baiser sur la bouche,
Tant la douce avait l’air de chérir sa douleur.
Ce pays pourtant se creusait comme une couche
Et le ciel semblait la corolle d’une fleur.

Puis voici que j’oublie. Où donc t’ai-je perdue,
Mémoire d’un temps de reines en pleurs, sinon
Dans le bruit des cités ? Et t’ai-je jamais vue,
Ô chanteuse triste qui n’avais pas de nom ?

Ah ! ne suis-je vraiment qu’un poète malade
Qui, féru d’amour pour le rêve qui le fuit,
Enchante sa peine au refrain d’une ballade
Apprise aux pages d’un ancien livre, une nuit ?

Non, mon âme à ce point ne peut être incertaine.
— Dans un lointain pays aux parfums de jasmin
C’étaient sept princesses autour d’une fontaine,
Assises tristement, le menton dans la main.