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Une voix dans la foule/Le Vent sur la falaise

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Une voix dans la fouleMercure de France (p. 148-149).

LE VENT SUR LA FALAISE

Les blés sont verts et les seigles sont jaunes
Sous le vent qui vient de la mer.
J’entends au loin fuir des flûtes de faunes
Parmi les épis au chant clair.

Le vent disperse en plein ciel les mouettes,
Ailes blanches dans l’Infini,
Et rompt l’essor des brunes alouettes
Qui criaillent autour du nid.


Cheveux épars, j’attends sur la falaise
La belle dont les yeux sont bleus
Comme la mer quand le grand vent s’apaise,
Ou comme, à cette heure, les cieux.

Par le chemin de la vieille chaumière,
Que nos pas, jadis, ont foulé,
Viens à moi dans le vent et la lumière,
Viens entre le seigle et le blé !

Je sais pour toi de si douces paroles
— Moitié mots et moitié baisers —
Qu’au vent du soir écloront des fleurs folles
Sur ta joue aux émois rosés.

Te cachant, pour sourire, sous ta mante
Que gonfle le souffle des vents.
Tu me diras tes doux secrets d’amante
Dans le seigle et le blé mouvants.

Mais viens avant que la lune soit pleine,
Si tes serments ne sont pas faux.
Viens dans le vent de l’été ! Par la plaine,
J’entends qu’on affile les faux.