Utilisateur:Bgeslin/TestPage

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autrefois. — Je n’en sais rien. — Vous souvenez-vous du temps où nous étions enfants et vous la plus grande ? —  Eti vous le plus sage !   — Oh ! Sylvie ! — On nous mettait sur l’âne chacun dans un panier. — Et nous ne nous disions pas vous… Te rappelles-tu que tu m’apprenais à pécher des écrevisses sous les ponts de la Thève et de la Nonette ? — Et toi, te souviens-tu de ton frère de lait qui t’a un jour retiré de l’iuau ? — Le grand frisé ! C’est lui qui m’avait dit qu’on pouvait la passer… l’ieau »

Hélas ! ce tutoiement délicieux, qui semble un baiser, n’avait plus pour eux la même saveur qu’autrefois ; leurs lèvres l’avaient désappris, — leurs lèvres et leurs cœurs. Ils se sentaient gênés mutuellement, — elle, parce qu’elle avait remplacé son petit Parisien par un grand campagnard, comme elle avait remplacé son rustique lit à colonnes par une prétentieuse couchette de Parisienne, — lui, parce qu’il devinait au fur et à mesure chacun des changements apportés en deux ans au mobilier de l’âme de Sylvie. Cependant, à un moment où elle venait de s’attendrir plus franchement en chantant, sans phraser cette fois, une chanson du temps jadis,

À Dammartin l’y a trois belles filles…

Gérard allait tomber à ses pieds et lui offrir — non pas son cœur, elle l’avait toujours — sa main et la maison de son oncle, où ils auraient coulé leurs jours en paix, liés jusqu’à la fin de leur vie mortelle par le fil d’or de l’amour:il se retint. Ah ! pourquoi ne parla-t-il pas à ce moment ! il était encore temps de ressaisir ce bonheur calme après lequel il courait et qu’il sentait lui échapper ; plus tard il allait être trop tard.

Il se retint, et accompagna Sylvie à Loisy où on les attendait pour souper.

« La soupe à l’oignon répandait au loin son parfum patriarcal. Il y avait des voisins invités pour ce lendemain de fête. Je reconnus tout de suite un vieux bûcheron, le père Dodu, qui racontait jadis aux veillées des histoires si comiques ou si terribles. Tour à tour berger, messager, garde-chasse, pêcheur, braconnier même, le père Dodu fabriquait à ses moments perdus des coucous et des tourne-broches. Pendant longtemps, il s’était consacré à promener les Anglais dans Ermenonville, en les conduisant aux lieux de méditation de Rousseau et en leur racontant ses derniers moments. C’était lui qui avait été le petit garçon que le philosophe employait à classer ses herbes, et à qui il donna l’ordre de cueillir les ciguës dont il exprima le suc dans sa tasse de café au lait. L’aubergiste de la Croix d’Or lui contestait ce détail ; de là des haines prolongées. On avait longtemps reproché au père Dodu la possession de quelques secrets bien innocents, comme de guérir les vaches avec un verset dit à rebours et le signe de croix figuré du pied gauche ; mais il avait de bonne heure renoncé à ces superstitions, — grâce au souvenir, disait-il, des conversations de Jean-Jacques.

« — Te voilà ! petit Parisien, me dit le père Dodu. Tu viens pour débaucher nos filles ? —  Moi, père Dodu ? — Tu les emmènes dans les bois pendant que le loup n’y est pas ? — Père Dodu, c’est vous qui êtes le loup. — Je l’ai été tant que j’ai trouvé des brebis ; à présent je ne rencontre plus que des chèvres, et qu’elles savent bien se défendre ! Mais vous autres, vous êtes des malins à Paris. Jean-Jacques avait bien raison de dire : « L’homme se corrompt dans l’air empoisonné des villes. » —  Père Dodu, vous savez trop bien que l’homme se corrompt partout.

« Le père Dodu se mit à entonner un air à boire ; on voulut en vain l’arrêter à un certain couplet scabreux que tout le monde savait par cœur. Sylvie ne voulut pas chanter, malgré nos prières, disant qu’on ne chantait plus à table. J’avais remarqué déjà que l’amoureux de la veille était assis à sa gauche. Il y avait je ne sais quoi dans sa figure ronde, dans ses cheveux ébouriffés, qui ne m’était pas inconnu. Il se leva et vint derrière ma chaise en disant : « Tu ne me reconnais donc pas, Parisien ? » une bonne femme qui venait de rentrer au dessert après nous avoir servis, me dit à l’oreille : « Vous ne reconnaissez pas votre frère de lait ? » Sans cet avertissement, j’allais être ridicule. « Ah ! c’est toi, grand frisé ! dis-je, c’est toi, le même qui m’as retiré de l’ieau.’ » Sylvie riait aux éclats de cette reconnaissance, « Sans compter, disait ce garçon en m’embrassant, que tu avais une belle montre en argent, et qu’en revenant tu étais bien plus inquiet de ta montre que de toi-même, parce qu’elle ne marchait plus ; tu disais : « La bête est nayée, ça ne fait plus tic-tac ; qu’est-ce que mon oncle va dire ?… »

« — Une bête dans une montre ! dit le père Dodu, voilà ce qu’on leur fait croire à Paris, aux enfants !

« Sylvie avait sommeil, je jugeai que j’étais perdu dans son esprit. Elle remonta à sa chambre, et, pendant que je l’embrassais, elle dit : —  À demain, venez nous voir !

« Le père Dodu était restéà table avec Sylvain et mon frère de lait ; nous causâmes longtemps autour d’un ratafiat de Louvres. — Les hommes sont égaux, dit le père Dodu entre deux couplets, je bois avec un pâtissier comme je ferais avec un prince. —  Où est le pâtissier ? dis-je. — Regarde à côté de toi un jeune homme qui a l’ambition de s’établir !

« Mon frère de lait parut embarrassé. J’avais tout compris. C’est une fatalité qui m’était réservée d’avoir un frère de lait dans un pays illustré par Rousseau —  qui voulait supprimer les nourrices. Le père Dodu m’apprit qu’il était fort question du mariage de Sylvie avec le grand frisé, qui voulait aller former un établissement de pâtisserie à Dammartin. Je n’en demandai pas plus. La voiture de Nanteuil-le-Haudouin me ramena le lendemain à Paris. »


VI


Gérard revint donc à Paris, la ville de son bonheur —  et de son martyre. Il avait dit adieu pour toujours à ses rêves d’enfance et de jeunesse. Son premier soin, en revenant dans cette ville maudite et adorée, son Calvaire et son Paradis, avait été de reprendre sa place accoutumée au théâtre où jouait sa Reine de Saba ; non pas pour être vu d’elle, mais pour la voir. Cependant, comme cette contemplation l’incendiait au lieu de l’éteindre, il résolut de s’éloigner de nouveau. Le soir même de son retour de Loisy, pendant le quatrième acte, où elle ne paraissait pas, il allait acheter un bouquet chez madame Prévost, y insérait une lettre fort tendre signée un inconnu, et repartait pour l’Allemagne.

Qu’allait-il y faire ? « Essayer de remettre de l’ordre dans ses sentiments. » Sylvie lui échappait par sa faute ; mais il l’avait revue un jour, et cela avait suffi pour relever son âme : il la plaçait désormais « comme une statue souriante dans le temple de la Sagesse. Son regard l’avait arrêté au bord de l’abîme. » Du moins il le croyait.

Des mois se passèrent sans amener de changement dans la santé de son cœur — toujours aussi malade. Il revint à Paris comme il en était parti, et s’assit, résigné, à la place d’où il avait tant de fois contemplé et admiré son idole. Il fit davantage : il consentit à passer « par tous les cercles de ces lieux d’épreuves qu’on appelle théâtres. » Il mangea du tambour et but de la cymbale, comme dit la phrase dénuée de sens apparent des initiés d’Éleusis. « Elle signifiait sans doute qu’il faut au besoin passer les bornes du non-sens et de l’absurdité. »

Ce qu’il ne nous dit pas, ce qu’il croit devoir nous céler, par un sentiment d’exquise délicatesse que tous ses biographes n’ont pas eu, nous n’avons pas le droit de chercher à le deviner. Ses livres sont là qui nous mettent au courant de l’état de son âme : c’est à nous de comprendre — sans dépasser les limites de l’autorisé.

Ce que nous pouvons affirmer — d’après lui — c’est qu’il souffrit : on retrouve à chaque page la trace de ce tourment incessant.

Gérard l’a dit lui-même à propos de la passion de Restif de la Bretonne pour la belle mademoiselle Guéant, actrice de la Comédie Française : « Rien n’est plus dangereux pour les gens d’un naturel rêveur qu’un amour sérieux pour une personne de théâtre ; c’est un mensonge perpétuel, c’est le rêve d’un malade, c’est l’illusion d’un fou. La vie s’attache tout entière à une chimère irréalisable qu’on serait heureux de conserver à l’état de désir et d’aspiration, mais qui s’évanouit dès que l’on veut toucher l’idole. »

La Reine de Saba ne vivait pas dans un empyrée tellement inaccessible qu’il ne fût pas permis à un humble mortel d’y parvenir, naturellement ou par effraction. Il faut croire qu’il était parvenu, sinon à se faire comprendre, du moins à se faire entendre, puisqu’on lui avait répondu : « Vous êtes bien fou ; mais revenez me voir… Je n’ai jamais pu trouver quelqu’un qui sût m’aimer. »

Phrase sincère au moment où elle était prononcée, mais hypocrite comme toutes les paroles des femmes jeunes, belles, en renom, qui se sentent adorées d’un troupeau d’inconnus, quand elles ne sont pas déjà idolatrées d’un escadron volant d’amoureux. Le récit même de Gérard nous le prouve :

« Deux mois plus tard, je reçus une lettre pleine d’effusion. Je courus chez elle. Quelqu’un me donna dans l’intervalle un détail précieux. Le beau jeune homme que j’avais rencontré une nuit au cercle[1] venait de prendre un engagement dans les spahis.

« L’été suivant, il y avait des courses à Chantilly. La troupe du théâtre où jouait Aurélie[2] donnait là une représentation. Une fois dans le pays, la troupe était pour trois jours aux ordres du régisseur. — Je m’étais fait l’ami de ce brave homme, ancien Dorante des comédies de Marivaux, longtemps jeune premier de drame, et dont le dernier succès avait été le rôle d’amoureux dans la pièce imitée de Schiller, où mon binocle me l’avait montré si ridé. De près, il paraissait plus jeune, et, resté maigre, il produisait encore de l’effet dans les provinces. Il avait du feu. J’accompagnais la troupe en qualité de seigneur poëte ; je persuadai au régisseur d’aller donner des représentations à Senlis et à Dammartin. Il penchait d’abord pour Compiègne ; mais Amélie fut de mon avis. Le lendemain, pendant que l’on allait traiter avec les propriétaires des salles et les autorités, je louai des chevaux, et nous prîmes la route des étangs de Commelle pour aller déjeuner au château de la reine Blanche. Aurélie, en amazone, avec ses cheveux blonds flottants, traversait la forêt comme une reine d’autrefois, et les paysans s’arrêtaient éblouis. — Madame de F… était la seule qu’ils eussent vue si imposante et si gracieuse dans ses saluts. — Après le déjeuner, nous descendîmes dans des villages rappelant ceux de la Suisse, où l’eau de la Nonnette fait mouvoir des scieries. Ces aspects chers à mes souvenirs l’intéressaient sans l’arrêter. J’avais projeté de conduire Aurélie au château, près d’Orry, sur la même place verte où pour la première fois j’avais vu Adrienne. — Nulle émotion ne parut en elle. Alors je lui racontai tout ; je lui dis la source de cet amour entrevu dans les nuits, rêvé plus tard, réalisé en elle. Elle m’écoutait sérieusement et me dit : — Vous ne m’aimez pas ! Vous attendez que je vous dise : La comédienne est la même que la religieuse ; vous cherchez un drame, voilà tout, et le dénoûment vous échappe, Allez, je ne vous crois plus !

« Cette parole fut un éclair. Ces enthousiasmes bizarres que j’avais ressentis si longtemps, ces rêves, ces pleurs, ces désespoirs et ces tendresses, ce n’étaient donc pas l’amour ? Mais où donc est-il ?

« Aurélie joua le soir à Senlis. Je crus m’apercevoir qu’elle avait un faible pour le régisseur, — le jeune premier ridé. Cet homme était d’un caractère excellent et lui avait rendu des services. Elle me dit un jour : Celui que j’aime, le voilà[3] !… »


VII


On n’est pas impunément hanté par les visions de la nature de celles qui emplissaient l’esprit de Gérard de Nerval. Ce n’est pas impunément qu’on donne chaque jour son cœur à dévorer au vautour des passions dédaignées, ou méconnues, ou mal récompensées. Ce n’est pas impunément qu’on joue avec le feu de l’amour — qui vous consume lentement et ne laisse en vous que des ruines. Ce n’était pas impunément que Gérard s’en allait chaque soir manger du tambour et boire de la cymbale. Il avait beau dire : « Je me sens vivre en elle, et elle vit pour moi seul. Son sourire me remplit d’une béatitude infinie ; la vibration de sa voix si douce et cependant fortement timbrée me fait tressaillir de joie et d’amour. Elle a pour moi toutes les perfections, elle répond à tous mes enthousiasmes, à tous mes caprices, belle comme le jour aux feux de la rampe qui l’éclaire d’en bas ; pâle comme la nuit, quand la rampe baissée la laisse éclairée d’en haut sous les rayons du lustre et la montre plus naturelle, brillant dans l’ombre de sa seule beauté, comme les Heures divines qui se découpent, avec une étoile au front, sur les fonds bruns des fresques d’Herculanum… » Il avait beau dire et beau faire : l’image du jeune homme « correctement vêtu, à la figure pâle et nerveuse, » qu’il avait entrevu un soir, venait obstinément flotter, comme une ombre importune, devant l’image radieuse de la bien-aimée. Ce fruit d’or, digne du jardin des Hespérides, et que le dragon avait mal gardé, avait une tare invisible pour tout le monde — excepté pour les yeux délicats de Gérard.

Une nuit de l’hiver de 1811, il avait donné des signes si manifestes de démence, qu’on avait dû le conduire à Montmartre dans la maison de santé du docteur Blanche, d’où, au bout de quelque temps, il était sorti — sans être guéri. Ses amis, qui le croyaient mort pour eux et pour les lettres, avaient déjà fait « l’épitaphe de son esprit, » — Alexandre Dumas entre autres. « C’est, écrivait ce dernier en croyant que jamais Gérard ne lirait cet éloge singulier, c’est un esprit charmant et distingué, chez lequel de temps en temps un certain phénomène se produit qui, par bonheur, nous l’espérons, n’est sérieusement inquiétant ni pour lui, ni pour ses amis ; de temps en temps, lorsqu’un travail quelconque l’a fort préoccupé, l’imagination, cette folle du logis, en chasse momentanément la raison, qui n’en est que la maîtresse ; alors, la première reste seule toute-puissante, dans ce cerveau nourri de rêves et d’hallucinations, ni plus ni moins qu’un fumeur d’opium du Caire, ou qu’un mangeur de hatchisch d’Alger, et alors, la vagabonde qu’elle est le jette dans les théories impossibles, dans les livres infaisables. Tantôt il est le roi d’Orient Salomon, il a retrouvé le sceau qui évoque les esprits, il attend la Reine de Saba ; et alors, croyez-le bien, il n’est conte de fée, ou des Mille et Une Nuits, qui vaille ce qu’il raconte à ses amis, qui ne savent s’ils doivent le plaindre ou l’envier, de l’agilité et de la puissance de ces esprits, de la beauté et de la richesse de cette reine ; tantôt il est sultan de Crimée, comte d’Abyssinie, duc d’Égypte, baron de Smyrne. Un autre jour, il se croit fou, et il raconte comment il l’est devenu, et avec un si grand entrain, en passant par des péripéties si amusantes, que chacun désire le devenir pour suivre ce guide entraînant dans le pays des chimères et des hallucinations, plein d’oasis plus fraîches et plus ombreuses que celles qui s’élèvent sur la route brûlée d’Alexandrie à Ammon ; tantôt enfin, c’est la mélancolie qui devient sa muse, et alors retenez vos larmes si vous pouvez, car jamais Werther, jamais René, jamais Antony[4] n’ont eu plaintes plus poignantes, sanglots plus douloureux, paroles plus tendres, cris plus poétiques… »

Gérard ne s’était pas fâché de cet éloge ; il y avait répondu fort spirituellement dans sa dédicace des Filles du Feu où, sous le pseudonyme de Brisacier, il raconte de nouveau, et sous une forme nouvelle, son amour toujours vivant pour sa chère Reine de Saba. L’allusion y est d’une transparence éloquente et émouvante pour quiconque connaît un peu le dessous des cartes de cet amour de théâtre.

Quelques passages au hasard. L’illustre Brisacier, c’est-à-dire Gérard, qui feint d’être un comédien de la troupe nomade immortalisée par Scarron, et qui est amoureux de la belle l’Étoile, sa camarade, Brisacier s’écrie : « Ne m’as-tu pas aimé un instant, froide Étoile ! à force de me voir souffrir, combattre ou pleurer avec toi !… On se disait chaque soir : Quelle est donc cette comédienne si au-dessus de tout ce que nous avons applaudi ? Ne nous trompe-t-on pas ? Est-elle bien aussi jeune, aussi fraîche, aussi honnête qu’elle le paraît ? Sont-ce de vraies perles, et de fines opales qui ruissellent parmi ses blonds cheveux cendrés, et ce voile de dentelle appartient-il bien légitimement à cette malheureuse enfant ? N’a-t-elle pas honte de ces satins brochés, de ces velours à gros plis, de ces peluches et de ces hermines ? Tout cela est d’un goût suranné qui accuse des fantaisies au-dessus de son âge. Ainsi parlaient les mères, en admirant toutefois un choix constant d’atours et d’ornements d’un autre siècle qui


  1. « Un de mes amis me dit : — Voici longtemps que je ie rencontre dans le mime théâtre, et chaque fois que j’y vais. Pour laquelle y viens-tu ?

    « Pour laquelle ? Il ne me semblait pas que l’on pût aller là pour une autre. Cependant j’avouai un nom. — Eh bien ! dit mon ami avec indulgence, tu vois là-bas l’homme heureux qui vient de la reconduire et qui, fidèle aux lois de notre cercle, n’ira peut-être la retrouver qu’après la nuit.

    « Sans trop d’émotion, je tournai les yeux vers le personnage indiqué. C’était un jeune homme correctement vêtu, d’une figure pâle et nerveuse, ayant des manières convenables et des yeux empreints de mélancolie et de douceur. Il jetait de l’or sur une table de whist et le perdait avec indifférence. — Que m’importe, dis-je, lui ou tout autre ? Il fallait qu’il y en eût un, et celui-là me paraît digne d’avoir été choisi. — Et toit — Moi ? c’est une image que je poursuis, rien de plus. »

    (Les Filles du feu, édition Michel Lévy. p. 114.)

  2. Lisez un autre nom. — celui que Gérard ne prononce jamais. Aurélie, c’est Adrienne, et Adrienne, c’est l’aimable femme dont quelques vieux habitués du théâtre Feydeau ont seuls aujourd’hui conservé le souvenir. (A. D.)
  3. Marguerite, dite Jenny Colon, était née à Boulogne-sur-Mer, le 5 novembre 1808, d’une famille de comédiens obscurs dont elle devait illustrer le nom. En 1822, à quatorze ans, elle avait débuté au théâtre Feydeau dans un opéra comique de Dalayrac, les Deux petits Savoyards, et son succès avait été aussi complet que celui de Léontine Fay plus tard. Le public aime les prodiges. En 1823, elle avait débuté au Vaudeville par un rôle plus sérieux, dans une pièce de Paul de Kock, la Laitière de Montfermeil, et avait obtenu le même succès. Le public parisien l’avait décidément adoptée. Le 27 octobre 1828, elle avait débuté aux Variétés dans la Semaine des Amours de Dumanoir, puis avait couru la province, et, finalement, était revenue à son berceau, l’Opéra-Comique, où elle était rentrée par le rôle de Sarah, dans la pièce de Grisar. Le grand opéra la tentait : elle avait été s’y essayer à Bruxelles, où elle avait joué le rôle de Marguerite des Huguenots, le 6 juin 1841. C’était la dernière fois qu’elle devait paraître sur un théâtre. Épuisée, malade, elle s’en venait mourir à Paris, un an après, le 5 juin 1842. En 1824, au printemps de sa vie et de ses succès, elle avait épousé Lafont, acteur du Vaudeville, devant le forgeron de Gretna-Green, — un jardinier plutôt qu’un forgeron, puisque ses chaînes sont des chaînes de fleurs que le temps flétrit et que brise la loi. Plus tard, mieux avisée, elle avait eu « un faible » pour un artiste de son théâtre et avait consenti à devenir sa femme. Mais, contraste singulier et bien fait pour réjouir le moraliste et le philosophe, c’était précisément le mariage qui devait être le plus caché qui avait été le plus su, et celui qui devait être le plus su qui avait été le plus caché… (A. D.)
  4. Je me disais aussi : Quoi ! voilà au moins vingt lignes écrites par Dumas, et il n’a pas encore trouvé moyen de parler de lui — ou de ses œuvres ! (A. D.)