Utilisateur:Codicille

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Pasiphaé

Tu gémis sur l'Ida, mourante, échevelée,
O reine, ô de Minos épouse désolée,
Heureuse si jamais, dans ses riches travaux,
Cérès n'eût pour le joug élevé des troupeaux.
Certes aux antres d'Amnise assez votre Lucine
Donnait de beaux neveux aux mères de Gortyne,
Certes vous élevez aux gymnases crétois
D'autres jeunes troupeaux plus dignes de ton choix.
Tu voles épier sous quelle yeuse obscure,
Tranquille, il ruminait son antique pâture,
Quel lit de fleurs reçut ses membres nonchalants,
Quelle onde a ranimé l'albâtre de ses flancs.
O Nymphes, entourez, fermez, Nymphes de Crète,
De ces vallons, fermez, entourez la retraite,
Si peut être vers lui des vestiges épars
Ne viendront point guider mes pas et mes regards.
Insensée, à travers ronces, forêts, montagnes,
Elle court. O fureur! dans les vertes campagnes,
Une belle génisse à son superbe amant
Adressait devant elle un doux mugissement.
La perfide mourra. Jupiter la demande.
Elle-même à son front attache la guirlande,
L'entraîne, et sur l'autel prenant le fer vengeur :
« Sois belle maintenant et plais à mon vainqueur. »
Elle frappe et sa haine en la flamme lustrale
Rit de voir palpiter le cœur de sa rivale.


André Chénier.

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