Utilisateur:Denis Gagne52/Test1

La bibliothèque libre.
Librairie Ollendorff (p. 121-123).


E

VI


n 781, Rotrude, fille du Franc, avait été fiancée au prince. Elle était la sœur de Louis et de Pépin, sacrés récemment rois d’Aquitaine et d’Italie. L’ambassade solennelle envoyée près de Karl revint avec l’acquiescement. Ce que n’avaient obtenu ni l’Isaurien, ni le Copronyme malgré tant de démarches et d’humiliations, Irène, par l’initiative de ses ministres, et la grâce que projetait au loin sa gloire, se l’était fait en quelque sorte solliciter comme un honneur.

Les Grecs chérissaient déjà leur future impératrice. Ils la baptisèrent Érythro, dans la vivacité de leur allégresse, lui donnant le nom de la mer qui se mariait au sol de l’Empire.

La Régente et Jean élurent un eunuque. Il partit vers la princesse afin de l’instruire dans la coutume et dans la langue de ses futurs sujets ; de l’initier au cérémonial, aux subtilités du dogme byzantin.

Cette fois, les évêques des Gaules ne s’opposaient plus. Certainement Bythométrès avait offert les gages d’une prochaine conversion durant les ententes nuptiales. La précieuse amitié de Rome secondait alors les eunuques iconolâtres.

— Rotrude est-elle aussi belle que le paon ?… demandait Constantin non sans inquiétude… Et comment devrai-je l’embrasser ?

Dans les soucis d’une politique complexe, le jeune prince avait été quelque peu négligé par l’affection maternelle. Si, jusqu’à la mort de Léon, Irène l’avait choyé comme le motif de ses plus ardentes brigues, l’empereur mort, elle commit aux moines et aux eunuques éducateurs le soin de cultiver la croissance de Constantin. Quand se posa la question du mariage franc la régente s’étonna de voir s’enfiévrer l’adolescent. Loin de sa puérilité première, il envisageait l’avenir déjà comme une proche expérience à mener soi-même. Il se révéla soudain très amoureux de Rotrude. Excitée par l’enthousiasme des gens, sa naïve prolixité se promit de conduire le monde avec cette fille de la grande race combattante. Le Maître des Offices, Pierre, lui donna une paonne qu’ils nommèrent Rotrude aussi.

Irène devina qu’il lui siérait bientôt de s’effacer devant le pouvoir de l’empereur devenu l’homme d’État. Son autorité de régente était chose intérimaire, et pis aller de tutelle durant la viduité de la patrie.

Il arriva que cette femme altière se rendît à ce raisonnement vers l’heure même où la combinaison de ses plans aboutissait. Il lui fallut admettre qu’un rôle de vieillesse allait lui convenir dans la retraite du monastère, ou dans les salles du Gynécée. Plus elle ne commanderait ni ne goûterait l’ivresse de sentir lui battre au cœur la faveur publique, de suivre, haletante, le jeu des empereurs où les vies humaines sont les points de dés, et la terre, avec les mers, le plateau d’enjeux.

Constantin avait douze ans. L’extrême jeunesse de l’héritière franque laissait encore du répit.

Irène se vit, à trente ans, près de ne retenir que son titre. Peu lui importait la dignité sans le pouvoir. Cela parut aux eunuques une souveraine injustice du sort. Comment un garçon sot et inexpérimenté saurait-il assumer l’œuvre gigantesque ? Ne croulerait-il pas dans l’ordure de ses vices juvéniles comme ses