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Utilisateur:Dinah~frwikisource/Brouillon

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L’AMOUR DÉVOILÉ, OU LE SISTÈME DES SIMPATHISTES (L'amour dévoilé, ou le système des sympathistes)

Où l’on explique l’origine de l’Amour, des Inclinations, des Simpathies, des Aversions, des Antipathies, etc. M. DCC. XLIX

PRÉFACE Multa renascentur que jam cecidere, cadentque Qaænunc sunt in honore. Horace[,] art Poet.

VOIR ce qui se passe dans la nature, et se contenter de le voir, sans désirer d’en connaître les causes : c’est sans doute, être plus philosophe qu’on ne penserait bien. Il n’est pas donné à tous les hommes d’être si peu curieux. S’il en est quelques-uns de cette heureuse conformation, il en est beaucoup d’autres qui veulent approfondir

[p. vi] les choses. Peu contents de jouir nuement des biens qui leur sont offerts ; ceux-ci ne les goûteraient qu’à moitié, s’ils ne connaissaient pas les ressorts que la nature met en œuvre pour les transmettre jusqu’à eux. C’est pour ces derniers que j’ai composé ce petite Ouvrage. Entre tous les effets de la Sympathie, l’Amour ou l’invincible penchant que les deux Sexes ont l’un pour l’autre, peut être assurément regardé comme le chef d’œuvre de la Nature. C’est cette aveugle impression, cet instinct, ce je ne sais quoi, comme l’appellent les Italiens pour se tirer plus vite d’affaire, dont nous entreprenons d’expliquer les causes. Le plan de cet ouvrage est simple. Comme il n’est guère de système, qu’on puisse appuyer aujourd’hui sur d’autre fondement que sur les ruines de quelque autre Système, nous commençons par examiner celui de Platon sur l’Amour, que quelques Écrivains Modernes ont tâché de faire revivre, et nous le réfutons. Nous passons ensuite aux opinions ou aux principes si différents d’Aristote et de Descartes, et après les avoir mis dans le plus grand jour, nous en démontrons l’absurdité. Enfin comme on ne détruit que pour bâtir, tous ces Systêmes sur l’Amour bien discutés et renversés, la place vide nous commençons à poser les fondements du nôtre, et on verra qu’il a pour base la matière Sympa- [p. viii] thique qui s’exhale des corps, ou la matière transpirante qui est la même chose.


Il est des nœuds secrets, il est des Sympathies,
Dont par le doux rapport les âmes
assorties,
S’attachent l’une à l’autre et se laissent
piquer,
par ces je ne sais quoi qu’on ne peut
expliquer.
Voiture.

L’amour dévoilé, ou le système des sympathistes.

Chapitre premier

Différents sentiments sur l’origine de l’Amour.

Je ne m’arrêterai point ici à faire de vains efforts pour définir clairement l’Amour. Ceux qui ont aimé le connaissent bien; et l’on ne peut en [p.2] donner aucune idée à ceux qui n’ont pas aimé. L’Amour ne se définit point, il se sent: ces mouvements vifs, ces impressions touchantes, ces tendres émotions, tout cela ne saurait s’exprimer. Ce n’est pas que je ne pusse dire comme bien des Philosophes que, l’Amour est un mouvement de l’âme, qui nous porte à nous unir à un projet qui nous paraît agréable. Mais qu’est-ce que cette froide définition, en comparaison de ce qui se passe dans nous quand l’Amour nous domine; Encore une fois l’Amour se sent, et ne se définit point. D’ailleurs mon dessein n’est pas d’en faire la peinture, mais d’en rechercher l’origine. On connaît assez cette passion, mais on ignore quelle est la cause qui la produit. Si jusqu’à présent on n’a pas en- [p.3] core découvert la vraie source de ce qu’on appelle Amour, Inclination, Sympathie; ce n’est pas qu’on n’ait fait de grands efforts pour y parvenir. Il a toujours été, et il fera toujours de ces Amants peu curieux, qui ne s’embarrassent guère de savoir quelle cause fait naître l’Amour dans le cœur d’une Belle, pourvu qu’ils en soient aimés: et ceux-là ne sont peut-être pas les moins raisonnables. Mais aussi il a toujours été de ces Amants méditatifs, avides de savoir, (ce sont les Philosophes) qui n’ont pas plutôt ressenti les atteintes de cette passion, qu’ils se sont interrogés eux-mêmes. Quel Est-ce feu qui échauffe mon âme, (ont-ils dit) quelle est sa nature, quel est son origine? Et aussitôt ils se sont mis à faire l’analyse de ce feu, à examiner sa nature, à [p. 4]