Utilisateur:Mathieugp/Brouillons/Le fondement moral de la demande de reconnaissance officielle de la République d'Irlande

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Fondements de la revendication irlandaise

Mesdames et messieurs :

Comme la plupart d'entre vous le savez probablement déjà, le principal objectif de ma mission dans votre pays est d'obtenir la reconnaissance officielle du gouvernement élu de la République d'Irlande.

Notre demande de reconnaissance repose sur les fondements suivants :

  1. Que le peuple de toute nation possède le droit de choisir lui-même les institutions gouvernementales sous lesquelles il doit vivre.
  2. Que l'Irlande est une nation et qu'en tant que telle son peuple a le droit de déterminer lui-même ses institutions gouvernementales.
  3. Que le peuple irlandais a, dans les faits, choisi son gouvernement et fait entendre sa volonté d'une façon incontestable. Par ses suffrages, il a établi une république indépendante et choisi comme gouvernement celui au nom duquel je réclame formellement, aujourd'hui, à titre de chef exécutif, une reconnaissance officielle.

Nous réclamant de ces fondements — qui en principe sont des axiomes universellement admis et des faits qui peuvent être prouvés de façon indéniable — nous avons le droit de nous attendre de ceux qui rejetteraient notre demande qu'ils nous communiquent leurs raisons.

Ce n'est pas sur nous que doit reposer le fardeau de la preuve. C'est plutôt ceux qui nieraient le droit de l'Irlande qui devraient être appelés à donner leurs arguments. Que le peuple irlandais possède le droit à l'autodétermination, que la nation irlandaise a le droit à son indépendance nous semble évident en soi.

Américanisme

Pourquoi, dans un pays qui comprend ce qu'est la démocratie, devrais-je prouver que le consentement du peuple gouverné est le seul fondement légitime sur lequel le gouvernement des nations puisse reposer? Pourquoi surtout devrais-je le prouver ici, aux États-Unis d'Amérique — à cette époque d'entre toutes les époques — au moment même où les représentants de votre nation — votre Congrès et votre Exécutif — débattent de l'acte final qui conclut une grande guerre meurtrière que l'Amérique a, de son propre aveu, mené en partie au nom même de ce principe?

Si je devais m'adresser aux citoyens d'un pays dans lequel c'est l'impérialisme et non la démocratie qui règle la vie nationale, je me sentirais peut-être obligé d'établir ces fondements. De s'attarder sur ceux-ci dans votre pays vous paraîtrait relever implicitement de l'insulte, car ces fondements sur lesquels nous nous sommes basés, les Américains ne pourraient les nier que s'ils avaient oublié tout ce qu'ils ont approuvé au cours de quatre dernières années, s'ils avaient oublié leur propre Déclaration d'indépendance et ne savaient pas que ces principes sont à la source même de toutes leurs institutions.

À l'Européen, si l'Américanisme signifie quelque chose, il signifie l'incarnation du principe de l'autodétermination, du gouvernement par le consentement des gouvernés. Je prendrai donc pour acquis que ces principes, en tant que principes généraux, sont reconnus ici et maintenant je demande pour quelles raisons quiconque voudrait nier leur application à l'Irlande.

L'Irlande est une nation

L'Irlande est une nation selon tous les critères généralement admis de la nationalité,1 fait reconnu même par les hommes d'État de la Grande-Bretagne qui sont nos ennemis — pas deux nations (comme l'actuel premier ministre britannique voudrait vous le faire croire) mais une seule,2 avec une unité et une continuité de vie nationale, ininterrompue depuis un lointain passé, passé plus ancien que celui de n'importe quelle nation européenne existante sauf la Grèce, et avec une intensité de conscience nationale parmi son peuple remontant à son antiquité. Si les nations ont en général le droit à l'autodétermination nationale, une bonne raison doit être mise de l'avant par ceux qui nient ce droit à la nation irlandaise.

Pourquoi exclure l'Irlande?

Je demande à chacun d'entre vous ici présent de réfléchir quelques instants et de vous demandez si vous connaissez même une seule raison pour nier à l'Irlande le droit que vous êtes disposé à concéder comme un droit qui appartient généralement à toutes les nations. J'ai gardé l'œil ouvert et tendu l'oreille depuis que je suis arrivé dans ce pays; je me suis tenu prêt à recevoir tout argument qui pouvait sembler bon pour exclure l'Irlande des avantages qui découlent de ce principe général. J'ai relevé plus d'une attaque contre le peuple irlandais et la cause de l'Irlande, mais je n'ai pas réussi à en trouver une seule qui puisse être appelée un bon argument contre le cas de l'Irlande.

Considérant l'assiduité de nos adversaires, je pense que leur incapacité à trouver un bon argument pourrait bien en soi constituer une preuve raisonnable qu'il n'existe aucun argument de la sorte. Lorsqu'on possède de bons arguments de son côté, on n'a pas l'habitude de les rejeter et de recourir à leur place à de fausses déclarations, à la déformation des propos adverses, à des assertions sans fondement et à des injures. J'aimerais bien savoir s'il y a quelqu'un ici qui puisse suggérer une raison qui lui semble suffisamment bonne pour justifier d'exclure la nation irlandaise du droit à l'autodétermination nationale — droit qui est actuellement concédé à toutes les nations à titre de droit général. Je ne demande pas cela comme une simple question de rhétorique, mais comme un véritable défi.

Est-ce que la nation irlandaise n'est pas une nation du tout? L'histoire, comme je l'ai dit, tout comme les faits qui se présentent aujourd'hui et sont vérifiables par quiconque, se prononcent contre ceux qui partageraient un tel point de vue. Je me contenterai de laisser à tous ceux et celles qui sont honnêtes le soin d'enquêter sur cette question, confiant qu'aucune objection ne peut être soulevée contre la revendication de l'Irlande sur la base de la nationalité.3

L'Irlande a-t-elle vendue son droit de naissance?

S'agit-il alors que la nation irlandaise ait vendu son droit de naissance et que par un quelconque contrat elle ait forfait sa liberté de choix et d'indépendance? L'histoire n'a enregistré aucune transaction de la sorte. Le refus de vendre son droit de naissance; le refus de permettre que son individualité nationale ne soit annihilée ou submergée aura coûté 750 ans de sang et d'agonie au peuple irlandais.

À travers les âges c'est précisément sur cela qu'a toujours reposé la rivalité entre l'Irlande et l'Angleterre — c'est en cela que consiste le conflit entre l'Irlande et l'Angleterre aujourd'hui, c'est-à-dire que l'Irlande n'abandonnera pas son individualité en tant que nation et ne cédera pas son titre à l'indépendance en tant que nation distincte.

Le gouvernement britannique prétend sans doute que l'Irlande a cédé son titre — qu'elle est indissolublement liée à la Grande-Bretagne par une union, mais le peuple irlandais n'a jamais admis ou accepté une telle union; il l'a, au contraire, répudié et refusé et s'est constamment battu contre elle de tout son pouvoir. Le compte-rendu de ses actions à ce sujet constitue en fait, de lui-même, une preuve suffisante du peu de substance de la prétention britannique.

L'Angleterre ou la Grande-Bretagne n'a jamais possédé l'Irlande que par la force; à aucun moment de l'histoire le gouvernement anglais ou britannique a-t-il osé retirer ses troupes de l'Irlande. Tout comme aujourd'hui il ne conserve l'Irlande qu'au moyen d'obusiers et de mitrailleuses, d'avions et de tanks, de bombes et de gaz toxique, de même les méthodes brutales ont-elles été la seule façon de la garder dans le passé.

De quoi un tel régime de violence témoigne-t-il? Est-ce la preuve d'une association volontaire et d'un contrat légitime? Est-ce la preuve d'une union politique acceptée? Ou n'est-ce pas plutôt la preuve « d'une union entre le requin et sa proie? »4

L'argument de la sécession

Ceux qui veulent porter préjudice à l'Irlande auprès des Américains parlent d'une « tentative de sécession ». Il ne peut y avoir de sécession là où il n'y a pas eu d'union; aucun divorce là où il n'y a eu aucun mariage. La loi « d'union » adoptée contre la volonté du peuple irlandais par une autorité qui n'en avait pas la compétence légale (un corps non élu par le peuple — un corps soudoyé pour céder ce qui ne lui appartenait pas), adoptée également à peine 18 ans après que le Parlement britannique eut, par une loi de renonciation solennelle, abandonné sa prétention de gouverner l'Irlande et reconnu que les droits parlementaires souverains de l'Irlande étaient « incontestés et à jamais incontestables » — c'est là la seule base que l'on puisse offrir en appui au soi-disant contrat avec l'Angleterre, une loi qui, disait Gladstone, tirait son origine de circonstances si « infâmes et viles » qu'elle n'avait « aucun titre moral à l'existence ».

86 lois de coercitions, qui en pratique privèrent le peuple irlandais de toute liberté civile, illustrent comment l'Angleterre a maintenu cette « Union volontaire » durant les 87 premières années de son existence. Au cours de la 87e année d'existence de cette soi-disant « Union », une nouvelle loi de coercition était adoptée, perfectionnant une mesure, toujours en vigueur en ce moment même, qui donne au gouvernement britannique en Irlande des pouvoirs sur les Irlandais et les Irlandaises qui surpassent ceux qu'il possédait en vertu des règlements du temps de guerre, de même qu'une loi qui substitue un gouvernement arbitraire de bureaucrates militaires à l'autorité civile légalement constituée, et prive les citoyens irlandais de la protection des droits individuels, cet apanage des peuples civilisés. C'est ainsi que l'Angleterre maintient cette soi-disant « Union » aujourd'hui et c'est ainsi qu'elle l'a maintenu durant les 32 dernières années. « Union volontaire » en effet!

La « sécession » en effet! Le « divorce » oui! Il serait aussi approprié de lancer ces mots à une fille luttant pour se libérer d'un brigand qui l'a emporté et détenu de force, que de les lancer à l'Irlande qui lutte pour se libérer de la Grande-Bretagne.

L'argument de la sécurité britannique

Vous entendez parfois dire que l'Angleterre ne peut pas laisser l'Irlande partir — que la sécurité de la Grande-Bretagne exige qu'elle s'y attache.

Je suis tout à fait prêt à admettre que si la concession du droit de l'Irlande entrait en conflit avec le droit égal d'une autre nation, que cette autre nation aurait le droit de s'y opposer jusqu'à ce qu'il y ait ajustement entre les droits rivaux. Mais est-ce une question de droits égaux dans le cas de la Grande-Bretagne — s'agit-il même d'un droit tout court — lorsque nous parlons de la soi-disant sécurité de la Grande-Bretagne?

Est-ce la sécurité que l'Angleterre désire vraiment, ou n'est-ce pas plutôt un mot choisi précautionneusement pour tromper et donner la couleur d'un droit à ce qui n'est fondamentalement pas un droit, mais bien un intérêt bassement égoïste?

Il pourrait être dans mon intérêt de priver de sa liberté un rival ou un compétiteur potentiel, ou même celle qu'un rival ou un compétiteur potentiel pourrait dans d'éventuelles circonstances utiliser contre moi — mais cela n'est certainement pas mon droit. Ce n'est pas ma sécurité, au sens admis du mot, qui est en jeu ici, mais ma domination.

Ce n'est donc pas de la sécurité ou de la protection légitime de l'Angleterre dont il est question dans le cas de l'Irlande, mais plutôt la domination de l'Angleterre. Et que l'Angleterre continue de contrôler les marchés de l'Irlande par un monopole commercial à son seul profit, et qu'elle continue de faire des ports irlandais autant de rendez-vous de pirates depuis lesquels elle puisse dominer les routes de commerces adjacentes et étrangler n'importe quel rival commercial ou impérial avant qu'il ne devienne inquiétant — ces intérêts de l'Angleterre sont-ils de bonnes et justes raisons de priver l'Irlande du plus fondamental des droits des nations — le droit d'être libre? Selon moi une telle doctrine est à ce point immorale que je ne suis pas capable de concevoir qu'une conscience normale puisse l'appuyer.

Jusqu'où nous mènerait cette doctrine?

J'ai souvent fait remarquer que cet argument, s'il était admis une fois, viendrait justifier l'agression partout, détruirait l'égalité des droits — fondamentale entre les nations — et subordonnerait les droits les plus sacrés de la petite nation aux intérêts bassement égoïstes de la grande — et cela simplement parce que la grande serait suffisamment forte pour imposer son intérêt. Sur la base de ce soi-disant argument de la « sécurité » l'Allemagne aurait pu réclamer le droit de détenir la Belgique. La France, pourrait également prétendre à ce même droit, particulièrement à l'heure actuelle, car elle pourrait avancer l'argument que c'est à travers la Belgique qu'elle a été attaquée au cours de la dernière guerre. La Grande-Bretagne pourrait prétendre la détenir en soutenant que Antwerp est un pistolet pointé tout droit sur le cœur de l'Angleterre. Suivant ce même argument, l'Angleterre pourrait réclamer tous les ports du Canal. Et ainsi de suite partout à travers le monde, n'importe quel bout de territoire pourrait être saisi pour la sécurité des Empires — et aucune petite nation n'aurait le droit à l'existence nulle part.

Personnellement je trouve que le comportement de l'Angleterre est du point de vue moral en tout point comparable à celui d'un tyran timoré qui établirait sa propre domination en guillotinant tous ceux que son imagination lui ferait voir comme une source de danger pour lui-même ou son pouvoir.

Si l'argument de l'Angleterre doit être admis aujourd'hui, il contraste bizarrement avec la guerre qui vient d'être menée pour les droits des petites nations et il montre tout le chemin que l'humanité devra encore parcourir avant que même une parcelle de moralité ne trouve sa place dans les lois qui régissent les comportements internationaux.

La porte de sortie de l'Angleterre

D'autre part, si c'était réellement son indépendance et son simple droit à la vie en tant qu'État national que la Grande-Bretagne voulait sauvegarder, elle pourrait facilement adopter des dispositions juridiques en ce sens sans violer le droit tout aussi sacré de l'Irlande à son indépendance et à sa vie.

Suivant la doctrine de Monroe, les États-Unis ont adopté des dispositions juridiques pour leur sécurité sans priver les républiques latines du Sud de leur indépendance et de leur vie. Les États-Unis se protègent contre l'utilisation potentielle de l'Île de Cuba comme base d'attaque au service d'une puissance étrangère en stipulant[1]:

Le gouvernement de Cuba ne conclura avec aucune autorité ou avec des autorités étrangères de traité ou d'accord qui pourrait diminuer ou tendre à diminuer l'indépendance de Cuba, ni en aucune manière autoriser ou permettre à une autorité ou à des autorités étrangères d'obtenir par colonisation ou par des sommations militaires ou navales de s'installer ou de contrôler quelque portion de ladite île.

Pourquoi la Grande-Bretagne ne ferait-elle pas avec l'Irlande ce que les États-Unis ont fait avec Cuba?

Pourquoi la Grande-Bretagne ne déclarerait-elle pas une doctrine de Monroe pour les deux îles voisines? Le peuple irlandais, loin de s'y opposer, collaborerait de toute son âme à une entente régionale de la sorte.

Un argument malhonnête

Mais il y a aussi d'autres façons dont la Grande-Bretagne pourrait assurer sa sécurité si cet argument était honnête. Un instrument de droit international pourrait facilement être élaboré, comme dans le cas de la Belgique, instrument qui s'avéra plus significatif pour la sécurité de la France, comme le prouve la dernière guerre, que le fait de posséder le territoire de la Belgique, particulièrement si cette possession se faisait contre la volonté et en dépit des protestations du peuple belge.

Encore une fois, la Conférence de paix et la création d'une Ligue des nations ont fournit une belle occasion à l'Angleterre si elle voulait en profiter. Dans une véritable Ligue des nations, les parties contractantes pourraient facilement, au moyen d'ententes mutuelles, s'engager à respecter et défendre l'intégrité et l'indépendance nationale de chacun et s'en assurer par la force combinée de tous. Mais l'Angleterre a préféré — et préfère toujours — une Ligue des empires — une Alliance profane pour écraser la liberté et non une Entente sacrée pour la préserver, même si cette entente lui assurerait pour toujours sa propre indépendance.

Non! Ce n'est pas la sécurité nationale ni sa protection légitime que l'Angleterre désire préserver. Elle aurait pu adopter des dispositions juridiques par n'importe laquelle des quatre méthodes que je viens d'indiquées. Ce qu'elle désire garantir, je le répète, c'est sa domination sur les mers par le contrôle qu'elle exerce sur les ports irlandais. Grâce à ce contrôle, ses vaisseaux de guerre peuvent déboucher sur l'Atlantique et en 24 heures étrangler le commerce de n'importe quel rival qu'elle désire attaquer en coupant la communication entre l'Ancien et le Nouveau Monde.

Elle désire cela et plus encore, comme je l'ai dit, elle désire perpétuer le monopole commercial au moyen duquel elle exploite l'Irlande aujourd'hui, comme dans le passé elle a exploité les colonies de ce continent jusqu'à ce que la tasse se remplisse en 1776 et que l'exploitation cesse définitivement.

L'Angleterre plus en sécurité avec l'Irlande

L'Angleterre voudrait faire croire aux Américains que la sécurité de la Grande-Bretagne serait menacée par la présence d'une République d'Irlande sur son flanc. Les hommes d'État anglais savent que le contraire est vrai. Ils savent bien qu'en ce qui concerne leurs droits nationaux légitimes, l'Angleterre et la Grande-Bretagne seraient plus en sécurité qu'ils ne l'ont jamais été depuis le commencement de leurs campagnes d'agression contre l'Irlande.

La nature humaine est la nature humaine. Les forces naturelles produisent leurs effets naturels. Si certaines forces puissantes ne semblent pas les produire parfois c'est qu'il y a une force tout aussi puissante qui s'interpose.

Dans une Irlande libre, la préservation de l'indépendance acquise serait une force mobilisatrice au même titre que le rétablissement de l'indépendance l'a été pour chaque génération depuis la venue des Normands.

Pour une Irlande redevenue indépendante, la perte de l'indépendance serait perdre tout — en passant sous le joug de quelque puissance étrangère que ce soit. Une Irlande indépendance percevrait une menace contre l'indépendance de la Grande-Bretagne comme un danger pour sa propre indépendance. L'intérêt mutuel des peuples de ces deux îles indépendantes en ferait de proches alliés face à un danger national véritable pour l'un ou l'autre.

S'ils ne sont pas des alliés aujourd'hui c'est que par son égoïsme la Grande-Bretagne a privé l'Irlande de tout motif naturel d'en souhaiter une. Le poisson dans la gueule du requin ne se préoccupe guère de la possible arrivée d'un autre requin. La souris qui tremble sous les mâchoires du chat ne craint pas l'approche du terrier et au contraire s'en réjouit.

De la même façon, l'Irlande, privée de sa liberté par la Grande-Bretagne — dépendante et persécutée parce qu'elle ne se contente pas de rester dans la dépendance — est poussée par tous ses instincts naturels à entrevoir avec espoir la possible chute de la Grande-Bretagne, à espérer et non craindre toute attaque contre la Grande-Bretagne. Alors que si elle était une île indépendance, la tendance serait totalement inverse.

Qui doit être blâmé pour cela — sinon l'Angleterre? Qui peut remédier à la situation? N'est-ce pas l'Angleterre? Si le remède qui s'impose n'est pas appliqué, est-il déraisonnable de soupçonner que c'est parce que la volonté de l'appliquer n'y est pas? Et pourtant l'Angleterre feint de n'avoir d'autre souci que sa « sécurité ». Elle affecte de croire — et voudrait que le monde croit — que parce qu'une Irlande dépendance est hostile, une Irlande indépendante serait nécessairement hostile. Elle camoufle soigneusement le fait que l'actuelle hostilité de l'Irlande n'est due qu'à l'agression continue de l'Angleterre et que lorsque cette agression cessera, son effet — l'hostilité — cessera également.

Note de l'auteur

1. Chesterton

2. Asquith

3. Chesterton

4. Byron