Utilisateur:Nikitablood/Micheletto corella

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d'après "l'épée de César Borgia".

Les Navarrais le dépouillèrent et le laissèrent nu sur le champ de bataille, au lieu appelé Mendavia. A la vue de la riche armure que les siens lui rapportaient, le comte de Lerins comprit que le mort était un capitaine de marque, et comme on venait d'amener un écuyer du parti ennemi qu'on avait trouvé, éploré, errant sur le champ de bataille, il lui montra les dépouilles en lui demandant à qui elles appartenaient. Le matin même, celui qu'on interrogeait, avait revêtu de ces mêmes armes son illustre maître et seigneur, César Borgia de France, duc des Romagnes. Beamonte, qui savait de quelle fureur César était animé contre les Espagnols depuis que Gonzalve l'avait trahi, aurait voulu le prendre vivant pour le livrer au roi catholique ; il réprimanda vivement don Pedro de Allo et Garcés de Agreda, qui se vantaient d'avoir porté les premiers coups au vaillant capitaine. Mais il fallait partir, car Jean de Navarre approchait ; Beamonte s'enfuit, laissant en liberté le pauvre écuyer Grasica, qui revint sur ses pas, explora tout le ravin près de Mendavia et découvrit bientôt le corps de César, entièrement nu, et qu'un soldat avait recouvert d'une pierre. L'écuyer se lamentait près du cadavre quand il entendit le pas de l'escorte de Jean de Navarre. Le roi mit pied à terre et, reconnaissant son beau-frère, s'agenouilla devant lui ; on jeta un manteau sur le mort, et il fut porté à l'église la plus proche, dans la paroisse qui donnait alors son nom au château-fort de Viana, à Santa Maria de Viana, où on ensevelit les restes du Valentinois à droite du maître-autel. Plus tard, on grava sur la pierre cette pompeuse épitaphe : « Ci-gît, sous ce peu de terre, celui qui portait la terreur dans le monde et faisait à son gré la paix ou la guerre. — Passant qui cours le monde à la recherche des merveilles, si tu comprends ce qui est digne d'étonnement, tu n'as pas besoin d'aller plus loin ; arrête-toi. » Un mois après avoir rendu les derniers honneurs à son maître, le fidèle Grasica arrivait à Ferrare, chargé d'annoncer à Lucrèce Borgia la mort de son frère. La duchesse, malade et enceinte, ne vit point l'envoyé ; ceux qui l'entouraient lui cachèrent la mauvaise nouvelle ; on se borna à lui dire que César avait été blessé dans une rencontre. Lucrèce donna les signes d'une vive douleur, et, en apprenant le trépas, elle se retira dans un couvent, où elle resta deux jours en prière. Alphonse d'Esté était absent ; ce fut le cardinal d'Esté qui accueillit le messager et entendit le récit des derniers instans du Valentinois. Il appela Magnanini, le secrétaire privé, afin qu'il assistât à l'entretien et pût notifier l'événement au duc de Ferrare, qui tenait alors la campagne. Ce document, signé : « Hieronimus Magnaninus, » est daté de Ferrare, 12 avril 1507 ; on le conserve aux archives d'état de Modène. Il est conforme, dans ses lignes générales, au passage des Chroniques de Navarre d'Esteban de Garibay, qui écrivait au moment où quelques-uns de ceux qui avaient vu tomber César vivaient encore.