Utilisateur:Sicarov/Dictionnaire de la Bible/Tome 1.1.c APOCALYPSE-ARMONI

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Letouzey et Ané (Volume Ip. 741-742-1017-1018).

APOCALYPSE, ᾿Λποκάλυψις, Apocalypsis.

I. Nom.

Dans les manuscrits les plus anciens, le livre prophétique du Nouveau Testament porte le nom de ᾿Αποχάλυψις ᾿Ιωάννου : dans les plus récents, ᾿Αποκάλυψις᾿Ἰωάννου τοῦ θεολόγον, ou bien ᾿Αποκάλυψις ᾿Ιωάννου τοῦ θεολόγου καὶ εὐαγγελίστου, ou encore ᾿Αποκάλυψις Ἰωάννου τοῦ ἀποστόλου καὶ εὐαγγελίστου. De même en latin, le manuscrit de Fulda porte en titre : Apocalypsis sancti Joannis, et le Codex Amiatinus : Apocalypsis sancti Jounnis, apostoli et evangelistæ.

II. Authenticité.

L’auteur de l’Apocalypse se nomme lui-même, en tête de son livre, Jean, le serviteur de Jésus-Christ. i, 1. De toute antiquité on y a reconnu saint Jean, le disciple bien-aimé du Christ, apôtre et évangéliste. C’est ce qu’attestent déjà les inscriptions du livre, comme nous venons de le voir. Plusieurs Pères des plus anciens rendent le même témoignage. Un disciple immédiat de l’apôtre saint Jean, saint Polycarpe, nous offre dans sa lettre aux Philippiens plusieurs expressions propres à l’Apocalypse. Ainsi Phil, inscript., t. v, col. 1005, il écrit : ἔλεος ἡμῖν καὶ εἰρήνη παρὰ Θεοῦ παντοχράτορος. Cf. Apoc., i, 4. Le nom de παντοκράτωρ, donné à Dieu, se rencontre neuf fois dans l’Apocalypse ; en dehors de ce livre une seule fois, 1 Cor., vi, 18, encore est-ce dans une citation de l’Ancien Testament. Au chapitre viii de cette même lettre, il dit : Μιμηταὶ γενώμεθα τῆς ὑπονομῆς αὐτοῦ, d’après Apoc., i, 9. Enfin, au chapitre vi, il y a un passage où l’Apocalypse est équivalemment citée comme un écrit inspiré : « Servons-le donc avec crainte et en toute révérence, comme il l’a commandé, lui et les Apôtres qui nous ont préché l’Évangile, et les prophètes qui nous ont annoncé l’avènement de Notre-Seigneur. » Le contexte montre assez clairement que ces prophètes, nommés après le Christ et les Apôtres, sont ceux du Nouveau Testament. Cf. Apoc., xviii, 20, et Eph., i, 20.

Nous n’avons plus les ouvrages de saint Papias, évêque d’Hiérapolis, autre disciple de saint Jean ; mais André de Césarée, qui vivait vers la fin du Ve siècle, déclare que saint Papias, saint Irénée, saint Méthode et saint Hippolyte attestent la crédibilité de ce livre. In Apoc. comment. t. cvi, col. 215 et suiv. D’où nous pouvons conclure que ces Pères, non moins que ceux qui les ont suivis, regardaient l’Apocalypse comme l’œuvre de l’apôtre saint Jean. On sait que Papias fut l’auteur du millénarisme ; or cette doctrine eut sa source dans l’interprétation trop littérale d’un passage de l’Apocalypse, xx, 4-7. Papias connaissait donc ce livre, et en reconnaissait l’autorité.

Dès qu’on a franchi l’ère des Pères apostoliques, on se trouve en présence des témoignages les plus formels en faveur de l’origine apostolique de l’Apocalypse. Saint Irénée, qui touche à l’apôtre saint Jean par son maître Polycarpe, écrit, Hær., iv, 20, 11, t. vii, col. 1040 : « Jean aussi, le disciple du Seigneur, dit dans l’Apocalypse, etc. » ; v, 26, 1, t. vii, col. 1102 ; « Jean, le disciple du Seigneur, marqua dans l’Apocalypse. »

Saint Justin, le plus ancien des Pères après les Pères apostoliques, dit dans son dialogue avec Tryphon, 81, t. vi, col. 669 : « Chez nous, un homme appelé Jean, un des Apôtres du Christ, affirme dans la Révélation (ἀποκάλυψει) qui lui fut donnée, que les fidèles demeureront à Jérusalem pendant mille ans. » Il est à remarquer que ce dialogue avec Tryphon eut lieu vers l’an 140, à Éphèse, là même où le disciple bien-aimé passa une grande partie de sa vie, et où il mourut. On devait y être parfaitement renseigné sur la provenance de l’Apocalypse, écrite moins d’un demi-siècle auparavant. De nombreuses allusions à divers passages de ce livre se rencontrent dans les œuvres de saint Justin.

Nous savons par Eusèbe, H. E., iv, 26, t. xx, col. 392, qu’un contemporain de saint Justin, saint Méliton, évêque de Sardes, une des Églises à laquelle l’Apocalypse adresse ses avertissements, ἃ écrit un commentaire « sur l’Apocalypse de Jean ».

La lettre des Églises de Lyon et de Vienne aux Églises d’Asie, écrite en 177, est pleine d’allusions manifestes à l’Apocalvpse. En voici deux exemples : Il est dit du martyr Épagathus : « Il a été et il est le vrai disciple du Christ, suivant l’Agneau partout où il va. » Apoc., xiv, 4. Satan est constamment nommé le Dragon ; et il est dit des confesseurs qu’ils se laissaient volontiers appeler témoins du Christ, τῷ πιστῷ καὶ ἀληθινῷ μάρτυρι καὶ πρωτοτόκῷ τῶν νεκρῶν. Apoc, i, 5. Voir Migne, Patr. gr., t. xx, col. 413, 434. Deux autres auteurs du IIe siècle, Théophile d’Antioche et Apollonius, prêtre d'Éphèse, produisirent contre les hérétiques « des témoignages de l’Apocalypse de Jean ». C’est ce que nous apprend Eusèbe, H. E., iv, 24, et v, 18, t. xx, col. 389 et 480.

Alexandrie nous fournit en faveur de l’Apocalypse les témoignages de Clément et d’Origène. Celui-ci dit expressément que Jean, le disciple qui reposa sur la poitrine de Jésus, l’auteur d’un des Évangiles, écrivit aussi l’Apocalypse, Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 584 ; celui-là se servait de l’Apocalypse comme d’un livre inspiré, et semble n’avoir soupçonné aucune opposition à son authenticité. C’est un fait hautement avoué par Lücke, un des principaux adversaires de ce livre.

À Rome, au IIe siècle, l’Apocalypse est comptée parmi les Livres Saints dans le Canon de Muratori, et, à la même époque, Hippolyte écrivit un traité sur l’Apocalypse de Jean. S. Jérôme, De vir. ill., lxi, t. xxiii, col. 671.

Enfin, en Afrique, Tertullien invoque l’autorité de l’Apocalypse sans aucune réserve, aussi bien avant qu’après sa chute. Il ne l’a donc pas reçue des Montanistes, et ce ne sont pas ces hérétiques qui lui en ont inspiré l’estime.

Il reste ainsi parfaitement démontré que, pendant le cours des deux premiers siècles, l’Apocalypse était reçue dans toutes les parties de l'Église comme un écrit inspiré, l'œuvre de Jean, le disciple chéri de Jésus. Alors, il est vrai, elle était rejetée par la secte hérétique des Aloges ; mais cette opposition, ne reposant que sur des raisons dogmatiques, n’est d’aucune importance au point de vue de la critique. Il n’en est pas de même des contradictions qui, au IIIe siècle, s'élevèrent à Alexandrie contre l’origine apostolique de l’Apocalypse. Le millénarisme comptait à cette époque des adhérents nombreux et illustres. Cette opinion avait son origine dans un passage de l’Apocalypse, xx, 4-7, lequel, entendu dans son sens propre, promet aux justes non séduits par la Bête une résurrection anticipée, et un règne de mille ans avec le Christ. Un évêque appelé Népos ayant mis au jour un écrit en faveur de ce système, saint Denys, évêque d’Alexandrie, prit la plume pour le combattre. Dans le cours de la discussion, il énonça des soupçons contre l’autorité apostolique de l’Apocalypse. Un livre renfermant une doctrine aussi singulière était-il vraiment l'œuvre d’un Apôtre ? L’Apocalypse était, il est vrai, regardée partout comme l'œuvre de Jean ; mais, outre Jean, l’apôtre et l'évangéliste, l’antiquité chrétienne connaissait un prêtre Jean, ὁ πρεσϐύτερος Ἰωάννης, dont parle Papias comme d’un de ses maîtres. C’est plutôt à celui-ci, dit l'évêque d’Alexandrie, qu’il faut attribuer la paternité de l’Apocalypse. Saint Denys tient d’ailleurs ce livre en haute estime, à cause de la considération dont il jouit dans l'Église ; il le regarde comme l'œuvre d’un homme saint et inspiré de Dieu, ἁγίου καὶ θεοπνεύστο ; mais il se flatte, par l’hypothèse qu’il propose, d’enlever aux chiliastes l’avantage d’appuyer leur système sur un texte apostolique. Voir Eusèbe, H. E., vii, 21, t. xx, col. 092 et 693. La solution mise en avant par un si grand prélat fut avidement accueillie par les adversaires du millénarisme, et ainsi il se forma bientôt un courant d’opinion défavorable à l’authenticité de l’Apocalypse. Au IVe siècle, on constate qu’elle n’est point comptée parmi les livres inspirés du Nouveau Testament par saint Cyrille de Jérusalem, par saint Grégoire de Nazianze, par les Canons dits des Apôtres, par saint Jean Chrysostome, par l’auteur des Iambes à Séleucus (οἱ πλειοῦς δέ νόθον λεγοῦσιν) ; mais elle est acceptée par saint Athanase, dans sa lettre festivale, par l’auteur de la Synopse qui porte le nom de saint Athanase, par saint Éphrem, et par tous les Pères d’Occident. Eusèbe, lorsqu’il passe en revue les Livres Saints, commence par ranger l’Apocalypse parmi les ὁμολογούμενα ; mais, dans l'énumération des livres apocryphes (ἐν τοῖς νόθοις), il ajoute : « Joignez à ces livres, si cela vous plaît, l’Apocalypse de saint Jean, que quelques-uns, comme je l’ai dit plus haut, comptent parmi les livres reçus sans contestation (τοῖς ὁμολογούμενoις). » H. E., iii, 25, t. xx, col. 268. Il régnait donc au IVe siècle, par rapport à l’Apocalypse, deux opinions contraires : les uns la rejetaient absolument, les autres l’admettaient sans aucune hésitation. Plus tard, lorsque les millénaires eurent cessé de faire parler d’eux, l’Apocalypse reconquit peu à peu la place que l’antiquité lui avait assignée parmi les écrits apostoliques et inspirés. L’histoire de la controverse suscitée autour de ce livre montre clairement que jamais ses adversaires ne produisirent contre lui aucun témoignage de la tradition ; saint Denys d’Alexandrie s’efforça seulement d’appuyer son sentiment sur le style et sur quelques arguments internes, qui ont été repris de nos jours par les rationalistes, et que nous examinerons bientôt. Un critique moderne, F. Chr. Baur, a pu dire avec raison qu’il n’y a, dans le canon du Nouveau Testament, aucun livre dont l’origine apostolique soit établie sur des témoignages plus nombreux et meilleurs que celle de l’Apocalypse. Kritische Untersuchungen über die kanonische Evangelien, p. 345.

Les rationalistes modernes sont généralement d’accord pour soutenir que l’Apocalypse et le quatrième Évangile ne peuvent pas provenir d’un même auteur. Mais ils se divisent en deux camps opposés, selon qu’ils rejettent ou acceptent l’authenticité de cet Évangile. Ceux qui attribuent celui-ci d’une certaine manière à saint Jean l’apôtre, rapportent à un écrivain ancien homonyme la composition de l’Apocalypse ; ceux, au contraire, qui ne veulent pas que l'Évangile soit une œuvre apostolique, donnent au disciple bienaimé la paternité du livre prophétique du Nouveau Testament. Dès lors on conçoit d’avance que le débat portera en grande partie sur les différences signalées entre les deux écrits, et entre l’Apocalypse et la première Épître de saint Jean. Saint Denys d’Alexandrie avait le premier agité cette question, mais avec une grande réserve ; les rationalistes l’ont reprise et développée avec l’audace qui leur est propre.

1° L'Évangéliste et l’auteur de l'Épître ne se nomment nulle part dans leurs écrits, l’auteur de l’Apocalypse met son nom en tête de son livre. — En cela saint Jean s’est conformé à l’usage constant des prophètes de l’Ancien Testament : ceux-ci se nomment avant de prononcer leurs oracles ; au contraire, aucun des auteurs des livres historiques des deux Alliances ne se nomme ; et quant à l'Épître, on s’accorde à la regarder comme une sorte de préface ou d’introduction à l'Évangile, dont elle accompagnait l’envoi aux Églises.

2° Un Apôtre n’aurait pas parlé de lui-même comme l’auteur de l’Apocalypse parle du collège apostolique, xviii, 20, et xxi, 14. — Un Apôtre pouvait très bien manifester les privilèges du corps des élus du Seigneur, et surtout il devait rapporter fidèlement ce que l’Esprit-Saint lui avait révélé à ce sujet. La modestie ne lui défendait donc pas de joindre les Apôtres aux saints et aux prophètes dans la joie causée par la chute de la grande Babylone, et il pouvait aussi bien que saint Paul appeler les douze Apôtres les fondements de la Jérusalem nouvelle.

3° La langue du quatrième Évangile n’est pas celle de l’Apocalypse. Le grec de l’Évangile est relativement pur et correct ; le grec de l’Apocalypse est inculte, il n’y manque ni des barbarismes ni des solécismes. Témoin Apoc. i, 4 : ἐιρήνη ἀπὸ ὁ ὠν καὶ ὁ ἠν καὶ ὁ ἐρχόμενος; i, 5 : ἀπὸ Ἰησοῦ χριστοῦ ὁ μάρτυς ὁ πιστός ; xx, 2 : τὸν δράκοντα, ὁ ὄφις ὁ ἀρχαῖος ; iv, 1 : ἡ φωνὴ … λγων, etc. Les hébraïsmes y sont bien plus fréquents que dans l'Évangile. — On répond que la fréquence des hébraïsmes vient en grande partie de la nature de l’ouvrage : c’est un livre prophétique si rempli d’allusions aux visions de Daniel et d'Ézéchiel, qu’on le dirait calqué sur ces deux apocalypses de l’Ancien Testament. Quant au barbarisme ὁ ὠν, ὁ ἠν καὶ ὁ ἐρχόμενος, il est certainement intentionnel de la part de leur, qui a composé ce nom pour rendre toute la force du télragramme divin. Les solécismes eux-mêmes ne dénotent pas chez l’auteur l’ignorance des règles de la grammaire grecque ; car en beaucoup d’endroits il observe exactement ces mêmes règles qu’il se permet de transgresser ailleurs. Pourquoi a-t-il ainsi voulu écrire incorrectement ? Il n’est pas possible de répondre à cette question. Mais nous pouvons opposer à l’ensemble de l’objection qui nous occupe les ressemblances nombreuses et frappantes entre le style de l’Apocalypse et celui du quatrième Évangile.Voici quelques exemples : ὁ ἀληθινὸς, désignant le vrai Dieu, Joa., xvii, 3 ; Joa., v, 20 ; Apoc. iii, 7 ; — μαρτυρία et μαρτυρεῖν, très fréquemment dans les trois écrits ; — νικᾶν, venant dans le quatrième Évangile sept fois, six fois dans la lettre, seize fois dans l’Apocalypse, une fois dans saint Luc, trois fois dans saint Paul ; — ὄψις, Apoc. i, 16 ; Joa., xi, 44 ; περιπατεῖν μετά τινος, Apoc. iii, 4 ; Joa., vi, 66 ; σκηνοῦν ; Apoc. VII, 15 ; Xii, 12 ; xiii, 6 ; Joa., i, 14 ; σφαττειν, Apoc, v, 6 ; vi, 4 ; Joa., iii, 12 : autant d’expressions qui ne se rencontrent chez aucun autre écrivain du Nouveau Testament.

4° Les allures de l'écrivain sont tout autres, à ce qu’on prétend, dans l'Évangile et dans l’Apocalypse. L’apocalyptique est bien plus vif, plus imagé, plus entraînant que l'évangéliste. — Rien d’étonnant que l’Apôtre ait adapté ses conceptions et ses allures aux sujets si différents qu’il avait à traiter comme évangéliste et comme voyant prophétique.

5° Autre est la doctrine de l’apocalyptique, autre celle de l'évangéliste. Celui-ci se montre adversaire déclaré du judaïsme, celui-là est un chrétien judaïsant, constamment en lutte contre les Pauliniens. « L’Apocalypse respire une haine terrible contre Paul et contre ceux qui se relâchaient dans l’observance de la loi juive… Les chapitres ii et iii de l’Apocalypse sont un cri de haine contre Paul et ses amis. » (Renan.) L’eschatologie de l'Évangile est spirituelle, celle de l’Apocalypse est toute matérielle et charnelle ; l'évangéliste prêche partout la douceur du Christ, l’apocalyptique ne respire que la vengeance à exercer par le Christ contre ses adversaires. On ne rencontre ni dans l'Évangile ni dans la lettre de Jean aucun des concepts énoncés Apoc, i, 4 ; iii, 1 ; v, 6 ; xii, 7-9 ; xvi, 13, etc. — L’Apocalypse n’est pas plus favorable aux judaïsants que l'Évangile. La Jérusalem nouvelle, dont elle célèbre la construction, n’est manifestement point la capitale de la Judée ; c’est une figure représentant l'Église triomphante du Christ ; elle porte inscrits sur ses fondements les noms des douze Apôtres de l’Agneau. Apoc, xxi, 12, 14. La vocation des Gentils est clairement enseignée Apoc, vii, 9, et nulle part il n’est question d’une opposition entre l’antienne synagogue et l'Église du Christ. Pareille opposition d’ailleurs n’existe pas dans le quatrième Évangile. Voir Joa., x, 16 ; xi, 52 ; xii, 32. L'Évangile parle, aussi bien que l’Apocalypse, de la résurrection des corps, que le Fils de Dieu opérera au dernier jour, et qui sera suivie du jugement. Joa., v, 28, 29 ; vi, 39, 40 ; xî, 24 ; xii, 48. D’un autre côté, l’apocalyptique connaît très bien l’avènement mystique du Christ dans les âmes. Apoc, iii, 20. Il est vrai que dans l’Apocalypse le Christ se montre comme le vengeur de sa gloire outragée, dans l'Évangile, comme le Sauveur qui ne condamne personne, Joa., iii, 36 ; viii, 44, etc. ; mais les circonstances sont tout autres : tout le Nouveau Testament inculque la doctrine du double avènement du « Christ : le premier, plein d’humilité et de douceur : c’est l’avènement du Rédempteur du monde ; le second, plein de gloire et de sainte terreur : c’est l’avènement du souverain juge des vivants et des morts. Par ce second avènement, le Christ subjuguera tous ses ennemis, et les réduira à être l’escabeau de ses pieds. I Cor., xv, 24-28. L’Apocalypse, loin d'être une sorte d’antithèse de l'Évangile de saint Jean, en est, au contraire, un brillant couronnement. Comme le quatrième Évangile est l’histoire du Verbe incarné habitant parmi nous, on peut dire que l’Apocalypse est l’histoire du Verbe incarné régnant glorieusement dans le ciel. Aussi est-il à peine un autre livre du Nouveau Testament où la divinité du Christ brille d’un plus vif éclat.

III. Lieu et époque de la composition. — Saint Jean dit lui-même qu’il a reçu ces révélations lorsqu’il était dans l'île de Patmos, à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus, i, 9, et il n’y a aucune raison de douter qu’il n’ait immédiatement mis par écrit ce qu’il avait vu. Donc, pour déterminer l'époque où fut composée l’Apocalypse, il suffit de savoir quand l’Apôtre fut exilé à Patmos. Le-témoignage de saint Irénée est ici d’une grande importance : « Il n’y a pas longtemps que l’Apocalypse a été vue ; mais presque dans notre siècle, vers la fin du règne de Domitien. » User., V, xxx, 3, t. vii, col. 1207. Saint Victorin, martyrisé sous Dioclétien, en 303, dans ses notes sur l’Apocalypse, nomme plusieurs fois Domitien comme le tyran qui relégua l’Apôtre à Patmos. In Apoc. xvii, 10, t. v, col. 338. Saint Jérôme et Eusèbe placent aussi l’exil de saint Jean sous Domitien. S. Jérôme, De vit : ill., ix, t. xxiii, col. 625 ; Eusèbe, H. E., iii, 18, t. xx, col. 252. Le même Eusèbe, dans sa Chronique, assigne à cet exil l’an 14 de Domitien, t. xxvii, col. 602. Clément d’Alexandrie et Origène mentionnent l’exil de l’Apôtre, mais sans donner le nom du tyran. Tertullien parle en ces termes des gloires de la ville de Rome, De prœsct : , xxxvi, t. ii, col. 49 : « Combien est heureuse cette Église, sur laquelle les Apôtres ont répandu toute leur doctrine avec leur sang, où Paul reçoit la couronne par une mort pareille à celle de Jean (Baptiste), d’où l’apôtre Jean, après avoir été jeté dans l’huile enflammée, sans en souffrir de dommage, est relégué dans une île. » C’est bien à tort qu’on allègue ce texte pour faire dire à Tertullien que Jean fut relégué à Patmos sous Néron. Le témoignage de saint Épiphane, qui place l’exil à Patmos sous le règne de Claude, n’a pas plus de valeur contre la tradition commune. Son assertion est manifestement erronée ; car ce Père donne quatre-vingt-dix ans à l’Apôtre lorsque celui-ci écrivit ses livres inspirés. User., li, 12, 33, t. xli, col. 909, 949. Ceux des rationalistes qui nient l’authenticité de l’Apocalypse prétendent que l’exil de saint Jean à Patmos est une fable, inventée pour expliquer Apoc, i, 9. Ils n’ont d’autres arguments externes à faire valoir que le silence d’Hégésippe, dont Eusèbe rapporte la relation de la persécution de Domitien, et le désaccord des Pères qui parlent de cet exil. La vérité est qu’Eusèbe ne mentionne qu’un seul trait historique d’Hégésippe relatif à cette persécution, H. E., iii, 20, t. xx, col. 252-253, et que les Pères sont parfaitement d’accord touchant le fait et le lieu de cet exil ; quant au tyran qui y condamna l’Apôtre, il n’y a de désaccord que chez le seul Épiphane, dont l’assertion est certainement fausse. Mais il est un argument interne qui a fait douter certains interprètes, même catholiques (par exemple, Beelen), et qui les a inclinés à placer sous Néron l’exil à Patmos. Apoc. xi, 1, 2, 8, parle de Jérusalem et du temple comme si la ville sainte et son sanctuaire étaient encore debout. Cet argument est faible, car la Jérusalem et le temple de l’Apocalypse sont symboliques. D’ailleurs les lettres de l’Apôtre aux Églises d’Asie nous montrent ces Églises dans un état où elles n’ont pu se trouver que bien des années après la lettre de saint Jude et la seconde de saint Pierre. Les hérésies, dont les germes seuls apparaissent dans ces derniers documents, on les trouve toutes développées dans les lettres apocalyptiques ; et certes ce n’est pas deux ou trois ans après la mort de saint Paul que ces Églises d’Asie, cultivées avec tant de soin par le grand Apôtre, auraient eu besoin d’admonestations aussi sévères. Enfin le ἐν τῇ κυριακῇ ἡμέρᾳ, « le dimanche, » Apoc. i, 10, n'était pas encore sanctifié par les chrétiens avant la destruction de Jérusalem. Barnabé parle de l’abolition du sabbat et de la célébration du huitième jour. Epist., xv, t. ii, col. 772. Ignace d’Antioche est le plus ancien auteur qui appelle

ce jour « jour du Seigneur ». Ad Magnes., ix, t. iii, col. 669.

Plusieurs rationalistes trouvent la clef de toute l’Apocalypse dans un fait rapporté par Tacite, Hist., ii, 8 ; I, 2, et par Suétone, Nero, 57. La Grèce et l’Asie conçurent, dit Tacite, de grandes terreurs. On y disait que Néron, fugitif, n'était pas mort de sa blessure ; qu’il allait bientôt reparaître. Alors, dit Suétone, d’après une rumeur qui prenait à Rome beaucoup de consistance, Néron accablerait de maux ceux qui s'étaient déclarés contre lui. Plusieurs imposteurs mirent à profit ces vaines terreurs, et tâchèrent de se faire passer pour le tyran revenu à la vie. Un d’entre eux eut tant de vogue, qu’il fut puissamment aidé dans son entreprise par les Parthes, alors les plus redoutables ennemis du nom romain. Tel étant l'état des esprits en Asie, les chrétiens, dit-on, appliquèrent à Néron ce qui leur avait été enseigné sur l’Antéchrist, car celui-ci n'était autre que le monstre couronné qui venait de disparaître. L’Antéchrist, d’après les prophéties, devait être exterminé par le Christ lui-même, revenu sur la terre ; cela ne s'était pas fait au moment de la chute de Néron : ce tyran devait donc revenir et renouveler la persécution contre les fidèles jusqu'à ce que le Christ le tuât d’un souffle de sa bouche. Is., xi, 4 ; II Thess., ii, 8. Cette persuasion des chrétiens est, disent ces auteurs, clairement insinuée dans Apoc, xvii, 9-10. Les sept têtes de la Bête sont sept rois ; cinq sont tombés, Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron ; il y en a un qui est roi à présent, c’est Galba, le sixième ; un autre, le septième, n’est pas encore venu, et, quand il sera venu, il doit rester peu de temps. Il faut à l’auteur de l’Apocalypse sept empereurs pour parfaire le nombre sacré ; le septième ne peut rester que peu de temps, parce qu’il doit avoir disparu lors de la parousie ou « seconde venue » du Christ, laquelle est très proche. Le huitième roi, continue le texte apocalyptique, c’est la Bête qui était et n’est pas, c’est-à-dire qui était roi jadis et qui ne l’est plus, mais le deviendra, et prendra ainsi la huitième place dans la série royale. Il est un des sept (car il a régné avant Galba), et il s’en va à sa ruine, devant être tué par le souffle de la bouche du Christ revenu glorieux sur la terre. Voilà donc, d’après cette école incrédule, le noyau historique autour duquel se groupent tous les détails de l’Apocalypse. (Il y en a qui commencent la série des « rois » par Jules César. Ceux-là placent la « prétendue vision » sous Néron, et la rédaction sous Galba, le septième roi, dont l’auteur apocalyptique prévoit la chute prochaine.) L’hypothèse, ajoute-t-on, est confirmée d’une manière éclatante par l’explication du nomhre de la Bête, 606. Ce nombre, compté suivant la valeur des lettres hébraïques, n’est autre que celui du nom Néron Qésar, Népwv Kaûrap. En effet, ce nom vaut, selon la suite des consonnes, 50 + 200 + 6 + 50+100 + 60 + 200, dont la somme est exactement 666. Il suivrait de tout cela que l’Apocalypse aurait été écrite l’an 68 ou 69.

Tout ce système d’explication ; inconciliable avec l’inspiration de l’Apocalypse, repose sur une base fort fragile. Les auteurs qui y adhèrent ne prouvent en aucune manière que les chrétiens d’Asie aient été persuadés du retour prochain de Néron au point de ne pas hésiter à appuyer désormais sur un fait aussi invraisemblable toutes leurs espérances messianiques relatives à l’avènement glorieux du Sauveur. Ce qui est dit du passage Apoc, xvii, 9, 10, est convaincu de fausseté en ce que l’on confond la Bête ellemême (bestia… ipsa octava est) avec une de ses sept têtes. On répond à cette difficulté que Néron étant le dernier empereur légitime nommé par le sénat, l’empire se résume en sa personne, et qu’ainsi il est à la fois une des têtes de la Bête et la Bête elle-même. Il faut avouer que cette solution est plus ingénieuse que solide. Si les empereurs romains qui suivirent Néron ne furent plus nommés par le sénat, mais par les armées, la plupart d’entre eux furent confirmés dans leurs pouvoirs par l’auguste assemblée, et regardés dés lors comme souverains

légitimes. Enfin le nom de Nêrôn Qêsar ne vaut 6C6 quepar l’omission du yod que donne la transcription de Kaîoap. En ajoutant cette consonne, on trouve 676. Cette omission du yod est inadmissible. Il est vrai que, pour la justifier, on allègue des inscriptions palmyréniennes du me siècle, où Kaîoap est transcrit sans yod ; mais ces monuments, écrits deux cents ans après l’Apocalypse, et dans une région sémitique, ne prouvent nullement que saint Jean, en Asie, ait transcrit de la même manière défectueuse le nom de César. Ce nombre de la Bête a exercé de tout temps la sagacité des interprètes chrétiens, et plusieurs de leurs hypothèses valent mieux que celle que les rationalistes vantent de nos jours comme la seule acceptable.

Concluons qu’il faut s’en tenir à la tradition commune, et placer la rédaction de l’Apocalypse sous Domitien, vers la fin de son règne, c’est-à-dire en l’année 95.

IV. Caractère prophétique de l’Apocalypse. — Il est attesté par saint Jean lui-même, lorsque cet Apôtre nomme son livre une Révélation de Jésus-Christ, qui lui a été communiquée par un ange. Saint Jean apparaît dans son Apocalypse comme un envoyé du Christ-Dieu, chargé par lui de communiquer aux hommes les volontés du ciel et les visions mystérieuses qu’il a vues se dérouler devant ses yeux. De plus, l’auteur sacré assure que ces visions se rapportent à des événements futurs, qui doivent s’accomplir bientôt. Apoc, i, 1. Enfin il donne aux choses renfermées dans son livre le nom même de prophétie, i, 3 ; xxii, 7. Quiconque admet l’inspiration divine de l’Apocalypse ne peut donc pas mettre en doute son caractère rigoureusement prophétique, reconnu d’ailleurs par la tradition constante de l'Église. Il résulte de là que l’on doit rejeter, sans examen ultérieur, toute explication qui dénie ce caractère au contenu de l’Apocalypse. Le rationalisme prétend que ce livre n’est qu’un poème religieux, destiné à consoler et à encourager les fidèles accablés sous le poids des persécutions. Le peu qu’il se hasarde de prédire par rapport aux choses futures, il le tire soit de conjectures probables sur la marche des événements dans l’empire romain, soit du ferme espoir qu’il partageait avec tous les disciples du Christ touchant le retour prochain et glorieux du Sauveur. Persuadé qu’alors le Christ réduirait à néant tous ses ennemis, l’apocalyptique, donnant libre cours à ses fictions poétiques, décrit en images brillantes et variées la vengeance que le Messie exercera contre les persécuteurs de ses fidèles. Ces visions, du reste, ne sont guère autre chose que celles de Daniel et d'Èzéchiel, légèrement modifiées et adaptées aux idées chrétiennes. Tel est, en résumé, le point de vue de l’exégèse incrédule. Il est le même pour l’interprétation de toutes les. prophéties dont elle ne peut pas nier l’authenticité. Nous parlerons plus loin des ressemblances qu’offrent les visions apocalyptiques avec celles des prophètes de l’Ancien Testament.

Les interprètes orthodoxes sont loin d'être d’accord sur le sens précis dts visions prophétiques de l’Apocalypse. Nous ferons connaître les principaux systèmes d’explication qui ont cours parmi eux. Mais auparavant il nous faut donner une analyse succincte de tout le livre.

V. Analyse du texte. — 1° Inscription, i, 1-3. — Elle donne le nom de celui qui reçut et écrivit « la Révélation de Jésus-Christ » ; l’argument général du livre est le fruit salutaire qu’il doit produire.

2° Prologue, i, 4-m, 22. — Huit communications ou messages : la première à tous les fidèles, i, 4-20 : l’Apôtre fait savoir qu’il a reçu à Patmos l’ordre d'écrire ces visions et d’envoyer son écrit aux Églises. — Les sept autres messages sont adressés chacun à une des sept Églises d’Asie ; les « anges » de ces Églises y reçoivent les éloges et les reproches mérités, et les avis qui leur conviennent, il, -1-111, 22.

3° Les visions à transmettre aux Églises. IV, 1-xxii, ô. Elles constituent le corps de tout le livre.

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APOCALYPSE

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1. Introduction. — Saint Jean raconte où et comment il a reçu ces révélations. Ravi au ciel, il voit le trône de Dieu entouré de vingt-quatre vieillards et de quatre animaux qui chantent ses louanges, iv, 1-11.

2. Vision des sept sceaux. — Celui qui occupe le trône tient en mains un livre scellé de sept sceaux ; il le donne à l’Agneau divin, qui seul peut les ouvrir, v, 1 - 14. — a) Ouverture des quatre premiers sceaux. Le prophète voit apparaître successivement quatre chevaux : un blanc, qui va à la victoire, un roux, un noir, un de couleur pâle ; les cavaliers des trois derniers reçoivent l’ordre d’affliger la terre de diverses calamités, vi, 1-8. — 6) Ouverture du cinquième sceau. Les martyrs demandent à Dieu vengeance de leurs persécuteurs, vi, 9-11. — c) Ouverture du sixième sceau. La terre tremble, des prodiges effrayants apparaissent dans le ciel, et les habitants de la terre sont frappés de terreur à l’approche du grand jour de la colère de Dieu et de l’Agneau, vi, 12-17. Un ange imprime ensuite sur le front des élus le signe du Dieu vivant, vu. — d) Ouverture du septième sceau. Elle est suivie d’une demi-heure de silence dans le ciel, et amène la vision des sept trompettes, viii, 1-2.

3. Vision des sept trompettes. — Sept anges reçoivent de Dieu autant de trompettes, pour annoncer au monde les secrets renfermés sous le septième sceau, viii, 2. Un autre ange offre à Dieu, dans un encensoir d’or, les prières des saints ; ayant ensuite rempli cet encensoir du feu de l’autel, il répand ce feu sur la terre, et y produit aussitôt des phénomènes terrifiants, viii, 3-5. Les sept anges se disposent à sonner de la trompette, viii, 6. — a) Les quatre premières trompettes. Destruction du tiers de la terre, de la mer, des cours d’eau, des étoiles, viii, 6-12.

— b) Un triple cri de : « Malheur » se fait entendre. Il annonce aux habitants de la terre la triple calamité qui va fondre sur eux au son des trois dernières trompettes, vm, 13. — c) La cinquième trompette. Le puits de l’abîme est ouvert, et il en sort des sauterelles prodigieuses ; il leur est permis de tourmenter pendant cinq mois tous les hommes non marqués du signe de Dieu. C’est le premier « malheur ». ix, 1-12. — d) La sixième trompette. Quatre anges à la tête d’une troupe nombreuse et formidable de guerriers montés sur des chevaux prodigieux font périr le tiers des hommes ; néanmoins ceux qui restent ne font point pénitence, ix, 13-21. Un ange apparaît, tenant en main un volume ouvert. À sa voix éclatent sept coups de tonnerre dont la signification doit rester secrète. Après avoir juré « qu’il n’y aura plus de temps », l’ange ordonne au Voyant de dévorer le volume, pour qu’il fasse de nouveau entendre aux Gentils sa voix prophétique, x, 1-11. Ensuite celui-ci reçoit l’ordre de mesurer le temple, excepté le parvis extérieur, abandonné aux Gentils pour qu’ils le foulent aux pieds pendant quarante-deux mois. Durant ce temps, les deux témoins du Seigneur prêcheront et feront des prodiges, xi, 1-6. Tués par « la Bête » sortie de l’abîme, ils ressusciteront et monteront au ciel, xi, 7-12. Alors un tremblement de terre détruit le dixième de la ville, et fait périr sept mille hommes ; les autres, terrifiés, rendent gloire à Dieu, xi, 13. C’est le second « malheur ». xi, 14. — e) La septième trompette. Les vingt-quatre vieillards célèbrent la victoire de Dieu, xi, 15-19. Une femme apparaît, elle va enfanter un fils qui régnera sur les nations ; en même temps se montre un dragon roux, prêt à dévorer l’enfant, xii, 1-4. Celui-ci est enlevé au ciel ; sa mère s’enfuit au désert ; le dragon, vaincu par saint Michel, est précipité du haut du ciel, xii, 5-12. Alors le dragon (le troisième « malheur » ) poursuit la femme et fait la guerre aux justes qui sont sur la terre, xii, 13-18. Deux bètes montent, l’une de la mer, l’autre de la terre. Celle-là se fait adorer avec le dragon, dont elle partage la puissance ; l’autre séduit les hommes par des prestiges, et les amène violemment à adorer l’image de la première bête. Le nombre de la Bête est 666. xiii, 1-18. L’Agneau, entoure des élus marqués du signe de Dieu, se tient debout sur le

mont Sion. Les élus chantent ses louanges, xiv, 1-5. Trois anges annoncent successivement la ruine de la grande Babylone et de tous ceux qui portent la marque de la Bête ; bienheureux, au contraire, sont ceux qui meurent dans le Seigneur, xiv, 6-13. Quelqu’un semblable à un « fils de l’homme » et un ange s’en vont, armés d’une faux tranchante, pour couper les rameaux des vignes ; ils les jettent dans le puits de la colère de Dieu, xiv, 14-23.

4. Vision des sept coupes. — Sept anges reçoivent d’un des quatre animaux sept coupes contenant les sept « plaies dernières ». xv, 1-8. Ils en répandent le contenu sur la terre, sur la mer, sur les cours d’eau, sur le soleil, sur la demeure de la Bète, sur l’Euphrate, sur l’air. De là des calamités nouvelles, xvi, 1-21.

5. Annonce de la ruine de la grande Babylone. — a) Un de ces sept anges montre à l’Apôtre la ruine de la grande Babylone. Saint Jean en donne la description : c’est la grande prostituée, assise sur les grandes eaux, portée par une bête à sept têtes et à sept cornes ; elle est ivre du sang des saints, xvii, 1-18. — 6) Un second ange proclame la chute de Babylone, xviii, 1-3 ; une voix céleste avertit les justes d’en sortir, xviii, 4-8. Lamentations sur sa ruine, xviii, 9-20. — c) Un troisième ange déclare que cette ruine sera éternelle, xviii, 21-24. Joie et jubilation dans" le ciel, xix, 1-10.

6. Lutte dernière du Verbe divin avec le dragon. — a) Le Verbe de Dieu s’avance à la tête d’une armée céleste pour combattre la Bête et son armée, xix, 11-18. La Bête est vaincue ainsi que son faux prophète ; ils sont tous deux jetés dans l’abîme, xix, 19-21. — b) Un ange saisit le dragon, le précipite dans l’abîme, où il le tient enchaîné pendant mille ans. xx, 1-3. — c) Les justes ressuscitent et régnent avec le Christ pendant mille ans. xx, 4-6. — d) Cette période écoulée, Satan, le dragon, sera délié. Il séduira les nations et fera par elles la guerre aux saints ; mais, vaincu de nouveau, il sera précipité avec la Bète et le faux prophète dans l’enfer, pour y subir des tourments éternels, xx, 7-10. — e) Résurrection générale des morts, jugement universel : l’enfer, la mort et quiconque n’est pas inscrit dans le livre de vie sont jetés dans l’étang de feu. xx, 11-15.

7. Renouvellement du ciel, de la terre et de la ville sainte. — Saint Jean voit un ciel nouveau et une nouvelle terre ; du ciel descend la Jérusalem nouvelle, pleine de splendeur ; Dieu vient y habiter parmi les hommes, xxi, 1-8. Un des sept anges la montre au voyant, xxi, 9-xxii, 5.

4° Épilogue. — Le Christ lui-même, par la bouche d’un ange, confirme la vérité de toute la prophétie apocalyptique ; il assure que les choses qui y sont prédites s’accompliront bientôt, et il défend qu’on ajoute ou qu’on retranche quoi que ce soit à cette prophétie, xxii, 6-20. Le prophète souhaite à tous la grâce du Seigneur, xxii, 21.

VI. Interprétation de l’Apocalypse. — Toute prophétie est difficile à expliquer. Mais la difficulté augmente singulièrement quand les choses qui font l’objet de la prophétie sont présentées sous des images symboliques. Il en est ainsi de l’Apocalypse. Dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, on a tenté de déterminer le vrai sens de ce livre ; mais son obscurité a donné lieu aux interprétations les plus diverses. Ce serait un travail aussi long que fastidieux de vouloir se rendre compte de tous les systèmes d’explication qui ont été proposés. Ces systèmes peuvent se réduire à trois classes, que nous allons exposer brièvement, sans nous arrêter aux détails de chacun des systèmes en particulier.

La première classe rapporte les prophéties apocalyptiques aux âges successifs de l’Église, à commencer par l’âge apostolique jusqu’au dernier âge, qui se termine à la venue glorieuse du Christ. La seconde classe met l’accomplissement de la plupart des prédictions du voyant de Patmos dans la chute du judaïsme et du polythéisme ; les derniers chapitres seuls parlent sommairement, de la fin du monde. La troisième classe voit dans toute l’Apocalypse la prédiction des destinées dernières de l'Église au temps de l’Antéchrist, tandis que l’histoire de l'époque primitive de l'Église n’y est touchée que légèrement et comme en passant.

On est assez généralement d’accord pour placer le prologue en dehors de la série des prophéties proprement dites de l’Apocalypse. Celles-ci, en effet, ne commencent qu'à partir du chapitre iv. On admet aussi communément que ces prophéties sont rangées selon l’ordre chronologique des événements qu’elles prédisent, de sorte que les faits prédits par les sept sceaux précèdent ceux qui sont annoncés par les sept trompettes ; viennent ensuite les faits symbolisés par les sept coupes. Quelques prolepses, que l’on rencontre çà et là, ne portent aucune atteinte à cette supposition. Saint Augustin, saint Victorin, Primase, le vénérable Bède et, après eux, quelques modernes sont d’avis que les diverses visions sont en partie ou des récapitulations ou des répétitions visant les mêmes événements futurs. Contentons-nous d’avoir fait mention de cette hypothèse, et montrons brièvement les procédés suivis par les interprètes, selon qu’ils appartiennent respectivement à l’une des trois classes indiquées plus haut.

Première classe. — L’Apocalypse embrasse toute l’histoire de l'Église et célèbre les triomphes que le Christ a remportés sur ses ennemis aux diverses époques de cette histoire. La plupart distinguent dans la prophétie sept visions. Mais ils ne sont plus d’accord quand il s’agit d’en expliquer le symbolisme. Parmi les anciens, l’abbé Joachim (le premier qu’il faut ranger dans cette classe) veut que les sept visions regardent respectivement les sept états des fidèles dans l'Église : les Apôtres, qui fondèrent l'Église ; les martyrs, qui la confirmèrent de leur sang ; les docteurs, qui l'éclairèrent de leur enseignement ; les anachorètes, qui l'édifièrent par leurs vertus ; les vierges, qui en furent l’ornement ; les pontifes, qui la gouvernèrent ; les saints, qui travaillèrent à la réformer par leur parole et par leur exemple.

Au xviie siècle, le vénérable Holzhauser remplace les sept états par les sept âges de l'Église, déjà représentés, croit-il, quoique en raccourci, par les sept lettres du prologue. Il distingue ainsi l'âge séminal ou apostolique (l’ange d'Éphèse) ; l’âge irrigatif ou des martyrs (l’ange de Smyrne) ; l'âge illuminatif ou des docteurs, depuis Constantin jusqu'à Charlemagne (l’ange de Pergame) ; l'âge pacifique ou du règne social du Christ, depuis Charlemagne jusqu'à Charles V (l’ange de Thyatyre) ; l'âge purgatif ou des épreuves salutaires, commençant à Charles V et durant encore, jusqu'à l’avènement d’un saint pontife et d’un grand empereur (l’ange de Sardes) ; l'âge consolatif, préparant les fidèles aux tribulations des derniers temps (l’ange de Philadelphie) ; l'âge désolatif, ou de l’Antéchrist (l’âge de Laodicée). Cet âge se terminera par le dernier jugement.

Cette explication de Holzhauser est acceptée par Haneberg et louée par Hurter, Nomenclator litterarius, t. i, p. 795. On la trouve déjà en germe dans les idées émises par André de Césarée, Bède et d’autres auteurs anciens, qui donnaient comme symbole des sept âges de l'Église les sept chevaux apocalyptiques, vi, 2 et suiv.

Deuxième classe. — Aucun interprète ancien ne vient s’y ranger. Salmeron fut le premier qui rapporta la première partie, la plus considérable, de la prophétie apocalyptique aux événements des premiers siècles de l'Église. Après lui, Alcazar développa davantage l’explication ; Foreiro y adhéra dans son commentaire sur Isaïe, xxxiv ; mais ce fut surtout Bossuet qui donna une grande célébrité à ce système d’interprétation, qu’il adopta, modifia et exposa magistralement dans un ouvrage spécial, L’Apocalypse avec une explication, Paris, 1689. L’autorité de l’illustre prélat, non moins que les arguments qu’il sut faire valoir, acquirent à son commentaire un grand nombre d’adhérents, parmi lesquels on compte des exégètes distingués, tels que Dupin, Calmet, Lallemant, Bacuez, en France ; en Allemagne, Hug, Stern, Allioli, Scholz, Aberle. Parmi les protestants, plusieurs adoptèrent ce genre d’explication, tels que Grotius et Wetstein.

Bossuet partage l’Apocalypse en trois parties : les avertissements, il. 1-iii, 22 ; les prédictions, iv, 1-xx, 15 ; les promesses, xxi, 1 et suiv. Les prédictions se divisent à leur tour en trois sections.
a) Vengeance de Dieu exercée sur les Juifs, iv, 1-viii, 12. Préparation de cette vengeance dans la vision des sept sceaux. Vengeance exercée sous Trajan et Hadrien, symbolisée par les deux premières trompettes. Motifs des malheurs d’Israël manifestés par la troisième et la quatrième trompette.
b) Les hérésies judaïsantes : ce sont les sauterelles annoncées par la cinquième trompette, ix, 1-12.
c) Ruine de l’empire romain. ix, 13-xx, 15. La grande défaite de l’empereur Valérien, proclamée par la sixième trompette. L’Apôtre déclare, dans la vision de la septième trompette, quelle est la cause de la ruine de l’empire : ce sont les persécutions exercées contre les chrétiens. La plus terrible est celle que suscita Dioclétien ; cet empereur est la Bète de l’Apocalypse, dont le nom vaut 666, c’est-à-dire DIoCLes aVgVstVs. Les sept coupes symbolisent la désolation de l’empire romain, à partir de Valérien. Puis on parle des « sept rois » persécuteurs de l'Église, des dix rois barbares, instruments de la colère de Dieu, qui viennent tour à tour fondre sur les Romains ; enfin la ruine de Rome et de sa puissance est consommée sous Alaric.

L’évêque de Meaux n’ose pas entreprendre de percer le voile qui couvre la prophétie du chapitre xx, dont les événements doivent s’accomplir dans le temps futur.

Allioli explique cette prophétie de la paix dont jouit l'Église après la ruine de l’idolâtrie : cette paix est représentée par le règne millénaire du Christ avec ses saints. Ce règne doit prendre fin pur la venue de l’Antéchrist. Celui-ci renouvellera les persécutions contre l'Église, mais il sera vaincu et exterminé. Après cela auront lieu la résurrection et le jugement universel, et le monde sera renouvelé, xx, 7-xxii, 5.

Troisième classe. — Aucune prédiction de l’Apocalypse ne s’est accomplie jusqu’ici ; la prophétie apocalyptique regarde surtout les derniers temps de l'Église et de ce monde. Beaucoup de Pères de l’Église sont de cet avis : Irénée, Hippolyte, Augustin, André de Césarée, Arétas, Victorin, Primase, Bède. Plus tard, cette opinion se rencontre chez Alcuin, Rupert, Martin de Léon, Ribera, Pererius, a Lapide, etc. De nos jours, elle est soutenue par Bisping, Mgr  Krementz, Kaulen, Cornely, etc.

Bisping tire toute son explication du parallélisme qu’il croit découvrir entre l’Apocalypse et la prophétie des soixante-dix semaines de Daniel. Selon lui, Daniel annonce la venue du Messie après les sept premières semaines ; les soixante-deux semaines qui suivent s’occupent de l'édification de Jérusalem, c’est-à-dire de la fondation et de la propagation de l'Église. L’Apocalypse s’occupe des mêmes soixante-deux semaines dans les sept lettres aux Églises d’Asie : ce sont des avis donnés à l'Église pour tous les temps, sans distinction des diverses époques de son histoire. À partir du chapitre iv commencent les prédictions relatives au temps de l’Antéchrist et de la fin du monde. Elles répondent à la soixante-dixième semaine de Daniel, laquelle, dit Bisping, symbolise la même époque. Dans ces oracles apocalyptiques, cet auteur distingue trois actes.

Le premier, iv, 1-xi, 14, après une introduction, décrit divers idéaux et les persécutions de cette époque suprême ; puis il annonce le « jugement » de Dieu sur les Juifs, lequel a pour résultat la conversion de la plus grande partie d’entre eux.

Le second acte, xi, 15-xx, 16, prédit les destinées de l'Église à l'époque de l’Antéchrist, les derniers fléaux qui accableront la terre et annonceront le jugement prochain, enfin le « jugement » de Dieu sur Babylone et l’Antéchrist. Cet acte est suivi du règne millénaire des bienheureux.

Le troisième acte, xx, 7-xxii, 5, donne la « consommation », c’est-à-dire les derniers combats de Satan contre le Christ, le triomphe de celuiAPOCALYPSE

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ci, le renouvellement du ciel, de la terre et de la cité de Jérusalem.

M9° 1 Krementz, aujourd’hui archevêque de Cologne, s'éloigne de l’auteur précédent en ce qu’il fait correspondre chacune des sept lettres aux Églises respectivement à sept âges successifs de l'Église, depuis sa fondation jusqu'à sa consommation à la fin du monde. À ses yeux, tous les oracles de l’Apocalypse nous présentent la glorification du Christ, et se partagent en trois visions. La première a pour théâtre la terre : c’est la glorification du Christ docteur. 1, 9-m, 22. La seconde a pour théâtre le tiel fermé : c’est la glorification du Christ prêtre, symbolisé par l’Agneau divin. L'Église, en butte aux perséeutions des derniers temps, parcourt (antitypiquement) les diverses phases de la passion du Sauveur ; elle ressuscite avec lui lors du triomphe final du Christ sur ses ennemis. iv, 1-xix, 10. La troisième partie a pour théâtre le ciel ouvert : c’est la glorification du Christ prince de la paix, vainqueur de ses ennemis. Le Sauveur remporte une victoire définitive sur les puissances infernales ; il glorifie son Église sur la terre : c’est le règne millénaire ; puis il l'élève au ciel. Ainsi l'Église imite son divin modèle descendant aux enfers, passant sur la terre quarante jours de sa vie glorieuse, et montant enfin au ciel, xix, 11-xx, 10. Suit comme conclusion le jugement dernier, xx, 11-15, et le règne pacifique de Dieu sur toutes les créatures. Tout y est renouvelé, la terre, le ciel, la cité de Jérusalem : c’est le règne du bonheur suprême pour les élus, du malheur suprême pour les réprouvés, xxi, 1-xxii, 5. Le tout se termine par un épilogue, xxii, 6-21.

VII. Critique sommaire de ces systèmes d’explication. — Les interprètes qui se rangent dans la première classe supposent que Dieu a voulu, dans les oracles de l’Apocalypse, donner à son Église, dans les conditions par lesquelles elle doit passer successivement, les avis, les consolations et les encouragements qui lui conviennent respectivement à chacun de ses âges. Ce dessein serait certainement digne de Dieu ; mais, s’il fut tel en réalité, les prophéties, à mesure que se déroulent les âges successifs, devraient s'éclaircir en présence des événements qui les vérifient. Or il n’en est pas ainsi. Pour s’en convaincre, il suffit de remarquer que les auteurs de la première classe se considèrent presque tous comme à peu près .contemporains de l’Antéchrist, le temps où ils vivent a pour eux tous les caractères du dernier âge du monde ; ainsi il se fait que, si l’on suit ces auteurs chronologiquement, ce dernier âge recule constamment de siècle en siècle. D’où il faut conclure que les prédictions de l’Apocalypse ne sont pas dévoilées suffisamment par les faits, au moins pour ce qui concerne les siècles qui suivirent la ruine de l’empire romain. C’est là un très fort argument contre cette manière d’expliquer.

La seconde classe d’interprètes ne sait rien nous dire .de précis quant aux oracles des derniers chapitres de l’Apocalypse ; mais on ne peut nier, semble-t-il, qu’ils expliquent d’une manière fort plausible la plus grande .partie des prédictions qui, selon eux, visent l’histoire des quatre premiers siècles de l'Église. Ils ne sont pas d’accord, il est vrai, sur certains détails des visions ; mais cela ne prouve pas que ces visions ne se soient pas vérifiées objectivement, car des dissentiments pareils n’existent pas moins pour plusieurs prophéties messianiques de l’Ancien Testament. Il y a accord quant à la substance, divergence quant aux détails. Il n’est donc pas étonnant que l’explication de Bossuet, complétée par celle d’Allioli, soit encore acceptée par beaucoup de bons esprits, en France et en Allemagne.

La troisième classe a sur les deux autres le grand avantage de réserver pour le temps futur toutes les visions de l’Apocalypse, à l’exception des sept lettres aux Églises, qui n’offrent guère de difficultés, si on les suppose adressées réellement aux évêques des Églises d’Asie, en vue de leur instruction ou de leur correction. Toutes les obscurités

du livre prophétique demeurent donc entières, puisque" aucun événement passé ou présent n’est venu les éclairer. L’Apocalypse, dernier écrit inspiré, répondrait ainsi parfaitement au premier des Livres Saints ; car, comme la Genèse nous révèle l’origine de toutes choses, ainsi l’Apocalypse nous en révélerait la consommation. Beaucoup d’interprètes modernes se rangent dans cette classe. On leur oppose pourtant l’accord frappant, même jusqu’aux menus détails, entre plusieurs oracles apocalyptiques et les faits qui accompagnèrent la chute de l’empire romain, la ruine du judaïsme et l’extirpation de l’idolâtrie.

Le règne millénaire est à peu près également difficile à expliquer dans tous les systèmes. La meilleure manière de l’entendre est peut-être d’y voir l’annonce de la paix dont jouit l'Église après les persécutions et les grandes hérésies, surtout à partir de Charlemagne.

VIII. Difficultés contre l’inspiration de l’Apocalypse. — Nous n’avons plus à nous occuper des théories rationalistes relatives à la composition de ce livre : elles écartent d’avance toute idée d’inspiration. Mais nous dirons quelques mots de deux difficultés que l'étude de l’Apocalypse peut suggérer aux lecteurs même orthodoxes.

1° Ce livre, dit-on, manque absolument d’originalité ; il n’a presque aucun concept, presque aucune image qui ne se retrouvent dans les prophéties de l’Ancien Testament, surtout dans celles de Daniel et d'Ézéchiel. Tout récemment, un écrivain allemand, M. Eb.Vischer, a soutenu que l’Apocalypse n’est qu’un livre juif interpolé par un chrétien. Il suffit d’y faire quelques suppressions (indiquées par cet auteur) pour retrouver, dit-il, l’Apocalypse juive primitive. — M. Vischer aurait dû nous expliquer comment un livre juif ainsi remanié a pu être reçu par les fidèles et par les disciples des Apôtres comme exprimant les révélations reçues par saint Jean, et communiquées par cet Apôtre aux Églises d’Asie. — Le voyant de Patmos ne serait-il donc qu’un habile plagiaire qui, sans avoir rien vii, aurait simplement présenté sous une forme chrétienne les visions des anciens prophètes ? M. Bacuez, dans son Manuel biblique, t. iv, n°951, répond très bien à cette allégation (que les incrédules font sonner très haut) tirée des ressemblances incontestables entre l’Apocalypse et les prophéties d’Israël : « Ce n’est pas au hasard, dit- ii, ni à une imitation volontaire ou réfléchie qu’on doit attribuer ces ressemblances. Saint Jean ne s’est jamais proposé de rivaliser avec les prophètes, ni de reproduire leur littérature ; mais, se trouvant dans les mêmes conditions qu’eux, il a parlé naturellement le même langage. Étant inspiré par le même esprit, ayant à annoncer les mêmes événements, à décrire les mêmes scènes, pourquoi n’aurait-il pas employé les mêmes traits ? D’ailleurs, sans être savant, il avait lu leurs écrits avec application et assiduité ; son esprit était rempli de leurs expressions, de leurs figures, de leurs images ; n’est-il pas naturel que, pour lui révéler ses secrets, Dieu les lui ait présentés sous ces images et avec ces figures, de même que, pour se communiquer aux autres prophètes, il a adopté leur langage habituel, leurs locutions et leur style ? » Il ne faut point, du reste, exagérer ces ressemblances. Les avis adressés aux évêques d’Asie sont un morceau propre à saint Jean, ayant à peine une analogie éloignée avec la mission de Jérémie vers les rois des nations pour leur présenter la coupe de la colère du Seigneur. Jer., xxv, 15-38. Les sept sceaux, les sept trompettes et les sept coupes, qui déterminent les grandes divisions du livre, ne manquent pas non plus d’originalité ; et si la dénomination de l’Agneau divin trouve son origine dans Isaïe, un, 7, la description de sa gloire et du culte qui lui est rendu est presque tout entière propre à la vision apocalyptique. C’est pareillement en vain que l’on chercherait dans les anciens prophètes le modèle de la lutte engagée entre le dragon et ses anges, d’un côté, saint Michel et les esprits célestes, de l’autre.

2° Il ne faut pas attacher plus de valeur à l’objection

tirée de l’obscurité de ce livre prophétique, comme s’il ne se composait que d’une série d'énigmes indéchiffrables, qu’il serait indigne de Dieu de proposer à son Église, et inutile aux hommes de vouloir comprendre. C’est le propre de toute prophétie d'être obscure ; d’ordinaire, c’est seulement l'événement accompli qui en fait saisir le sens précis. Il y a même des prophéties très importantes, dont l’accomplissement resterait douteux pour nous, si l’autorité du Nouveau Testament ou celle de la tradition de l'Église ne nous en donnait l’assurance. Telle est, entre autres, la prophétie de l’Emmanuel, fils de la Vierge. Dans l’Apocalypse, d’ailleurs, il n’y a pas que des prédictions d'événements futurs. Il y a le prologue, renfermant les avis aux sept évêques, les descriptions du ciel, des anges, des martyrs, du Fils de Dieu dans sa gloire, etc. Tout cela est suffisamment clair, quoique présenté sous des formes pleines de poésie. « Même dans la partie prophétique, il s’en faut bien que tout soit obscur, ou que l’obscurité soit si grande. Il est vrai qu'à l’origine il n'était pas facile d’en préciser le sens ; mais les événements ont fait le jour, et les interprètes ont expliqué le texte. » Bacuez, Manuel biblique, t. iv, n° 920. Cet auteur parle ainsi des interprètes qui, comme lui, suivent Bossuet. Il continue : « Pour ce qui reste à accomplir, « je le laisse, dit Bossuet, « à ceux qui en savent plus que moi, car je tremble en « mettant les mains sur l’avenir ; » néanmoins on a une certaine vue des événements prévus et de leurs principaux caractères. Par exemple, on ne saurait dire au juste quels faits précéderont la fin du monde, ce que sera l’Antéchrist, quand il viendra, ce que c’est que Gog et Magog, comment aura lieu la résurrection, etc. Mais on comprend fort bien que la résurrection et le jugement mettront fin à la durée du monde, qu’il y aura auparavant des épreuves terribles, un grand séducteur et un grand persécuteur : n’est-ce pas assez pour craindre et louer Dieu, pour s’attacher à son service, se confier à sa providence, se détacher de tout et aspirer au ciel ? »

Quant à l’utilité de ce livre pour les enfants de l'Église, on peut dire qu’il n’y en a peut-être aucun dans la Bible qui soit aussi fécond en enseignements dogmatiques et moraux. On n’y rencontre presque aucun endroit où la divinité de Jésus-Christ ne nous soit révélée en des termes et sous des images sublimes. Il est le premier-né d’entre les morts, le prince des rois de la terre, I, 5 ; le premier et le dernier, qui fut mort et est vivant, r, 17 ; il tient les clefs de la mort et des enfers, i, 18 ; il régit les nations avec un sceptre de fer, xix, 15 ; il conduit les bienheureux aux sources de la vie, vii, 17. « L’Apocalypse tout entière, dit fort bien le P. Cornely, Introd, , t. iii, n° 250, p. 34, qu’est-elie autre chose qu’un chant triomphal, un épithalame du Christ, célébrant, victorieux de tous ses ennemis, ses noces divines avec l'Église, son épouse ? » Nulle part, dans la sainte Écriture, l’angélologie et la démonologie ne sont aussi développées. Nulle part la gloire et le bonheur des élus ne sont dépeints sous des images plus magnifiques. La majesté et les attributs de Dieu y brillent du plus vif éclat ; sa providence surtout, qui veille sur son Église, la gouverne, la délivre de ses ennemis, la venge des injures qui lui sont infligées, la console dans ses tribulations par les plus brillantes espérances. « Nulle part les grandes vérités morales, l’importance du salut, la vanité des grandeurs du monde, le domaine souverain de Dieu, la rigueur de ses jugements, la réalité de la vie future, l’alternative inévitable d’un bonheur ou d’un malheur sans fin, ne sont exprimés d’une manière plus saisissante. Aussi n’est-il pas de lecture plus propre à donner à l'àme le mépris des choses de la terre, la crainte de Dieu, le désir du ciel, l’amour des grandes vertus, du détachement, de la fermeté, de la patience, du sacrifice, du zèle. Plus on s’en nourrit, plus on conçoit de respect pour la majesté divine, d’horreur pour l’impiété, de reconnaissance pour Notre - Seigneur, de confiance en sa providence, d’admiration pour les martyrs et pour les

saints. Plus on se pénètre de ces vérités : que les élus sont toujours dans la main de Dieu, que leurs afflictions sont des épreuves destinées à accroître leurs mérites, que la malice de leurs ennemis ne saurait nuire par elle-même à leurs vrais intérêts, et qu’enfin il n’y a pour l'âme qu’un seul bien à désirer, l’amour du Sauveur en ce monde et son royaume éternel dans l’autre. » Bacuez, Manuel biblique, t. IV, n° 948.

VIII. Commentaires principaux. — 1° Commentaires anciens. — S. Hippolyte. Son explication de l’Apocalypse a péri, mais André de Césarée en a inséré dans son commentaire plusieurs sentences ; André de Césarée, In Apoc. comment., t. Cvi, col. 215 et suiv. ; Arétas de Césarée, Coacervatio enarrationum in Apocal., t. cvi, col. 499 et suiv. ; Œcumenius, Comment, in Apoc, en appendice à la Catena grœca in Epist. cath., édit. Cramer, Oxford, 1840 ; S. Victoria de Pettau, Scholia in Apoc, t. v, col. 317 et suiv. ; S. Paterius et Alulfus ont recueilli diverses explications apocalyptiques de saint Grégoire le Grand, t. lxxix, col. 1107 et suiv., 1397 et suiv. ; Primasius, Commentariorum libri quinque, t. lxviii, col. 793 et suiv. ; V. Bède, Explanatio Apoc, t. xcni, col. 129 ; Cassiodore, Complexiones in Apoc, quelques textes seulement, t. lxx, col. 1405 et suiv. ; Berengaudus, Exposilio super septem visiones libri Apoc, t. xvii, col. 765 ; Alcuin, Commentariorum libri quinque, t. c, col. 1087 et suiv. ; Bruno d’Asti, Expositio in Apoc, t. clxv, col. 605 et suiv. ; Rupert, Commentarii in Apoc, t. clxix, col. 825 ; Richard de Saint-Victor, Explicatio…, t. cxcvi, col. 683 et suiv. ; S. Martin de Léon, Exposilio…, t. ccix, col. 299 et suiv.

2° Commentaires modernes. — Albert le Grand, Commentarii, dans ses Opéra, Lyon, 1651, t. xi ; card. Hugues, Opéra, Venise, 1754, t. vii, p. 365 et suiv. ; Thomas d’Angleterre, parmi les Spuria de saint Thomas d’Aquin, édit. de Parme, t. xxiii, p. 325 et suiv. ; l’abbé Joachim, Expositio magni prophètes abbatis Joachim in Apocalypsin, Venise, 1527. — Au xvi « et au xviie siècle, il parut plus de trente commentaires sur l’Apocalypse, sans compter ceux qui font partie des commentaires complets de la Bible. Les principaux sont : Ribera, Lyon, 1593 ; Viega, York, 1601 ; Boulenger, Paris, 1597 ; Pererius, Lyon, 1606 ; Alcazar, Anvers, 1614 ; Kircher, Cologne, 1676 ; Bossuet, Paris, 1689 ; Holzhauser, Bamberg, 1784 ; Trotti de la Chétardie, Bourges, 1692 ; Vitringa, Leucopetra, 1721.

3° Commentaires récents. — De Bovet, L’esprit de l’Apor calypse, Paris, 1840 ; Bisping, Exegetisches Handbuch, Erklàrung der Apocalypse, Munster, 1876 ; Krementz, Die Offenbarung des h. Johannes, Fribourg, 1883 ; Verschræge, Clarse simplicesque explicationes Apoc, Tournai, 1855 ; Lafont-Sentenac, Le plan de l’Apocalypse, Paris, 1872 ; Waller, Die Offenbarung des h. Johannes, Bixheim, 1882 ; Bigou, L’avenir, Paris, 1887 ; Duprat, L’Apocalypse, 3 in-8°, Lyon, 1889. — Protestants : Hengstenberg, Die Offenbarung des h. Johannes, Berlin, 1819-1851 ; Rougemont, La Révélation de saint Jean, Neuchatel, 1866 ; Floerke, Die Lehre vom tausendjàhrigen Reiche, Marbourg, 1859 ; Volkmar, Commentar zur Offenbarung Johannes, Zurich, 1862. — On consultera avec fruit les introductions au Nouveau Testament de Kaulen, de Valroger, de Cornely, d’Aberle, le Manuel biblique de Bacuez ; et, du côté des protestants, surtout l’introduction au Nouveau Testament de Hilgenfeld. J. Corluy.

APOCALYPSES APOCRYPHES. Nous partagerons cet article en deux sections : la première consacrée aux apocalypses d’origine juive, la seconde aux apocalypses d’origine chrétienne.

I. Apocalypses juives. — Au contraire des apocalypses chrétiennes, qui ne sont, pour la plupart, que des pastiches très tardifs de l’Apocalypse canonique de saint Jean, les apocalypses juives sont de tous les apocryphes de l’Ancien Testament ceux qui offrent le plus vif intérêt

historique. L*élude comparée de ces apocryphes date de ce siècle, et, on Ta dit bien souvent et non sans raison, nous lui devons la reconstitution d’un chapitre extrêmement instructif de l’histoire littéraire et religieuse du peuple juif. Elles sont, en effet, les monuments de la pensée juive, et de la pensée juive orthodoxe, palestinienne et non hellénistique, au I er siècle avant notre ère et au Ie ' siècle depuis ; elles comblent la lacune littéraire qui s'étend entre l’Ancien et le Nouveau Testament ; et, par les espérances si hautement messianiques qui sont leur caractéristique commune, elles sont comme une sorte de prolongement et d'épilogue des prophètes canoniques, en même temps que le prologue de l'Évangile. Ainsi, et ainsi seulement, s’explique la faveur qu’elles ont rencontrée dans l'Église primitive, et comment, négligées par les Juifs de la tradition talmudique, elles ne nous ont été conservées que par des mains chrétiennes. J’ajoute, mais avec toutes les réserves que comporte une opinion dont certains critiques ont tiré des conséquences auxquelles nous ne saurions souscrire, j’ajoute que cette même étude comparée des apocalypses juives, lesquelles s’inspirent visiblement des prophètes canoniques et en particulier de Daniel, n’est pas peu propre à nous faire juger de la méthode que les Juifs palestiniens de l'époque asmonéenne et du temps des Hérodes appliquaient à l’intelligence des prophéties messianiques et eschatologiques canoniques. — M. llilgenfeld, d’Iéna, un des rares survivants de l'école de Baur, passe pour avoir inauguré cette étude comparée, dans son livre Die j'ùdische Apokalyptik in ihrer rjeschichtlichen Entwickelung, ein Beitrag zur Vorgeschichte des Christenthums, Iéna, 1857. Mais, depuis trente ans, ce chapitre d’histoire littéraire s’est sensiblement développé et enrichi, grâce notamment aux découvertes de M. Dillmann et de l’abbé Ceriani ; pour s’en rendre compte, on n’aura qu'à consulter le livre d’Emile Schûrer, Geschichte des jàdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, Leipzig, 1886, t. ii, p. 575-694, qui résume avec autant de solidité que d’ampleur la littérature et les conclusions du sujet.

1° Livre d’Enoch. — Il vient le premier dans la série des apocalypses palestiniennes, et c’est assurément la plus importante. Cité par l’auteur du Livre des Jubilés, par l’auteur du Testament des douze Patriarches, et, d’après plusieurs, dans l'Épître canonique de saint Jude, dans l'Épître de saint Barnabe, par saint Irénée, Tertullien, Clément d’Alexandrie, Celse, Origène, Eusèbe de Césarée, saint Jérôme, le Livre d’Enoch est mentionné par le catalogue gélasien ou décret De libris recipiendis attribué au pape Gélase (492-496). Georges Syncelle, au IXe siècle, en avait encore le texte grec entre les mains. Tous ces témoignages ont été réunis par Fabricius, Codex pseudepigraphus Veteris Testanienti, Hambourg, 1723, t. i, p. 160-223, et par Schûrer, ouvr. cité, p. 627-629. L’original hébreu-arainéen est perdu. Le texte grec est perdu aussi. Mais on en a une version éthiopienne, découverte au siècle dernier en Abyssinie, publiée pour la première fois en 1821, à Oxford, rééditée depuis excellemment par M. Dillmann, DasBuch Henoch ùbersetzt und erklàrt, Leipzig, 1853. Au moment où ces lignes s’impriment on signale la découverte, en Egypte, d’une version copte du Livre d’Enoch. Elle doit être publiée prochainement par les membres de l'école française du Caire.

Le Livre d’Enoch a été partagé en cent cinq chapitres répartis en cinq sections, plus un préambule et un épilogue. Première section (ch. vi-xxxvi), récit de la chute des anges et de l’origine de la race des géants ; récit du ravissement d’Enoch au ciel et description de ce qu’il y voit. Deuxième section (ch. xxxvii-lxxi) : trois paraboles, précédées d’un court prologue : visions messianiques et eschatologiques d’Enoch, interrompues par un intermède (ch. lxiv-lxviii) sur les visions de Noé. Troisième section (ch. lxxii-lxxxii) : vision de la physique du monde, explication du mouvement des astres, des vents, etc. Qua trième section (ch. lxxxiii-xci) : vision historique d’Enoch, la succession des règnes et des semaines d’années jusqu'à la réalisation des promesses messianiques. Cinquième section (ch. xcn-cv) : harangue d’Enoch à ses enfants. Fin. — Il y a dans tout ce vaste développement des longueurs, des inégalités et des redites, et nous verrons comment on les explique ; cependant, dans l’ensemble, le Livre d’Enoch est à mettre au-dessus même du Quatrième livre d’Esdras, pour l’intérêt du sujet et pour l'étincelante poésie de l’exécution.

Nous citerons, presque au hasard : « La sagesse n’a point trouvé sur la terre de demeure où reposer sa tête ; c’est pourquoi elle a fait sa résidence dans le ciel. La sagesse est descendue du ciel pour habiter avec les enfants des hommes, mais elle n’a point trouvé de demeure. Alors la sagesse est retournée vers son divin séjour et a pris sa place au milieu des saints anges. Et après sa retraite l’iniquité s’est présentée, et elle a trouvé une demeure, et elle a été reçue par les enfants des hommes, comme la pluie est reçue par le désert, comme la rosée est reçue par une terre desséchée, xlii, 1-2… Le jour du châtiment et de la vengeance ! Eu ce jour-là, je placerai mon élu au milieu des saints, et je changerai la face du ciel, et je l’illuminerai pour l'éternité, et je changerai aussi la face de la terre, xlv, 2-5… Là je vis l’Ancien des jours, dont la tête était comme de la laine blanche, et avec lui un autre, qui avait la figure d’un homme. Cette figure était pleine de grâce, comme celle d’un des saints anges. Alors j’interrogeai un des anges qui étaient avec moi et qui m’expliquaient tous les mystères qui se rapportent au Fils de l’homme. Je lui demandai qui il était, d’où il venait et pourquoi il accompagnait l’Ancien des jours. Il me répondit : Celui-là est le Fils de l’homme, à qui toute justice se rapporte, avec qui elle habite, et qui tient la clef de tous les trésors cachés. Car le Seigneur des esprits l’a choisi de préférence, et il lui a donné une gloire au-dessus de toutes les créatures. Le Fils de l’homme arrachera les rois et les puissants de leur couche voluptueuse ; il mettra un frein aux puissants ; il brisera les dents des pécheurs, etc. xlvi, 1-4… J’eus une vision dans mon lit. Voici un taureau sortant de terre, et ce taureau était blanc. Puis sortit une génisse, et avec elle deux jeunes veaux, dont l’un était noir, et l’autre rouge. Le noir frappa le rouge… Je levai encore les yeux, et je vis le ciel au-dessus de ma tête, et voici qu’une étoile tomba du ciel, et elle se dressait au milieu de ces taureaux, lxxxiv-lxxxv… Je vis encore une brebis, et que cette brebis se faisait homme. Et elle bâtit au Seigneur une bergerie, et elle y établit les brebis qui étaient égarées. Je vis encore tomber une brebis qui était venue au-devant de celle qui était la conductrice des autres. Et je vis enfin périr un grand nombre d’autres brebis, leurs petits grandir à leur place, entrer dans un pâturage nouveau. Et la brebis qui les avait conduites, et qui était devenue homme, se sépara d’elles et mourut. Et toutes les brebis la cherchaient et l’appelaient avec des cris lamentables. » lxxxviii, GO-63.

La question de la composition de cette œuvre puissante a divisé les critiques. Voici le résumé des conclusions qui semblent avoir prévalu. — Le Livre d’Enoch serait une œuvre essentiellement composite et de diverses mains. Tout d’abord un noyau, formé des chapitres xvii-xix, xxi-xxxvi, lxxii-lxxix et lxxxii, et qui serait un livre de physique céleste. En second lieu, une apocalypse proprement dite, formée des chapitres l-xvi, lxxx, lxxxi, lxxxiii-cv, et qui serait un livre de vision historique. En troisième lieu, les trois paraboles des chapitres xxxviilxiii, lxix-lxxi, qui constitueraient plus spécialement une ' apocalypse messianique. Enfin les chapitres lxiv-lxviii, qui forment le « livre des visions de Noé ». Ce sont là les grandes lignes de partage : on ne saurait entrer ici , dans l’analyse des interpolations de détail. Le noyau prij mitif serait d’origine indéterminée ; mais la grande vision i historique, qui s’est adaptée à cet écrit principal, est, .

grâce à la chronologie de ses semaines d’années et à la transparence de ses symboles historiques, aisée à dater. Elle est contemporaine du règne victorieux de Jean Hyrcan (135-106 avant J.-C), et plus précisément de l’an 110 environ. Les trois paraboles seraient plus récentes, et contemporaines plutôt d’Hérode le Grand (40-4 avant J.-C) ; la christologie y est même assez développée, pour que quelques critiques y aient voulu voir une œuvre chrétienne, mais c’est une opinion très controversée. En résumé, nous sommes ici en présence d’un monument de la théologie palestinienne au siècle qui a immédiatement précédé l’apparition du Christianisme, et d’un livre dont nul autre plus que lui n'était propre à préparer l’audience de l’Evangile. — On trouvera la bibliographie concernant le Livre d’Enoch énumérée dans Schûrer, ouv. cité, p. 629-630. Une bonne traduction française du livre d’Enoch est dans Migne, Dictionnaire des apocryphes, Paris, 1856, t. i, p. 393-514.

2° Assomption de Moïse. — Il ne faut pas confondre ce livre juif avec Y Apocalypse de Moïse, œuvre chrétienne, dont il sera parlé plus loin. L’Assomption de Moïse est citée, d’après quelques exégètes, dans l'épître canonique de saint Jude, et par Clément d’Alexandrie, par Origène, par Didyme d’Alexandrie, par Gélase de Cyzique, par Évodius, l’ami de saint Augustin ; elle est mentionnée dans le catalogue synoptique attribué à saint Athanase, dans le catalogue stichométrique de Nicéphore. Voir Schûrer, ouvr. cité, p. 636-637. L’original était hébreu-araméen ; il est perdu, de même que la version grecque. On n’a qu’un fragment de traduction latine d’après le grec, fragment retrouvé par Ceriani dans un palimpseste de la bibliothèque Ambrosienne provenant de l’abbaye de Bobbio, et publié par lui dans ses Monumenta sacra et profana, Milan, 1861, t. i, fasc. i, p. 55-64. Fritzsche en a donné une édition manuelle dans ses Libri apocryphi Vêleris Testamenti, Leipzig, 1871, p. 700-730, précédée d’une bonne introduction, ibid., p. xxxii-xxxvi. — L’auteur met en scène Moïse, sur le point de quitter son peuple, s’enlretenant pour la dernière fois avec Josué, et lui révélant le secret de la destinée que Dieu réserve à son peuple : l'établissement dans la Terre Promise jusqu'à la destruction du royaume d’Israël et de Juda ; la ruine de Jérusalem et du temple, la captivité de Babylone ; la restauration de la ville sainte et le second temple ; les iniquités des Juifs de ces derniers temps, et leur châtiment par un roi cruel qui ne sera point de leur race, dont les deux fils lui succéderont, mais auront peu de temps à régner, car la fin des temps sera venue. Tel est le thème de cette œuvre pâle et désolée. Il y a quelques divergences entre les critiques sur la date à assigner à la composition de V Assomption de Moïse. Il paraît cependant probable que nous avons affaire à une œuvre palestinienne, écrite par un antipharisien farouche, un zélote intransigeant, et postérieure, mais de très peu, à la mort d’Hérode le Grand (4 avant J.-C), contemporaine des premières années du gouvernement d’Hérode Antipas et de Philippe. Consulter Schûrer, ouvr. cite, p. 630-638.

3° Quatrième livre d’Esdras, ou, si l’on veut, Apocalypse de l’an 97. — Cette œuvre si importante a été longtemps en circulation dans l'Église catholique : elle est citée dans l'épître dite de saint Barnabe, par saint Irénée, Tertullien, Clément d’Alexandrie, saint Ambroise, par l’auteur anonyme de YOpus imperfectum in Matthxum attribué à suint Jean Chrysostome, par saint Jérôme, etc. Voyez Hilgeiifeld, Messias Jud&orum, Leipzig, 1869, p. lxii-lxx, et Schûrer, ouvr. cité, p. 657-658. De ce que dit Hilgenfeld des traces dudit livre dans le Nouveau Testament, il n’y a rien à retenir. Le quatrième livre d’Esdras était écrit en grec ; le texte original est perdu, il n’en reste que quelques ci tations fournies par Clément d’Alexandrie. Mais on en possède une ancienne version latine publiée, ne prorsus interiret, dans les éditions delaVul£ate, et mieux par dom Sabatier, Bibliorum Sacrorum

lalinæ versiones antiquss, Paris, 1743, t. iii, p. 1069-1084 ; le texte de cette version, qui présentait une lacune grave, a été complété par Bensly, The missing fragment of the latin translation of the fourlh book of Ezra, Cambridge, 1875. Il existe concurremment : une version syriaque publiée en syriaque et en latin par Ceriani, Monumenta sacra et profana, t. i, fasc. 2, p. 99-124 ; t. v, fasc. 1, p. $1-$211 ; une version éthiopienne publiée par Laurence, Quarti Ezr « libri versio sethiopica, Oxford, 1820 ; une version arabe publiée par Gildemeister, Esdrse liber quartus arabice, Bonn, 1877 ; une version arménienne publiée en latin par Hilgenfeld, ouvr. cité, p. 378-433 ; une ancienne version allemande, découverte par W.Walther, Die deutsche Bibeliïbersetzung des Mitlelalters, Brunswick, 1889. Il nous manque une édition critique qui utilise tous ces textes différents, et surtout les manuscrits latins, qui sont loin d’avoir été sérieusement exploités. Nul doute que le texte que nous possédons et que nous devons à la tradition chrétienne n’ait été interpolé en plus d’un endroit par une main chrétienne.

Le livre peut être divisé en sections. Premièrement, une introduction, ch. i-ii ; puis sept visions, a) m-v, 20 ; b) v, 21-vi, 34 ; c) vi, 35-ix, 26 ; d) ix, 27-x, 60 ; e) xi-xii ; f) xm ; g) xiv-xvi. « Ces visions, écrit M. Renan, affectent pour la plupart la forme d’un dialogue entre Esdras, supposé exilé à Babylone, et l’ange Uriel ; mais il est facile de voir, derrière le personnage légendaire, le Juif ardent de l'époque flavienne, plein de rage encore à cause de la destruction du temple par Titus. Le souvenir de ces jours sombres de l’an 70 monte dans son âme comme la fumée de l’abîme et la remplit de saintes fureurs. Un doute protond le déchire : pourquoi Israël, le peuple élu de Dieu, est-il le plus malheureux des peuples, et d’autant plus malheureux qu’il est plus juste ? » L’ange Uriel répond à cette question douloureuse : Les mystères de Dieu sont impénétrables et l’esprit de l’homme borné. Puis le Messie va venir ; fils de Dieu et de la race de David, il va paraître au-dessus de Sion dans sa gloire, accompagné des personnages qui n’ont pas goûté la mort, Moïse, Enoch, Élie, Esdras lui-même. Il livrera de grands combats contre les méchants. Après les avoir vaincus, il régnera quatre cents ans sur la terre avec ses élus. Au bout de ce temps le Messie mourra, et tous les vivants mourront avec lui. Le monde rentrera dans son silence primitif durant sept jours. Puis un monde nouveau apparaîtra ; la résurrection générale aura lieu. Le Très -Haut paraîtra sur son trône et présidera le jugement définitif. — Une vision spéciale, chap. xi et xii, est destinée, comme dans presque toutes les apocalypses, à donner d’une façon énigmatique la philosophie de l’histoire contemporaine. Un aigle immense, symbole de l’empire romain, étend ses ailes sur toute la terre et la tient dans ses serres. Il a six paires de grandes ailes, quatre paires d’ailerons et trois télés. Les six paires de grandes ailes sont six empereurs. Le second d’entre eux règne si longtemps, qu’aucun de ceux qui lui succèdent n’arrive à la moitié du nombre d’années qui lui a été départi. C’est notoirement Auguste ; et les six empereurs dont il s’agit sont les six empereurs de la maison de Jules, César, Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron. Les quatre ailerons sont les quatre usurpateurs ou anticésars, Galba, Othon, Vitellius, Nerva, qui, selon l’auteur, ne doivent pas être considérés comme de vrais empereurs. Les trois têtes sont les Flaviens, qui dévorent les ailerons. La tête du milieu, la plus grande, est Vespasien ; elle meurt. Les deux autres, Titus et Domitien, régnent ; mais la tête de droite dévore celle de gauche, allusion à l’opinion populaire sur le fratricide de Domitien, et elle est tuée à son tour. C’est alors le règne de la dernière paire d’ailerons, Nerva. Le règne de cet usurpateur est court et plein de troubles ; c’est moins un règne qu’un acheminement ménagé par Dieu pour amener la fin des temps. En effet, au bout de quelques instants, selon notre visionnaire, le dernier anticésar, Nerva,

disparait ; le corps de l’aigle prend feu, les Romains sont jugés par le Messie et exterminés. Le peuple juif respire enfin. — « On ne peut guère douter d’après cela, conclut le même critique, que l’auteur n’ait écrit sous le règne de Nerva, règne qui parut sans solidité ni avenir, à cause de l'âge et de la faiblesse du souverain, jusqu'à l’adoption de TYajan (fin 97). Passé le mois de janvier 98, l’opinion de l’auteur sur la prochaine dissolution de l’empire ne se comprendrait plus. Un autre trait remarquable est celui-ci : l’auteur insiste à plusieurs reprises sur cette circonstance qu’Esdras a sa vision trente ans après la ruine de Jérusalem. L’auteur veut sans doute signifier par là que trente ans à peu près s'étaient écoulés depuis la catastrophe de l’an 70. » E. Renan, L’Apocalypse de l’an 97, dans la Revue des deux mondes, 1 er mars 1875. Il faut dire que l’opinion précitée, qui fixe à la fin de l’an 97 la composition du quatrième livre d’Esdras, et qui est celle de Volkmar, n’est point reçue sans conteste. MM. Dillmann, Reuss et Schiirer font le quatrième livre d’Esdras un peu plus ancien et le croient contemporain, non de Nerva (96-98), mais deDomitien (81-%). Schùrer, ouvr. cité, p. 656-657.

On a relevé maintes fois la rare beauté littéraire du quatrième livre d’Esdras, encore qu’il soit esthétiquement inférieur au livre d’Enoch. Mais, plus répandu que le livre d’Enoch, surtout dans l'Église latine, il a eu une influence exceptionnelle sur la pensée populaire chrétienne du haut moyen âge, particulièrement sur la conception et sur la représentation des fins dernières. La liturgie romaine lui a emprunté de beaux passages. L’admirable introït Accipite jucunditatem, de la messe du mardi de la Pentecôte, est tiré de IV Esdras, II, 36-37 ; de même le verset Crastina die, de la vigile de Noël, xvi, 53 ; le répons Lux perpétua lucebit sanctis tuis, du Commun des martyrs au temps pascal, II, 35 ; le Modo coronantur, du répons au seeond nocturne du Commun des Apôtres, II, 45. L’Office des morts, qui dans son ensemble est une composition liturgique au plus tard du vin » siècle, lui doit, entre plusieurs autres textes, le verset Requiem œternam… et lux perpétua, ii, 34-35. Les visions du pseudo-Esdras n’ont pas la puissance de fiction de celles du pseudo-Énoch, ni leur originalité saisissante ; mais le pseudo-Esdras a par endroits une éloquence tendre et comme évangélique, et sa vision du monde des morts a une onction consolatrice qui suffirait à expliquer le succès du livre auprès des âmes chrétiennes. Voici quelques versets du chapitre n. « La mère qui les avait enfantés leur a dit : Allez, mes fils, allez-vous-en, car je suis maintenant veuve et abandonnée. Je vous avais élevés dans la joie ; je vous dis adieu dans le deuil et dans la douleur, parce que vous avez péché devant la face du Seigneur votre Dieu… Que pourrais-je pour vous ? Allez, mes fils, allez implorer la miséricorde du Seigneur… Et le Seigneur a dit à Esdras : Parle à mon peuple ; dis-lui que je vais lui donner le royaume de Jérusalem, … et les tabernacles éternels… mère, embrasse maintenant tes fils, et élève-les dans la joie ! … O bonne nourrice, nourris tes enfants, et protège leurs premiers pas… Plus de fatigue pour toi, plus de jours d’angoisse et d’alarmes. D’autres pleureront et seront tristes : toi, tu seras dans la liesse et dans l’abondance. Les nations te jalouseront, mais elles ne pourront rien contre toi, dit le Seigneur. Mes mains te couvriront, pour que tes fils ne connaissent point la géhenne. Joie, joie, joie pour la mère ; car ses fils qui dorment, je les ramènerai des entrailles de la terre… Voici votre pasteur qui vient, il va vous donner le repos éternel. Il est là tout proche celui qui vient à la fin du siècle. Préparezvous au règne, car la lumière éternelle va briller pour vous dans l'éternité. L’ombre des siècles n’existe plus pour vous : recevez la joie de la gloire qui est vôtre…, les tuniques splendides du Seigneur… Et moi Esdras, je vis sur la montagne de Sion une foule immense que personne

ne pouvait compter, et tous chantaient les louanges du Seigneur. Et au milieu d’eux il y avait un jeune homme, plus grand que tous, et qui sur la tête de chacun mettait une couronne. Et je demandai à l’ange : Qui sont ceuxlà, Seigneur ? Et il me répondit : Ce sont ceux qui ont échangé la tunique mortelle pour la tunique immortelle, et qui ont confessé le nom de Dieu ; maintenant ils sont couronnés et ils reçoivent des palmes. Et je dis à l’ange : Qui est ce jeune homme qui leur donne les couronnes et qui leur distribue les palmes ? Et il me dit : Celui-là est le Fils de Dieu, qu’ils ont confessé dans les siècles ! » Cf. A. Le Hir, Le quatrième livre d’Esdras, dans ses Études bibliques, Paris, 1869, t. i, p. 139-250, et Kabisch, Dos iv Buch Esra auf seine Quellen untersucht, Gottingen, 1889.

4° Apocalypse de Baruch, ou, si l’on veut, Apocalypse de l’an 117. — On n’en possédait jusqu'à ces dernières années qu’un fragment (ch. lxxviii-lxxxvi), à savoir : la Lettre de Baruch aux dix tribus, publiée en syriaque dans la Polyglotte de Paris et dans la Polyglotte de Londres. Ceriani a retrouvé et puhlié le texte syriaque complet, Monumenta sacra et profana, t. i, fasc. 2, Milan, 1866, p. 73-98. Fritzsche a publié, d’après Ceriani, la traduction en latin dudit texte syriaque, dans ses Libri apocryphi Veteris Testamenti, Leipzig, 1871, p. 654-699. — La scène est dite se passer la vingtcinquième année du règne de Jéchonias : Baruch y prophétise la ruine de Jérusalem de l’an 70, et la revanche messianique du peuple de Dieu, revanche déjà toute spirituelle, sans cependant aucun soupçon de millénarisme. Un court passage donnera une idée du ton brillant et mélancolique de tout le livre : « Et voici, une forêt d’arbres (il s’agit de l’empire romain) se dressait dans la plaine, et des montagnes sublimes, et des rochers inaccessibles l’entouraient. Et voici, en face une vigne grandit, et des racines de cette vigne s'échappait une source tranquille. L’onde s'épanchait et gagnait la forêt : ses flots grossirent, et ses flots inondèrent la forêt, et ils en déracinèrent les arbres, et ils couvrirent les monts à l’entour. Les faites des arbres furent humiliés, et les sommets des monts furent humiliés, et le flot devint si puissant, qu’il ne resta plus de toute la forêt qu’un cèdre, un grand cèdre, et celui-là même fut renversé. Plus rien… La place même n'était plus reconnaissable… Et la vigne s’avançait, portée sur les eaux paisiblement, paisiblement, et elle approcha des ruines du grand cèdre. Et voici, elle parla. Est-ce toi, disait-elle, ô cèdre resté seul de la forêt de malice, dans la main de qui la malice durait, et grandissait chaque année, et la bonté jamais ? qui t’enorgueillissais de ce qui n'était pas tien, et ne t’apitoyais pas sur ce qui était tien ?… et qui exaltais ton front toujours plus haut, comme si tu ne pouvais être jamais déraciné? Le temps s’est précipité. Ton heure est venue. Va-t-en maintenant, ô cèdre, va-t-en rejoindre la forêt qui n’est déjà plus. Deviens poussière avec elle, et que vos poussières se confondent. Reposez-vous ensemble dans votre châtiment, en attendant le dernier jour, où tu reviendras pour des châtiments plus cruels encore. Et voici, je vis le cèdre qui flambait. Et cependant la vigne croissait, tout autour d’elle croissait, et la campagne se couvrait de fleurs immortelles. » ch. xxxvi-xxxvh. L’auteur dit encore : « Malheur à nous, qui avons vu les tribulations de Sion et les mauvais jours de Jérusalem ! Laboureurs, ne semez plus, et tci, ô terre, pourquoi donner encore des fruits ? Cieux, retenez votre rosée et n’ouvrez plus les trésors de la pluie ! .Soleil, garde le feu de tes rayons, et toi, ô lune, éteins le faisceau de ta lumière : pourquoi y a-t-il encore de la lumière, quand la splendeur de Sion est obscurcie ?… Et vous, ô prêtres, prenez les clefs du sanctuaire, jetez-les vers le ciel, rendez-les au Seigneur et dites-lui : Garde ta maison, car voici, nous avons été des intendants infidèles. » ch. x. — Le calcul des semaines, suggéré par le chapitre xxviii, fait placer par M. Dillmann notre 7C3

APOCALYPSES APOCRYPHES

7C4

Apocalypse sous le règne de Trajan (-ꝟ. 117). D’après M. Renan, « tout se réunit pour la rapporter à la dernière année du règne de Trajan, à ce moment où les revers du grand capitaine en Orient firent croire aux Juifs que la fin de l’empire, tant de fois attendue, allait enfin venir. » Il est probable que le texte original était grec ; l’auteur pourtant appartenait au judaïsme orthodoxe de Palestine. Voir Renan, L’apocalypse de Baruch, dans le Journal des savants, 1877, p. 222-231 ; Schùrer, Geschichte des j ûdischen Volkes, t. ii, p. 638-645 ; Hilgenfeld, Die Apokalypse des Baruch, dans la Zeitschrift fur ivissenschaftlische Théologie, 1888, p. 257-278 ; Kabisch, Die Quellen der Apokalypse Baruchs, dans les Jahrbûcher fur proies tantische Théologie, 1891, p. 6$1-$207.

5° Paralipomènes de Baruch, ou, si l’on veut, Apocalypse de l’an 136. — Le texte grec, qui est ici comme pour l’Apocalypse de Baruch le texte original, a été retrouvé et publié par Ceriani, Monumenta sacra et profana, t. v, fasc. 1, Milan, 1868, p. 9-18 ; et à nouveau par Rendel Harris, The rest of the words of Baruch, Londres, 1889. Une version éthiopienne du même texte avait été publiée par M. Dillmann dans sa Chreslomathia sethiopica, Leipzig, 1860. Le sujet est celui-ci : Jérémie, Baruch et leur ami Abimélech ont survécu à la prise de Jérusalem par les Chaldéens ; Jérémie a suivi le peuple captif à Babylone ; Baruch, caché dans un tombeau près de la ville sainte, attend des jours meilleurs ; Abimélech, sorti de Jérusalem le matin qui a précédé la prise de la ville, s’est endormi sous un arbre et a dormi soixante-dix ans. Les soixante dix ans révolus, il s’est réveillé et a appris le sort de Jérusalem. Aussitôt il se met à la recherche de Baruch ; ensemble Us écrivent à Jérémie, au nom du Seigneur, que la captivité est le châtiment 'des iniquités d’Israël, mais que, si Israël consent à entendre la parole du Seigneur, le Seigneur fera cesser la captivité. Ordre est donné à Jérémie d'éprouver le peuple dans l’eau du Jourdain. Mais le peuple, conjuré par Jérémie d’abandonner les œuvres de Babylone, hésite : il n’y a qu’une moitié du peuple qui passe le Jourdain. Cette portion fidèle rentre seule à Jérusalem, on, avec Baruch et Abimélech, Jérémie monte au temple pour offrir un sacrifice. Jérémie meurt ce faisant, mais trois jours après il ressuscite et prophétise : « Glorifiez Dieu, dit-il, et le fils de Dieu, Jésus-Christ. » M. Rendel Harris a vu dans cette Apocalypse une œuvre chrétienne, le « dernier adieu de l'Église à la synagogue ». C’est plus sûrement une œuvre juive interpolée. Écrite peu avant l’année 140 de notre ère, elle est destinée à préparer la restauration de Jérusalem par la conversion des Juifs toujours prévaricateurs. Voyez Schùrer, Theologische Literaturzeitung, 1890, p. 81-83 ; Bulletin critique, 1890, p. 261-263.

6° Le livre d’Eldad et de Modad. — Sous le nom de ces deux personnages bibliques, Num., xi, 26-29, a circulé une Apocalypse juive citée par le Pasteur d’Hermas, Vis., ii, 3, édit. Gebhardt-Harnack-Zahn, p. 23, et peutêtre par saint Clément, ibid. Le catalogue stichométrique de Nicéphore attribue quatre cents stiques au Livre d’Eldad et de Modad. Voyez Schùrer, ouvr. cité, p. 673.

7° Apocalypse d'Élie. — Cette Apocalypse est mentionnée par Origène, par saint Jérôme, par saint Épiphane. C’est à cette Apocalypse apocryphe juive que saint Paul aurait emprunté, s’il faut en croire Origène, le texte célèbre, I Cor., ii, 9 : « Comme il est écrit : ce que l'œil n’a point vu, ce que l’oreille n’a point entendu ; » et, s’il faut en croire saint Épiphane, le texte Eph., v, 54 : « C’est pourquoi il dit : Lève-toi, toi qui dors. » On n’en a aucune autre trace, sinon dans le catalogue stichométrique de Nicéphore, qui la mentionne comme un livre de trois cent seize stiques. Voyez Schùrer, ouvr. cité, p. 673-676.

8° Apocalypse de Sophonie. — Elle est citée par Clément d’Alexandrie seul : « Et l’esprit me saisit et me transporta dans le cinquième ciel : et là je vis les anges dominateurs. Ils avaient le diadème de l’Esprit Saint. Leur trône à chacun d’eux était plus splendide sept lois que la lumière du soleil à son lever. Ils habitaient le naos du salut. Ils louaient le Dieu ineffable, très haut. » Stromat., v, 11, t. ix, col. 116. Le catalogue stichométrique de Nicéphore attribue six cents stiques à l’Apocalypse de Sophonie. Voyez Schùrer, ouvr. cité, p. 676.

9° Ascension d’Isaïe ou Viswn d’Isaïe. — De ce petit livre nous possédons actuellement : 1° une version éthiopienne publiée par Laurence (1819), et dont M. Dillmann a donné depuis une édition critique, Ascensio Isaix œthiopice et latine, Leipzig, 1877 ; 2° trois fragments d’une ancienne version latine, retrouvés, deux par le cardinal Mai (1828), le troisième par M. Gieseler (1832), et que M. Dillmann a réédités, ouvr. cité, p. 76-85 ; 3° enfin un remaniement grec découvert par M. von Gebhardt, et publié par lui dans la Zeitschrift fi’ir wissenschaftlichc Théologie, 1878, t. xxi, p. 330-353. L'.4scertsiore d’Isaïe est, d’après M. Dillmann, une œuvre composite dont il explique ainsi la formation : 1° Un récit du martyre d’Isaïe scié en deux avec une scie de bois, récit d’origine juive, qui daterait de la fin du I er siècle de notre ère, et qui est connu de saint Justin, de Tertullien, d’Origène et de saint Ambroise. 2° L’Ascension d’Isaïe proprement dite. La septième année du règne d'Ézéchias, Isaïe est ravi au ciel par un ange, il traverse successivement les six ciels et arrive de vision en vision jusqu’au septième, où la sainte Trinité se découvre à lui, et le Fils qui un jour s’incarnera. Ce serait une œuvre judéo-chrétienne et gnosticisante de la première moitié du second siècle, et celle-là même que, sous le nom à'Anabaticon ou Ascension d’Isaïe, nous voyons très en faveur chez les gnostiques valentiniens et archontiques, chez les Hiéracites, chez les Ariens même, plus tard encore chez les Priscillianistes, les Bogomiles et les Cathares. 3° Le récit juif et la vision chrétienne auraient été réunis en un seul opuscule par une main chrétienne, d'époque indéterminée, laquelle aurait ajouté le prologue et l'épilogue. 4° Une quatrième main chrétienne, seconde moitié du second siècle, aurait interpolé le tout et inséré les chapitres iii, 13-v, 1 ; xi, 2-22, et quelques autres moindres morceaux entachés de docétisme. Voir Dillmann, ouvr. cité, et, du même, l’article Pseudepigraphen, dans la Bealencyclopàdie fur prolestantische Théologie, 2e édit., t. xii, p. 359-360. Voir aussi Schùrer, ouvr. cité, p. 683-687.

10° Apocalypse de Daniel. — Ce curieux petit livre a été étudié par M. Munk, par M. Zotenberg, plus récemment par M. James Darmesteter dans les Mélanges Renier, Paris, 1887, p. 405-420. C’est une histoire d’Israël, prophétisée par Daniel et qui s'étend du temps de Daniel à la venue du Messie. Daniel se lamente de voir le peuple dispersé ou captif, et Dieu le console en lui révélant l’avenir de ce peuple, la suite des rois futurs jusqu'à l’avènement des temps messianiques, l’arrivée de Gog et de Magog, le règne du roi impie Armilos, l’apparition du premier Messie, fils de Joseph, et sa mort inefficace, enfin l’apparition du Messie, fils de David et libérateur d’Israël, son règne terrestre, la résurrection des morts et le triomphe de la justice définitive. Ce livre, une sorte de targum, est en persan écrit en caractères hébreux : il a été composé par un Juif de Perse dans les premières années du xiie siècle, étrange témoin de la persistance des idées messianiques et de l’apocalyptisme chez les Juifs du moyen âge.

II. Apocalypses chrétiennes. — 1° Apocalypse de Moïse. — Ce petit livre a été publié en grec pour la première fois par Tischendorf, Apocalypses apocryphes, Leipzig, 1866, p. 1-23, et par Ceriani, Monumenta sacra et profana, t. v, fasc. 1, Milan, 1868, p. 19-21. Le titre que Tischendorf lui a donné est fort impropre. Le titre dans les manuscrits est : « Récit de la vie d’Adam et d’Eve nos premiers parents, révélé par Dieu à Moïse son serviteur lorsqu’il lui remit les tables de la loi, révélé par l’archange Michel. » Et ce titre lui-même ne correspond

point à la teneur du livre, où il n est question ni de Moïse ni de révélations. Ce récit, imité, semble-t-il, du Testament des douze patriarches, est le récit, en partie fait par Eve au lit de mort d’Adam, et sur son ordre, de la chute du premier couple, et, à la suile, celui de la mort d’Adam et de sa sépulture par les soins de Seth et des anges. Tischendorf y voyait une œuvre juive du I er siècle. C’est plutôt un roman de source juive, comme la Prière d’Aseneth, et, comme elle, des environs du Ve siècle. Voir Le Hir, Études bibliques, t. ii, p. Il 1-120, et Schiirer, ouvr. cité, p. 636.

2° Apocalypse d’Esdras. — Esdras est ravi en présence de Dieu et l’interroge sur les fins dernières de l’homme. Le texte grec de ce petit écrit a été publié par Tischendorf, Apocalypses apocryphes, p. 24-33. On n’en connaît point de traduction latine, mais une version syriaque publiée par F. Bæthgen, dans la Zeitschrift fur die alteslamentliche Wissenschaft, 1886, p. 199-210 ; et une version arabe, par H. Gottheil, dans les Hebraica, Chicago, 1887, fascicule d’octobre, p. 14-17. C’est une œuvre chrétienne très médiocre, inspirée du Quatrième livre d’Esdras, et dont on ne saurait préciser la date, en toute hypothèse très tardive, ve-vme siècle. Voyez Kabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, Hambourg, 1719, p. 951-952, et Le Hir, ouvr. cité, p. 120-122.

3° Apocalypse de Pierre. — Ce serait là un document d’une très haute importance, à mettre sur le même rang que l'épître de Barnabe ou que le Pasteur d’ilermas, et qui remonterait à la première moitié du second siècle. Le célèbre Canon de Muratori cite l’Apocalypse de saint Pierre à côté de celle de saint Jean : « Nous recevons seulement les Apocalypses de Jean et de Pierre que quelques-uns des nôtres ne veulent pas qu’on lise dans les églises. Très récemment le Pasteur, » etc., mettant ainsi les deux Apocalypses parmi les antilegomena apostoliques. Eusèbe de Césarée, au IVe siècle, cite lui aussi l’Apocalypse de saint Pierre et la place parmi les spuria, avec les Acta Pauli, le Pasteur d’Hermas, la Didachë des Apôtres et l'Épître de saint Barnabe, H. E., iii, 25, t. xx, col. 269. Sozomène, au commencement du siècle suivant, assure que l’Apocalypse de saint Pierre, « tenue pour apocryphe par les anciens, n’en était pas moins lue publiquement, une fois l’an, dans certaines Églises de Palestine, c’est à savoir le Vendredi saint. » H. E., vil, 19, t. lxvii, col. 1477. Le catalogue stichométrique de Nicéphore et celui du Codex claromontanus mentionnent encore l’Apocalypse de saint Pierre, et lui attribuent un nombre de stiques qui en font environ le quart de l’Apocalypse de saint Jean. Malheureusement nous n’en possédons plus que quelques fragments. Ils ont été réunis par Hilgenleld, Novum Testamentum extra canonem receptum, iSSi, iv, 71-74. Macarius Magnés, qui écrivait à la fin du ive siècle, cite de l’Apocalypse de Pierre un court passage concernant le jugement dernier. Clément d’Alexandrie en cite un autre plus explicite, où il est question du sort des enfants morts sans baptême, et où l’auteur enseigne qu’ils sont confiés dans l’autre monde à un ange nourrice, àyyÉXu Tr^eXoii^w, chargé de les élever et de les amener à l'âge parfait, où ils bénéficieront d’une sorte de baptême posthume. C’est là une conception singulière et un conte de vieille femme, repris au commencement du IVe siècle par Méthodius, mais qui ne paraît pas avoir eu d’autre source que l’Apocalypse de saint Pierre. On trouvera ces divers textes dans Hilgenfeld, ouvr. cité. Le fait d’avoir été si longtemps en circulation dans les églises orthodoxes prouve que l’Apocalypse de saint Pierre n'était pas une œuvre d’origine gnostique, mais catholique. Voir G. Salmon, À hislorical introduction to the study of the books of the New Testament, Londres, 1889, p. 560-564.

4° Apocalypse ou Ascension de Paul. — Saint Epiphane cite ce livre, 'Avaëozixôv JlavJ.o-j, comme propre aux gnostiques-caïnites, Hier., xxxviii, 2, t. iii, col. 656.

Cette Apocalypse gnostique serait le développement du passage, II Cor., xii, 4, où saint Paul mentionne son ravissement au troisième ciel. Fabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, t. i, p. 913-955.

5° Seconde Apocalypse de Paul. — Elle est distincte de l’Ascension de Paul dont on vient de parler, et mentionnée par saint Augustin, Tract, in Joa., 98, t. xxxivxxxv, col. 1885, et par l’historien Sozomène, H. E., vii, 19, t. lxvii, col. 1479, et condamnée par le catalogue gélasien. Le texte grec de cette Apocalypse a été retrouvé et publié par Tischendorf, Apocalypses apocryphes, p. 34-69. On en signale une version syriaque encore inédite. Cette seconde Apocalypse de saint Paul est, comme la première, le récit de ce que vit l’Apôtre quand il fut ravi au troisième ciel, une Divine comédie de peu d’intérêt. Elle est postérieure à l’empereur Théodose (379-395), sous le règne de qui, dit la préface. le livre aurait été trouvé dans la propre maison de saint Paul à Tarse ; elle ne saurait être postérieure aux dernières années du IVe siècle. A s’en rapporter à Sozomène, ce serait une œuvre palestinienne. H. E., vii, 19, t. lxvii, col. 1477. Voyez Tischendorf, loc.cit. ; Le Hir, ouvr. cité, p. 122-129 ; Wright, Sijriac literature, dans VEncyclopsedia Britannica, t. xxii, p. 826.

6° Apocalypse de Thomas, — mentionnée par le catalogue gélasien comme apocryphe, probablement gnostique. Elle est perdue.

7° Apocalypse d’Etienne, — n’est connue que par la mention qu’en fait le catalogue gélasien comme d’un apocryphe, probablement aussi gnostique. Perdue.

8° Apocalypse apocryphe de Jean, — est citée par le scoliaste du grammairien grec Denys le Thrace (ixe siècle), et n’est mentionnée par aucun auteur antérieur à cette date tardive. Le texte grec de cette Apocalypse, publié par A. Birch, en 1804, a été réédité par Tischendorf dans une forme plus satisfaisante, Apocalypses apocryphes, p. 70-94. Il en existe une version arabe signalée par Assemani, Bibliotheca orientalis, Ilome, 1719, t. iii, p. i, p. 282, et qui n’a pas été étudiée. Le sujet de cette Apocalypse est une vision de la fin du monde, du jugement des hommes et de l'état des bienheureux dans le ciel. C’est une œuvre monotone et sans couleur, très pâle imitation de l’Apocalypse canonique de saint Jean. Il y est question de la croix et des icônes : on ne saurait y voir qu’une œuvre de basse époque, vie-vme siècle.

9° Seconde Apocalypse de Pierre. — Elle n’existe qu’en arabe et n’est probablement que d’origine arabe. Le texte arabe est inédit. Assemani, ubi supra, et Nicoll, Catal. codd. mss. orient, bibl. Bodleian, Oxford, 1821, ii, 1, 49. C. Tischendorf en a donné l’argument, Apocalypses apocryphes, p. xx-xxiv : c’est un pot-pourri de légendes et d’extravagances dans le goût arabe sur Adam, sur Noé, sur Abraham, sur Jésus, sur saint Pierre, sur les sept péchés capitaux, sur l’Antéchrist, etc. Cette pièce, d’un intérêt très médiocre, est sûrement antérieure au xme siècle, car Jacques de Vitry en parle, à la date de 1218. M. Gutschmid, cité par M. Lipsius, y reconnaît des allusions à l’empereur Constantin Copronyme († 775), et à l’avènement d’Aboul-Abbas, le premier des califes Abbassides (750). Ce serait ainsi une œuvre syrienne du vui «  siècle. Voyez Lipsius, art. Apocalypses, dans le Dictionary of Christian Biography, Londres, 1877, t. i, p. 131.

10° Apocalypse de Barthélémy, — n’existe qu’en copte et est encore inédite. M. Dulaurier, en 1835, en a publié et traduit un fragment assez brillant, d’après un manuscrit sahidique de la Bibliothèque nationale : sa traduction est reproduite par C. Tischendorf, Apocalypses apocryphes, p. xxiv-xxvii. Ce ne saurait être qu’une œuvre de basse époque ; mais, actuellement, il n’est pas possible d’en déterminer la date ni l’origine.

11° Apocalypse de Marie, — existe en grec et n’a pas encore été publiée. On en trouve quelques extraits dans C. Tischendorf, Apocalypses apocryphes, p. xxvii-xxx. L’archange Michel, archistratège de Dieu, révèle à Marie le lieu où sont punis les pécheurs et quelles peines ils subissent : Marie intercède en leur faveur auprès de Dieu. Ici encore nous avons affaire à une œuvre catholique de basse époque, mais dont on ne peut actuellement déterminer la date ni l’origine.

Un article spécial sera consacré au Testament des douze patriarches, au livre des Jubilés, aux livres Sibyllins, que les critiques classent quelquefois dans la catégorie des Apocalypses apocryphes. Voir à l’article Méliton deux apocryphes qui lui sont attribués, le Transites Mariæ et la Dormitio Mariæ.

P. Batiffol.

APOCRYPHES (LIVRES). Ce nom est donné par les protestants aux livres que nous appelons deutérocanoniques. Les catholiques, d’accord avec la façon de s’exprimer de l’ancienne Église, réservent ce nom aux livres qui ont figuré à tort dans le canon scripturaire de quelques Églises orthodoxes ou hérétiques de l’antiquité. Dans ce sens, les livres apocryphes sont les livres pseudocanoniques. On peut cependant élargir encore cette définition, et dire que les livres apocryphes sont ceux qui, par leur titre ou leur teneur, se donnent comme l’œuvre d’auteurs inspirés, sans pouvoir justifier de cette prétention. Dans ce sens, Origène les définit justement des livres qui « sont mis sous le nom des saints », entendant par saints les personnages bibliques, et qui « sont en dehors des Écritures canoniques ». Voyez le développement de cette définition dans saint Augustin, De Civitate Dei, xviii, '28, t. xli, col. 598.

La mise en circulation et le crédit de telles compositions pseudépigraphes s’explique par la croyance, fort ancienne dans la société chrétienne, que les Juifs possédaient une littérature secrète à côté de la Bible qui était publique. Cette croyance fut étendue plus tard aux sectes hérétiques. Le mot ἀπόκρυφος veut simplement dire « caché » ; il est opposé à κοινός, qui veut dire « public, courant, commun. » Origène, citant l’Apocalypse apocryphe qui a pour titre Ascension d’Isaie, écrivait : « Il est rapporté dans les écritures non publiques, in scripturis non manifestis, qu’Isaïe a été scié. » Origène, prévenant une objection qu’on pourrait lui faire, expose immédiatement sa règle de doctrine touchant ces sortes de livres : « Nous n’ignorons pas, dit-il, que beaucoup de ces écritures secrètes ont été composées par des impies, de ceux qui font le plus haut sonner leur iniquité, et que les hérétiques font grand usage de ces fictions : tels les disciples de Basilide. Nous n’ignorons pas davantage que d’autres de ces apocryphes, secreta, mis sous le nom des saints, quæ feruntur in nomine sanctorum, ont été composés par les Juifs, peut-être pour détruire la vérité de nos Écritures et pour établir de faux dogmes. Mais, en règle générale, nous ne devons pas rejeter en bloc ce dont nous pouvons tirer quelque utilité pour l'éclaircissement de nos Écritures. C’est la marque d’un esprit sage de comprendre et d’appliquer le précepte divin : Éprouvez tout, retenez ce qui est bon. » Origène, In Matth. comm. ser., xxviii, t. xiil, col. 1637.

Cette vue si juste et si profonde d’Origène, la théologie se l’est de nos jours appropriée. Elle a compris que, si cette littérature extracanonique n’ajoute pas un iota à la somme des Écritures inspirées, elle peut en mainte occasion, ainsi que l’exprimait Origène, éclaircir tel ou tel point obscur de tel ou tel livre canonique. L’histoire, à son tour, y a vu des documents. L’histoire, qui ne connaît point seulement des faits historiques, mais encore des états de conscience, et qui même cherche l’explication de tant de faits dans l’analyse de ces états ; l’histoire a demandé à ces apocryphes, où tout est fiction et vision, les éléments nécessaires pour reconstituer la pensée, les souffrances, l’attente, le rêve d'époques et de milieux qu’il nous importe particulièrement de connaître, et dont l’histoire serait, sans ces apocryphes, obscure et muette. C’est ainsi que les Apocalypses palestiniennes nous ont révélé le messianisme des Juifs du premier siècle avant notre ère, de l'époque asmonéenne et du temps des Hérodes, de même que les Actes apocryphes des Apôtres, l'éthique des gnostiques chrétiens de la fin du second siècle. Là est l’intérêt théologique et historique de cette littérature pseudépigraphe et extracanonique : Origène est seul à l’avoir pressentie.

Aux yeux de la plupart des écrivains de l’ancienne Église, au contraire, toute cette littérature de mensonge ne pouvait être que dangereuse et condamnable. Origène lui-même était trop clairvoyant pour ne le point marquer : « Ces écrits sont appelés apocryphes, parce qu’on y trouve beaucoup de choses corrompues et contraires à la vraie foi. » In Cantic, prol., t. xiii, col. 83. Apocryphe était synonyme de bâtard et de faux. S. Augustin, De Civitate Dei, xv, 23, 4, t. xli, col. 470 ; S. Irénée, Contra hær., i, 20, t. vii, col. 654 ; Tertullien, De pudicit., 10, t. ii, col. 1000. Et ainsi s’explique la proscription dont l’ancienne Église les a frappés. Voir Le Hir, Études bibliques, Paris, 1869, t. ii, p. 90 et suiv. « Si quelqu’un lit, approuve ou défend les fictions impies que les hérétiques ont mises, pour confirmer leurs erreurs, sous le nom des patriarches, des prophètes ou des apôtres, qu’il soit anathème. » Ainsi s’exprime le dix-septième canon du concile de Braga, en 563. Mansi, Conciliorum collectio, t. ix, col. 776. Voyez au contraire l’apologie des apocryphes dans le traité nouvellement retrouvé d’un hérétique du IVe siècle, Priscillien, De fide et apocryphis, édition Schepss dans le Corpus scriptorum eccl. latin., t. xviii, Vienne, 1889, p. 44-56.

Les anciens catalogues des livres canoniques seront étudiés à propos de l’histoire du canon. Nous n’avons à mentionner ici que ceux de ces catalogues qui nous fournissent des listes étendues et anciennes des livres apocryphes, et qui sont la documentation de cette proscription dont l'Église entendait frapper ces productions pseudépigraphes. Le plus étendu, le plus important de ces catalogues nous est fourni par l'Église romaine. C’est le catalogue des livres canoniques, des livres recommandés et dès livres condamnés soi-disant par le pape saint Gélase, dans un concile tenu à Rome en 495-496. En réalité, ce catalogue est composé de pièces rapportées, en partie plus anciennes que saint Gélase ; c’est un catalogue anonyme, quoique officiel, dont la compilation définitive a dû être fixée au début du VIe siècle. Le voici d’après Mansi, Conciliorum collectio, t. viii, col. 150-151. Cf. Jaffé, Regesta pontificum romanorum, 2e édition, t. i, p. 91, n » 700 ; Maassen, Geschichte der Quellen und dei Literatur des canonischen Redits in Abendlande, t. i, p. 283. (Les chiffres entre crochets renvoient aux paragraphes ci-après, où chacun de ces apocryphes est individuellement étudié.)

Notice des livres apocryphes qui ne sont pas reçus :

… Itinéraire au nom de Pierre, apôtre, qui est appelé de saint. Clément, huit livres, apocryphe [1].

Actes au nom d’André, apôtre, apocryphe [1],

Actes au nom de Thomas, apôtre, dix livres, apocryphe [1].

Actes au nom de Pierre, apôtre, apocryphe [1J.

Actes au nom de Philippe, apôtre, apocryphe [t].

Évangile au nom de Thaddée, apocryphe [4].

Évangile au nom de Mathias, apocryphe [4].

Évangile au nom de Pierre, apôtre, apocryphe [4].

Évangile. au nom de Jacques, apôtre, apocryphe [4J.

Évangile au nom de Barnabe, apocryphe [ï].

Évangile au nom de Thomas, dont se servent les Manichéens ». apocryphe [4].

Évangile au nom de Barthélémy, apôtre, apocryphe [4].

Évangile au nom d’André, apôtre, apocryphe [4].

Évangiles falsifiés par Lucien, apocryphes [41.

Livre de l’enfance du Sauveur, apocryphe [4].

Évangiles falsifiés par Ésichius. apocryphes [4].

Livre de la nativité du Sauveur et de Marie et de la sage-femme, apocryphe [4].

Livre appelé du Pasteur, apocryphe [3].

Tous les livres qu’a faits Leucius, disciple du diable, apocryphes [1]. Livre appelé le Fondement, apocryphe [9]. Livre appelé le Trésor, apocryphe [9]. Livre des filles d’Adam ou de la Petite Genèse, apocryphe [6].

Livre appelé Actes de Thècle et de Paul, apôtre, apocryphe [1].

Livre appelé de Népos, apocryphe [9].

Livre des Proverbes, écrit par les hérétiques, et publié sous le nom de saint Sixte, apocryphe [9].

Apocalypse qui porte le nom de Paul, apôtre, apocryphe [2].

Apocalypse qui porte le nom de Thomas, apôtre, apocryphe [2],

Apocalypse qui porte le nom de saint Etienne, apocryphe [2].

Livre appelé Passage, c’est-à-dire Assomption de sainte Marie, apocryphe [2].

Livre appelé Pénitence d’Adam, apocryphe [6].

Livre d’Ogias, du nom du géant qui est supposé par les hérétiques avoir combattu avec le dragon après le déluge, apocryphe [7],

Livre appelé Testament de Job, apocryphe [8].

Livre appelé Pénitence d’Origène, apocryphe [9].

Livre appelé Pénitence de saint Cyprien, apocryphe [9].

Livre appelé Pénitence de Jamné et de Mambré, apocryphe [8].

Livre appelé Sorts des saints Apôtres, apocryphe [9j.

Livre appelé Louange des Apôtres, apocryphe [9].

Livre appelé Canon des Apôtres, apocryphe [3].

Lettre de Jésus au roi Abgar, apocryphe [3]. Lettre d’Abgar à Jésus, apocryphe [3].

Écrit appelé Contradiction de Salomon, apocryphe [3].

A côté du catalogue gélasien, monument de la littérature ecclésiastique latine, il faut placer le catalogue stichométrique de Nicéphore. C’est un catalogue des livres canoniques et non canoniques, avec l’indication du nombre de versets de chacun d’eux. Ce catalogue porte le nom du patriarche de Constantinople Nicéphore († 828), et il n’y a pas de raison de douter qu’il ne lui appartienne. On en trouve le texte dans Migne, Patr. gr., t. c, col. 1055-1060, et mieux dans C. de Boor, Nicephori archiepiscopi CP. opuscula historica, Leipzig, 1880, p. 132-135.

Psaumes et cantiques de Salomon, versets 2100 [5]

Apocalypse de Pierre, versets 300 [2].

Épitre de Barnabe, versets 1360 [3].

Évangile selon les Hébreux, versets 2200 [4].

Enoch, versets 4800 [2J.

Les Patriarches, versets 5100 [7].

Prière de Joseph, versets 1100 [7].

Testament de Moïse, versets 1100 [2].

Assomption de Moïse, versets 1400 [2].

Abraham, versets 300 [7].

Eldad et Modad, versets 400 [2].

Élie le prophète, versets 316 [2].

Sophonie le prophète, versets 600 [2].

Zacharie, père de Jean, versets 500 [2].

Baruch, Habacuc, Ézéchiel et Daniel, pseudépigraphes [2].

Itinéraire de Pierre, versets 2750 [1].

Itinéraire de Jean, versets 2600 [1].

Itinéraire de Thomas, versets 1700 [1].

Évangile selon Thomas, versets 1300 [4].

Doctrine des Apôtres, versets 200 [3].

De Clément, première et seconde épître, versets 2600.

Ignace, Polycarpe, le Pasteur d’Hermas.

Un second catalogue grec, celui-ci sous le nom de saint Athanase, iigure à la fin de l’opuscule pseudo - athanasien Synopsis Scripturse Sacras, t. xxviii, col. 431. Il ne contient pas d’indications stichométriques. La liste des apocryphes depuis Enoch jusqu'à Clément est exactement identique à celle de Nicéphore ; mais le pseudo-Athanase ne mentionne pas la série Apocalypse de Pierre, Épît>"e de Barnabe, Évangile des Hébreux et Ignace-Polycarpe-Herrnas. On peut inférer de cette collation que le catalogue de Nicéphore représente un état plus complet du catalogue donné par le pseudo-Athanase.

Un troisième catalogue grec, celui-ci anonyme, a été

publié par Montfaucon, Cotelier, Hody, Pitra, d’après des

manuscrits différents. Voir Pitra, Juris ecclesiastici Grse corum historia et monumenta, Rome, 1864, t. i, p. 100.


Tout ce qui est apocryphe r

Adam [6]. Enoch [2]. Lamech [7]. Patriarches [7]. Prière de Joseph [7]. Eldad et Modad [2] Testament de Moise [2]. Assomption de Moïse [2]. _ Psaumes de Salomon [5]. Apocalypse d'Élie [2]. Vision d’Isaïe [2]. Apocalypse de Sophonie [2]. Apocalypse de Zacharie [2].

Apocalypse d’Esdras [2]. Histoire de Jacques [4]. Apocalypse de Pierre [2]. Voyages et Doctrine des Apôtres [1 et 3]. Épitre de Barnabe [1]. Actes de Paul [1]. Apocalypse de Paul [2]. Doctrine de Clément. Doctrine d’Ignace. Doctrine de Polycarpe. Évangile de Barnabe [4], Évangile de Matthieu [4].

La conformité de disposition du catalogue de Nicéphore, du catalogue du pseudo-Athanase et du catalogue anonyme de Pitra, permet de conjecturer que ces trois listes dépendent d’un même canon, qui aurait été à la tradition grecque ce que le catalogue gélasien était à la tradition latine. Voir sur ces trois catalogues T. Zahn, Geschichte des neulestanienllichen Kanons, t. ii, p. 290 et suiv., Leipzig, 1890.

Sur le catalogue syriaque d'Ébedjésu, de peu d’intérêt pour l’histoire des apocryphes, voir Assernani, Bibliotheca orientalis, Rome, 1725, t. iii, p. 3. À signaler un catalogue arménien de quelque intérêt et apparenté aux catalogues grecs ci-dessus mentionnés, dans la Chronique de M’Khitar d' Arrivant, rédigée vers 1297, édition Patkanolf, Saint-Pétersbourg, 1867 ; P. Batillol, Studia patristica, p. 15.

Mettons tout de suite à part quelques titres donnés par nos catalogues et qui n’ont rien à voir avec la littérature apocryphe : saint Clément de Rome, saint Polycarpe, saint Ignace, Hermas. Il nous reste une longue suite d’apocryphes qui peuvent être groupés en catégories, catégories auxquelles le Dictionnaire consacre un article spécial.

1. Actes apocryphes des Apôtres.

2. Apocalypses apocryphes.

3. Épitres, canons et constitutions apocryphes.

4. Évangiles apocryphes.

5. Psaumes apocryphes.

De telle sorte que nous n’avons plus maintenant qu'à traiter en quelques mots des apocryphes ne rentrant dans aucune de ces cinq grandes catégories.

6. Livres apocryphes sur Adam. — C’est tout une littérature, et très confuse. Le livre intitulé Contradiction d’Adam et d’Eve ou Livre d’Adam n’est connu que par une version éthiopienne traduite et publiée en allemand par M. Dillmann, Dos christliche Adambuch, Gôttingue, 1853 ; en anglais par M. Malan, The book of Adam and Eve, Londres, 1882. C est un roman chrétien, où l’on a groupé toutes les fables répandues en Orient sur Adam, le paradis terrestre et les premiers patriarches. Il a été composé au Ve ou au VIe siècle de notre ère, vraisemblablement en Egypte. — La Pénitence d’Adam ou le Testament d’Adam. On en a d’importants fragments syriaques publiés avec traduction française par M. Renan, dans le Journal asiatique, 1853, t. ii, p. 427-469. — Une Pénitence d’Adam et d’Eve, en latin, a été publiée par M. W. Meyer, sous le titre de Vie d’Adam et d’Eve, dans les Abhandlungen der K. Bayer. Akademie der Wissenschaften, xiv, 3, Munich, 1879. — H y a quelque rapport entre le texte de Renan, celui de Meyer et la Vie et conduite d’Adam révélée à Moïse par l’archange Michel, publiée par Tischendorf sous le titre â' Apocalypse de Moïse, dans ses Apocalypses apocryplise, Leipzig, 1866, p. 1-23. Enfin ces trois pièces sont apparentées aux Livret de Seth gnostiques. Cette question embrouillée d’histoire littéraire a bien besoin d'être tirée au clair. Voir A. Hort, Books of Adam, dans le Dictionary of Christian biography, t. i, p. 34-39. — Il faut joindre à cette littérature apocryphe d’Adam le Livre des filles d’Adam, mentionné par le catalogue gélasien qui l’identifie avec le Livre des

I. - 27

Jubilés ou Petite Genèse. — Et aussi le Testament de nos premiers parents, cité au vif siècle par Anastase le Sinaïte dans son commentaire de l’Hexaméron, Patr. gr., t. lxxxix, col. 967, et non identifié, à moins que ce testament d’Adam et d’Eve ne soit le même ouvrage que Y Apocalypse de Moïse citée plus haut.

7. Livres apocryphes concernant les patriarches. — Saint Épiphane mentionne des Livres de Seth, au nombre de sept, circulant parmi les Gnostiques, Contra hœr., xxxix, 5, t. xli, col. 669. Et l’auteur anonyme ou pseudoChrysostome de VOpus imperfectum in Malt h., hom. ii, t. lvi, col. 637, les mentionne comme circulant parmi les chrétiens de l’extrême Orient. — Saint Augustin, De Civit. Dei, xviii, 38, t. xli, col. 598, parle vaguement de livres apocryphes mis sous le nom de Noé : « Mais, dit-il, la chasteté du canon ne les a point reçus, non que l’autorité de ces hommes qui plurent à Dieu soit soupçonnée, mais parce que l’on ne croit pas que ces livres soient de ces hommes. » Nous avons vii, â l’article des Apocalypses apocryphes, qu’un Livre des visions de Noé avait vraisemblablement servi de source à l’auteur du Livre d’Enoch. — Saint Épiphane mentionne et décrit un Livre de Noria comme circulant parmi les Gnostiques sous le nom de Noria, femme de Noé, Contra hser., xxxvi, 1, t. xli, col. 332. — Clément d’Alexandrie signale un Livre de Cham, gnostique, Stromat., vi, 6, t. ix, col. 276. Voir la légende gnostique de Cham mentionnée par saint Épiphane, Contra hser., xxxix, 3, t. xli, col. 668. — Le Livre de Lantech n’est connu que par le catalogue de Pitra. — Une Histoire de Melchisédech, mise dès avant le IXe siècle sous le nom de saint Athanase, et dont on trouve le texte dans les Spuria athanasiens, Patr. gr., t. xxviii, col. 525-530. Nous croyons cette pièce grecque, chrétienne, et du Ve siècle environ. — Un Testament d’Abraham gnostique est signalé chez les Séthiens par saint Épiphane, Contra hser., xxxix, 5, t. xli, col. 670. Nous en possédons le texte grec. Voyez M. Gaster, The Apocalypse of Abraham, dans les mémoires de la Society of biblical Archseology, Londres, 1888, t. ix, p. 195 et suiv. — Une Ascension de Jacob est signalée par saint Épiphane chez les Ébionites, Contra hser., xxx, 16, t. xli, col. 432. Mais il se pourrait que le héros de cette Ascension fut, non point Jacob le patriarche, mais saint Jacques « frère du Seigneur. » — Un Testament des trois patriarches, Abraham, Jsaac, Jacob, est mentionné, au IVe siècle, dans les Constitutions apostoliques, vi, 16, Patr. gr., t. i, col. 953, et dans le Testament des douze patriarches, xii, 10. Il en existe une version arabe dont on annonce la prochaine publication, conjointement avec le texte grec du Testament d’Abraham, par M. James, de Cambridge. — On conjecture que le Livre d’Ogias était l’histoire du roi de Basan, Og, dont il est question dans le Livre des Nombres. Num., xxi, 33-35. Cet apocryphe n’est mentionné que par le catalogue gélasien, à moins qu’d ne soit le même que le livre intitulé Geste des géants, r, xwv yiiôvtwv ripaynaTeia, apocryphe manichéen mentionné au vi 9 siècle par Timothée de Constantinople, dont il sera question plus loin. — Origène avait en mains un apocryphe gnostique juif intitulé Prière de Joseph, perdu. J’ai résumé tout ce qu’on en sait dans mes Stitdia palristica, p. 16-18. — La Prière de Joseph était différente de la Prière d’Aseneth que j’ai publiée, Studia patrislica, p. 1-115, et qui est un apocryphe chrétien du Ve siècle, fait d’après une source juive. — Un article spécial sera consacré au Testament des douze

PATRIARCHES.

8. Livres apocryphes concernant les prophètes. — Origène cite un Livre de Balaam dans son Contra Celsum, i, 60 et xviii, 108, t. xi, col. 769. De même l’auteur de ïûpus imperfectum in Matth., 2, Patr. gr., t. lvi, col. 637. — La Pénitence de Jamné et de Mambré, les deux magiciens égyptiens d’Exod., vii, 11, est citée par Origène, Comment, ser. in Matth., 117, t. xiii, col. 1769 ; cf. II Tim., nii 8. — Le Testament de Job, que men tionne le catalogue gélasien, a été publié par le cardinal Mai, Scriptorum veterum nova collectio, Rome, 18251838, t. vii, p. 180-191. Ce texte grec, où est racontée, avec l’histoire de Job, celle de ses trois filles, est un récit chrétien empreint de gnosticisme : il pourrait remonter au me siècle. Il n’a encore été étudié par personne.

9. Livres apocryphes ecclésiastiques. — Le Livre de Népos, Liber Nepotis, du catalogue gélasien, est, conjecture-t-on, à identifier avec quelque œuvre de cet évêque égyptien du IIIe siècle qui s’appelait Népos, et dont Eusèbe nous apprend qu’il avait composé un recueil de psaumes chrétiens, lesquels jouirent longtemps d’une grande vogue dans les églises de l’Egypte intérieure. Népos était millénariste. Eusèbe, H. E., vii, 24, t. xx, col. 692. — Les Sorts des Apôtres ne sont pas connus autrement que par la mention du catalogue gélasien ; de même la Louange des Apôtres. Voir Lipsius, Die apokryphen Apostolgeschichten, t. i, p. 34. — Le Livre des Proverbes, cité par le catalogue gélasien, n’est autre que le recueil des sentences du pythagoricien Sextus. On sait que cet ouvrage fut traduit au ive siècle par Rufln, comme étant du célèbre pape martyr Sixte II, erreur grossière qui fit pour une bonne part la fortune du livre. On en a une version syriaque, la version latine de Rufin, et le texte original grec publié dernièrement, avec le latin en regard, par M. Ant. Elter dans V Index scholarum de l’université de Bonn, 18911892. Voir principalement J. Gildemeister, Sexti sentenliarum recensiones, Bonn, 1° 73. — La Pénitence d’Origène du catalogue gélasien est à identifier avec le petit traité intitulé Planctus sive lamentum Origenis translatum ab Hieronymo presbytero, lequel est aussi peu d’Origène que de saint Jérôme. On en trouvera le texte dans l'édition par Merlin des œuvres d’Origène, Paris, 1512 ; dom Delarue, reproduit par Migne, ne l’a pas donné. — La Pénitence de Cyprien du catalogue gélasien est vraisemblablement cette confession de saint Cyprien le magicien, martyrisé avec sainte Justine à Damas, sous Dèce, confession qui forme le second des trois livres des Acla Cypriani et Justinse, publiés parMartène et Durand, Thésaurus novus anecdotorum, Paris, 1717, t. iii, p. 1629 et suiv. — Le livre du Fondement du catalogue gélasien est, croit-on, un livre manichéen ; de même et plus sûrement le livre du Trésor, lequel est cité comme tel, sous le titre de Trésor de la vie, o ©r)uavpô ; xïj ; ï<dt, ç, par Timothée de Constantinople. Patr. gr., t. lxxxvi, p. r, col. 21. Rappelons en effet que les Manickéens n'étaient pas rares à Rome à la fin du Ve siècle : dans la notice consacrée à saint Gélase par le Liber pontiftealis, il est rapporté que ce pape « trouva des Manichéens dans la ville de Rome, qu’il les en fit expulser, et qu’il fit brûler leurs livres devant les portes de la basilique de Sainte-Marie-Majeure. » Liber pontiftealis, édit. Duchesne, t. i, p. 255. Le Fondement et le Trésor seraient de ces livres.

On peut consulter avec fruit l’article de M. Dillmann, Pseudepigraphen, dans la Realencyclopàdie fur protestantische Théologie, t. xii, p. 341-367, Leipzig, 1883. M. Dillmann a une grande autorité dans la matière ; mais sa dissertation commence d'être ancienne. Le livre de M. William Deane, Pseudepigrapha, Edimbourg, 1891, ne traite que de quelques apocryphes et n’a pas grande valeur. Le meilleur livre à signaler est peut-être celui de O. Zockler, Die Apokryphen des A. T., nebst einem Anhang ûber die Pseudepigraphenliteratur, Munich, 1891. Un article spécial est consacré chaque année aux publications concernant les apocryphes dans le Theologischer Jahresbericht que publie, depuis 1880, M. Lipsius. Voyez aussi E. Kozak, Bibliographische Uebersicht des biblischapokryphen Literatur bei den Slaven, dans les Jahrbûcher fur protestantische Théologie, 1891, p. 127-158 ; travail important. P. Batiffol.

    1. APOLLINAIRE DE LAODICÉE##

APOLLINAIRE DE LAODICÉE (iv siècle). Deux

écrivains grecs du rv 5 siècle, le père et le fils, portent ce même nom d’Apollinaire.

Apollinaire l’ancien, Alexandrin de naissance, grammairien de profession, avait enseigné les belles-lettres d’abord à Béryte (aujourd’hui Beyrouth), finalement à Laodicée de Syrie ou Laodicée ad mare, la Ladikiyéh actuelle. Il y fut fait prêtre, et son fils, Apollinaire le jeune, lecteur. Ensemble ils enseignèrent, le père la grammaire, €t le fils la rhétorique : ceci dès avant 335. Apollinaire l’ancien vivait encore à l'époque du règne de Julien (361-363). On lui a attribué longtemps la tragédie chrétienne qui a pour titre Christus paliens, mais qui est en réalité un centon de l'école de Théodore Prodrome, XIe siècle. Voir Bulletin critique, 1886, p. 371-373. L’historien Socrate, H. E., iii, 15, t. lxvii, col. 417, et après lui Sozomène, H. E., v, 18, t. lxvii, col. 1270, attribuent à Apollinaire l’ancien une adaptation en vers hexamètres du Pentateuque et « des autres livres historiques de l’Ancien Testament jusqu'à Saül », en vingt-quatre chants, adaptation à laquelle il avait donné le titre d’Archéologie hébraïque. Ce vaste poème soi-disant homérique est perdu. Au dire des historiens déjà cités, Apollinaire avait tiré aussi des Saints Livres des sujets de compositions soit lyriques, soit dramatiques, dans la manière de Pindare et d’Euripide. Il ne nous en est rien resté. D’après Socrate, Julien ayant défendu aux chrétiens l’usage des auteurs profanes, H. E., iii, 16, t. lxvii, col. 417, Apollinaire et son fils voulurent suppléer au défaut des classiques païens par la confection de classiques sacrés. La loi de Julien ayant été bientôt abolie, toute l'œuvre de ces rhéteurs chrétiens périt sans retour.

Apollinaire le jeune, disciple et collaborateur de son père, avait, dans la même vue que lui, composé des hymnes ou cantiques pour être chantés par les fidèles, même dans les réunions liturgiques, où généralement le psautier davidique seul était admis. Cette innovation n’eut pas de succès, et rien ne nous a été conservé de ces « idylles », comme lès appelle Sozomène. Il ne nous reste rien non plus des Évangiles et Épitres mis par Apollinaire en forme de dialogues à la manière de Platon, adaptation que l’historien Socrate est seul à mentionner. Par contre, on possède sur les Psaumes une paraphrase, en vers hexamètres, qui porte le nom d’Apollinaire, le seul ouvrage poétique que nous aurions de l'école de Laodicée. C’est, dit Tillemont, « une traduction fidèle, exacte et noble, de tous les Psaumes, et les plus habiles en parlent avec estime. » Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, t. vii, p. 613. Mais l’authenticité de cette Melaphrasis psalmorum n’est plus admise aujourd’hui, et, depuis Godefroy Hermann, on est porté à y voir plutôt une œuvre de l'école de Nonnus, ve-vie siècle. Le texte, publié depuis 1552, a été reproduit par Migne, Patr. gr., t. xxxiii, col. 13131538. Voir A. Ludwich, Die Psalter-Metaphrase des Apollinarios, dans l’Hermès, t. xiii, 1878, p. 335-350. Saint Jérôme a paru à quelques critiques donner à entendre qu’Apollinaire le jeune était auteur d’une version en prose de l’Ancien Testament ; mais on est plus autorisé à croire qu’il s’agit d’interprétations toutes personnelles données par Apollinaire au texte de l’Ancien Testament, qu’il affectait de citer d’après la recension de Symmaque. S. Jérôme, Adv. Rufinum, ii, 34, t. xxiii, col. 456. Ce sont là les travaux d’Apollinaire le jeune sur la Sainte Écriture : nous n’avons qu'à rappeler ici que l'œuvre capitale d’Apollinaire a été une œuvre, non point de poète ni d’exégète, mais de théologien dogmatique et de dogmatiste platonicien ; c’est à ce titre surtout qu’il doit d'être connu, et à ce titre seul qu’il doit d’avoir été condamné à Rome en 378, à Antioche en 379, à Constantinople en 381. Il était alors évéque de Laodicée, où il mourut hérétique impénitent peu avant 392. — Voir Fabricius, Bibliotheca grseca, « dit. Harless, t. viii, p. 584-594 ; Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, t. vii, p. 602-637. M. Dràseke, qui a réussi à identifier parmi les apocryphes

de divers Pères de l'Église, saint Justin, saint Grégoire le Thaumaturge, etc., plusieurs des principaux traités théologiques d’Apollinaire le jeune, prépare une édition des Apollinaris opéra qux supersunt. P. Batiffol.

    1. APOLLO##

APOLLO ( 'AicoXXw ; ), contraction d’Apollodoros, ou, plus probablement, d’Apollonios, est le nom d’un des personnages considérables de l'Église apostolique. Act., xviii, 24-28. Malheureusement celui qui l’a porté, comme tant d’autres vaillants ouvriers de l'Évangile, n’a presque pas d’histoire dans nos Saints Livres. L’auteur des Actes, xviii, 24, nous dit qu’il était Juif, originaire d’Alexandrie, et aussi remarquable par son érudition que par son éloquence. Tel est, en effet, le sens qu’il faut donner à l’expression ïvtjp lâfiot ; . Dans Hérodote, ii, 3, Xi-ytoç veut dire un homme savant en histoire ; et les prêtres d’Héliopolis y sont ainsi qualifiés parce qu’ils étaient les plus instruits des Égyptiens sur les traditions de leur pays. Josèphe, Bell, jud., i, v, aussi bien que Philon, Légat, ad Caïum, p. 1026, désigne ainsi les historiens de la Grèce. Aoyio ; , c’est l’homme érudit, mais avec cette nuance particulière qu’il est éloquent. Ainsi on disait de Mercure à Àoyto ; , « le beau parleur, » et Philon, De Cherub., p. 127, indique par cette même expression, rai vu Xoyîow, les grands orateurs à qui la moindre maladie ferme la bouche. Chez Apollo, l'éloquence était le résultat de sa parfaite connaissance des Écritures : A’jvarà ; ûv èv txî ; ypatpxXi. Au reste Josèphe, Antiq. jud., XVII, vi, fait une appréciation analogue de deux Juifs célèbres à la fin du règne d’Hérode, Judas, fils de Sariphée, et Mathias, fils de Margaloth : 'IouSoaoïv XoytwTaxoi xa tùïv TtaTpiaiv i%ryr i-za. vgixwv. Apollo fut, comme eux, un docteur éloquent, exerçant une profonde inlluence sur ceux à qui il parlait. Par son génie naturel, autant que par sa formation classique, il se rattachait à cette brillante école juive d’Alexandrie, qui, avec ses tendances plus mystiques que formalistes, marchait tout droit à l'Évangile d’un pas autrement dégagé que le ritualisme de Jérusalem. Philon en était alors le plus illustre représentant.

C’est à Éphèse qu' Apollo se trouve, quand le livre des Actes le mentionne pour la première fois. Déjà il avait été instruit des voies du Seigneur, c’est-à-dire de la venue du Messie et de sa vie publique, mais par des disciples de Jean-Baptiste, qui ne lui avaient donné qu’un enseignement très incomplet au point de vue de la doctrine de JésusChrist. Ainsi ne connaissait - il pas d’autre baptême que celui du précurseur, et peut-être pouvait-il dire alors ce que dirent peu après quelques Éphésiens à saint Paul à propos du Saint - Esprit : « Nous ne savons pas même s’il y en a un. » Act., xix, 2. Toutefois ce qu’il connaissait de Jésus-Messie, il l’exposait avec beaucoup de soin et de zèle : ëkâ'kê.t xoù iSï8a<TX£v axptêto ; Ta TCEp’i toO 'Iyjgoû, prenant courageusement la parole dans les synagogues. Quelle que fût l’ardeur de son âme, Çéwv tw nveùjiaTt, et la vigueur de son éloquence, il demeurait insuffisant ou même dangereux dans son apostolat, la première condition, pour bien instruire, étant de bien savoir. Deux chrétiens militants, Priscille et Aquila, qui se trouvaient alors à Éphèse, virent le parti qu’on pouvait tirer d’un tel homme, et, l’ayant attiré chez eux, ils se chargèrent de l'éclairer pleinement. Le disciple devint aussitêt un maître du premier ordre, ayant la vraie doctrine et le désir autant que le don de la propager. Ce qu’on lui dit sans doute de l'œuvre de Paul à Corinthe, des espérances et des craintes qu’elle donnait, lui inspira le désir de passer immédiatement en Achaie. Il voulait maintenir dans la foi ce pays déjà acquis à l'Évangile, et peut-être pousser de plus en plus vers l’Occident la Bonne Nouvelle, déjà triomphante en Orient. La communauté chrétienne d'Éphèse l’y encouragea de tout son pouvoir, et lui donna des lettres de recommandation pour les frères de l'Église de Corinthe En sorte qu'étant arrivé en Achaïe, il rendit les plus grands services à la cause de l'Évangile, arrosant généreusement ce que Paul 775

APOLLO — APOLLONIUS

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avait planté. I Cor., iii, 6. La grâce de Dieu était avec lui, Act., xviii, 27 (texte grec), et aussi une éloquence humaine qui servait utilement ses moyens surnaturels de succès. C’est avec une grande puissance, evTÔvw ; , - qu’il réfutait les Juifs, non pas seulement dans les synagogues, mais en public, Snitiouïa, ne craignant pas de les prendre à parti devant les auditoires païens qu’il abordait, et leur prouvait victorieusement, d’après les Écritures, que Jésus est le Christ. Habitué à la parole, il convoquait, selon l’usage du temps, autour de sa chaire de rhéteur tous ceux qui avaient le désir d’entendre exposer des doctrines religieuses nouvelles.

L’autorité d’Apollo dans l'Église de Corinthe devint très considérable, et nous savons que, parmi ces Grecs toujours portés à se passionner pour quelqu’un, il se forma un parti qui le mettait en parallèle avec Pierre et avec Paul. I Cor., i, 12. Au tond, l’Apôtre des Gentils lui rend cette justice, que, si lui-même a planté, Apollo a arrosé cette belle Église de Corinthe, à laquelle Dieu s’est réservé de donner l’accroissement. I Cor., iii, 6. Il appelle Apollo son frère, I Cor., xvi, 12, et nous fait entrevoir, par quelques mots qu’il ajoute, tout ce qu’il y avait de prudence et de sainte humilité dans l'àme du prédicateur alexandrin. En effet, pour éviter toute division entre fidèles, et déconcerter le parti qui, à Corinthe, se réclamait de son nom, il s'était éloigné de la capitale de l’Achaïe, et refusait d’y revenir, malgré les instances de Paul, jusqu'à ce qu’il trouvât la situation plus calme et les circonstances plus propices. Est-ce réellement à Apollo que Paul fait allusion, quand il parle de ceux qui prêchent les discours persuasifs de la sagesse humaine, avec la sublimité du langage et les brillantes conceptions, I Cor., i, 17 ; ii, 1-15, au risque de laisser dans l’ombre ou même de supprimer la croix de Jésus-Christ ? C’est possible. Ce genre d’exposition savante et suivant les règles de la rhétorique semble bien répondre à tout ce qui est dit d’Apollo et de sa culture littéraire. Mais de telles appréciations, inspirées par le véritable amour de Dieu, n’amenaient pas entre les ouvriers évangéliques de réels froissements. On se reprenait publiquement, et on ne cessait pas de s’aimer. Tout allait au profit de l'Évangile.

Apollo est nommé pour la dernière fois à la fin de l'Épître à Tite, iii, 13, et Paul, en le recommandant aux soins de ceux qui devaient faciliter son voyage et celui de Zénas, nous marque l’affection qu’il lui gardait. L’association d’Apollo avec Zénas, un docteur de la loi, indique peutêtre le goût naturel qu’avait le prédicateur alexandrin pour la société des hommes les plus instruits parmi les chrétiens. On peut en outre conclure de ce passage qu' Apollo évangélisa la Crète. Des traditions populaires ont fait de lui un évêque de Colophon, d’Iconium en Phrygie, ou même de Césarée ; mais on ne peut produire aucun argument sérieux à l’appui de tels dires, et la diversité même des sièges qu’on lui assigne trahit l’insuffisance des motifs qu’on a de les lui assigner. L’opinion des critiques modernes qui attribue à cet homme apostolique l'Épître aux Hébreux, n'étant soutenue par aucun témoignage dans l’antiquité, demeure une conjecture absolument gratuite. Sans doute le genre oratoire et exégétique de cette admirable lettre s’accommode fort bien avec ce que nous savons de l'éloquence, de la culture hellénique et de la science scripturaire d’Apollo ; mais cela suffit-il pour conclure qu’elle est de lui ? Tous ceux qui, depuis Luther jusqu'à Bleek, Tholuek, Reuss, Rothe et de Wette, l’ont pensé, ont prêté aux arguments qu’ils évoquent une consistance qu’ils n’ont pas, et traité trop légèrement la grave objection qui surgit de l’absence dans l'Église primitive, et surtout dans la tradition alexandrine, représentée par Clément et Origène, de toute indication attribuant à Apollo la paternité de cette belle page de la théologie apostolique, œuvre de saint Paul.

Les données scripturaires étant insuffisantes pour fixer pleinement la physionomie de cet illustre héraut de l'Évan gile, l’imagination a pris sur elle d’y suppléer. Voir, pour

: s’en rendre compte, les études publiées par Pfizer, Dissert.

de Apollone, doct. apost., Altorꝟ. 1718 ; Hopf, Comment.

! de Apollone pseudo-doctore, Hag., 1782 ; Heymann, Sâchs.

", Stud., 1843, p. 222 ; Bleek, Der Brief an der Hebrâer>

Berlin, 1828. E. Le Camus.

    1. APOLLONIE##

APOLLONIE ('A7roX>ù)i/ia), ville delà Mygdonie, province de Macédoine première (fig. 185). Elle était située près du lac Bolbe (Betschik-Gôl), sur la voie Égnatienne, à quarante-quatre kilomètres d’Amphipolis et à cinquantequatre kilomètres de Thessalonique. C’est dans leur voyage

[[File: [Image à insérer]|300px]]
185. — Monnaie d’ApolIonie de Macédoine.

Tête d’Apollon, à droite, avec une couronne de laurier. — ^. AIIOAAÛNOS. Amphore à deux anses.

de Philippes à Thessalonique, que saint Paul et Silas traversèrent cette ville. Act., xvii, 1. C’est aujourd’hui Pollina. Voir Pline, H. N., iv, 7 ; Itiner. Anton., p. 320-330 ; Itin. Hieros., p. 605 ; 2'ab. de Peutinger, De vise. Egnatiæparte orientali, p. 7 ; Athénée, viii, 334. Il ne faut pas confondre Apollonie de Mygdonie avec d’autres villes du même nom, et en particulier avec Apollonie d’Illyrie, qui était la cité la plus célèbre parmi celles qui étaient consacrées au dieu Apollon. E. Jacquier.

    1. APOLLONIUS##

APOLLONIUS ('AtcoUwvio ; , dérivé d’Apollon). Nom de plusieurs personnages, officiers des rois de Syrie, mentionnés dans le premier et le second livre des Machabées.

1. APOLLONIUS, gouverneur de Coelésyrie. I Mach-, x, 69. Josèphe, Ant.jud., XIII, iv, 3, lui donne le surnom de Aïo ; , c’est-à-dire le Daén (de Daha : ou Dai, peuple de Sogdiane). Quand Démétrius II Nicator disputa le trône de Syrie à Alexandre I er Balas, Apollonius, qui avait été placé par ce dernier à la tête de la province de Coelésyrie, l’abandonna pour se ranger du côté de Démétrius. Il est assez probable que cet Apollonius est le frère de lait et le confident de Démétrius dont parle Polybe, xxxi, 21, 2 ; ce qui explique sa trahison envers Alexandre Balas. Jonathas Machabée était alors soumis à Alexandre, et il lui resta fidèle. Démétrius chargea Apollonius de soumettre les Juifs à son obéissance. I Mach., x, 69. Le général syrien marcha contre eux avec une armée nombreuse (147 avant J.-C). Il alla camper à Jamnia, et écrivit à Jonathas pour le défier de descendre dans la plaine de la Séphéla, en lui reprochant de ne pas oser quitter l’abri de ses montagnes. Le grand prêtre quitta aussitôt Jérusalem avec dix mille hommes d'élite et son frère Simon pour se rendre à Joppé. La ville, qui était occupée par les soldats syriens, lui ferma ses portes ; mais ses habitants, saisis d 'effroi lorsqu’ils se virent assiégés, ne tardèrent pas à les lui ouvrir. À cette nouvelle, Apollonius se dirigea vers Azot avec trois mille cavaliers et une armée considérable. Jonathas le poursuivit, échappa à ses embûches et brûla Azot, après que son frère Simon eut taillé en pièces les troupes syriennes. I Mach., x, 70-85. Nous ne savons plus rien d’Apollonius Daos. — Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, 3, dit par erreur qu’Apollonius commandait les troupes d’Alexandre Balas, quand il fut battu ' par les Juifs, et quelques écrivains protestants, comme G.AVernsdori, De fids Hbrorum Machabxorum, Breslau, 1747, p. 135, ont essayé d’opposer son témoignage à l’an

teur du premier livre des Machabées ; mais les critiques rationalistes eux-mêmes reconnaissent, d’après l’ensemble des faits, que l’auteur des Antiquités judaïques s’est trompé, et que Jonathas soutenait le parti d’Alexandre I er Balas, non celui de Démétrius II Nicator. Voir W. Grimm, Handbuch zu den Apocryphen, 3e part., 1853, sur I Mach., x, 69, p. 164 ; E. Schurer, Geschichte des jùdischen Volkes, 2*édit., 1890, t. i, p. 181.

2. APOLLONIUS, fils de Gennée, général d’Antiochus V Eupator, roi de Syrie, vers 163 avant J.-C. Il fut laissé en Judée par Lysias, avec Timothée et quelques autres qui continuèrent la guerre contre les Juifs. II Mach., xii, 2.

3. APOLLONIUS, ûls de Mnesthée, ambassadeur du roi de Syrie, Antiochus IV Épiphane, à la cour de Ptolémée VI Philométor, roi d’Egypte. II Mach., iv, 21. C’est probablement le même qu’Antiochus IV avait envoyé à Rome à la tête d’une ambassade. Tite Live, xlii, 6. En 173, Épiphane lui donna la mission d’aller en Egypte, féliciter en son nom Ptolémée VI de son avènement au trône. On croit communément que cet Apollonius est « le chef des tributs ï, ap-, (<i)v çopoîioycaç, qui fut chargé de lever les impôts en Judée, I Mach., i, 30 (grec, 29), celui que l’auteur du second livre des Machabées, v, 21, appelle « l’odieux chef Apollonius », moins sans doute à cause de ses exactions que parce qu’il ne négligea rien pour anéantir la religion mosaïque. Antiochus IV Épiphane, à son retour de sa dernière campagne d’Egypte, vers la fin de l’an 168 avant J.-C, l’envoya avec une armée à Jérusalem, pour « helléniser » la Palestine. Voir Antiochus IV, col. 697. Le fils de Mnesthée dissimula perfidement ses intentions, et, profitant du repos du sabbat, pendant lequel les Juifs ne croyaient pas légitime de prendre les armes et de se défendre, il pilla la cité sainte et lit un grand carnage de ses habitants. I Mach., i, 30-34 (grec, 29-32) ; II Mach., v, 24-26. Le général ennemi assura en même temps la position des Syriens à Jérusalem en s'établissant fortement dans la cité de David. I Mach., i, 35-37 (grec, 33-35). La persécution contre les Juifs fidèles éclata alors avec violence. Mais ces excès firent naître un grand mécontentement et provoquèrent une vive irritation parmi le peuple ; ils amenèrent la révolte ouverte de Mathathias et fortifièrent le parti de Judas Machabée. I Mach., i, 65-67 (grec, 62-64) ; II, 1-48 ; II Mach., v, 27. Apollonius, voyant que le nombre des hommes qui se réunissaient autour du fils de Mathathias grossissait tous les jours, résolut de frapper un grand coup ; il rassembla une armée composée des peuples païens du voisinage et des Samaritains, dont il était gouverneur. Josèphe, Ant. jud., XII, v, 5 ; vii, 1. La bravoure des Juifs triompha de cette multitude ; ils se précipitèrent au-devant d’Apollonius, le battirent et le tuèrent. Judas Machabée s’empara de son épée et s’en servit désormais dans les combats qu’il continua à livrer pour l’indépendance de sa patrie. I Mach., iii, 10-12.

4. APOLLONIUS, fils de Tharsée, gouverneur de la Cœlésyrie et de la Phénicie sous Séleucus IV Philopator. II Mach., iii, 5-7. À l’instigation de Simon, intendant du temple de Jérusalem, Apollonius conseilla à Séleucus IV de s’emparer du trésor du temple. Le roi de Syrie, qui avait besoin de grandes sommes d’argent pour payer aux Romains le tribut écrasant imposé à son père Antiochus III le Grand, I Mach., viii, 7, envoya Héliodore à Jérusalem avec ordre de lui rapporter tout ce qu’il trouverait dans le temple ; mais un miracle l’empêcha de remplir sa mission. II Mach., iii, 7-40. À la suite de cet événement, Apollonius prit des mesures violentes contre les Juifs, mais l’auteur sacré ne nous apprend rien de plus de son histoire. II Mach., iv, 4. F. Vigouroux.

    1. APOLLOPHANÉS##

APOLLOPHANÉS (Septante : 'AnoUoçctvriO, chef

des troupes d’Antiochus Eupatoi", avec Chseréas et Timothée, fut tué dans la forteresse de Gazara, prise par Judas Machabée. II Mach., x, 37.

    1. APOLLYON##

APOLLYON, nom grec de l’ange ou démon de l’abîme, appelé en hébreu Abaddon. Apoc, ix, 11. Voir Abaddon.

APOLOGUE. L’apologue est « l’exposé d’une vérité morale sous une forme allégorique » (Littré), ou, ce qui revient au même, « un récit allégorique qui contient une vérité morale facile à saisir sous la transparence du voile dont elle est couverte. » Gérusez, Cours de littérature, i re partie, p. 69. L’apologue ou fable est originaire de l’Orient. On a trouvé des fables dans les tablettes cunéiformes de l’Assyrie et dans les papyrus de l’Egypte. G. Smith, The Chaldeean Account of Genesis, in-8°, Londres, 1876, p. 137-152 ; E. Revillont, Cours de droit égyptien, in-8°, Paris, 1884, t. i, p. 21-25. Les plus célèbres auteurs qui ont cultivé ce genre littéraire sont, en dehors de la Bible, l’Indien Pilpaï, ou Bidpay, ou Vichnou-Sarma, qui écrivit des fables en sanscrit, selon les uns 2 000 ans, selon d’autres 250 ans seulement avant J.-C ; l’Arabe Lokman, qui aurait vécu entre l'époque d’Abraham et celle de David ; le Phrygien Ésope, le fabuliste latin Phèdre, et enfin notre La ï'ontaine. L’apologue se présente, dans la Bible, sous diverses formes que nous allons énumérer.

1° Apologues prêtant la raison et la parole aux êtres gui ne les ont pas. — Le plus ancien apologue connu, en dehors des apologues égyptiens et chaldéens, se lit au livre des Juges, ix, 8-15. Abimélech, fils de Gédéon, voulant se faire reconnaître comme seul chef à Sichem, fit périr tous ses frères, à l’exception de Joatham, le plus jeune, qui réussit à se cacher. Quand le meurtrier eut été proclamé roi, Joatham se rendit au mont Garizim, et de là s’adressa en ces termes aux Sichimites : « Écoutez-moi, gens de Sichem, et que Dieu vous écoute de même ! Les arbres s’en allèrent pour se sacrer un roi, et ils dirent à l’olivier : Sois notre chef. L’olivier répondit : Que j’abandonne mon huile, dont se servent les dieux (princes) et les hommes, et que j’aille me balancer au-dessus des arbres ? Je ne le puis. Les arbres dirent alors au figuier ; Viens et reçois le pouvoir de régner sur nous. Le figuier leur répondit : Que j’abandonne ma douceur et mes fruits si suaves pour aller me balancer au-dessus des autres arbres ? C’est impossible. Les arbres s’adressèrent ensuite à la vigne : Viens et sois notre chef. Elle leur répondit : Que j’abandonne mon viii, qui réjouit Dieu et les hommes, pour me balancer au-dessus des autres arbres ? Impossible. Tous les arbres dirent alors au buisson : Viens et règne sur nous. Le buisson leur répondit : S’il est bien vrai que vous m'établissez votre roi, venez et reposezvous à mon ombre. Mais si vous ne le voulez pas, que le feu jaillisse du buisson et dévore les cèdres du Liban. » Joatham tira lui-même la moralité de son apologue : Les Sichimites se sont donné pour roi ce qu’il y a de pire ; mais bientôt ils n’en voudront plus, et le feu sorti du buisson les consumera tous. Ayant dit, Joatham s’enfuit. L'événement ne tarda pas à lui donner raison. — Quand Amasias, roi de Juda, voulut entrer en rapports avec Joas, roi d’Israël, celui-ci lui répondit par cet apologue mortifiant : « Le chardon du Liban envoya dire au cèdre du Liban : Donne ta fille en mariage à mon fils. Maisles bêtes de la forêt qui sont sur le Liban passèrent et foulèrent aux pieds le chardon. » Joas ajoutait, en guise de morale : « Tu as frappé Édom, tu l’as vaincu, et l’orgueil a gonflé ton cœur : contente-toi de ta gloire et reste dans ta maison. » IV Reg., xiv, 9, 10. Amasias ne s’en contenta pas et s’attira le sort du chardon. — À ce genre d’apologue se rattache la lamentation d'Ézéchiel sur les princes d’Israël : « Ta mère la lionne s’est couchée au milieu des lions ; elle a nourri ses petits au milieu des

lionceaux. Elle a fait croître un de ses lionceaux, et il est devenu lion. Il a appris à saisir la proie et à dévorer l’homme. Les nations ont entendu parler de lui, l’ont capturé dans leur fosse et l’ont emmené enchaîné dans la terre d’Egypte. À cette vue, elle défaillit, et son espérance fut ruinée. Elle prit un autre de ses lionceaux et en fit un lion. Il allait au milieu des lions et devint lion. Il apprit à saisir la proie et à dévorer des hommes, à faire dès veuves et à changer des villes en désert. Le pays et tous ses habitants furent effrayés du bruit de son rugissement. De toutes les provinces, les nations s’assemblèrent contre lui, tendirent sur lui leurs fllets et le capturèrent dans leur fosse. On le mit en cage, et on l’emmena enchaîné au roi de Babylone. On l’enferma dans une citadelle, de sorte qu’on n’entendit plus sa voix sur les montagnes d’Israël. » Ezech., xix, 2-9. Cette lionne est la nation juive ; le premier lion est Joachaz, déporté en Egypte, et le second, Jéchonias, déporté à Babylone. 2° Apologues mettant en scène les actes ou les choses de la vie ordinaire. — C’est de cette seconde sorte d’apologues que Notre-Seigneur s’est si merveilleusement servi sous le nom de paraboles. Voir Paraboles. Le plus frappant, dans l’Ancien Testament, est celui que le prophète Nathan est venu raconter à David, pour le faire rentrer en lui - même : « Il y avait dans une ville deux hommes, l’un riche et l’autre pauvre. Le riche possédait des brebis et des bœufs en grand nombre ; le pauvre ne possédait rien qu’une petite brebis qu’il avait achetée et nourrie. Elle avait grandi chez lui, en même temps que ses enfants, mangeant de son pain, buvant à sa coupe et dormant sur son sein. Elle était pour lui comme une fille. Or un étranger vint chez le riche, et celui-ci se garda bien de toucher à ses brebis et à ses bœufs pour offrir un festin à l'étranger qui lui était arrivé ; mais il s’empara de la brebis du pauvre homme, et en prépara des mets pour celui qui était venu chez lui. » Il Reg., xii, 1-4. À ce récit, le roi fut indigné contre le riche ; le prophète lui lança alors la terrible apostrophe : « Cet homme, c’est toi ! » — Dans tous les exemples précédents, l’apologue vise un fait particulier indiqué dans le contexte. D’autres fois, l’application de l’apologue est plus générale. Ainsi en est-il dans cet exemple tiré de l’Ecclésiaste, ix, 14-16 : « Il y avait une petite forteresse. Peu d’hommes l’occupaient. Contre elle s’avança un grand roi ; il l’investit et dressa contre elle de puissantes machines de guerre. Mais il s’y rencontra un homme pauvre et sage, qui la sauva par sa sagesse. Cependant jamais personne n’avait songé à ce pauvre. Je le déclare donc, la sagesse vaut mieux que la force ; mais on méprise la sagesse du pauvre. » Le génie hébreu cherche toujours l’image et l’action dans l’expression de la pensée. Aussi, à côté de quelques apologues développés dans la Bible, en trouve-t-on beaucoup d’autres qui ne sont qu'ébauchés ou indiqués. Telles sont les allégories du festin de la sagesse, Prov., ix, 1-5, et de la vigne, ls., v, 1-6 ; Ezech., xix, 2-9, dont Notre-Seigneur fera des paraboles complètes. Herder dit avec raison : « La plupart des sentences des Orientaux… ne sont, pour ainsi dire, avec leurs images et leurs allégories resserrées, que des fables en abrégé. » De la poésie des Hébreux, IIe partie, ch. i, 3, trad. Carlowitz, in-8°, Paris, 1855, p. 272. Les livres sapieutiaux sont riches en éléments de ce genre. L’exemple de la fourmi, proposé au paresseux, Prov., vi, 0-8, est presque une petite fable. La sentence : « Ne fais pas voler tes yeux après ce qui n’est rien ; car cette apparence se fera des ailes, comme l’aigle, et s’envolera vers le ciel, » Prov., xxiii, 5, fait penser à plusieurs apologues de La Fontaine ; il en est de même de cette autre : « Celui qui observe le vent ne sème point, et celui qui interroge les nuées ne moissonne point. » Eccli., xi, 4. Enfin la fable du pot de terre et du pot de fer est tout entière dans ce verset : « Comment le pot de terre peut - il s’associer au chaudron ? Quand ils se heurteront, il sera brisé. » Eccli., xiii, 3.

3° Apologues en action. — Sur l’ordre du Seigneur, les prophètes font parfois ou racontent qu’ils ont fait certaines actions symboliques, qui ne sont que des apologues en acte, destinés ensuite à devenir des récits instructifs. Ainsi, pour marquer qu’Israël s’est mis à adorer des dieux étrangers, Osée, iii, 1, épouse une femme adultère ; Ézéchiel représentera de même, sous l’allégorie de deux courtisanes, Oolla et Ooliba, Samarie et Jérusalem, infidèles au Seigneur, xxiii, 2-49. — Jérémie accomplit un certain nombre de ces actions symboliques. Doit-il montrer comment l’orgueil de Juda sera rab. issé et se ' changera en pourriture pendant la captivité? Il prend une ceinture, la met autour de ses reins, va ensuite la cacher dans les pierres, au bord de l’Euphrate, et 1 ingtemps après la retrouve toute pourrie, xiii, 1-7. Le travail du potier lui fournit matière à deux apologues en action. : « Je descendis dans la maison du potier, et voilà qu’il travaillait sur sa roue ; mais le vase d’argile qu’il faisait avec ses mains fut manqué. Il reprit son ouvrage et fit ce vase d’une autre manière, à sa convenance. » xviii, 3, 4. Ainsi le Seigneur fera ce qu’il voudra de la maison d’Israël. Un autre jour, le prophète prend une jarre de terre, œuvre d’un potier, et se fait accompagner par les anciens du peuple et du sacerdoce jusqu'à la vallée de Ben - Hinnom, près de la porte du Potier. Là il leur annonce que les Juifs seront brisés par les Chaldéens, et à leurs yeux il brise la jarre de terre, xix, 1-10. Deux paniers de figues, les unes bonnes, les autres mauvaises, représentent les deux portions du peuple, l’une déjà en captivité, l’autre encore à Jérusalem, xxiv, 1-8. Faut-il engager les rois voisins à se rendre au roi Nabuchodonosor ? Jérémie se met une chaîne au cou et en envoie une pareille à ces rois, xxvii, 2-6. Faut-il faire honte à Juda, qui foule aux pieds les préceptes de son Dieu ? Le prophète va trouver les Réchabites et leur offre des coupes de vin. Ceux-ci les refusent, pour ne pas contrevenir aux traditions de leur ancêtre. (Juel contraste entre la conduite des uns et celle des autres ! — Ézéchiel raconte aussi plusieurs actions symboliques, qui deviennent parfois de vraies paraboles, comme celle du bois de la vigne, qui n’est bon qu'à brûler, xv, 2-5 ; celle des aigles, du cèdre et de la vigne, xvii, 3-10. La conduite du prophète qui fait emporter tous ses meubles, comme pour éinigrer, qui perce la muraille de sa maison et se fait emporter de nuit par la brèche, xii, 4-7, est un apologue vivant, pour annoncer la captivité. C’en est un autre, très pittoresque, que le tableau de cette marmite où tout cuit à grand feu, mais qui ne peut elle-même se débarrasser de sa rouille, xxiv, 3-12. Il faut signaler aussi la peinture d’Assur sous l’allégorie d’un magnifique cèdre du Liban, xx, 3-9, et la description du ruisseau qui sort du seuil du temple, et fait croître des arbres nombreux sur ses bords, xlvii, 1-7. Ces apologues en action sont comme des tableaux vivants. Ce qui les caractérise, c’est que parfois ils se rapportent à un avenir inconnu, et sont par là même moins clairs que les précédents ; c’est qu’ensuite les événements qu’ils représentent sont grandioses et dépassent de beaucoup le cadre ordinaire de l’apologue.

4° Apologues en vision. — Dans certaines visions, Dieu lui-même déroule devant les yeux de l’homme des tableaux plus ou moins mouvementés, qui sont des révélations de l’avenir. Ce sont de vrais apologues, que Dieu raconte à sa manière, et dans lesquels se mêlent trois éléments chers aux Orientaux : le drame, l'énigme et la prophétie. Parmi ces apologues en vision, il faut ranger les songes de Joseph, qui voit les gerbes de ses frères s’incliner devant la sienne, et le soleil, la lune avec onze étoiles l’adorer lui-même, Gen., xxvii, 7-9 ; les songes significatifs des eunuques du pharaon, xl, 5-22, et celui du pharaon lui-même, sous les yeux de qui sept vaches grasses et sept épis pleins sont dévorés par sept vaches maigres et sept épis vides. XLI, 1-24. Un soldat madianite raconte qu’il a vu en songe un pain d’orge, cuit sous la

cendre, rouler et descendre sur le camp de Madian, puis frapper et renverser sa tente. Jud., vii, 13. Ce pain d’orge, c'était Gédéon, qui vint tout renverser la nuit suivante. Ces sortes de visions ne se retrouvent plus ensuite qu'à l'époque de la captivité. On a dans Amos, vii, 1-9 ; viii, 1, 2, les apologues des sauterelles, du feu, de la truelle du maçon et du panier à fruits. Daniel explique à Nabuchodonosor les deux grandes visions si dramatiques de là statue dont les matériaux figurent les empires, ii, 31 -35, et du grand arbre coupé tout entier, sauf une seule racine, pour représenter la déchéance temporaire du roi. iv, 2-13. Le prophète lui-même décrit ensuite les destinées des empires sous l’allégorie des quatre grands animaux, puis du bélier et du bouc, vii, 3-7 ; viii, 3-26. Mardochée voit en songe, sous forme de drame allégorique, ses destinées et celles de son peuple. Esth., xi, 2-11. Enfin Zacharie a de nombreuses visions, qui sont encore des apologues vivants, mais beaucoup plus obscurs et parfois moins dramatiques que les précédents, à raison des objets qu’ils figurent. Il laut citer le cavalier au milieu des myrtes, ! , 8 ; les quatre cornes, I, 18 ; l’homme au cordeau, mesurant la surface de Jérusalem, ii, 2 ; le chandelier d’or et les deux oliviers, iv, 2, 3 ; l'écrit volant, v, 1 ; l’amphore avec une femme assise au milieu, v, 6, 7 ; les quatre chars, vi, 1-8 ; les brebis de boucherie et les deux houlettes, xi, 4-10. Ce sont là plutôt des éléments d’apologues, qui auraient pu facilement être mis en œuvre, si le prophète l’avait jugé à propos.

H. Lesêtre.
    1. APONTE##

APONTE (Laurent de), commentateur italien, de l’ordre des Clercs réguliers mineurs, né en 1575, au royaume de Naples, mort le 26 octobre 1639. Il a laissé sur la Sainte Écriture les ouvrages suivants : Commentarii in Sapientiam Salonxonis, cum homiliis, digressionibus scholasticis et paraphrasi, in-f », Paris, 1629 ; 1640 ; Commentarii littérales et morales in Matthseum, 2 in-f », Lyon, 1641. L’auteur s'était proposé de publier son commentaire en quatre volumes ; la mort l’empêcha de terminer son travail, qui n’a du reste qu’un mérite très relatif. Voir G. Walch, Biblioth. theol., t. iv, p. 641 ; Dupin, Table des auteurs ecclésiastiques, p. 1793, 2911 ; Hurter, Nomenclator litterarius, t. i, p. 618.

M. Férotin.

APOSTASIE. Ce mot vient du grec àitoiTTadia, qui signifie « révolte, défection ». Il s’entend d’une révolte politique ou de la défection religieuse. Il a communément le premier sens dans les auteurs profanes (dans quelques passages de la version des Septante, Gen., xiv, 4 ; II Par., xili, 6, et Act., v, 37, le verbe àips<7Tï]|M, d’où dérive le substantif « apostasie », a une signification analogue). Le sens de défection religieuse (Vulgate : discessio) est d’origine biblique : c’est celui que lui attribue le Nouveau Testament ; Act., xxi, 21 ; II Thess., ii, 3 (d’après les Septante, Jer., ii, 19 ; xxix, 32 ; I Mach., ii, 15 ; cf. I Tim., iv, 1 ; Heb., iii, 12). Les auteurs ecclésiastiques et nos langues modernes, à la suite de saint Luc et de saint Paul, ont également entendu par « apostasie » la renonciation à la religion chrétienne. Voir Apostat.

    1. APOSTAT##

APOSTAT, dans notre langue, signifie celui qui est tombé dans le crime d’apostasie. Ce mot, dans la Vulgate, sous sa forme latine apostata, a un sens différent ; il veut dire « méchant, homme de rien, » et traduit le mot hébreu belhja’al. Job, xxxiv, 18 ; Prov., vi, 12. Voir Bélial. L’adjectif apostatrix a, dans la traduction d'Ézéchiel, ii, 3, une signification qui se rapproche de celle du mot <c apostasie » ; gentes apostatrices désigne en effet les nations qui se sont révoltées contre Dieu. L’Ecclésiastique emploie deux fois le verbe apostatare : la première, x, 14, dans l’acception de « s'éloigner » de Dieu (grec : icpiffrafiÉvov, Eccli., X, 12) ; la seconde, xix, 2, dans celle de « détourner de son devoir » (grec : à710<71r, cro’Jcri).

    1. APÔTRE##

APÔTRE (ît : o<ttô>.o ; ) s’entend dans la langue grecque d’où il dérive d’un envoyé qui a un mandat à remplir. Hérodote, i, 21 ; v, 38. Ce mot se lit une fois dans les Septante, III Reg., xiv, 6 ; c’est Ahias qui se l’applique en parlant à la femme de Jéroboam. Saint Luc, vi, 13, nous dit que Jésus, ayant choisi douze de ses disciples, leur donna le nom d’Apôtres, ïhoittô/.o-j ; ûvô jjiokiev. Depuis, ce nom s’est étendu à d’autres hommes participant à l’activité des Douze. Ainsi Barnabe est appelé apôtre, comme Paul, Act., xiv, 4, 14 ; Andronique et Junie sont glorieusement classés parmi les apôtres, Rom., xvi, 7 ; pareillement Timothée et Silvain. I Thess., ii, 7, 18. Enfin d’autres sont dits apôtres, en ce sens qu’ils sont délégués par des Églises. II Cor., viii, 25, et Phil., ii, 25. Néanmoins, et d’une manière générale, il faut reconnaître que, dans le langage biblique, cette désignation est réservée aux Douze privilégiés dont Jésus fit les pierres fondamentales de son Eglise.

Pourquoi ce choix de douze hommes parmi les disciples, et quelle fut leur mission ? Saint Marc, qui d’ailleurs, comme saint Matthieu, n’emploie qu’une fois le nom d’Apôtres, répond à cette question. Marc, iii, 14. Ils devaient être avec. Jésus dans des relations plus intimes et plus suivies que le reste des disciples, allant prêcher la Bonne Nouvelle quand ils en recevaient l’ordre, et ayant le pouvoir de guérir les malades et de chasser les démons. Plus tard, quand il s’agit d'élire un successeur au traître Judas, Pierre précisa une fois de plus, avec le caractère de l’apostolat, le devoir de l’apôtre, qui sera de rendre à JésusChrist un témoignage autorisé. Il déclara qu’avant tout, pour être éligible, il fallait avoir été auprès de Jésus pendant tout le coure de sa vie publique, c’est-à-dire depuis son baptême jusqu'à son Ascension, afin de pouvoir affirmer les faits que l’on avait vus, et plus particulièrement le miracle de la Résurrection. Act., i, 21-22. Les Apôtres ont été établis pour devenir les témoins officiels de l'Évangile. Saint Jean, qui, ni dans ses Épitres ni dans son Évangile ( on n’en peut dire autant de l’Apocalypse, xxi, 14 ; ii, 2 ; xvin, 20), ne prononce pas une seule fois le nom d’Apôtre, tout en reconnaissant l’existence d’un corps constitué par JésusChrist, qu’il appelle les Douze, contribue particulièrement à nous donner, Joa., xiv, 28 ; xv, 26-27 ; xvi, 13, une haute idée des prérogatives spirituelles de ces heureux privilégiés.

Ils étaient Douze, parce que ce nombre correspondait à celui des tribus d’Israël, vers lesquelles Jésus était venu comme vers des brebis sans pasteur. Ils devaient, comme autant de patriarches, juger les tribus dans la vie future. Matth., xix, 28. Il y a même cette singulière perfection dans ce symbolisme voulu que, comme la tribu de Joseph se transforme en deux demi-tribus, la place du traître Judas, demeurée vide, semble avoir été occupée simultanément par Matthias et par Paul. Communément toutefois on trouve plus rationnel de voir en celui-ci un treizième apôtre et de le mettre hors cadre, comme l’apostolat spécial dont il fut le promoteur. Voir Le Camus, L'Œuvre des Apôtres, t. i, p. 11. Les Douze, étant comme les prémices des douze tribus, représentaient donc la nation sainte. Ils furent pris dans la classe populaire, et même dans ses éléments les plus opposés, puisque nous trouvons parmi eux un péager, Matthieu, et un zélote, Simon, les deux extrêmes en politique, l’un représentant l’acceptation officielle, et l’autre la haine ardente du joug de l'étranger. Tous, à l’exception peut-être de Matthieu le péager, étaient absolument illettrés. Ils avaient passé leur vie dans des travaux grossiers et pénibles. Au moins quatre furent pêcheurs sur le lac de Génézareth. Mais avec leurs natures frustes, tous, sauf Judas, avaient le cœur bon, et c’est sur leui-s cœurs que Jésus entendit graver la nouvelle loi du monde.

Le catalogue des Apôtres nous a été conservé par les trois synoptiques et le livre des Actes. En comparant les quatre listes, on constate qu’elles portent absolument les

mêmes noms, excepté pour Jude, frère de Jacques, qui est appelé Lebbée par saint Matthieu, et Thaddée par saint Marc. Mais Thaddée ou Lebbée, dérivés l’un de Sad ou Thad, « poitrine, » l’autre de Leb, « cœur, » signifient, en termes analogues, un homme généreux et énergique. Il est à croire que cet honorable surnom supprima de bonne heure le nom de Jude, trop semblable à celui de l’apôtre prévaricateur.

Les Douze forment régulièrement trois groupes, dont chacun a un chef et des membres qui ne varient pas. Seul l’ordre des membres dans le groupe se trouve parfois interverti, mais sans que jamais un membre passe d’un groupe à l’autre. Il est probable que ce classement, dont voici l’ordre comparatif, répondait à peu près au degré d’intimité qui, dans les relations quotidiennes de la vie, unissaient chaque apôtre à Jésus-Christ.

de taille, soit qu’il fut plus jeune que Jacques, frère de Jean. Il est à la tête d’hommes moins connus : Jude, son frère ; Simon Qananit, ou « le Zélé », selon le sens que le Talmud donne à ce mot, dérivé de Qanna, et enfin Judas, l’homme de Kérioth, ou l’homme à la ceinture de cuir. Ce n’est pas ici le lieu d’apprécier chacun des Douze d’après ce que nous savons de lui, puisqu’ils doivent avoir tous, dans ce Dictionnaire, leur biographie individuelle. Notons cependant la place d’honneur et de réelle primauté que Pierre occupe dans ces listes, place qui répond exactement à la mission spéciale que Jésus devait lui donner, et au rôle que, sans conteste, il s’est toujours attribué, surtout après la Pentecôte. L’exégèse moderne, même la plus hostile à la doctrine catholique, ne nie guère plus aujourd’hui cette prééminence de Pierre. Seulement elle déclare que ce fut là une prérogative résultant de ses qua S. Matthieu x, 2-4

S. Marc m, 16-19

S. Luc vi, 14-16

Les Actes i, 13

1

! 2

3 4

5

C

7

8

9

10 11 12

SlMOX-PlERRE

André

Jacques

Jean

Jacques Jean André

André

Jacques

Jean

Jacques Jean André

Philippe

Barthélémy

Thomas

Matthieu le péager

Barthélémy Matthieu Thomas

Barthélémy Matthieu Thomas

Thomas

Barthélémy

Matthieu

Jacques, fils d’Alpiiée

Lebbée

Simon le Cananite

Judas Iscariote

Thaddée

Simon le Cananite

Judas Iscariote

Simon le Zélote Jude de Jacques Judas Iscariote

Simon le Zélote Jude de Jacques

Pierre est invariablement le premier dans la liste, npùTo ; Etjjuov, et plus immédiatement le chef du premier groupe, que constituent avec lui trois autres disciples privilégiés, André, Jacques et Jean. Nous retrouvons là les deux couples de frères que Jésus avait d’abord appelés à être pêcheurs d’hommes. Philippe, qui, lui aussi, s'était de très bonne heure, Joa., i, 43, mis à la suite du Seigneur, est le chet du second groupe, constitué par Barthélémy, le même probablement que Nathanaël, cet ami conduit à Jésus par Philippe et qui, dès ce moment, devint son compagnon ordinaire, soit sous son nom propre de Nathanaël, que saint Jean emploie toujours, soit sous son nom patronymique de Barthélémy ou fils de Tolmaï, que les synoptiques préfèrent, pour éviter peut-être le rapprochement de Nathanaël et Matthieu, deux noms signifiant l’un et l’autre : Théodore ou don de Dieu ; Thomas ou le Jumeau, « le Besson, » comme on disait dans notre vieille langue française, et Matthieu qui, dans sa propre liste, se qualifie de péager, et se place modestement après Thomas, tandis que saint Marc et saint Luc le mettent en avant. Matthieu, si l’on compare Luc, v, 27-32, et Marc, ii, 13-17, avec Matth., ix, 9-13, est évidemment le même personnage que Lévi, le nom de Matthieu, don de Dieu, étant le nom du nouvel homme, et Lévi celui de l’ancien péager. Le chef du troisième groupe est un cousin de Jésus, Jacques, surnommé le Mineur, soit qu’il fût petit

lités personnelles, de sa nature ardente, expansive et toute d’intuition première ; or ce qui est personnel ne se transmet pas. Il est facile de prouver que, tout en concordant avec ses qualités morales, dont elle fut en partie la récompense, sa suprématie reposa sur un droit authentiquement conféré par Jésus-Christ, droit qui dut passer à ses successeurs.

Quant à l’histoire générale des Apôtres, elle a consisté à réaliser le but pour lequel ils avaient été institués. Du vivant du Maître, ils sont autour de lui, forment sa société ordinaire, et s’occupent de lui rendre tous les services matériels qu’il peut attendre d’eux. Matth., xx, 17-29 ; xxvi, 17-20 Luc, îx, 52 ; Joa., iv, 8. Ils écoutent ses enseignements, désireux qu’ils sont d'être des docteurs instruits pour le royaume des cieux, Matth., xiii, 52 ; mais leur intelligence est souvent bien courte, et le Maître doit plus d’une fois reprendre en particulier, avec de nouvelles explications, ce qu’ils n’avaient pas saisi quand il parlait en public. Matth., xiii, 18, 36, etc. Il les forme à la vertu par son exemple et aussi par ses amicales réprimandes. Matth., viii, 26 ; xvi, 23 ; xviii, 1, 21 ; Luc, ix, 50, 55 ; Joa., xiii, 12, etc. Ils reçoivent de lui le pouvoir de faire des miracles, Marc, iii, 14, et ses solennels avis pour prêcher le royaume de Dieu. Matth., x-xi et parall. Ils sont institués les porte - clefs du royaume de Dieu, Matth., xviii, 18 ; xix, 28 ; Luc, xxii, 30, avec l’as

surance de recevoir le Saint - Esprit, sous l’inspiration duquel ils fonderont l'Église. Joa., xiv, 16, 17, 26 ; xv, 26, 27 ; xvi, 7-15. Ils prennent part aux luttes et aux triomphes du Seigneur en Galilée, en Pérée et à Jérusalem, jusqu'à l’inoubliable banquet final où ils sont institués sacrificateurs de la nouvelle loi. Puis vient la catastrophe, et la fuite des Onze est aussi douloureusement surprenante que le cynisme avec lequel le douzième, Judas, trahit son Maître et le livre à ses ennemis.

Après la mort de Jésus, l’histoire des Apôtres devient l’histoire de l'Église elle-même. Les apparitions du Ressuscité relèvent leur courage, en faisant revivre leurs espérances. Ils voient de leurs propres yeux que tout ce que les prophètes et le Maître avaient annoncé s’est accompli. Dès lors, le groupe se reconstitue, et, plein de foi, attend la réalisation des promesses du Seigneur. Pour remplacer le traître, on procède à l'élection de Matthias. Le jour de la Pentecôte, le Saint-Esprit descend sur les

inconcevable inaction. L’incendie allumé de tous côtés et simultanément dans le monde suppose des envoyés, des prédicateurs, des témoins, arrivant partout à la fois, et la croyance universelle de l'Église primitive déclare, en effet, qu’il en fut ainsi. Qui pourrait affirmer que tout est imaginaire dans les Actes apocryphes qui nous sont restés de plusieurs d’entre les Apôtres ? La fin abrupte du livre de saint Luc autorise à croire qu’il avait écrit, bu qu’il devait écrire une suite des Actes, comme les Actes étaient la suite de son Évangile. A-t-il fini sa trilogie ? Son dernier livre a-t-il été tellement défiguré à l’origine par les sectes gnostiques, que, tombé en discrédit, il ait été sacrifié par l'Église ? C’est possible. En tout cas, nous sommes unanimes à regretter la désespérante lacune qu’il y a dans cette partie si intéressante de l'Église primitive, et c’est à la science chrétienne de fouiller partout pour essayer de la combler. Les Apôtres lurent représentés de bonne heure par les

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186. — Les douze Apôtres. D’après B. Le Blant, Études sur les sarcophages de la ville d’Arles, pi. xiv.

Douze et sur les disciples qui sont au Cénacle, achevant, .sous la forme de langue de feu, leur transformation morale. Désormais ils ne seront plus les mêmes hommes. Ces irrésolus, ces ignorants, ces timides, se montreront pleins d’enthousiasme, d'éloquence, d’indomptable énergie. A travers des luttes pleines de péril et de gloire, ils fondent l'Église de Jérusalem ; mais l’ordre du Maître est d’aller prêcher ensuite en Samarie et dans le monde entier. L’Esprit les pousse bon gré mal gré à cette évangélisation de l’univers entier. L’hellénisme a préparé les voies, Pierre a officiellement ouvert la marche vers la Gentilité en baptisant Corneille et tous les siens, Paul exploite le vaste champ offert à son zèle. Tous les Douze finissent par comprendre qu’il en faut faire autant ; mais nous ignorons la part réelle que chacun d’eux a eue dans l'évangélisation du monde d’alors. Il y a là une lacune bien regrettable dans l’histoire sacrée. On la comble par des conjectures très plausibles et en partie fondées sur des traditions vénérables. Un résultat aussi grand, aussi universel, aussi rapide que l'évangélisation du monde dans l’espace de quelques années ne saurait être l'œuvre de Paul tout seul et de ceux qui rayonnaient autour de lui, quelle que fût leur vaillance. Les autres Apôtres y ont eu leur part. Ainsi, malgré le silence de l’histoire, nous savons, d’après certaines indications, toutes fortuites d’ailleurs et comme insignifiantes de saint Paul, que saint Pierre a dû prêcher à Corinthe et dans d’autres contrées que la Palestine, comme il prêcha à Rome. De ce que d’heureuses allusions ne sont pas venues faire la lumière sur l’histoire des autres, on n’en saurait conclure que cette histoire se résume en une

artistes de la primitive Église, dans les Catacombes et spécialement sur les sarcophages chrétiens (fig. 186). Ils sont ordinairement vêtus d’une longue tunique qui descend jusqu aux pieds et d’un pallium comme vêtement de dessus. Dans les monuments des huit premiers siècles, en Occident, ils se tiennent debout ou assis, à droite et à gauche de Notre-Seigneur, figuré sous sa forme humaine ou sous une forme symbolique ; les uns sont barbus, les autres imberbes. Ils portent généralement comme insigne, dans la main gauche, un volume ou rouleau, qui rappelle la parole divine qu’ils ont prêchée ; quelquefois ils ont à la main une couronne, symbole de leur triomphe et de la récompense céleste.

Quand les Apôtres sont figurés par des symboles, ils sont représentés par douze brebis, se tenant six par six à côté du bon Pasteur, assis d’ordinaire sur un rocher d’où coulent les quatre fleuves du paradis terrestre, emblèmes des quatre Évangiles. Voir F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, ¥ édit., t. i, p. 232-238. Les deux groupes de brebis sortent le plus souvent de deux tours qui sont l’image de Bethléhem et de Jérusalem. D’autres symboles mystiques, palmier, vigne, arbres divers, accompagnent fréquemment ces représentations (fig. 187).

Pris individuellement, les Apôtres ont pour caractéristique : S. Pierre, les clefs ; S. Paul, le glaive ; S. André, la croix désignée sous son nom ; S. Jean, un calice d’où sort un serpent ; S. Jacques le mineur, un livre et un bâton ; S. Philippe, une croix dont le montant a des nœuds comme un roseau ; S. Jacques le majeur, un bâton de peierin et un grand chapeau avec des coquillages ;

S. Barthélémy, un livre et un coutelas ; S. Thomas, une cquerre ; S. Matthieu, une lance ; S. Simon, une scie ; S. Jude, une massue ; S. Matthias, une hache.

On trouvera des documents sur les Apôtres dans les diverses Vies de Jésus-Christ, écrites à un point de vue critique et sérieusement savantes ; dans les bons commentaires sur le livre des Actes. Cave, Antiq. Apostol., Londres, 1677 ; Id., Lives of the Apostles, in-f", Londres, 1677 ; nouvelle édit. par Cary, in-8°, Oxford, 1840 ; Perionius, Vitx Apostolorum, Paris, 1551 ; Francfort, 1774 ; Sandini, Ilistoria apostolica, in-8°, Padoue, 1731 ; G. Erasmus, Peregrinaiiones Apostolorum, Ratisbonne, 1702 ; Jacobi, Geschichte der Apostel, in-8°, Gotha, 1818. ; Rosenmûller,

seul jugement proprement dit, quoique très sommaire, que signale l'Écriture pour l'époque patriarcale, c’est celui de Thamar ; or cette femme, jugée et condamnée, fut sauvée par une autre voie que celle de l’appel. Gen., xxxvin, 24-26.

I. L’appel dans la loi mosaïque. — 1° Période transitoire. Pendant les premiers mois qui suivirent la sortie d’Egypte, Moïse rendait seul la justice. Jéthro, son beaupère, lui fit remarquer que ce fardeau était insupportable, et lui conseilla d'établir des chefs, qui seraient aussi des juges, sur les fractions de mille, de cent, de cinquante et de dix hommes. Et Jéthro ajouta : « Que ces chefs soient occupés à rendre la justice au peuple en tout temps ;

187. — Les douze Apôtres, symbolisés par des brebis. Mosaïque de l’abside de l’ancienne basilique de Saint-Pierre. D’après Ciampini, De sacrîs sedificiis, t. iii, pi. xïii.

Pie Apostel nach ihrem Leben und Wirken, in-8°, Leipzig, 1821 ; Wilhelmi, Chnsti Apostel und erste Bekenner, in-8°, Heidelberg, 1825 ; Greenwood, Lives of the Apostles, 3e édit., in-12, Boston, 1846 ; Allen Giles, Apostolical Records, Londres, 1886 ; Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, Leipzig, 1851 ; R. A. Lipsius, Die apocryphen Apostelgeschichten, 2 in-8°, Brunswick, 1883-1890, donnent des indications sur les traditions primitives. Pour l’histoire même de l'âge apostolique, V. Schaff, Hist. of Apost. Church, Edimbourg, 1854 ; Lange, Dos Apostolische Zeitalter, Brunswick, 1854 ; Lechler, Dos Apost. Zeitalter, Stuttgart, 1857 ; Farrar, The Early Pays of Christianity, Londres, 1884, et notre livre L'Œuvre des Apôtres, Paris, 1891. E. Le Camus.

APPEL DES SENTENCES. L’appel strictement dit, en matière judiciaire, est un recours contre une sentence, porté, par la partie déboutée ou condamnée, devant un tribunal supérieur, pour obtenir la réformation du premier jugement ; dans un sens très général, l’appel est un recours quelconque à un tribunal supérieur.

Nous ne trouvons aucune trace d’appel avant Moïse ; le

mais qu’ils réservent pour vous les plus graves affaires, et qu’ils jugent seulement les plus petites. » C’est ce qui fut exécuté. Exod., xviii, 13-26. Ainsi les plus graves affaires étaient, par le seul fait, réservées à Moïse ; mais, de plus, quand les juges inférieurs trouvaient des difficultés dans les causes qui leur étaient adressées, ils en référaient à Moïse, suivant l’ordre exprès que celui-ci leur avait donné. Deut., i, 9-17. On le voit, dans cette période, il n’y a pas d’appel proprement dit, mais simplement une réserve ou un renvoi à Moïse dans les affaires graves ou difficiles. Remarquons en passant qu’il ne faut pas voir, dans ces soixante et dix anciens, dont parle le livre des Nombres, Num., xi, 14-29, une cour suprême de justice, encore moins, quoi qu’en aient dit plusieurs auteurs, l’origine du grand sanhédrin. Ces opinions sont aujourd’hui abandonnées. Cf. Michælis, Mosaisches Redit, § L, Francfort-sur-le-Mein, 1793, t. i, p. 278-280 ; Rosenmûller, In Num., xi, 16 ; Jahn, Archseologia biblica, § 237, dans Migne, Scripturæ Sacrx cursus completus, t. ii, col. 968-969. Ce sénat des soixante et dix avait d’autres fonctions que celle déjuger ; il aidait Moïse dans le difficile gouvernement d’un peuple de six cent mille

hommes, groupé comme une armée. Un n’en voit plus de. trace après la mort de Moïse.

2° Prescriptions de la loi mosaïque sur le recours aux j juges supérieurs. Elles sont renfermées dans un passage : du Deutéronome, xvi, 18-xvii, 13, Comme le peuple israélite allait bientôt prendre possession de la terre qui lui avait été promise, Moïse lui donna des prescriptions en rapport avec sa situation prochaine : « Vous établirez des juges, Mfetim, et des scribes, sôterîm, à toutes les portes des villes que le Seigneur vous aura données, afin qu’ils jugent le peuple selon la justice… S’il se trouve une affaire embrouillée dans laquelle il soit difficile de prononcer entre sang et sang ( c’est - à - dire entre un meurtre délibéré et un homicide involontaire), entre cause et cause, entre coup et coup (Vulgate, inexactement : inler lepram et lepram), et que vous voyiez que dans l’assemblée les avis des juges soient partagés, allez au lieu que le Seigneur votre Dieu aura choisi, et adressez-vous aux prêtres de la race de Lévi, et au Juge de ce temps-là (hébreu : hassôfêt, le Juge, par antonomase, c’est-à-dire le magistrat suprême) ; vous les consulterez, ils vous découvriront la vérité du jugement, et vous ferez tout ce qu’ils vous auront dit. » Deut., xvii, 8-10. Ainsi donc Moïse prescrit d’établir des juges dans toutes les villes, puis un tribunal suprême, siégeant dans la ville capitale que Dieu choisira lui-même, et composé soit des prêtres, que Dieu a déjà désignés comme les interprètes de sa loi, Lev., x, 10-11, soit du magistrat suprême d’Israël, en qui doit résider le pouvoir exécutif. Mais, on le voit clairement par le texte cité, le recours au tribunal suprême, permis et même prescrit en certains cas par Moïse, n’est pas un appel strictement dit ; ce n’est pas à l’accusé ou à la partie intéressée que s’adressent les paroles citées de Moïse, c’est aux juges eux-mêmes, ou plutôt à leur chef ou président ; ce n’est pas, en effet, la partie intéressée qui peut juger si l’affaire est difficile ou embrouillée, si les juges sont d’accord ou non ; cette fonction délicate, qui exige le désintéressement le plus complet, ne peut appartenir qu’au tribunal lui-même ; aussi l’historien Josèphe, rapportant ce texte de Moïse avec son interprétation traditionnelle, s’exprime ainsi : « Que si les juges ne savent que prononcer au sujet de l’allaire qui leur est soumise, ce qui n’arrive que trop souvent aux hommes, qu’ils renvoient, àvïTtEiméradav, la cause entière à la ville sainte, où le grand prêtre, le prophète et le sénat, s’étant réunis, décideront ce qu’il appartiendra. » Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 14. Cf. Sualschûtz, Bas Mosaisc/ie Redit, Berlin, 1853, k. 87, p. 596-598 ; Winer, Biblisches Realworlerbuch, au mot Gericht, Leipzig, 1838, t. i, p. 479. Comme on le voit du reste par plusieurs textes, Moïse ne suppose pas d’appel après la sentence, ou plutôt il suppose clairement qu’il n’y a pas d’appel. Deut., xvii, 2-6 ; xxi, 18-23 ; xxii, 13-24 ; xxv, 2. Bien plus, la sentence est exécutée le jour même, immédiatement après le prononcé du jugement. Jos., vii, 16-26 ; I Reg., xxii, 11-18 ; II Reg., i, 13-16 ; iv, 9-12 ; III Reg., ir, 23-25 ; 28-35 ; 41-46 ; Dan., xiii, 41-45 ; 60-62. Cf. Michælis, Mosaisches Recht, § 307, t. vi, p. 160-167 ; Jahn, Archxologia biblica, § 242, dans Migne, Script. S. cursus compl., t. ii, col. 961.

Ne nous étonnons pas que la législation mosaïque ignore l’appel proprement dit. Cette idée de l’appel, qui nous parait si simple aujourd’hui, parce qu’elle est universelle, ne s’est développée que peu à peu dans la suite des âges. En Egypte, la cour suprême de Thèbes, dont Moïse avait connu et peut-être vu le lonctionnement, n’était pas une cour d’appel proprement dite ; sans doute les affaires graves lui étaient réservées, d’autres lui étaient renvoyées, mais pas sous forme d’appel ; du moins aucun texte, aucun fait jusqu’ici ne le prouvent. C’est ce qu’avoue TThonissen, Mémoire sur l’organisation judiciaire de l’Egypte ancienne, Bruxelles, 1864, p. 21-22, quoique néanmoins cet auteur, appuyé seulement, comme il le

dit, sur des raisons de convenance, affirme que cette cour suprême recevait les appels des tribunaux inférieurs. Les travaux de M. Maspero sur le Papyrus Abbott, et de M. Devéria sur le « Papyrus judiciaire de Turin », ne font pas soupçonner, en faveur de la cour de Thèbes, l’existence de l’appel. Maspero, Une enquête judiciaire à Thèbes au temps de la xxe dynastie. Étude sur le Papyrus Abbott, Paris, 1872 ; Devéria, Le papyrus judiciaire de Turin, dans le Journal asiatique, aoùt-sept. 1865, oct.-nov. 1865, aoùt-sept. 1866, nov.-déc. 1867. M. Devéria signale seulement un cas de renvoi, pour cause d’incompétence, à. un tribunal spécial. Journal asiatique, nov.-déc. 1867, p. 413. Diodore de Sicile, qui traite avec tant de soin la question de l’organisation et de la procédure judiciaires de l’ancienne Egypte, ne dit pas un mot de l’appel proprement dit. Diodore, ii, 3, Lyon, 1552, p. 91-107. Dans le droit romain lui-même, l’appel n’apparaît que tardivement. En matière civile, il ne fut organisé que sous Auguste ; en matière criminelle, il apparaît plus tôt : on en voit les origines, sous les rois, dans des cas exceptionnels ; mais, comme institution régulière et permanente, il rie fonctionna que sous l’empire. Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, . au mot Appellatio, Paris, 1874, t. i, p. 329-330 ; Accarias, Précis de droit romain, Paris, 1891, t. ii, p. 758.

3° Les recours aux juges supérieurs, de Moïse à la captivité. À cause des difficultés de la conquête et des guerres sans cesse renaissantes, les prescriptions de Moïse ne furent exécutées que lentement et partiellement. Ce sont les juges et les rois qui paraissent seuls remplir les fonctions de la cour supérieure, et qui rendent la justice, soit par suite d’un renvoi à leur tribunal, soit même en première instance. Débora juge sous son palmier, comme saint Louis sous son chêne, Jud., iv, 4-5 ; Samuel parcourt le pays pour rendre la justice, I Reg., vii, 15-17. ; tous les Israélites ont un accès facile auprès des rois, Il Reg., xiv, 4-20 ; xv, 2-6 ; III Reg., iii, 16-28. Tantôt les rois écoutaient eux - mêmes les plaideurs, tantôt ils les faisaient examiner par des délégués. II Reg., xv, 3. Puisque David, vers la fin de son règne, distribua dans tout Israël six mille lévites, pour être juges et magistrats, I Par., xxiii, 4 ; xxvi, 29, il est probable qu’il en retint un certain nombre à Jérusalem, pour y former la cour suprême demandée par Moïse ; dans tous les cas, ce fut Josaphat, au plus tard, qui, après avoir renouvelé tout le personnel des tribunaux locaux, II Par., xix, 5-7, fonda la cour suprême de Jérusalem. Il la composa de prêtres, de lévites et de chefs de famille ; puis il lui donna deux présidents : l’un, le grand prêtre, devant surtout s’occuper des affaires religieuses ; l’autre, chef de la maison de Juda, devant s’occuper des affaires civiles. Il lui attribua, comme compétence, toutes les causes qui viendraient des tribunaux locaux, soit dans les affaires criminelles, « entre sang et sang, » soit dans les causes civiles. II Par., xix, 8-11. D’après le commentaire que donne de ce texte l’historien Josèphe, Antiq. jud., IX, i, I, on voit que la cour de Jérusalem était surtout destinée à traiter les affaires les plus graves qui lui seraient renvoyées ; on reconnaît là la première idée de Moïse. Il est probable aussi que certaines affaires très graves furent peu à peu réservées, même en première instance, à ce tribunal supérieur ; mais rien ne nous autorise à en faire une cour d’appel dans le sens strict du mol.

4° Les recours, après la captivité ; le grand sanhédrin. Après la captivité, Esdras reçut du roi de Perse, Artaxerxès Longue-Main, le pouvoir de relever les tribunaux et le droit exprès de porter des peines, de prison, d’amende, d’exil et même de mort. I Esdr., vii, 25-20. A cause de l’obscurité qui enveloppe, à partir de cette époque jusqu’aux Machabées, l’histoire d’Israël, nous ne pouvons savoir jusqu’à quel point les intentions d’Esdras purent être réalisées. Vers le temps des Machabées apparaît le grand sanhédrin. Sur les origines et la composition.

de ce tribunal, voir Sanhédrin. À cette époque, il y avait des tribunaux dans toutes les villes d’Israël. Josèphe, Antiq. jud, , IV, viii, 14 ; Mischna, traité Sanhédrin, i, édit. Surenhusius, t. iv, p. 207-214. Quels étaient les rapports des tribunaux inférieurs avec le grand sanhédrin ? Deux points les résument : 1° Certaines causes, que nous appellerions aujourd’hui « causes majeures », étaient réservées, même en première instance, au grand sanhédrin ; la Mischna les énumère avec soin, traité Sanhédrin, I, 5, t. iv, p. 213. Voici celles qui concernent la matière qui nous occupe, c’est-à-dire les affaires judiciaires : 1. le jugement d’une tribu, ou même d’une ville qui, soit en totalité, soit en grande partie, seraient tombées dans l’idolâtrie ; 2. le jugement d’un faux prophète (cf. Luc, xiii, 33), ou du grand prêtre, ou d’un ancien rebelle à l’autorité des magistrats de sa ville ; 3. l’appréciation pratique des défauts qui empêchaient les Israélites de recevoir le sacerdoce. Plusieurs auteurs ont fait des commentaires de ces cas réservés au grand sanhédrin. Voir, dans la Mischna, t. iv, p. 213, les commentaires de Barténora, de Maimonide et de Coccéius ; cf. Bûcher, Synedrium magnum, dans Ugolini, Thésaurus antiquitatum sacrarum, Venise, 1762, t. xxv, p. 1173-1174 ; Witsius, De synedriis Hebrseorum, dans Ugolini, t. xxv, p. 1215-1220 ; Daniel Heinrich, De judiciis Hebræorum, dans Ugolini, t. xxvi, p. 71-82 ; Carpzov, Apparatus antiquilatum sacri codicis, Leipzig, 1748, p. 570-572 ; et surtout Selden, qui paraît avoir épuisé la matière dans son ouvrage De synedriis et prsefecturis veterum Hebrseorum libri très, Francfort, 1(396. — 2° Outre ces cas réservés, le grand sanhédrin statuait en dernier ressort sur les difficultés judiciaires qui lui étaient renvoyées par les tribunaux inférieurs ; c’est l’application du texte du Deutérenome, xvii, 8-10, que nous avons expliqué plus haut. Rien ne fut changé dans la nature de ce recours ; c'étaient toujours les juges, et non les parties, qui en référaient au grand sanhédrin. Cf. Witsius, De synedriis, 15, dans Ugolini, t. xxvi, p. 1201. On le voit donc, même à cette époque, il n’y avait pas encore d’appel proprement dit ; ce n'était qu’un recours plus ou moins général. Dans la Mischna, rédigée vers l’an 200 de notre ère, il n’y a pas de traces sérieuses d’un véritable appel ; en matière criminelle, les tribunaux inférieurs pouvaient réformer leur propre sentence, si le condamné, ou même un assistant quelconque (cf. Dan., xiii, 40-62), apportaient à sa décharge des arguments nouveaux, Mischna, traité Sanhédrin, vi, 1, t. iv, p. 233 ; mais on ne voit nulle part que l’exécution du jugement put être suspendue par le fait d’interjeter appel à un tribunal supérieur. En matière civile, il y avait en général plus de liberté ; les tribunaux inférieurs pouvaient réformer leur propre sentence, si les parties apportaient des preuves nouvelles, Mischna, traité Sanhédrin, m, 8, t. iv, p. 224 ; cf. la Ghemara de Babylone, traité Sanhédrin, iii, dans Ugolini, t. xxv, p. 702-706 (traduction latine d’Ugolini) ; de plus, il était permis ordinairement à un créancier de réclamer sa dette soit devant le tribunal lqcal, soit devant un tribunal supérieur ; et même, après avoir comparu devant un tribunal local, les parties mécontentes de ce premier jugement pouvaient porter l’affaire devant un tribunal supérieur, mais à condition (ce qui détruit la notion du véritable appel) d’avoir préalablement exécuté la sentence de la première instance. Cf. Saalschùtz, Das Mosaische Recht, k. 87, p. 598, note. Ainsi l’influence du droit romain, qui, depuis Auguste, reconnaissait si énergiquement le droit d’appel, ne s'était pas encore fait sentir chez les Juifs, qui vivaient toujours, antant que possible, cantonnés dans leurs institutions et leurs coutumes traditionnelles.

II. L’appel de saint Paul a César. — Saint Paul, étant Juif, était justiciable des tribunaux juifs, dans les limites où leur pouvoir judiciaire avait été resserré par les Romains ; il reconnaît lui-même, au moins tacitement, l’autorité du grand sanhédrin, Act., xxiii, 1-6 ; il

subit cinq fois, comme il nous l’apprend lui-même, la rigueur des pénalités judaïques. II Cor., xi, 24. Mais aussi il était citoyen romain, et, en cette qualité, il était justiciable des tribunaux impériaux, en sorte que, si l’un de ces tribunaux était une fois légalement saisi d’une affaire criminelle contre sa personne, ce tribunal était compétent, et rien ne pouvait le dessaisir, à moins que l’accusé lui-même n’y consentît. Le cas se présenta, pour saint Paul, au tribunal romain de Césarée. Les Juifs, ennemis acharnés de saint Paul, qui se trouvait alors à Jérusalem (an 58), avaient comploté sa mort ; le tribun romain de Jérusalem, Claudius Lysias, voulant le soustraire à leur fureur, le fit enlever pendant la nuit et conduire à Césarée, où demeurait le procurateur de la Judée, Félix, signifiant en même temps à ses accusateurs qu’ils eussent à porter leurs griefs au tribunal du procurateur. Act., xxm, 12-30. Eu conséquence, les accusateurs juifs, étant descendus à Césarée, comparurent devant Félix, en même temps que Paul, et formulèrent contre lui leurs accusations. Saint Paul les réfuta et les réduisit au silence. Félix aurait dû le mettre en liberté ; mais, sous prétexte de nouvelles informations à recueillir, et au fond pour faire plaisir aux Juifs, il retint saint Paul en prison, lui laissant toutefois une certaine liberté. Au bout de deux ans, Félix est remplacé, comme procurateur, par Festus. Les Juifs demandent à celui-ci la condamnation à mort de Paul. Act., xxv, 15. Le procurateur refuse, alléguant la loi romaine, qui défend de condamner un accusé sans l’avoir entendu, et il invite les accusateurs de Paul à se présenter à son tribunal à Césarée, pour formuler leurs plaintes. En effet (vers l’an 60), les accusateurs juifs, ayant comparu avec Paul devant Festus, renouvelèrent les mêmes accusations qu’ils avaient déjà formulées, deux ans auparavant, devant Félix ; mais ils ne purent pas davantage les prouver, et de nouveau Paul les réduisit au silence. Act., xxv, 6-9. C’est ici que se place son appel à César.

Les ennemis de saint Paul avaient conjuré Festus de renvoyer son accusé devant le sanhédrin de Jérusalem, comme pour l’y faire juger suivant leur loi, mais en réalité pour avoir l’occasion d’exécuter, pendant le voyage, l’infâme complot tramé contre sa vie deux ans auparavant. Act., xxv, 3 ; cf. xxiii, 12-15. Festus ignorait sans doute cet odieux dessein des Juifs. Quoi qu’il en soit, pour leur faire plaisir, il forma le projet de leur accorder cette demande, et de renvoyer Paul devant le sanhédrin ; il fallait pour cela, comme nous l’avons dit, son consentement : « Veux-tu, lui dit Festus, aller à Jérusalem, et y être jugé, devant moi, sur tous ces chefs ? » Ces mots « devant moi » signifiaient que, le sanhédrin ayant porté sa sentence, le procurateur, suivant son droit, la reviserait, et au besoin la réformerait. Saint Paul ne se laissa pas tromper par ces paroles insidieuses. Le renvoi à Jérusalem était pour lui la mort certaine ; il n’ignorait pas le complot des Juifs contre sa vie, Act., xxiii, 16 ; il savait que le sanhédrin voulait à tout prix le condamner à mort, et que peut-être Festus, qui avait déjà donné plusieurs marques de lâche complaisance aux Juifs, n’aurait pas le courage de résister à leur fureur. Il déclare donc qu’il ne veut pas être renvoyé à Jérusalem : « Je suis, dit-il, devant le tribunal de César (appelant de ce nom le tribunal du procurateur, légat et vicaire de César ; cf. D., 1, xix. De officio procuratoris Cxsaris, 1. i), c’est ici que je dois être jugé ; si je suis coupable, je ne refuse pas la mort ; mais, puisque je suis innocent, personne ne peut me sacrifier aux Juifs. J’en appelle à César, Kaiactpa £Kixa>oû|uti. » Act., xxv, 11.

Sans doute le procurateur n’avait pas encore porté de sentence définitive ; mais la loi romaine permettait d’appeler même d’une sentence interlocutoire, c’est-à-dire d’une décision rendue, au cours de la procédure, sur une question incidente, quand cette décision était manifestement contraire aux lois i cf. D., XLTX, v, De appellationibus recipiendis, 1. H), et surtout quand cette décision était de nature à causer à l’accusé un dommage irrépa793

APPEL DES SENTENCES — APPIUS (FORUM D')

794

rable. Cf. Voetius, Ad Pandeclas, De appellationibus et relationibus, XLIX, i, n- 12, Venise, 1828, t. VI, p. 308. C'était le cas pour le décret de renvoi au sanhédrin. Saint Paul avait donc le droit d’en appeler à César. Aussi Festus, ayant délibéré quelque temps avec ses assesseurs, revint et dit : « Tu en as appelé à César, tu iras à César. » L’appel de Paul n'était que conditionnel, puisque le décret de renvoi n'était pas porté, mais seulement proposé. Cf. Kuinoel, In Aclus Apost., xxv, n° 12 ; Beelen, In Actus Apost., xxv, 11, p. 551. Par l’acceptation de Festus, l’appel devint absolu. Dès lors il produisit tout son effet, c’est-à-dire qu’il suspendit complètement la juridiction du procurateur dans cette affaire. En effet, d’après la loi romaine, l’appel une fois interjeté, le juge ne pouvait plus rien contre l’appelant ; s’il faisait quelque acte à son préjudice, cet acte était réputé « une violence publique ». D., XLV1II, vi, Ad legem Juliam de vi publica, 1. vu. Cf. Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, au mot Appellatio. Bien plus, après l’appel, le juge ne pouvait rien faire même en faveur de l’appelant. C’est ce qui explique ces paroles d’Agrippa à Festus, tous deux convaincus de l’innocence de Paul : « Si cet homme n’en avait pas appelé à César, on aurait pu le renvoyer absous. » Act., xxvi, 32. Dans l’affaire de cet appel, saint Paul n’avait pas été guidé seulement par le désir d'échapper à la mort : il avait des vues plus hautes ; dès l’an 57, étant à Éphèse, il manifesta clairement l’intention . d’aller à Rome, Act., xix, 21 ; en 58, étant àCorinthe, il écrivit aux Romains, et leur témoigna le vif désir qu’il avait de les voir, pour leur communiquer les dons de Dieu. Rom., i, 10-12. La même année, à Jérusalem, Jésus lui apparut et l’assura qu’il lui rendrait témoignage à Rome, comme il le faisait à Jérusalem. Act., xxiii, 11.

Les Actes racontent comment cet appel lut suivi. Festus envoya Paul à Rome ; c’est ainsi que les procurateurs envoyaient à la capitale les citoyens romains de leur province qui en avaient appelé à l’empereur. Pline, Epist. x, 97. Paul, étant arrivé à Rome, attendit pendant deux ans sa comparution devant l’empereur Néron, ou plutôt devant le conseil chargé de juger les appels faits à César. Cf. Daremberg et Saglio, Dictionnaire, au mot Appellatio. Du reste, il jouit pendant ce temps d’une assez grande liberté, habitant dans une maison louée par lui, accompagné du soldat qui le gardait, mais pouvant recevoir tous ceux qui se présentaient. Act., xxviii, 30-31. C'était la « garde militaire », custodia militaris, prévue par les lois romaines. Ct. D., XLV1II, iii, De Custodia reorum, 1. i, xii, xiv. Enfin Paul comparut devant le conseil impérial ; d’après toutes les vraisemblances, c’est de cette comparution qu’il faut entendre les paroles de saint Paul à Timothée, II Tim., iv, 16-18 ; suivant ce texte, personne n’osa assister l’Apôtre dans le pressant danger qu’il courait ; mais le Seigneur Jésus lui tint lieu de tout, le secourut, le fortifia, et « il fut délivré de la gueule du lion ». — Sur l’appel de saint Paul à César, voir surtout Krebs, De provocatione Pauli ad C&sarem, dans ses Opuscula academica, Leipzig, 1783, p. 143 ; Santoroccius, Dissertalio de Pauli ad Cxsarem appellatione, Marbourg, 1721. S. Many.

    1. APPHAIM##

APPHAIM (hébreu : 'Appaim, « narines ; » Septante : 'X-Rfih), filsdeNadab, de la tribu de Juda.I Par., ii, 30-31.

    1. APPHUS##

APPHUS (Septante : 'AmpaO ; ), surnom de Jonathas Machabée. I Mach., ii, 5. C’est probablement le nom hébreu frappuS, « rusé, habile. »

    1. APPIA##

APPIA ('Awçia), chrétienne du I er siècle. Dans son épître à Philémon, 2, saint Paul souhaite grâce et paix à Appia, sa sœur très chère. Saint Jean Chrysostome, Théodoret et d’autres exégètes à leur suite ont cru qu’elle était l'épouse de Philémon. Appia faisait certainement partie de la maison de celui-ci ; elle est nommée dans les

martyrologes latins et les ménologes grecs au 22 novembre, avec Philémon, dont elle aurait partagé le martyre. Voir Philémon. E. Jacquier.

    1. APPIUS##

APPIUS (FORUM D')('Aw71touq>6pov, Appii Forum), station postale de l’antique voie Appienne, située au milieu des marais Pontins, où les fidèles de Rome allèrent à la rencontre de saint Paul, quand il était conduit captif à la capitale de l’Empire pour être jugé par César. Act., xxviii, 15.

Saint Paul, après avoir fait naufrage à Malte, avait été emmené en Italie par un nouveau navire alexandrin, qui avait débarqué à Pouzzoles. De là il avait pris directement la route de Rome. C’est ce qui résulte des expressions de saint Luc, qui voyageait avec lui ; aussitôt après avoir nommé Pouzzoles, il ajoute : xcù oO’tw ; s !  ; t-qv P(i|j.r]v r, )180(isv, « et ainsi nous allâmes à Rome. » Act., xxviii, 14. De Pouzzoles, on pouvait se diriger sur Capoue pour prendre directement la voie Appienne, ou bien longer le littoral jusqu'à G-aète, et aller de là à Terracine pour rejoindre la voie Appienne qui menait à Rome. Lez Actes ne nous font pas connaître lequel de ces deux chemins fut suivi par l’Apôtre ; mais un ancien apocryphe grec, qui décrit le voyage de saint Paul, raconte que de Pouzzoles il alla à Baïes et de là à Anxur (Terracine). Ce même écrit apocryphe nomme une autre station jusqu’ici inconnue de la via Appia, Bixounâparo, « Bourg de Sérapis ». Voir de Rossi, Bulletino di archeologia crisliana, 1883, p. 87. L’Apôtre entra ainsi dans les marais Pontins, où, à la station du Forum d’Appius, il trouva, à sa grande consolation, les frères qui étaient venus à sa rencontre. Il eut ensuite la même consolation aux Trois - Tavernes (voir TroisTavernes), où d’autres frères étaient venus également au-devant de lui.

Le Forum d’Appius fut peut-être établi quand Appius Claudius l’Aveugle construisit la voie Appienne, c’està-dire en l’année 442 de Rome, et c’est de lui qu’il tira son nom. Ce fut d’abord un lieu de repos, une halte. Quelques marchands commencèrent bientôt à s’y rassembler pour se livrer à leur commerce et tenir un marché (forum), de sorte qu’ils formèrent peu à peu un centre d’habitation qui, par la suite des temps, se transforma en une grosse bourgade, dont l’origine ne fut pas différente de celle de quelques autres villes d’Italie, telles par exemple que Forum Livii (Forli), Forum Sempronii (Fossombrone).

La position du Forum Appii peut se déterminer exactement au moyen des Itinéraires de l'époque impériale. (Pour ces Itinéraires, voir le Corpus inscriptionum latinarum, t. x, p. 683 et suiv.) D’après ces documents, elle était distante de Rome de 43 milles, sur la voie Appienne ; mais comme le tracé de cette route célèbre, dans la partie comprise entre les monts Lepini et la mer, n'était pas complètement connu avant les grands travaux d’assainissement exécutés sous le pontificat de Pie VI, dans les marais Pontins, les opinions des savants étaient partagées sur lasituation du lieu correspondant à cette ancienne bourgade.

Quelques-uns, supposant que l’antique via Appia, à cause des marais situés entre Velletri et Terracine, passait sous les monts Lepini par Sulmona, Sezze et Piperno, croyaient que le Forum d’Appius correspondait à la localité où se trouve aujourd’hui le couvent de Fossa Nuova. Voir la carte, fig. 188. Cluverius, Italia antiqua, 1. iii, le plaçait à Maruti, entre Piperno et Terracine ; Pierre Comestor la cherchait au contraire sur le littoral. In Act. Apost., cxix, Migne, Patr. lat., t. cxcviii, col. 1720.

Mais admettrait - on que l’ancienne route postale de Naples par Sezze et Piperno existât déjà à l'époque romaine, il n’en résulterait pas comme conséquence qu’il n’y avait pas de route au milieu des marais Pontins, il est même certain qu’une route les traversait, quelque incommode et fatigante qu’elle put être, parce qu’elle était presque toujours couverte par les eaux, ce qui faisait que beaucoup préféraient aller en barque dans les 795

    1. APPIUS##

APPIUS (FORUM D') — AQUARO

796

canaux. C’est ce que nous appiend Strabon, v, 3, 6, et aussi Horace, dans la belle description du voyage qu’il fit à Brindisi, l’an 713 de Rome. Le poète indique le Forum Appii sur la voie consulaire, non loin d’Aricie, au milieu

L.Thuillier, detf Zes chiffies rvmjzùis i

Us : Mulia Dassuorn. ab’urbe. ' 188. — Forum d’Appius et ses environs.

des marais, si bien qu’il était entouré de barques qui transportaient les voyageurs au milieu de l’eau : Egressum magna me excepit Aricia Roma Hospitio modico ; rhetor cornes Heliodorus, Grcecorum longe doctissimus ; inde Forum Appt Diflertum nautis, cauponibus atque malignis.

(Salir., 1. 1, v, 1-4). Le poète continue à raconter son voyage en bateau jusqu’au temple de Féronia, dans le voisinage de Terrarine, où il se lave les mains et le visage dans les eaux sacrées de cette déesse ; puis il monte sur un char, et arrive ainsi à Anxur :

Ora manusque tua lavimus, Feronia, lympha. Millia’tum pransi tria repimus, atque subimus Impositum saxis late candentibus Anxur.

(Ibid., 24-26.) Pour supprimer cette navigation incommode, Tqajan fit exhausser la voie Appienne dans la partie où elle traversait les marais, et il la fit paver avec de grandes pierres, comme l’atteste Dion Cassius, lxviii, 15. Galien dit la même chose, Melhod. med., ix, 8. Les inscriptions confirment leur témoignage, et nous apprennent de plus que le pavage de cette partie de la via Appia fut commencé par Nerva et achevé par Trajan. Il suffira de citer une seule de ces inscriptions, qui fut trouvée pendant les travaux exécutés par Pie VI, et qu’on voit encore aujourd’hui sur la voie Appienne au Forum d’Appius. Cf. Nicolai, De' bonificamenli délie terre pontine, Rome, 1800, p. 94.

IMP. CAESAR

NERVA. AVG. GERM

PONT1F. MAX. TRIB.

POTEST. III. COS. IIII. P. P.

VIAM. A. TRfPONTIO. AD FORVM. APPI. EX. GLAREA

SILICE. STERNENDAM

SVA. PECVNIA. INCHOAVIT

IMP. CAESAR

NERVA. DIVI. NERV ». ꝟ.

TRAIANVS. AVG

GERM. Vont. mAX

TRIB. POTEST. COS. III. P. p

CONSVMMAV1T

(Corpus inscripiionum latinarum, t. x, n° 6824.)

De tout cela, on peut conclure avec certitude que la station du Forum d’Appius fut toujours dans les marais, là même où fut trouvée, avec plusieurs autres, pendant les travaux d’assainissement, près du 43e mille de Rome, l’inscription qui vient d'être rapportée, et où l’on découvrit aussi des restes de constructions antiques. Quand saint Paul alla à Rome, en l’an 60 de notre ère, cette partie de la route était donc encore dans l'état où la décrivent Strabon et Horace, c’est-à-dire noyée en grande partie dans les eaux stagnantes ; par conséquent, il est très probable que l’Apôtre, lui aussi, fît ce trajet en barque comme le poète, et cet état de choses peut nous expliquer pourquoi les fidèles vinrent à sa rencontre au Forum d’Appius et n’allèrent pas plus loin. H. Marucchi.

    1. APPONIUS##

APPONIUS, auteur ecclésiastique du VIe siècle, qui composa un Commentaire sur le Cantique des cantiques. On croit qu’il était moine et italien : il adresse son travail à un prêtre du nom d’Arménius, le même probablement auquel écrivit Agnel, évêque de Ravenne en 558. D’après le cardinal Mai, Classici scriptores, t. v, p. 367, il fut contemporain du pape Vigile et de Justinien. Son commentaire, divisé en douze livres, est un ouvrage de beaucoup de science, solide et bien écrit ; aussi fut-il souvent cité, en particulier par le vénérable Bède. Patr. lat., t. xci, col. 1162. Pour l’auteur, le Cantique des cantiques est une allégorie de l’alliance de Jésus-Christ avec son Église. On voit qu’il suit les Septante ; il se sert cependant, comme il le dit du reste, du texte hébreu. Ce commentaire est encore précieux pour la confirmation qu’on y trouve de plusieurs vérités traditionnelles, par exemple, du pouvoir des clefs confié à l'Église. Il a été imprimé à Fribourg en 1538. On trouve les six premiers livres dans le tome xiv de la Maxima Bibliotheca veterum Patrum, in-f°, Lyon, 1677, p. 98-128. Le cardinal Mai a publié les livres vii, vin et une partie du ix°, dans le Spicilegium romanum, in-8°, Rome, 1839-1844, t. v, p. 1-85. Le commentaire d’Apponius a été abrégé par Luc du Mont-Cornillon. Voir Ceillier, Histoire des auteurs sacrés, 1862, t. xi, p. 807. E. Levesquë.

    1. APRIÈS##

APRIÈS, pharaon de la xxvi* dynastie égyptienne, ainsi nommé par les Grecs, mais appelé Éphrée dans la Vulgate. Jer., xiiv, 30. On l’appelle aujourd’hui communément Hophra. Voir Éphrée.

    1. APROSIO Angelico##

APROSIO Angelico, polygraphe italien, dont les critiques vantent à juste titre l'érudition et le goût littéraire, né à Vintimille, en 1607, mort en 1681. Tout jeune encore, il revêtit l’habit des ermites de Saint-Augustin, et se livra avec une sorte de passion aux études tant sacrées que profanes. Celles-ci toutefois eurent la préférence et nous ont valu plusieurs ouvrages, dont quelques-uns sont encore consultés avec fruit, mais qui ne sont pas de notre sujet. Le seul de ses écrits qui intéresse directement les études bibliques est une série de leçons qu’il fit sur le prophète Jonas, dans l'église Notre - Dame - de laConsolation, à Gènes, Prselectiones in prophetam Jonam, Gènes, 1649 et 1650. VoirSoprani, Scrittori délia Liguria, p. 23 ; Bayle, Dictionnaire historique et critique, 5e édition, p. 396, note c. M. Férotin.

    1. APTHORP East##

APTHORP East, théologien anglican, né à Boston en 1733, mort en Angleterre, le 7 avril 1816. Il exerça le ministère pastoral aux États-Unis. En 1765, il alla en Angleterre, où il reçut diverses dignités dans l'église établie. Vers 1793, il se retira à Cambridge et y passa les dernières années de sa vie. On a de lui À Lelter on the Prevalence of Christianily before its civil Establishment, Londres, 1778 ; Discourses on Prophecy, 2 in-8°, Londres, 1786. Voir Gentleman' s Magazine, année 1810.

    1. AQUARO##

AQUARO (Malhias de), ou plus exactement Mathius

Yvone de Gibbonis, dominicain italien, était originaire de la bourgade d’Aquaro, dans la Galabre. Il mourut en "159 1. Il entra, à peine sorti de l’enfance, chez les Dominicains du couvent de Saint-Pierre-Martyr, à Naples, et occupa dans la suite quelques-unes des chaires les plus importantes de son ordre. Il a laissé des travaux importants sur la théologie scholastique et un ouvrage sur la Sainte Écriture, dont nous ne connaissons malheureusement que le titre : Poslilla in xii prophetas minores et alla Scripturse Sacrai loca difficilia. Les auteurs de l’histoire littéraire des Dominicains ignorent même si ce travail a été publié. Voir Quétif-Echard, Scriptores ord. Prœdicatorum, t. ii, p. 302-303. M. Férotin.

    1. AQUEDUC##

AQUEDUC (hébreu : te'âlâh, I (III) Reg., xviii, 32, 35 ; II (IV) Reg., xviii, 17 ; xx, 20 ; Is., vii, 3 ; xxxvi, 2 ; Ezech., xxxiv, 4 ; une fois sinnôr, II Reg., v, 8 ; Septante : 08paYC ! >7<) ;  ; Vulgate : aqusediwtus).

1° Insuffisance des eaux à Jérusalem. — Dès les temps les plus reculés, la nécessité a obligé les anciens Juifs à exécuter des travaux considérables pour s’assurer la possession d’eaux potables et suffisantes, surtout dans les villes bâties à une certaine altitude. À Jérusalem, en particulier, la question des eaux a vivement préoccupé les anciens rois. La ville ne possédait que deux sources d’eau potable : la source de Gihon ou de la Vierge, sur le flanc oriental de la colline d’Ophel, et le Bir-Ayoub (puits de Job), l’ancienne En-Rogel, III Reg., i, 9, qui n’est pas une source proprement dite, mais un puits, situé au confluent des deux vallées duCédronet deGhé-Ben-Hinnom. Mais les Hébreux donnaient parfois indifféremment le nom de 'en (source), comme les Arabes d’aujourd’hui donnent celui de aïn, aux sources et aux puits. Guérin, Jérusalem, p. 202.

2° Les travaux hydrauliques à l’intérieur de la ville. — Dans les souterrains du couvent de l’Ecce-Homo, fondé par le P. Ratisbonne, sur l’emplacement de la cour de l’ancienne Antonia, on a trouvé une source assez abondante, qui vient du nord et de plus haut ; mais l’eau en est saumàtre et difficilement potable. D’après certaines conjectures, elle alimentait autrefois la piscine de Strouthion, à l’angle septentrional de l’Antonia. Josèphe, Bell, jud., V, xi, 4. Dans les sous-sols du couvent de l’Ecce-Homo, il existe aussi deux piscines parallèles, séparées par un gros mur. La première est remplie d’eau. De l’angle sud-ouest de la seconde part un tunnel taillé dans le roc et pouvant donner passage à un homme. C’est un aqueduc qui conduisait autrefois l’eau de cette piscine dans l’enceinte du temple. Il se dirige au sud sur un parcours de 60 mètres, au sudest pendant 17 mètres, et à l’est sur une longueur de 5 mètres. Là il se heurte à un mur que les Turcs ont fait construire pour empêcher l’accès du Haram.

Il est possible que la source de l’Ecce-Homo ait coulé primitivement au fond de la vallée du Tyropœon. Plusieurs pensent cependant que ses eaux ne proviennent pas d’une source antique, mais sont le résultat de suintements. Toujours est-il qu'à une époque très ancienne, la vallée a livré passage à des eaux auxquelles il a fallu ménager une issue, quand les constructions s’y sont multipliées. Il y existe encore, sous une masse de décombres qui a 25 méfies de profondeur, un travail hydraulique que les explorateurs anglais Warren et Wilson n’hésitent pas à faire remonter jusqu’au temps des rois de Juda, et probablement de Salomon. Au-dessous de l’arche de Robinson, à l’angle sud-ouest du Haram, ils ont retrouvé le pavage d’une ancienne rue basse. Ce pavage crevé, les explorateurs ont atteint le fond même du ravin, et y ont vu en place les voussoirs du premier pont construit au-dessus du lit du canal. Les principes de la voûte, familiers aux Phéniciens, élèves des Égyptiens et des Assyriens, sont appliqués dans cette antique construction (flg. 189). Le fond de la vallée était sans doute occupé par les maisons des artisans dont l’industrie avait besoin d’eau. Un ruisseau

coule encore lentement parmi les décombres, au fond du ravin, sans qu’on ait pu en découvrir la source. Aux abords de l’arche de' Robinson, on avait creusé dans le roc même la cuvette du canal. De loin en loin, ce canal s'élargissait de manière à former des bassins plus profonds et plus spacieux, dans lesquels on pouvait puiser par

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189. — Canal voûté au fond de la vallée &a Tyropœon.

des ouvertures ménagées dans la voûte qui plus tard recouvrit le fond du ravin. Wilson et Warren, The Recooery of Jérusalem, t. i, p. 76-107.

En somme, les habitants de Jérusalem ne pouvaient guère compter que sur la source appelée aujourd’hui de la Vierge et sur l’eau du ciel. La pluie tombe à Jérusalem en grande quantité pendant les mois d’hiver ; on la recueillait dans des citernes et des piscines ; mais elle était en danger de se corrompre ou de s'évaporer rapidement, et le service du temple et les besoins d’une population croissante réclamaient l’eau en abondance.

3° Les aqueducs des Étangs de Salomon. — Il fallut donc songer à capter des sources assez éloignées et à en conduire l’eau vive jusque dans la ville. Un travail de ce genre fut peut-être exécuté par Salomon. C’est à ce prince, en effet, que la tradition attribue la première adduction d’eaux lointaines jusqu'à la capitale. Il serait allé les chercher jusqu'à Étham, à environ quatre kilomètres au sud-ouest de Bethléhem. Dans le fond d’une vallée étroite et profonde, située à cet endroit et nommée aujourd’hui Ouadi Ourtas, Salomon avait établi, suppose-t-on, son « jardin fermé », Eccl., Il, 5, auquel une fertilité merveilleuse était assurée par la chaleur concentrée et par l’abondance des eaux de l’Ain Ourtas. Les belles eaux de cette source furent plus tard conduites àHérodium, parHérode, au moyen d’un aqueduc dont on retrouve encore çà et là des tronçons. Liévin, Guide de la Terre Sainte, 3e édit., t. ii, p. 91. À l’ouest du jardin de l’Ouadi Ourtas, il existe de vastes piscines, auxquelles Salomon semble faire allusion, Eccl., ii, 6, et qui sont connues sous le nom d'Étangs ou de Vasques de Salomon. L'Écriture ne parle pas expressément de ces travaux, mais la tradition les attribue à ce roi. « Nous pouvons croire, dit le capitaine Warreu, que les Étangs de Salomon existaient ou furent construits à l'époque de ce prince. » Underground Jérusalem, p. 129. Cette croyance est d’ailleurs conforme à l’ancienne tra

dition juive. Josèphe, Ant. jud., VIII, vil, 3 ; Talmud, Jorna, ꝟ. 31 a ; Zebachim, t. 54 b. Les piscines, qui sont au nombre de trois, déversent leurs edux l’une dans l’autre, et sont surtout remarquables par leurs dimensions. La première, à l’est, est précédée d’un contrefort qui sert à retenir les eaux, et au milieu duquel une petite porte de fer peut leur donner passage. Cette piscine a 177 mètres de long, 64 mètres de large et 15 mètres de profondeur ; la seconde, distante de la première de 48 mètres, a 129 mètres de long, 70 de large et 12 de profondeur ; enfin le bassin supérieur, à 49 mètres de distance du précédent, mesure 116 mètres de long, 70 de large, et de 7 à 8 de profondeur. Chacun des bassins est élevé de quelques mètres au-dessus du précédent (fig. -190). Tous trois sont

jusqu'à Bethléhem, n'était pas horizontal ; mais en certains endroits il formait siphon, et, à raison de cette disposition, se composait de tuyaux en pierre emboîtés les uns dans les autres. Il devait amener les eaux dans les parties les plus élevées de la capitale. Son trop-plein, se déchargeait dans les étangs ; aujourd’hui qu’il est en ruines, toutes ses eaux s’y jettent. L’aqueduc inférieur subsiste encore de nos jours, et sert à amener les eaux à Jérusalem ; mais il ne reste guère plus de deux ou trois ans sans avoir besoin de réparations, à cause de l’affluencedes eaux qui s’y pressent pendant l’hiver. Il est maçonné à la chaux, et, grâce à des jours ménagés de distance en distance, on peut voir couler l’eau et y puiser. Parti d’Etham, il suit les courbes de niveau de manière à con Vasques de Salomon. D’après une photographie.

en partie creusés dans le roc, et en partie construits en maçonnerie. À cent trente pas du bassin supérieur, et tout près de la ligne de partage des eaux entre les versants de la mer Morte et de la Méditerranée, se trouve la source qui fut la première à alimenter les étangs. C’est la fontaine appelée Ras el-Aïn (tète de la source), ou Aîn-Saléh (bonne source). Ce serait la « fontaine scellée » de Salomon. Cant., iv, 12. Guérin, Description de la Judée, t. iii, p. 112. Souterraine et de difficile accès, elle est encore à 60 mètres au-dessus de l’ancienne plate-forme du temple, qui est elle-même à 754 mètres d’altitude. 11 était donc possible d’en conduire les eaux jusqu'à Jérusalem.

La fontaine se déverse d’abord dans un couloir voûté, qui amène ses eaux jusqu'à un réservoir également voûté, surmonté d’une construction circulaire, près du vieux Qala’at el-Bourak (château des bassins), à quelques mètres au nord de l'étang supérieur. De là les eaux se partagent pour être dirigées les unes vers les étangs, les autres vers Bethléhem et Jérusalem. Trois aqueducs prenaient autrefois cette dernière direction, selon 'Warren, qui n’a pu retrouver les traces que du plus élevé et du plus bas. L’aqueduc le plus élevé, dont on peut suivre les tronçons

server une faible pente. Il contourne l’Ouadi Sahhine au nord, redescend ensuite au sud de Bethléhem, qu’il alimente d’eau, reprend la direction du nord à l’est de la ville, passe près du tombeau de Rachel et de Mar Elias, atteint Jérusalem près de la porte de Jaffa, un peu audessus du Birket es-Sultan, redescend brusquement pour contourner l’ancien mur méridional de Sion, longe la pente occidentale de la vallée du Tyropœon, et enfirr pénètre dans le Haram par le Bab es-Silséleh (fig. 191). Mais, avant de franchir cette porte, l’aqueduc alimente la belle fontaine appelée Aïn-Sébil, et, de l’autre côté de la rue, celle qui jaillit à l’intérieur du méhkémeh (tribunal civil). Cet aqueduc fournissait autrefois, conjointement avec les deux autres, l’eau nécessaire au service du temple, comme il le fait encore pour le Haram ech-Chérif. C'était vraisemblablement la fontaine intarissable, fons aqua ? perennis, que Tacite mentionne dans sa description du temple. Hist., V, xii. Bien qu’il soit impossible de déterminer quelle part Salomon prit à ce travail, on peut admettre qu’il y a mis la main le premier. « S’il a construit des piscines destinées à arroser les superbes jardins qu’il avait plantés, notamment dans la vallée d’Etham, n’a-t-il pas du en mémo temps songer à approvisionner

suffisamment d’eau et sa capitale et le temple ? » Guùrin, Description de la Palestine, t. iii, p. 114.

Mais, dès le temps de Salomon, il fallut bien pourvoir à l'écoulement du sang des victimes du temple, qui était versé au pied de l’autel, et de toutes les eaux qui avaient servi aux purifications. L’autel des holocaustes s'élevait probablement au-dessus d’une citerne appartenant à l’ancienne aire d’Oman. Au fond de cette citerne est un canal

LTlmfflier.der 5 191. Aqueducs anciens an buu de Jérusalem.

souterrain, que les musulmans appellent Bir el-Arouah (puits des âmes), et qui ne serait autre que l’ancien conduit par où le sang et les eaux s'écoulaient jusqu’au torrent du Cédron. Guérin, Jérusalem, p. 3C8. À la suite de fouilles entreprises en 1853 pas de Saulcy, et continuées ensuite parles explorateurs anglais, on a découvert au sud de la muraille du Haram, sur le palier de l’ancienne triple porte du temple, un puits (fig. 192) donnant accès à un système de galeries qui servaient à l'écoulement des « aux employées dans les sacrifices (fig. 193). De Saulcy, Voyage en Terre Sainte, t. ii, p. 9.

4° L’aqueduc de l’A In Mogâret. — À mesure que s’accrut la population de Jérusalem, le besoin d’eaux plus abondantes se fit sentir, et l’on songea à capter d’autres sources que celle de Ras el-Aïn. À cinq lieues au sud d'Étham, sur la route qui mène à Hébron, se trouve la source Aîn Mogâret (source de la grotte). Dans une grotte en partie naturelle et en partie artificielle, se rassemblent les eaux des coteaux supérieurs. On a relié cette source à celle D1CT. DE LA BIBLE.

d'Étham par un aqueduc tantôt taillé dans le rocher, et tantôt construit en pierres à bossage. Cet aqueduc est ancien, mais d’une époque difficile à déterminer. Il côtoie à peu près la route pendant quatre kilomètres, puis suit le thalweg de l’Ouadi Biâr (vallée des puits), ainsi nommé à cause des regards pratiqués dans l’aqueduc, et au moyen

Y~0

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192. — Galeries pour l'écoulement des eaux du Temple.

CC, mur de l’enceinte du Temple. — A, puits de construction

moderne. — B, trou. — bb, porte.

desquels on pouvait arroser la vallée et la fertiliser. Cet aqueduc jette ses eaux dans celui du Ras el-Aïn, à l’est des étangs.

5° L’aqueduc de l’Aïn Aroub. — Le procurateur Ponce Pilate entreprit à son tour d’enrichir les anciens aqueducs des eaux de l’Aïn Aroub, à onze kilomètres d'Étharn, toujours dans la direction d’ilébron. L’Aïn Aroub est une source d’eau potable ordinairement très abondante. L’eau

193. — Puits d’accèB des galeries devant la triple porte. Coupe suivant d, e, f, g de la figure 192.

monte dans plusieurs puits, d’où elle se déversait dans une grande piscine, à 940 mètres d’altitude. De là partait l’aqueduc de Pilate. Pour subvenir aux frais nécessités par ce travail et par la réparation des anciens aqueducs, le procurateur puisa directement dans le corban ou trésor du temple. Une émeute s’ensuivit. Pour la réprimer, Pilate fit déguiser ses soldats, et les envoya dans les parvis du temple faire un grand massacre de Juifs. Josèphe, Bell, jud., II, îx, 4. Cet aqueduc fait des détours immenses, en cherchant toujours le niveau, et il va rejoindre celui de Ras et Ain, près des Étangs de Salomon. Bien que la distance d’Ain Aroub à Jérusalem ne soit que de cinq lieues, Josèphe dit que Pilate lit venir des eaux éloignées

I. — 28 803

AQUEDUC

de deux cents stades (dix lieuesV Ant.jud., XVIII, iii, 2. L’aqueduc, en effet, à raison de ses détours, a pour le moins cinquante kilomètres de longueur (fig. 191). C’est un canal quadrangulaire, de m 70 de large. Liévin, Guide, t. i, p. 400 ; t. ii, p. 89-95 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iii, p. 503 ; Palestine Exploration Fund, Quaterly Stalement, 1875, p. 71 ; D r Scîùck, Die Vasserversorgung Jerusalems, dans la Zeitschrift der deutschen Palàstina - Vereins, t. i, p. 132 et suiv. ; Bàdeker, Palàstina und ijijrien, 1891, p. 133. 6° L’aqueduc de la piscine d'Ézéchias. — Isaïe fait

VThKillier. dd'

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194. — Tracé de l’aqueduc de Siloé.

allusion à une piscine creusée par Ézéchias au moment où la ville s’attendait à l’arrivée des Assyriens : « Vous avez fait un bassin entre les deux murs pour les eaux de l’ancienne piscine. » Is., xxii, 11. Cette ancienne piscine est le Birket Mamillah, que Josèphe appelle piscine des Serpents. Bell, jud., V, xii, 2. Elle se trouvait en dehors des murs, à environ six cents mètres de la porte actuelle de Jaffa et de la tour de David. Dans l’angle extérieur que l’enceinte de Sion faisait avec celle d’Acra, Ézéchias creusa une nouvelle piscine, l’Hammam el-Batrak actuel, autrefois l’Amygdalon. Un aqueduc de près de huit cents mètres y amenait les eaux de l’ancienne piscine, dont le niveau est d’une vingtaine de mètres plus élevé. Cet aqueduc existait déjà antérieurement. C’est à son extrémité qu’lsaïe interpella Achaz. Is., vii, 3. Ézéchias ne fit donc en cet endroit que creuser une nouvelle piscine. Puis, pour mettre à l’abri le nouveau bassin, il l’entoura d’une enceinte appelée enceinte d'Ézéchias. L’aqueduc existe encore, en partie creusé dans le roc et en partie maçonné, et il continue à verser dans la piscine inférieure

le trop-plein du Birket Mamillah. Ce fut aussi auprès de cet aqueduc, vers la piscine supérieure, que les parlementaires assyriens notifièrent aux officiers d'Ézéchias l’ultimatum de Sennachérib. IV Reg., xviii, 17 ; Is., xxxvi, 2.

7° Les aqueducs de Siloé. — Mais les travaux d’hydraulique les plus curieux sont ceux que les Hébreux exécutèrent pour canaliser les eaux de la fontaine Gihon ou de la Vierge, qui émerge sur la pente orientale de la colline d’Ophel. Quand David assiégea Jébus, il promit une récompense à celui qui frapperait un Jébuséen et « atteindrait l’aqueduc (sinnôr) ». II Reg., v, 8. Ce passage a suggéré l’idée que les Jébuséens avaient anciennement pratiqué une conduite à ciel ouvert, pour faire arriver les eaux de la fontaine jusqu’au sud de la colline, à la piscine de Siloé. Grâce à cette rigole, les eaux restaient à la disposition des habitants, au lieu de se perdre inutilement dans les pierres de la vallée du Cédron. Voir Birch, Palestine Exploration Fund, Quaterly Statement, 1884, p. 75, et le tracé conjectural de ce canal (fig. 194).

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195. — Galeries primitives donnant accès de l’intérieur de la ville

à la Fontaine de la Vierge. A, Fontaine de la Vierge. — DF, pente d’Ophel. — D, Entrée

de la galerie. — CBOr, galerie Eouterraine. — G-, endroit où

l’on puisait. — E, ancien puits.

Mais cette source était la principale, sinon la seule, de celles qui pouvaient alors alimenter directement la ville. Car rien de plus facile à un assiégeant que d’intercepter les aqueducs d'Étham, quand ils eurent été construits, et de priver d’eau les habitants, en accablant de traits ceux qui sortaient des murailles pour aller puiser à la fontaine de la Vierge. Aussi, sous David ou ses premiers successeurs, on pratiqua dans les escarpements de la colline d’Ophel un système de puits et de galeries permettant d’arriver par l’intérieur du sol jusqu'à la nappe d’eau, et d’y puiser avec des seaux, sans avoir rien à craindre des traits de l’ennemi. Le puits avait son ouverture en haut de la colline, probablement à l’abri de la muraille, à une quarantaine de mètres au-dessus de la nappe d’eau. Il est probable qu’on chercha d’abord à descendre verticalement, comme l’indique un premier puits abandonné en E (fig. 195). Mais ensuite on préféra arriver jusqu'à l’eau par des galènes horizontales ou en pente douce. Ces galeries, qui s'étendent de C en G, ont près de quarante mètres de développement. C’est du point G qu’on puisait l’eau au moyen de seaux. Voir Wilson et Warren, The Recovery of Jérusalem, p. 243-252. Ces travaux avaient l’inconvénient de laisser la jouissance de la source aux assiégeants aussi bien qu’aux assiégés.

Sous Ézéchias, on entreprit une œuvre bien plus hardie, qui avait pour but de soustraire complètement à l’ennemi l’usage de la source, en ménageant aux eaux un débouché sur le versant sud-ouest de la colline. Le roi « boucha la sortie des eaux de Gihon d’en haut, et les dirigea pardessous, à l’occident de la cité de David ». II Par., xxxii, 30 ; IV Reg., xx, 20. Cet ouvrage fit grand honneur au prince, car cinq cents ans plus tard le fils de Sirach le rappelait encore avec éloge : « Ézéchias fortifia sa cité, fit entrer

Gog (Gihon) au milieu d’elle, perça le rocher avec le fer, et bâtit des fontaines pour les eaux. » Eccli., xlviii, 17. Ce fut vraisemblablement dans la prévision d’un siège par les Assyriens que l'œuvre souterraine fut exécutée en plein roc. La galerie d'Ézéchias traverse la colline d’Ophel de l’est au sud-ouest. Elle est d’un travail assez grossier. Sa hauteur actuelle varie de 4™ 50 à m 45, et

jourd’hui au musée de Constantinople. Les incrustations calcaires en rendaient la lecture assez malaisée. Voic la traduction des six lignes dont elle se compose : « …ïa percée. Voici l’histoire de la percée. Quand [les mineurs levaient] le pic l’un vers l’autre, et qu’il y avait encore trois coudées [à percer, on entendit] se crier l’un à l’autre qu’il y avait zêda (déviation [?]) dans le rocher

V Il 1 - T'_ lit IMLl’ill tl Siloô,

sa largeur ordinaire ne suffirait pas au passage de deux hommes. La différence de niveau entre le point de départ et le point d’arrivée n’est que de m 30. La longueur en ligne droite serait de 335 mètres, de la fontaine de la

sur la droite. Et au jour de la percée, les mineurs frappèrent chacun l’un vers l’autre, pic contre pic, et les eaux coulèrent de la source jusqu’au réservoir, sur une longueur de douze cents coudées. Et de cent coudées

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107. — Inscription de Siloô.

Vierge à celle de Siloé ; mais les nombreuses sinuosités ju parcours la portent à 533 mètres. Voir Conder, TheSiloam tunnel, dans Palestine Exploration Fund, Quaterly Statement, 1882, p. 122-131. En 1880, on a découvert dans la galerie même, à quelque distance de l’endroit où elle débouche, une inscription en ancien hébreu (fig. 196), qui indique la manière dont le travail a été exécuté. La pierre qui portait cette inscription a quelque peu souffert ; en 1891 on l’a enlevée. Ph. Berger, Histoire de l'écriture dans l’antiquité, Paris, in-8°, 1891, p. 193. Elle est au était la hauteur du rocher au-dessus de la tête des mineurs » (fig. 197). Les mineurs juifs avaient donc eu la hardiesse d’attaquer la roche par les deux extrémités à la fois, comme on l’a fait de nos jours au mont Cenis et dans d’autres, travaux analogues. Les travailleurs pouvaient utiliser le niveau d’eau pour conserver à peu près la ligne horizontale. Mais pour assurer la direction longitudinale de la galerie ils manquaient do méthode, et durent procéder par tâtonnements. Aux points d’attaque, en D et en E (fig. 194), les deux équipes se portèrent

trop directement vers le flanc opposé de la colline, et risquèrent ainsi de déboucher lune à l’est, l’autre à l’ouest, sans s'être rencontrées. Du côté de Siloé, après un parcours de 143 mètres, on creusa un puits vertical F pour atteindre le sol supérieur, qui n'était à cet endroit qu'à 3 m 50 du plafond de la galerie. On s’aperçut de la fausse direction, et l’on rectifia le tracé à angle droit. À 70 mètres plus loin, on tenta d’ouvrir un autre puits en G pour se repérer ; mais on ne poussa pas loin le travail, à cause de la hauteur de la colline. Du côté de Gihon, on réussit aussi à se remettre dans la bonne voie, en obliquant fortement à gauche. Grâce au niveau d’eau, on était à peu près assuré de ne point passer l’un au-dessus de l’autre ; mais rien ne garantissait contre le danger de pousser les deux galeries parallèlement, sans qu’elles se rencontrassent. Heureusement les travaux des carrières, auxquels les ouvriers juifs étaient bien habitués depuis l'époque de Salomon, leur avaient appris que le bruit du pic se fait entendre à une grande distance dans une roche dure et homogène. En approchant du point de convergence, les mineurs purent donc se diriger à l’ouïe. La partie médiane du tunnel ne s'écarte pas très notablement de la direction convenable ; mais il y a encore bien des traces d’hésitation, et de place en place de petits culs-de-sac indiquant de fausses voies abandonnées. Quand le bruit des coups devint plus distinct, on s’aperçut que l'équipe de Gihon se portait trop sur la droite (fig. 198) ; par l’intermédiaire de leurs compagnons échelonnés dans le tunnel et postés autour de la colline, les mineurs se transmirent les indications nécessaires à la rectification du tracé, et la jonction s’opéra enfin en A. On était sans doute pressé ou fatigué du labeur, et, sans se préoccuper de parfaire le travail, on se tint pour satisfait quand l’eau put passer. Il n’est pas à croire cependant que dans les endroits où la galerie n’a que m 45 de hauteur, en M et eu N (fig. 194), le sol du tunnel soit actuellement dans son état primitif. Les mineurs ont dû y laisser fléchir l’horizontale, et, dans la suite des siècles, les dépressions ont été comblées, aux dépens de la hauteur totale, par les dépôts calcaires de la source. Ces dépôts ont formé au fond des dépressions une couche d’autant plus épaisse, que l’eau y était plus profonde et plus calme. « Il y a dans l’exécution de cette longue galerie, à côté d’inégalités et de malfaçons qui sont d’une industrie encore dans l’enfance, telles dispositions heureuses auxquelles on reconnaît que l’ouvrier juif avait déjà une grande habitude de cette sorte de travaux. C’est ainsi que, jusqu'à une hauteur de près d’un mètre, les parois du canal sont couvertes d’une mince couche d’un ciment rouge très dur, fait en grande partie de terre cuite pulvérisée. Par endroits, les fissures et les trous du roc ont été bouchés avec le même mortier, qui est tout pareil à celui dont aujourd’hui encore, en Palestine, on se sert pour enduire l’intérieur des citernes et prévenir les fuites. » Perrot et Chipiez, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iv, p. 421. Les textes cités plus haut ne permettent pas de faire remonter l’exécution du travail jusqu’au temps d’Achaz. M. Renan, qui incline vers cette supposition, Histoire du peuple d’Israël, t. ii, p. 509, avoue que l’inscription de Siloé « doit être placée, comme date, bien près de

198. — Partie centrale de la galerie de Siloé.

l’an 740°. Point de raison, par conséquent, pour refuser de l’attribuer à Ézéchias, qui régna de 727 à 698.

8° L’aqueduc voisin du Bir Ayoub. — Un autre travail du même genre a été découvert par Warren, à l’ouest du Bir Ayoub. C’est un aqueduc plus spacieux que celui d'Ézéchias, car sa largeur moyenne est de l m 15, et sa hauteur de 2 mètres. On peut le suivre sur une longueur de 600 mètres. Il y a sur le parcours plusieurs escaliers permettant de descendre dans le canal. D’un côté, il aboutit à un vaste réservoir en forme de grotte, et de l’autre il s’arrête brusquement en plein roc. On ignore quelle était la destination de cet aqueduc souterrain. The Recovery, p. 257-264. « Il est difficile de lui assigner une date. Rien cependant n’y sent la main romaine ; ces degrés, ces regards, ces bassins, ces couloirs évidés dans la roche vive, tout cela est plutôt dans la tradition et le goût des carriers phéniciens et juifs. » Perrot, Histoire de l’art, t. iv, p. 424.

9° Les autres aqueducs de la Palestine. — Dans le reste de la Palestine, surtout aux environs des centres de population plus importants, on trouve les traces d’un certain nombre d’aqueducs, dans un état de délabrement plus ou moins avancé. Aux environs de Jéricho, les ruines de ces sortes de travaux d’art sont assez nombreuses. A l’ouest de cette ville, dans l’Ouadi el-Kelt, on peut suivre pendant une dizaine de kilomètres un ancien aqueduc qui conduisait à Kakoun les eaux de l’Aïn Fàra. Ces eaux se perdent maintenant dans le ravin du Kelt. D’autres ruines d’aqueducs se voient plus au nord, dans l’Ouadi Fasaïl, près de l’ancienne ville à laquelle Hérode donna le nom de Phasaël.

A Naplouse, l’ancienne Sichem, un aqueduc maintenant ruiné amenait les eaux de l’Ain Askar, qui jaillit à trois lieues à l’ouest de la ville. Une autre source, qui n’est qu'à trois kilomètres au sud, Ras el-Aïn, fait encore aujourd’hui couler dans un aqueduc ses belles eaux, qui au passage font tourner plusieurs moulins.

La ville de Béthulie était alimentée d’eau par diverses sources à portée des murs, et par une source principale, qui était mise en communication avec la place par un aqueduc. Judith, vii, 6, 7. Holopherne fit couper l’aqueduc et défendre l’accès des autres sources. L’incertitude qui plane sur l’identification de Béthulie ne permet point d’assigner l’emplacement de cet aqueduc. Mais au pied de la montagne qui couronne Belâaméh, l’ancienne Belma, Judith, vii, 3, on trouve une caverne maçonnée, du fond de laquelle, au dire des habitants, partirait un souterrain qui s'élève jusqu'à l’ancienne ville, et par lequel les défenseurs de la place pouvaient venir puiser l’eau qui se trouve dans la caverne, appelée Bir es-Sedjem. Liévin, Guide, t. iii, p. 72.

Lorsque, sous Hérode, Césarée prit de l’importance, il. fallut aviser à la pourvoir d’eaux abondantes. On les emprunta à la rivière de Zerka, qui se jette dans la mer à cinq kilomètres au sud de la ville. L’aqueduc suivait le bord de la mer. Près de la rivière, il était construit en pierres de petite dimension, et plus loin reposait sur des arches en plein cintre, et se composait de pierres d’un plus grand appareil. Un autre aqueduc allait chercher l’eau à Sebbarine, à quinze kilomètres à l’ouest de Césarée. Le tout est maintenant ruiné et abandonné. Liévin, Guide, t. iii, p. 229.

Parfois enfin on se contentait de tracer aux eaux un chemin artificiel, en leur creusant un lit en pleine roche. C’est le cas de l’Aïn el-Tabegah, entre Khan-Miniéh et Tell-Houm, qui déversait ses eaux dans la fertile plaine de Génésareth par un canal à ciel ouvert taillé dans le roc, qui sert aujourd’hui de sentier.

Çà et là se rencontrent d’autres ruines d’aqueducs. On ne peut guère assigner de dates précises à ces différents ouvrages ; mais il est certain que les anciens habitants du pays n’ont reculé devant aucun effort pour mettre à leur portée les eaux potables, et que leurs successeurs AQUEDUC — AQUILA

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n’ont guère fait qu’utiliser, entretenir, réparer, et le plus souvent laisser tomber en ruines les travaux exécutés

antérieurement.
H. Lesêtre.

1. AQUILA ('Ax-JXaç)j nom d’origine latine, ainsi que celui de Priscille, IIp ; <rxa ou IlpîaxtXXa (diminutif plus familier), que portaient deux Juifs, mari et femme, chez qui Paul reçut l’hospitalité à Corinthe, et dont il se plaît, dans ses lettres, à reconnaître le dévouement à la cause de l'Évangile. Vivant au milieu des païens, à Rome ou ailleurs, ils avaient changé, selon l’usage du temps, leurs noms juifs en noms tout à fait romains. Plusieurs interprètes ont même supposé qu’Aquila était un fils d’affranchi de ce Pontius Aquila qui se trouve mentionné par Cicéron, Ad Famul., x, 33, et par Suétone, Csesar, 78, comme adversaire de Jules César. En ce cas, le copiste aurait mal reproduit le texte, et en écrivant IIovti-xôv tù yévôt, il aurait substitué une indication géographique à une indication familiale, et fait naître dans la province du Pont celui qui, probablement originaire de Rome, se rattachait, par l’affranchissement de l’un des siens, à l’illustre famille Pontia. La chose est plus ingénieuse que probable. Aquila était né dans cette province du Pont, au sud de la mer Noire, d’où, rapprochement singulier, sortit un demi-siècle plus tard un autre Juif du même nom que lui, né à Sinope, et qui traduisit en grec l’Ancien Testament, avec un esprit absolument hostile aux idées chrétiennes. Le Pont comptait de nombreuses colonies israélites, et le nom d’Aquila, « aigle, » comme celui des plus nobles animaux, le lion, par exemple, était fréquemment adopté par ceux qui voulaient déguiser leur origine juive, et avoir ainsi plus de liberté dans leurs rapports commerciaux avec les païens. Priscille ou Prisque, comme on disait indistinctement Domitilla ou Domitia, selon qu’on voulait exprimer la tendresse familière ou le respect, pouvait bien être née à Rome même. En tout cas, qu’ils fussent du Pont ou rattachés à la famille Pontia, ils habitaient la capitale de l’empire. C’est là que, comme juifs ou comme chrétiens, car la police impériale ne distinguait pas encore les uns des autres, ils furent atteints par l'édit d’expulsion que porta Claude vers l’an 50 : « Judæos, impulsore Chresto, assidue tumultuantes, Roma expulit. » Suétone, C(aud./25. Quoi qu’en disent certains exégètes, l’occasion des troubles fut non pas un Chrestus quelconque, mais le Christ ou le Messie. Voir Le Camus, L'Œuvre des Apôtres, t. i, p. 351. Ceux qui commettaient une pareille méprise pouvaient bien confondre et juits et chrétiens sous une même dénomination.

Chassés de Rome, Aquila et Priscille se transportèrent à Corinthe, et c’est là que Paul les trouva fort à propos, pour s'établir chez eux et entreprendre à son aise l'évangélisation de cette grande cité. Il avait appris à Tarse justement le métier qu’ils exerçaient eux-mêmes, et cela lui servit à vivre sans être à charge à personne. Ils fabriquaient des tentes. Cette industrie] des tissus en poil de chèvre, si commune en Cilicie ( voir Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, t. iii, p. 113, et L'Œuvre des Apôtres, t. i, p. 139), était fort lucrative, et Aquila paraît l’avoir pratiquée sur une vaste échelle, avec des ouvriers qui partageaient ses convictions chrétiennes, et que Paul appellera plus tard « la petite Église qui est dans sa maison ». Est-ce seulement par analogie de métier, ou parce qu’il les savait chrétiens, que Paul se retira chez eux ? Peut-être pour les deux motifs à la fois. Plusieurs supposent que, quand l’Apôtre arriva à Corinthe, au moins Aquila n'était pas chrétien, et ils le concluent de ce qu’il est simplement appelé « un Juif », 'IoviSaïov, et non pas un disciple ; il est, en effet, classé parmi les Juifs expulsés, r.â'nct ; toi ; 'loySaso’j ; , sans autre distinction. Mais cet argument est loin d'être concluant, car il est évident que l’historien n’a qu’une intention en qualifiant Aquila de Juif, c’est d’indiquer sa nationalité et non sa religion. D’autre part, il serait fort surprenant que, s’il fut converti par Paul, ni

saint Luc ni l’Apôtre n’aient dit un mot pour l’insinuer. C’est probablement à Rome, où nous supposons que Pierre alla prêcher vers l’an 45, voir L'Œuvre des Apôtres, t. i, p. 310 et suiv., qu’Aquila et Priscille avaient embrassé la foi chrétienne. Leur zèle pour l'Évangile et leur caractère militant, tels qu’ils nous sont connus d’après le livre des Actes et les Épîtres de saint Paul, portent à croire qu’ils se trouvèrent particulièrement en vue dans l’agitation qui se produisit à Rome, et tout naturellement ils furent des premiers expulsés.

Paul, arrivant d’Athènes à Corinthe, s'établit donc et travailla chez eux. Act., xviii, 1-3. Il y resta, prêchant Jésus-Christ aux Juifs tous les jours de sabbat, dans la synagogue, et aux Grecs quand il en avait l’occasion. C’est à la suite d’une violente sortie contre la criminelle obstination des Juifs, que, pour prouver sa résolution d’aller aux Gentils, en laissant à leur infidélité les fils d’Israël, il quitta la maison d’Aquila et logea chez Justus. Toutefois il ne brisait pas avec les deux époux qui l’avaient si cordialement accueilli, et dont la foi n’avait fait que grandir. Quand il partit pour Éphèse, Aquila et Priscille l’y suivirent. Act., xviii, 19. Là, après que Paul fut parti pour Jérusalem, ils s’occupèrent de gagner à la cause de l'Évangile un prédicateur très éloquent, mais imparfaitement initié à la doctrine de Jésus-Christ, Apollo. C’est à eux que revient le mérite d’avoir fait l'éducation chrétienne et peut-être même la conquête de cet émule de saint Paul, ce qui n’est pas sans quelque gloire. Act., xviii, 26.

A partir de ce moment, le livre des Actes ne parle plus d’Aquila et de Priscille ; mais dans ses Épîtres saint Paul leur adresse, toutes les fois qu’il le peut, un amical souvenir et de sincères éloges. Ainsi quand il écrit à l’Eglise de Rome : « Saluez Prisque et Aquila, dit-il, qui ont travaillé avec moi pour le Christ Jésus ; ils ont exposé leur tête pour me sauver la vie ; et je ne suis pas seul à leur en rendre grâces, toutes les Églises des Gentils partagent ma reconnaissance ; saluez aussi l'Église qui est dans leur maison. » Rom., xvi, 3-5. Quand il écrit sa seconde lettre à Timothée, iv, 19, qui se trouvait sans doute alors à Éphèse : « Saluez, ajoute-t-il, Prisque et Aquila. »

Dans sa première lettre aux Corinthiens, l’Apôtre, qui était alors à Ephèse, ne manque pas de leur envoyer le plus cordial souvenir d’Aquila et de Priscille, chez qui il demeure, absolument comme à Corinthe, et de la part de l'Église qui est dans leur maison. I Cor., xvi, 19. D’où l’on peut conclure que, soit par esprit de prosélytisme, soit dans l’intérêt de leur commerce, Aquila et Priscille se transportaient tour à tour dans les grands centres, Corinthe, Éphèse, Rome, amenant avec eux leurs ouvriers chrétiens, ou réussissant, avec leur zèle intelligent, à grouper autour d’eux, partout où ils s’installaient, assez de fidèles pour que Paul puisse appeler leur entourage de Rome ou d’Ephèse une petite Église.

On sait que, pendant bien longtemps, on a désigné comme la maison d’Aquila et de Priscille la pauvre petite église qui, sur le mont Aventin, porte le nom de SaintePrisque. La tradition actuelle a malencontreusement modifié l’ancienne, en supposant que l’antique oratoire a été élevé en l’honneur d’une vierge martyre postérieure aux temps apostoliques. Une inscription sur plaque de bronze, découverte il y a quelque temps, dit que l'église avait été bâtie sur la maison d’un certain Marius Pudens Cornelianus. Ce nom de Pudens rappelle celui du patricien fils de Priscille, contemporain des apôtres. Dès lors on peut se demander si les. deux époux juifs dont il s’agit dans cet article ne furent pas des affranchis de la maison de Priscille, mère de Pudens, ayant occupé une de ses maisons sur l’Aventin, maison devenu plus tard une église et à laquelle se seraient rattachés leur souvenir d’abord et puis celui d’une jeune fille morte pour l'Évangile et portant aussi le nom de Priscille. M. de Rossi, avec son admirable sagacité, a cherché à compléter les éléments de cette hypothèse. Les Acilii Glabriones, ensevelis au cimetière de Sainte-Priscille, se rattachaient certainement à une famille où le nom de Priscille était très commun. Serait-il impossible que le nom d’Aquila fût un dérivé d’Aquilius ou Acilius, dans lequel le c avait sa prononciation dure comme il la garda longtemps dans la langue latine ? Ainsi on se rendrait compte des deux noms romains que nos deux Juifs portaient, bien que, au moins le mari, fût originaire du Pont.

Le martyrologe romain honore, le 8 juillet, le souvenir d’Aquila comme évêque d’Héraclée. Mais on ne sait sur quels fondements repose cette indication. Ce qui est sûr, c’est que Priscille et Aquila furent deux vaillants ouvriers de l'Évangile, et que leur mémoire demeurera éternellement bénie parmi les chrétiens.

2. AQUILA, traducteur grec de la Bible hébraïque, au IIe siècle de l’ère chrétienne. La tradition talmudique fournit quelques renseignements historiques sur le traducteur Aquila, à savoir : qu’il était un Grec converti au judaïsme, un prosélyte, originaire de la province du Pout, contemporain et parent de l’empereur Hadrien (117-138) ; qu’il traduisit la Bible hébraïque en grec sous la direction de R. Akiba, ou, suivant une autre tradition, sous la direction de R. Éliézer et de R. Josué. Onkélos, à qui l’on attribue une paraphrase ou targum du Pentateuque, « Onkélos le prosélyte, » serait le même nom qu’Aquila. Voir Anger, De Onkelo, part. I : De Akila, Leipzig, 1845.

La tradition chrétienne est plus précise. Saint Irénée († 203) est le premier Père qui mentionne explicitement la version grecque d’Aquila (avant 177). Ayant à interpréter l’Ecce virgo concipiet d’Isaïe, vii, 14, il repousse l’interprétation qui veut traduire ʿalmâh par adolescentula (νεᾶνις), « jeune fille, » et il ajoute : « C’est l’interprétation donnée par Théodotion d'Éphèse et par Aquila du Pont, tous deux Juifs prosélytes, qu’ont suivie les Ébionites. » Contra hæreses, iii, 21, t. vii, col. 946. Saint Épiphane († 403), dans son traité De mensuris et ponderibus, c. xiv, t. xliii, col. 261, rapporte que l’empereur Hadrien, voulant restaurer la ville de Jérusalem, demeurée en ruines depuis le siège de Titus, avait confié le soin de cette restauration à Aquila, « le traducteur grec de l'Écriture et son propre beau-frère, lequel était de Sinope, ville du Pont. » Saint Épiphane poursuit en racontant que, frappé des miracles qu’opéraient les membres de l'Église chrétienne du lieu, Aquila aurait demandé et reçu le baptême ; mais que, mal converti à la foi nouvelle, il aurait été chassé de l'Église ; alors, de dépit, il avait passé au judaïsme, s'était fait circoncire, et, ayant appris l’hébreu, avait composé une nouvelle version grecque de la Bible, « dans le but de contredire les Septante et de supprimer des saintes lettres les témoignages favorables au Christ. » Mais ce récit, recueilli par saint Épiphane, et auquel rien ne fait écho ni dans la tradition talmudique ni dans la tradition chrétienne, manque d’autorité. Saint Jérôme dit simplement, comme le Talmud de Jérusalem, qu’Aquila était un disciple de R. Akiba. In Isai., 49, t. xxiv, col. 466. En résumé, on peut tenir pour probable qu’Aquila était un prosélyte, originaire du Pont, formé dans quelque école de rabbins de Palestine, dans la première moitié du IIe siècle.

La pensée d’Aquila, en entreprenant une traduction nouvelle de la Bible pour la substituer à celle des Septante, avait été de donner une version strictement littérale. Origène la caractérisait ainsi : « Aquila s’attacha servilement à la leçon hébraïque ; ce qui fait croire aux Juifs qu’il a traduit l'Écriture plus soigneusement, et que mieux que tous les autres il en a saisi le sens ; de là l’usage que font de sa version les gens qui savent mal l’hébreu. » Origène, De Susanna, c. 2, t. xi, col. 52. Saint Jérôme, qui estimait Aquila comme un interprète soigneux et ingénieux, diligens et curiosus interpres, dit-il dans son commentaire d’Osée, ii, 17, t. xxv, col. 839, saint Jérôme lui reproche d'être ergoteur, contentiosus, et de chercher à rendre non seulement les mots, mais jusqu’aux formes syntaxiques hébraïques, et d'écrire, par exemple, σὺν τὸν οὐρανὸν καὶ σὺν τὴν γήν, ce qui pour être fidèle n’en est pas moins incorrect. Epistol., lvii, 11, t. xxii, col. 577. Le σὺν grec, qui n’aurait pas dû être employé ici, est destiné à rendre la particule hébraïque ʾêṭ, laquelle marque l’accusatif. Il pourrait se faire de plus que la version d’Aquila ait été entreprise avec une arrière-pensée de controversiste : c’est ainsi que saint Épiphane la jugeait, nous l’avons vii, et peut-être aussi saint Justin. Ce Père, qui écrivait sous le règne d’Antonin (137-161), engagé dans la controverse avec les Juifs, parle des interprétations nouvelles, contraires à celles des Septante, que les Juifs opposent maintenant aux chrétiens : « Je ne suis pas de l’avis de vos maîtres, qui ne croient pas que les Septante ont été de fidèles traducteurs, et qui entreprennent de traduire eux-mêmes ; et il ne faut pas que vous ignoriez que nombre de textes qui s’appliquaient à Jésus-Christ ont été par ces nouveaux traducteurs supprimés de l'Écriture. » Et il cite le texte Ecce adolescentula, substitué au texte Ecce virgo. Justin, Dial. cum Tryphone, c. lxxi, t. VI, col. 644. Or saint Irénée nous a appris que cette interprétation nouvelle était celle d’Aquila et de Théodotion : c'étaient donc bien vraisemblablement ces « deux maîtres » que saint Justin traitait de traducteurs tendancieux.

Saint Jérôme, In Jeremiam, v, 22, et ix, 17, t. xxiv, col. 719 et 740, mentionne deux éditions différentes de la version grecque d’Aquila ; mais la question de savoir ce qu’il faut entendre par cette editio prima et par cette editio secunda n’a pas été éclaircie encore. Le texte d’Aquila ne nous est point parvenu, il a disparu avec le judaïsme hellénistique. Mais Origène avait fait figurer dans ses Hexaples la version d’Aquila, et parmi les restes des Hexaples nous avons des restes d’Aquila. Cf. Patr. gr., t. xv et xvi.

Voir le chap. ii, De Aquilæ versione, des prolégomènes de Field à son édition des Hexaples, Origenis Hexaplorum quæ supersunt, Oxford, 1875, t. i, p. xvi-xxvii ; E. Schürer, Geschichte des jüdischen Volkes, Leipzig, 1886, t. ii, p. 704-708.

3. AQUILA (Adler) Johannes Kaspar, théologien luthérien, né à Augsbourg, le 7 août 1488, mort le 12 novembre 1560. Aquila est la traduction latine du nom allemand Adler. Après avoir fait ses études dans le gymnase de sa ville natale, il voyagea en Italie et en Suisse. Sa vie fut très agitée et très changeante. Devenu curé de Jenga, près d’Augsbourg, en 1516, il se maria bientôt après et fit profession ouverte de luthéranisme. En 1524, il professa l’hébreu à l’université de Wittenberg, et il aida Luther à traduire l’Ancien Testament. « Si la Bible était perdue, disait Luther, je la retrouverais chez Aquila. » Cet ardent luthérien composa un grand nombre d'écrits, la plupart de circonstance et de peu d'étendue. Voir Avenarius, Lebenschreibung Aquila’s, in-8o, Meiningen, 1719 ; Schlege, Leben Aquila’s, in-4o, Leipzig, 1773 ; Fr. Gensler, Vita J. C. Aquilæ, in-8o, Iéna, 18161

AQUILON (hébreu : ṣâfôn, « l’obscur, » le nord et le vent qui en vient ; Septante : βοῤῥᾶς ; Vulgate : aquilo). Ce mot désigne tout d’abord l’un des quatre points cardinaux, le septentrion. Le ṣâfôn est, en effet, la partie du ciel où le soleil ne va jamais, le côté le plus inaccessible du firmament. Is., xiv, 13. Les Hébreux s’orientaient vers le soleil levant, et ils appelaient le midi la droite. Ps. lxxxviii, 13 ; evi, 3. Mais ils donnaient de préférence aux points cardinaux le nom concret des quatre vents. I Par., ix, 21 ; Jer., xlix, 36 ; Ezech., xxxvii, 9 ; Matth., xxiv, 31. Aussi l’aquilon est-il presque toujours pris pour le nord. Pour les prophètes, Soph., 11, 13 ; Judith, xvi, 5, le « pays de l’aquilon » est l’Assyrie, qui est sensiblement 813

AQUILON — AR, AR-MOAB

814

au nord de la Palestine. La Babylonie, quoique située à l’est, est aussi désignée sous le nom de « terre de l’aquilon », Jer., i, 13-15 ; xlvi, 6, 10, 20, 24 ; Ezech., xxvi, 7, parce que les envahisseurs qui venaient de Chaldée en Palestine y arrivaient par le nord. Quelquefois cependant l’aquilon est plus spécialement le vent même du nord. La pluie vient, en Palestine, de l’ouest et du sud-ouest. Quand il y avait saute de vent, Ecole., i, 6, l’aquilon dissipait la pluie. Prov., xxv, 23. Cf. Josèphe, Ant.jud., XV, ix, 6. Ce vent avait passé par les sommets toujours neigeux et glacés de l’Hermon. Il apportait la fraîcheur en été, et, en soufflant sur les jardins, aidait les fleurs à exhaler leur parfum, Cant., IV, 16 ; mais il n'était pas toujours aussi agréable. Cf. Josèphe, Bell, jud., III, ix, 3. C’est lui qui amenait les orages, la neige et même la gelée ; il causait encore la sécheresse, jusqu'à ce que la pluie abattît le vent. Ezech., i, 4 ; Eccli., XLin, 18-23. À Jérusalem, le vent du nord souffle environ trente jours par an, celui du nord-est trente-trois jours, et celui du nord-ouest cent quatorze jours. Socin, Palestine et Syrie, p. 168. Dans la vallée encaissée du Jourdain, c’est ordinairement un

contre-courant du nord qui règne en hiver.
H. Lesêtre.

1. AQUIN (Louis -Henri d'), auteur juif du XVIIe siècle, fils de Philippe d’Aquin, né à Avignon, se convertit et se fit baptiser avec son père. Il était très habile dans la science rabbinique et les langues orientales. On a de lui : 1° Levi Gersonidse commentaria in quinque priora capita libri Jobi, in-4°, Paris, 1622 ; 2° Raschii scholia in librum Esther in versione latina, cum excerptis quibusdam ex Talmude et Jalkut in eumdem librum, in-4°, Paris, 1622. Cf. Bourgerel, Mémoires pour servir à l’histoire des Juifs de Provence, dans les Mémoires de littérature et d’histoire, t. ii, p. Il ; Kalkar, Israël und die Kirche, p. 52. E. Levesque.

2. AQUIN (Philippe d'), Juif, né à Carpentras, se nommait Juda Mordecaï avant sa conversion à la foi chrétienne. Comme il se fit baptiser à Aquino, dans le diocèse de Naples, il prit le nom d’Aquin. Il alla, en 1610, à Paris, où il fut nommé professeur d’hébreu au collège de France, et aida Michel Le Jay dans l’impression et la correction des textes hébreux et chaldéens de sa Polyglotte. Siméon de Muis, au psaume xxxv, 14, de son commentaire, le loue en ces termes : « Vir rarse et exquisitissimae in hebraïcis litteris doctrinse. » Il mourut en 1650. On a de lui : 1° un dictionnaire hébreu, araméen et talmudique, intitulé Ma'ârik hamma'ârâkôf, Celui qui dispose en ordre, et en sous-titre : Dictionarium absolutissimum complectens alphabetico ordine et facili methodo omnes voces hebrseas, chaldseas, talmudico-rabbinicas, quss in reliquis, quse uspiam sunt, Dictionariis extent, innumerasque alias quse a nullo lexicograplto sive christiano, sivejudœo, hactenus observâtes sunt : variorum prœterea legis cxremoniarum, sententiarum ac locorum difficiliorum in Rabbinorum et Cabbalistarum libris passim occurrentium explicationem, necnon compendia scribendi, seu abbreviaturas omnes Hebrxorum, in-f°, Paris, 1620 ; 2° Philippi Aquini Primigenix voces seu Radiées brèves lingusz sanctse, cum thematum investigandi ratione, in-16, Paris, 1620 ; 3° Veterum Rabbinorum in exponendo Pentateucho Modi tredecim, quorum explicatio lucem maximam afferet Us, qui legem accurate volunt interpretari, et scripta Rabbinorum intelligere, in-4o, Paris, 1620 ; 4° Dissertation du Tabernacle et du Camp des Israélites, recueilly de plusieurs anciens Docteurs hébreux, in-4o, Paris, 1623. Une nouvelle édition améliorée, in-4°, Paris, 1624, porte le titre suivant : Explications littérales, allégoriques et morales du Tabernacle que Dieu ordonna à Moïse, des habits des prestres et de la façon qu’on consultait le Rational en la loi ancienne, ensemble de la forme des sacrifices judaïques ; le tout curieusement recueilli et fidèlement traduit des

plus savants et anciens auteurs hébreux : avec un discours du camp des Israélites, et la description des pierreries du rational du grand prestre, ajoutés à la fin pour la seconde édition, revue par l’auteur. 5° Il composa aussi une version en hébreu du Nouveau Testament avec des notes sur les Épitres de saint Paul, propres, dit- ii, à éclairer les Juifs. Voir Lelong, Dissertation historique sur les Bibles polyglottes ; Bourgerel, Mémoires pour servir à l’histoire des Juifs de Provence, dans les Mémoires de littér. et d’hist., t. ii, p. 11. E. Levesque.

AR, AR-MOAB (hébreu : 'Âr, Num., xxi, 15 ; Deut., H, 9, 18, 29 ; 'Ar Mô'âb, Num., xxi, 28 ; Is., xv, 1 ; Septante : "Hp, Num., xxi, 15 ; 'Apo-^p, Deut., ii, 9, 18, 29 ; t] MwocêïTt ; , Is., xv, 1), capitale du pays de Moab, située à la partie septentrionale, au sud de l’Arnon. Is., xv, 1 ; Num., xxi, 28.

I. Noms. — On regarde généralement 'Ar comme la forme moabite de l’hébreu 'îr, « ville, » de même que, dans l’inscription de Mésa, Qar répond à Qiryâh avec la même signification. C’est pour cela que plusieurs auteurs veulent reconnaître la cité dont nous parlons dans 'Ir Mô'âb de Num., xxii, 36, quoique toutes les versions aient rendu ces deux mots d’une manière indéfinie par iitSXiv Mwàê, oppido Moabitarum, « une ville de Moab. » C’est à tort que les Septante ont, dans trois endroits, Deut., n, 9, 18, 29, traduit 'Ar par 'Aporip, Aroer : ce sont deux villes distinctes ; la première, en effet, fut donnée en héritage « aux fils de Loth », c’est-à-dire aux Moabites, dont les Israélites devaient, par ordre de Dieu, respecter le territoire, Deut., ii, 9, tandis que la seconde, située au delà de l’Arnon, faisait partie de la tribu de Ruben. Jos., xili, 9, 16 ; Deut., ii, 36.

Au temps d’Eusèbe et de saint Jérôme, Ar était connue sous le nom d"Apeôm>Xiç ou de Rabbath-Moab, c’est-àdire « Moab la grande ». Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 276, au mot M.w&ë ; S. Jérôme, Liber de situ et nominïbus locorum heb., t. xxiii, col. 909 ; Comment, in Isaiam, xv, 1, t. xxiv, col. 167. Dans ce dernier passage, le saint docteur explique 'Ape^oXic par l’hébreu 'Ar et le grec niXiç, rejetant l'étymologie adoptée par la plupart de ses contemporains, "Apsoc itoXi ; , « ville de Mars. » Sans parler de la philologie, qui pourrait trouver à redire à cette explication, M. de Saulcy prétend que la numismatique lui donne tort ; car, sur différentes monnaies romaines appartenant à cette ville (fig. 199), on voit l’image d’une « divinité guerrière, casquée et cuirassée, tenant une épée de la main droite, et, de la gauche, une lance et un bouclier rond ; c’est évidemment Mars ou Ares ». Numismatique de la Terre Sainte, Paris, 1874, p. 355. Etienne de Byzance, dans ses Ethniques, Leyde, 1691, p. 651, nous apprend également qu’Aréopolis n’est autre chose que 'Paoâ6[iu>|jia, probablement 'Paoix6|jiu)êa, comme sur les monnaies, c’est-à-dire Rabbath-Moab.

Théodoret, dans son Commentaire sur Isaïe, xv et xxix, t. lxxxi, col. 341 et 376, dit qu’Ariel, 'Apiift, aurait été aussi le nom d’Aréopolis. Eusèbe, Onomasticon, p. 228, rapportant cette même opinion, ajoute que, de son temps, les habitants de la ville appelaient encore leur divinité Ariel, et c’est peut-être pour défendre son temple qu’ils montrèrent ce furieux acharnement dont parle Sozomène. H. E., vii, 15, t. lxvii, col. 1457. Enfin Reland, Palxstina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. ii, p. 577, pense que de là vient le nom de la contrée appelée 'AprfiXixii, Aréilitide ou Ariélitide par saint Épiphane, Adv. hser., i, t. xii, col. 261.

IL Identification. — Une tradition, remontant au moins jusqu’au : ' siècle, regarde donc comme identiques ArMoab, Aréopolis et Rabbath-Moab. C’est pour cela qu’un grand nombre d’auteurs ont reconnu cette antique cité dans les ruines actuelles d’Er-Rabbah, à l’est de la mer Morte, à peu près à moitié route entre Kérak et l’Arnon. Cf. Seetzen, Reisen durch Syrien, Palâslïna, etc., Ber815

AR, AR-MOAB

816

Jin, 1854, t. i, p. 411 ; Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 166 ; Van de Velde, Memoir to accompany the Map of the Holy Land, 1859, p. 287 ; G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 12, etc. Suivant Aboulféda, Géographie, texte arabe publié par MM. Reinaud et le baron Mac Guckin de Slane, Paris, 1840, p. 247, Er-Rabbah a succédé à « une ville capitale très ancienne », qu’il nomme Mâb, et dont « la mention est célèbre dans l’histoire des Israélites ». Mâb rappelle évidemment l’hébreu 3nid et la Mraiê de YOnornasticon, p. 276, « ville de l’Arabie, qui est maintenant Aréopolis ; le pays s’appelle aussi Moab, mais la ville a comme nom propre Rabbalh-Moab. »

Plusieurs exégètes cependant n’admettent pas l’identité d’Ar ou Aréopolis et d’Er-Rabbah. Dietrich l’a combattue dans Merx, Archiv fur ivissenschaftliche Erforschung des A. T., ., p. 320 et suiv. Ses arguments sont ainsi résumés par Franz Delitzsch, Riblischer Commentai- ûber das Alte Testament, das Ruch Jesaia, Leipzig, 1889, p. 220 : « 1° L’Ancien Testament et les versions ne connaissent aucune Rabbah moabite ; c’est Eusèbe qui la mentionne le premier, et elle semble, après la ruine d’Ar par le tremblement de terre dont parle saint Jérôme, être devenue la capitale du pays et avoir reçu, avec le nom de Rabbath Moab, celui d' 'Apsôito^i ; . — 2° Ar était située sur les bords de l’Arnon, tandis que les ruines de Rabbah se trouvent à six heures au sud du torrent, non pas à la frontière nord, mais au milieu même de Moab. Le récit de Num., xxi, 28, rend vraisemblable la position d’Ar au confluent du Ledjoum et du Modjib, peutêtre (au moins les fortifications placées « sur les hauteurs de l’Arnon » ) aux ruines actuelles d’Oumm er-Reçâs, au sud-est (?) du même confluent. »

Il est vrai que l’Ancien Testament et les versions ne parlent

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199. — Monnaie d’Ar -Moab.

Tête laurée de Septime-Sévère. A2 SEOTHPÛ.- i^.PABBA© MQI3 A. Divinité guerrière de face, casquée et cuirassée, tenant une épée de la main droite, et de la gauche une lance et un bouclier. À droite et ii gauche, dans le champ, un autel allumé en forme de colonnette.

d’aucune Rabbath de Moab ; mais, bien avant Eusèbe et saint Jérôme, on connaissait une ville dont les monnaies d’Antouin, de Septime-Sévère et de Caracalla nous ont conservé le nom de PAlîBAfc) MQBA (fig. 199) ; cf. de Saulcy, Numismatique de la Terre Sainte, p. 355-358. La Notitia dignilatum imperii, après avoir mentionné la cohors tertia Alpinorum auprès de l’Arnon, nous montre la ville d' Aréopolis occupée par les Equités Mauri Illijriciani. Cf. Reland, Palxslina, p. 579. Dire d’ailleurs que, Ar une fois détruite, Rabbath a hérité de son importance comme capitale avec un nom nouveau, est une assertion gratuite. L’opinion des contradicteurs de saint Jérôme est basée principalement sur cette croyance que « Ar était située sur les bords de l’Arnon ». Les preuves ne sont pas convaincantes. Un chant tiré « du livre des Guerres du Seigneur », Num.. xxr, 15, semble placer Ar « sur la frontière de Moab > ; mais, outre l’obscurité du texte, ne peut-on pas dire avec IL B. Tristram, The Land of Moab, Londres, 1874, p. 110, que, « comme il n’y a pas trace d’une cité importante entre Er-Rabbah et l’Ar non, il est aisé de comprendre pourquoi, dans ce passage, Arest regardée comme étant à la frontière septentrionale. » On l’assimile ensuite à « la ville qui est au milieu du ? torrent », c’est-à-dire de la vallée arrosée par le torrent d’Arnon, Jos., xiii, 9, 16 ; Deut., ii, 36 ; mais 1° toutes les versions ont ici rendu hâ'îr (avec l’article) par lele nom commun civitas, urbs, oppidum, « ville ; » 2° cette ville de la vallée, citée avec Aroer comme limite méridionale des possessions israélites au delà du Jourdain, semble avoir appartenu, aussi bien qu’Aroer (dont elle est distincte d’après le texte hébreu) aux enfants d’Israël, tandis que Dieu avait exclu Ar-Moab de leurs conquêtes. Quant à 'Ir Mô'âb, Num., xxit, 36, dans laquelle plusieurs auteurs reconnaissent la grande cité moabite, nous dirons également que toutes les versions ont traduit 'Ir par le nom commun et que l’absence de l’article en hébreu laisse au mot son sens indéfini.

D’un autre côté, Oumm er-Reças, où l’on voudrait voir l’emplacement d’Ar, se trouve, non pas au sud-est, mais bien au nord-est de l’Arnon, et est ainsi complètement à l’opposé de cette dernière". Aussi quelques-uns préfèrent Mouhâtet el-Hadj, un peu au-dessous de l’embouchure de VOuadi Enkeiléh dans VOuadi Modjib ; 'mais ces ruines paraissent peu importantes pour une ancienne capitale de Moab. Nous croyons donc devoir maintenir le site traditionnel d’Er-Rabbah.

III. Description. — Er-Rabbah est située â l’est de la mer Morte, en face de la presqu'île d’El-Liçân, sur la grande route qui conduit de Kérak vers Dhibân (Dibon) et Hesbdn (Hésébon) au nord. Plusieurs monticules, couverts d’herbe, semblent cacher les débris d’importantes constructions et payeraient sans doute amplement, par de curieuses découvertes, les recherches de l’explorateur (fig. 200). Parmi les ruines on remarque surtout une belle porte romaine qu’un tremblement de terre a disloquée. L’arcade principale s’est écroulée ; mais, à droite et à gauche, subsistent encore, parfaitement intactes, de petites arcatures latérales qui sont murées et n’ont du être que des fausses portes. Au-dessus de la petite porte de droite, les pierres de taille, secouées par le tremblement de terre, ont glissé les unes sur les autres, de sorte qu’elles ont l’air suspendues et prêtes à crouler au moindre choc. Cf. de Saulcy. Voyage autour de la merMorte, Paris, 1852, t. i, p. 347 ; atlas, planche xx. En deçà, quelques fûts de colonnes sont encore debout ; mais, hormis quelques tronçons et chapiteaux gisant épars sur le terrain, il semble que cet emplacement n’ait jamais été couvert de constructions, et qu’il devait être une sorte de place publique. De riches fragments analogues forment une véritable bordure à droite de la route qui conduit à ce point.

Un peu au sud de la porte romaine se trouvent deux citernes carrées : la première, à cinquante mètres du chemin, est de dimension ordinaire ; la seconde, plus loin et à cent mètres sur la droite, est trois fois plus grande. Les décombres qui les entourent au loin montrent que tout un quartier de la ville a du exister de ce côté.

A deux cents mètres à gauche est une enceinte carrée, dont les murs ont encore près de deux mètres de hauteur, et qui fut très probablement jadis le parvis d’un temple. Cette enceinte, ouverte au nord, est pavée de blocs équarris de lave noire. Dans les décombres se rencontrent fréquemment des blocs de lave travaillés, et qui appartiennent à une civilisation antérieure à la venue des Romains. L’un d’eux est un fragment de chambranle de porte ou de fenêtre, garni de moulures et d’un fleuron à l’angle. Cf. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, p. 348, atlas, pi. l. Ce fleuron, dit M. Perrot, « rappelle celui d’où s'élance la plante sacrée dans les bas-reliefs assyriens ; il fait songer aussi à cette espèce de fleur qui surmonte parfois la tiare des génies, » Histoire de l’art dans l’antiquité, Paris, 1887, t. IV, p. 397, fig. 209. Le 817

AR, AR-MOAB

ARA

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fragment, rapporté par M. de Saulcy, est conservé au musée du Louvre, salle judaïque ; cf. A. Héron de Villefosse, Notice des monuments provenantde laPalestine, Paris, 1879, p. 13-14. Les environs de la ville sont euxmêmes remplis de ruines et de décombres qui attestent l’importance de la cité antique. En somme, si Er-Rabbah porte les marques de l'époque romaine, elle renferme aussi d’abondantes traces d’une période antérieure.

L’histoire d’Ar, au point de vue biblique, se confond avec celle du pays de Moab, dont elle est du reste le représentant en plus d’un endroit, Deut., ii, 9 ; Is., xv, l ; mais, en dehors de cela, elle ne présente aucun fait saillant. Aréopolis fut comprise dans la « troisième Palestine » (Etienne de Byzance, Ethnie, p. 651), et fut le sièged’un évêché. Saint Jérôme nous apprend qu’elle fut en partie renversée par un tremblement déterre, Comment, in Isaiam, l. xxiv, col.168 ; ce qui, d’après certains calculs basés sur les écrits d’Ammien Marceliin, serait arrivé en 365 après J.-C, ou plutôt, suivant d’autres supputations, l’an 344. A. Legekdre.

Aria se rapporte à la grande famille des peuples aryens, dont le nom sanscrit ârya signifie « noble, de bonne famille ». Cf. MaxMûller, La science du langage, Paris, 1876, p. 287. Bochardest, comme nous le verrons, plus près de la vérité, quand il rapproche Hara de la racine hébraïque signifiant « montagne, pays montagneux ». Cf. l’arabe El-Djébàl.

George Rawlinson, dans Smith’s Dictionaiij of the Bible, Londres, 1861, 1. 1, p. 754, au mot Hara, propose de l’identifier avec Haran, la ville de Mésapotamie où vint Abraham après avoir quitté Ur de Chaldée. Dans les Paralipomènes, dit-il, les noms diffèrent souvent de ceux que l'Écriture emploie ailleurs, parce qu’ils représentent une forme plus récente ; et ainsi Hara pourrait correspondre à Carrhse, qui, comme nous l’apprennent Strabon et Ptolémée, désignaitchez lesGrecs la ville de Haran. Nous pouvons supposer alors que, dans la pensée de l’auteur des Paralipomènes, une partie des Israélites avait été transportée à Haran sur le Bélik, tandis que le plus grand nombre avait été envoyé

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200. — Porte romaine d’Er-Rabbah (Aréopolis). D’après F. de Saulcy, Voyage autour de la Mer V / (, ill. i ' * »

ARA (hébreu : 'Ard' ; c’est probablement le même mot que 'ârî, « lion ; » Septante : 'Api), troisième fils de Jéther, de la tribu d’Aser. I Par., vii, 38.

ARA (hébreu : Hârâ' ; omis par les Septante), contrée où Théglathphalasar, roi d’Assyrie, déporta les tribus transjordaniennes de Ruben, de Gad et de Manassé. 1 Par., v, 26. Le silence des Septante et de la Peschito a fait supposer à quelques auteurs que ce nom aurait été interpolé après la composition de ces versions ; mais ce silence ne saurait l’emporter sur l’autorité des manuscrits hébreux et de la Vulgate. Il n’en est pas moins difficile cependant de déterminer l’origine du mot, sa signification, aussi bien que le pays auquel il correspond. Les principales opinions émises à ce sujet sont les suivantes :

Bochard, Phaleg, iii, 14, Cæn, 1646, p. 220, s’appuyant, d’un côté, sur les passages parallèles de IV Reg., xvii, 6 ; xvill, 11, dont nous parlerons toutà l’heure. et, de l’autre, sur la ressemblance onomastique, reconnaît dansfletra soit une partie de la Médie, soit la Médie ellemême, que Pausanias apelle 'Apîoc, et dont les habitants sont nommés "Asioi par Hérodote, vii, 62. Ce serait ainsi l’ancienne.4Wa, T’Apelade Ptolémée, vi, 17, et de Strabon, xi, 516, située entre le pays desParthes et llndus, et que rappelle aujourd’hui la ville d’Hérât, dans le Khoraçan oriental. Cf. G. B. Winer, Biblisches Realwôrterbuck, Leipzig, 1847. t. i, p. 464, au mot Hara. Cette assimilation ne peut se soutenir, car Aria et Hara ont une origine et une signification complètement différentes :

vers le Chabour. Cette opinion, conforme, à la rigueur, " au récit biblique, puisque bon nombre d’auteurs placent Hala, Habor et Gozan dans cette contrée de la Mésapotamie, se heurte à une difficulté philologique, la différence radicale qui existe entre Hdrd ', Nin, etHdrân,

T T

pn, par l’aspiration initiale et la lettre finale.

T T

La solution la plus juste nous paraît être la suivante. L’auteur des Paralipomènes s’est sans doute servi des passages parallèles, IV Reg., xx, 19, 29, etxvii, 6 ; xviii, 11. Or le livre des Rois indique comme lieu de déportation « Hala, Habor, le fleuve de Gozan et les villes de Médie, » IV Reg., xvii, 6 ; xviii, 11, tandis que celui des Paralipomènes mentionne « Hala (Vulgate : Lahela), Habor, Ara, et le fleuve de Gozan. » I Par., v, 26. N’est-on pas, d’après cela, porté à croire qu’il y a eu interversion dans lesecond récit, et qu’A ra correspond aux villes de Medie du premier ? Mais encore quelle relation y a-t-il entre les noms 1 ! On peut trouver la réponse dans cette conjecture très vraisemblable : au lieu de 'Are Mddâi, na >-, -, « les ville ?

de Médie », les Septante ont lii, dans les deux endroits, IV Reg., xvii, 6 ; xviii, 11, Hârê Mddâi, na nn, « les

T T " T

montagnes des Mèdes », ô'pn MrjSwv. Etait-ce là la leçon primitive du livre desRois ? c’estpossible. Hara des Paralipomènes serait donc simplement la forme araméenne de l’hébreu Ha » ', et le nom vulgaive des montagnes de Médie, reproduit par l’arabe El-Djébàl, « les montagnes », qui est plus particulièrement employé, dans la géographie

musulmane, pour désigner la partie montagneuse de l’Irak persan, l’ancienne Médie. Ce nom d’Hara peut même provenir des Juifs exilés dans ce pays, et l’auteur sacré peut l’avoir trouvé dans les sources particulières dont il s’est servi. Cf. Keil, Biblischer Commentar ûber das Alte Testament, Chronik, Leipzig, 1870, p. 80. Telle est en substance l’opinion de Schrader dans Riehm’s Handwôrterbuch des biblischen Altertums, Leipzig, 1884, t. i, p. 570, au mot Hara ; de Gesenius, Thésaurus linguse hebrsex, p. 392.

Le livre de Tobie, i, 16, confirmé par les monuments assyriens, nous apprend aussi qu’un certain nombre de captifs s'établirent en Médie. « Les Mèdes, dit M. Vigoureux, avaient envahi les pays situés à l’ouest de Rhagse et s’y étaient solidement établis dans les temps qui précédèrent l’avènement de Théglathphalasar, le vainqueur d’Israël. Ce voisinage inquiéta les Assyriens. Théglathphalasar porta ses armes dans la direction du Zagrus dès la seconde année de son règne ; il parcourut victorieusement la Médie dans toute son étendue, et ses succès furent tels, qu’il n’eut pas besoin d’y recommencer ses expéditions pendant tout le reste de ses jours. » La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., Paris, 1889, t. jv, p. 154. Ce roi d’Assyrie, qui le premier pratiqua sur une large échelle la politique barbare de transplanter dans d’autres contrées les populations vaincues, put donc déporter dans le pays lointain des Mèdes les enfants d’Israël, comme le fit également Sargon, son second successeur,

le vainqueur de Samarie. Voir Médie.
A. Legendre.
    1. ARAAS##

ARAAS (hébreu : Ifarhas ; Septante : 'Apâ ; ), père de Thécua et ancêtre de Sellum, l'époux de Holda, prophétesse du temps de Josias. IV Rois, xxil, 14. Dans II Par., xxxiv, 22, il est appelé Hasra (hébreu : hasrah, « indigène » ).

ARAB (hébreu : 'Àrâb ; Septante : À ! pé[i), Jos., xv, 52 ; ville de la tribu de Juda. La Vulgate écrit Arbi dans II Reg., xxiii, 35. C’est la première ville du second groupe appartenant au district montagneux. Jos., xv, 52-54. Saint Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 894, signale à propos d' « Éreb, dans la tribu de Juda…, un bourg du Daroma, c’est-à-dire de la région méridionale, qui s’appelle Érémiththa », lléromith suivant d’autres éditions, 'Epéquv9a dans Y Onomaslicon, Goettingue, 1870, p. 254. C. R. Couder écrivait de Yutta, le 5 novembre 1874 : « À l’est d’Hébron, un site très ancien a été découvert par le caporal Armstrong, et est connu sous le nom de Khirbet el-'Arabiyéh (la ruine arabe). On y remarque plusieurs puits et citernes, et il est situé près d’une des routes principales. À cette identification on peut objecter que Yaleph hébreu est ici représenté par Vain arabe ; mais nous avons un exemple notable d’un changement absolument identique dans le nom d’Ascalon (hébreu : 'Asqelôn), maintenant 'Askelâu, et le changement est ici d’autant plus naturel, qu’il donne un sens au mot dans le langage moderne des Arabes. » Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1875, p. 14. Plus tard cependant le même explorateur plaça Arab un peu plus bas, au village actuel d’Er-Rabiyéh, au sud-ouest d’Hébron. Quarterly Statement, 1881, p. 50, et Handbook to tlw Bible, Londres, 1887, p. 403. Les auteurs de la nouvelle carte anglaise, Londres, 1890, feuille 14, ont maintenu cette identification. Cf. Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 12. Elle semble plus conforme à l'énumération de Josué, xv, 52, dans laquelle Arab se trouve près de Ruma, hébreu Dûmâh, qu’on identifie généralement avec Khirbet Daoutnéh. Voir la carte de la tribu de Juda. Cette ville était la patrie d’un des héros de David nommé Pharai. II Reg., xxiii, 35.

Voir Arbi.
A. Legendre.
    1. ARABA##

ARABA, ARBATHITE (hébreu : hâ'arbâ(i ; Septante :

6 Bap81au.ir/iç, II Reg., xxiii, 31 ; à TapagcaS', I Par., xi, 32), c’est-à-dire « natif d’Arabah », s’applique à Abialbon, un des héros (gibbôrhn) de David. II Reg., xxiii, 31 ; I Par., xi, 32. Arabah est une ville de la tribu de Benjamin, Jos., xviii, 22, sur la frontière nord-est de Juda, Jos., xv, 6, appelée Beth Araba, mais nommée aussi simplement Arabah. Cf. Jos., xv, 6, et xviii, 18. Voir Beth Araba.

A. Legendre.
    1. ARABAH##

ARABAH (hébreu : hâ'Arâbàh, avec l’article, Dcut., h, 8 ; iii, 17 ; iv, 49 ; Jos., iii, 16 ; viii, 14 ; xi, 2, 10 ; xii, 1, 3 ; xviii, 18 ; Il Reg., iv, 7 ; IV Reg., xxv, 4 ; Jer., xxxix, 4 ; lii, 7 ; Ezech., xlvii, 8 ; hâ'Arâbâfah, avec hé local, Jos., xviii ; 18 ; — Septante : "Apaêa, Deut, ii, 8 ; m, 17 ; iv, 49 ; Jos., iii, 16 ; xi, 2 ; xii, 1, 3 ; IV Reg., xxv, 4 ; Jer., xxxix, - ; lii, 7 ; 'Apa6îa, Ezech., xlvii, 8 ; Baiflipaga, Jos., xviii, 18 ; rcpbî Suapiaïç, Jos., xi, 16 ; xrrà 5u<7[iâç, II Reg., iv, 7 ; — Vulgate : campestria, Deut., ii, 8 ; IV Reg., xxv, 4 ; Jos., xviii, 18 ; planifies, Deut., iii, 17 ; iv, 49 ; Jos., xviii, 18 ; plana deserti, Ezech., xlvii, 8 ; solitudo, Jos., xii, 1, 3 ; desertiim, Jos., viii, 14 ; II Reg., iv, 7 ; Jer., xxxix, 4 ; eremus, Jer., lii, 7), nom donné, dans le texte hébreu, à la vallée profonde qui s'étend du lac de Tibériade à la mer Horte, et de la mer Morte au golfe Élanitique.

I. Nom et signification. — 1° Dans l'Écriture. Ce nom ne se trouve, dans la Vulgate, que sous la forme composée de Beth Araba, hébreu : Bêt-hâ'Ardbâh, « la maison de l’Arabah ; » Septante : B « 181pa6a, ville de la tribu de Benjamin, Jos., xviii, 22, sur la frontière nord-est de Juda, Jos., xv, 6 ; mais, dans l’hébreu, il se rencontre assez fréquemment, tantôt avec un sens général, tantôt avec un sens restreint.

Plusieurs écrivains sacrés de l’Ancien Testament, principalement les poètes et les prophètes, emploient le mot 'âràbâh avec l’idée générale de « région déserte, stérile, inhabitable ». Cf. Job, xxxix, 6 ; Is., xxxiii, 9 ; xxxv, 1 ; XL, 3 ; li, 3 ; Jer., ii, 6 ; xvii, 6 ; l, 12 ; li, 43. Gesenius, Thésaurus linguæ heb., p. 1066, le rattache à la racine 'àrâb ou 'ârêb, « être stérile, aride. » Les Septante le rendent de différentes manières : aëocroç, « inaccessible, » Jer., l, 12 ; li, 43 ; è'p7jfioç, « désert, » Job, xxxix, 6 ; Is., xxxv, 1 ; li, 3 ; Jer., xvii, 6 ; ïr, « terrain bas, » Is., xxxiii, 9 ; omeipoç (n), « (terre) inculte, » Jer., ii, 6 ; yî) Si^ûffct, « terre altérée, » Is., xxxv, 6. La Vulgate met de même, tantôt desertum, Is., xxxiii, 9 ; xli, 19 ; Jer., xvii, 6 ; Li, 43 ; tantôt solitudo, Job, xxxix, 6 ; Is., xxxv, 1 ; XL, 3 ; xxxv, 6 ; tantôt inhabitabilis (terra), Jer., ii, 6.

Mais, avec l’article défini, hâ'Arâbàh possède, notamment dans les livres historiques, comme le Deutéronome, Josué et les Rois, un sens local bien déterminé. Il indique une contrée parfaitement connue des habitants de la Palestine, c’est-à-dire cette dépression si remarquable qui s'étend des pentes méridionales de l’Hermon au golfe d’Akabah, par la vallée du Jourdain, la mer Morte et l’ouadi Arabah, qui en conserve encore le nom. Il suffit, en effet, d’un coup d'œil sur les principaux passages des livres que nous venons de citer, pour constater que ce mot, au temps de la conquête et de la monarchie, s’appliquait à la vallée dans toute sa longueur, aussi bien dans sa partie septentrionale que dans sa partie méridionale. Ainsi : 1° la région appelée plus spécialement aujourd’hui El-Ghôr, et qui va du lac de Génésaieth à la mer Morte, est clairement indiquée dans Deut., iv, 49 ; Jos., xi, 2 ; xil, 1, 3. — 2° Dans Jos., viii, 14 ; xviii, 18 ; II Reg., Il, 29 ; iv, 7 ; IV Reg., xxv, 4 ; Jer., xxxix, 4 ; lii, 7, il s’agit de la plaine du Jourdain qui se trouve au nord de la mer Morte, et, avec ce sens, ces différents passages, embarrassants pour certains commentateurs, deviennent facilement intelligibles. — 3° L’Arabah, Jos., XI, 16 ; xii, 8, compte parmi les grandes divisions de la Palestine, et est ainsi distinguée de « la montagne », har ; de « la plaine », sefêlâh ; du « midi », hannégéb ; de « la plaine du Liban ou de Cœlésyrie », biq’af hallebânôn. — 4° La mer Morte, occu

pant le point le plus profond de la vallée, portait, en raison de cette particularité, qui n’avait pu échapper aux Hébreux, le nom de yâm hâ'Àrâbâh, « mer del’Arabah, » Deut., iii, 17 ; iv, 49 ; Jos., iii, 16 ; xii, 3 ; IV Reg., xiv, 25, en même temps que celui de yâm hammélah, « mer de sel. » Jos., iii, 16. — 5° Enfin le début du Deutéronome, i, 1 ; ii, 8, nous transporte dans la partie méridionale, entre le lac Asphaltite et la mer Rouge. Ajoutons à cela le pluriel 'Arbôt, qui, souvent uni à Mô'âb, Num., xxii, 1 ; xxvi, 3, 63 ; xxxi, 12 ; xxxiii, 48, 49 ; xxxv, 1 ; xxxvi, 13 ; Deut., xxxiv, 1, 8 ; Jos., xiii, 32, et à Yerîhô, « Jéricho, » Jos., iv, 13 ; v, 10 ; IV Reg., xxv, 5 ; Jer., xxxix, 5 ; lii, 8, désigne certainement la plaine qui, d’un côté, vers l’ouest, avoisine cette dernière ville, et de l’autre, vers l’est, touche au pays de Moab. 'Arbôt Mo'âb est toujours distingué de Sedéh Mô'âb, ou les hauts plateaux cultivés qui se déroulent à l’orient.

Ce second sens dérive du premier. Le fond de cette grande vallée, plat et uni entre deux rangées de hauteurs latérales, ressemble à une plaine étroite, longue et souvent aride. L’ensemble de cette région extraordinaire mérite bien le nom de « désert » ou « solitude », attribué par les Hébreux à toute contrée plus ou moins dépourvue de villes ou d’habitations. La partie inférieure le portait à plus juste titre, et l’a conservé jusqu'à nos jours ; mais la partie supérieure elle - même pouvait le recevoir. Très peu de villes se sont formées dans la vallée du Jourdain, que l’extrême chaleur rend presque inhabitable ; et aujourd’hui encore à peine y trouve - 1 - on quelques chétifs villages sur la pente extrême des montagnes qui la bordent.

2° Dans les versions. La signification restreinte que nous venons de donner, avec l'Écriture, au mot 'Arâbâh, semble avoir échappé à plusieurs des anciennes versions et aux commentateurs anciens. La Vulgate, comme on peut le voir par l'énumération des textes cités au commencement de cet article, le rend indistinctement par campestria, planifies, solitudo, deserlum, tous mots qui lui servent de même pour exprimer les termes hébreux : Misôr, Biq'âh, Midbâr, èefêlâh, YeSimôn. On peut voir, pour la distinction de ces termes, Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1866, Appendix, p. 484-488. Les Targums mettent partout Mésra', correspondant à l’hébreu Misôr, excepté Jos., xviii, 18, où le texte est strictement reproduit par Gharabatha. Aquila, même avec sa littéralité excessive, emploie, au lieu du nom propre, son expression favorite rj bLar, « la plaine ». Pour les Septante, on se demande si c’est avec intention qu’ils ont, dans plusieurs endroits, traduit par "Apaëa et 'ApaëciO, ou s’ils n’ont point plutôt cédé à leur habitude de transcrire littéralement les mots qu’ils ne comprenaient point, comme IV Reg., ii, 14, àçqxà ; iii, 4, ïm-^S ; iv, 39, àptût), etc. Cf. Grove, dans Smith’s Dictionary of the Bible, Londres, 1861, t. i, p. 87, note e. Nous croyons que les traducteurs grecs ont bien saisi la portée de ce mot. En effet, ils ont mis "Apaëa et 'Apaëu>6 dans la plupart des passages mentionnés, et au lieu de reproduire, dans les autres, l’expression générale spr, (M>î, aëaTo ; ou 'Ù.r, ils ont toujours traduit par npô ; Svcttaïç, xorà S)aid(, lui Suupiwv, « à l’occident, » ce qui prouve simplement une lecture fautive, ma'âràbâh (de ma'ârâb, « contrée occidentale, » avec hé local) pour bâ'ârâbàh, « dans l’Arabah, » rien n'étant plus facile que la confusion entre le 3, beth, et le 3, mem. Dans certains cas même, ils ont accentué l’idée en mettant l’article, tt)v "Apo6a, Deut., ii, 8 ; iv, 49 ; IV Reg., xxv, 4, ou ttjv yt)v "Apaëi, Jos., xii, 1. La version syriaque donne 'Araba dans tout le Deutéronome, puis le nom général de « plaine » dans les autres livres. La version arabe emploie quatre fois le nom spécial d’El-Ghôi ; jjyJI, Deut., i, 7 ; iii, 17 ; iv, 49 ; xi, 30.

3° Dans les historiens et les géographes. Josèphe appelle la vallée du Jourdain neya tccSîov, Ant. jud., IV, vi, 1, etc., dénomination qu’il applique également à la plaine

d’Esdrelon, Bell, jud., IV, I, 8. Au temps d’Eusèbe et de saint Jérôme, 'AuXwv, Aulon, désignait cette « grande vallée dont l’immense longueur se déroule entre deux chaînes de montagnes parallèles, qui, commençant au Liban, vont jusqu’au désert de Pharan. L' Aulon renferme les villes illustres de Scythopolis, Tibériade et Jéricho. » Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 214 ; S. Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 866. Au mot grec 'A-jXmv, « fossé, dépression, » correspond le. nom A’El-Ghôr (gh = r grasseyé), donné à la plaine du Jourdain-par les écrivains arabes, Édrisi, édit. Jaubert, p. 337, 338 ; Aboulféda, Géographie, texte arabe, publié par MM. Reinaud et le baron Mac Guckin de Slane, Paris, 1840, p. 243, 245, etc., et que Freytag, Lexicon arabicolatinum, 4 in-4°, Halle, 1835, t. iii, p. 301, rattache à la

racine '[^, avec la signification de terra depressa « terre

basse, abaissée ». Aboulféda même, Tabulée Syrise, édit. Kbhler, Leipzig, 1766, p. 8, 9, suivant Robinson, donne au mot Ghôr toute l’extension de l’hébreu 'Arâbâh, et l’applique à la vallée dans toute sa longueur. Cf. Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 186. Ce mot néanmoins a été restreint à la partie septentrionale, comme l’antique dénomination hébraïque à la partie méridionale. Pour l’ensemble et l’examen de ces données historiques et géographiques, voir Reland, Palsestina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. i, p. 359-366.

II. Description. — 1° L’Arabah dans toute son étendue. Outre sa célébrité historique, cette vallée présente un dès phénomènes géologiques les plus étonnants. Elle court, dans une longueur d’au moins 440 kilomètres, depuis les pentes méridionales du grand Hermon, au nord, jusqu’au golfe d’Akabah, sur la mer Rouge, au sud. Partant, si l’on veut, de la source la plus élevée du Jourdain, le Nahr el-Hasbany. à 563 mètres au-dessus de la Méditerranée, elle descend jusqu'à la profondeur de 392 mètres audessous, à l’embouchure du fleuve dans la mer Morte. C’est donc une différence de 955 mètres entre son point de départ et son niveau le plus bas ; et une pareille dépression est la plus forte qui existe sur la surface du globe. De l’extrémité méridionale du lac Asphaltite, elle se relève insensiblement jusqu'à 240 mètres au-dessus de la Méditerranée. C’est, en effet, à 110 kilomètres environ au sud de la mer Morte, et à 71 kilomètres au nord du golfe Élanitique, que se trouve la ligne de partage des eaux : tous les torrents se dirigent, vers le nord, dans la mer Morte, et, vers le sud, ils vont se jeter dans le golfe Élanitique. Ainsi, pendant 250 kilomètres, la vallée d’Arabah s’abaisse de 955 mètres, pour se relever ensuite de 632 mètres, et s’abaisser de nouveau de 240 mètres. Nous ne dirons rien du Ghôr ou de la partie supérieure, renvoyant pour les détails à l’article Jourdain ; mais nous décrirons comme il convient la partie inférieure, qui nous a conservé le nom même employé par l'Écriture.

2° L’Arabah actuel ou Ouadi el-Arabah. Si, de l’Hermon à la mer Morte, la vallée descend, par une ligne directe, du nord au sud, elle fléchit du nord-nord-est au sud-sudouest, à partir de la mer Morte jusqu’au golfe d’Akabah. Elle garde néanmoins la raideur et l’aspect général du Ghôr, encaissée comme lui entre deux rangées de hauteurs d’une élévation inégale, trait caractéristique de toute la région. Les montagnes qui la ferment des deux côtés sont la continuation de celles qui bordent la plaine du Jourdain, mais avec un caractère plus grandiose et plus désolé. Celles de l’est sont beaucoup plus élevées et plus abruptes que celles de l’ouest. Voir la carte, fig. 201.

L’escarpement occidental et le plateau qu’il termine sont de formation calcaire : c’est le prolongement des terrasses de Judée, venant, vers le sud, aboutir au Djebel et-Tih, qui couvre l’entrée de la péninsule sinaïtique. Après les vallées fertiles, les cantons verdoyants et les plaines stériles qui se succèdent en descendant d’Hébron,

on ne trouve plus, dans la partie méridionale et centrale, que des plaines ondulées, absolument nues, plutôt pierreuses que sablonneuses : tristes solitudes qui ont reçu des Arabes le nom de Tih ou désert de « l’Egarement », en souvenir des longues pérégrinations qu’y firent les Hébreux. Ce plateau, qui domine de cinq ou six cents

L.Thnfflier.deI ?

Echelle

zo 30 40 KHoxxi 201. — Carte de l’Ouadi el-Arabah.

mètres la vallée d’Arabah, donne passage à un système d’ouadis incliné au nord-est, avec deux issues principales, VOuadi Fikréh et l’Ouadi Djéraféh. Ces torrents sont à sec la plus grande partie de l’année ; mais les pluies d’hiver, quand elles sont fortes et prolongées, donnent par eux une fertilité passagère à quelques coins du désert.

La muraille orientale est formée par les monts de l’Idumée ou de Séir, lisière longue et étroite, dont le développement du nord au sud égale et suit le cours de l’Arabah, et dont la plus grande largeur ne dépasse guère trente-cinq kilomètres. C’est une chaîne de grès, de granit et de porphyre, où l’action des feux volcaniques a laissé de nombreuses traces, et que sillonnent d’innombrables ravins descendant vers l’Arabah, gorges sinueuses que la

i saison des pluies change en fougueux torrents. Outre ces

! courants temporaires, des sources entretiennent dans

I beaucoup d’endroits une fraîcheur permanente, et y peri mettent un peu de culture : de là le contraste qui existe avec l’aridité des déserts entre lesquels cette contrée montagneuse est interposée. À peu près vers le milieu, cette chaîne d’Edom est couronnée par la cime du mont Hor ou Djebel Haroun, qui, pareil à un cylindre terminé par un cône surbaissé, commande l’Ouadi Arabah comme le éneau isolé d’une immense muraille. En nous plaçant s ir son sommet, qui domine la mer d’environ 1 328 mètres, rien n’est plus facile que de comprendre la structure géologique de l’Arabah. Au premier plan s'étend la terrasse de grès de Nubie qui forme le sommet du mont Hor ; puis, à droite, les porphyres avec les filons de diverses viriétés qui en sillonnent la masse. Sur ces porphyres cnnent s’adosser les grès de Nubie, composés en grande partie de leurs éléments désagrégés. Au centre, la petite chaîne déchiquetée des poudingues tertiaires, supportée par les grès de Nubie ; puis des îlots de porphyre disséminés à travers les terrains crétacés, et reconnaissables i leurs formes aiguës, ainsi qu'à leur ton sombre ; à gauche, une montagne crétacée. Enfin, dans le fond, les alluvions et les sables de l’Ouadi Arabah forment une bande horizontale, à laquelle viennent se réunir celles des divers ouadis tributaires, et qui sépare le massif iduméen des collines crétacées qu’on voit former, à l’horizon, les plateaux du Tih. Cf. duc de Luynes, ' oyage d’exploration à la mer Morte, 3 in-4°, Paris, t iii, p. 323, planche iv ; voir aussi une belle carte géologue de l’Ouadi el-Arabah, dans Edward Hull, Memoir of tle Geology and Geography of Arabia Pelrssa, Palestine and adjoining districts, Londres, 1889, p. 138. Voir Iduuee.

Entre ce double encaissement, la vallée d’Arabah se déroule ainsi comme un vaste sillon, dont la largeur, en moyenne de neuf à dix kilomètres, atteint presque le double vers le centre. Montant peu à peu, nous l’avons dit, depuis l’hémicycle qui ferme la Sebkah, jusqu'à la hauteur de 240 mètres, elle descend ensuite au niveau delà mer, en se rétrécissant d’une manière continue ; à partir de la ligne de partage des eaux, la chaîne occidentale se rapproche sensiblement des montagnes d'Édom. Le fond de cette immense tranchée n’est, aux deux extrémités, septentrionale et méridionale, que l’ancien dépôt des deux mers qu’elles touchent, de formation récente, post-pliocène ou pliocène. Dans l’intervalle se trouvent des bancs de sable, de gravier, de cailloux roulés et de marne, à travers lesquels émergent, de distance en distance, certaines roches calcaires. Tout le versant nord est occupé par ÏOuadi el-Djeib, qui contourne la lisière occidentale, et reçoit les nombreux affluents dont les lits, descendant des monts de l’Idumée, sillonnent la plaine dans la direction du sud-est au nord-ouest. Près de son débouché dans le Ghôr, l’Ouadi el-Djeib est bordé de falaises hautes de dix à quinze mètres, laissant entre elles un lit très uni d’environ cinq cents mètres, où les courants qui l’ont formé ont laissé la trace de leur passage et leur boue desséchée. Il conserve pendant plusieurs kilomètres cet escarpement, résultat de l’excavation des eaux ; puis, au delà de ÏOuadi Haseb, les (alaises s’abaissent de plus en plus pour disparaître complètement. À partir de VOuadi Gharundel, l’un des plus importants du massif oriental, les torrents, moins étendus, se dirigent vers le sud, amassant dans la plaine, en forme d'éventail, des dépôts de cailloux roulés.

En somme, l’Ouadi el-Arabah contraste singulièrement avec le Ghôr. Au lieu d’un fleuve dont les eaux abondantes et perpétuelles entretiennent une belle ligne de verdure, la vallée méridionale ne possède que des courants temporaires, insuffisants pour féconder le sol. Quelques chétives sources, espacées à d’assez grandes distances, nourrissent à peine quelques arbres, et n’oflrent

même pas au voyageur les ressources dont il a besoin. En allant du nord au sud, on trouve YAïn Ghuwiréh, d’un demi-mètre de diamètre ; son eau, fraîche et sensiblement sulfureuse, sort, au milieu des roseaux, d’un terrain sablonneux, parsemé de mimosas. Plus bas, YAïn Gharundel, à deux cents mètres environ de l’Ouadi du même nom, perd ses eaux dans le sable : néanmoins deux grands palmiers et quatre ou cinq petits qui l’ombragent, aussi bien que les joncs qui croissent à l’entour, semblent prouver qu’elle ne tarit jamais absolument. Enfin, plus bas encore, en amont d’un groupe de palmiers, de roseaux et de tamaris, et au pied d’un gradin calcaire de la chaîne iduméenne, est une fontaine dont l’ouverture est carrée, d’un mètre à peu près ; elle entretient la fraîcheur et la végétation d’un fourré de verdure, et s’appelle Ain Thaabéh ou Tàbâ. L’hiver, quelques bas-fonds sont transformés en lacs par l’eau des torrents.

3° L’Arabah et le lit du Jourdain. La formation de la mer Morte et le cours du Jourdain ont été longtemps

par M. le duc de Luynes et les membres de son expédition, reconnut cette ligne de partage des eaux ; mais M. Vignes en évalue l’altitude à 240 mètres. « C’est, dit-il, le point le plus bas de la ligne. Vient ensuite une chaîne de collines qui se dirige vers le nord-nord-est. La plaine formée entre ces collines et les montagnes de l’est monte vers le nord jusqu’au point (B sur la carte) où se trouve une sorte de dos d'âne transversal et à pentes douces, qui unit les collines aux derniers contreforts des montagnes d'Édom. Ce point est élevé de 3tt> mètres au-dessus de la Méditerranée, et semble répondre à la description que donne M. de Bertou du lieu qu’il appelle Es-Satéh (le toit)… En résumé, la détermination de la ligne de partage des eaux de l’Arabah ne doit plus laisser aucun doute. C’est une ligne courbe dont la direction générale est du sud-ouest au nord-est, et qui est comprise entre 30°08' et 30° 14' de latitude nord. À partir de cette ligne, vers le sud, tous les torrents ont une direction incontestable vers le golfe d’Akabah, tandis que, dans le nord, ils vont re Mètrc :

Profil du Slnaï au Liban.

l’objet d’un problème aussi intéressant que difficile. Voir Mer Morte, Vallée de Siddim. Lorsque, en 1812, Burckhaidt, Travels in Syria and the Holy Land, in-4°, Londres, eut signalé la grande vallée d’Arabah, que nous venons de décrire, une hypothèse, en apparence très plausible, fit supposer qu’elle était l’ancien chenal par où le ileuve célèbre allait autrefois déverser ses eaux dans le golfe Élanitique. M. Léon de Laborde, en 1828, publiant son Voyage de l’Arabie Pétrée, in-f°, Paris, y joignit une carte sur laquelle il n’hésita pas à appeler l’ouadi Arabah ancien cours du Jourdain. D’après lui, comme d’après beaucoup d’autres savants, les eaux du fleuve, soudainement interrompues par la catastrophe qui bouleversa la Pentapole, avaient formé le lac Asphaltite. Cependant, dès 1835, des doutes très sérieux furent émis sur cette hypothèse par M. Letronne, Journal des savants, octobre 1835, p. 51)G, et par un explorateur, le capitaine Callier, Journal des savants, janvier 1836, p. 46 et suiv. Mais ce qui jeta un jour nouveau sur la question, ce fut la découverte faite, en 1837, de la grande dépression de la mer Morte au-dessous de la Méditerranée. Cette dépression, différemment estimée par les voyageurs, Schubert, de Bertou, Russcger, Symonds, Lynch, portée par eux de 435 à 390 mètres, a été fixée en 1864, par M. Vignes, à 392 mètres.

Celle même année 1837 vit s’accomplir une autre découverte non moins importante. M. de Bertou suivit dans toute sa longueur, depuis la mer Morte jusqu’au golfe d’Akabah, cette vallée, qu’aucun voyageur moderne n’avait encore parcourue dans son entier. Il constata au milieu de ce désert l’existence d’un double versant, dont la ligne de faite est évaluée par lui à 160 mètres environ au-dessus de la Méditerranée, Voyage depuis les sources du Jourdain jusqu'à la mer Rouge, extrait du Bulletin de la Société de géographie, p. 16 et 53, avec deux cartes. L’exploration, reprise avec un très grand soin, en 1864,

joindre le cours du Ouadi el-Djeib. » Duc de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, t. ii, p. 10-11.

L'énorme dépression de la mer Morte d’un côté, et de l’autre les deux versants anticlinaux de l’Arabah, condamnent donc l’hypothèse de l’ancien écoulement du Jourdain dans la mer Rouge, à moins cependant de recourir encore à une autre hypothèse, celle d’affaissements gigantesques. « Mais, dit M. Lartet, ces affaissements n’auraient pu se produire sans déranger fortement l’horizontalité des sédiments du fond de la vallée. C’est ce que l'étude stratigraphique de ces dépôts ne permet pas d’admettre… L'étude attentive de la structure du sol aux environs du partage des eaux de l’Arabah nous fait considérer cette ligne de faîte comme un barrage crétacé, séparant d’une façon complète les deux versants anticlinaux de ce désert. À cette altitude, les terrains crétacés ne sont plus recouverts que de leurs propres débris, et n’offrent aucune trace du passage d’un ancien cours d’eau se 'dirigeant vers la mer Rouge. » Bulletin de la Société géologique de France, 2e série, t. xxii, p. 431. Cf. V. Guérin, Description de la Palestine, Samarie, t. i, p. 79-83 ; Ed. Hull, Mount Seir, p. 85.

III. Histoire. — La vallée d’Arabah, prise dans toute son étendue, est, nous l’avons dit, unique au monde au point de vue géologique ; elle occupe aussi une place à part dans l’histoire du peuple de Dieu. Nous ne dirons rien des grands événements dont le Jourdain fut le témoin, depuis le jour où ses flots se séparèrent pour livrer passage aux Israélites marchant à la conquête de la Terre Promise, jusqu'à ceiui où ses eaux furent sanctifiées parle baptême de Notre -Seigneur Jésus-Christ. Voir Jourdain. Nous devons nous borner à rappeler ici les principaux faits de l’histoire sainte qui se rattachent à l’Arabah méridional.

Sur le point de quitter Cadès, Moïse, ne pouvant attaquer le pays de Chanaan par le sud, obligé en consé

quence de prendre la route de l’est, envoya des messagers au roi d'Édom pour obtenir soit bénévolement, soit à prix d’argent, la permission de traverser son territoire. En effet, plusieurs des grandes vallées qui coupent les monts de Séir offraient une voie naturelle pour passer dans le pays de Moab. Comptant sans doute sur une réponse favorable à leur requête, faite au nom de l’amitié fraternelle, les chefs de l’armée Israélite traversèrent la plaine d’Arabah et vinrent camper en face du mont Hor. C’est alors qu’Aaron lut, par ordre de Dieu, conduit sur ce sommet désormais célèbre, pour y subir le trépas mystérieux qui devait bientôt couronner aussi sur le mont Nébo la vie de Moïse luimême. Seulement le grand prêtre, plus coupable que son frère, n’eut pas comme lui la consolation de contempler même de loin la Terre Promise : ses regards mourants n’eurent pour horizon que le désert sans fin, la longue et stérile vallée de l’Arabah et les montagnes d'Édom. Num., xx, 14-17, 22-30.

Cependant le roi des lduméens ne voulut pas écouter la prière des enfants de Jacob. À l’annonce de leur approche, il réunit toutes ses troupes pour leur barrer le passage. Num., xx, 18-21. Force fut donc à ceux-ci de descendre vers le sud, afin de contourner les montagnes dont l’entrée leur était interdite, et de remonter ensuite par le nord-est jusqu’au pays de Moab. Mais ce nouveau et difficile voyage lit éclater une révolte. Lé peuple, fatigué, murmura contre Dieu et Moïse : « Pourquoi, disait-il, nous avoir fait sortir de l’Egypte, pour que nous trouvions la mort dans un désert où nous manquons de pain et d’eau ? » Num., xxi, 4-5. Le tableau que nous avons tracé explique ces plaintes des Hébreux. Dieu, pour les punir, les livra à la morsure brûlante de serpents et reptiles venimeux, qui abondent dans la presqu'île du Sinaï et la plaine d’Arabah. Cf. D r G. H. von Schubert, Reise in das Morgenland, Erlangen, 1840, t. ii, p. 406. C’est dans ce désert que Moïse éleva le serpent d’airain. Num., xxl, 6-9. La plupart des critiques supposent que les enfants d’Israël, arrivés vers le sud, prirent, pour effectuer leur passage vers la frontière orientale, VOuadi el-Ithm, qui contourne entièrement le massif de l’Iduinée, en reliant l’Arabah à la route qui monte vers le pays des Moabites. M. le duc de Luynes fait des réserves à cette hypothèse, Voyage d’exploration à la nier Morte, t. i, p. 209.

Après la conquête de l’Idumée par David, II Reg., viii, 13-14 ; I Par., xviii, 12-13, la grande vallée d’Arabah dut servir de route commerciale entre la Palestine et le golfe Élanitique, vers Asiongaber, dont Salomon fit une ville maritime du premier ordre. C’est dans cette ville que fut préparée la flotte du grand roi, et de là qu’elle partit pour Ophir, III Reg., IX, 20 ; là aussi que Josaphat équipa ses navires pour la même destination. III Reg., xxii, 49.

Il y eut donc un temps où le commerce entretenait au milieu de ces solitudes le mouvement et la vie. Rome, maîtresse de ces contrées, y porta son génie grandiose et pratique : des postes militaires étaient échelonnés sur la route de l’Arabah, près de VOuadi Tlah, qui, au nord, commande une bifurcation importante vers le pays d'Édom et la mer Rouge, près de VOuadi Haseb, à VAïn Melihéh, à VOuadi Gharundel, à VOuadi Tourban. Cf. duc de Luynes, ouvr. cité, p. 252, 254, 256, 259.

IV. Bibliographie. — L. Burekhardt, Travels in Syria and tlie Holy Land, in-4o, Londres, 1822, p. 360-412 ; L. de Laborde et Linant, Voyage de l’Arabie Pélrée, in-f°, Paris, 1830, p. 50 et suiv., nombreuses planches et cartes ; J. de Bertou, Voyage depuis les sources du Jourdain jusqu'à la mer Rouge, extrait du Bulletin de la Société de géographie, 2e série, t. xii, avec deux cartes ; E. Robinson, Biblical Researches in Palestine, 3 in-8o, Londres, 1856, t. ii, p. 183-187 ; W. H. Bartlett, Forty days in the désert, in-8o, Londres, 1862, p. 100 et suiv. ; Stanley, Sinai and Palestine, in-8*, Londres, 1866, p. 84 et suiv.j K. H. Palmer, The désert of the Exodus, 2 in-8o,

Cambridge, 1871, t. ii, p. 429-461, 517-529 ; duc de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, 3 in-4o et 1 vol. de planches, Paris, t. i, p. 213-317 ; Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, 1884, p. 434 ; E. Hull, Mount Seir, Sinai and Western Palestine, in 8°, Londres, 1889, p. 75-84, 85-107, 178-184, gravures et cartes ; Chauvet et Isambert, Syrie et Palestine, Paris, 1887, p. 38 et suiv. Pour la géologie, voir le t. m de l’ouvrage de M. le duc de Luynes, dû à M. L. Lartet ; E. Hull, Memoir of the Geology and Geography of Arabia Petresa, Palestine, in-4o, Londres, 1889 ; pour l’histoire naturelle, H. Chichester Hart, À naturalist’s journey to Sinai, Petra and south Palestine, dans Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1885, p. 252 et suiv. M. Vignes, lieutenant devaîsstau, aujourd’hui vice-amiral, a dressé une grande carte de l’Arabah au 240000e, avec les cotes d’altitude, Paris, 1865, une feuille grand-aigle ; réduction dans l’ouvrage de M. le duc de Luynes. A. Legexdre.

1. ARABE (hébreu : K Ârâbî, Is., xiii, 20 ; Jer., iii, 2 ; 'Arbî, II Esdr. (Neh.), ii, 19 ; vi, 1 ; pluriel : 'Arbîm, II Par., xvii, 11 ; xxi, 16 ; xxii, 1 ; xxvi, 7 ; II Esdr., iv, 1 (LXX et Vulg., 7) ; Septante : "Apaêes ; dans les Machabées : "Apet^, I Mach., xi, 17 ; "Apaêic, v, 39 ; xi, 39 ; xii, 31 ; II Mach., v, 8 ; xii, 10, 11 ; dans le Nouveau Testament : "Apetéeç, Act., ii, 11), nom ethnique des tribus nomades qui habitaient l’Arabie. Il a, dans l'Écriture, un sens qu’il est nécessaire de préciser, et les populations qu’il désigne ont avec les Hébreux, au point de vue ethnographique et historique, des rapports dont il est utile d’offrir un aperçu.

I. Nom. — Ce nom, qui n’apparaît dans la Bible qu'à l'époque d’Isaïe, xiii, 20, n’a pas l’extension qu’on lui donne aujourd’hui. Il n’indique ni tous les peuples issus de la grande famille arabe, ni tous les habitants de la péninsule arabique, mais les tribus qui, campées à l’est et au sud-est de la Palestine transjordanique, occupaient les contrées situées au nord et jusque vers le centre de l’Arabie proprement dite. On le trouve avec le même sens restreint et local dans les inscriptions assyriennes, et il correspond aux Arabes ExTjvmjci, « vivant sous la tente, » que Strabon, XVI, i, 27, place au sud de la Mésopotamie. C’est la même signification que lui attribuent Josèphe, Ant. jud., i, xii, 4 ; XIV, i, 4, et le Nouveau Testament. Act. ii, 11 ; Gal., i, 17.

Dans les textes les plus anciens, Is., xiii, 20 ; Jer., iii, 2, il est synonyme d' « habitant du désert », suivant l'étymologie qu’on lui assigne généralement : 'ârab, « aride, stérile ; » d’où 'âràbâh, « plaine déserte. » Cf. Gesenius, Thésaurus lingux heb., p. 1066. Appliqué d’abord aux nomades des régions qui se déroulent entre l’Euphrate et la mer Morte, le mot 'ârâbi a pu s'étendre, dans la suite des temps, aux populations de la presqu'île arabique, dont l’aspect, en beaucoup de points, est bien celui de Varabak ou « désert ». Dans les monuments littéraires on trouve (illil, 'ârâb, avec le sens d' « Arabes nomades », par opposition à £ ! £, 'arab, qui indique « les habitants des villes ». Cf. Freytag, Lexicon arabico-latinum, Halle, 1830, t. iii, p. 129-130. L’Arabe biblique a donc pour survivant le Bédouin actuel, dont le nom a d’ailleurs une dérivation toute semblable : <£sl>N, bedàoui, vient de j^J, « désert, » Freytag, Lexicon, t. i, p. 98,

d’où *, >.>to, bâdiet, nom que portent certaines contrées, comme bâdiet es -Sam, « désert de Syrie ; » bàdiet etTih, « désert de l'Égarement. » Les Égyptiens, distinguant les Arabes du sud de ceux du nord, appelaient les premiers Punliù, « habitants du Punt, » et les seconds, c’est-à-dire les nomades, Sasû, « les pillards ; a racine ne™, sâsàh, « piller, exercer le brigandage. »

Avant Isaïe, les Arabes étaient désignés par l’exprès$29

ARABE

830

sion générale de bené-Qédém, « fils de l’Orient, » Jud., vi, 3, 33 ; vii, 12 ; viii, 10 ; Job, i, 3 ; III Reg., v, 10 ; Is., xi, 14 ; Jer., xux, 28 ; Ezech., xxv, 4, correspondant au mot Sarrasin, arabe : ï-y-H, scharqi, « oriental. » Aussi Josèphe, Ant. jud., V, vi, 3, rend-il par "Apa61 ; les bené-Qédém de Jud., vi, 3.

II. Histoire. — Laissant de côté l’histoire particulière de chacun des peuples arabes (voir Ismaélites, Nabatéexs, Déuan, etc.), nous n’avons qu'à indiquer ici les faits qui se rapportent au nom ethnique, au seul point de vue de l'Écriture Sainte. Voir, à l’article Arabie, l’ensemble des événements qui se rattachent à l’histoire générale de ce pays, aux différentes époques babylonienne, assyrienne, perse et gréco-romaine.

Les relations des Arabes avec les Israélites sont celles d’une perpétuelle hostilité. Trop faibles pour soutenir seuls la lutte, ils eurent toujours le rôle d’auxiliaires. Nous les trouvons, au début, tributaires de Josaphat eu même temps que les Philistins ; et, tandis que ceux-ci font leurs présents en argent, ils apportent la contribution du nomade, c’est-à-dire des troupeaux, « sept mille sept cents béliers et autant de boucs. » II Par., xvii, 11. Bientôt après, révoltés contre Joram, avec les mêmes alliés, « ils entrèrent dans la terre de Juda, la dévastèrent, et s’emparèrent de tous les biens qui appartenaient à la maison du roi, ainsi que de ses fils et de ses femmes, et il ne lui resta plus que Joachaz, qui était le plus jeune. » II Par., xxi, 16-17. Ozias eut à combattre les mêmes ennemis ; c'étaient des « habitants de Gurbaal ». II Par., xxvi, 7.

Après la captivité, les Juifs, de retour à Jérusalem, rencontrèrent parmi leurs adversaires les plus acharnés certaines tribus arabes ayant à leur tête un chef nommé Gosem, qui s’unit à Sanaballat l’Horonite et à Tobie l’Ammonite. Les princes ligués commencèrent par tourner en dérision et par accabler de leur mépris Néhémie, qui voulait relever les murailles de la ville sainte. II Esdr., ii, 19. Quand ils virent les travaux poussés avec activité, et « la plaie du mur cicatrisée », ils passèrent du dédain à la colère, et se rassemblèrent pour combattre contre Jérusalem, en dressant des embûches. Mais, voyant leurs projets découverts et les dispositions que prenaient les Juifs pour la résistance, ils renoncèrent momentanément à leur entreprise. II Esdr., iv, 7-15. Après avoir jugé la violence inutile, ils employèrent la ruse, en proposant à Néhémie, à cinq reprises différentes, une entrevue qui n'était qu’un guet-apens. Celui-ci, justement défiant, refusa, résistant même à la peur que cherchait à lui inspirer un faux prophète, Sémaias, payé par Sanaballat. Enfin, apprenant que la restauration, objet de leur jalousie et de leur fureur, était accomplie, ils se prirent à trembler et « reconnurent que cette œuvre avait été faite par Dieu. » II Esdr., vi, 1-16.

La grande lutte des Machabées devait réveiller leurs sentiments d’hostilité. Judas, après avoir tiré vengeance des habitants de Joppé et de Jamnia, fut attaqué, non loin de cette dernière ville, par une troupe d’Arabes, composée de cinq mille fantassins et de cinq cents cavaliers. Après un rude combat, où Dieu donna la victoire à son peuple, les assaillants, que l'Écriture appelle ici NojjiâSeç, demandèrent à Judas de leur tendre la main, promettant de l’indemniser avec les ressources dont ils disposaient, c’est-à-dire leurs troupeaux, et de lui prêter leur concours. Celui-ci, sachant quel parti il pourrait tirer de ces nouveaux alliés, accéda à leur demande, et ils s’en retournèrent dans leurs tentes. II Mach., xii, 10-12. Cependant Judas, combattant contre Timothée, au delà du Jourdain, trouva encore dans l’armée ennemie des Arabes salariés comme troupes auxiliaires. I Mach., v, 39-43.

Alexandre Balas, vaincu par son beau-père Ptolémée VI Philométor d’Egypte, alla se réfugier chez les Arabes, croyant trouver auprès d’eux abri et protection ; mais leur dynasle, nommé Zabdiel, pour faire sa cour à Ptolémée

et à Démétrius, viola les lois de l’hospitalité, fit décapiter son malheureux hôte et envoya sa tête au roi d’Egypte. I Mach., xi, 16-17. Alexandre laissait un jeune fils, Antiochus, dont l'éducation fut confiée à un chef arabe, nommé Émalchuel, E ! |ia)./.ovia ! , ou Malchus, suivant certains textes. I Mach., xi, 39. Voir Émalchuel.

Jonathas, après avoir mis en fuite, dans les environs d'Émath, les troupes de Démétrius, « marcha vers les Arabes appelés Zabadéens, et les frappa et prit leurs dépouilles. » I Mach., xii, 31. Le nom et le contexte font supposer que ces Zabadéens étaient une tribu qui habitait la contrée où se trouve actuellement Zebdani, gros village de l' Anti-Liban, au nord-ouest de Damas, non loin de la source du Barada, l’ancien Abana.

III. Type physique, caractère, mœurs. — À ces données historiques répondent exactement et la physionomie

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203. — Soheik bédouin. D’après une photographie.

et les coutumes des tribus nomades qui vivent encore aujourd’hui à l’est du Jourdain et de la mer Morle, dans le désert de Syrie et l’Arabie centrale.

1° Les deux grandes fractions du peuple arabe, sédentaires et nomades, ont un type commun (fig. 203), mais avec des différences qui proviennent naturellement du climat, du genre de vie, du mélange de sang. Les habitants du désert se vantent avec raison d'être la race la plus pure et la mieux conservée : n’ayant jamais été conquis, jamais un élément étranger n’a pénétré parmi eux. « Les vrais Bédouins sont, pour la plupart, de taille moyenne et bien prise, d’une singulière maigreur, ainsi que l’explique leur genre de vie, mais très agiles et beaucoup plus forts qu’on ne le croirait en voyant leurs membres grêles. Presque noirs ou d’un gris cendré, ils ont les traits réguliers, la figure d’un bel ovale, le crâne souvent irrégulier et pointu, le front haut, des yeux noirs et perçants ; mais l’habitude de froncer le sourcil et de cligner des yeux, pour s’abriter du soleil en regardant au loin vers l’horizon, donne un éclat inquiétant à leur pupille : comme las Peaux-Rouges, ils ont l'œil du loup, dit-on fréquemment, et l’on est tenté de leur attribuer une férocité qui n’est point dans leur caractère. Les Bédouins vieillissent rapidement ; leur peau se ride et se

raccornit au grand air ; à quarante ans, leur barbe grisonne ; à cinquante ans, ce sont des vieillards : un bien petit nombre d’entre eux atteignent la soixantaine. Du moins leur courte vie est-elle rarement interrompue par la maladie : les plus sobres des hommes, les Bédouins sont aussi parmi ceux qui ont la santé la plus robuste, la tête toujours libre, l’esprit clair et dispos. Dès leur enfance, ils ont appris à coucher sur la dure, à subir la chaleur du midi, à se passer de long sommeil et de nourriture abondante ; ils ne boivent point de liqueur forte,

dérer au même point de vue que nous ce que nous appelons le brigandage. La pauvreté du territoire est pour lui l’excuse du pillage. Ne distinguant point entre la guerre et le guet-apens, il regarde le vol à main armée comme un droit de conquête, et dépouiller le voyageur est à ses yeux aussi méritoire, aussi glorieux que prendre une ville d’assaut ou réduire une province. Voir un curieux exemple de ghazou ou razzia dans lady Anna Blunt, Pèlerinage au Nedjed, berceau de la race arabe, 1818-1819, , dans le Tour du monde, t. xiiii, .p. 14.

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204. — Costumes arabes. Bédouins et Bédouine. D’après trois photographies.

si ce n’est le lebben ou lait aigre, qui stimule légèrement sans jamais enivrer ; ils ne mangent qu’une fois par jour, et la somme de leurs aliments est bien minime, en comparaison des repas journaliers de l’occidental. » É. Reclus, L’Asie antérieure, Paris, 1884, p. 878.

2° Le caractère arabe offre un singulier mélange de qualités et de défauts, dont l’opposition et les perpétuelles inconséquences s’expliquent par l’isolement, les nécessités et les dangers de la vie au milieu du désert, par l’ardeur du sang et de l’imagination. D’une patience étonnante, le nomade supporte presque toujours, sans proférer une plainte, la faim et la soif, le froid et la chaleur, la fatigue extrême dans les longues marches ; mais l’amour-propre froissé, le désir de la vengeance le poussent à une colère redoutable. Avide et rapace, il aime les pièces luisantes et sonnantes ; mais l’amour du gain disparaît chez lui devant les devoirs de l’hospitalité. Violent plutôt que sanguinaire, la soif du pillage le porte à des actes de cruauté ; mais sous sa tente il devient un hôte libéral et courtois, même à l'égard d’un ennemi dont il a cent fois désiré la perte. Il est loin d’ailleurs de consi Le trait dominant de ce caractère, c’est l’amour de la liberté et de l’indépendance, et ce sentiment est porté à un degré dont nous avons peine à nous faire une idée. Fixer le nomade est aussi difficile que fixer l’hirondelle, qui se brise la tête contre les barreaux de sa cage quand l’heure de la migration est arrivée. Le Bédouin n’a qu’un profond dédain pour l’habitant des villes ; pour lui, s’attacher à la terre, c’est dire adieu à la liberté, le bien par excellence, et qu’il a su garder intact à travers les âges.

Très adroit à manier la lance, il passe en même temps pour excellent cavalier. L’Arabe, en général, a l’esprit pénétrant, alors même que son intelligence n’est pas cultivée, et il est rare, dit-on, que le nomade ne soit pas doublé d’un poète. Superstitieux et exalté, avide de légendes et de fictions, il est capable de grandes choses quand une idée nouvelle le domine. Avec cela cependant, il a le caractère mobile de la femme et de l’enfant ; comme eux, n’ayant souvent d’autre guide que l’instinct du moment, jugeant d’après les apparences, se laissant facilement éblouir par l'éclat et le bruit.

3° II n’est peut-être pas de peuple qui ait moins changé que les Arabes. Tels nous les voyons décrits dans la Bible, ou représentés sur les monuments assyriens, tels nous les retrouvons aujourd’hui. Les lois et les coutumes qu’ont observées les rares voyageurs modernes qui les ont visités remontent aux temps les plus reculés, et servent à éclairer plus d’une page de l’histoire sainte, principalement à l'époque patriarcale. Voir pour les détails Pasteurs, Vêtements, Tentes, etc.

Au point de vue social, les Bédouins sont divisés par tribus, JoUi, qabâïl, qui constituent autant de peuples particuliers et dont chaque subdivision ou rameau s’appelle fendéh. Chacune de ces tribus, s’appropriant un terrain qui forme son domaine, compose un ou plusieurs camps, répartis sur le pays et transportés dans les différents cantons, à mesure que les troupeaux les épuisent. La disposition de ces camps est un cercle assez irrégulier, douar, formé par une seule ligne de tentes plus ou moins espacées. Cependant, comme le nomade n’a point de maître, il ne dépend même pas de son clan ; et, s’il lui convient de s’en séparer, il peut aller, à ses risques et périls, vivre à part dans le désert.

Chaque tribu a son chef ou scheikh, personnage appartenant à quelque descendance illustre ou tenu, par ses richesses, de remplir, au nom de tous, les devoirs de l’hospitalité. Élu par ses égaux, il peut être déposé quand il a cessé de plaire. Conciliateur et arbitre, il juge les différends, d’accord avec les anciens, mais ses décisions n’ont pas force de loi : appuyées en général sur le droit coutumier, soutenues par l’opinion commune de la tribu, elles sont ordinairement obéies ; cependant le condamné peut s’y soustraire, soit en quittant la tribu, soit en bravant la réprobation publique : il devient baouak, un homme « hors l’honneur ». — Les inscriptions assyriennes nous montrent plusieurs reines dans certaines contrées de l’Arabie. Voir Arabie.

Le costume ordinaire de ces enfants du désert, comme aux temps hébraïques, se compose, chez les hommes, d’une chemise et d’une longue robe en toile de coton blanc, d’un vêtement de dessus, aba/i, grand manteau de laine le plus souvent blanche à rayures noires et plié en carré double, avec une échancrure pour laisser passer la tête. La coiffure commune est le kouffiéh, formé de bandes de toiles enroulées autour du crâne et fixées par une corde en poil de chameau. Des pantoulles, en laine ou en maroquin, ou quelquefois des demi-bottes eu cuir jaune ou rouge complètent ce costume pittoresque. Pour guider leurs troupeaux et pour ramasser, sans descendre de cheval, un objet placé à terre, ils se servent souvent de bâtons recourbés à une de leurs extrémités. La toilette des femmes, dune élégante simplicité, comprend une robe de coton bleu ou marron et un voile rouge ou blanc qui forme coiffure, et, s’enroulant autour du cou, laisse des plis amples retomber par derrière (flg. 204). L’anneau suspendu au nez, le nézem (lig. 151, col. 633), et les pendants d’oreille, parfois aussi les colliers dont les ornements en métal brillant retombent sur la poitrine, rappellent les bijoux qu'Éliézer donna à Rébecca et dont se paraît Sara.

La demeure du Bédouin, c’est la tente. Soutenue par des poteaux, elle est couverte d’une grande pièce d'étoffe tissée avec du poil de chameau, ou de peaux de bouc, d’uue couleur noire, Cant., i, 5, cousues ensemble et impénétrables à la pluie. Les courroies qui la fixent sont attachées au sol autour de chevilles de bois. Elle est divisée en deux parties, dont l’une est réservée aux hommes, l’autre est l’appartement des femmes, renfermant également les ustensiles du ménage.

La vie de ces peuplades est la vie pastorale. Leurs troupeaux se composent de moutons et de chameaux, dont elles consomment ou vont échanger les produits dans les localités limitrophes du désert, ou dans les oasis, contre du blé, de l’orge et des dattes. Très frugal, en effet, le D1CT. DE LA DIBLE.

nomade ne boit que du lait et de l’eau, se nourrit presque exclusivement de dattes et de galettes de farine de blé ou d’orge. Il ne mange guère de viande qu'à l’occasion de la venue d’un hôte : c’est alors ou un chevreau bouilli et coupé en petits morceaux, ou un agneau cuit sous des pierres brûlantes dans un trou creusé en terre. Le désert serait inhabitable pour lui sans le chameau, qui seul suffit à tous les besoins de ses maîtres. Voir Chameau. On sait combien le cheval est pour l’Arabe un précieux auxiliaire et un objet de prédilection, mais c’est une bête de luxe, quït n’est pas donné à tous de posséder.

Les Bédouins s’attribuent la police du désert, devenant même souvent, parles nécessites du sol et du climat, les protecteurs des sédentaires. Ceux-ci, en effet, ont besoin de faire venir des céréales de la vallée de l’Euphrate, de tirer des marchés des villes syriennes des armes et des ustensiles de toutes sortes : les nomades sont les intermédiaires obligés de ce commerce, et se chargent de fournir les choses nécessaires, moyennant tribut.

Les mœurs que nous venons de décrire s’observent dans les tribus de Syrie et d’Arabie, dont les plus importantes sont : les Taamirah, véritables pirates de la plaine syriaque, vivant dans des douars gardés par des chiens noirs à l’aspect féroce ; les Beni-Saklir, Nemrods passionnés, qui parcourent les solitudes du Hauran et se montrent bienveillants à l'égard des étrangers ; les Anazéh, grand peuple que l’on peut considérer comme l’aristocratie des déserts de Syrie ; les Roallah, qui servent de transition entre les Bédouins du nord et ceux du midi : les Schammar, dans le grand Néfoud, dont lady Blunt a parcouru et étudié la puissante tribu. Voir le Tour du monde, t. xliii.

IV. Religion. — Des pâtres, errant dans les plaines immenses brûlées par le soleil, obligés sans cesse de fixer leurs regards sur le ciel pour diriger leur route, devaient aisément prêter aux corps célestes une puissance surnaturelle et en faire l’objet de leur culte. Aussi la religion primitive des Arabes fut le sabéisme ou adoration des astres. Bien qu’extrêmement confus, les renseignements historiques nous permettent de chercher une certaine analogie entre le paganisme antéislamique et les religions du bassin de l’Euphrate et du Tigre, de la Syrie, de la Phénicie et de l’Yémen. Nous nous bornons aux points essentiels. Voir Ismaélites, Jectanides, Nabatéens.

Les deux principales divinités chez les Arabes étaient le soleil et la lune. « Ils croient, nous dit Hérodote, iii, 8, qu’il n’y a point d’autres dieux que Bacchus, Aiôvujoç, et Uranie… Ils appellent Bacchus OùpoTiX, et Uranie 'AXddcT. » Voir aussi Strabon, xvi, 741 ; Arrien, vii, '20. La forme originale d’Ourotal, qui sans doute devait être Our ta'âla, « la lumière suprême, » et le rapprochement que l’historien fait entre ce dieu et le Dionysos des Grecs nous le montrent comme une personnification du soleil. Les inscriptions assyriennes nous apprennent que l’astre luimême, sous le nom de Samas, arabe î^, Sams, était le dieu dont les reines de Duma ou Aduma exerçaient le suprême sacerdoce. Théglathphalasar parle de « Sa-am-si, ou Samsiéh, reine d’Arabie, qui rendait un culte au soleil ». Cf. A. Layard, Inscriptions in the cuneiform characler, pi. 72 ; E. Schrader, Die Keilinschriften und das alte Teslamenl, Giessen, 1883, p. 262. Nous voyons également, dans les annales d’Assurbanipal, que la tribu arabe de Cédar avait pour dieu Adarsamaïm ou A-tar-sa-ma-in. Schrader, ouv. cité, p. 414, explique ce nom par « Athar du ciel », et le fait correspondre à n>awn robn, melékéf

hassâmaïm, « la reine du ciel, » de Jérémie, vii, 8, c’està-dire Athar - Astarté ou la lune. D’autres regardent Adarsamaïm comme une divinité solaire. Hérodote, i, 131, assimile Alitta à la Mylitta des Assyriens ; MM. Lenormant et Babelon en font la divinité féminine, Al-Ldt, dont le sanctuaire était à Tayf, non loin de la Mecque. Histoire ancienne de l’Orient, Paris, 1888, t. vi, p. 432,

I. - 20

Malgré sa parenté avec les religions assyrienne et syrienne, le polythéisme arabe devait avoir une forme extérieure plus grossière, en rapport avec l'état de culture des populations qui le pratiquaient. Les divinités avaient cependant leurs statues, puisque Assurbanipal mentionne les « dieux » que son père avait enlevés à « Yautah, fils d’Hazaël, roi de Cédar », et qu’il rendit ensuite, après soumission, à la demande des vaincus. Cylindre B, colonne vu ; G. Smith, History of Assurbanipal, p. 283-286 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1889, 5e édit., t. iv, p. 295.

Hérodote, iii, 8, pour dépeindre le caractère religieux dont les Arabes entouraient leurs serments, nous les montre formulant leurs engagements au milieu de sept pierres teintes du sang des contractants. C'étaient peut-être des pierres sacrées ou bétyles, dont le nombre aurait une certaine liaison avec le côté sidéral et planétaire de la religion. Il en était de même dans le bassin de l’Euphrate et dans la Syrie ; les Chaldéens d’Uruk avaient eux aussi leur « temple de sept pierres noires », dont nous parlent les inscriptions cunéiformes.

V. Bibliographie. — Carsten Niebuhr, Beschreibung von Arabien, in-4o, Copenhague, 1772 ; W. G. Palgrave, Central and Eastern Arabia, 2 in-8°, Londres et Cambridge, 1865 ; E. Guillaume Rey, Voyage dans le Haouran, in-8o, Paris, 1860, avec atlas in-fol. ; lady Anna Blunt, Pèlerinage au Nedjed, berceau de la race arabe, 1878-1879 (trad. Derôme), dans le Tour du monde, t. xmi ; Ch. Huber, Voyage dans l’Arabie centrale, dans le Bulletin de la Société de géographie, Paris, 1884, 3e et 4e trim., 1885, 1 er trim. ; J. G. Wetzstein, Reisebericht ûber Hauran und die Trachonen, in-8o, Berlin, 1860 ; Nord-Arabien und die syrische Wûste ( Zeitschrift fur allgem. Erdkunde, 1865, p. 1-47, 241-283, 408-498) ; H. J. Van Lennep, Bible Lands, Londres, 1875, t. ii, p. 398-416 ; Caussin de Perceval, Essai sur l’histoire des Arabes avant

l’islamisme, 3 in-8o, Paris, 1847-1848.
A. Legendre.

2. ARABE (LANGUE), premier rameau du groupe méridional des langues sémitiques. Nous commencerons par expliquer cette sorte de définition, en montrant, au point de vue historique, comment l’arabe se rattache aux idiomes congénères et quelle est son origine ; puis nous exposerons ses particularités grammaticales et lexicographiques dans leurs rapports avec la philologie biblique ; eniin nous donnerons ses divisions et ses principaux caractères. Nous terminerons par quelques mots sur l'écriture.

I. Affinités et origines. — La famille des langues improprement appelées sémitiques se divise en deux groupes : l’un septentrional, comprenant trois rameaux avec leurs différents dialectes, c’est-à-dire l’araméen (chaldéen, syriaque, etc.), Y assyrien et le chananéen (hébreu, phénicien, etc.) ; l’autre méridional, comprenant deux rameaux, dont le premier, qualifié d’ismaélite, n’est autre chose que l’arabe proprement dit, et le second, appelé parfois yaqtanide ou qahtanide, embrasse les langues de l’Arabie méridionale et de l’Abyssinie. Voir

    1. SÉMITIQUES##

SÉMITIQUES (LANGUES).

La division et les qualifications de ce dernier groupe répondent aux traditions arabes, basées du reste sur la table ethnographique de la Genèse et l’histoire patriarcale. Nous constatons avec elles, entre le nord et le sud de l’Arabie, une différence marquée, au point de vue historique, politique, religieux et linguistique : la distinction entre le dialecte de l’Yémen, JLj- *~J^é, 'arabiyat himyar, « arabe himyarite, » et celui de l’Hedjaz, jùkïsJi £ooJI, el-'arabitjat el-mahdhat, « arabe pur, » eût

été découverte par la science, même sans le témoignage des écrivains musulmans. Les premiers habitants des provinces méridionales, de l’Yémen, de l’Hadhramaut,

des pays de Mahrah et d’Oman, furent des descendants de Cham, Gen., x, 7, peuplades couschites, qui parlaient des dialectes d’une seule et même langue sémitique, celle qu’on a pris l’habitude d’appeler himyarique, mais qu’il vaudrait mieux désigner par le nom plus large de sabéen. De nombreuses inscriptions, relevées par de courageux explorateurs comme MM. d’Arnaud et Joseph Halévy, nous ont seules conservé ces anciens idiomes et ont-permis d’en établir les principaux linéaments grammaticaux. Cf. Halévy, Rapport sur une mission archéologique dans le Yémen, dans le Journal asiatique, janvier 1872, p. 5-98 ; Études sabéennes, ibid., mai-juin 1873, p. 434-521 ; octobre 1873, p. 305-365 ; décembre 1874, p. 497-585 ; Corpus inscriptionum semiticarum, pars quarta, t. i, Paris, 1889. On distingue quatre dialectes principaux : le sabéen, le hadhramite, le minéen, Yéhkily, encore parlé dans le pays de Mahrah ; tous sont apparentés de très près au ghez ou éthiopien, que les Sabéens passés sur la côte d’Afrique, en Abyssinie, y naturalisèrent avec eux.

A ces premiers Sabéens couschites se superposèrent les Arabes Jectanides, ou les tribus issues de Jectan, fils d’Héber, Gen., x, 24-30 ; ce sont les Moutéarrïba des traditions nationales ou les premiers Arabes proprement dits. Ayant pour berceau originaire les régions d’où sortirent également les descendants d’Abraham, c’est-à-dire la rive droite de l’Euphrate, ils apportaient comme idiome national l’arabe pur, el-arabiyat el-mahdhat des historiens indigènes. Après avoir été soumis un certain temps aux peuples au milieu desquels ils vivaient, ils finirent par leur imposer leur suprématie politique, tout en adoptant la civilisation, les mœurs, les institutions, la religion, la langue même de leurs nouveaux sujets. L’arabe, parlé d’abord dans un certain nombre de districts, concurremment avec le sabéen, ne conserva sa pureté que chez quelques tribus de l’intérieur qui continuaient à mener une vie à demi nomade sur la frontière du désert.

Enfin apparurent les enfants d’Ismaël, fils d’Abraham et d’Agar, Gen., xxv, 12-15, les Moustariba ou « devenus arabes ». Longtemps concentrés dans une partie restreinte du Tihàma, ils rayonnèrent plus tard sur l’Hedjaz, le Nedjed et d’autres contrées du nord et du centre de l’Arabie, puis finirent par absorber les tribus jectanides antérieures. C’est leur langue qui, illustrée et immobilisée par le Coran, répandue par les conquêtes de l’islam dans toutes les parties du monde, est devenue l’arabe proprement dit, dont nous avons à parler. Mais par quelles phases a-t-elle passé depuis l’idiome des marchands ismaélites qui achetèrent et vendirent Joseph, Gen., xxxvii, 28, depuis celui des benê-Qédém, « fils de l’Orient, » dont Gédéon surprit et comprit les songes, Jud., vii, 9-14, jusqu'à la langue si parfaite de Mahomet, aucun monument ancien n’est là pour l’attester. À part les inscriptions du Sinaï et quelques-unes de Pétra et du Hauran, dans lesquelles plusieurs auteurs veulent voir un dialecte arabe légèrement infléchi vers l’araméen, nous ne savons rien sur ses origines.

Sans enfance ni vieillesse, l’arabe se montre soudainement à nous, au VIe siècle de notre ère, dans toute sa perfection, avec sa flexibilité, sa richesse infinie, dans un état si complet, que depuis ce temps jusqu'à nos jours il n’a subi aucune modification importante. Pour expliquer sa richesse de mots et de procédés grammaticaux, les philologues arabes ont imaginé une hypothèse peu acceptable, renfermant néanmoins une certaine part de vérité. S’il fallait en croire Soyouthi, cette langue serait le résultat de' la fusion de tous les dialectes, opérée par les Koréischites autour de la Mecque. Gardant les portes de la Caaba et voyant affluer dans leur vallée les diverses tribus attirées par le pèlerinage et les institutions centrales de la nation, les Koréischites s’approprièrent les finesses des dialectes qu’ils entendaient parler autour d’eux ; en sorte que toutes les élégances de la langue arabe se trouvèrent réunies dans leur idiome. Cf. E. Renan, Histoire S37

    1. ARABE##

ARABE (LANGUE)

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générale des langues sémitiques, 5e édit., Paris, 1878, texte de Soyouthi, p. 347 - 348. On ne voit pas cependant que leur importance littéraire ait été très considérable avant l’islamisme, et l’influence de leur dialecte ne fut décisive que dans la rédaction du Coran. Il reste établi que ce fut au centre de l’Arabie, dans l’Hedjaz et le Nedjed, parmi les tribus demeurées les plus pures (voir Arabe 1), que se forma la langue qui a depuis porté, à l’exclusion des autres dialectes, le nom d’arabe. Il nous fallait en montrer d’abord les affinités et l’origine, pour en mieux faire saisir les propriétés et les caractères.

II. Particularités grammaticales, lexicographiques, littéraires. — L’arabe a tous les caractères des langues sémitiques, pour le nom, les pronoms indépendants et affixes, les verbes avec leurs temps, modes et conjugaisons, etc. La grammaire comparée de ces idiomes, qui ne diffèrent pas beaucoup plus entre eux que les langues néolatines, italien, espagnol, français, ne diffèrent entre elles, nous montre son rôle presque comparable à celui du sanscrit dans l'étude des langues aryennes. En relevant ses particularités les plus remarquables au point de vue de la grammaire, du vocabulaire et du style, nous aurons occasion de signaler ses rapports de similitude ou de divergence avec les langues sœurs.

1° Grammaire. — Le groupe méridional est plus riche en éléments phonétiques que le groupe septentrional. Tandis que le phénicien, l’hébreu et l’araméen, n’ont que vingtdeux lettres ou consonnes, l'éthiopien en possède vingt-six, l’arabe vingt-huit et le sabéen vingt-neuf. Voiries alphabets comparés du sabéen, de l’hébreu et de l’arabe dans le Journal asiatique, juin 1872, p. 518-519. Cependant, au point de vue de la forme, l’alphabet arabe est très simple, car il ne renferme que quatorze caractères réellement différents les uns des autres : plusieurs, en effet, sont répétés, et c’est à l’aide de points dont le nombre et la position diffèrent, qu’ils expriment les lettres dépourvues de signe spécial. Ainsi le même caractère j avec un point au-dessous, i, indique le ba ; avec deux points, j, le ya ; avec un point au-dessus, J, le noun ; avec deux points, s, le ta ; avec trois points, S, le tha. De même en est-il pour les signes suivants : >, >, »., t>, y>, , £i UP>) Nous renvoyons à l’article Alphabet, col. 410, pour la correspondance entre les alphabets hébreu et arabe ; nous ne voulons mentionner ici que les lettres qui se trouvent de plus dans ce dernier, avec leur valeur particulière : Tha, ii> = th anglais de thin, le c espagnol de

cierto, le 9 grec ; JJa, j = j espagnol de jerga, ch allemand ou

ch hollandais de schoon ; Zal, S = th anglais de the, le 6 grec ;

Bàd, 1 _y 3 = d prononcé avec la langue à plat contre

le palais ; JZâ, là = z prononcé avec la langue à plat contre

le palais ; Grliaïn, £ = r grasseyé.

Quatre de ces lettres peuvent être représentées en hébreu, d’après la prononciation de certains Juifs, par quatre des lettres begadkefat sans le daguesch léger :

  • i> = ii, tandis que ca = p, t ;

i — s, — d =2, k ; .i =-i, — > — T, d ;

£=j, — ^=i)S f dur.

Ainsi l’hébreu n’a pas ces nuances de th ou z prononcés avec le bout de la langue entre les dents ; il n’a que le zaïn, t, z ordinaire. Sur cinq lettres emphatiques, auxquelles un gosier européen s’accoutume si difficilement, |jp, sâd ; Jp, dàd ; k>, (à ; là, zâ ; (i, qàf, il n’en possède que trois : , _j3= : ï ; b = ^ ; j==p.

Les signes des voyelles ont été, comme les points massorétiques, inventés après coup. Primitivement les

Arabes, aussi bien que les Hébreux, faisaient usage, pour indiquer les voyelles longues et les diphthongues, des matres lectionis : I, a ; }, i ; &, ». Les voyelles se réduisent à trois sons primitifs, a, i, u (ou), plus indécis en arabe qu’en hébreu pour les brèves, qui n’ont que les trois signes suivants :

— Fatha, dont le nom et la valeur répondent au pa tach hébreu, a ou é ; -? Kesra, correspondant au chirek qaton, i, ou au ségol, é ;

— Dhamma, représentant le kibbouts, u (ou), ou le

kamcts qatouf, o.

L’article défini al posssède, comme la forme primitive en hébreu br, un lâm qui, s’il ne disparaît pas en s’assimilant à la consonne suivante, s’assimile, pour la prononciation, avec les lettres appelées solaires : ainsi l’on prononce : ^ïJ|, aSsams ou éssams, et non pas al-Sams, « le soleil, » hébreu : tfotf ii, haSsémés.

Une des particularités les plus remarquables de l’arabe est la formation du pluriel brisé. Toutes les langues sémitiques ont la faculté d’exprimer le pluriel par des terminaisons qui, en prolongeant le mot, sont comme un symbole de l’extension donnée au sens. Cet appendice, pour le masculin, est "une voyelle longue, î en hébreu, en syriaque et en phénicien ; d en éthiopien, suivie d’un mem en hébreu et en phénicien, et d’un noun dans les autres idiomes. Pour le féminin, il est caractérisé par la terminaison ô( en hébreu et ât dans les autres langues, excepté en araméen. L’arabe possède ce pluriel, appelé sain ou complet parce qu’il conserve intactes les radicales et leurs voyelles : il se forme, pour les noms masculins, en ajoutant y.}—, un au singulier ; exemple : j, li., sâriq, « voleur, » pluriel : ^^5, 11, sâriqun ; pour les féminins, il suffit de changer la terminaison », at en i^>i, ât, ÂS, U », sâriqat, calï, UL., sâriqàt.

Mais, outre ce procédé très simple, il y en a un autre très compliqué, appelé pluriel brisé ou interne, parce que le singulier est brisé par une intercalation ou une annexion de lettres, par un changement de voyelles ou une élimination de radicales, qui disjoignent l’ossature primitive du mot et en altèrent la quantité. Ce procédé ne se retrouve qu’en éthiopien. Les grammairiens arabes ne comptent pas moins de cinquante formes de pluriels. La classification en est très difficile. Les plus usitées, pour les substantifs et adjectifs dérivés de racines trilitères, sont, dans les meilleures grammaires, au nombre de vingt-neuf. En voici deux exemples :

Suppression de l’I initial : '2. t. ahmar, « rouge, » pluriel : » i, homr.

Addition d’un I intercalaire : J>i.r, radjol, « homme, » pluriel : JUL>, ridjàl.

On peut voir, pour les pluriels brisés, outre les grammaires indiquées plus bas à la bibliographie, une étude de M. Hartwig Derenbourg dans le Journal asiatique, juin 1867, p. 425-524.

Une autre particularité de l’arabe, c’est qu’il a conservé les désinences casuelles primitives des noms. Le nom déclinable, quand il n’est pas déterminé par l’article ou par un génitif, peut avoir trois cas formés par trois terminaisons différentes. Nominatif : —, un, ex. : J^.', radjolun, « homme » (homo).

Génitif : ~, ën, ex. : J~4-^, radjolën, « de l’homme »

(hominis). Accusatif : —, an, ex. : ^1', radjolan, « l’homme » (hominem). En hébreu et en araméen, les flexions casuelles n’existent plus ; on ne les retrouve qu’en assyrien.

La lettre nun ajoutée aux sons ii, i, a, a fait donner à cette désinence le nom de lanwin ou nunnation, qui a pouv correspondant en assyrien la mirnmation. Le même phénomène de la mirnmation se retrouve ensabéen. Cf. Halévy, Études sabéennes, dans le Journal asiatique, mai-juin" 1873, p. 487-488.

La conjugaison de l’imparfait possède également ces flexions : û pour l’indicatif, a pour le subjonctif ; le conditionnel devait avoir primitivement i, désinence tombée depuis. Ce que nous venons de dire ne s’applique qu’à l’arabe littéral ; voir plus bas.

Enfin l’arabe se distingue par une richesse extraordinaire de formes verbales. Les Sémites ont un sens très délicat pour peindre les mouvements de l’âme au point de vue de l’action. Par la simple modification des voyelles de la racine, la réduplication des consonnes, l’addition et l’intercalation de certaines lettres comme K, I, aleph ; 3, y, noun ; ii, ^>, thav ; v, j », sin, ils expriment non seulement les formes active, passive, moyenne, mais toutes les nuances des sens intensitif, causatif, réflectif, etc. Ce procédé montre ainsi une analogie entre le nom et le verbe, qui, dans la conception linguistique de ces peuples, devaient être originairement confondus. Cette délicatesse, commune aux langues sémitiques, n’est nulle part aussi développée qu’en arabe ; c’est là, on peut le dire, qu’elles ont leur chef-d’œuvre. Plus riche que le verbe grec, le verbe arabe. est en même temps plus concis, et il a une force de peinture qui représente admirablement le double caractère du peuple qui l’employait, c’est-à-dire la vigueur et l’imagination poétique.

Les formes dérivées des verbes trilitères sont au nombre de quinze : les quatre dernières très peu usitées. Les dix suivantes permettent d’apprécier fa richesse des nuances dont nous avons parlé :

IJii) fa’al ; ex : IL jjj, fa"al ; —

Jkjls > qatal, tuer.

ùLà> dvarraôjfrapperfort,

III. Jili.fà’al ; —

IV. Jiïî, afal ; de iji^i dharab, frapper. Jb’lii qâtal, combattre. G^JLS, adjra, faire courir,

V. JIiS, tafa"al ; - -^

de ^, djara, courir. takabbar, se faire grand, être orgueilleux, de £, ka~ bar, être grand. VIJéLiitafà’al ; — Jjijj, taqâtal, se combattre. VIL Jiij^, enfa’al ; — y„i., enkasar, se casser,

de jS, kasar,

VIII. JJLâît, efta’al ;

iyi », eftaraq, se séparer, de ^, faraq, séparer. IX. J* » l, ef’all ; — ^i£-l, efo » a>T, devenirrouge.

X. J^iijiij, estaf al ; — yubii}, estag/i)/ar, demander

pardon,

de Ci.

ghrafar, pardonner.

Nous ne pouvons faire ici de philologie comparée : il nous suffit d’indiquer le rapprochement entre la IIe forme et le Piél hébreu, le Paël araméen et assyrien ; entre la IVe et VAphel araméen, YHiphil hébreu ; entre la Xe et V Eschtaphal araméen, Ylstaphal assyrien. On peut aussi rapprocher la VIIIe de VHitpaël hébreu dans les verbes qui commencent par une sifflante : zz ?~-, hislabbê[, de tia*, sâbaf.

On voit en somme que « l’arabe est à beaucoup d’égards le résumé des langues sémitiques. On dirait que toutes les ressources lexicographiques et grammaticales de la famille se sont donné rendez-vous pour composer ce vaste ensemble. L’hébreu, le syriaque, l’éthiopien, n’ont guère de procédés que l’arabe ne renferme pareillement, tandis que l’arabe possède en propre une série de mécanismes précieux. Il est vrai que plusieurs des propriétés caractéristiques de l’arabe se trouvent d’une façon rudimentaire dans les autres langues sémitiques : ainsi les formes modales du futur sont en germe dans le futur apocope des Hébreux ; les flexions finales, dans les terminaisons paragogiques ou emphatiques de l’hébreu et de l’araméen ; presque toutes les formes du verbe régulièrement employées en arabe existent en hébreu ou en syriaque à l’état de formes rares et anormales ; mais ce ne sont là que des germes à peine indiqués, tandis qu’en arabe ces mécanismes sont arrivés à l’état de procédés réguliers, et constituent un des ensembles grammaticaux les plus imposants que jamais langue soit arrivée à revêtir ». E. Renan, Histoire des langues sémitiques, p. 384.

2° Vocabulaire. — La richesse lexicographique de l’arabe est prodigieuse, mais elle fait du dictionnaire une espèce de chaos où l’étendue est au détriment de la clarté. Jamais lexique n’a mieux mérité ce nom de Qâmous, « océan, » que les Arabes donnent au leur, et, en voyant les sens divers et presque contradictoires qui s’y pressent sous chaque mot, on éprouve une sorte de vertige. Ouvrons le dictionnaire de Freytag, Lexicon arabico-lati num, Halle, 1830, t. iii, p. 112, au mot -, /£, « vieillard, »

nous y trouverons bien près d’une centaine d’expressions comme celles-ci : Tremor, agmen, vitium, vicus, claudicalio, viator, cœlutn, terra, febris, etc. Les difficultés réelles de la langue ont été ainsi exagérées par les lexicographes orientaux, suivis par les Européens, qui ont mentionné plus volontiers les significations rares que les significations ordinaires des mots, les métaphores, les épithètes, les explications parfois erronées des commentateurs, et souvent aussi ont admis dans leurs recueils des expressions provinciales, étrangères ou spéciales, excessivement rares. Il n’est donc pas étonnant qu’un lexicographe arabe ait prétendu avoir trouvé dans sa langue 12 305 412 mots. Un autre nous dit qu’il existe au moins mille mots pour signifier Vëpée. Dans un mémoire spécial, Dos Kamel, extrait des Mémoires de l’Académie de Vienne, classe de phil. et d’hist., t. vii, un savant, M. de Hammer, a énuméréles mots relatifs au chameau, et en a trouvé 5 744. En faisant la part des exagérations, l’arabe n’en reste pas moins un phénomène entre toutes les langues pour l’abondance des synonymes. Il iaut dire cependant que cette abondance se trouve plus ou moins chez chaque peuple pour les choses qui lui sont naturelles. L’hébreu lui-même, pourtant fort pauvre, possède une ample moisson de synonymes, qui offrent au poète de grandes ressources pour le parallélisme : voir le psaume cxviii, où la loi divine est désignée par dix synonymes divers.

Entre l’arabe et l’hébreu, il existe, au point de vue du vocabulaire, une ressemblance frappante, qu’il est facile de constater en ouvrant un dictionnaire comme le Thésaurus de Gesenius. Suivant certains auteurs, les deux tiers ; des racines hébraïques se retrouvent dans l’arabe avec les mêmes lettres et le même sens ou un sens approchant. En tenant compte de la correspondance des lettres dans les deux langues ou de leur permutation naturelle, quand elles appartiennent au même organe, on peut arriver même, dit-on, à retrouver les neuf dixièmes des racines. Il faut cependant, sous ce rapport, une critique sévère ; car, depuis Schultens jusqu’à nos jours, l’abus du dictionnaire arabe pour l’éclaircissement des mots sémitiques obscurs a eu de grands inconvénients. La philologie com

parée, avec ses progrès, a fourni des exemples, posé des lois, en uu mot tracé une route dont l’homme de science ne doit plus s'écarter pour se lancer dans des rapprochements plus spécieux que fondés. Sur les rapports de l’arabe et de l’hébreu, voir Fr. Delitzsch, Jesurun, Grimma, 1838, p. 76-89.

3° Style — L’arabe, en absorbant les autres langues sémitiques par sa domination universelle en Orient, opéra dans la littérature et le style une révolution capitale. Aux récits historiques, aux sentences morales, à la poésie libre ou versifiée, qui constituent en particulier le fond de la littérature biblique, viennent s’ajouter les domaines nouveaux et variés de la pensée abstraite : grammaire, jurisprudence, philosophie, théologie, sciences physiques et mathématiques, écrits techniques, bibliographie. Alors le verset, qui, jusqu’au Coran inclusivement, est la loi du style sémitique, est remplacé par des formes compliquées et des délicatesses de syntaxe inconnues à l’hébreu et à l’araméen. Cette ampleur néanmoins et ces progrès ne vont pas sans quelques défauts. Au lieu des formes sobres et harmonieuses de l’hébreu, on sent une raideur monotone et pédante ; au lieu des faciles allures des vieux idiomes, c’est une culture artificielle et savante ; au lieu de la grave beauté du style antique, ce sont des ornements de rhéteurs et des finesses de grammairiens. Enfin, quoique aussi continu que celui des langues indo-européennes les plus développées, le style arabe n’arrive pas à la netteté, à la limpide précision qui semble le partage exclusif des idiomes aryens.

4° Métrique. — La poésie est aussi plus compliquée en arabe qu’en hébreu. Si le parallélisme, auquel il faut joindre parfois l’assonance et l’allitération, forme le caractère particulier de la poésie hébraïque et lui donne sa physionomie propre, on sait maintenant que ce n’est pas son unique élément. Elle comprend des strophes dont chaque vers est constitué par la quantité prosodique, selon certains auteurs, par le nombre des syllabes, suivant les autres. Voir Poésie hébraïque. On trouve les caractères généraux du rythme hébraïque dans les parties poétiques du Coran ; mais déjà les poèmes antéislamiques étaient basés sur une prosodie des plus savantes. Quelle fut l’origine de cette métrique, et quelle en est la véritable nature ? C’est une question qui n’est pas encore absolument élucidée. Les auteurs arabes ont exposé en détail les règles de cette prosodie, d’après les exemples qu’ils avaient sous les yeux dans les Moallakât ou les Kasida ; mais ils n’ont pas considéré l’essence même de la poésie. Nos orientalistes modernes, reprenant les matériaux laissés par les grammairiens indigènes, ont établi diverses théories fondées, comme pour nos langues classiques, sur la combinaison des longues et des brèves. Cf. H. A. Ewald, De metris carminum arabicorum libri II, in-8°, Brunswick, 1825 ; Freytag, Darstellung der arabischen Verskunst, in-8°, Bonn, 1830 ; Silvestre de Sacy, Traité élémentaire de la prosodie et de l’art métrigue des Arabes, in-8°, Paris, 1831 ; H. Coupry, Traité de la versification arabe, in-8°, Leipzig, 1874. En 1876, la question a été reprise par Stanislas Guyard à un point de vue très intéressant. Se fondant sur les rapports de la musique et de la prosodie, il applique à la métrique arabe les règles du rythme naturel du langage, dont les éléments constitutifs sont Varsis et la thesis, le temps frappé et le temps levé. Cf. Journal asiatique, mai-juin 1876, p. 413-579 ; août-septembre 1876, p. 101-252 ; octobre, 1876, p. 285-315. Il y aurait peut-être profit à tirer de ces études pour la métrique hébraïque.

Le vers arabe se compose de pieds, qui ont chacun leur individualité et leur nom technique. Ils sont au nombre de sept, ayant trois, quatre ou cinq syllabes. De leurs combinaisons résultent seize mètres, dont les noms sont des adjectifs destinés à caractériser le vers : et-tanuil, « le long ; » el-madid, « le prolongé, » etc. Chaque mètre comprend deux hémistiches, La même rime est

i quelquefois conservée dans toute l'étendue de la pièce de vers ; quelquefois elle est alternée, suivant le genre et la nature de la composition.

III. Divisions et caractères. — 1° Arabe littéral et arabe vulgaire ; dialectes. — Ce que nous venons de dire s’applique principalement à l’arabe littéral, c’est-à-dire à la langue des monuments écrits. Mais dans la bouche du peuple le langage a revêtu une forme plus simple, qu’on appelle l’arabe vulgaire. Cependant il faut bien se garder de faire des deux idiomes deux langues séparées, en comparant l’une au latin, l’autre aux langues néglatines.

L’arabe vulgaire n’est au fond que l’arabe littéral dépouillé de sa grammaire savante et de son riche entourage de voyelles, Il supprime les désinences casuelles et les inflexions finales qui expriment les modes des verbes. Aux mécanismes délicats de la syntaxe littérale, il en substitue d’autres plus analytiques. Des préfixes et des mots isolés marquent les nuances que l’arabe littéral exprime par le jeu des voyelles finales ; les temps du verbe sont déterminés par des mots que l’on joint aux aoristes pour en préciser la signification. Ainsi, dans le dialecte de Syrie, ou ajoute souvent la lettre 6a à toutes les personnes de l’indicatif présent, imparfait, futur simple et antérieur, et du conditionnel présent, excepté à la première personne du pluriel, exemple : 'ana b’aktob, « j'écris, » au lieu de 'aktob. À la première personne du pluriel, le ba se remplace par un rnim ; exemple : manktob, « nous écrivons, » au lieu de naktob. Le futur peut être précédé de sa, s’il est prochain, ou de la particule saouf, s’il est éloigné, etc.

Au point de vue du vocabulaire, l’arabe vulgaire a laissé tomber également cette surabondance de mots qui encombrent l’arabe littéral. À part quelques mots étrangers, différents selon les provinces, il ne connaît que le fonds courant des vocables sémitiques, parfois légèrement détournés de leur signification ancienne. Ainsi, des remarques que nous venons de faire, se dégage un fait notable, c’est que l’arabe vulgaire est bien plus rapproché que l’arabe littéral de l’hébreu et du type essentiel des langues sémitiques.

En somme, l’arabe littéral n’est pac plus un idiome factice ou une invention des grammairiens que l’arabe vulgaire n’est une corruption de l’idiome littéral. Il a existé une langue ancienne, plus riche et plus synthétique que l’idiome vulgaire, moins réglée que l’idiome savant, et dont les deux sont sortis par des voies opposées. « On peut comparer l’arabe primitif à ce que devait être la langue latine avant le travail grammatical qui la régularisa, vers l'époque des Scipions ; l’arabe littéral, à la langue latine telle que nous la trouvons dans les monuments du siècle d’Auguste ; l’arabe vulgaire, au latin simplifié que l’on parlait vers le vie siècle, et qui, à bien des égards, ressemblait plus au latin archaïque qu'à celui de Virgile ou de Cicéron. » E. Renan, Histoire des languis sémitiques, p. 406.

L’arabe littéral, comme toutes les langues savantes, n’a pas de dialectes ; mais l’arabe vulgaire en possède, comme toutes les langues parlées. On en compte quatre : ceux d’Arabie, de Syrie, d’Egypte, et le maghreby ou dialecte de l’Afrique septentrionale. Les trois premiers sont fort peu distincts l’un de l’autre : une certaine quantité de locutions propres, des termes particuliers et la prononciation différente de quelques lettres, en constituent toute la diversité. Le dialecte d’Arabie est le plus pur de tous. Le maghreby offre plusieurs divergences grammaticales et des particularités plus caractérisées, mais qui ne vont pas jusqu'à le rendre inintelligible pour les habitants des autres contrées..

2° Caractères. — Les deux principaux caractères de l’arabe sont l’universalité et l’invariabilité. Universel dans les genres de littérature qu’il a embrassés, il ne l’est pas moins dans l'étendue des pays qu’il a envahis, dans l’action î

qu’il a exercée, comme organe d’une pensée politique ou religieuse supérieure aux diversités de races. Le grec et le latin, dont le domaine et l’influence ont été si considérables, lui sont inférieurs sous ce rapport. Le grec a été parlé de la Sicile au Tigre, de la mer Noire à l’Abyssinie ; le latin, de la Campanie aux iles Britanniques, du Rhin à l’Atlas ; tandis que l’empire de la langue arabe embrasse l’Espagne, l’Afrique iusqu'à l'équateur, l’Asie méridionale jusqu'à Java, la Russie jusqu'à Kazan. En s’imposant comme langue des livres dans les pays conquis par l’islamisme, il exerça la plus grande influence sur presque tous les idiomes de ces régions. Le persan et le turc lui empruntèrent son alphabet, et de l’Inde jusqu'à l’Europe des mots arabes s’infiltrèrent dans le langage. Cf. Dozy et W. H. Engelmann, Glossaire des mots espagnols et portugais dérivés de l’arabe, in-8°, Leyde, 1869 ; pour le français, voirE. Littré, Dictionnaire de la langue française, Paris, 1882, Supplément ; Dictionnaire étymologique des mots d’origine orientale, par Marcel Devic.

Malgré cette extension, la langue arabe conserva partout et toujours une merveilleuse unité. D’un bout à l’autre de ce vaste cordon formé par la conquête musulmane, on voit un même style chez les écrivains, les mêmes études, le même enseignement grammatical. Chaque auteur apporte dans sa manière de dire plus ou moins d'élégance ou de correction ; mais il est impossible de classer ces diversités par âge et par pays. Sur les lèvres des Bédouins qui dressent leurs tentes dans les déserts de l’Arabie, on retrouve encore un grand nombre de formes antiques, et la langue écrite de nos jours ne diffère pas de la langue de Mahomet. Cf. W. G. Palgrave, Narrative of a year’s journey through central and eastern Arabia, Londres, 1865, t. î, p. 463 et suiv. Cette espèce d’immutabilité, qui forme un des caractères des idiomes sémitiques, se remarque également dans l’assyrien, resté sensiblement le même pendant une période de plus de deux mille ans. C’est pour cela qu’on ne saurait la refuser à l’hébreu, qui a pu aussi se conserver durant des siècles sans changement : il n’est pas plus étonnant de retrouver la langue du Pentateuque dans les Psaumes et les Prophètes que la langue du Coran dans l’arabe moderne.

A ce double caractère de l’arabe nous ajouterons celui d’une réelle utilité pour les études bibliques, ce qui ressort d’ailleurs des rapprochements que nous avons établis entre cette langue et l’hébreu. Comme langue parlée, elle fait revivre pour nous l’idiome sacré avec sa phonétique, ses expressions usuelles, depuis Yessalâm 'aleik, « paix sur toi », qui rappelle le Mlôm lekâ, de l'Écriture, Jud., vi, 23, etc., jusqu’aux tournures de phrases les plus poétiques. On retrouve aujourd’hui sur les lèvres du fellah de Palestine, et en termes identiques, les proverbes usités parmi les Juifs au temps des prophètes, Ezech., xvi, 44 ; xviii, 2 ; Jer., xxxi, 29. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1889, p. 141. Impossible d’entendre parler un Arabe sans qu'à chaque instant un mot hébreu ne vous revienne à la mémoire, et ainsi le peuple ismaélite nous instruit autant par son langage que par ses mœurs. Comme langue écrite, l’arabe offre à l’exégète de nombreux et riches monuments où il peut, à l’aide de la critique, chercher l’explication des mots obscurs en hébreu ou des ona Xeydiieva ; ainsi dVis, bôlês, Amos, vii, 14, s’explique par l’arabe Sy balas, « figuier » ; eba, galas, Cant., iv, 1, par -J[^_

djalas, « s’asseoir », etc. Cf. Fr. Delitzsch, Jesurun, p. 87-89. Voir un exemple de l’usage de l’arabe dans la discussion sur Y’almah d’Is., vii, 14, dans LeHir, Les trois grands prophètes, Paris, 1877, p. 78-80. La géographie sacrée n’est pas moins intéressée à cette étude. Les noms bibliques se sont conservés sous la forme arabe ou sans altération ou avec de légers changements : noms communs

tels que 'aïn, « source ; » nahr, « fleuve » ; 'arabah, « désert, » etc. Ct. Palestine Exploration Fund, 1876, p. 132-140 ; noms propres, comme on peut s’en convaincre par les articles géographiques de ce Dictionnaire ; hébreu : 'Akkô, arabe : Akkà, Accho ; hébreu : Yàfô, arabe : Yâfâ, Jaffa, etc. Les géographes, comme Aboultéda, Édrisi, etc., et les historiens arabes rendent d'éminents services pour l’orthographe des noms, la position respective des différentes villes et leur état à certaines époquesde l’histoire. On sait quels emprunts le Coran a faits à la Bible. Il y a donc dans la connaissance de cette langue un intérêt continuel pour la philologie sacrée, aussi l'Église l’a-telle souvent recommandée. Clément V, enparticulier, voulut que des maîtres spéciaux fussent chargés de l’enseigner dans les grandes universités de Paris, d’Oxford, de Bologne et de Salamanque. Clément., lib. v, tit. î, de Magistris.

IV. Écriture. — On peut voir à l’article Alphabet comment l'écriture arabe se rattache à l’alphabet phénicien, et quels sont ses points de ressemblance avec les autres caractères sémitiques ; nous avons déjà parlé de seséléments au point de vue des consonnes et des voyelles. Il nous suffit d’indiquer en deux mots ses formes et son origine. L'écriture cursive habituelle est appelée neskhi. L'écriture hiératique, aux formes carrées, lapidaires, employée dans les inscriptions monumentales et sur les. monnaies, et, pendant plusieurs siècles, usitée dans les copies du Coran, a reçu le nom de koufique, de la ville de Koufa, dans l’Irakvrabi, où l’on croit qu’elle tut. inventée. On pense généralement que l'écriture n’a pas été connue des Arabes de l’Hedjaz et du Nedjed plus d’un siècle avant l’hégire, et qu’elle leur fut apportée par lesSyriens. Les formes de l’alphabet koufique se rapprochent, en effet, beaucoup de celles de l’alphabet syriaque estranghelo, et l’ordre primitif des lettres de l’alphabet arabe est identique à celui des alphabets hébreu et syriaque. Cependant, à la suite de Fr. Lenormant, Inscriptions sinaîtiques, dans le Journal asiatique, janvier 1859, p. 5Î et suiv., M. Renan, Hist. des langues sémitiques, p. 353, . admet volontiers une double origine pour l'écriture arabe : l’une syrienne (le koufique sorti de l’estranghelo), l’autresinaïtique pour le neskhi.

De formes très ornementales, comme on peut le voir dans certaines inscriptions où les lettres composent de gracieuses arabesques, l'écriture arabe est d’une lecture difficile. On n'écrit souvent les voyelles que par exception, , on oublie les points diacritiques, et le déchiffrement des noms propres serait presque impossible si les écrivains ne prenaient la précaution d'épeler en toutes lettres les. mots rares et importants : tel est l’usage dans les dictionnaires de géographie. Le neskhi s’est un peu transformé avec les siècles et selon les pays : l'écriture maghrébine (Algérie, Maroc) diffère sur certains points de l'écriture orientale ou de Syrie. Voir sur cette question de l'écriturearabe le travail de M. de Sacy, dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions, t. l, et dans le Journal des savants, août 1825, et dans le Journal asiatique, avril 1827. Voir aussi Carsten Niebuhr, Beschreibung von Arabien ? in-4°, Copenhague, 1772, p. 94-104.

V. Bibliographie. — Nous indiquons ici les ouvrages les plus importants pour l'étude de la langue arabe. 1° Grammaires : arabe littéral, Th. Erpenius, Rudimentd lingux arabicx, l re édit., in-4°, Leyde, 1613 ; édit. Sehultens, 1733, 1748 ; Silvestre de Sacy, Grammaire arabe, 2 in-8°, Paris, 1810 ; 2e édit., 2 in-8°, Paris, 1831 ; H. A. Ewald, Grammatica critica lingux arabicx, 2 in-8°, Leipzig, 1831 ; C. P. Caspari, Grammatik der arabischen Sprache, in-8°, Leipzig, 1859 ; traduite en français sur la 4e édition allemande, et en partie remaniée par Uricœchea, in-8°, Paris, 1881, une des meilleures ; H. Zschokke, Institutiones fundamentales lingux arabicee, in-8°, Vienne, 1869 ; arabe vulgaire : Abougit, Principes de la grammaire arabe à l’usage des écoles de

français en Orient, in-12, Beyrouth, 1862 ; Caussin de Perceval, Grammaire arabe vulgaire pour les dialectes d’Orient et de Barbarie, in-4°, Paris, 1824 ; in-8o, 1833 ; in-8% 1858 ; in-8o, 1880 ; A. Bellemare, Grammaire arabe (idiome d’Algérie), Paris, Alger, 1850. — 2° Dictionnaires : J. Golius, Lexicon arabico-latinum, in-f°, Leyde, 1653 ; Freytag, lœxicon arabico-latinum, 4 in-4o, Halle, 1830-1837 ; édition abrégée, in-4°, Halle, 1857 ; A. Handjéri, Dictionnaire français, arabe, persan et turc, 3 in-4o, Moscou, 1840-1841 ; Kazimirski, Dictionnaire arabe - français, 2 gr. in - 8°, Paris, 1860 ; Lane, Arabic-English Dicticmary, 5 in-4o, Londres, 1863-1875 ; Cuche (R. P.), Dictionnaire arabefrançais, gr. in-8o, Beyrouth, 1862 ; nouv. édit., 1883, pratique ; Vocabulaire français-arabe, par un missionnaire de la compagnie de Jésus en Syrie, in-8°, Beyrouth, 1867 ; A. Cherbonneau, Dictionnaire français-arabe pour la conversation en Algérie, in-12, Paris, 1872. — 3° Chrestomathies : Silvestre de Sacy, Chrestomathie arabe, Paris, 1806 ; 2e édit., 3 in-8o, Paris, 1826 ; G. L. Kosegarten, Chrestomathia arabica, in-8°, Leipzig, 1828 ; A. Oberleitner, Chrestomathia arabica una cum glossario arabico-latino, 2 in-8°, Vienne ; Chrestomathie arabe, publiée par les PP. Jésuites, 2 in-8°, Beyrouth, 1879-1881.

A. Legendre.

3. ARABES (VERSIONS) des Écritures. Il est difficile d'établir à quelle époque la Bible fut traduite pour la première fois en langue arabe. On rapporte qu’un certain Warka Ibn - Naufel avait traduit l’Ecriture en arabe dès le commencement du vne siècle, et que c’est dans cette version que Mahomet puisa sa connaissance de la Bible. Cela est assez problématique. En tout cas, il ne reste rien de cette prétendue version, non plus que de celle que Jean, évêque de Séville, avait fait exécuter en 717. Les versions arabes que nous possédons sont toutes de date relativement récente. De fait, le besoin de ces versions ne dut se faire sentir que lorsque les différentes contrées soumises à l’islamisme eurent abandonné leurs langues respectives pour adopter celle de leurs conquérants, c’est-à-dire entre le vme et le xe siècle de notre ère. Les versions arabes furent alors entreprises par les juifs et par les chrétiens. Les manuscrits sur lesquels elles furent faites étaient ceux dont on se servait dans les synagogues et dans les églises. Ils représentaient les recensions les plus diverses, et, comme on peut le supposer, ils n'étaient pas toujours des meilleurs. Les traducteurs se préoccupèrent moins de reproduire le texte le plus pur que de mettre la Bible à la portée des fidèles, en la débarrassant de toutes ses obscurités. Le cardinal Wiseman, dans ses Essays (t. i, Miracles of the New Testament), a décrit d’une manière fort ingénieuse la façon dont ces traducteurs ont dû procéder. Tous les livres de l’Ecriture Sainte n'étaient pas également lus dans les synagogues ni dans les églises. Les Juifs lisaient surtout la Loi, c’est-à-dire le Pentateuque. Les chrétiens, en dehors du Nouveau Testament, qui était leur principale Écriture, ne lisaient guère, dans leur entier, que le Psautier et les Prophètes. On se borna, tout d’abord, à traduire ces livres ; quant aux autres, on n’en traduisit que les parties qui étaient disséminées dans les livres liturgiques. C’est ainsi qu’aucune des versions arabes les plus anciennes ne s'étend à toute la Bible. Plus tard, quand on voulut avoir l’ensemble des Saintes Écritures, pour l’usage du clergé, qui lui-même n’entendait plus suffisamment les langues anciennes, on se contenta de réunir les versions déjà faites des différents livres ou portions de livres, et on combla les nombreuses lacunes par de nouvelles traductions faites sur les exemplaires complets des anciennes versions coptes ou syriaques. Il en résulta de véritables mosaïques, dont le fameux manuscrit de Brèves est un exemple frappant, comme on le verra plus bas. Les versions arabes n’ont donc pas beaucoup d’autorité. Cependant la critique y trouve parfois

des variantes qui jettent une lumière inespérée sur la version syriaque, et surtout sur la version alexandrine. En tout cas, elles occupent une place importante dans l’histoire de la Bible.

I. Versions arabes de l’Ancien Testament. — Nous les grouperons en cinq catégories. Les quatre premières comprendront celles qui sont basées sur l’hébreu, sur les versions syriaques, sur les Septante, ou sur d’autres textes ; dans la cinquième, nous traiterons de quelques éditions que l’on ne peut pas encore classer avec certitude.

1° Versions arabes basées sur le texte hébreu. — A) La plus célèbre est celle de Saadias Haggàon (891 -941), juif originaire du Fayoum, en Egypte, directeur de l'école talmudique de Sora. Elle se rapproche beaucoup des Paraphrases Targumiques, en sorte qu’elle est plus utile pour l’exégèse que pour la critique du texte. L’examen des différents manuscrits que nous en avons montre qu’elle a subi de nombreuses et importantes interpolations. La question de savoir si cette version s'étendait à toute la Bible est encore fort débattue. Il est certain qu’elle comprenait le Pentateuque et Isaïe ; on admet généralement que Job, les petits Prophètes et les Psaumes avaient aussi été traduits par Saadias.

a) Manuscrits. — Parmi les manuscrits qui contiennent des parties de la version de Saadias, on peut nommer les suivants : 1. Le manuscrit arabe de la Bibliothèque nationale. Ce manuscrit avait appartenu au célèbre Savari de Brèves ; il est d’origine égyptienne et date du XIVe siècle ; Pentateuque. — 2. Un manuscrit de la bibliothèque Bodr léienne à Oxford ; il a été écrit à Hamath, sur l’Oronte, en Syrie, et date aussi du xrve siècle ; Pentateuque. — 3. Le manuscrit oriental xxi de la bibliothèque Palatine Médicis, à Florence, xme siècle ; Pentateuque. — 4. Manuscrit arabe 377, de la bibliothèque de Leyde ; écrit à Mardin, au xive siècle ; Genèse et Exode. — 5. Un manuscrit (Cod. Bodl., xl) de la bibliothèque Bodléienne contient le livre de Job et les petits Prophètes. — 6. Deux autres manuscrits de la même bibliothèque contiennent les Psaumes. Cf. Bleek, Einleitung in das aile Testament, édit. de 1860, p. 795. — 7. Le Codex Bodl. clvi (Pococke, 32) de la même bibliothèque, écrit en caractères hébreux et daté de 1244, contient Isaïe.

b) Éditions. — Les principales éditions sont les suivantes : 1. Le Pentateuque tétraglotte de Constantinople, 1546. Cette édition contient, en outre du texte original et du Targum d’Onkelos, la version arabe de Saadias et la version persane de Jacob Tùsi, le tout eu caractères hébreux. — 2. La seconde édition fut faite à Paris, par Gabriel Sionite, dans la Polyglotte de Le Jay, d’après le manuscrit arabe 1 de la Bibliothèque nationale, dont nous avons parlé plus haut. — 3. Pococke réimprima cette deuxième édition dans le premier volume de la Polyglotte de Walton, et il publia ensuite, dans le cinquième volume du même ouvrage, les variantes de l'édition de Constantinople et du manuscrit d’Oxford (voir plus haut : Manuscrits 2). — 4. P. de Lagarde a publié la Genèse et l’Exode, d’après le manuscrit de la bibliothèque de Leyde, Materialien zur Kritik und Geschichte des Pentateuchs, Leipzig, 1867. — 5. Les prophéties d’Isaïe. avaient été publiées dès 1790, par Paulus, d’après le manuscrit d’Oxford, B. Saadise Phiumensis versio Isaise arabica cum aliis speciminibus, in-8o, Iéna, 1790-1791. — 6. Ewald, dans ses Beilrâge zur Geschichte der ait. Auslegung und Spracherklârung des A. T., Stuttgart, 1844, a donné des extraits du livre de Job d’après le manuscrit d’Oxford. — 7. Schnurrer a publié des fragments de la version des Psaumes, d’après le manuscrit d’Oxford, Pococke 281, dans YAllgemeine Bibliothek der biblischen Literalur d’Eichhorn, t. iii, p. 425. — 8. Osée et Joël ont été édités, d’après le manuscrit d’Oxford, par R. Schroter dans Archiv fur wissensch. Erforschung des A. T., i et n. — 9. Enfin, Adler a donné dans Y Einleitung in das A. und N. Tes 1 tament, d’Eichhorn, des variantes du manuscrit de Flo

Tence. P. de Lagarde a aussi publié dans ses Materialien, il, une version paraphraslique de la Genèse, d’après le manuscrit arabe 230, de la Bibliothèque de Leyde ; le manuscrit est écrit en caractères syriaques, et date de l’an 1528. Cette version, dit simplement M. de Lagarde, est à peu près la même que celle d’un manuscrit d’Oxford dont Paulus s’est occupé dans ses Specimina versionum Pentateuchi seplem arabicarum, § 7 et 12.

Quelques savants, entre autres Tychsen dans le Repertorium d’Eichhorn, t. xi, p. 82 et suiv., avaient contesté l’identité de la version de Gonstantinople et de la version imprimée dans les Polyglottes de Paris et de Londres. Pococke, dans la préface à son Arabica versio, démontra que cette identité est certaine, et Silv. de Sacy, Mémoire sur la version arabe des Livres de Mo’ise (dans les Mémoires de l’académie des Inscriptions, t. xlix, 1808, p. 67), s’est rallié à Pococke.

B) Les Juifs possèdent encore une autre version arabe du Pentateuque, faite par un Juif de Mauritanie, au XIIIe siècle. Elle suit l’hébreu massorétique de très près, servilement quelquefois. On ne lui reconnaît presque aucune valeur exégétique ni critique. Walton, Proleg., § 14, 16, dit pourtant qu’elle offre « des exemples d’une rare habileté, d’un esprit judicieux et d’un grand respect de la divine Majesté ». On n’en connaît qu’un manuscrit, qui appartint à Jos. Scaliger et qui est maintenant à la bibliothèque de Leyde (Cod. arab., 33). Il est en caractères hébreux. Erpenius l’a publié, assez imparfaitement, en caractères arabes, Pentateuchus Mosis arabice, in-4o, Liège, 1622. On appelle pour cela cette version Arabs Erpenii.

Il faut encore citer parmi les versions arabes faites sur l’hébreu : — C) Celle du livre de Josué qui a été imprimée, d’après le manuscrit arabe 1 de la Bibliothèque nationale, dans la Polyglotte de Paris, et réimprimée dans celle de Londres. Nous n’en connaissons ni l’auteur ni la date. — D) La version de III Reg., xii-IV Reg., xii, 16, qui, d’après Rédiger, De origine et indole arabicse librorum V. T. historicorum interprelationis libri II, Halle, 1829, serait d’un Juif de Damas du XIe siècle. Elle a été publiée, d’après le même manuscrit que la précédente, dans les Polyglottes de Paris et de Londres. — E) La version du passage II Esdr., i-ix, 27 ; imprimée aussi dans les deux mêmes Polyglottes, d’après le même manuscrit que les deux précédentes, ressemble beaucoup à la version du livre de Josué ; mais on croit qu’elle a été interpolée par un chrétien de Syrie. — F) Nous avons aussi des portions importantes d’une version arabe faite sur l’hébreu au x » siècle par un juif Karaïte, Yapheth ben-Heli. Les Psaumes ont été publiés en entier par l’abbé Barges, d’après le manuscrit de la Bibliothèque nationale, Libri Psalmorum David, Régis et Prophètes versio a R.Yapheth ben-Heli, Paris, 1861. — G) Une version (Genèse, Psaumes et Daniel) contenue dans le manuscrit Harl. 5505 du Musée Britannique. Voir Doderlein, dans le Repertorium d’Eichhorn, t. ii, p. 153.

H) Mais, de toutes les versions arabes faites sur l’hébreu, la plus célèbre, après celle de Saadias, est celle du Pentateuque par un Samaritain, Abou Saïd. Il la fit pour l’usage de ses coreligionnaires, qui en étaient réduits à se servir d’exemplaires plus ou moins corrompus de la version de Saadias. L’auteur n’a pas travaillé sur la version samaritaine, comme on pourrait le supposer, mais bien sur le texte hébreu original, écrit en caractères samaritains. Il montre pourtant que la version de Saadias lui était familière ; il s’en est servi plusieurs fois. Il a aussi fait usage de la version samaritaine, telle qu’elle a été imprimée plus tard dans la Polyglotte de Paris. La date précise de cette version est incertaine. Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’elle est postérieure au Xe siècle et antérieure au xme. D’après Silv. de Sacy, Mémoire sur la version arabe, p. 104, cette version serait fort utile pour la critique du texte samaritain. Voir Abou -Saïd.

a) Manuscrits. — Voici les principaux : i. Celui de la bibliothèque Barberini, à Rome. C’est un manuscrit tritaple (hébreu, version samaritaine et version arabe), écrit tout entier en caractères samaritains. Il est daté de l’hégire 624. — 2. Le manuscrit Usher à la bibliothèque Bodléienne d’Oxford ; il est bilingue ( version samaritaine et version arabe), et fut écrit en l’an 1525 de notre ère. — 3. Le manuscrit Taylor, à la même bibliothèque ; il est en caractères arabes. — 4. Le manuscrit arabe 5 (ancien fonds 2) de la Bibliothèque nationale, xve siècle. — 5. Le manuscrit arabe 6 (ancien fonds 4), même Bibliothèque et même date.— 6. Le manuscrit arabe 8 (ancien fonds 12), même Bibliothèque, XVIe siècle. Ce manuscrit, qui a appartenu à Melchisédech Thévenot, a cela de particulier que le copiste ayant un exemplaire de Saadias sous les yeux l’a complété par cette version. — 7. La Bibliothèque de Leyde possède aussi un manuscrit de cette version, que Sacy appelle Codex Damascenus. Avant d’entrer à la Bibliothèque de Leyde, il avait appartenu successivement à Van Tyl et à Schultens. — 8. Un autre manuscrit est mentionné dans la Bibliotheca Wittiana, 1701 ; on ignore ce qu’il est devenu. — Tous ces manuscrits représentent une seule et même version, malgré des variantes assez nombreuses surtout dans les passages obscurs. Ils ont été décrits par Silv. de Sacy, Mémoire sur la version arabe, p. 105 et suiv.

b) Éditions. — La version d’Abou Saïd n’a jamais été publiée en entier. Voici ce que nous en avons. — 1. Hottinger, dans son Prompluarium, sive bibliotheca orienlalis, Heidelberg, 1658, a publié Gen., xi, 1-23, d’après un fragment qui lui appartenait. — 2. Blanchini, dans le t. n de son Evangeliarium quadruplex latinse versionis anliquæ, 1749, fit graver une page du manuscrit Barberini contenant Num., v, 30-vi, 9. — 3. Durell, The Hebrew text ; of the parallel prophecies of Jacob and Moses relating to the twelve tribes to which are added 1° the Samaritan Arabie version, etc., 1763, publia Gen., xlix, 6, 28 ; Deutér., xxxiii, 1-29, d’après le manuscrit d’Usher ; et Gen., xlix, 1-4, d’après le manuscrit de Taylor. — 4. Ch. Hwiid publia à Rome, en 1780, Gen., xlix, d’après le manuscrit Barberini, dans son Spécimen inédits, versionis arabico - samaritanse Pentateuchie codice samaritano bibliolhecee Barberinse, in-8°. — 5. Adler, Biblisch-kritische Reise, a publié Num., xxiv, 7-9, d’après le manuscrit Barberini et le manuscrit arabe 6 de la Bibliothèque nationale. Il a aussi fait connaître d’autres passages du manuscrit Barberini dans le Liter. Briefwechsel, de J. D. Michaëlis. — 6. Paulus, dans sa Commentatio critica exhibense biblioth. oxon. Bodlejana specimina verss. Pentateuchi seplem arabicarum nondum editarum, léna, 1789, a donné divers extraits du livre de la Genèse, d’après le manuscrit de Taylor. — 7. Van Vlpten publia en 1803 quelques fragments, d’après le manuscrit de Leyde, dans son Spécimen philologicum continens descriptionem codicis MS. Bibliothecse Lugdun. Batavorum partemque inde excerptam versionis samaritano-arabicx Pentateuchi, Leyde, 1803. — 8. Silv. de Sacy, dans son Mémoire, p. 150-196, en a publié plusieurs fragments. Ils sont pris de différents manuscrits, quoique plus généralement du manuscrit arabe 6 delà Bibliothèque nationale ; les variantes de tous les manuscrits ont été soigneusement recueillies pour chaque passage. — 9. En 1851, Abr. Kuenen publia la Genèse d’après trois manuscrits et, en 1854, l’Exode et le Lévitique. Cf. Keil, Manual of hislorico-critical Introduction, Edimbourg, 1870, t. ii, p. 279-80.

2° Versions arabes basées sur la version syriaque. — A moins d’indication contraire, il s’agira de la version Simple ou Peschito.

A) Rédiger, De origine et indole arabicse interprétationis, donne comme faites sur la Peschito les versions arabes des livres suivants : Juges, Ruth, I et II Rois ; III Rois, i-xi ; IV Rois, xii, 17-xxv ; Paralipoménes,

Job, qui ont été imprimées dans les Polyglottes de Paris et de Londres, d’après le manuscrit arabe 1 de la Bibliothèque nationale. Ces versions ont été faites par des chrétiens au xiii 9 ou au XIVe siècle. Elles ont peu de valeur. P. de Lagarde a publié une nouvelle édition du livre de Job d’après la Polyglotte de Paris, ainsi qu’une autre version du même livre, mais de recension égyptienne, d’après un manuscrit de Berlin, dans son ouvrage intitulé : Psalterium, Job, Proverbia arabice, Gœttingue, 1876. B) Deux versions des Psaumes faites par des chrétiens du mont Liban. L’une a été éditée en 1585 et en 1610, au monastère maronite de Saint -Antoine, à Kouzheyya (au nord d’Ehden), dans le Bescherréh, mont Liban. Cette édition, dont les exemplaires sont très rares en Europe, est en carschouni. P. de Lagarde a réimprimé l'édition de 1610 d’après l’exemplaire de la bibliothèque de Nuremberg, Psaller., Job, Prov. L’autre est contenue dans le manuscrit 5469, in-12, du Musée Britannique (Cureton, Catalogue, n° vi). Cf. Ddderlein, dans leRepertorium d’Eichhorn, t. ii, p. 156 et suiv.

C) P. de Lagarde a publié, dans le même ouvrage, les Nombres, le Lévitique et le Deutéronome, d’après le manuscrit arabe 377 de la Bibliothèque de Leyde, dont nous avons déjà parlé à propos de la version de Saadias.

D) Enfin plusieurs manuscrits contenant des versions arabes faites sur la Peschito se trouvent dans les différentes bibliothèques d’Europe, pour la plupart inconnus, ou tout au moins inédits, comme on peut s’en assurer en parcourant les catalogues de ces bibliothèques. Tels sont, par exemple, les manuscrits arabes 17-21 de la Bibliothèque nationale. Paulus, dans sa Commentatio crilica, a donné quelques spécimens de versions du Pentateuque d’après des manuscrits de la bibliothèque Bodléienne.

E) Il existe aussi une version arabe faite au xve siècle par Hàreth ben-Sinàn sur la version syro-hexaplaire. Cette dernière ayant été faite sur le grec des Hexaples d’Origène, on pourrait compter cette version arabe avec celles qui sont basées sur les Septante. On en connaît plusieurs manuscrits : deux à la Bibliothèque nationale, manuscrits arabes 13 et 14 ; deux à la bibliothèque Bodléienne, à Oxford ; un à la bibliothèque Vaticane (Cod. arab., 1) ; un à la bibliothèque Palatine Médicis, à Florence (Cod. palat., or. xviii). Les cinq premiers manuscrits contiennent le Pentateuque, le sixième contient la Sagesse, l’Ecelésiaste, les Proverbes, l’Ecclésiastique, et le Cantique des cantiques. D’après Et. Ev. Assemani, Catalog. codd. arable, biblioth. Vatic, p. 2, dans la Scriptorum veterum nova Collectio, de Mai, t. iv, le manuscrit du Vatican serait de l’an 1329 de notre ère. L’auteur de la version serait donc antérieur au xve siècle, comme Assemani le déclare lui-même, ouvr. cilé, bien que dans son Catalogue de la bibliothèque Laurent, et Palat. Médicis, p. 61, il eût positivement dit que les deux Hàreth (car il en distingue deux) avaient vécu vers la fin du xve siècle. De Slane, Catalogue des manuscrits arabes de la Bibliothèque nationale, p. 4, dit aussi que l’auteur de notre version vivait vers la fin du xve siècle. — Quelques fragments de cette version ont été seuls publiés dans le t. vi de la Polyglotte de Londres et dans AVhite : Letter to the bishop of London, Oxford, 1779. — Plusieurs savants comptent la version de Hàreth avec celles qui ont été traduites directement sur les Septante des Hexaples.

F) Assemani, Bibliotheca orientalis, t. ii, p. 309, cite un texte de Bar-Hébræus d’où il ressort qu’un nestorien nommé Aboul-Faradj ben at-Tayyib avait traduit toute la Bible eu arabe. Cette version, qui jusqu’ici n’a pas été retrouvée, pour l’Ancien Testament au moins, était sans doute faite sur le syriaque.

3° Versions arabes basées sur les Septante. — Parmi les principales on peut citer :

A) La version des Prophètes (Daniel excepté, qui est Taduit sur Théodotion), imprimée dans la Polyglotte de tParis, d’après le manuscrit arabe 1 de la Bibliothèque

nationale, et réimprimée dans la Polyglotte de Londres. Elle a été faite par un prêtre d’Alexandrie, comme l’indique une note du copiste placée à la fin des petits Prophètes. Cornill, qui, dans son Buch des Proph. Ezechiël, Leipzig, 1886, p. 49-57, a étudié en détail cette version pour le livre d’Ezéchiel, dit qu’elle a été faite directement sur le grec. Le manuscrit dont s’est servi le traducteur était en lettres onciales, sans esprits ni accents, et les mots n'étaient pas séparés. Comme le Codex Alexandrinus, ce manuscrit contenait la recension égyptienne des Septante ; on y voit des traces de l’influence des Hexaples, mais moins que dans le Codex Alexandrinus. Le manuscrit de Paris offrait quelques lacunes auxquelles les éditeurs de la Polyglotte de Londres ont suppléé par les passages correspondants d’un manuscrit d’Oxford de recension syrienne.

B) Les versions des livres de Tcbie, Judith, Esther, Proverbes, Ecclésiaste, Cantique des cantiques, Sagesse, Ecclésiastique, et des deux livres des Machabées, imprimées dans la Polyglotte de Paris (excepté les deux premiers et l’avant-dernier) et dans celle de Londres.

C) La version des Psaumes, imprimée dans les deux Polyglottes. Elle est aussi faite sur une recension égyptienne des Septante. P. de Lagarde l’a réimprimée, ainsi que la version des Proverbes dont nous venons de parler, Psalterium, Job, Proverbia, etc. Mais nous avons deux autres versions des Psaumes :

D) L’une est basée sur une recension syrienne des Septante. Il y en a deux éditions. La première a été publiée en 1516 par Giustiniani, évêque de Nebbio, August. Justiniani Psalterium Octaplum, in-f°, Gênes, 1516 ; la seconde a été publiée une première fois, en arabe seulement, par Gabriel Sionite et Victor Scialak, à Rome, en 1614, Psalmi arabici ex grseco ; une deuxième fois, avec la traduction latine, même année, Liber Psalmorum Davidis régis, et une troisième fois en arabe et en latin, en 1619, Davidis régis et Prophetse Psalmi. Ces deux dernières réimpressions (si tant est que ce soient des réimpressions) ne diffèrent que par le titre. P. de Lagarde a réimprimé cette version dans son Psalterium, Job, Proverbia. Le manuscrit de Gabriel Sionite, qui a servi aux éditions de 1614, est conservé à la bibliothèque Laurentienne à Florence, Biblioth. Palat. Méd., cod. x ; il fut terminé en 1612. Voir le catalogue d' Assemani, p. 56.

E) L’autre est d’après une recension spéciale qui est en usage chez les grecs Melchites. Son auteur, 'Abdallah 'Ibn-'El-Fadl, vivait au xiie siècle environ. Elle a été publiée à Padoue, en 1709, in-8° ; et aussi à Alep, en 1706, in-4o ; au monastère melchite de Saint-Jean-Baptiste (Màr yochanna e3-souaïr), dans le Chesrouan, mont Liban, en 1735, 1739, 1753 et 1764, in-8°. La Sociehj for promoting Christian knowledge fit imprimer la même version à Londres, en 1725, in-8o, d’après un manuscrit envoyé d’Alep ; l’impression fut surveillée par Salomon Negri de Damas. P. de Lagarde, Psalter., Job, Prov., a fait réimprimer l'édition de 1706 sur l’exemplaire de la bibliothèque de Dresde. La même version avait encore été publiée à Vienne avec un commentaire arabe.

4° Les catholiques ont publié, à l’usage des chrétiens d’Orient, quelques versions qui sont fondées principalement sur la Vulgate. Voici les plus remarquables :

A) L'édition de la Propagande, 3 in-f°, 1671. Lee et Mac Bride (aux frais de la société Biblique) l’ont réimprimée à Londres en 1822, in-8°, après avoir retranché la Préface, les Livres deutérocanoniques et la traduction latine. — B) L'édition de Mgr Tuki, vicaire apostolique de l'Église copte. Une partie seulement a paru : le Pentateuque, Josué, les Juges, Ruth, les Rois, les Paralipomènes, Esdras et Tobie. — C) L'édition des PP. Dominicains deMossoul, 4 gr. in-8o, 1875-78. — D) L'édition des PP. Jésuites de Beyrouth, 3 gr. in-8°, 1876-78. — E) Les protestants ont aussi une version particulière. En 1856, la Society for promoting Christian knowledge publiât,

par les soins de MM. Lee, Fares et Jarrett, une édition de la Bible d’après la Version anglaise autorisée ; mais leur manuscrit fut ensuite revisé sur les textes originaux. 5° Voici enfin quelques éditions qui ne peuvent pas encore être classées avec certitude :

A) Édition de toute la Bible faite à Bucharest, 1700, par les soins du patriarche melchite d’Antioche. — B) Le premier Psaume en copte et en arabe, avec traduction latine par Petrseus, Leyde, 1663. — G) Le Cantique des cantiques en éthiopien et en arabe, avec traduction latine par Nisselius, à Leyde, 1656. — D) Deux éditions des Psaumes, par la Propagande, Rome, 1744 et 1749, in-4

— E) L’édition faite par Carlyle pour la société Biblique, Newcastle, 1811, in-4o. — F) L’édition protestante de Londres, 1831, in-8o. — G) L’édition protestante de Van Dyck, Beyrouth, 1865, in-8o. (Cf. Journal of the American oriental Society, t. xi, p. 276-86.)

Voir Rôdiger, De origine et indole arabicse librorum V. T. historicorum interprétations librill, Halle, 1829 ; Pococke, Arabica versio Pentateuchi cum R. Saadix versione tam quse in codd. mss. quam quse in Bibliis constantinopolitanis extat, collata. Prœfatio (dans la Polygl. de "Walton, t. v) ; Hottinger, Dissertatio historicotheologica de Heptaplis parisiensibus ex Pentateucho instituta, in-4o, Zurich, 1649 ; Schnurrer, De Pentateucho arabico polyijlotto, Tubingue, 1780 ; Dissertationes philologico-criticæ, Tubingue, 1790 ; Paulus, Commentatio critica exhibense bibliolh. Oxon. Bodlejana specimina verss. Pentateuchi septem ardbicarurn nondam editarum, îéna, 1789 ; Durell, The Hebrevi text of the parallel prophecies of Jacob and Moses relating to the twelve tribes, ., . to which are added 1° the Samaritan Arabie version, etc., 1763 ; Hvviid, Spécimen ineditse versionis arabico - samaritanse Pentateuchie cod. samaritano bibliolh. Barberinse, in-8°, Rome, 1780 ; Van Vloten, Spécimen philologicum continens descriptionem codicis ms. Lugduno-Batavæ, parternque inde excerptam versionis samaritano-arabicas Pentateuchi mosaici, in-4°, Liège, 1803 ; Silv. de Sacy, Mémoire sur la version arabe des livres de Moïse, à l’usage des Samaritains, et sur les manuscrits de cette version, dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions, t. xux, 1810 ; White, Letter to the bishop of London, Oxford, 1779 (spécialement pour les versions laites sur la version syrohexaplaire ) ; Doderlein, sur les versions des Psaumes, dans Eichhorn, Bepertorium, IIe part., p. 151 et suiv. ; IVe part., p. 57 et suiv.

IL Versions arabes du Nouveau Testament. — Les versions arabes des Évangiles nous étant (depuis quelques années surtout) beaucoup mieux connues que celles des autres livres du Nouveau Testament, nous devrons traiter séparément : 1° des versions des Évangiles ; 2° des versions des Actes, des Épttres et de l’Apocalypse.

1° Versions arabes des Evangiles. — Ce sujet a été traité tout récemment dans un mémoire de la Reale Accademia dei Lincei, 1888, par M. Ignace Guidi, Le traduzioni deyli Evangeli in araboe in etiopico. En voici le résumé. Les Évangiles furent peut-être traduits en arabe avant Mahomet. Sprenger, Das Leben und die Lehre des Mohammad, 3 in-8°, Berlin, 1861-1865, t. i, p. 131-132 ; cf. Gildemeistcr, De Evang. in arabic, p. 35. D’après un texte de Bar-Hébræus, une autre traduction aurait été faite entre 631 et 649 de notre ère. Bar-Hébrceus, Chronic. eccles., édit. Abbeloos et Lamy, t. i, p. 275 ; Assemani, Biblioth. orient., t. ii, p. 335 ; cf. Gildemeister, De Evang. in arabic, p. 30, note 1. Mais ces premières traductions ne constituent que des faits isolés et discutables. En revanche, les manuscrits sont là pour nous attester que dès le vme siècle les versions arabes des Évangiles étaient déjà assez communes chez les chrétiens de la Syrie. M. Guidi divise les textes des nombreux manuscrits des Évangiles en arabe en cinq classes. — A) Textes traduits directement du grec. — B) Textes traduits sur la Peschito,

ou tout au moins retouchés sur cette version. — C) Textes traduits sur la version copte - memphitique, ou modifiés d’après elle. — D) Textes de recensions éclectiques faites au xine siècle dans le patriarcat d’Alexandrie. — E) Textes se distinguant par leur forme plus spécialement littéraire.

— À ces cinq classes nous en ajouterons une sixième, qui comprendra F) les versions arabes d’origine occidentale.

A) Textes traduits directement du grec. — C’est au couvent de Saint-Sabas ou dans ses environs qu’il faut chercher les origines de la littérature arabo-chrétienne ; car c’est là qu’ont été trouvés les plus anciens manuscrits se rapportant à cette littérature. On voit par leur contenu que la traduction des Évangiles fut un des premiers soucis de l’école littéraire de Saint-Sabas ; on la trouve dans un grand nombre de manuscrits, dont quelques-uns sont les plus anciens représentants de la littérature arabochrétienne. La plupart de ces manuscrits sont encore au couvent de Saint-Sabas, ou à celui de Sainte-Croix, à Jérusalem. Plusieurs ont été transportés en Europe, notamment à Leipzig (mss. Tischendorf). Rome en possède quelques-uns, dont deux (Vatic. arab., 13, vme siècle, et mus. Borg., k. ii, 31, vme ou ixe siècle) sont les plus anciens que nous connaissions. On n’a pas de données positives sur l’origine de ces deux manuscrits, mais l’examen de leur texte ne laisse aucun doute sur leur provenance. Le manuscrit du musée jjorgia contient absolument le même texte qu’un fragment (Matth., x, 19-xi, 4 ; xiv, 13-xv, 2) de lectionnaire de Leipzig, qui a été apporté de Saint-Sabas (cod. Tischendorf, xxxi, À ; cf. Tischendorf, Anecdota, etc., p. 70, et Flcischer, dans la Zeitschrift der deutschen morgenlàndisclien Gesellscha/ 1, t. viii, p. 586) ; et le manuscrit du Vatican, pour être paraphrastique, ne laisse pas que de se rattacher à la même famille. On a dit que ce dernier manuscrit venait d’Émèse, en se fondant sans doute sur une certaine note en vers grecs, inscrite au verso du dernier folio ; mais cette note n’est pas du même copiste que le manuscrit.

— La version contenue dans les manuscrits provenant de Saint-Sabas a été faite sur une version grecque de recension syro-antiochienne ou mixte. Elle est due à l’initiative privée, et n’a jamais été eanoniquement approuvée. Le manuscrit Borgia, k. ii, 31, dont nous avons déjà parlé, la contient dans sa forme primitive. On la retrouve corrigée au point de vue de la grammaire dans les manuscrits Borgia, k. ii, li, xie ou xiie siècle ; Leyd., 2376, A. D., 1179, et Leyd., 2377, A. D., 1331 ; et, sous le rapport du style, dans les manuscrits Bodl., xv (catal. Nicoll), A. D., 1564, et xxix (catal. Uri), A. D., 1256.

B) D’autres manuscrits assez anciens offrent des versions qui suivent assez bien la Peschito ; elles sont d’époques différentes. 1. La plus ancienne est celle d’un manuscrit Tischendorf, de Leipzig, que Gildemeister place entre 750 et 850. Mais on ne saurait dire si cette version a été faite directement sur la Peschito, ou si elle a été simplement revisée sur elle. — 2. Le Codex Vaticanus 13, contient aussi quelques feuillets (1-15, 47-55) dont le texte suit également la Peschito. — 3. La version du Diatessaron de Tatien, publiée par le P. Ciasca, a été faite au xie siècle par Ibn-at-Tayyib, dont nous avons parlé, col. 849, à propos des versions de l’Ancien Testament basées sur le syriaque ; elle est fort différente de la version du manuscrit de Leipzig. — 4. Le même Ibn-at-Tayyib, dans ses commentaires sur saint Matthieu, suit une traduction différente des deux premières, et de celle même de son Diatessaron, comme on peut le voir par l’examen des deux manuscrits, qui se trouvent l’un au musée Borgia (Diatessaron), l’autre à Leyde (Comment., 2375). — Enfin quelques manuscrits, par exemple, Vatic. syr., 19 (A. D., 1420 ; cf. Guidi, oui’)', cit., p. 15, n. 2) et 197 (A. D., 1488), contiennent des versions syriennes d’origine, mais fortement influencées par la recension alexandrine.

C) De même que les Syriens accommodèrent plusieurs fois le texte grec à leur version nationale, ainsi les Coptes

l’adaptèrent à la version indigène, qui était regardée comme officielle dans le patriarcat d’Alexandrie, celle qui était en dialecte memphitique. Le magnifique Codex Vaticanus copt., 9, est un représentant de cette version coptoarabe.

D) Toutes ces versions étaient privées, aucune n'était canoniquement reconnue ; ce qui se comprend quand on réfléchit qu'à l'époque à laquelle elles remontent, les langues anciennes étant encore suffisamment comprises des gens instruits, on ne voyait pas la nécessité de sanctionner aucune des traductions que des personnes privées avaient entreprises. Mais bientôt ces traductions devinrent nécessaires ; on pensa alors à établir canoniquement un texte qui devait être la base de la liturgie et de toute la littérature ecclésiastique. Ce travail commença d’abord en Egypte, où l’arabe se répandit plus rapidement à cause de la disposition topographique du pays. On se basa pour cela npn seulement sur la version copte, mais encore sur les versions canoniques grecques et syriaques, l’influence des Melchites et des Nestoriens étant alors considérable dans le patriarcat d’Alexandrie. Ce travail fut entrepris par Al-As’ad Abùl-Faradj Ibn-al-'Assâl, vers 1250. Ou le trouve dans un manuscrit de Milan (Ambros., C. 47. Inf.) daté de 1280, et avec de légères variantes dans le Vatic. ar., 610, le Vatic. copt., 10, le Leyd., 2374 (Scalig., 223) et les deux Bodl. (Ùri) xxiv et xxv ; mais, tandis que quelques-uns ont conservé l’apparatus crilicus d’el-'Assàl (Ambros ; et Bodl., xxiv), les autres n’ont que le texte. Tous sont du xiii « ou du xive siècle. — Cette recension cessa bientôt d'être en vogue, sans doute parce qu’elle était trop compliquée. Elle fut remplacée par une autre recension alexandrine, que l’on peut nommer la Vulgate. Celle-ci est basée sur l’ancienne version canonique copte, telle que nous l’avons dans le Cod. vatic. ar., 9, dont nous avons déjà parlé, sinon sur ce manuscrit lui-même. Cependant le grec, et le syriaque furent aussi mis à profit, tant pour compléter la version copte, ians laquelle des mots avaient été omis, que pour l'éclaircir ou même la corriger. Pour le travail de revision sur le syriaque, on se servit des commentaires d’Ibn-at-Tayyib. Il en résulta un texte clair, coulant, tenant suffisamment compte des trois versions canoniques en usage, et suffisamment correct. Cette édition est la seule qui ait été imprimée.

a) Manuscrits. — Les manuscrits en sont nombreux et de deux différentes origines : les uns, les plus nombreux, venant d’Egypte, et les autres venant de Syrie. Ces derniers ont naturellement de temps en temps quelquesunes des variantes caractéristiques des versions d’origine syrienne. Voici l’indication des principaux manuscrits d’origine égyptienne. Oxford, bibliolh. Bodl. (catalogue d’Uri), codd. 23 [de 1326] ; 22 ; 31 (?) ; 32 [de 1478]. — Brit. Muséum, arab., 12 [de 1337]. — Vatic. arab., 15 [de 1328] ; copte, Il et 8. —Vienne, 1544 et 1545. — SaintPétersbourg, Mus. asiat., 3. — Leyde, 2370, 2371, 2373, 2379. — Paris, Bibliothèque nationale, manuscrit arabe, 51. — Ce dernier manuscrit avait été, semblet-il, copié sur un autre manuscrit dont un folio a été conservé dans la copie ; ce folio porte la date 1037 des martyrs. Le manuscrit auquel il appartenait serait donc de 1321, ce qui est important à noter pour déterminer la date de la seconde recension alexandrine. Parmi les manuscrits d’origine syrienne, M. Guidi mentionne le Vatic. syr., 407 [de 1476] ; le mus. Borg., k. viii, 2 ; le n° 49 du collège des Maronites.

6) Éditions. — On les divise en deux classes, suivant qu’elles ont été faites sur des manuscrits d’origine égyptienne ou sur des manuscrits de provenance syrienne. D’après M. Guidi, il faut compter parmi les éditions de la recension alexandrine, origine égyptienne, celle d’Erpenius : Novum Testamentum arabice, cura Tliomse Erpenii, Leyde, 1616, in-4° (d’après un manuscrit qu’il tenait de Scaliger, et qui est maintenant à l’université de Cambridge, Gg. v, 33), et celle de P. de Lagarde (d’après le

manuscrit de Vienne, 1544). Erpenius croyait que ses Évangiles avaient été traduits du grec ; là n’est pourtant pas la difficulté, car le jugement d’Erpenius sur celle matière est loin de valoir celui de M. Guidi. Mais il faut observer que, d’après Richard Simon, Histoire critique des versions du Nouveau Testament, ch. xviii, Erpenius transcrit, dans sa préface, une note de son manuscrit ainsi conçue : « Absoluta est hujus libri descriptio die 16 mensis Baunse anni 988 martyrum justorum. Descriptus autem est ex emendatissimo exemplari cujus descriptor ait se id descripsisse ex alio exemplari emendato exarato manu Joannis, episcopi cophtitee, qui Joannes dicit se suum descripsisse ex exemplari emendatissimo quod ediderat D. Nesiulaman, F. Azalkefati. » Si cette note est authentique, il s’ensuit clairement que le manuscrit Scaliger, qu’a publié Erpenius, est de l’an 1272 ; que la version qu’il contient est plus ancienne encore ( beaucoup plus que ne le serait la deuxième recension alexandrine, suivant M. Guidi), et enfin que le nom de l’auteur de la recension vulgate d’Alexandrie est connu. Ces conclusions sont acceptées par Assemani, dans son Catalogue de la Biblioth. Laurent. Palat. Médicis, p. 62, sur la foi de la préface d’Erpenius. Scrivener, qui semble avoir été mieux informé encore, non seulement sur le livre d’Erpenius, mais aussi sur le manuscrit lui-même, adopte les mêmes conclusions. A plain introduction to the Criticism of the New Testament, 1883, p. 414. Il est vrai que dans le même ouvrage de R. Simon, et précisément au même endroit, on lit une note qui recule presque d’un siècle la date de notre manuscrit ; cette note, tirée du Catal. Biblioth. Lugd. Batav., p. 279, est ainsi conçue : « Novum Testamentum integrum scriptum in deserto sancto in monaster. D. Joannis, anno Diocl. 1059, i. e. Christi 1342. In Act., Epist. et Apoc, accuratissime annotata ; sunt (par Raphelenge, comme le dit Simon) variæ lectiones in alio codice ms. atque ex hoc exemplari suam Nov. Testam. editionem expressif Erpenius. » — Cette note me paraît bien suspecte ; elle est d’ailleurs en désaccord avec tout ce que j’ai pu recueillir de renseignements sur le manuscrit d’Erpenius. Estelle réellement de Rich. Simon ? Nous nous en remettons à M. Guidi pour une réponse satisfaisante. Cf. Michælis, Introduction to the New Testam., édit. Marsch, notes to chapt. vii, sect. xvi.

A côté de l'édition de 1616, il faut citer celle de Londres, 1829, qui n’eu est qu’une réimpression, et les deux éditions de Rome, 1671, et de Londres, 1820, dont nous avons déjà parlé à propos des versions de l’Ancien Testament. À la même classe appartient aussi l'édition faite par P. de Lagarde, en 1861, d’après le manuscrit 1544 de Vienne. — Parmi les éditions de la même version faites sur des exemplaires d’origine syrienne, il faut nommer au premier rang : 1. L'édition de Rome de 1591, reproduite plusieurs fois sans modifications dans le texte. — 2. Celle de 1645, dans la Polyglotte de Le Jay, par Gabr. Sionite. L'éditeur s’est servi d’un exemplaire de l'édition de Rome, en se contentant d’en purifier le style. Cet exemplaire appartint d’abord à Séguier, puis à Picques. — 3. Celle de Londres, simple réimpression de celle de Le Jay. — 4. Celle de Rome, 1703, en carchouni, d’après un manuscrit de Chypre (collège des Maronites, à Rome, n° 49), et celle de 1824, Paris, réimpression de celle de 1703. — L'édition melchite d’Alep, 1706, a du être faite sur des exemplaires de la même version ; mais je ne saurais dire si elle a été influencée par les exemplaires ordinaires de Syrie.

E) Parmi les manuscrits qui se distinguent par leur forme plus spécialement littéraire, il faut citer celui de Leyde, 2348, et ceux du Vatican, codd. arab., 17 et 18. Ces deux derniers sont de la fin du Xe siècle. Tous les trois contiennent le même texte. C’est une version en prose rimée. M. Guidi croit que son auteur était un des médecins ou philosophes syriens qui fleurirent sous les Califes, au IXe ou Xe siècle. — Une autre version du même genre

fut faite en Syrie par’Abhdîsô, métropolitain de Nisibe (-j- 1318). Cette version est mentionnée dans le manuscrit arabe 58 de la Bibliothèque nationale. (Voir de Slane, Catalogue, p. 13.) Elle a servi de base aune autre version littéraire faite par un Maronite, Ja’qùb ad-Dibsi, en 1691. Elle se trouve dans le manuscrit arabe 58, dont nous venons de parler, et, dit-on, aussi dans un manuscrit qui est à Alep. Cette dernière version n’est pas rimée. Une autre version littéraire se trouve dans trois manuscrits, deux d’Oxford, Bodl., xv et xxix, et un de Milan, Ambros. E. 95, sup. Elle se rapproche de la version des mss. Borg., k. ii, 6 ; Leyde, 2376 et 2377 ; Vatic. ar., 467, dont nous avons déjà parlé plus haut (A.). Cette version remonte au moins au xme siècle, le Cod. bodl. xxix étant de l’an 1256.

F) Nous traiterons ici de deux versions très différentes de toutes les autres, qui se trouvent dans deux manuscrits, Londres, Brit. Muséum, xiii, et Munich, 238. Ce dernier a été copié sur un manuscrit de l’an 1145. La version qu’il contient se trouve aussi dans un manuscrit des archives de la cathédrale de Léon. Une note qui se lit dans le manuscrit de Londres et dans celui de Munich dit que cette traduction fut faite, en 946, par Isaac Velasquez de Cordoue. Ces manuscrits sont écrits en caractères maugrébins ; ils contiennent l’introduction aux Évangiles dite de saint Jérôme, les chapitres sont divisés plus à l’occidentale qu’à l’orientale. Comme le remarque M. Guidi, ce groupe de manuscrits fait penser à la version de Jean de Séville, dont nous avons déjà parlé, et qui était, diton, traduite de la Vulgate. M. Guidi observe que la version des trois manuscrits en question semble se rapprocher plus de l’Italique que de notre Vulgate.

Nous devons ici dire un mot des différentes hypothèses que l’on a émises sur l’origine de l’édition princeps des Évangiles, publiée à Rome en 1591. Richard Simon, sans la critiquer aussi vivement que l’édition de 1671, observe qu’elle a « été retouchée en quelques endroits sur notre édition latine ». Davidson, À irealise on biblical criticism, t. ii, p. 222, bannit avec dédain du domaine de la critique cette édition « faite sur la Vulgate ». Il ne fait d’ailleurs pas plus de cas de l’édition d’Erpenius, qui n’est, dit-il, que la réimpression de la même version d’après un manuscrit de Leyde ( ! ). D’un autre côté, Juynboll, dans sa description d’un manuscrit arabe de Franeker (publiée en 1838), a remarqué que ce manuscrit suit l’édition de 1591, et que l’un et l’autre étaient conformes à la Vulgate, en sorte qu’on ne saurait accuser l’éditeur Raimondi d’avoir retouché la version arabe sur la Vulgate, le manuscrit dont il s’est servi pouvant être du même genre que celui de Franeker. — Juynboll identifie ensuite son manuscrit et l’édition princeps avec la version de Jean de Séville. Ce dernier point fut contesté par Gildemeister, dans ses communications à Tischendorf. (Tischendorf, Novum Testamenlum grsece, édit. de 1859, Proleg., p. ccxxxix.) Quoi qu’il en soit, il ne serait pas impossible que le manuscrit de Franeker appartînt à la même famille que ceux de Londres, de Munich et de Léon ; et ces trois derniers prouvent bien qu’il y a eu au moins une version arabe faite en Espagne sur un texte latin.

2° Versions arabes des Actes, des Épitres et de l’Apocalypse. — On n’a pas encore suffisamment étudié l’histoire des versions de cette partie du Nouveau Testament, on se contente de dire d’une manière un peu vague qu’elles sont dérivées du syriaque. Mais il est bien probable qu’une étude judicieuse des manuscrits conservés dans les différentes bibliothèques d’Europe conduirait à des résultats analogues à ceux auxquels M. Guidi est arrivé pour les Évangiles. Les Actes des Apôtres et les Épitres, celles de saint Paul surtout, étaient trop lues dans les Églises d’Egypte et de Syrie pour que des traductions privées ou canoniques n’en aient pas été faites à plusieurs reprises. On trouvera l’indication des manuscrits à utiliser dans les catalogues des grandes bibliothèques.

Je me contenterai de citer ainsi un manuscrit du IXe siècle, conservé à Leipzig. Cf. Tischendorf, Anecdota, Leipzig, 1861, p. 13. — Les Actes, les Épitres et l’Apocalypse se trouvent : 1. dans l’édition d’Erpenius, Leyde, 1616, que nous avons déjà citée plusieurs fois, et dans la réimpression de Londres, 1829 ; — 2. dans les Polyglottes de Paris et de Londres ; — 3. dans l’édition carchouni de Rome. 1703, et dans sa réimpression, Paris, 1824 ; — 4. dans l’édition complète de Rome, 1671, et sa réimpression à Londres, 1820. — Ont été publiés séparément les livres suivants : 1. Les Actes des Apôtres, par D.-J.-H. Callenberg, Halle, 1742. — 2. L’Épître aux Romains, par Erpenius, Leyde, 1616. — 3. La même, par Callenberg, Halle,

1741. — 4. L’Épître aux Hébreux, par le même, Halle,

1742. (Les éditions da Callenberg ne sont que des réimpressions de la Polyglotte de Londres.) — 5. L’Épître aux Galates, d’après un manuscrit d’Heidelberg, Heidelberg, 1583. — 6. L’Épître à Tite, avec traduction latine interlinéaire par Jean Antonidas, 1612. — 7. Les Épîtres des saints Jacques, Jean et Jude, en arabe, éthiopien et latin, par Nisselius et Petrseus, Leyde, 1654. — 8. Les Épîtres de saint Jean, par Raphelenge, Leyde, 1612. — 9. L’Épître de saint Jacques, avec traduction latine par Nicolas Panecius, Wittenberg, 1694. — 10. Les Épîtres de saint Jean, par Jonas Hambrœus, in-16, Paris, 1630. — 11. L’Épître de saint Jude, d’après un ancien manuscrit d’Heidelberg, in-f », Breslau, 1630.

Voici enfin quelques autres éditions faites par les soins des sociétés bibliques protestantes. 1. Tout le Nouveau Testament, traduit par Sabat, revu par Thomason, Calcutta, 1816. Réimprimé à Londres en 1825, sous la direction de Lee, et à Calcutta, 1826, sous celle de Thomason.

— 2. Le Nouveau Testament publié par Salomon Negri, aux frais de la Society for promoling Christian knowledge. C’est une réimpression de la Polyglotte de Londres, avec modifications par l’éditeur ; Londres, 1827. — Enfin on trouvera encore le Nouveau Testament dans les éditions complètes de la Bible, catholiques ou protestantes, dont nous avons parlé à propos de l’Ancien Testament.

Voir Storr, De Evangeliis arabicis, Tubingue, 1775 ; Gildemeister, De Evangeliis in arabicume simplici syriaca Iramlatïs, Bonn, 1865 ; Richard Simon, Histoire critique des versions du Nouveau Testament, chap. xviii ; Holzmann, Lehrbuch der histor. kritischen Einleit. in das Neue Testament, Fribourg-en-Biisgau, 1886.

H. Hvvernat.

    1. ARABIE##

ARABIE (hébreu : an ?, anv, ’ârab, ’ârâb), pays situé

à l’est et au sud-est de la Palestine, et composé en grande partie de déserts parsemés de petites oasis plus ou moins fertiles. L’étymologie de ce nom est incertaine. On ne saurait guère penser à a" ! 7, ’dréb, « doux, agréable ; » mais

plutôt à nanv, ’ârâbàh, « pays plat, plaine déserte. » Ce

nom géographique ne figure dans aucun livre biblique antérieur au vme siècle avant J.-C. La première mention en est faite dans Isaïe, xxi, 13 ; celle de l’adjectif >a~y, ’ârâbi, « Arabe, » se trouve pour la première fois dans Isaïe, xiii, 20, avec le sens d’  « habitant du désert » et de « nomade ». Dans les annales assyriennes, on constate le même sens pour Aribi ou Aribàa ; un chef arabe du nom de Gindibû a combattu avec beaucoup d’autres rois syriens contre Théglathphalasar II à la bataille de Qarqar, dans l’Hamathène.

I. Géographie. — L’Arabie de l’époque biblique et assyro-babylonienne ne comprenait ni la péninsule sinaïtique, appelée plus tard Arabie Pétrée, ni la plus grande partie de la péninsule arabique que les géographes grecs ont nommée Arabie heureuse. Cette dernière contrée porte dans la Genèse le nom général de « pays de Kousch », c’est-à-dire d’Ethiopie, nom qui s’est transmis aux Grecs, lesquels appliquent également à l’Arabie heureuse la dénomination d’Ethiopie orientale. L’Arabie biblique, au sens

le plus vaste, était donc limitée au sud par le Hedjàz actuel, à l’ouest par la Palestine transjordanique, la Damascène et l’Hamathène, à l’est par les solitudes du désert syrien, Y Arabie déserte des géographes classiques ; mais il est impossible d’en fixer les limites du côté du nord et de l’est, et de décider d’une part, si elles dépassaient l’Euphrate, de l’autre, si elles englobaient le territoire de Palmyre.

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205. — Carte d’Arable.

Au sens plus étroit, l’Arabie biblique comprenait la province actuelle du Hauran, au sud-est de Damas, avec les oasis adjacentes, ÏArabia prima de l'époque romaine et YArabaya des inscriptions achéraénides. L’unité géographique de cette province remonte à une haute antiquité. A l'époque patriarcale (vers 1900 avant J.-C), les peuplades ismaélites qui l’habitaient transportaient en Egypte les plantes aromatiques qui croissaient sur les montagnes du Galaad du nord. Gen., xxxvii, 25.

Des divers territoires arabes qui sont mentionnés dans la Bible, nous ne pouvons identifier avec plus ou moins de vraisemblance que les noms suivants, en procédant du nord au sud :

Auran, qun, Havrân), « blanc, » c’est laprovince principale de l’Arabie biblique. Le nom semble dû aux neiges qui couvrent les sommets des montagnes pendant une

grande partie de l’année ; il forme parallèle à celui du Liban (j’irî), qui a le même sens. Jusqu’aux derniers

temps, on plaçait dans cette province YAlsadamus nions de Ptolémée ; mais, en réalité, la forme plus exacte Asalmanus, donnée par un manuscrit, répond à l’hébreu f’ia’isn, qui est une des dénominations du mont Hermon.

La ville de Chanath, rup, conquise par les fils de Machir,

Num., xxxii, 42, est la Canatha des Grecs, aujourd’hui Qanawât. La paraphrase chaldaïque mentionne la ville de jkid, la Motha de Ptolémée (aujourd’hui Imtan),

qu’elle confond à tort avec le Basan, rtfa, des Hébreux,

qui est la Bathanée. Rohob (sii-i, Rehob), « largeur, » Un chef de cette

contrée a fourni une troupe d’auxiliaires aux Ammonites contre David. II Sam. (Il Reg.), x, 6. Il se peut que ce soit l’ancien nom de l’oasis de Saffa, dans laquelle Ptolémée semble placer les Potaërivot, et qui porte le nom de rom dans les inscriptions que MM. de Vogué et Waddington y ont découvertes. La possibilité d’entendre sous ce nom la ville galiléenne de Rohob mentionnée dans Jos., xix, 28, paraît beaucoup moins vraisemblable.

Tob (s’ils, Tôb), « bon. » Les troupes d’un chef de ce pays (3113 w’x) ont pris part à la bataille dont il vient

d'être question et ont combattu dans les rangs des ennemis de David. Il Sam. (Il Reg.), x, 6. À l'époque des Juges, Jephté, chassé par ses frères, se réfugie dans le pays de Tob. Jud., xi, 3, 5. C’est probablement le district dans lequel se voit actuellement la ruine nommée et-Tâïbe, à peu près à moitié chemin entre Der’at ou Edre’at (Edraï) (>7Tjn) eXBoçra. Dans 1 Mach., v, 13, l’expression « pays

de Tob » est devenu « pays de Tobie » ; Vulgate : Tubin. Selcha (n ; bo, Salkah), ville d’Og, roi de Basan. Deut.,

m, 10. On l’identifie ordinairement avec la ville de Salchat, tout près de laquelle passait, à l'époque romaine, la limite de l’Auranite et de la Nabatène ; et comme les divisions territoriales changent peu dans ce pays, il y a présomption que c'était aussi le cas dans l’antiquité. Cependant l’orthographe hébraïque ns’iD, que l’aspiration du d semble

caractériser comme une forme contractée de Sallakhat, diffère considérablement du nom nabatéen inSs, qui a produit la forme arabe itns, Carkhad. Il faut donc supposer que la forme nabatéenne repose sur une étymologie populaire, déterminée par la forte position de la citadelle, in~ l 13t = in-yix (=d), « rocher pointu (?). »

Bostra ou Bosora (Nixa), ville considérable et colonie romaine, située à moitié chemin entre Tayibe (= ; na) et Salkhat. Elle n’est mentionnée que dans le premier livre des Machabées, v, 26 (Bosor). Judas Machabée détruisit la ville et délivra les Israélites qui y étaient assiégés par Timothée, chef des Ammonites. L’antiquité de celle localité est attestée par son nom, qui signifie « forteresse » en hébreu, et ne peut pas s’expliquer par l’araméen.

Depuis le sud de la Moabitide jusqu’au golfe d’Akaba, on ne connaît aucun nom de localité. Les stations du désert mentionnées dans les Nombres, xxxiii, 41-44, ne peuvent guère être déterminées, et on ignore même si elles se trouvaient à l’est ou à l’ouest de l’Idumée.

A partir du golfe d’Akaba, les noms de territoire deviennent plus fréquents dans la Bible. À l’entrée de ce golfe, nous rencontrons depuis une haute antiquité deux villes voisines l’une de l’autre : Élath (nS’N, 'Elat), et

Asiongaber, ( nai IS7, 'Ésyiôn Gàbêr). La première devait

son nom à une forêt de chênes ou de térébinthes qui se trouvait dans son voisinage, et qui fournissait le bois nécessaire à la construction des navires, ce qui donnait un grand prix à sa possession ; la seconde formait un bon port abrité contre les tempêtes. Elles appartenaient nomi

nalement aux Iduméens, mais paraissent avoir souvent joui d’une grande indépendance et formé une sorte de territoire libre et ouvert à toutes les tribus du désert. Les Hébreux, n’ayant pu obtenir libre passage à travers le mont Séir ou l’Idumée propre, sortirent de l’Arabie Pétrée, près des villes que je viens de nommer, sans avoir été molestés par les Iduméens. Deut., ii, 8. Cet état de liberté relative du territoire littoral du golfe à l'égard du royaume édomite explique en même temps la facilité avec laquelle certaines tribus de l’Arabie Pétrée, comme les Madianites et les Amalécites, quittaient leurs pâturages pour entreprendre des razzias dans la Moabitide et dans la Palestine transjordanique, et même dévaster la Palestine occidentale, après avoir traversé le Jourdain. Gen., xxxvi, 35 ; Jud., vi, 3 ; vii, 24.

La Genèse, xxv, 1-4 ; 12-16, divise les habitants de ce pays en deux familles distinctes, quoique étroitement apparentées, les Ismaélites et les Céturéens ; ces deux peuples sont d’origine abrahamide, et par conséquent issus du même père que les Israélites, mais non pas de la même mère, et ils se sont mélangés avec les autres races.

Les Céturéens (mTBp >33) doivent leur nom à la femme

libre (tton) qu’Abraham épousa après la mort de Sara.

Les auteurs arabes nomment une tribu Qaturâ, qui habitait avec les Gurhum, dans la contrée de la Mecque ; mais l’exactitude de cette donnée semble bien douteuse. Zamrân ( pnî, Zou.êpïv, Zeu.6pâ}i) rappelle les Zama reni de Pline, H. N., vi, 32, et aussi Za6pi[i, la capitale des Cinédocolpites, Ptolémée, VI, vii, 5 ; mais l’orthographe de ce dernier nom est incertaine ; on le trouve souvent écrit Zaapii.. Si le royaume de Zimri (Zanibri) mentionné dans Jérémie, xxv, 25, appartenait à l’Arabie, le rapprochement avec la capitale que je viens de citer gagnerait en vraisemblance. Jecsan (rji^i Yoqsân, 'IsÇâv), inconnu. La tribu de

yogis, que les généalogistes arabes placent dans le Yémen, parait être d’origine biblique. Madan (pn, Medàn, Ma8â^), Gen., xxv, 2 ; ce nom

ne reparaît que dans la Genèse, xxxvii, 36, comme équivalent à celui de Midyân (Madian) ; c'était une branche de cette dernière peuplade. Le géographe arabe Yâqùt mentionne un Ouadi Medàn près de Dedân, et une idole gurhumite porte aussi le nom de Madân. Madian (l’TD, Midyân, MaSiâv) ; c’est le peuple le plus

connu des Céturéens, qui fut très puissant jusqu'à la fin de l'époque des Juges. Il habitait primitivement, à ce qu’il paraît, les parages occidentaux du golfe d’Akaba, non loin du mont Sinaï. Exod., ii, 15. Des caravanes madianites allaient chercher en Galaad des essences aromatiques qu’elles transportaient en Egypte. Gen., xxxvii, 25, 28. Après la sortie des Israélites d’Egypte, les Madianites semblent être remontés vers le nord et avoir eu l’intention de s’emparer de l’Idumée, mais sans pouvoir y réussir. Chassés de ce dernier pays par le roi Adad, ils furent poursuivis jusque dans la plaine moabite, et y subirent une grande défaite. Gen., xxxvi, 35. De là ils passèrent dans la Moabitide, où les Israélites les trouvèrent comme alliés de Balac, roi de Moab, leur adversaire, et leur infligèrent une terrible défaite, dans laquelle les Madianites perdirent plusieurs de leurs chefs. Num., xxii, 4 ; xxxi, 2-12. Au temps des Juges, ils séjournaient sur les pâturages du Haurân, et se sentaient assez forts pour soumettre la Palestine du nord, avec le secours des Amalécites et d’autres tribus du désert ; mais la vigoureuse résistance de Gédéon brisa définitivement leur force, Jud., vm, 28, et depuis ce temps on ne les cite que comme de riches marchands de bétail. Is., lx, 6. À l'époque de la dynastie perse, les Madianites étaient déjà redescendus dans le sud ; mais sur la rive orientale du golfe d’Akaba,

où Ptolémée, VI, vii, 2, signale une ville du nom de Modiana, ville connue aussi des géographes arabes. Dans ces derniers temps, le capitaine Burton a découvert dans ce territoire d’anciennes mines exploitées par les Romains. Jesboc (p3tft, Ysbâq, 'iEuëûx) ; ce pays, resté inconnu

pendant longtemps, paraît dans les annales de Salmanasar II, qui raconte avoir fait prisonnier le chef Bwanate de Yasbouqa, dans la bataille livrée au roi de Patin, près de l’Oronte inférieur. Selon toutes les vraisemblances, le territoire de Ysbâq était situé non loin de l’Euphrate. Sué (nîti, Sûak, Swié, Sau-^sî ; ) est souvent mentionné,

dans les annales assyriennes, sous le nom de Suhu. Il était situé sur l’Euphrate, près de l’embouchure du Balih. La situation si éloignée de l’habitation de cette tribu vers le nord n'étonne pas, quand on sait que les Ituréens, et plus tard les Nabatéens, ont aussi poussé leurs pérégrinations très loin au nord. Ces derniers ont même constitué le royaume d'Édesse, et au commencement des conquêtes de l’islamisme les Ghassanides du Gaulan ont émigré en Asie Mineure. Néanmoins une localité du nom de m* a

dû exister en Arabie, dans le voisinage de Themâ, Job, II, 11, localité qui formait le point de départ des Suhites euphratiques.

Parmi les peuplades issues de Jecsan, celles que l’auteur de la généalogie céturéenne nomme Assurim, Latusim et Loomim, dhîto, Qtïr.Eb et D>ONb, ne peuvent

plus être identifiées, car les noms analogues que l’on rencontre dans les légendes musulmanes sont empruntés à la Bible ; mais on trouve dans les inscriptions nabatéennes les noms d’homme i-hwn et turcS, dont le premier du moins est sans aucun doute antérieur à l'époque perse, pendant laquelle la chuintante s'était déjà changée en n dans les dialectes araméens, où l’on prononçait TinN pour Tton. Le rapprochement des Leummîm et des Benôu Lâm arabes est inadmissible.

Les deux autres peuplades jecsanites Saba et Dadan, ÏG.H et pi, reviennent dans la liste des peuples de l’Arabie

méridionale. Gen., x, 7. Cette circonstance fait voir que l’auteur admet l'émigration d’une partie de ces tribus couschites vers le nord et le mélange des Ismaélites avec ces émigrants. Des faits de cette nature se passent continuellement en Arabie : des tribus du sud, poussées par leurs voisins ou par la famine, se transportent loin au nord, et des tribus septentrionales s’en vont jusqu'à l’extrême sud de la péninsule. Les récents voyages de MM. Doughty, Euting et Huber, nous ont fait connaître l’existence d’une riche colonie sabéo-minéenne établie à el-'Olâ, un peu au sud de la ville nabatéenne d’el-Higr ou Égra. Les inscriptions minéennes montrent que la colonie est restée en rapport avec la mère patrie et sous la dépendance de son gouvernement. Tel a dû être aussi le cas aux époques plus anciennes. Le Saba septentrional est mentionné dans les textes de Théglathphalasar I er et de Sargon, au milieu d’autres territoires arabes conquis par ces rois. Le dernier reçut le tribut d’It’amara le Sabéen, nom qui se rencontre, dans les inscriptions de l’Arabie méridionale, sous la forme - ! ONyn>, comme un nom royal ; il est cependant difficile de faire de ce roi un contemporain de Sargon, par cette simple raison que le It’amara auquel fait allusion le monarque assyrien ne porte pas le titre royal. Il faut donc se Contenter de savoir que les textes assyriens, comme la Genèse, attestent l’existence d’un Saba septentrional, cf. Job, i, 15, et par conséquent que la reine de Saba qui se rendit auprès de Salomon n'était pas de ce pays, mais de la Sabée méridionale, conformément à l’opinion générale. Cette dernière contrée était renommée dans toute l’antiquité pour sa richesse en essences aromatiques, comme pour ses mines d’or. Quant à la question de savoir si le Saba du nord était un territoire ou seulement une ville, elle est résolue par les textes assyriens, qui écrivent 8(H

AFiAME

802

tantôt er Saba, « ville de Saba, » tantôt mat Saba, « pays de Saba ; » la ville de ce nom était donc la capitale d’un territoire assez considérable. Il me paraît assez vraisemblable que la ville d’el-'Olâ, qui a fourni aux voyageurs modernes de nombreuses inscriptions appartenant aux trafiquants venus du sud, représente sinon la capitale de la Sabée septentrionale elle-même, du moins une des villes qui faisaient partie de son territoire. À cette hypothèse, il n’y a qu’une seule objection sérieuse, c’est qu'à l'époque où les inscriptions méridionales furent gravées, la ville d’el-'Olâ était la capitale d’un royaume indigène des Lihyân, les Lechieni de Pline. Cependant cette difficulté peut bien n'être qu’apparente : d’abord la formation du royaume lihyanite peut avoir eu lieu à une époque plus tardive, par exemple après l’expédition de Nabuchodonosor en Arabie, qui paraît avoir amené un grand bouleversement dans l’ancienne situation des tribus à l'égard les unes des autres ; ensuite l’auteur de la généalogie céturéenne a pu regarder les Lihyàn eux - mêmes, en admettant que cette tribu ait existé de son temps, comme un mélange de Céturéens et de Sabéens, dans lequel ce dernier élément formait la majorité. L’idée que la ville d’el-'Olâ serait une localité de l’ancienne Sabée septentrionale peut donc se défendre provisoirement, jusqu'à ce que de nouvelles découvertes viennent nous apporter la vraie solution du problème.

Dadan (pïï, Dedân, AotSdtv, Ae5âv, AaiSâv) est la ruine

Daïdân, située dans le Hedjàz septentrional, à l’est de Teimâ et au sud-est d’Aïla, aux contins du royaume édomite. Ezech., xxv, 13. Les Dadan livraient des tapis précieux au marché de Tyr. Ezech., xxvii, 20. Ils étaient originaires du sud, et voilà pourquoi ils figurent dans la liste des peuples cousehites dans la Genèse, x, 7 ; et cette donnée est confirmée par la présence du nom jn dans les inscriptions sabéennes.

Des peuplades issues de Madiân, on peut identifier les suivantes :

Êpha (ns’y, 'Efâh, Teçàp, Touyi) est mentionné dans

Isaïe, LX, 6, comme une tribu commerciale, riche en chameaux, et transportant de Saba l’or et l’encens. Les textes assyriens la mentionnent sous la forme Hayapâa, et les inscriptions du Saba présentent nsy comme un nom d’homme.

Opher (isï, 'Êfer, 'AçEip) peut être la localité de 'Ofr,

que les géographes arabes placent entre la Sarrat ou montagne du l’ihàma et Abân. Hénoch (^ : ii, IJânôk, 'Evii^), assez probablement à

identifier avec la ville de Hanakia, à trois journées au nord de Médine. On a fait remarquer que les noms 'Epha, 'Epher et Hanok, se retrouvent comme noms de famille dans les tribus de Juda, de Manassé transjordanique et de Ruben, et on en a conclu que plusieurs familles madianites se sont jointes aux Hébreux. Cette conclusion est bien vraisemblable, quand on se rappelle que Moïse était allié à une famille sacerdotale de, Madian. Exod., iii, 1. Il y a même lieu de penser que le m siï, 'êréb rab, qui

se joignit aux enfants d’Israël à leur sortie d’Egypte n'était pas simplement « une grande cohue mixte (sîii’u.'xtc ; tco).'jç, vulgus promiscuum innumerabile) », mais « une grande multitude d’Arabes », dans laquelle les Madianites étaient en majorité. Les rapports amicaux entre les Hébreux et les Madianites datent, dans tous les cas, de la première période du séjour dans le désert ; plus tard, les rivalités et les questions d’intérêt ont provoqué une haine implacable entre ces deux peuples abrahamides.

Les noms ethniques Abida (y-pas, 'Abldâ') et Eldaa (nyiha, 'Eldà'âh) sont inconnus.

La série des peuplades ismaélites semble se dérouler dans un ordre plus strict, procédant du sud au nord. Gen., xxv, 13-15.

Nabaioth (ïva ; , Nebàyôf, Naoat(ô0) représente la nation

considérable des Nabatéens, qui, à partir de l'époque perse, formèrent un puissant royaume dont la capitale était la ville célèbre de Pétra, l’ancienne résidence des rois iduméens, dont est tirée la dénomination d’Arabie Pétrée. Jusqu’au temps de Nabuchodonosor, ils habitaient sur les limites du Hedjàz, et leur ville principale était i ; n ou

Egra. Les voyageurs récents y ont découvert un grand nombre d’inscriptions funéraires, dont quelques-unes sont antérieures à 1ère chrétienne. En 169 avant J.-C, le grand prêtre renégat Jason se réfugia auprès d’Arétas ( nn~n) I er, roi des Nabatéens, II Mach., v, 8, et déjà, en 312, les Nabatéens furent assez forts pour repousser l’attaque d’un détachement grec conduit par Athénée, un général d’Alexandre, et le succès remporté sur eux par Démétrius fut peu décisif. Diodore, xix, 94-100 ; Plutarque, Demetr., vu.

Le nom national des Nabatéens est, dans les inscriptions et les légendes monétaires des rois de Pétra, yjx, avec un a, t ; mais l’orthographe hébraïque est confirmée par les textes assyriens, qui écrivent Nabayâta. On a longtemps discuté la question de savoir si les Nabatéens étaient Arabes ouvraméens ; la première opinion est soutenue par des savants très compétents, je crois cependant avoir prouvé que la seconde alternative était beaucoup plus vraisemblable. La langue des inscriptions, loin de montrer une uniformité et une stabilité qui distinguent les langues littéraires, diffère considérablement de l’araméen du nord, tel qu’il se présente dans les inscriptions de Palmyre, et dont la forme la plus ancienne nous a été conservée dans l’inscription de Teimâ. La masse énorme de courtes inscriptions ne contenant que des noms propres, et qui ont visiblement pour auteurs les classes les moins instruites de la nation, serait inexplicable, si l’on y voit l’usage d’une langue étrangère et savante. Enfin le développement de l'écriture nabatéenne, si différent de celui que nous constatons chez les autres peuples araméens, fait bien supposer un usage très prolongé de cette écriture, et par conséquent aussi de la langue qu’elle exprime. On objecte, il est vrai, qu’un grand nombre de noms propres nabatéens sont d’origine arabe ; mais cela prouverait seulement que les populations de race arabe exerçaient déjà à cette époque une puissante influence sur leurs voisins araméens ; ne voit - on pas les noms propres islamiques portés par des personnes qui ne sont pas de race arabe ? Mais en réalité, quelle que soit leur origine, les noms propres nabatéens se distinguent par la terminaison w (i), qui n’existe pas dans les dialectes arabes voisins ; il y a donc ici une formation spécialement nabatéenne.

Cédar ("iip, Qêddr, K^Sip) est mentionné à côté des

Nabatéens, aussi bien dans la Bible (cꝟ. 1s., lx, 7) que dans les inscriptions assyriennes. Ils habitaient dans des tentes noires, Cant., i, 5, et des villages dépourvus de murailles ; ils possédaient de riches troupeaux de bétail et de chameaux, dont ils faisaient un commerce lucratif. Ezech., xxvii, 21. Us sont toujours restés les alliés fidèles des Nabatéens ; même aux derniers temps de l’existence du royaume nabatéen, les Cedrei étaient inséparables des Nabatsei. Pline, H. N., v, 12. Cette circonstance donne à penser que dans la formule si fréquente dans les inscriptions nabatéennes, is’wi tesj mn, « interdit des Nabatéens. et des Salamiens, » le second nom ethnique est un remplaçant moderne de l’ancien nom de Qêddr. Etienne de Byzance explique le nom de Ex), a|iiOi par « hommes de paix » ( = « aiw), et ajoute ces mots : » On les appelle ainsi parce qu’ils se sont ralliés aux Nabatéens {àito toû ëvcttiovôoi yz-iitjQM toi ; NxSatasoi ; ). » Les Targums rendent l’hébreu >iip, Num., Qêni, xxiv, 2, par n>o~tf, Salàm'âh, « Salamiens. »

Adbéel (bssiN, 'Adbe'êl, NaëSerj).) ; cette tribu est mentionnée dans les inscriptions de Téglathphalasar II, sous le nom de Idibaïli. Après leur soumission, le roi assyrien leur confia la surveillance des tribus voisines de l’Egypte.

Les deux tribus suivantes, Mabsam (sfzs, Mibsâm,

Mxaçiji) et Masma (yrsn, Misma*, Maurjiîa), sont inconnues ; mais ces noms reviennent dans deux familles siméonites, I Par., iv, 25 ; peut-être y faut-il voir un indice de la fusion de ces Ismaélites avec la tribu de Siméon.

Dumà i AoCiii, Dûmâ) est généralement identifié avec l’oasis nommée Doumat el-Djendel, à sept journées de Damas, à treize de Médine et à quatre journées au nord de Teima. Elle porte de nos jours le nom d’el-ûjôf, et forme la ligne de démarcation entre le Schâm (la Syrie) et l’Iraq (la Babylonie). Il n’y a point de raison suffisante pour voir une localité différente dans la Dùmâh d’Isaïe, xxi, II. Si le prophète s’adresse à un gardien du Sé'ir pour avoir les nouvelles de cette oasis, c’est que de son temps la plupart des territoires ismaélites étaient des possessions iduméennes. Lament., iv, 21 ; Abd., 1, 9.

Massa (> » is3, Massa') se trouve dans les inscriptions de

Téglathphalasar II et dans celles d’Assurbanipal, sous la forme Mas’a, comme nom de ville et de territoire. Le livre des Proverbes, xxxi, 1-9, a consigné quelques dictons d’un roi de ce pays nommé Lamuel. Hadar ("Hn, Jfâdar, XoêSâv, Xo66œ8), inconnu.

Théma (nd’p, Têmâ", ©aipiî) est une très importante

oasis, à quatre journées de marche au sud-ouest de Duma, avec laquelle elle est mentionnée dans les annales de Théglathphalasar 11. MM. Euting et Huber y ont découvert une grande inscription en araméen archaïque, et plusieurs autres inscriptions moins anciennes, qui nous font connaître les noms de plusieurs divinités locales, ainsi que celui du grand prêtre. Jélhur (v, ts>, Yetûr, Iêtoûp) ; cette tribu, originaire

du sud, où elle n’a point laissé de trace, s’est transportée de bonne heure dans le centre du Hauran, où se trouve l’iturée des géographes classiques. Strabon, XVI, ii, 20. De là elle s’est répandue jusque dans le Liban et l' Anti-Liban, au nord de Damas. Quelques auteurs confondent Yltursea avec la Trachonitis. Pendant le règne de Saùl, les tribus hébraïques de Ruben et de Gad firent essuyer de graves défaites aux lturéens et aux tribus apparentées dont nous allons parler ci-après, I Par., v, 10, 19, et le roi Aristobule les força à se convertir au judaïsme. C'étaient des montagnards sauvages et pillards ; les Druses d’aujourd’hui sont peut-être leurs descendants. Naphis (w>SJ, NâfiS, Naçé ; ), tribu jadis alliée avec

les lturéens contre les Israélites transjordaniques, I Par., v, 19 ; leur nom a disparu plus tard.

Cedma (noip, Qêdmâh, Ksôixâ) rappelle le désert de

Qedêmôf (n’iolp ; Vulgate : Cademoth), d’où Moïse envoya des messagers à Séhon, roi amorrhéen d’Hésébon. Deut., ii, 26. Une ville du même nom appartenait à la tribu de Ruben, mais on n’en sait pas exactement la situation. La dénomination de Gedmonéen, Qadmônî, Gen., xv, 19, peut bien désigner la population nomade de ce désert, qui va du sud du Hauran jusqu’au golfe d’Akaba. Cette circonstance, qui semble ressortir de ce passage dans lequel le Cedmonéen est nommé conjointement avec les Ciuéens et les Cénézéens, qui habitaient dans l’Arabie Pétrée. Dans 1 Par., v, 19, le nom de Nodab, z-rz, qui

suit Jéthur et Naphis, doit sans doute être corrigé en ETp, Qédém, et celui-ci n’est autre que le Qêdma de la

Genèse, c’est-à-dire une tribu ismaélite particulière, el non l'équivalent du terme général Benê-Qédém (=-r--> : z),

qui s’applique à toutes les populations de l’Arabie déserte.

Outre les noms céluréens et ismaélites énumérés dans la Genèse, il y en a un certain nombre qui figurent dans les autres écrits bibliques, et que les dernières recherches permettent de déterminer avec quelque apparence de probabilité :

Asor ( Tsn, Hâsôr) ; le royaume de ce nom a été défait

par Nabuchodonosor en même temps que les Cédar. Jer., xlix, 28-33. C'était probablement la localité nommée aujourd’hui el-Akhdar, presque à moitié chemin entre Teboûk et Teima. Naama ("ï? : , Na'âmâh) ; Sophar, un des amis de

Job, était originaire de ce lieu. Job, ii, 11. Une inscription nabatéenne du me siècle avant J.-C, trouvée par M. Euting au sud A’el-Higr, porte le nom de Ma’naHahî de Na’ama. Si ce nom de lieu n’est pas celui de l’endroit même, il prouve du moins l’existence d’une localité de ce nom dans l’ancienne Nabatée. À comparer aussi le moderne Na’amé, désignant un mamelon de la chaîne rugueuse nommée Harrat-elA’wêrid, à l’ouest d’elvkhdar.

II. Histoire. — Malgré la nature aride et uniforme du désert, les tribus ismaélites et céturéennes qui habitaient l’Arabie biblique ont une histoire très ancienne et des plus tourmentées. Elle forme d’ordinaire le prolongement des événements qui se passaient dans les territoires adjacents de la Mésopotamie et de la Syrie, et auxquels les Arabes ne manquaient guère de contribuer d’une manière plus ou moins directe. À défaut de la littérature indigène, qui ne nous est pas parvenue, nous sommes obligés de la puiser dans les seules sources qui nous restent de l’antiquité sémitique : la Bible et les inscriptions assyrobabyloniennes. Conformément aux derniers résultats de l'épigraphie sémitique, nous croyons utile de diviser l’histoire ancienne des Arabes, comme celle des autres Sémites septentrionaux, en quatre époques différentes : époque babylonienne, époque assyrienne suivie du court réveil de Babylone après la chute de Ninive, époque perse, époque grécoromaine.

1° À l'époque archaïque de la prédominance de la civilisation babylonienne chez les Sémites occidentaux appartient l’immigration des Abrahamides en Palestine (vers 2100 avant J.-C). La tradition hébraïque nous montre les deux branches abrahamides issues d’Ismaël et de Cétura comme établies aussitôt dans leurs territoires afférents, où ils s’assimilèrent des éléments égypto-couschites. Les Madianites étaient alors le peuple le plus considérable, aussi bien par leurs relations commerciales avec l’Egypte que par l’organisation fixe de leur sacerdoce, qui parait avoir été restreint à une seule famille, pareille à celle de Lévi chez les Hébreux. Exod., ii, 15-18 ; xviii, 1. Plusieurs mesures législatives de Moïse sont même attribuées aux conseils d’un prêtre madianite. Exod., xviii, 14-26. Le mouvement des tribus hébraïques vers le nord semble avoir déterminé un mouvement parallèle chez les Madianites. Impuissants à se maintenir sur la plaine moabite contre les Iduméens limitrophes, Gen., xxxvi, 35, ils s'établirent provisoirement dans la Moabitide septentrionale, mais en furent chassés par les Hébreux. Deut. r xxxi, 2-10. Alors ils remontent dans le Hauran, et, renforcés par les Amalécites et quelques autres nomades, ils saccagent à plusieurs reprises la Palestine du nord, jusqu'à ce qu’ils soient gravement défaits et poursuivis par Gédéon, ainsi que je l’ai déjà indiqué plus haut. À partir de ce moment les Madianïtes renoncent aux entreprises guerrières et se contentent d'être de paisibles chameliers ; leur ancien commerce avec l’Egypte passe aux tribus plus, méridionales.

2° À l'époque des conquêtes assyriennes en Syrie (du IXe au VIe siècle), l’Arabie a souvent retenti du bruit des armes formidables des guerriers ninivites et chaldéens. Assurnaçir-pal (885-860) reçut le tribut d’Il-Bani, chef de Suhi, lequel, ainsi que ses prédécesseurs, semble avoir CG

été un gouverneur babylonien. Quelque temps après, le nouveau gouverneur de Souhi, Schadoudou, ayant reçu du secours du roi de Babylonie (nommée alors « pays de Kardouniyasch » ), tenta une résistance qui finit par la soumission et la ruine totale du pays. Sous Salmanasar II (860-845), le chei de "Yasbaq (p2^7>), Bour-Anaté, fut

fait prisonnier dans une bataille livrée à plusieurs rois de la Syrie septentrionale et de la Cilicie. Plus tard, les Assyriens, vainqueurs à la bataille de Karkar, en Hamathène, enlèvent mille chameaux au chet arabe Gindibou. Le prestige des armes assyriennes rend tributaires de Théglathphalasar III (845-827) tous les rois de la Syrie, depuis l’Euphrate jusqu'à l’Egypte. Les tribus du désert suivent ce mouvement et envoient des présents au monarque ninivite, qui comprend tout de suite le parti qu’il peut tirer de ces agiles vassaux contre un retour offensit de l’Egypte. Le passage qui raconte cette soumission est très intéressant, malgré son état de mutilation : « …Les hommes de Mas’a, deTeima, de Sab’a, de Hayapa, de Badana (aujourd’hui Béden)…, dont personne ne connaissait le nom et qui demeurent au loin, (ayant entendu [?]) la gloire de ma royauté, (m’envoyèrent) tous ensemble leur tribut en chameaux, chamelles et plantes aromatiques de diverses espèces. J'établis les Idibi’li comme gardiens du pays d’Egypte, et dans tous les autres pays ( dont je fis la conquête je plaçai des tribus arabes pour en taire la garde). » La dernière phrase restituée cadre bien avec le sens général de la narration, et sera confirmée par un lait analogue dont il sera question tout à l’heure. La prise de Damas et la transportation des tribus israélites du nord de la Palestine mirent les Assyriens presque en contact avec les Arabes du Hauran, qui étaient gouvernés alors par la reine Zabibiéh. Le tribut que cette reine envoya à Théglathphalasar III consistait, outre les chameaux, les chevaux et autres animaux domestiques, en or, en argent, en plomb, en étofles teintes de pourpre (arjomannu = pnx) et d’hyacinthe ( takiltu = rtan), en

selles de couleur pourpre (article que les Dedàn exportaient sur le marché de Tyr, Ezech., xxvii, 20), en oiseaux à plumage éclatant, en peaux de bœufs de montagne (cf. juc t-i » 3N, Ps. xxli, 13), en poutres de chêne (cf. tai^a

pran, Is., Il, 13, etc.). Après la mort de Zabibiéh, la reine

Samsiéh, qui lui succéda, s'étant engagée dans une tentative d’insurrection fomentée par l’Egypte, fut ramenée à l’obéissance et obligée de payer une lourde rançon.

Sargon II (722-705), qui mit fin au royaume d’Israël en 721, remporta une grande victoire sur les tribus méridionales de Tamoud (les 2'hamydeni des géographes classiques, le peuple fabuleux des Thémoùd, dans le Koràn), d’Ibadid, de Marsiman et de Hayapa, qu’il établit en partie en Samarie, évidemment dans le but de surveiller les pays voisins. On ne trouve nulle part la mention de la marche de Sargon dans l’extrême sud de l’Arabie déserte ; la victoire dont il s’agit paraît plutôt due à un vassal fidèle limitrophe de ces tribus, probablement au roi de l’Idumée, dont les possessions englobaient plusieurs oasis ismaélites. Les colons arabes disparurent presque aussitôt devant les colonies plus nombreuses des gens originaires des pays de l’est, II (IV) Reg., xvii, 24 ; quelques familles arabes s’y perpétuèrent néanmoins jusqu'à l'époque perse, où nous trouvons l’Arabe Geschem ou Gaschmou faisant cause commune avec les ennemis des Juifs rapatriés. I Esd., H, 19 ; iv, 1 ; vi, 1, 6. Après cet acte de répression, Sargon reçut le tribut de Samsiéh, reine du Hauran, et d’It’amara, roi de Saba, et la tranquillité de l’Arabie se maintint pendant le reste de son règne et durant le règne de son successeur Sennachérib (705-681), qui étouffa sans grand effort la révolte d’Hazaël, roi d’Arabie, qui avait succédé à Samsiéh ; à cette occasion, la ville forte d’Adoumou fut pillée et ses dieux furent transportés à Ninive. A l’avènement d’Asarhaddon (681-668), Hazaèl, à force de


présents et de supplications, obtint la restitution des statues divines ; mais le grand roi y fit graver les louanges des dieux assyriens, ainsi que son propre nom. La royauté réelle de l’Arabie (ut donnée à une princesse nommée Taboua, élevée au palais royal. Hazaël mourut peu de temps après ; le monarque assyrien nomma roi le fils d’Hazaël, Yaiou, qui fut tenu de payera l’Assyrie, outre le tribut ordinaire, une surcharge annuelle de deux mines d’or, mille pierres biruti, cinquante chameaux et mille grains (?) d’encens (?). Asarhaddon se rendit après cela dans le district éloigné de Bazou, visiblement le Buz des Hébreux, Gen., xxii, 21 ; Jer., xxv, 23, peut-être le Nadjd ou Djebel Schammar actuel. Des nuit chefs ou dynastes qui gouvernaient la contrée, un seul put s’enfuir ; l’oasis fut dévastée et ses divinités emportées. Au retour de l’armée assyrienne, le huitième chei, qui était en tuite, vint à Ninive pour implorer le pardon du vainqueur. Asarhaddon le nomma roi de Bazou, et lui rendit les statues qu’il avait prises après y avoir tait graver son propre nom.

Une tentative pour secouer le joug de l’Assyrie, sous le règne d’Assurbanipal (668-626), amena un terrible désastre sur l’Arabie. Lors de la révolte de son frère SamaSSoum-oukin ou Samugnès, roi de Babylonie, les Arabes envoyèrent des troupes auxiliaires à celui-ci, et firent en même temps des razzias dans les pays syriens, afin d’occuper les garnisons assyriennes échelonnées le long du désert. Après avoir pris Babylone et ruiné la Susiane, qui s'était ralliée à la révolte, Assurbanipal décida de châtier les Arabes. Les troupes assyriennes, ayant chassé les pillards, envahirent aussitôt l’Arabie. Le roi Ouaïté eut peur et s’entait chez les Nabatéens ; le roi de Cédar, Ammouladi, fut pris dans la Moabitide avec Adiya, l'épouse d’Ouaïté, et transporté en Assyrie. À la place d’Ouaïtë, Assurbanipal nomma Abyaté', fils de Tè'ri, un des généraux des auxiliaires arabes de Samughès, qu’il croyait favorable à l’Assyrie ; mais celui-ci ne tarda pas à se rallier aux Nabatéens, qui lui envoyèrent des secours. Assurbanipal alla à leur rencontre à travers le terrible désert de Mas', défit les Isammé (Ismaélites[?]) et les Nabatéens, et fit prisonniers les chefs arabes avec leurs familles. À son retour à Damas, les Arabes prirent de nouveau l’offensive, espérant que la fatigue empêcherait le vainqueur de recommencer une nouvelle expédition ; mais l’infatigable monarque rebroussa chemin et atteignit les Arabes dans l’Auranitide. Ceux-ci furent écrasés dans une grande bataille : les fuyards périrent de soit ; les autres furent transportés en Assyrie avec un butin immense et d’innombrables chameaux. L’Arabie demeura presque anéantie pendant un demi-siècle.

3° À partir de ce moment les textes cunéiformes se taisent sur les événements de l’Arabie, mais nous savons par la Bible que Nabuchodonosor, après avoir détruit les royaumes de Juda, d’Ammon, de Moab et d'Édom, dévasta également les oasis éloignées de Cédar, de Haçor, de Théma et de Dedan. Jer., xxv, 23, 24. Ces ravages amenèrent la disparition des peuplades trop réduites et leur fusionnement avec des tribus moins atteintes. Les Nabatéens, peu entamés par les invasions des Assyriens et des Chaldéens, devinrent dès lors la nation principale de l’Arabie ; les Cédar, réduits désormais au rôle de satellites, se rallièrent indissolublement aux Nabatéens, sous le nouveau nom de Salamiens. Ainsi fortifiés, les Nabatéens remontent au nord aussitôt après le départ des Chaldéens, et au commencement de la domination perse on les trouve déjà établis à Pétra, l’ancienne capitale des Iduméens.

4° À l'époque grécoromaine, la Nabatée devient un royaume puissant, renfermant les territoires de Moab et d’Ammon, parfois même l’Arabie et la Damascène ; mais cette histoire est déjà éloignée de l'époque biblique.

J. Halévy.

    1. ARACÉENS##

ARACÉENS (hébreu : Hâ'arqî ; Septante : à 'ApouxaTo ;  ; Vulgate : Aracxus). Nom donné à un rameau de la famille chananéenne qui habitait la ville d’Arca, au

I. — 30

nord de la Phénicie. Les Aracéens ne sont nommés que Gen., x, 17 et I Par., i, 15, dans la liste de la descendance de Chanaan. La ville d’Arca n’est jamais désignée elle-même directement dans l’Écriture, mais de tout

206.

Monnaie d’Arca.

Tête laurée d’Antonin le Pieux. ANT KAI TI AIA AAP ANTQNE1NOS - $). KAISAPEIAS AIBANOT. Antonin le Pieux, debout, en costume de légionnaire, tenant un vexillum de la main droite et un arc de la main gauche. Dans le champ, la date EST (an 462).

temps on a reconnu que c’était d’elle que les Aracéens tiraient leur nom. Josèphe, Ant. jud., i, vi, 2 ; S. Jérôme, Queest. in Gen., x, 15, t. xxiii, col. 954. Arca, appelée aussi Arcé (Josèphe, Ant. jud., i, vi, 2 ; VIII, ii, 3 ; Pline, H. N., v, 16 ; Ptolémée, v, 15) était située au pied occidental du Liban, à trente-deux milles romains d’Antaradus et à dix-huit milles au nord-est de Tripoli. Les ruines en subsistent encore et ont conservé leur nom antique. À deux heures ou deux heures et demie de marche de la mer Méditerranée, à huit kilomètres environ au sud du Nahr el-Kebir, l’ancien Éleuthérus, s’élève au-dessus du Nahr-Arka un monticule rocheux appelé Tell-Arka. Il a une trentaine de mètres de hauteur. Là se trouvent des débris de murailles et d’habitations anciennes : ce sont probablement les restes de l’ancienne acropole ou citadelle. À l’est et au sud du Tell, sur une élévation, les ruines abondent : grands blocs de pierres taillées, débris de murs, fragments de colonnes de granit, qui attestent qu’Arca a été autrefois une cité importante. Elle était célèbre dans l’antiquité par le culte qu’on y rendait à Astarté, la Vénus phénicienne. Macrobe, Sat., I, 21, 4, édit. Teubner, p. 117.

D’après Josèphe, Ant. jud., VIII, ii, 3, Baana, intendant de la tribu d’Aser, sous le règne de Salomon, III Reg., iv, 16, était gouverneur d’Arca et des environs. Si l’historien juif était bien renseigné et si l’Arca dont il parle est, comme on le croit communément, la ville de ce nom voisine de Tripoli, il en résulterait que, du temps de Salomon, les Aracéens étaient soumis aux Hébreux. Le roi d’Assyrie Théglathphalasar II s’empara d’Arca dans la campagne qu’il fit contre le royaume d’Israël. Voir E. Schrader, Die Keilinschriften und das Aile Testament, 2e édit., p. 104 ; Keilinschriften und Geschichtsfoi’schung, p. 116, 450. Cette ville fit plus tard partie du royaume d’Hérode Agrippa. Josèphe, Bell, jud., VII, v, 1. Titus y passa à son retour de la prise de Jérusalem. Josèphe, Bell, jud., VII, v, 1. C’est à Arca que naquit l’empereur Alexandre Sévère, dans un temple qui y avait été élevé à Alexandre le Grand (Lampride, Alexand. Sev., 5, 12, dans Histoire d’Auguste, collection Nisard, p. 454, 457), ce qui fit donner pendant quelque temps à cette cité le nom de Cxsarea Libanii (Aurel. Victor, De Cses., xxiv, édit. Panckoucke, 1846, p. 242 ; cf. Lampride, Alexand. Sev., 12, collection Nisard, p. 457), qu’on lit sur ses monnaies (fig. 206). Cf. Eckhel, Doctrina numorum, t. iii, p. 360. Elle ne tarda pas cependant à reprendre son nom primitif. Elle devint le siège d’un évêché et joua un rôle assez important dans les croisades. Un tremblement de terre la détruisit complètement, en 1202. Il s’est élevé depuis, au milieu des débris de son ancienne splendeur, un pauvre village habité par quelques

familles grecques et musulmanes. Voir Th. Shaw, Travels or Observations relating toBarbary, in-f°, Oxford, 1738, p. 327-328 ; Burckhardt, Travels in Syria, in-4°, Londres, 1822, p. 162 ; Ed. Robinson, Later Biblical Besearches, in-8°, Londres, 1856, p. 578-582 ; A. Knobel, Die Vôlkertafel der Genesis, in-8°, Giessen, 1850, p. 325326 ; Michaud, Histoire des Croisades, 1. iii, 8e édit., 4 in-8°, Paris, 1853, t. i, p. 203 ; Poujoulat, Correspondance d’Orient, lettre eux, t. vi, p. 422-424.

F. Vigouroux.

    1. ARACH##

ARACH (hébreu : ’Érék ; Septante : ’Op£-/ > Strabon : ’Op-/ôrj ; textes cunéiformes : Euruk et Arku, actuellement Warka), ville située sur la rive gauche de l’Euphrate, à une lieue environ du lit actuel du fleuve, à deux cents kilomètres au sud-est de Babylone.

La Genèse, x, 10, mentionne cette ville comme faisant partie de la tétrapole du Sennaar, gouvernée par Nemrod. Il n’en reste plus, à l’heure présente, que des ruines informes et absolument désertes, couvertes la plupart du temps par les eaux stagnantes du bas Euphrate (fig. 207). Elles forment un cercle irrégulier de près de trois kilomètres de diamètre. Le rempart, qui dessine encore autour de la ville une enceinte à peu près continue, atteint à certains endroits jusqu’à douze mètres de hauteur. Autrefois l’Euphrate venait baigner le pied des murs de la ville. On voit encore, longeant l’enceinte de l’est au nord, les restes d’un canal de trente mètres de largeur. L’amas de ruines le plus remarquable se nomme Bowariyéh, c’est-à-dire nattes de roseaux, parce que les couches de briques crues dont il se compose sont séparés par des lits horizontaux de roseaux entrelacés et noyés dans le bitume. Sur ce soubassement s’élevait autrefois une pyramide à étages, ou temple de la déesse Nana, bâti par l’antique souverain de la Chaldée, dont le nom se lit provisoirement Ur-Gur, ou bien Ur-BagaS. Plus tard, au xxiiie siècle avant J.-C., le roi élamite Koudour-Nanhoundi envahit le Sennaar, pilla Arach et son temple, et en emporta la statue vénérée. Mais, en 615, Assurbanipal, ayant à son tour conquis le pays d’Élam, y retrouva l’ancienne statue de Nana et la réintégra dans le temple d’Ur-Bagas. — La déesse Istar, l’Astaroth de la Bible, identifiée avec la planète Vénus, était aussi particulièrement honorée à Arach, dont elle était même regardée comme la divinité tutélaire. Cette ville fut encore illustrée par les exploits d’Isdubar, le Nemrod chaldéen. Voir Nemrod.

C’est sans doute à ces souvenirs et aussi à son antiquité qu’Arach dut le privilège de devenir la principale nécropole de la Chaldée. Le nombre des tombeaux, à l’intérieur et à l’extérieur de son enceinte, est littéralement incalculable ; on les y a accumulés durant plus de trois mille ans, depuis la fondation de cette ville jusqu’à sa chute sous les Parthes. Les inscriptions nombreuses qu’on y a découvertes s’échelonnent de même depuis Ur-Bagas jusqu’à Séleucus IV, Antiochus IV et Démétrius Soter (187-164), depuis le caractère tout à tait archaïque jusqu’au plus moderne.

Les anciens, tels que l’auteur du Targum de Jérusalem, , saint Jérôme, saint Éphrem, suivis par quelques modernes, Buttman, Bohlen, Winer, ont cru retrouver l’Arach de Nemrod dans la ville syriaque d’Édesse ou Callinhoé, actuellement Orfa, en Mésopotamie septentrionale. Le nom syriaque d’Édesse, XJrhoï, a sans doute été la cause première de cette confusion. Mais rien ne permet d’accorder à Édesse une antiquité si reculée ; elle est de beaucoup trop éloignée du Sennaar pour avoir fait partie de la tétrapole nemrodienue. L’Arecca de Ptolémée et d’Ammien-Marcellin, située sur les bords du Tigre, près des frontières de la Susiane, malgré les autorités de Bochart, Rosenmûller, Gesenius, doit être rejetée pour les mêmes raisons. Tous les suffrages demeurent maintenant acquis à la Warka chaldéenne. Voir G. Ravtlinson, The five great monarchies, t. 1, p. 18 ; Fr. Delitzseh, W »

lag des Paradies ? p. 221 ; des captifs originaires d’Arach sont mentionnés I Esd., IV, 9.

E. Pannier.
    1. ARACHITE##

ARACHITE (hébreu : ’Arkî ; Septante : ô’Apa-/( ; Vulgate : Arachites), habitant d’Archi (Arach ou Érék). Jos., xvi, 2. Cet Arach ne doit pas être confondu avec la ville de Babylonie qui portait le même nom. Gen., x, 10. Dans Josué, Archi désigne une localité occupée alors par les Chananéens. Elle se trouvait sur la limite méridionale des possessions attribuées à Ephraïm, vers Béthel et Atharoth. Voir Archi. C’est de là qu’était originaire Chusaï, surnommé pour ce motif l’Arachite, et qui lut l’ami et le conseiller intime du roi David. II Reg., xv, 32 ; xvi, 16 ; xvii, 5, 14 ; I Par., xxvii, 33. Le nom d’Arachite

n’est plus mentionné après David.
H. Lesêtre.

1. ARAD (hébreu : ’Àrâd ; Septante : ’Apà8 ; dans Josué, xii, 14, "ASep ; Vulgate : Arad ; dans Josué,

sur leur ennemi. Dieu les exauça, et ils exterminèrent les Chananéens et détruisirent leurs villes. Num., xxi, 2-J. Cependant, comme Moïse n’avait point l’intention de commencer la conquête de la Palestine par le sud, dont Jes montagnes rendaient l’accès fort difficile, le peuple ne poussa pas alors plus loin. — Quelques années après, il y avait de nouveau un roi à Arad, relevée de sa défaite. Il fut battu à son tour par Josué, xii, 14. (Dans ce passage, la Vulgate appelle la ville d’Arad Héred.) — Cette localité n’est plus nommée qu’une fois dans l’Écriture, Jud., 1, 16, pDur indiquer que les Cinéens habitèrent au sud d’Arad, dans le désert de Juda, et nous ne savons plus rien de son histoire, si ce n’est qu’elle eut des évêques au VIe siècle. Gams, Séries Episcoporum, 1873, p. 454. Voir E. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Boston, 1841, t. ii, p. 473, 620-622 ; C. Ritter, Erdkunde, t. xiv, 1848, p. 120-122 ; W. Thomson, The Land and the Book, Southern Palestine, 1881, p. 286-287 ; Schubert, Reise in

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207. — Ruines d’Arach. D’après Loftus, Travels in Chaldœa, p. 167.

Héred), ville chananéenne à l’extrémité méridionale de la Palestine, aujourd’hui Tell Arad, à environ vingt-cinq kilomètres au sud d’Hébron. Tell Arad est un monticule arrondi avec des traces de ruines antiques ; il s’élève au milieu de collines plus basses, sur le plateau ondulé et sans arbres qui s’incline vers le sud-est de la mer Morte, et qui est séparé du désert de Pharan par des montagnes calcaires à pentes escarpées. On voit sur le sommet quelques débris de poteries ; du côté sud est un réservoir ruiné.

Arad est nommé dans le Pentateuque. Pendant que les Israélites, à l’époque de la mort d’Aaron, étaient au pied du mont Hor, le roi chananéen d’Arad apprit qu’ils s’étaient ainsi approchés du sud de la terre de Chanaan, « par le chemin des ha’âtârim, » c’est-à-dire, selon la traduction de la Vulgate, qui est la plus probable, « par le chemin des espions, » ou par le désert de Sin. Craignant sans doute qu’ils ne voulussent s’emparer de son pays, le roi d’Arad résolut de les prévenir ; il marcha contre eux, les battit et leur prit un certain nombre de prisonniers. Num., xxi. 1. Les enfants de Jacob, humiliés de leur défaite, promirent de livrer à l’anathème (voir Anathème, col. 546, 6) les villes du vainqueur, si Dieu leur donnait la victoire

das Morgenland, 3 in-8°, Erlangen, 1839, t. ii, p. 457 ; C. W. M. Van de Velde, Narrative of a Journey through Palestine, t. ii, 2 in-8 D, Londres, 1854, p. 83-85 ; J. B. Roth, Reise durch die Araba, dans Petermann’s Mittheilungen aus J. Perthes’geographischer Anstalt, 1857, p. 261 ; C. Geikie, The Holy Land and the Book, 2 in-8°, Londres, 1887, 1. 1, p. 265, 352 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, t. iii, p. 403, 415.

2. ARAD, ARADE, ARADUS (hébreu : ’Arvad, Ezech., xxvii, 8, 11 ; Septante : ’Apâêioi, "Apa80c ; Vulgate : Aradii ; Aradon), aujourd’hui Ruad, petite île phénicienne de la Méditerranée (fig. 208), à moins de trois kilomètres de la côte de Syrie, à peu près à moitié chemin entre Latakiéh (Laodicée) et Tripoli, au nord de l’embouchure du Nahr el-Kebir (Éleuthérus). C’est, comme la décrit Slrabon, XVI, ii, 13, un rocher qui s’élève au milieu des Ilots ; il est de forme oblongue et mesure environ 800 mètres de long sur 500 mètres de large. Malgré son peu d’étendue, Arad jouit dans l’antiquité d’une grande prospérité et ne le céda en puissance, parmi les Etats phéniciens, qu’à Tyr et à Sidon, avec qui elle fonda, en fournissant son tiers de colons, la ville de Tripoli. Strabon, XVI, ii, 15. La

population s’accumula sur ce rocher isolé (Pomponius Mêla, H, 7, 6) ; et comme il n'était pas assez grand pour contenir tous ses habitants, les Aradiens imaginèrent de bâtir, contrairement à l’usage oriental, des maisons à plusieurs étages, Strabon, XVI, II, 13 ; ils débordèrent aussi sur le continent, dans la Phénicie septentrionale. On voit encore le long du littoral, sur un espace continu de plus de quinze kilomètres, les ruines des « filles d’Arad », depuis Marathus (Amrit) jusqu'à Antaradus (Xortose). Voir Targum Hieros., sur Gen., x, 18.

[[File: [Image à insérer]|300px]]
208. — Statère d’Arad, antérieur à Alexandre le Grand.

Tête laurée du dieu Melkart. - ^. J fia (no = d’ACrad]), y marque d'émission. Galère phénicienne, ornée d’une figure de patèque.

Sa puissance s'étendit au loin, et l’on dit que Tarse fut une de ses colonies. Dion Ghrysostome, Orat. xxxiii, édit. Teubner, t. ii, p. 14.

L'île d’Arad avait l’avantage d'être alimentée, non seulement par des citernes et par les fontaines du continent, mais aussi par une source d’eau douce que ses habitants avaient découverte en pleine mer dans le voisinage, et qui leur fournissait de quoi boire en temps de guerre. Strabon, XVI, ii, 13 ; Lucrèce, vi, 888 ; Pline, H. N., ii, 103 ; v, 31 ; Geoponica, ii, 6. Les habitants de Ruad connaissent encore aujourd’hui des sources sous-marines. F. Walpole, The Ansarijii, witk Travels in further East, 3 in-8', Londres, 1851, t. iii, p. 391. Dans l’Ile même, on voit les nombreuses citernes que l’on avait creusées autrefois dans le rocher et qui continuent à servir. À l’ouest et au sud de l'île subsistent encore des restes d’un double mur phénicien. Ils sont composés d'énormes blocs qui reposent sur les arasements naturels des rochers. Ces blocs ont la forme de prismes quadrangulaires de deux mètres de hauteur sur quatre ou cinq mètres de longueur. Ils étaient superposés, sans aucune trace de ciment. Du côté de la terre, les murailles de la ville formaient un port en demilune, divisé en deux bassins par une jetée. E. Renan, Mission de Phénicie, in-f°, Paris, 1864, p. 39-40.

Arad, fondé par les descendants de Chanaan, Gen., x, 18 ; I Par., i, 16 (voir Aradieh), dut sa prospérité à son commerce et à l’habileté de ses marins, dont Ézéchiel, xxvii, 8, 11, fait l'éloge, de même que les auteurs profanes. Strabon, XVI, ii, 14. Aujourd’hui encore les matelots et les plongeurs de Ruad sont renommés, et les barques qu’on y construit sont considérées comme les meilleures de la Svrie. Voir G. Ebers et H. Guthe, Palâstina, 2 in-4°, Stuttgart, 1883-1884, t. ii, p. 42.

Les habitants d’Arad furent d’abord indépendants et eurent des rois particuliers, comme les autres cités phéniciennes. Les inscriptions cunéiformes nous ont fait connaître les noms de plusieurs de ces rois. Voir Eb. Schrader, Die Keilinschriften und das aile Testament, 2e édit., p. 104-105. La région qui s'étendait depuis Paltus jusqu'à Simyra paraît leur avoir été soumise. Du temps du prophète Ézéchiel, xxvii, 8, 11, vers 590 avant notre ère, ils étaient assujettis à Tyr ; du moins lui fournissaient - ils des rameurs et des soldats, mais peut-être à titre d’alliés ou de mercenaires. Quand la Phénicie tomba au pouvoir des rois de Perse, Arad partagea le sort commun. Son roi Gérostrate servait dans la flotte perse, à l'époque de la campagne d’Alexandre le Grand. Straton. fils de ce prince, qui gouvernait à sa place, se soumit volontairement au

conquérant, et les Aradiens combattirent au siège de Tyr dans les rangs des Macédoniens. Arrien, Exped. Alex., n, 13, 7 ; 20, 1. Sous les successeurs d’Alexandre, Arad, en 320, tomba au pouvoir de Ptolémée I er Soter avec le reste de la Phénicie et la Cœlésyrie. Elle paraît avoir reconquis son indépendance pendant la guerre qui eut lieu entre Ptolémée II Philadelphe et Antiochus II Théos ; du moins son autonomie vers cette époque est-elle attestée

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209. — Monnaie autonome d’Arad.

Tête de femme voilée et tourelée. — % APAAIQN. Victoire debout, tenant dans la main droite une proue et une palme dans la main gauche.

par ses monnaies (fig. 209). Cf. Eckhel, Doctrina numorum veterurn, t. iii, p. 303. Elle soutint Séleucus II Callinicus contre Antiochus Hiérax, et elle en fut récompensée, en 242, par le droit d’asile que lui accorda le roi de Syrie, ce qui augmenta beaucoup sa puissance. Strabon, XVI, ii, 14. Elle put de la sorte s’allier avec Antiochus 1Il le Grand. Polybe, v, 68, 7. Cependant elle perdit tous ses avantages pendant le règne d’Antiochus IV ÉpU phane. Ce prince, à son retour d’Egypte, s’en empara, ainsi que de tout le territoire qui lui appartenait. S. Jérôme, In Dan., xi, 44, t. xxv, col. 573. Quand la guerre éclata entre Antiochus VIII Grypus et Antiochus IX Cyzicène, Arad prit parti pour ce dernier, et lorsqu’il eut été tué par Séleucus VI Épiphane, son fils Antiochus X Eusèbe se réfugia chez les Aradiens, qui soutinrent son parti jusqu'à ce que la Syrie se soumit à Tigrane, roi d’Arménie. Dans la suite, Rome acquit peu à peu la prépondérance dans tout le pays. Le premier livre des Machabées, xv, 23, nous apprend que le consul Lucius écrivit à Arad (Vulgate : Aradon), de même qu’aux autres États alliés ou soumis aux Romains, afin de leur recommander de se montrer bienveillants envers les Juifs. Il n’est plus question de cette île dans les Livres Saints ; mais, d’après une tradition, saint Pierre serait allé à Arad pour y admirer des colonnes colossales et des tableaux de Phidias. Recogn., Hom. xii, 12, t. ii, col. 312 ; 1. vii, 26, 1. 1, col. 1300 ; Pseudo-Abdias, i, 13, édit. Fabricius, p. 425 ; cf. Nicéphore, H. E., ii, 35, t. cxlv, col. 848. Ce qui est certain, c’est que le christianisme s’y établit dès les premiers siècles. On y trouve des évêques depuis le me siècle jusqu’au VIe inclusivement. La ville antique fut prise et rasée, en 648, sous l’empereur Constans II, par Moaviyah, lieutenant du calife Omar. Cédrénus, Hist. Comp., édit. de Bonn, 1. 1, p. 755. La population actuelle de Ruad est d’environ 2 500 âmes. Elle n’a guère d’autre industrie que la pêche des éponges et la construction des bateaux.

Voir ilignot, Description géographique de la côte de Phénicie, dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions, 1770, t. xxxiv, p. 229-235 ; K. Mannert, Géographie der Gnechen und Rômer, 10 in-8o, t. vi, part, ii, 2e édit., Leipzig, 1831, p. 309-311 ; R. Pocoeke, Description of the East, 3 in-f, Londres, 1743-1745, t. ii, p. 2O1-202 ; J. S. Buckingham, Travels among the À rab tribes, in-4o, Londres, 1825, p. 509-512, 522-524 ; C. Niebuhr. Reisebeschreibung nach Arabien, 3 in-4°, Copenhague et Hambourg, 1774-1837, t. iii, p. 92-93 ; E. F. C. Rosenrnûller, Handbuch der biblischen Alterthumskunde (avec les citations des voyageurs Maundrell, Shaw, Pocoeke et

Volney), 1826, t. ii, part, i, p. 6-9 ; F. C. Movers, Die Phônizier, 1849, t. ii, part, i, p. 98-103 ; C. Ritter, Erdkunde, t. xvii, 1854, p. 39, 50-55, 868-879 ; E. Reclus, L’Asie antérieure, 1884, p. 770-772 ; F. Walpole, The Ansaryii and the Assassins with Travels in further East, 3 in-8°, Londres, 1851, p. 389-399.

F. VlGOUROUX.

    1. ARADA##

ARADA (hébreu : Harâdâh ; Septante : XapiSiO ; Vulgate : Arada). Une des stations des Hébreux au désert, entre le mont Sépher et Maceloth. Num., xxxiii, 24. La situation en est inconnue. On conjecture qu’Arada est peut-être l’ouadi el - Kharaizéh, entre la pointe du golfe Élanitique et le mont Sépher, représenté par le Djebel esch-Schoureif ou le Djebel esch-Scheràfeh. Le nom de cette station, comme celui de la plupart des autres, a sans doute été inspiré par l’aspect des lieux, ou par quelque circonstance que nous ignorons. Il n’est rien moins que certain, d’autre part, que les noms donnés par Moïse aux différentes stations aient été conservés par la tradition locale. Dans quelques-uns des endroits où se sont arrêtés les Hébreux, on a retrouvé des campements ; mais on est encore loin d’avoir fouillé toute la presqu'île sinaïtique, et, l’eut-on fait, qu’on n’obtiendrait probablement pas encore des identifications d’une certitude absolue. Le mot harâdâh veut dire « terreur ». Peut-être les Hébreux furentils témoins, dans cette station, d’un phénomène

qui les effraya.
H. Lesêtre.
    1. ARADIEN##

ARADIEN (hébreu : Hû'arvâdî, avec l’article ; Septante : 'ApâSto ;  ; Vulgate : Aradius), descendant de Chanaan. Gen., x, 18 ; I Par., i, 16. — Josèphe, Ant. jud., i, vi, 2, dit que « l’Aradien eut l'île d’Arad ». Les Aradiens sont, en elfet, dans l’Ancien Testament et chez les auteurs profanes, les habitants de l'île d’Arad, en Phénicie ; mais il y a cependant tout lieu de supposer que les Chananéens qui portèrent les premiers ce nom habitèrent la côte voisine avant de s'établir dans l'île, de même que les Tyriens habitèrent la terre ferme avant de se fixer dans l'île de Tyr. Voir A. Knobel, Die Vôlkertafel der Genesis, 1850, p. 329-330. D’après Strabon, XVI, ii, 13, Arad fut peuplée par des Sidoniens fugitifs, et d’après la Chronique arménienne d’Eusèbe, cet événement se serait passé en 761 avant notre ère. Chron., ii, édit. Aucher, Venise, 1818, p. 173. De savants critiques pensent que Strabon a confondu l'île d’Arad, au nord de la Phénicie, avec Arad du Carmel, que Scylax, Peripl., 104, nomme parmi les villes dépendantes de Sidon.Voir Knobel, Die Vôlkertafel, p. 320. Quoi qu’il en soit, l'île d’Arad était déjà habitée avant le vme siècle, et comme l’a remarqué Movers, Die Phônizier, 1819, t. ii, part. î, p. 99, des Sidoniens ont pu s’enfuir de Sidon et augmenter la population, en même temps que la puissance de l'île d’Arad, déjà habitée par d’autres Chananéens. Voir aussi Ritter, Erdkunde, t. xvii, p. 384. — La Vulgate nomme encore les Aradiens dans Ézéchiel, xxvii, 8, 11, là où le texte original porte Arvad = Arad. Voir Arad 2. F. Vigouroux.

ARADON. Xom de l'île phénicienne d’Arad dans I Mach., xv, 23. Voir Arad 2.

    1. ARAIA##

ARAIA (hébreu : Harhâyâh, « s’irrite Jéhovah (?) » Septante : 'Apxyiw ; ), père d'Éziel, l’orfèvre qui aida à rebâtir Jérusalem. II Esdr., iii, 8.

    1. ARAIGNÉE##

ARAIGNÉE (hébreu : 'akkâbîs ; Septante : kpâyv^). Petit animal au corps articulé, à huit pattes et deux palpes, sans ailes ni antennes. Dans le langage commun, on applique ce nom à divers ordres de la classe des arachnides ; mais scientifiquement il est réservé à la seconde section des aranéïdes ou arachnides fileuses, section qui comprend de nombreux genres et des espèces variées. Parmi ces araignées proprement dites, les unes sont sédentaires, construisent des toiles d’une grande variété

de structure ou jettent des fils pour capturer les insectes ; les autres sont vagabondes, courent à la recherche de leur proie et se retirent ensuite dans des cavités tapissées de leurs fils. Le nombre des unes et des autres est très considérable en Palestine : on en compte plusieurs centaines d’espèces. Entre les plus communes se placent les Tégénaires de Walckenaër, qui attachent leur toile aux angles des murs dans les appartements, et aussi dans les arbres, les haies. Cette toile, à fils très serrés, placés par couches et se croisant, est à peu près horizontale ; à l’un des coins, d’ordinaire à l’angle du mur, se trouve un tube cylindrique, où l’araignée se tient à l’affût, attendant patiemment qu’un imprudent insecte vienne s’embarrasser dans ses filets. La plus répandue est l’araignée domestique, Tegenaria domestica, noirâtre avec deux rangées de taches brunes, à l’abdomen de forme ovale

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210. — Araignée domestique.

(fig. 210). On trouve encore très fréquemment diverses espèces des genres Thomise, Agelena, Épeire, etc. : la toile de ces dernières, ordinairement verticale ou inclinée, est à réseaux réguliers et en spirale ; l’araignée se tient au milieu, la tête en bas. Pour commencer cette toile, l'Épeire se laisse pendre à son fil (fig. 211) afin d’atteindre,

SU. — Araignée Épeire commençant sa toile.

grâce à un coup de vent, une branche opposée, ou par son propre poids un rameau inférieur. Elle y attache l’autre extrémité de son fil ; alors elle peut circuler facilement sur ces premiers fils pour ourdir sa toile (fig. 212). On sait que les fils d’araignée, surtout des genres Epeire et Thomise, s’agglomèrent souvent comme en écheveaux : l’air et le soleil les dessèchent et les blanchissent. Emportés par les vents, ils retombent en longs filaments blancs si gracieusement nommés fils de la Vierge.

De l’araignée ou plutôt de sa toile, les écrivains sacrés ont tiré une juste et expressive comparaison ; elle se renoontre deux fois dans le texte hébreu. Les espérances de l’impie sont comparées à la maison de l’araignée, Job, vin, li, édifice fragile, ꝟ. 15. La Vulgate rend par tela araneantm le bét 'akkâbiS, « maison de l’araignée, » dui texte original : ce qui revient au même. Dans Isaïe,

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212. — Toile de l’araignée Epeire.

Lix, 15, le mot toile est employé. « Ils (les impies) tissent des toiles d’araignées, qûrê 'akkâbîs, c’est-à-dire ne font rien de solide, » }. 16.

Les versions font mention de l’araignée dans d’autres passages où le texte original n’en parle nullement. Ainsi les Septante et la Vulgate, au Psaume xxxviii, 12, rendent par « araignée » le mot K as, qui signifie « teigne ». Au lieu de : « Vous dissolvez (détruisez) sa vie comme la teigne » (qui s’attaque aux vêtements et les fait tomber en poussière, ci. Job, xiii, 18), on a : « Vous faites que sa vie s'épuise comme l’araignée. » Les anciens croyaient que, à force de tirer d’elle-même sa toile, l’araignée s'épuisait jusqu'à en périr. De même au Psaume lxxxix, 10, selon les Septante et la Vulgate, « les années de notre vie sont comparables à l’araignée, » c’est-à-dire s'épuisent comme elle. On lit dans le texte hébreu : « Nous consumons nos années comme un soupir, » c’est-à-dire avec la même rapidité.— Il est dit dans Osée, viii, 6 (Vulgate), que le veau d’or de Samarie sera détruit comme une toile d’araignée, avec la même facilité. À la place de aranearum telas, l’hébreu a le mot Sebâbîm, « fragments, morceaux. » « Le veau d’or de Samarie sera réduit en morceaux, » allusion au veau d’or d’Aaron, mis en pièces par Moïse. — Les Septante ont encore ajouté le mot araignée dans Job, xxvii, 18. Pour montrer que la fortune de l’impie est caduque, on dit dans ce passage que « sa maison sera comme la maison de la teigne » ; les traducteurs grecs ajoutent : « et comme la maison de l’araignée, > : au lieu de ces mots du texte : « et comme l’abri que se fait le gardien des vignes. »

Quelques auteurs veulent traduire par araignée le mot èemâmit, Prov., xxx, 28 ; d’autres' pensent qu’il s’agit de la tarentule. La Vulgate plus justement y a vu une sorte de lézard, le stellion vulgaire, que les Grecs appellent encore <ja|r.anîv8ï). Cf. Bochart, Hierozoicon, part, ii, lib. iv, cap. xxiii, et part, i, lib. iv, cap. vu.

E. Leyesql’E.

ARAM (hébreu : 'Arâm, c haut, élevé ; » Septante : 'Apijji). Nom d’homme (1-6) et de pays (7-12).

1. ARAM, cinquième fils de Sem, père des peuples de Syrie ou Aram. Gen., x, 22, 23 ; 1 Par., i, 17.

2. ARAM, fils de Camuel et petit-fils de Nachor, frère d’Abraham. Au lieu d’Aram, la Vulgate traduit par Syrorum « (père) des Syriens » (Septante : E-jpwv). Gen., xxii, 21.

3. ARAM (hébreu : 'Oren, « pin ; » Septante : 'Apâ|i), troisième fils de Jéraméel, qui était fils aîné de Hesron, de la tribu de Juda. I Par., ii, 25.

4. ARAM, fils d’Esron ou Hesron et père d’Aminadab, un des ancêtres de Notre - Seigneur selon la chair. Rulh, iv, 19 : Matth., i, 3, 4 ; Luc, iii, 33. Dans I Par., ii, 9, 10, il est nommé Ram.

5. ARAM, fils de Somer, de la tribu d’Aser. I Par., vu, 34.

6. ARAM. Il est appelé Aran, I Par., i, 42. Voir Ahan 2.

7. ARAM (hébreu : 'Ârârn, [pays] haut), nom sémitique du pays que la Vulgate appelle Syrie. Le nom d’Aram n’a été conservé qu’une fois par saint Jérôme dans son acception géographique, Num., xxiii, 7, où Balaam dit : « D’Aram (c’est-à-dire ici de la Mésopotamie) Balac m’a fait venir. » Voir Syrie. — Diverses parties du pays d’Aram sont distinguées dans la Bible hébraïque par l’addition d’un mot qui en restreint le sens. Ces parties qui reçoivent un nom particulier sont les suivantes :

8. ARAM BETH REHOB ('Ira » ! bêt-rehôb), II Sam. (Reg.), x, 6. Vulgate : Syrum Rohob. Voir Rohob.

9. ARAM DAMMÉSEQ ('Ârarn danmiéséq), II Sam. (Reg.), viii, 5, 6, appelé dans la Vulgate Syria Damasci. Voir Syrie de Damas.

10. ARAM MAACHA ('Ârarn ma'âkâ/i), I Par., xix, G.

Vulgate : Syria Maacha. Voir Maacha.

11. ARAM NAHARAÏM (' Ârarn nahâraïm), Gen., xxiv, 10, etc. Vulgate : Mesopotamia. Voir Mésopotamie.

12. ARAM SOBA {'Ârarn sôbâ'), II Sam. (Reg.), X, 6, 8. Vulgate : Syrus Soba. Voir Soda.

1. ARAMA (hébreu : Hâràmâh, « la hauteur, » avec l’article, ce qui fait que plusieurs versions et les interprètes modernes appellent simplement cette localité Rama ; Septante : 'Apar, ). ; Codex Alexandrinus : Pap.â), ville de la tribu de Nephtali, mentionnée seulement une fois dans Josué, xix, 36. C'était une ville forte, située sur une hauteur, comme l’indique son nom, qu’elle conserve toujours sous la forme Raméh. Encore aujourd’hui Raméh est un village important, bien bâti, sur la pente d’une montagne, à dix kilomètres environ au sud-ouest de Safèd, au nord d’une belle et fertile plaine, dans la partie septentrionale de la basse Galilée. Il possède une source excellente et est entouré de plantations d’oliviers. La population actuelle se compose de Druses et de chrétiens. On n’y a trouvé aucun reste de monuments antiques. Voir Robinson, Biblical Researches, t. iii, p. 79 ; Thomson, The Land and the Book, t. i, p. 515.

2. ARAMA. Au premier livre des Rois, xxx, 30, la Vulgate appelle Arama la ville de Sephaath, située au sud de la Palestine ; elle l’appelle « Horma », Num., xxi, 3 ; Jud., i, 17 ; « Herma », Jos., xii, 14 ; « : Harma », Jos., xix, 4. Voir Horma 1.

3. 'ARÂM À Isaac, ben Môseh, ben Méir, Juif érudit, né vers 1430, à Zamora, en Espagne, et mort à Naples, où il s'était réfugié après la proscription de 1492. Il a composé, sous le titre de 'Aqêdat Yiçhâq, « Sacrifice d’Isaac, j

un commentaire homilétique et philosophique du Pentateuque et des cinq Megilloth. Cet ouvrage, imprimé à Salonique, in-f », 1522, obtint un grand succès parmi ses coreligionnaires et eut de nombreuses éditions. S’il y a d’heureuses explications, il faut avouer qu’on y trouve trop de subtilités. Sa philosophie cependant ne l'égaré jamais loin de la voie de l’orthodoxie ; il est du reste l’ennemi du rationalisme, qu’il combat dans son opuscule intitulé : Ifàzût qâsâh, « Dure vision. » Is., xxi, 2. On a encore de lui un commentaire des Proverbes de Salomon, Yad 'Absâlôm, « Stèle d’Absalom, » II Reg., xviii, 18, in-4°, Constantinople, sans date, et un commentaire sur le livre d’Esther, publié avec le texte, in-4o, Constantinople, 1518. E. Levesque.

4. 'ARÂMA Méir, ben Isaac, appelé aussi Méïri, fils du précédent, né à Saragosse, suivit son père dans son exil à Naples. Après la mort de ce dernier, il alla à Salonique, où il finit ses jours en 1556. Outre des ouvrages talmudistes, il composa des commentaires philosophiques sur Isaïe et Jérémie, 'Urim vetummîm, in-4°, Venise, 1608 ; sur le Cantique des cantiques, dans la Bible de Moïse Frankfurter, in-f°, Amsterdam, 1724-1727 ; sur Job, avec le texte ponctué, in-f°, Salonique, 1517 ; in-4o, Venise, 1567 ; et sur les Psaumes, in-4°, Venise, 1590.

E. Levesque.

ARAMAISMES. On donne ce nom, soit à certaines expressions, soit à des tournures araméennes ou syriaques qui ont été employées par quelques écrivains hébreux, parce qu’ils affectionnaient les termes étrangers ou exotiques, ou bien parce qu’ils étaient en contact avec des populations qui parlaient araméen, et auxquelles ils empruntaient quelque chose de leur langage. Ainsi le mot araméen 'âtàh est employé dans Job, iii, 25, au lieu de l’hébreu bâ', « venir. » Les aramaïsmes se rencontrent surtout dans les auteurs les moins anciens, comme Jérémie, Ézéchiel, etc. Ils ont une importance réelle pour l'étude critique et l’histoire littéraire de l’Ancien Testament et seront signalés dans les articles consacrés aux auteurs sacrés qui en ont fait usage.

    1. ARAMÉEN##

ARAMÉEN, langue parlée par les Araméens qui habitaient le pays d’Aram en Syrie. Dans la Vulgate elle est appelée syriaque. Cf. IV Reg., xviii, 26 ; Dan., H, 4 ; I Esd., iv, 7 ; II Mach., xv, 37. L’araméen biblique est souvent appelé chaldéen. Voir Ciialdéenne (Langue) et Syriaque (Langue).

1. ARAN (hébreu : Ilârân, « le montagnard ; » Septante : 'Appàv), le troisième fils de Tharé, le second frère d’Abraham, le père de Lot, de Melcha qui épousa son oncle Nachor, et de Jescha. Aran mourut avant Tharé, son père, dans son pays natal, Ur de Chaldée. Tharé, à partir de sa soixante-dixième année, engendra successivement Abram, Nachor et Aran, puis il mourut à deux cent cinq ans. Aran naquit donc au plus tôt quand son père avait soixante-treize ans, et mourut avant qu’il n’en eût deux cent cinq, par conséquent vécut moins de cent trentedeux ans. Comme d’autre part la mort d’Aran est rapportée avant le départ d' Abram, et que celui-ci quitta la Chaldée à l'âge de soixante-quinze ans, on peut en conclure qu’Aran n’atteignit pas sa soixante-douzième année. L'Écriture mentionne d’ailleurs sa mort comme prématurée, et ce fut parce que Lot était devenu orphelin qu’Abram l’emmena avec lui. Gen., xi, 26-xii, 4. Les anciens Juifs avaient imaginé toute une légende sur la mort d’Aran : il aurait péri par le feu en Chaldée, sur son refus d’adorer le feu, comme les Ghaldéens. S. Jérôme, Quxst. in Genesim, t. xxiii, col. 956. Cette fable repose uniquement sur une traduction fausse d’Pr Kasdim. Le Targum de Jonathan, Gen., xi, 28, donne à 'ûr le sens de « feu », quoique ce mot signifie, en hébreu, « lumière, » et qu"il ait le sens de s ville a c’est-à-dire « ville des Chaldéens, » dans le

nom d’Ur Kasdim ; le Targum traduit donc à tort : « Aran mourut, à la vue de Tharé, son père, dans la fournaise de feu des Chaldéens, » au lieu de : « Aran mourut à Ur

des Chaldéens. »
H. Lesêtre.

2. ARAN (hébreu : 'Arân, « chèvre sauvage. ; » Septante : 'Apiv), fils de Disan, de la race de Séir. I Par., I, 42 ; Gen., xxxvi, 38. Dans ce dernier passage, la Vulgate l’appelle Aram.

3. ARAN (hébreu : Ilârân, « montagnard ; » Septante : 'Aav ; Codex Alexandrinus : 'Apiv), un des fils de Séméi. lévite de la famille de Gerson. Il fut établi chantre pa*. David. I Par., xxiii, 9.

    1. ARANEO Clément##

ARANEO Clément, théologien italien, né à Raguse, en Dalmatie, mérite d'être compté parmi les Dominicains les plus éminents du xvie siècle, par son savoir théologique, par sa sobre érudition et aussi par sa rare éloquence. Outre les ouvrages dont nous n’avons pas à nous occuper ici, il a écrit un commentaire de VÊpître aux Romains, destiné principalement à réfuter les erreurs de Luther. En voici le titre : Expositio cum resolutionibus occurrentiurn dubiorum, etiam Lutheranorum errores validissime confutantium, secundum subjectam materiam super Epistolam Pauli ad Romanos, in-4°, Venise, 1547. Voir Quétif-Échard, Scriptores ord. Prsedicalorum, t. ii, p. 131. M. Férotin,

ARAPHA. Ce mot se lit quatre fois comme nom propre. II Reg., xxi, 16, 18, 21, 22. Dans le premier livre des Paralipomènes, xx, 6, 7, il est écrit Rapha. Cette différence d’orthographe provient de ce que l’article hébreu, hà, qui se lit dans le texte original, hâràfâh, a été conservé dans la version des Rois et ne l’a pas été dans celle des Paralipomènes. Les Septante ont toujours supprimé l’article et transcrit Pacpâ. II Reg., xxi, 16, 18 ; 20, 22 ; I Par., xx, 8. Dans le passage I Par., xx, 6, les traducteurs grecs n’ont pas conservé le mot hébreu, mais en ont rendu le sens en mettant : à7tôyovoç yivôvrav, « de la race des géants » ou « d’une race de géants ». C’est, en effet, ce que signifie le texte hébreu, qui indique seulement de plus par le mot râfâh que les quatre géants de Geth dont parle l’historien sacré, Jesbibenob, Saph, Goliath (différent de celui qui fut tué par David), et un quatrième, dont le nom n’a pas été conservé, étaient tous de la race des géants qui était connue sous le nom de Raphaïm. Voir Raphaïm. La Vulgate a voulu exprimer cette double idée par une répétition qui n’est pas dans l’original, quand elle a traduit II Reg., xxi, 18 : Saph, de stirpe Arapha de génère gigantum. « Saph, de la race d’Arapha (ou des Raphaïm), de la race des géants. »

    1. ARARAT##

ARARAT (hébreu : 'Âràrât ; Septante : 'Apapât, 'Apapà8, 'ApjiEvia). On désigne sous ce nom un groupe de montagnes, d’origine volcanique, situé en grande partie dans l’Arménie russe, gouvernement d'Érivan, aux confins méridionaux de la Russie, de la Turquie et de ta Perse. L’Ararat présente l’aspect d’une masse conique blanche de neige, rayée de noir par les scories et les laves. Du côté de Nakhidehevan on dirait un seul pic avec collines et plateaux accidentés, s'étendant en plaines à la base. Mais d’ailleurs, on distingue parfaitement deux montagnes ; elles sont alignées suivant la direction du Caucase (fig. 213). L’une, qui s’appelle le grand Ararat, s'élève au nord-ouest avec double pointe ; les calculs hypsométriques auxquels on s’est livré pour évaluer la hauteur du grand Ararat varient de cinq mille cent soixante à cinq mille quatre cents mètres. À sa gauche, au sud-est, se dresse le petit Ararat, qui a un peu moins de quatre mille mètres. La cime en est arrondie, il est séparé du grand Ararat par une dépression profonde, qui s'étend à une distance de onze ou douze kilomètres. L’ensemble 879

ARA RAT

des deux montagnes occupe, entre Bayazid et Érivan, une surface de neuf cent soixante kilomètres carrés. Si des pentes douces, assez semblables à celles de l’Etna, paraissent rendre aisée l’ascension de l’Ararat, les coulées de laves et, plus haut, des fondrières de neige ramollie font, au contraire, cette expédition dangereuse et pénible ; sans compter que la superstition des Arméniens entoure la montagne d’une vénération ridicule, et soumet les voyageurs qui veulent l’explorer à toutes sortes de vexations. Toutefois les neiges ne commencent, du moins à l'état persistant, qu’au niveau de quatre mille trois cents mètres sur le grand Ararat. Jusqu'à trois mille quatre cents mètres, la végétation est complète et variée ; mais, un peu plus haut, les graminées disparaissent pour ne laisser que la flore des hautes Alpes. Du reste, même sur la partie inférieure de la pente, cette végétation est misé dans Russ. Archiv, 1851, p. 608 ; Longuimofi et Abich, L’ascension de l’Ararat, dans le Bulletin de la Société de géographie de Paris, ive série, t. i, 1851, p. 52, 66, 515 ; Abich, Reise in Arménien, 1860 ; Id., Ararat in seiner genetischen Bildung, dans le Bulletin de la Société de géographie allemande, 1870 ; Douglas Freshfield, Travels in the Central Caucasus, Londres, 1869 ; Brice, Transcaucasia und Ararat, in-8°, Londres, 1877, p. 242 ; dans L’Exploration du 9 novembre 1882, le récit de l’ascension d’un voyageur anglais ; Markoff et Kowalosky, Na Gorakh Araratskikh, Moscou, 1889 ; J. Leclercq, Voyage au mont Ararat, Paris, 1892.

Si, dans la nomenclature géographique actuelle, l’Ararat désigne une montagne, cela n’est pas aussi certain pour la géographie bibliqje. Le terme Ararat se lit cinq fois dans l'Écriture, savoir : Gen., viii, 4 ; 1°V Reg., xix, 37 ;

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213. — Le mont Ararat. D’après une photographie.

rable et flétrie. Les pentes de l’Ararat sont, en effet, extrêmement arides, malgré les neiges du sommet. On croit que les eaux s'écoulent, par des fissures, sous les cendres et les laves, dans l’intérieur de la terre. Aussi les voyageurs signalent-ils l’Ararat comme un véritable désert, les indigènes n’y conduisent guère leurs troupeaux ; on n’y rencontre que rarement un animal, le bouquetin tour, la fouine et une espèce de lièvre ; peu ou point d’oiseaux. Depuis l'éruption de 1840, qui détruisit le couvent de SaintJacques et le village d’Argouri, la montagne est de moins en moins habitée.

Les Turcs donnent à l’Ararat tantôt le nom d’Agridagh (mont escarpé), tantôt celui d' Arghi-dagh (mont de l’Arche) ; les Persans l’appellent Koh-i Nouh, c’est-à-dire la montagne de Noé. Chez les Arméniens, la seule appellation en usage est celle de Masis ou Massis, qui signifie : « élevé, haut. » Nicolas de Damas, au témoignage de .Tosèphe, Ant.jud., 1, m. 6, désigne l’Ararat par le nom de Baris. On peut consulter pour la géographie physique de l’Ararat les monographies suivantes : K. von Raumer, Der Ararat, der P’ison und Jérusalem, dans Hertha, Zeitschrift fur Erdkunde, 1829, t. xiii, p. 333 et suiv. ; D r Parrot, AuthentischeNachrichtenvon der Besteigung des Ararat, dans Sophronizon, 1830. t. xir. 4e livr., p. 1 ; ld., Reise zum Ararat, Berlin, 1835 ; Jloritz gagner, Reisc nach dem Ararat, Leipzig, 1845 ; Monteilh, La plaine d' Ararat, dans Annales des voyages, 1850. t. iii, p. 159 ; Khodzko, Besteigung des grossen Ararat in 1850,

Tob., i, 21, seulement dans le texte grec ; Is., xxxvii ; 38 ; Jer., li, 27 (Septante, xxvii, 38). La Genèse et le livre de Tobie parlent des « montagnes » d' Ararat ; le livre des Rois et Isaïe de la « terre » ; Jérémie du « royaume » d’Ararat. Voilà pour les textes originaux ; dans les diverses versions, les interprètes ont plutôt commenté que traduit. C’est ainsi que la Vulgate porte successivement pour ces divers passages : super montes Armenise, in terram Armeniorum, in terram Ararat, regibus Ararat. Les Septante ont ètz tï op7] Tï 'Apapx-r, Et ; yîiv 'ApapàÔ, s !  ; ta opr, 'Apxçif), eî ; 'Apiisviav (deux fois).

De l’ensemble de ces passages, Franz Delitzsch, Commentai- ûber die Genesis, l re édit., p. 221, inférait que, dans la langue de la Bible, Ararat est plutôt le nom d’un pays. Si l’on objecte que Gen., viii, 4, et Tob., i, 21, parlent clairement de « montagnes »,-rà op-rj, les critiques répondent que si l’on tient compte du pluriel hàrê, « montagnes, » et d’un passage similaire, Jud., xii, 7, le texte de la Genèse et celui de Tobie peuvent se traduire « sur les montagnes [du pays] d’Ararat ». C’est ainsi qu’ont traduit MM. Xôldeke, Untersuchungen zur Kritik des alten Testaments, chap. i, Der Landungspunkt Noah’s, p. 146, et Guidi, Délia sede primitiva dei popoli semitici, dans Mémoires de la classe des sciences hist. et phïl. de l’Académie royale des Lincei, 3e série, t. iii, p. 50.

Quel est le pays que la Bible désigne sous le noiïL. d’Ararat ? Bochart. Geographia sacra ; Westen, Arc/ixologia, t. xviii, p. 302 ; Saint-Martin, Mémoires historiques

et géographiques sur l’Arménie, enseignent que la grande majorité des anciens interprètes grecs et latins ont admis l’identité de l’Ararat et de l’Arménie. Nous avons déjà cité les Septante et la Vulgate traduisant deux fois Ararat par 'ApjiEvia ; la version arménienne de la Bible fait de même, et dans le texte persan de l’inscription de Béhistoun, Armaniya, Armina correspond à l’assyrien Urartu, Arartu. Spiegel, Die altpersischen Keilinschriften, p. 12, 17. Parmi les Pères, on peut citer Théodoret, In Jerem., li, 27, t. lxxxi, col. 751- ; Eustathe d’Antioche, In Hexameron, t. xviii, col. 753 ; S. Jean Chrysostome, In orat. de perf. carit., édit. Gaume, t. vi, p. 350 ; Eusèbe, Preep. evang., ix, 12, t. xxl, col. 699 ; S. Jérôme, Comrn. in 1s. proph., xi, 27, t. xxiv, col. 389 ; Liber de situ et nom. loc. hebr., t. xxiii, col. 859. Ces interprétations trouvent surtout leur appui dans Jérémie, li, 27, où le royaume d' Ararat est énuméré avec ceux de Minni et d’Ascenez. Or ces données désignent clairement l’Arménie. Cf. Nicolas de Damas dans Josèphe, Ant. jud., I, iii, 6 ; Patkanof, Muséon, t. i, p. 545 ; Sayce, Journal of the Royal Asiatic Society, t. xiv, part, iii, p. 377-496 ; Delattre, Le peuple et l’empire des Mèdes, p. 71 ; Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, p. 388-395 ; H. Rawlinson, dans Herodotus, t. iv, p. 246 ; G. Smith, History of Assurbanipal, p. 93. Les documents anciens confirment le sentiment des interprètes. Dans les Annales de Sargon et d' Assurbanipal, l’Ararat revient souvent sous la forme d’JJrartu ou Arartu pour désigner le nord-est de l’Arménie. Moïse de Khorène nous dit que les écrivains arméniens appliquent à la même contrée l’appellation d’Ararad, Ayrarad.

Il y a pourtant une tradition divergente dans l'Église orientale, qui semble plutôt identifier le pays d’Ararat avec le Kurdistan, au nord de la Mésopotamie et de l’Assyrie. Ainsi pensent Bérose, dans Josèphe, Ant. jud., I, iii, 6, la Paraphrase ehaldaïque d’Onkélos, les Targums du Pentateuque et des prophètes, dont il reste un vestige dans le texte corrompu de saint Ambroise, De Noe et Arca, cap. 17 : Sedit arca… super montera Quadrati, t. xiv, col. 390. La Peschito traduit Ararat par Qardu. Cf. saint Éphrem, dans Assemani, Bibl. orient., t. i, p. 113 ; t. iii, 2e part., p. 734, et S. Épiphane, Adv. hxres., i, 18, t. xli, col. 259.

D’autres légendes font des assimilations plus étranges encore. Josèphe place l’Ararat dans le Caucase, les Samaritains à Ceylan, les livres Sibyllins sur le mont Célène en Phrygie, les Persans sur l’Elvend, près d’Ecbatane. En ces derniers temps, Fr. Lenormant a rajeuni l’opinion de Raleigh et Schukfort, Histoire universelle des Anglais, t. i, p. 194, de l’abbé Mignot, Mémoires de l’Académie des inscriptions, t. xxxvi, p. 27, et d’Obry, Du berceau de l’espèce humaine selon les Indiens, les Perses et tes Hébreux, Paris, 1858. Pour Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, p. 1-45, il faut renoncer à l’assimilation traditionnelle de l’Ararat de Moïse avec les régions arméniennes, et retrouver dans le massif montueux de l’Hindou-Kousch le lieu où abordèrent Noé et ses fils. On trouvera une étude complète et une réfutation détaillée de cette opinion dans la Revue des questions scientifiques de Bruxelles, 1883. En voici le résumé. L’hypothèse de Fr. Lenormant repose sur les arguments suivants : 1° l’incertitude des données traditionnelles et le peu de fixité des indications qui assignent l’Arménie comme second berceau de l’humanité ; 2° les inductions contraires qu’on peut tirer du chapitre xi de la Genèse et que confirment les plus anciens souvenirs historiques de la race aryenne ; 3° enfin les découvertes récentes de l’anthropologie et de l’archéologie préhistorique.

On peut répondre : 1° La divergence des traditions ne prouve rien, car la Bible disant : harê 'Arârât, « les montagnes de l’Ararat, » laisse toute liberté pour désigner diverses cimes dans les limites du pays d’Ararat. — 2° La plus forte de ces inductions contradictoires est l’im possibilité de marcher de l’est à l’ouest pour aller d’Arménie aux plaines du Sennaar. Or le cours du Mourad trace de l’est à l’ouest, sur une longueur de plus de trois cents kilomètres, la route naturelle d’Arménie en Babylonie. De plus, pour trouver une objection dans le chapitre xi de la Genèse, il faut admettre, contrairement à de fortes probabilités, que cette émigration vers les plaines du Sennaar fut le fait du genre humain tout entier, et non pas seulement d’une fraction des Noachides. Quant aux légendes aryennes, les mythes du Mérou et du HarâBerezaiti n’ont plus aucun caractère primitif. Rien n’est moins défini, ni plus obscur que la géographie des Pourânas et du Boundehesh. Il n’y a aucune raison pour faire de l’Ararat un vocable aryen, car le prétendu terme d’Airyâratha est fabriqué de toutes pièces. — 3° Si l’anthropologie conduit à placer en Asie la première apparition de l’espèce humaine, M. de Quatrefages la déclare incompétente pour préciser davantage la solution du point de départ des Noachides. Enfin l’archéologie préhistorique, en faisant connaître les premiers foyers de l’industrie métallique, nous laisse complètement libres d’attribuer les plus anciennes exploitations de l'étain pour la fabrication du bronze, soit aux filons métallifères de l’Ibérie caucasique, soit à ceux du Paropamise. Or, en arrêtant son choix sur les premiers, on se trouve précisément dans les limites tracées par l’opinion traditionnelle. Et les plus récents travaux de l’archéologie autorisent pleinement ce choix en faveur des régions arméniennes. Cf. E. d’Acy, L’origine dubronze, dans le Compte rendu du Congrès scientifique international des catholiques, Paris, 1891. Section d’anthropologie, p. 200-206.

En résumé, si l’on ne peut établir avec une entière certitude que l’arche s’est arrêtée au sommet du montMassis, le moderne Ararat, il est cependant plus probable que le premier séjour des Noachides, sauvés du déluge, doit être placé en Arménie. L’hypothèse qui fait aborder Noé sur les hauteurs de l’Hindou-Kousch est inadmissible, et les essais qui tendent à reculer si considérablement à l’est le théâtre de l’ancienne histoire génésiaque doivent être rejetés. J. van den Gheyn.

    1. ARARI##

ARARI, ARARITE (hébreu : harâri, ou, avec l’article, hâharâri), surnom signifiant « le montagnard », donné à trois guerriers de David : à Semma ( Septante : ô 'ApouX<x « k ; Vulgate : de Arari, II Rois, xxiii, 11, et de Orori, ꝟ. 33 ; à Sage (Septante : 'AptoSÎTric ; Vulgate : Ararites. I Par., xi, 33 ; à Sachar, ou plutôt à Ahiam, son fils (Septante : ô 'Apapo ; Vulgate : Ararites). IPar., xi, 34. Voir Arorite 1. Cependant ce nom désigne plus vraisemblablement le lieu d’origine de ces guerriers, Harar, localité inconnue.

    1. ARATOR##

ARATOR, poète chrétien, né au VIe siècle dans la Ligurie, et officier de la cour de l’empereur, avait quitté le monde et était devenu, eu 541, sous-diacre de l'Église romaine, sous le pape Vigile. On a de lui une Historia apostolica ex Luca expressa, poème en vers hexamètres, divisé en deux livres. Il fut d’abord présenté au souverain pontife dans l'église vaticane, le 6 avril 544, puis lu en lecture publique à Saint-Pierre-aux-Liens, à la demande de tous les amis des belles-lettres, tant ecclésiastiques que laïques, de la ville de Rome. Cette lecture dura quatre jours, et le poème fut ensuite envoyé, avec une lettre, à un ami dans les Gaules, où il reçut une nouvelle publicité. Les Actes des Apôtres y sont assez bien rendus, et Arator y a ajouté quelques circonstances tirées principalement du Nouveau Testament. Il fait mourir saint Pierre et saint Paul le même jour, mais non la même année. Ce poème a été imprimé à Milan, in-8°, 1469. Voir Migne, Patr. lat., t. lxviii, col. 45-252 ; Ceillier, Histoire des auteurs ecclésiastiques, l re édit., t. xvii, p. 356.

C. Rigault.

    1. ARATUS##

ARATUS ("ApaTo ; ). Poète grec, né àSoli, en Gilicie.

La date de sa naissance est inconnue, mais on sait qu’il vécut dans la première moitié du 111e siècle (270 avant J.-C) ; il était médecin à la cour d’Antigone Gonatas, roi de Macédoine. De ses œuvres il nous reste deux poèmes astronomiques ou deux fragments du même poème, Les Phénomènes (732 vers) et Les Pronostics (422 vers). C’est au premier de ces poèmes (Phénom., 5) qu’est empruntée textuellement la citation que saint Paul, dans son discours sur l’Aréopage, extrait des poètes grecs : Toû yàp xcci yévo ; è<j[i ! v, « Nous sommes de sa race. » Act., xvii, 28. Voir Schmid, De Arato, Iéna, 46£H ; Schaubach, Geschichte der griechischen Astronomie, p. 215. E. Jacquier.

    1. ARAXE##

ARAXE, fleuve d’Asie qui sort du voisinage de la source occidentale de l’Euphrate et se jette dans la mer Caspienne. Il est identifié par beaucoup de commentateurs avec le Géhon du paradis terrestre. Gen., ii, 13. Voir

Géhon.

    1. ARBATES##

ARBATES (Septante : h’ApôixToi ;  ; Vulgate : in Arbatis), localité de Palestine dont le nom ne se lit que I Mach., v, 23. L’orthographe même n’en est pas certaine. Au lieu de iv’Apêci-r-coi ?, le Codex Alexandrinus porte’ApëaxTOi ;  ; d’autres manuscrits lisent : ’ASpaëÛTioiç, ’ApêaTÔvoiç. Voir W. Grimm, Das erste Buch der Maccabâer, 1853, p. 82. Le syriaque a Ardbôt. Comme on ne connaît en Galilée aucune ville du nom d’Arbates, la plupart des commentateurs croient aujourd’hui que cette dénomination désigne un district. — Ewald, Geschichte desVolkes Israël, 2e édit., 1852, t. iv, p. 359-360, note, s’appuyant sur la leçon de la version syriaque, conjecture qu’Arbates est la région appelée aujourd’hui Ard el-Batïbah, au nord du lac de Tibériade. — Reland, Palxstina, 1. 1, c. 32, t. i, p. 192, a supposé que la lecture actuelle était une corruption du nom de la toparchie dont parle Josèphe, Bell, jud., III, iii, 4, 5, l’Acrabatène, située entre Sichem et Jéricho. (Voir plus haut col. 150-151.) — Drusius et beaucoup d’autres pensent qu’Arbates est la transcription du mot hébreu’arbôf ou de la forme araméenne analogue, signifiant « prairies, pâturages », et qu’il désigne ici par conséquent la partie de la vallée du Jourdain située au nord du lac de Tibériade. Cette région, d’après eux, serait souvent appelée dans la Bible hébraïque’Aràbdh (’Arbôt dans quelques-unes de ses parties) ; mais cette dernière affirmation est inexacte. Ni la vallée du Jourdain ni ses environs, excepté la plaine de Moab en face de Jéricho, ne sont jamais appelés’Arbôp dans l’Ancien Testament. Voir Aradah, col. 821. — Hitzig, Geschichte des Volkes Israël, p. 397, croit qu’Arbates est la toparchie située à soixante stades de Césarée du côté de la Samarie, que Josèphe, Bell, jud., II, xiv, 15 ; xviii, 10, appelle Narbatha. — Que penser de ces opinions diverses ? L’identification de cette localité reste douteuse, au milieu de ce conflit d’hypothèses dont aucune ne repose sur un argument propre à faire pencher la balance en sa faveur. — L’auteur sacré parle d’Arbates en même temps que de la Galilée, à l’occasion de la campagne que Simon Machabée fît dans ce dernier pays, après les premiers exploits remportés par Judas sur les armées syriennes. Simon fut chargé par son frère de délivrer les Galiléens du joug ennemi ; il remporta de brillants succès au nord de la Palestine et y fit un grand butin, en particulier à Arbates. I Mach., v, 20-23.

    1. ARBATHITE##

ARBATHITE (hébreu : ha’arbâti ; Septante : à Tapiëai 61), natif d’Arabah ou Betharaba dans le désert de Juda. Abialbon, vaillant guerrier de David, est appelé Arbathite parce qu’il était originaire de Betharaba. II Reg., xxi, 31 ; I Par., xi, 32.

1. ARBE (hébreu : ’arba’, « quatre » ; Septante : ’Apyôé), géant de la race des Énacim, qui donna son nom â la a ville d’Arbé », Jos., xiv. 15, plus connue sous le nom

d’Hébron. Arbé n’est mentionnée dans l’Écriture qu’à l’occasion de cette ville, Gen., xxiii, 2 ; xxxv, 27 (où la Vulgate écrit « Arbée » ), Jos., xiv, 15 ; xv, 13, 54 ; xxi, 11 ; Jud., i, 10 ; II Esdr., xi, 25. Dans le livre de Josué, xiv, 15, le texte original porte : « Hébron était appelée auparavant Ville d’Arbé, homme très grand parmi les Énacim ». Le mot « homme » est exprimé en hébreu par’âdàm. La Vulgate, au lieu de rapporter le mot’âdâm à Arbé, comme le demande le sens, en a fait un nom propre et a traduit : Adam maximus ibi inter Enacim situs est, ce qui a fait croire à quelques commentateurs ignorants qu’Adam, le premier homme, avait été enterré (situs est) à Hébron.

2. ARBÉ, ARBÉE ( CARIATH), (hébreu : ’arba’; Septante : ’Apêôx, ’ApY<16), nom primitif d’Hébron. Dans Jos., xiv, 15 ; xv, 13, 54 ; xxi, 11 ; Jud., i, 10 ; II Esd., xi, 25, la Vulgate écrit : Gariatharbé. Dans Gen., xxiiij 2 et xxxv, 27, elle traduit le mot cariath (qiryat) par « ville d’Arbée ». Arbé (Voir Arbé 1), fondateur d’Hébron, donna sans doute d’abord son nom à la ville qu’il bâtit ; c’est du moins ce que semble insinuer Jos., xv, 13 J xxi, 11. Voir Hébron.

    1. ARBÈLE##

ARBÈLE (h’ApêïjXoiç), lieu mentionné une seule fois dans l’Écriture. I Mach., IX, 2. Il sert à déterminer la position d’une autre place, qui n’est également citée qu’en ce seul endroit, Masaloth, prise par Bacchide et Alcime au début de la campagne dans laquelle périt Judas Machabée. Ce passage est plein d’obscurités. D’abord Masaloth, MamaXtiS, ME<7<ra).w6, est elle-même inconnue. Ensuite quelle était cette Galgala, dont les Syriens prirent le chemin ? Nous en connaissons trois de ce nom : 1° Galgala (Gilgâl), Jos., IV, 19, etc., aujourd’hui Tell Djeldjoul, au-dessous de Jéricho ; il ne peut en être question pour une expédition de l’armée syrienne en Judée ; 2° Galgala, IV Reg., ii, 1 ; iv, 38, aujourd’hui Djildjilia, au nord de Jérusalem, entre Béthel et Sichem ; 3° Galgal, Jos., xii, 23, aujourd’hui Djeldjouliyéh, dans la plaine de Saron, au nord-est de Jaffa. Keil pense qu’il s’agit de cette dernière, parce que l’expression ôSôv vriv etç r&yaa., « la route de Galgala, » semble indiquer une voie bien connue, une route stratégique, telle que celle de Damas en Egypte, sur laquelle se trouvait Galgala ; et puis une armée qui voulait marcher vite devait suivre le chemin battu des caravanes, à travers la plaine, plutôt que de s’engager dans le pays montagneux de Sichem à Jérusalem. Dans ce cas, il faudrait chercher Masaloth entre Djeldjouliyéh et la ville sainte, à l’entrée’des montagnes. Cf. C. F. Keil, Commentar ùber die Bûcher der Makkabâer, Leipzig, 1875, p. 148. Enfin une troisième difficulté vient de ce que le nom d’Arbèle s’applique lui-même à plusieurs localités. Eusèbe en signale trois : l’une à l’extrémité de la Judée vers l’est ; la seconde au delà du Jourdain, non loin de Pella ; la troisième dans « la grande plaine » d’Esdrelon, à neuf milles de Légio. Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 21 i. La première est inconnue. L’Arbèle orientale est identifiée avec celle des Machabées par certains auteurs, sous prétexte que la version syriaque et quelques manuscrits donnent Galaad au lieu de Galgala ; ce serait alors Irbid, au sud-est du lac de Tibériade. Outre la base fragile de cette opinion, on ne voit pas bien quel besoin avaient les généraux syriens d’assiéger cette ville avant d’accourir à Jérusalem. D’autres enfin veulent lire Galilée au lieu de Galgala ; Xï<ra), (o6, Casaloth, Jos., xix, 18, au lieu de Masaloth, contondant cette dernière avec lksal, ville de la plaine d’Esdrelon, dans le voisinage de laquelle eût été notre Arbèle, la troisième d’Eusèbe : ce changement de noms est tout à fait arbitraire. Cf. Keil, Makkabâer, p. 149, note 1.

Josèphe, Ant. jud., XII, xi, 1, rapportant le même fait que l’auteur sacré, place Arbèle en Galilée, iv’Apgr,

Xoiç iriXei ttk TaXiXafaç. Ailleurs il en précise la situation en la montrant près de Sepphoris, non loin du lac de Génésareth : il signale, dans le voisinage, un grand nombre de grottes inaccessibles, reruge des voleurs et des insurgés, et qui furent le théâtre de scènes sanglantes, au temps d’Kérode ; lui-même les iortilia plus tard, lors de l’invasion romaine. Cl. Ant. iud., XIV, xv, 4, 5 ; Bell, jud., i, xvi, 2-4 ; Vita, 37. Tous ces détails topographiques conviennent bien à Khirbet lrbid ou Arbed,

214.

Vue des collines rocheuses d’Arbèle.

située à l’ouest d’El-Medjdel, et au pied des collines de Qoroun Hattin.

Presque tous les auteurs admettent cette identification. La permutation entre l et d se retrouve en bien des langues : chaldéen, '"tn, 'âzal ; hébreu, itn, 'âzad,

'OSuuuev ; , Ulysses. Ensuite le mot Me<ro-aXu>6 peut bien n'être que l’hébreu ni'îDO, mesillôf, « degrés, étages, »

et l’endroit ainsi appelé, indiqué comme se trouvant sur le territoire d’Arbèle, répond probablement aux cavernes jadis fortifiées par Josèphe, auxquelles on monte par des degrés. Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 398-399. Enfin la route qui va de Nazareth et du Thabor au lac de Tibériade avait une importance que connaissaient les armées syriennes.

Arbéle est peut-être la ville de Beth-Arbel, citée dans le texte hébreu du prophète Osée, x, 14, et qui tut ravagée

par Salmanasar. Voir Beth-Arbel. On peut y reconnaître aussi celle dont parle le Tahnud, la patrie du docteur Nithaï ha-Arbeli, qui y fit construire une grande synagogue. Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 219.

Les ruines de Khirbet lrbid couvrent les pentes d’un plateau élevé qui domine YOuadi el-Hamâm. « Ce sont celles d’une petite ville renversée de fond en comble. On peut suivre néanmoins encore çà et là. au milieu des broussailles, les traces d’un mur d’enceinte qui avait été bâti avec des pierres basaltiques et mesurait quatrevingt-dix centimètres d'épaisseur. Au dedans de cette enceinte aux trois quarts rasée, on heurte à chaque pas les débris confus de maisons écroulées, construites elles aussi iadis, pour la plupart, avec des matériaux basaltiques. Une source abondante, renfermée dans un puits revêtu intérieurement de pierres régulières de moyenne dimension, fournissait de l’eau aux habitants. Ils avaient, en outre, creusé dans le roc de nombreuses citernes et deux bassins, qui avaient été bâtis là où le roc faisait défaut, et qui sont actuellement à moitié comblés. Les samedis, ils se réunissaient dans une synagogue construite avec de belles pierres de taille calcaires, et qui a malheureusement subi une dévastation complète. Elle était ornée de colonnes, les unes corinthiennes, les autres ioniques, d’un moindre module, dont plusieurs gisent encore à terre avec leurs chapiteaux mutilés. Là, on admire les débris d’une jolie porte décorée de moulures à crossettes. » V. Guérin, Description de la Palestine, Galilée, t. i, p. 198-199.

Au pied du plateau où s'élève lrbid, un ruisseau, formé par une source assez abondante, qui coule entre des roseaux, des agnus-castus et des lentisques, serpente dans une gorge très profonde, quo bordent et resserrent deux chaînes parallèles de hautes collines rocheuses. Les flancs escarpés de ces collines, semblables sur beaucoup de points à des murailles gigantesques, sont percés à différents étages d’innombrables cavernes, creusées jadis par la main de l’homme (fig. 214). Les plus remarquables sont désignées sous le nom de Qala’at Ibn Ma'ân ou de Qala’at oued el-Hamâm. Après trois quarts d’heure d’une gymnastique difficile on arrive, par un escalier pratiqué sur des flancs presque verticaux, au niveau des premières grottes. Une porte basse et un long couloir ogival, voûté en pierres soigneusement appareillées, conduisent dans l’intérieur de la grotte principale, dont l’entrée est fermée par un véritable rempart, construit en belles assises alternativement blanches et noires. De cette vaste chambre un escalier conduisait aux étages supérieurs. On trouve ainsi toute une série de réduils communiquant les uns avec les autres par des ouvertures, des corridors, des galeries tantôt bâties sur les corniches, tantôt creusées en pleine montagne. Un troisième étage renferme les mêmes dispositions. De la terrasse qui termine cet ensemble de constructions, la vue est splendide sur l’extrémité du lac de Tibériade, sur les montagnes de Safed et sur la plaine de Génésareth. Actuellement inhabitées, ces grottes servent d’asile à des milliers de colombes qui y vivent en sécurité. C’est de là que vient à la vallée le nom de Ouadi el-Hamâm, « vallée des colombes. » Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans le Tour du monde, t. xliii, p. 210-218.

Ces cavernes ont joué un rôle important pendant les guerres dont parle Josèphe dans les passages cités plus haut. En passant à Arbèle, Bacchide en fit le siège et s’empara d’un grand nombrede Juifs qui s’y étaient réfugiés. Hérode fut obligé d’imaginer tout un plan d’attaque pour se rendre maître des brigands qui s'étaient retranchés dans ces asiles, en apparence inexpugnables. Voir le récit tragique de Josèphe, Bell, jud., i, xvi, 2-4.

A. Legexdre.

ARBI (hébreu : hâ'arbî ; Septante : OOpaiosp-^t), patrie de Pharai, l’un des héros de David, d’après la Vulgate.

II Reg., xxiii, 35. La version latine a reproduit servilement la forme du nom hébreu, qui n’est autre que celui d’une ville de la tribu de Juda, Arab, avec l’article et la terminaison i, pour indiquer la relation d’origine ; le sens est donc simplement : « Pharai l’Arabite. » Voir Arab. On lit dans 1 Par., xi, 37, à propos du même personnage : bén 'Ezbâï, « fils d’Asbai, » au lieu de hâ'arbî, ce qui semble une faute facile à expliquer par la confusion entre le -, zaln, et le T, resch. Les Septante ont uni les deux noms propres, et, dans le dernier, ont pris le : , beth, pour un

s, caph.
A. Legendre.
    1. ARBITRAGE##

ARBITRAGE, ARBITRE. On entend par « arbitre » celui qui, dans un différend ou un débat d’intérêts entre deux parties, est désigné, ordinairement par les parties elles-mêmes, pour dirimer la controverse. Tantôt les parties recourent d’elles-mêmes et spontanément à des arbitres ; tantôt, d’après les prescriptions de la loi ou un décret judiciaire, elles sont obligées d’y recourir, quoiqu’elles restent libres dans le choix des personnes ; quelquefois les personnes mêmes des arbitres sont imposées par la loi ou le tribunal. On entend par « arbitrage » la décision rendue par les arbitres. L’arbitrage étant un mode simple et naturel de trancher les discussions d’intérêt, nous ne pouvons douter qu’il n’ait existé chez les Hébreux. La Vulgate emploie le mot c< arbitres » dans le passage suivant, Exod., xxi, 22 : « Si des hommes se querellent, et que, l’un d’eux ayant frappé une femme enceinte, elle accouche d’un enfant mort, sans qu’elle meure elle-même, il sera obligé de payer ce que le mari demandera et qui sera réglé par des arbitres : quantum marilus mulieris expetierit, et arbitri judicaverint. » D’après le texte hébreu, il reste quelque obscurité sur le caractère des personnages ici désignés ; ils sont appelés pelilîm ; ce mot n’est employé que deux autres fois dans la Bible, Deut., xxxii, 31 et Job, xxxi, 11. Dans le premier de ces passages, il signifie « juges » dans un sens général : « Que nos ennemis en soient les juges (de la puissance de notre Dieu) ; » dans le second passage, Job, xxxi, 11, il signifie « juges » proprement dits : « Un tel acte est un crime de juges, » c’est-à-dire un crime de nature à faire comparaître son auteur devant les juges, comme nous disons : un fait de police correctionnelle, de cour d’assises. Ct. Gesenius, Thésaurus linguse hebrsese, p. 1106. Toutefois, comme le mot pelilîm n’est pas le mot ordinaire dont se sert l’auteur du Pentateuque pour désigner les « juges » proprement dits (ce mot est sôfét, Exod., ii, 14 ; Deut., xvi, 18 ; xvii, 9, 12 ; xxv, 2), et comme, dans le passage cité de l’Exode, xxi, 22, il ne s’agit pas précisément d’un jugement à rendre, mais d’un fait à constater et d’une appréciation à faire, nous devons dire que la conclusion de l’affaire, prononcée par ces pelilim, ressemble bien plus à un arbitrage qu'à une sentence judiciaire, quoique peut-être ceux qui devaient décider ne fussent pas différents des juges mêmes institués déjà par Moïse. Exod., xviii, 13-26.

Ce mode de trancher les discussions d’intérêt s’est transmis d'âge en âge chez les Hébreux, comme chez les autres peuples. L' « arbitrage » est mentionné par la Mischaa. « Les causes pécuniaires sont jugées par trois hommes ; chacune des deux parties en choisit un, et ensuite un troisième juge est nommé, » soit par les parties elles-mêmes d’un commun consentement, soit, comme disent quelques rabbins, par les deux juges nommés d’abord. Mischna, traité Sanhédrin, iii, 1, édit. Surenhusius, t. iv, p. 218220. On reconnaît là, de la manière la plus évidente, les « arbitres », désignés ou agréés par les parties.

Plusieurs commentateurs voient aussi des « arbitres » dans ces juges que l’apôtre saint Paul ordonne aux fidèles j de Corinthe de désigner parmi eux, pour juger leurs ' différends, au lieu de recourir aux magistrats païens. I Cor., vi, 1-fi. Ainsi pensent Adalb. Maier, Commentai' ûber den ersten Korintherbrief, Fribourg-en-Brisgau,

1857, sur le chap. vi, y. 5-6, p. 125 ; Al. Messmer, Erklârung des ersten Korintherbrief s, Inspruck, 1862, au même endroit, p. 116 ; telle est aussi l’opinion de la plupart des exégètes protestants contemporains. Une autre opinion voit, dans ces juges qui devaient terminer les différends des chrétiens, non pas des « arbitres », mais des « juges » proprement dits. Cf. Cornely, Commentarius in S. Pauli priorem epistolam ad Corinthios, Paris, 1890, p. 140-141. Voir Juge. S. Man-y.

    1. ARBOREUS Jean##

ARBOREUS Jean, de Laon, théologien français, docteur en théologie de la maison de Sorbonne, n’est connu que par ses ouvrages. Il vivait dans la première moitié du XVIe siècle. On a de lui : Theosophix tomi î et // ; Expositio difficillimorum locorum Veteris et Novi Testamenti, in-f°, Paris, 1540. Il y établit, au moyen des passages recueillis avec soin des Pères grecs et latins, diverses propositions importantes et curieuses tant sur les dogmes que sur les textes scripturaires. Commentaria in Ecclesiasten et Canticum canticorum, in-f°, Paris, 1531 et 1537 ; In Proverbia, in-f°, Paris, 1549 ; In quatuor Evangelistas, in-f°, Paris, 1529 et 1551 ; In Epistolas divi Pauli, in-f°, Paris, 1553. L’auteur paraphrase le texte, explique le sens littéral et traite les questions qui se présentent de théologie et de controverse. Il a souvent recours au texte grec. On peut tirer beaucoup de profit des œuvres de cet habile théologien, sage et modéré dans ses sentiments, net et précis dans ses expressions. Voir Du Pin, Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, XVIe siècle, t. v, p. 140. C. Rigault.

1. ARBRES mentionnés dans la Bible. — La seule trace d’une sorte de classification populaire du règne végétal, dans la Bible, se rencontre dans le texte, Gen., î, 11, 12, où Moïse fait le récit de la création. L’auteur sacré énumère successivement trois catégories de végétaux, qu’il appelle ainsi : désé', « gazon ; » 'êséb, « plantes herbacées ; s 'es péri, « arbres fruitiers. » Par le mot désê ', il faut entendre en général tous ces petits végétaux dont la germination n’est pas ou n’est guère apparente, et qui rentrent dans la catégorie des plantes que nous appelons aujourd’hui « acotylédones » ou « cryptogames ». En effet, quand Moïse signale les végétaux de la seconde espèce, 'êséb, il ajoute ces mots : (les plantes) « semant leur semence » ; donc, puisqu’il distingue les plantes appelées déSé' de celles qu’il appelle 'êséb, c’est que les premières, aux yeux de Moïse et de ses contemporains, n'étaient pas censées « semer leur semence », parce que leur germination n'était pas apparente. Telle est du reste l’interprétation commune, soit des Juifs, soit des chrétiens. Rosenmùller, In Genesim, i, 11. Le mot 'êiéb désigne les végétaux herbacés dont la germination est apparente ; Moïse les distingue de la troisième catégorie, qui comprend les végétaux ligneux, 'es, « bois, arbre. » On le voit, cette classification populaire, qui n’a aucune prétention scientifique, est fondée sur des caractères tout extérieurs, en général très apparents, et propres à la faire comprendre de ceux auxquels Moïse s’adressait. Les végétaux herbacés, 'êséb, et les arbres portant des fruits, 'es péri, sont encore mentionnés plus loin, Gen., i, 29, où Dieu les assigne comme nourriture à l’homme.

Nous donnons ici la liste de tous les arbres mentionnés dans la Bible. Sous le mot « arbres », nous comprenons les arbres, les arbrisseaux et les arbustes, en un mot tous les végétaux « ligneux » ; c’est, du reste, le sens de l’hébreu 'es ; sous le mot Herbacés (végétaux), nous donnerons la liste de tous les végétaux non ligneux, comprenant les deux premières catégories, désé', et 'êiéb, signalées par Moïse ; et ainsi sera complète la nomenclature de la flore biblique.

La liste des arbres est donnée par ordre alphabétique ; à côté du nom français de chaque arbre, nous donnons d’abord le mot hébreu qui le désigne, puis le mot qui

correspond à l’hébreu dans les Septante et la Vulgate ; enfin, s’il y a lieu, le nom grec de l’arbre, soit dans les livres grecs de l’Ancien Testament, soit dans le Nouveau Testament. Des articles spéciaux sur chaque arbre compléteront les renseignements qui le concernent.

Abricotier, désigné, d’après quelques auteurs, par le mot hébreu tappûâh. Voir Pommier.

Acacia seyal ; hébreu : sittim, Exod., xxv, 10, 13, 23 ; xxvi, 15, etc. ; les Septante ont traduit S’jXov areirrov, « bois incorruptible ; » la Vulgate a conservé ordinairement le mot hébreu ligna setim, « bois de selim. »

Acacia d’Egypte. Voir Mimosa.

Agalloche. Voir Aloès.

Aloès ou aquilaire agalloche ; hébreu : 'àhâlhn, 'âhâlôf, Num., xxiv, 6 ; Ps., xuv, 9 ; Prov., vii, 17 ; Cant, iv, 14 ; ces mots désignent tantôt l’arbre, d’où provient la substance résineuse et aromatique appelée aloès, tantôt cette substance elle-même. Septante : axrpal (Num., xxiv, 6), (TTaxTii, cû, u>r ; Vulgate : tabernacula (Num., xxiv, 6), gutta, aloe. — Nouveau Testament : àXôr„ Joa., xix, 39 ; Vulgate : aloe.

Amandier ; désigné par deux mots hébreux : 1. lûz, Gen., xxx, 37 ; Septante : quêoov) xap-jîvy ; v, « baguette de coudrier ; » Vulgate : ( virgas) amygdalinas ; 2. sâqôd, « le vigilant, » Gen., xun, 11 ; Num., xvii, 8 ; Septante : àfrJySaXov, v.âpuov ; Vulgate : amygdala.

Aquilaire. Voir Aloès.

Arbustes épineux, buissons, épines. Un certain nombre de mots hébreux désignent des arbustes épineux, des épines, buissons, broussailles, etc. Quelques-uns de ces mots, comme hédéq, 'àtâd, sdmîr, sé'ëlîm, senéh, ont été, d’une manière plus ou moins probable, identifiés avec une espèce particulière d'épines ou d’arbustes épineux ; voir Morelle, Lyciet, Paliure, Jujubier lotus, Mimosa. Voici les autres, désignant les épines en général, sans qu’il soit possible de distinguer s’il s’agit de végétaux ligneux ou de végétaux herbacés : A) 1. barqdnîm, Jud., viii, 7, 16 ; Septante : TpîêoXoc ; Vulgate : tribuli ; —

2. dardar, Gen., iii, 18 ; Ose., x, 8 ; Septante : Tpt’SoÀoç ; Vulgate : trïbulus ; — 3. hârûl, Job, xxx, 7 ; Septante : çp’jyavov, « broussailles ; » Vulgate : sentes ; — 4. hôahj I Reg., xiii, 6 (texte hébreu ; Vulgate : in abditis) ; IV Reg., xiv, 9 ; Job, xxxi, 40 ; Cait., ii, 2 ; Septante : à'xav, axavOa, xv ! 6?), àx-^oii-/ ; Vulgate : carduns, tribulus, paliurus, lappa, « bardane ; » — 5. na'âsûf, Is., vii, 19 ; lv, 13 ; Septante : armer, , « potérium épineux ; » Vulgate : fruteta, saliunca ; — G. qimmôs, Is., xxxiv, 13 ; ou qimsônim, Prov., xxiv, 31 ; qimô ! S, Ose., ix, 6 ; Septante : àxàvfhva £0Xa, axavfla ; Vulgate : spinse, lappa ; — 7-qôs, qôsim, Gen., iii, 18 ; Exod., xxii, 6 ; Jud., viii, 7, etc. ; Septante : axonOa ; Vulgate : spina ; — 8. sallôn, ou sillon, Ezech., xxviii, 24 ; Septante : <7X(5Xo<]/ ; Vulgate : spina ; — 9. sayit, Is., v, 6 ; vii, 23, 24, 25 etc. ; Septante : axavOa ; une fois ^ipioc, « herbe ; » une fois xaXà[/.r|, « paille ; » Vulgate : spina ; — 10. sêk, Hkkim, Num., xxxiii, 55 ; Septante : axôloty ; Vulgate : clavus ; — 11. sinnâh, seninîm, sinnîm, Num., xxxiii, 55 ; Jos., xxiii, 13 ; Job, v, 5 ; Prov., xxii, 5 ; Septante : TpîëoXot, « chardons ; » (SoXîSec, « traits ; » xaxdv, « mal ; » Vulgate : sudes, lancese, arma ; — 12. sîrim, Ps. lvii, 10 ; Eccl., vii, 7 ; Septante : i’xavôx ; Vulgate : spina. — B) Nouveau Testament : 1. Sxavôo, Matth., vii, 16 ; Luc, vi, 44 ; Heb., vi, 8, etc. ; Vulgate : spina ; — 2. (Jatoc, Luc, IV, 44 ; Act., vii, 30, 35, etc. ; Vulgate : rubus ; —

3. Tpt'êoXo ; . Matth., vii, 16 ; Heb., vi, 8 ; Vulgate : tribulus ; — 4. çpvyavov, Act., xxviii, 3 ; Vulgate : sarmenta. — Les arbustes ou plantes épineuses connues sous 1 i nom de cactus ou figuier de Barbarie, d’agave, d’aloès socotrina, etc., sont comprises, d’après certains commentateurs, dans les noms généraux énumérés ci-dessus, mais leur opinion n’est pas fondée, parce que ces diverses plantes ont été importées en Palestine à une époque relativement récente.

Arroche halime. Voir Pourpier de mer.

Astragale ; hébreu : nekô't, Gen., xxxvii, 25 ; xliii, 11 ; nekôlôh, IV Reg., xx, 13 ; Is., xxxix, 2 ; Septante : 6vu.c’a[/.ix ; Vulgate : aromata.

Balanite, ou Faux-Baumier de Galaad ; hébreu : sôrî, Gen., xxxvii, 25 ; xun, 11, etc. ; Septante : p-QTtvi, ; Vulgate : résina.

Balsamier ; hébreu : bâsâm, besâm, III Reg., x, 2, 10 ; Cant., v, 1, etc. ; ces mots désignent tantôt le baume, tantôt l’arbre d’où il provient ; Septante : r|Sû<r[/.aTa, àpw(lita ; Vulgate : aromata.

Balsamier à myrrhe ; hébreu : mûr, Exod., xxx, 23 ; Prov., vii, 17 ; Cant., i, 12, etc. ; ce mot désigne surtout la myrrhe ; Septante : (rjrjpva ; Vulgate : myrrha. — Eccli., xxiv, 20 : (TfrJpvi ; Nouveau Testament : (7[rjpva, Matth., il, 11 ; Joa., xix, 39 ; Vulgate : myrrha.

Bananier. Quelques commentateurs ont admis, sans preuves, que le figuier dont il est question, Gen., iii, 7, est le bananier.

Boswellie, arbre d’où l’on extrait l’encens. Voir Encens.

Bubon galvanifère ; le galbanum, gomme-résine provenant de cet arbrisseau, est mentionné dans la Bible ; hébreu : hélbenàh, Exod., xxx, 34 ; Septante : -/aXêivri ; Vulgate : galbanum.

Buis ; hébreu : te’assûr, Is., xli, 19 ; lx, 13, etc., ou 'âsûr, Ezech., xxvii, 6 ; Septante : itû^oç, xéôpoc ; Vulgate : buxus.

Buissons. Voir Arbustes épineux.

Byssus. Voir Lin.

Cactus. Voir Arbustes épineux.

Cannelier. Voir Cassier ; Cinnamome.

Câprier ; la câpre, fruit de cet arbrisseau, est nommée dans la Bible ; hébreu : âbîyyônâh, Eccl., xii, 5 ; Septante : xârniap ;  ;  ; Vulgate : capparis.

Caroubier ; le caroube, fruit de cet arbre, est signalé dans le Nouveau Testament : x^pàtiov, Luc, xv, 16 ; Vulgate : siliqua.

Cassier ; la casse, espèce de cannelle, provenant de cet arbre, est mentionnée dans la Bible ; hébreu : qiddâh, Exod., xxx, 24 ; Ps. xuv, 9 ; Ezech., xxvii, 19 ; Septante ; ïpc ; , xacrt’a ; Vulgate : casia.

Cédratier ; désigné, d’après quelques auteurs, par le mot hébreu fappûah. Voir Pommier.

Cèdre ; hébreu : 'éréz, Lev., xiv, 4 ; Num., xxiv, 6 ; Septante : en plus de trente-cinq endroits, xéSpoç ; en vingt-six endroits (EuXov) xéSptvov ; en quelques endroits, xuniptcïcroî ou xumxpi’amvov ; Vulgate : cedrus ; — Nouveau Testament : xéSpoç (*/sî[i » ppoç Tùiv xéSpwv, Joa., xviii, 1, d’après le teœlus receptus).

Chalet, ou olivier de Bohême ; hébreu : 'es sémén, « arbre à huile, » III Reg., vi, 23 ; II Esdr., viii, 15 ; Is., XLI, 19 ; Septante : £iXov xunaptaffcvov, II Esdr., viii, 15 ; Vulgate : lignum olives, ligna olivarum (sauf II Esdr., où elle a traduit lignum pulcherrimum). D’après quelques auteurs, le 'es Sémén serait l’olivier sauvage.

Chêne ; désigné par cinq mots hébreux : 1. 'êl, « le fort, » Gen., xiv, 6 ; Septante : Tcpéëtv80 « ; Vulgate : campes tria ; ce mot, au pluriel, 'élim, Is., i, 29 ; lvii, 5, a été traduit par les Septante et la Vulgate : EÎSwXa, idola, d'à, parce que les idoles étaient souvent installées dans des chênaies. Gesenius, Thésaurus linguee hébreux, p. 47 ; — 2. 'êlôn, Gen., xiii, 18 ; xiv, 13 ; xviii, 1, etc. ; Septante : 8p0ç ; Vulgate : convallis ; — 3. 'allôn, Gen., xxxv, 8 ; Ezech., xxvii, 6 ; Septante : gàXavo ; , (î<ttoç) èXdtTivo ;  ; Vulgate : quercus ; — 4. 'allàh, Jos., xxiv, 26 ; Septante. repéëiv90c ; Vulgate : quercus ; 5. 'ilàn (mot chaldaïque), Dan., iv, 7, 8, 11, 18, 20 ; Septante : SévSpov ; Vulgate : arbor (ne pas confondre avec 'êlâh, ordinairement térébinthe).

Cinnamome, ou cannelier de Ceylan ; hébreu : qinnâmôn, Exod., xxx, 23 ; Prov., vii, 17 ; Cant., iv, 14 ; Septante : xiw » (i.wp.6v ; Vulgate : cinnamomum ; — Nouveau

Testament : y.tvâjj.6)jiov ou xivvdt[i.(ofiov, Apoc, xviii, 13 ; Vulgate : cinnamonvum.

Citronnier, désigné, d’après quelques auteurs, par le mot hébreu appûàh. Voir Pommier. D’après la tradition judaïque, le citronnier serait désigné par les mots 'es hâdâr, Lev., xxiii, 40 ; Septante : Ç-JXov wpaïov, « beau bois ; » Vulgate : arbor pulclierrima. Gesenius, Thésaurus linguse hebræse, p. 307.

Cognassier, désigné, d’après quelques auteurs, par le mot hébreu pappûâh. Voir Pommier.

Cotonnier ; hébreu : karpas, Esther, i, 6 ; Septante : xotpnoesîva ; Vulgate : (coloris) carbasini.

Cyprès, désigné en hébreu par deux mots : 1. berôs, II Reg., vi, 5 ; III Reg., v, 8 ; II Par., ii, 8, etc. ; les Septante ont traduit très diversement : xurcâpiairo ; (le plus souvent), iseOxï) ou ( ! j-JXov) ttïvixivov, xÉSpo ; ou (ÇùXov) xéSpivov, à'pxeu60c ou (£ûXov) àpxeùBivov, èXercr), Ç'jXov Aiëdcvou, hîtuç ; Vulgate : presque toujours, abies ou ( ligna) abiegna ; quelquefois (ligna) arceuthina, fabrefacta ; — 2. probablement gôfér, Gen., VI, 14, quoique les Septante et la Vulgate aient traduit : (ijùXa) Texpâyaiva, (ligna) Isevigata. — Eccli., xxiv, 17 ; L, 11 : y.unàps<j<jo ;  ; Vulgate : cypressus.

Ëbène ; hébreu : hobni, Ezech., xxvii, 15 ; Septante : eêsvoç ; Vulgate : (dentés) hebenini.

Encens (Arbre à) ou boswellie ; hébreu : lebônâh, Lev., Il, 1 ; v, 11 ; Cant., IV, 6, 14, etc. ; Septante : Xi'ëavoç, une fois Xiëava>T<iv, « encens ; » Vulgate : thus. — Nouveau Testament : Xîëavo ; , Matth., ii, 11 ; Apoc, xviii, 13 ; Vulgate : thus.

Épines. Voir Arbustes épineux.

Épine du Christ, espèce de jujubier, à épines dures, longues et acérées : Nouveau Testament : axav6a, Matth., xxvii, 29 ; Joa., xix, 2 ; Vulgate : spinse.

Figuier ; hébreu : te'ênâh (désigne tantôt le figuier, tantôt la figue), Gen., iii, 7 ; Num., xiii, 23 (Vulgate, 24), etc. ; Septante : tantôt <juxyi, « le figuier, » tantôt cOxov, « la figue, » une fois <rux<ov, « lieu planté de figuiers ; » Vulgate : ficus, ficulnea. — Nouveau Testament : <juxï„ Matth., xxi, 19, 21 ; xxiv, 32 ; Marc, xi, 13, etc. ; <j-jxov, Matth., vii, 16, etc. ; Vulgate : ficus, ficulnea.

Figuier de Barbarie. Quelques commentateurs l’ont rangé à tort parmi les arbustes épineux de la Bible. Voir Arbustes épineux.

Galbanum. Voir Bubon galvanifère.

Genêt ; hébreu : rôtém, III Reg., xix, 4-5 ; Job, xxx, 4 ; Ps. exix, 4 ; Septante : pa6|iév, çut6v, ijûXov, av6pa|i toi ; èpr, (iixoïç (en hébreu : « charbons ardents du genêt » ) ; Vulgate : juniperus, (cum carbonibus) desolatoriis (Ps. exix, 4).

Genévrier ; hébreu, au moins probablement : 'ar'àr, Jer., xvii, 6 ; xlviii, 6. Les Septante ont traduit différemment : à-|-pio(iup ! y.r|, ainsi que la Vulgate : myrica. Saint Jérôme a traduit par genévrier le mot hébreu rôpém, III Reg. xix, 4-5 ; Job, xxx, 4. Voir Genêt.

Gomme (Arbre à). Voir Balsamier, Balsamier à myrrhe, Lentisque.

Grenadier ; hébreu : rimniôn (désigne tantôt le grenadier, tantôt la grenade), Num., xiii, 23 (Vulgate, 24) ; xx, 5, etc. ; Septante : poâ ; Vulgate : malogranatum ou malum punicum.

Henné ; Lawsonia inermis ou alba, hébreu, très probablement : kôfer, Cant., i, 13 ; iv, 13 ; Septante : x-jnpoc ; Vulgate : cyprus.

Houx ; désigné, d’après quelques auteurs, par le mot grec Tipïvo ; , Daniel, xiii, 58 ; Vulgate : prinus. Ce mot désigne plutôt l’yeuse. Voir Yeuse.

Jujubier Épine du Christ. Voir Epine du Christ.

Jujubier lotus (ne pas confondre avec le lotus, plante herbacée) ; hébreu : sé'ëlim, Job., xl, 21, 22, d’après l’opinion aujourd’hui commune. Les Septante traduisent, d’une mfiuière générale, 7 : av-o85 : î ; i SévSpa, Sévopa (lefàXa, et la Vulgate : umbrx, « arbres ombreux, » Job, XL,

16, 17. — D’après Tristram, le jujubier lotus serait encore ' signifié par le mot hébreu na'â?û$. Voir Arbustes épineux.

Laurelle ou laurier-rose, désignée, d’après quelques auteurs, par le mot grec p<560v, Eccli., xxiv, 18 ; xxxix, 17 ; L, 8 ; cette identification est très douteuse. Voir Rosier.

Laurier ; hébreu : 'êzrâh, Ps. xxxvi (hébreu, xxxvii), 35, au moins d’après l’opinion commune, malgré l’autorité des Septante et de la Vulgate, qui ont traduit : xsSpo ; toC Aiêdtvoy, cedrus Libani.

Laurierrose. Voir Laurelle.

Lentisque ; ne se trouve que dans l’histoire de Susanne, Daniel, xiii, 54 : ir/ïvoç ; Vulgate : schinus.

Lierre ; II Mach., vi, 7 : xio-o-ô ;  ; Vulgate : hedera.

Lotus. Voir Jujubier lotus.

Lyciet ; hébreu : 'àtàd, Jud., ix, 14 ; Ps. lvii, 10, d’après une opinion probable. Les Septante traduisent : pâjivoç, et la Vulgate : rhaninus.

Mimosa du Nil, espèce de petit acacia, désigné peutêtre par le mot hébreu senéh, Exod., m., 2, 3, 4 ; Deut., xxxm, 16 ; Septante : (JiToç ; Vulgate : rubus.

Morelle ; hébreu, probablement : hêdéq ou hédéq, Prov., xv, 19 ; Mich., vii, 4 ; les Septante ont traduit : à'xav6a et (7Y- ; , « la teigne, » et la Vulgate : spinse, paliurus. Voir Paliure.

Mûrier ; hébreu, probablement : bekd'îm ; mais les Septante et la Vulgate traduisent par « poirier ». Voir Poirier, — I Mach., vi, 34 : (j.ôpov ou p.<jpov, « mûre, fruit du mûrier ; » Nouveau Testament : <juxâ[i.tvo< ; , Luc, xvii, 6 ; Vulgate : morus.

Myrrhe. Voir Balsamier à myrrhe.

Myrte ; hébreu : hâdds, II Esdr., viii, 15 ; Is., xli, 9 ; Zacharie, i, 8, 10, 11 ; Septante : (j.upuivri (toutefois, dans les trois passages de Zacharie, les Septante, ayant probablement sous les yeux une autre leçon, ont traduit : opoç, « montagne » ) ; Vulgate : myrtus, myrtela.

Nerprun : Baruch, vi, 70 : pàp.voç ; Vulgate : spina alba. D’après quelques auteurs, il serait désigné, en hébreu, par le mot sàmir. Voir Paliure.

Noyer ; hébreu : 'ëgôz, Cant., vi, 11 (Vulgate, 10) ; Septante : xap-ia ; Vulgate : nux.

Olivier ; hébreu : zayit (désignant à la fois l’olivier et l’olive), Exod., xxvii, 20 ; Num., xxviii, 5 ; Deut, viii, 8, etc. ; Septante : ÈXata, èXguwv, « bois d’oliviers ; » Vulgate : olea, oliva, olivetum. — Eccli., xxiv, 19 ; l, 11, etc. : klaia. — Nouveau Testament : èXaca, Marc, xiv, 26 ; Rom., xi, 17, 24 ; Apoc, xi, 4 ; xaXXiéXaio ; (opposé à à-fpiéXaioç), Rom., xi, 24 ; Vulgate : oliva, bona oliva.

Olivier sauvage, désigné, d’après quelques auteurs, par le mot hébreu 'es sêmén, « arbre à huile ; » voir Chalef. — Nouveau Testament : âypiéXaioî, Rom., xi,

17, 24 ; Vulgate : oleaster. Olivier de Bohême. Voir Chalef.

Oranger, désigné, d’après quelques auteurs, par le mot hébreu tappûâh. Voir Pommier,

Orme ; hébreu : tidhâr, Is., xli, 19 ; lx, 13 ; cette identification est contestée ; les Septante ont traduit : îite).éa, « orme, » et tieuxti, « pin ; » de même la Vulgate : ulmus et pinus.

Osier, désigné, d’après quelques auteurs, par le mot hébreu 'ârâbim. Ce mot désigne surtout le saule (voir Saule) ; mais il est possible que le même mot signifie à la fois le saule et l’osier, comme ayant beaucoup de traits de ressemblance.

Paliure à aiguillon, désigné, d’après la Vulgate, par le mot hêdéq ; voir Morelle ; d’après une meilleure opinion, il est désigné par le mot hébreu sàmir, Is., v, 6 ; vii, 23, 24, 25, etc. ; Septante : -/épao ; , « désert ; » Septante : spinse.

Palmier ; désigné par trois mots hébreux : 1. tàmâr, Exod., xv, 27 ; Num., xxxiii, 9 ; Lev., xxiii, 40, etc. ; Septante : çomÇ ; Vulgate : palma ; — 2. pâmer, qui ne

diffère du précédent que par les voyelles, Jud., iv, 5 ; Septante : çoîviS ; Vulgate : palma ; — 3. kippdh, Is., ix, 13 (Vulgate, 14) ; xix, 15, employé par métaphore : kippâh ve’agmôn, « le palmier et le jonc ; » Septante : (iîY av **’( « xpôv ; àp-/T)v xoù tû.oc, Vulgate : caput et cauda. — Le mot fimmôrâh, I (III) Reg., vi, 29, etc., signifie le palmier peint ou sculpté. — Eccli., xxiv, 18 ; L, 14 : mohil ; Vulgate : palma. — Nouveau Testament : <po : vi£, Joa., xii, 13 ; Apoc., vii, 9 ; Vulgate : palma.

Peuplier ; hébreu : libnéh, Gen., xxx, 37 ; Ose., iv, 13 ; Septante, quëSoç) o-rjpaxcvri, « baguette de styrax, » XsuxtJ ; Vulgate : (virgas) populeas, populus. D’après quelques auteurs, appuyés sur la traduction des Septante, Gen., xxx, 37, le mot libnéh désignerait le styrax. Voir Styrax.

Pin ; hébreu : ’ôrén, Is., xliv, 14 ; Septante : m’-nj ;  ; Vulgate : pinus. D’après quelques auteurs, le pin serait aussi désigné par le mot hébreu berôè ; ce mot désigne plutôt le cyprès. Voir Cyprès.

Pistachier ; la pistache, fruit de cet arbre, est désignée en hébreu : botnîm, Gen., xliii, 11 ; les Septante ont traduit : TEps61v60 ; , et la Vulgate : (modicum) terebinthi.

Platane ; hébreu : ’armôn, Gen., xxx, 37 ; Ezech., xxxi, 8 ; Septante : nXiravo ; (au premier endroit), èXiTT), « sapin, » (au second) ; Vulgate : plalanus. — Eccli., xxiv, 19 : TcXiiavo ;  ; Vulgate : platanus.

Poirier ; hébreu : bekâ’îm, II Reg., v, 23, 24 ; I Par., xiv, 14, 15 ; Septante : amov (sauf II Reg., où ils ont traduit y.Xsc-j6|xwv, « lieu des pleurs, » qui est le sens du mot au singulier, bâkâ’) ; Vulgate : pyrus. D’après l’opinion plus commune aujourd’hui, le mot bekâ’îm désignerait le mûrier. Voir Mûrier.

Pommier ; hébreu : (appûâh, Prov., xxv, 11 ; Cant., ii, 3, 5 ; vii, 8 ; Joël, i, 12 ; Septante : |xï, Xov ; Vulgate : malus, malum. Cette identification est fort douteuse : cinq autres arbres sont proposés comme représentants du tappûâfy, l’abricotier, le cognassier, le cédratier, le citronnier et l’oranger.

Pourpier de mer ou arroche halime, désigné probablement en hébreu par le mot mallùah, Job, xxx, 4 ; Septante : a), t[ia ; Vulgate : herbas et cortices.

Ronce, désignée probablement par l’hébreu barqânirn, Jud., toi, 7, 16 ; Septante : TpiooXoç ; Vulgate : tribuli ; elle peut être désignée aussi par un de ces mots génériques qui signifient « arbuste épineux ». Voir Arbustes épineux. — Nouveau Testament : fiscTo ; , Marc, xii, 26 ; Luc, vi, 44 ; xx, 37 ; Act., vii, 30, 35 ; Vulgate : rubus. Le « buisson ardent » de Moïse, Exod., iii, 2, 3, 4, était, d’après plusieurs, un buisson de mimosa. Voir Mimosa.

Roseau à quenouille, espèce de roseau à tige demiligneuse ; voir le mot Roseau dans la liste des Herbacés (végétaux).

Rosier : pôàov, Sap., ii, 8 ; Eccli., xxiv, 18 ; xxxix, 17 ; L, 8 ; Vulgate : rosa.

Santal ; hébreu : ’almugîm ou’algûmim, III Reg., x, 11, 12 ; II Par., ii, 7 (8) ; ix, 10, 11 ; Septante : itsXexitj-ci, « arbres coupés avec la hache, » III Reg., et ( ÇûXa) iteOxiva, « bois de pin, » II Par. ; Vulgate : Ihyina. L’interprétation des Septante est abandonnée ; le pin est désigné par un autre mot hébreu ; voir Pin ; l’interprétation de la Vulgate est aussi communément rejetée.

Sapin ; les Septante ont traduit une fois, Is., xli, 19, par ÈXârn, <( sapin, » le mot berôs ; la Vulgate a traduit presque toujours le même mot berôS par abies, « sapin ; » le sapin est peut-être désigné en hébreu par les mêmes mots que le cyprès et le pin, avec lesquels il a tant d’analogie. Voir Cyprès, Pin.

Saule ; hébreu : ’âtâbim, Lev., xxiii, 40 ; Ps. cxxxvi, 2 ; Is., xliv, 4 ; Septante : ïtsi ; Vulgate : salix. D’après plusieurs auteurs, le saule est encore désigné par le mot safsàfâh, Ezech., xvii, 5 ; mais les Septante traduisent : éiîio), sit(iu.=vov, et la Vulgate : in superficie.

Styrax ; hébreu, très probablement, nâlâf, Ex., xxx, 34 ;

Septante : oraxTr, ; Vulgate : stade. — Eccli., xxiv, 21 : araxir, ; Vulgate : storax ou gulta. D’après quelques auteurs, le styrax serait désigné par le mot hébreu ; , libnéh ; ce mot signifie plutôt le peuplier. Voir Peuplier.

Sycomore ; hébreu : siqmâh, ne se trouve qu’au pluriel dans l’Ancien Testament, siqmbn, III Reg., x, 27 ; I Par., xxvii, 28 ; Amos, vii, 14, etc. ; une fois Siqmôf, Ps. lxxvii, 47 ; Septante : <rjxâ|xivo ; (mot qui signifie aussi « mûrier » ) ; Vulgate : sycomorus, ficela, morus. — Nouveau Testament : trj-/.aLoç, ii, Luc, xix, 4 ; Vulgate : sycomorus.

Tamaris ; ’êsél, Gen., xxi, 33 ; I Reg., xxii, 6 ; xxxi, 13, malgré la traduction des Septante : â’po-jpa, <t champ labouré, » et de la Vulgate : nemus.

Térébinthe ; hébreu : ’êlâh, Gen., xxxv, 4 ; Jud., vi, 11 ; I Reg., xvii, 2, etc. Les Septante ont traduit ce mot, cinq fois par Tepéëiv&oç ; deux fois par gàÀscvo : , « gland ; » onze fois par 5pû ; , « chêne ; » une fois par vtyo ; , « hauteur. » La Vulgate a suivi à peu près constamment les Septante. D’après les Septante et la Vulgate, le térébinthe serait aussi désigné par l’hébreu botnîm, qu’ils traduisent par reps’6tv90 ; et terebinthus ; ce mot désigne plutôt les pistaches. Voir Pistachier. — Eccli., xxiv, 22 : T£p » |xiv80 ;  ; Vulgate : terebinthus.

Thuya ; serait désigné par l’hébreu’algûmim, III Reg., x, 11, 12, d’après la Vulgate, qui traduit ce mot par (ligna) thyina ; cette identification est aujourd’hui abandonnée. Voir Santal. — Nouveau Testament : (5-JXov) 6-iïvov, Apoc, xviu, 12 ; Vulgate : (lignum) thyinum.

Tremble, désigné probablement, en hébreu, par le même mot que le peuplier, avec lequel il a beaucoup de ressemblance. Voir Peuplier.

Vigne ; hébreu : hérém, Gen., ix, 20 ; géfén, xl, 9, 10, etc. ; quelquefois, quand il faut une grande précision, comme dans les lois, géfén hayyayin, « vigne de viii, » Num., vi, 4, etc. ; Septante : cinquante-deux fois, à’pmeXoç ; une fois, à|X7teXwv, « vignoble ; » une fois, ô|x<pct£, « verjus ; » Vulgate : vitis, vinea. — Une espèce de vigne plus estimée est désignée par le mot sôrêq, èàrêqâh, Gen., xlix, 11 (où sont mentionnées et distinguées les deux espèces, le géfén et le sôrêq), Is., v, 2 ; Jer., ii, 21 ; Septante : ÊXiij, « pampre, » a|A7CE).o ; So>pr, x, apizzloç xapno ?ôpo ; . ; Vulgate : vitis, vinea electa. — Eccli., xxiv, 23 : a(j.71sXo ? ; Vulgate : vitis. — Nouveau Testament : 5(j.71e), oç, Matth., xxvi, 29 ; Marc, xiv, 25, etc. ; Vulgate : vitis, vinea.

Vigne de Sodome, désigne très probablement l’arbrisseau appelé : calotropis gigantea ; hébreu : géfén Sedôm, Deut, xxxii, 32 (d’après quelques-uns aussi Jer., ii, 21 : géfén nokriyàh, « vigne étrangère » ) ; Septante : 3li.tzù.’i ; SoSùjacov ; Vulgate : vinea Sodomorum.

Yeuse, espèce de chêne vert : hébreu, très probablement : tirzâh, Is., xliv, 14 ; Septante : àYpioëaXavo ;  ; Vulgate : ilex. — Daniel, xiii, 58 : itpïvoç ; Vulgate : prinus.

Zizyphus Spina Christi. Voir Épine du Christ.

Bibliographie. — Levinus Lemnius, De Planlis sacris, in- 12, Lyon, 1588 ; Ludovicus Rumetius, Scripturss Sacrse Viridarium, in-12 de 900 pages, Paris, 1628 ; J. H. Ursinus, Arboretum Biblicum, in-12, Nuremberg, 1CC3 ; Matthseus Hillerus, Hierophyticon, in-4o, Utrecht, 1725 ; Celsius, Hierobotanicon, 2 in-12, Amsterdam, 1748 ; Forskal, Flora segyptiacoarabica, in-4o, Copenhague, 1775 ; Calcott, Script. Herbal, in-8°, Londres, 1842, Osborne, Plants of the Holy Land, in-4o, Philadelphie, 1860 ; R. P. Cultrera, Flora Biblica, ovvero Spiegazione délie Piante mentovate nella sacra Scrittura, in-8°, Palerme, 1861 ; F. Hamilton, La botanique de la Bible, étude scientifique, historique, littéraire et exégétique des plantes mentionnées dans la Sainte Écriture, in-8o, Nice, 1871 ; G. Smith, Bible plants, their history, etc., in-8°, Londres, 1878 ; P. Bourdais, Flore de la Bible, in-8o, Paris, 1879 ; C. J. von Klinggràff, Palàstina und seine Végétation, dans Y Œslerreichische botanische Zeitschrift, 30° année, Vienne, 1880 ; I. Loew, Aramàische Pfîanzennamen, in-8o, Leipzig, 1881. S. Maxy.

2. ARBRES DE LA VIE ET DE LA SCIENCE DU BIEN ET DU MAL, mentionnés spécialement, Gen., ii, 9, au nombre des ai’bres de toute espèce qui ornaient le paradis terrestre. Les rationalistes les considèrent comme des mythes d’importation étrangère. Littré, Du mythe de l’arbre dévie, Philosophie positive, t. v, novembre 1869, p. 340-344, pense que l’auteur de la Genèse les a empruntés aux livres mazdéens de l’Iran. M. Renan les fait dériver des traditions babyloniennes, conservées oralement pendant des siècles dans la mémoire des Hébreux. Histoire du peuple d’Israël, Paris, 1887, t. i, c. v, p. 70-79. Le souvenir s’en était transmis avec une assez forte variante. « Selon une version, l’arbre central du paradis était l’arbre de vie ; selon une autre, c'était l’arbre de la distinction du bien et du mal. Le rédacteur jéboviste prend le parti de les mettre tous deux au milieu ; dans la suite du récit, les deux arbres se distinguent et se confondent tour à tour. » Ibid., t. ii, 1889, p. 344.

La parenté entre les traditions iranienne et babylonienne et le récit de la Genèse est indéniable ; car non seulement les monuments assyro-babyloniens et les livres mazdéens représentent ou connaissent un arbre sacré qui donne la vie (voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., 1889, 1. 1, p. 224-232 ; Les Livres saints et la critique rationaliste, t. iii, 1887, p. 412-416 ; F. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., 1881, 1. 1, p. 33-35 ; Les origines de l’histoire, 2e édit., 1880, t. i, p. 74-98) ; mais toutes les autres traditions paradisiaques le mentionnent. Les Védas des Hindous parlent d’un arbre d’où découle la sève de vie, le soma, et dont le bois sert à orner le ciel et la terre. Dans le paradis terrestre des Chinois, il croît des arbres enchanteurs ; ce jardin fleuri a produit la vie. Il est le chemin du ciel, et la conservation de la vie dépendait du fruit d’un arbre. Un ancien commentaire appelle cet arbre l’arbre de vie. H. Luken, Les traditions de l’humanité, trad. franc., t. i, p. 101. Ce souvenir, conservé chez tous les peuples, est donc des plus antiques, si même il n’est originel et primitif. Or, si les Hébreux l’avaient emprunté à des étrangers, ce ne serait pas à la population de l’Iran, mais plutôt à celle de la Ghaldée. Abraham avait pu l’apprendre dans sa patrie, où il formait une des croyances les plus vivaces et les plus populaires. Cette tradition patriarcale que Dieu voulait nous faire transmettre par Moïse resta pure dans la mémoire des enfants de Jacob. Or le récit biblique distingue toujours les deux arbres autant par leurs caractères que par leurs effets. Leurs noms sont différents. Seul le fruit de l’arbre de la science est interdit à nos premiers parents sous peine de mort. C’est lui que le serpent montre à Eve, en la rassurant contre la crainte de la mort ; et quand Adam, après en avoir mangé, connaît le bien et le mal, Dieu le chasse du paradis et l'éloigné du fruit de l’arbre de la vie, dont l’efficacité arrêterait les suites de la vengeance divine.

Ces deux arbres, réels et non mythiques, étaient une production du sol, comme tous ceux qui ornaient le paradis terrestre. Gen., ii, 9. Leurs noms provenaient do leur destination providentielle et de leurs effets. Théodoret, Qusestiones in Genesim, int. xxvi-xxvii, t. lxxx, col. 123-126.

1° Varbre de la vie devait conférer à l’homme l’immortalité. S. Augustin, De Civitate Dei, xiii, 20, et xiv, 26, t. xli, col. 394 et 434 ; Opus imperfectum contra Julianum, vi, 30, t. xlv, col. 1580-1581. Suivant saint Thomas, l a, q. 97, a. 4, il ne la produisait pas absolument et simplement, soit en donnant à l'âme la force de conserver le corps vivant, soit en rendant le corps humain incorruptible. Sa vertu était limitée ; il eut exempté pour un temps le corps de l’homme de la corruption ; ce temps écoulé, l’homme eût passé sans mourir à la vio spirituelle et céleste, ou, si sa vie terrestre devait encore se prolonger, il eût mangé de nouveau du fruit de vie. Quelques commentateurs ont supputé la durée des effets d’une seule -aanducation de ce fruit ; les résultats de leurs calculs

arbitraires varient de deux mille à dix mille ans, mais l’on ne sait rien à ce sujet. La vertu de l’arbre de vie était-elle naturelle à ses fruits, ou extraordinairement attachée par Dieu à leur manducation ? Assurément il était au pouvoir du Créateur de leur donner une puissance miraculeuse ; mais le texte sacré n’insinue pas que Dieu l’ait fait, et les théologiens catholiques pensent généralement que la vertu de l’arbre de la vie était naturelle. Voir Bossuet, Elévations sur les mystères, Ve semaine, iv c élévation, dans ses Œuvres, édit. de Versailles, t. viii, p. 129.

Après le péché de nos premiers parents, l’arbre de la vie ne périt pas. Dieu chassa du paradis les coupables et fit garder l’entrée du jardin, pour qu’Adam ne put manger du fruit de vie. Gen., iii, 22 et 24. En eùt-il mangé, Adam n’eût pas reconquis le don de l’immortalité, mais seulement prolongé sa vie mortelle. S. Thomas, 2° 2*, q. 164, a. 2 ad 6° m. '

Nous n’avons pas à nous arrêter aux fables talmudiques sur les arbres du Paradis terrestre. Certains rabbins ont donné à l’arbre de la vie une longueur démesurée, telle qu’il eût fallu cinq cents ans pour le parcourir, et qu’il représentait la soixantième partie de l’Eden. R. Juda prétendait même que le tronc seul avait cette longueur, et que tous les cours d’eau de la création partaient de ses pieds. Talmud de Jérusalem, traité Berakhoth, i, 1 ; trad. franc., Paris, 1871, p. 7. Ce sont là des rêveries où l'Écriture n’est pour rien.

Indépendamment de sa réalité historique, l’arbre de la vie a reçu de l'Écriture elle-même et des Pères de l'Église une signification symbolique. Dans le livre des Proverbes, l’expression « arbre de vie » est devenue synonyme de cause de biens. La sagesse est un arbre de vie pour ceux qui l’embrassent ; elle rend heureux ceux qui s’attachent à elle, et leur confère l’immortalité. Prov., iii, 18. Les actions du juste, qui servent d’exemple et portent au bien, Prov., xi, 30, la réalisation d’un désir qui rend la vie, Prov., xiii, 12, et la langue pacifique qui apaise et guérit, Prov., xv, 4, sont des arbres de vie. Dans le paradis céleste, il y a un arbre de vie, dont les fruits sont donnés par l’Esprit au victorieux. Apoc, ii, 7. Planté sur les deux rives du ileuve qui jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau, il porte douze fruits pour chaque mois de l’année, et ses feuilles guérissent les saints, les dispensent de toute misère corporelle, et leur accordent une éternelle jeunesse. Apoc, xxil, 1, 2 et 14. Les Pères ont développé cette explication anagogique ; souvent aussi ils ont comparé à l’arbre de la vie l’arbre de la croix, qui nous a rendu la vie perdue par la faute d’Adam. Jésus-Christ, qui pend à la croix, est le vrai fruit de vie, et les chrétiens le mangent dans l’Eucharistie, où il est pour eux un gage d’immortalité. Voir Bossuet, loc. cit., p. 130.

2° L’arbre de la science du bien et du mal fut ainsi appelé plutôt en raison du précepte dont il fut l’objet qu’en raison de ses propriétés essentielles. Pour éprouver la fidélité d’Adam et d’Eve, Dieu leur avait défendu sous peine de mort de manger des fruits de cet arbre. Gen., il, 17, et iii, 3. Les motifs de cette défense, qui paraît à quelques-uns enfantine, ont été nettement exposés par Bossuet : Discours sur l’histoire universelle, 2e partie, ch. I er. Dieu, dit-il, « donne un précepte à l’homme pour lui faire sentir qu’il a un maître ; un précepte attaché à une chose sensible, parce que l’homme était fait avec des sens ; un précepte aisé, parce qu’il voulait lui rendre la vie commode, tant qu’elle serait innocente. » Cf. S. Jean Chrysostome, Hom, xii in Gen., 6, t. lui, col. 133. Les fruits de cet arbre, qui étaient beaux d’aspect et paraissaient savoureux, Gen., iii, 6, n’avaient pas une vertu nuisible et pernicieuse. Ils ne devaient pas produire par eux-mêmes la connaissance du bien et du mal et la mort du corps et de l'âme ; seule la transgression du précepte divin causa ces déplorables effets. L’un d’eux a valu son nom à l’arbre, instrument de la désobéissance et du péché. Quant à la science du bien et du mal qu’acquirent 897

ARBRES DE LA VIE ET DE LA SCIENCE — ARC

Adam et Eve en mangeant du fruit défendu, ce n’est pas, comme le prétendent les Juifs et Rosenmùller, le premier discernement du bien et du mal, qui suit l’usage de la raison. Nos premiers parents furent créés avec l’intelligence du bien et du mal, Eccli., xvii, 5 et 6, que suppose d’ailleurs la prohibition divine. Le fruit défendu n’est pas non plus, comme l’ont pensé quelques rabbins (voir Eisenmenger, Entdecktes Judenthum, t. i, p. 371 etsuiv. ; Cornélius Agrippa, De oriqinali peccato, et M. Schœbel, Le mythe de la femme et du serpent, Paris, 1876), le symbole de l’acte naturel par lequel la race humaine se perpétue. Dieu, qui a créé l’homme mâle et femelle et lui a donné l’ordre de se multiplier, Gen., i, 27 et 28, n’a pas interdit ce qu’il avait commandé et ce qu’exige la propagation de l’humanité. Adam et Eve n’ont donc pas connu le bien et le mal en usant du mariage. S. Augustin, De Genesi ad litteram, 1. xi, c. xli, t. xxxiv, col. 452. Si immédiatement après leur désobéissance ils remarquèrent leur nudité, Gen., iii, 7 et 11, c’est que les effets désordonnés de la concupiscence étaient une suite de leur péché. Comme le serpent le leur avait astucieusement annoncé, Gen., iii, 5, leurs yeux s’ouvrirent, et ils eurent dès lors la connaissance expérimentale du mal. S. Augustin, De peccatorum meritis et remissione, ii, 21, t. xliv, col. 172 ; De Genesi ad litteram, 1. viii, c. vi, 12, t. xxxiv, col. 377 ; De Civitate Dei, xiii, 13, t. xli, col. 386 ; De nuptiis et concupiscentia, i, 6, t. xliv, col. 417-418 ; S. Jean Chrysostome, Hom. xii in Genesim, 5-6, t. lui, col. 131-133 ; S. Hilaire, In Genesim, viii, dans le Spicilegium Solesmense, t. i, p. 162.

On ignore de quelle essence était l’arbre de la science du bien et du mal. R. Méir a pensé à la vigne, par cette raison que le vin est ce que les hommes aiment le plus ; R. Néhémie au figuier, l’arbre qui a provoqué la faute ayant servi à en réparer les effets, Gen., iii, 7 ; R. Juda au froment, car l’enfant ne sait pas dire « père, mère », avant d’en avoir goûté. Talmud de Babylone, traité Berakhoth, vi, 2, trad. franc., Paris, 1871, p. 391. Théodoret et Procope de Gaza, pour la même raison que R. Néhémie, ont nommé le figuier ; beaucoup, à cause d’une interprétation inexacte de Cant., viii, 5, ont pensé au pommier. La question n’est guère plus avancée qu’au premier jour de la discussion. L’inspection des monuments anciens où cet arbre est représenté, fournit peu de lumière sur le sens des tradilions des premiers siècles chrétiens. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit, p. 20-21.

Cet arbre a été regardé comme la figure de l’arbre de la croix, par qui est venue aux hommes la science complète du bien et du mal. La croix nous a fait connaître le suprême degré de la vertu dont l’humanité est devenue capable en la personne de Jésus-Christ, et l'énormité du péché qu’un Dieu seul a pu expier. Le bois vivant du paradis nous a donné la mort, afin que le bois mort du Calvaire nous donnât la vie. Aussi l'Église chantet-elle qu’au jour de la chute, Dieu « marqua le bois pour qu’il réparât le mal causé par le bois ». Ipse lignum tune notavit, damna ligni ut solverel. Hymne de la Passion.

Voir Pereira, Comment, in Genesim, Mayence, 1612, 1. ni ; Malvenda, De paradiso voluptatis, Rome, 1605, c. lxvii-lxxiv, p. 209-241 ; Chérubin de SaintJoseph, Summa critiese sacrée, t. iii, Bordeaux, 1710, disp. i et ii, p. 1-96 ; Kirchenlexicon, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, t. ii, p. 60-62 ; Agnellus Merz, De arbore scientiee boni et mali secundum Scripturas et Ecclesiee ac S. Augustini doctrinam, i"(x> ; *Ziegra, Dissertatio de arbore scientite boni et mali, Wittenberg, 1679 ; * Chemnitius, Disputatio de arbore scientise boni et mali, léna, 1683.

E. Maxgexot.

ARC, en hébreu : qé'séf [qas-t, de la racine qas, « être

recourbé » ). Cet instrument destiné à lancer des flèches

était, chez les anciens, la principale arme de jet. Dés

l'époque des patriarches, on s’en sert à la chasse, Gen.,


xxvii, 3 ; cf. xxi, 16, 20, et à la guerre. Gen., xlviii, 22. Aux époques postérieures, il en est encore question pour la chasse, Is., vii, 24 ; mais c’est le plus souvent comme arme de guerre que les écrivains sacrés ont eu occasion de la mentionner, à côté des autres armes offensives et

S15. — Roi d’Assyrie chassant le iion avec l’arc. Victor Place, Ninive et l’Assyrie, pi. 55.

défensives : de la fronde, II Par., xxvi, 14 ; du simple bouclier, II Par., xiv, 8 ; xvii, 17 ; Is., xxii, 3 (hébreu) ; surtout de l'épée, Gen., xlviii, 22 ; I Reg., xviii, 4 ; Os., i, 7 ; ls., xxi, 15, etc. La tribu de Benjamin comptait des archers célèbres, I Par., viii, 40 ; II Par., xiv, 8 ; certains même

216.

Roi d’Assyrie tenant une coupe de libation dans la main droite et son arc dans la main gauche. Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pi. 12.

étaient ambidextres, I Par., xii, 2, c’est-à-dire aussi habiles à tirer l’arc ou lancer la fronde de la main gauche que de la main droite. Il y avait aussi des archers dans les tribus transjordaniques, I Par., v, 18, et dans celle d'Éphraïm. Ps. lxxvii, 9. Les jeunes gens s’exerçaient au tir de l’arc sur une cible (mattârâh), comme le montrent le récit de I Reg., xx, 20-38, et les allusions de La I. — SI

ment., iii, 12 ; Job, xvi, 43. L’arc n'était pas seulement l’arme du soldat, mais encore celle des chefs, des princes et du roi, comme nous le voyons dans les histoires de Jonathan, fils de Saùl, I Reg., xviii, 4 ; II Reg., i, 22, de Jéhu, IV Reg., ix, 24, et de Joas d’Israël, IV Reg., xiii, 16. Le roi d’Assyrie est aussi armé de l’arc à la chasse (fig. 215) et à la guerre ; c’est son arme distinctive, il la

217. — Rot chaidôen tenant l’arc de la main gauche et deux flèches de la main droite. Musée britannique.

tient ou on la porte derrière lui quand il reçoit les hommages des vassaux (fig. 37, col. 235) ou quand il offre des sacrifices (fig. 216). On la trouve de même entre les mains d’un roi chaldéen du xiie siècle (fig. 217), Marduk-ahéiddin. Chez les Égyptiens, le roi se sert de l’arc à la guerre, tantôt monté sur un char (fig. 218), et tantôt à pied (fig. 219) ; un roi éthiopien est également repré 218. — Roi égyptien sur son char, tirant de l’arc. Grand temple de Thèbes. D’après Lepsius, Denkmàler, Abth. iii, pi. 13.

sente avec l’arc (fig. 220), et les rois de Perse le tiennent aussi en main dans leurs basreliefs (fig. 221). Ces représentations nous expliquent comment l’arc est pris souvent par les écrivains hébreux comme symbole de la puissance : briser l’arc d’un peuple, c’est abattre sa puissance, Jer., xlix, 35 ; li, 56 ; Ose., i, 5 ; Zach., IX, 10 ; Ezech., xxxix, 3 ; I Reg., ii, 4 ; Ps. xlv, 10 ; i.xxv, 4 ; donner vigueur à l’arc de quelqu’un, c’est le rendre puissant. Gen., xlix, 24 ; Zach., IX, 13 ; Job, xxix, 20.

L'Écriture nous montre l’usage de Tare, non seulement chez les voisins immédiats des Hébreux : les Philistins,

I Reg., xxxi, 3 ; I Par., x, 3 ; les Syriens, III Reg., xxii, 34 ;

II Par., xviii, 33 ; les Arabes de Cédar, Is., xxi, 47 ; cf. Gen., xxi, 20, mais encore chez des peuples éloignés : les

219. — Roi égyptien combattant a pied et tirant de l’aro. D’après Rosellini, Monumenti Btorici, t. i, pi. 131.

Lydiens, Is., lxvi, 19 ; Jer., xlvi, 9 ; les Élamites, Is., xxii, 6 ; Jer., xlix, 35 ; cf. Xénophon, Anab., iii, 3, 10 ; les Mèdes. Is., xiii, 18. Dans l’armée d’invasion, qui se distingue par « ses flèches aiguës et ses arcs tendus »,

220. — Roi éthiopien tenant l’arc de la main gauche. D’après Lepsius, DenhmcUer, Abth. v, pi. 49.

Is., v, 28, nous reconnaissons aujourd’hui les Assyriens, bien qu’ils ne soient pas nommés.

Si nous voulons savoir quelle était la forme de l’arc chez les Hébreux et de quelle manière on s’en servait, nous n’avons qu'à jeter un coup d’oeil sur les monuments de l’Egypte et de l’Assyrie, où nous trouvons l’arc figuré dans des scènes de chasse (fig. 222 et 223), mais surtout

dans des représentations militaires. Nous voyons tour à tour comment on tient l’arc au repos (fig. 224), en marche, pendant l’action. Chez les Égyptiens, des troupes d’infanterie légère (fig. 225) sont armées de l’arc, comme les écuyers montés sur des chars (fig. 226). Les Assyriens tirent l’arc à pied (fig. 227), à cheval (fig. 228), sur des chars (fig. 229). Cf. Jer., iv, 29. Les archers fantassins sont parfois

  • J

221. — Rot perse tendant l’are de la main gauche. Tombeau de Persépolis. D’après Coste et Flandin, Perse, pi. 164.

en ligne, plus souvent isolés (fig. 57, col. 303) ; ils tirent debout ou agenouillés ; dans les sièges, ils sont montés sur des tours qu’on avance vers les remparts ; cf. Jer., l, 14, 29 ; ils vont ordinairement deux par deux, l’un protégeant l’autre avec un bouclier (fig. 230) ; en général ils

222. — Assyriens chassant avec l’arc. D’après Layard, Monuments of Xinevek, t. i, pi. 32.

sont légèrement vêtus, parfois ils portent une longue cotte de maille qui les rend invulnérables (fig. 57, col. 303).

L’arc était en bois, dur, mais flexible, Hérodote, vii, 65, 69, 92, et tel il nous apparaît sur les monuments ; il est aussi question, au moins dans la poésie, « d’arc d’airain. » Job, xx, 21 ; Ps. xvii (xviii), 35 ; II Reg., xxii, 35 ; cf. Pindare, Nem., iii, 2, 61. Les arcs des monuments égyptiens ou assyriens diffèrent entre eux par la longueur et par le degré de courbure ; mais ils ne présentent pas au centre la sinuosité de l’arc scythe (fig. 231), que l’on trouve

chez les Grecs, et en Italie chez les Étrusques. Cette sinuo 223. — Égyptien chassant avec l’arc. Tombeau de Béni -Hassan. D’après Lepsius, Denkmïiler, Abth., ii, pi. 132.

site, que les anciens ont comparée à celle du S, venait de

S24. — Soldats assyriens portant l’arc et faisant l’ascension d’une montagne. D’après Layard, Monuments of Nineveh, 1. 1, pi. 69.

ce qu'à l’origine ces arcs étaient faits des deux cornes

d’une antilope ou chèvre sauvage assemblées par leur base. Tel était l’arc de Pandare que décrit Homère, Iliade, iv, 105 et suiv. Les Égyptiens et les Assyriens, qui pour leurs grandes expéditions militaires perfectionnèrent le matériel de guerre, avaient compris l’avantage d’avoir des arcs dont le port ne fut pas fatigant, ni le maniement trop difficile ; aussi, sur leurs monuments, l’arc

225. — Fantassins égyptiens armés de l’arc. Thèbes. D’après Wilkinson.

paraît-il toujours avec des proportions qui en rendent l’exercice facile à la main. D’autres peuples avaient conservé une lorme d’arc plus primitive peut-être, moins commode, exigeant un grand effort pour le tendre ; tel était l’arc des Éthiopiens envoyé à Cambyse (Hérodote, vu, 69) ; l’arc d’Ulysse, que ni Télémaque ni les préten 216. — Cavalerie égyptienne armée de l’arc. Temple de Ramsès II, à Thèbes. D’après Lepsius, Denkmdier, Abth. iii, pi. 160.

dants ne purent bander. Odyssée, xxi, 177 ; xi, 375, 385. Dans les récits bibliques qui nous fournissent quelques détails, IVReg., xiii, 16-20, nous voyons que l’arc, chez les Hébreux, se tend aisément avec la main ; mais à l’origine, il devait avoir eu aussi chez eux des proportions telles, qu’on ne pouvait le bander qu’en posant le pied sur une des extrémités (fig. 232) ; de là, pour désigner l’action de

tendre l’arc, à côté des expressions : tirer, rnâSak, III Reg., xxii, 34 ; II Par., xviii, 33 ; Is., lxvi, 19 ; ou nâsaq, I Par., xii, 2 ; II Par., xvii, 17 ; déprimer, nihaf, Ps. xvil (xvin), 35 ; II Reg., xxii, 35 ; on se sert bien plus souvent de la locution « fouler l’arc (avec le pied) ». Ps. vii, 13, etc. Les auteurs profanes parlent de cet usage, Diodore de

227. — Archers assyriens combattant à pied. D’après Layard, Monuments of Mneveh, t. i, pi. 26,

Sicile, iii, 8 ; Curtius, viii, 14, 19 ; Xénophon, Anab., iv, 2, 28. Sur des monuments figurés égyptiens et aussi de l'époque gréco-romaine (fig. 233), on voit de même que quand la force du bras ne suffisait pas à plier l’arc, on l’appuyait sur le genou ou bien on le prenait entre les jambes (fig. 234).

228. — Archers assyriens combattant à cheval. D’après Layard, Monuments of Nitwveh, t. r, pi. 26.

Les auteurs anciens nous disent que les cordes de l’arc étaient faites avec des nerfs de bœuf ou de chameau, Pline, H. N., Il, 109, avec des lanières de cuir ou des crins de cheval. Ovide, Pont., i, 2, 21. En hébreu, la corde est appelée, d’une racine yâtar, « tendre, » tantôt yétér, Ps. xi, 2 : « ils ont posé leurs flèches sur la corde » (la Vulgate traduit par pharetra « carquois », qui ne peut

du reste aller avec le contexte) ; tantôt méfâr, Ps. xxi, 13 : « sur les cordes tu as posé contre leur face » (Vulgate : in reliquiis tuis prseparabis vultum eorum).

Sur les monuments, nous voyons parfois l’arc enveloppé dans une gaine, comme celui du cavalier assyrien de la figure 235 ; la partie centrale de l’arc, que tiennent les soldats égyptiens en marche (fig. 225), est revêtue d’une enveloppe. Il devait en être de même chez les Hébreux,

229. — Archers assyriens combattant snr un char. D’après Layard, t. i, pi. 15.

ce qui explique l’expression d’Habacuc, iii, 9 : « Ton arc est mis à nu » (Vulgate : suscitans suscitabis arcum tuutn, « tu lèveras ton arc ; » le traducteur, ne connaissant pas sans doute ces anciens usages, a dû lire tâ'ir au lieu de fê'ôr). Chez les Grecs aussi, l’arc était autrefois renfermé dans un étui spécial appelé ToÇoO^xr, , ytopurd ; , corytus. Servius, ad JEneïd., x, 109. On en a trouvé de magnifiques

est pris parfois pour les archers, Is., xxi, 17 ; xxii, 3 : « Ils

Archers assyriens protégés par des soldats armés d’un bouclier. D’après Layard, t. I. pi. 19.

modèles dans les tombeaux des rois barbares du Pont. L'étui consistait parfois en une double gaine renfermant l’arc à côté des flèches, comme on le voit sur plusieurs bas-reliefs (fig. 236).

L’usage de l’arc a donné lieu à certaines locutions qui méritent d'être signalées. « Le jet d’un arc » a servi à désigner une distance déterminée. Gen., xxi, -16. L’arc

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231. — Arc scytbe. D’après Gerhard, Vases peints, 1. 1, pi. 63.

sont faits prisonniers par l’arc, c’est-à-dire par les archers » (Vulgate : dureque ligati $unt, « ils ont été liés durement » ;

232. — Archers. Celui qui est à l’extrémité, à gauche, bande son arc avec le pied. Tombeau de Béni -Hassan. D’après Rosellinl, Monumenti civill, pi. 117.

elle a rattaché miqqéséf à la racine qdSâh, « être dur » ). Dans Job, xli, 20, le contexte montre que bén qéSét, « fils de

— Archers. Le premier, a droite, bande l’aro avec le genou. Vase peint du musée de Naples. Musée, t. vii, pi. m.

l’arc », désigne, non l’archer, comme traduit la Vulgate,

mais la flèche. — L’expression « l’are trompeur », Ose., vil, 16, peut désigner l’arc maJ tendu qui ne part pas quand on

l’entendre dans Ps. lxxvii, 57 : « Ils se sont tournés comme un arc trompeur. » Cf. ꝟ. 9. (Vulgate : convei’ri sunt in arcum pravum, d’après les Septante, qui ont lu un 3, iii, au lieu de un r, sicut). De même la langue qui

234. — Archer bandant son arc entre les Jambes. Vase peint du musée du Louvre.

Compte sur lui, ou même qui blesse l’archer en se retournant contre lui ; mais elle peut s’appliquer aussi à des

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236. — Carquois renfermant l’arc.

lance le mensonge est comparée à un arc par Jérémie, ix, 3. — Nous avons vu plus haut comment l’arc était devenu un symbole de force et de puissance ; ajoutons que les poètes hébreux le placent aussi entre les mains de Dieu comme un instrument de sa colère. Ps. vil, 13 ; Lam., il, 4 ; iii, 12 ; Hab., iii, 9, 11 ; cf. Deut., xxxii, 23, 42 ;

235.

Chasseur assyrien poursuivant un buffle, et portant son arc enveloppé dans une gaine. Bas-relief de Nimroud.

D’après Layard, t. i, pi. 32.

archers qui simulent la fuite et se retournent pour tirer de l’arc quand on ne s’y attend pas ; aussi l’arc étaitil considéré par les anciens comme une arme perfide. Iliade, vin, 260 ; ix, 319, etc. C’est probablement ainsi qu’il faut

Job, vi, 4 ; Ps. xxxvii, 3. Sur les monuments assyriens, le dieu lui (fig. 237) et le dieu Sin sont représentés armés de l’arc. — Enfin <c l’arc », Il Reg., i, 18, est le nom de l'élégie de David sur la mort de Saùl et de Jonathas,

à cause du jH 22 : « L’arc de Jonathas n’a jamais reculé. »

237. — Le dieu Ilu, armé lie l’are. D’après Layard, Monuments' o/ Nlneveh, t. i, pi. 13.

La Vu] gale a traduit, ꝟ. 22, qését par sagitta, « flèche ». Voir Carquois, Flèche. J. Thomas.

ARC DE TRIOMPHE. La Vulgate traduit par fornix triumphalis, « arc de triomphe, » I Reg., xv, 12, le mo » *te ; '|ip

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238. — Stèle punique. Corpus iwscriptionum semiticarum,

n° 309, pi. 52. Bibliothèque nationale, n° 524.

miment que Saûl, après avoir défait les Âmalécites, s'érigea à Carmel, ville de Juda. Mais ce n'était certainement

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239. — Stèle votive de Cartilage.

pas un arc de triomphe. Le texte original l’appelle yad, « une main, » comme Tout traduit les Septante (-/tïpoi).

C'était probablement une stèle, d’une forme analogue à celle de Mésa, roi de Moab, et aux nombreuses stèles

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240. — Autre stèle votive de Cartnage.

qu’on a trouvées enPhénicie et à Carthage, et sur lesquelles une main est souvent figurée (fig. 238-240). Cf. Il Sam. (II Reg.), xviii, 18. Voir Main 2.

ARC-EN-CIEL. Ce phénomène céleste est simplement appelé en hébreu « l’arc », qését, Gen., ix, 14, 16 ; Ezech., i, 28 ; Eccli., xliii, 12, comme l’arme du même nom, et sans doute aussi à cause de sa forme recourbée. Quand Dieu fait de l’arc-en-ciel le signe de son alliance avec Noé, après le déluge, il l’appelle « mon arc ». Gen., IX, 13 (et aussi au ꝟ. 14, d’après les Septante et la Vulgate). Il n’y a dans cette expression aucune trace des conceptions mythologiques d’après lesquelles l’arc-en-eiel serait l’arme de certains dieux. Elle suppose seulement que Dieu est l’auteur et le maître de l’arc-en-ciel comme de tous les autres phénomènes naturels, Eccli., xliii, 12, et qu’il le prend dans la circonstance comme un signe spécial de ses volontés. L’alliance, berîf, qui suit le déluge est la première que Dieu t’ait avec l’homme ; et comme elle est universelle, comprenant même toute âme vivante sur la terre, Dieu choisit, non un signe qui puisse distinguer seulement une race, comme la circoncision, signe de l’alliance faite avec la postérité d’Abraham ; mais un signe pris dans la nature même, et pouvant frapper tous les regards. « Il daigna taire ce traité, dit Bossuet, non seulement avec les hommes, mais encore avec tous les animaux tant de la terre que de l’air, pour montrer que sa providence s'étend à tout ce qui a vie. L’arc-en-ciel parut alors ; Dieu en choisit les couleurs si douces et si agréablement diversifiées sur un nuage rempli d’une bénigne rosée plutôt que d’une pluie incommode, pour être un témoignage éternel que les pluies qu’il enverrait dorénavant ne feraient jamais d’inondalion universelle. Depuis ce temps, l’arc-en-ciel paraît dans les célestes visions comme un des principaux ornements du trône de Dieu, et y porte une impression de ses miséricordes. » Discours sur l’histoire universelle, IIe part., chap. I. Dans le récit de la Genèse, ni le contexte ni les paroles de Dieu ne font entendre, comme l’ont cru quelques interprètes, que l’arc-en-ciel n’avait pas encore paru avant le déluge. Le verbe nâtatti, Gen., ix, 13, au parfait, ne doit pas être traduit ici par le futur, comme dans la Vulgate ponam ; il s’applique plutôt à une chose déjà existante, à laquelle on donne une nouvelle destination. Cf. Exod., vii, 1 ; 1 Reg., xii, 13 ; Jer., i, 5.

Dans la légende babylonienne du déluge, bien que l’arc-en-ciel ne soit pas présenté comme signe de l’alliance faite entre les dieux et les hommes, cependant il paraît être aussi mentionné à la col. 3, 1. 52, de la tablette cunéiforme, Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. iv, pi. 50-51, au moment où les dieux viennent respirer l’agréable odeur du sacrifice offert par le héros sauvé : « La grande déesse, à son approche, éleva les zones 911

ARC-EN-CIEL — ARCHE D’ALLIANCE

912

grandes que Anou (le ciel) a failes comme leur gloire. » Trad. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. i, p. 615. Cependant le sens de l’idéogramme rendu par zones n’est pas encore solidement établi. Ajoutons que M. Haupt croit devoir lire ban, l’idéogramme de qastu, « arc, » dans son Excurs sur le récit cunéiforme du déluge inséré dans Sehrader, Die Keilinschriften und das aile Testament, , 1883, p. 59.

Dans Eccli., xliii, 12-13, l’arc-en-ciel est célébré parmi les autres phénomènes célestes à cause de sa beauté : « Vois l’arc, et bénis celui qui l’a fait. Qu’il est beau dans sa splendeur ! Il entoure le ciel de son cercle de gloire ; les mains du TrèsHaut l’ont ouvert. » Ailleurs, Ezech., I, 28 ; Eccli., L, 7 ; Apoc, IV, 3 ; x, 1, il est pris comme terme de comparaison ou comme ornement dans les descriptions de visions célestes. Dans l’Apocalypse, il est désigné par son nom grec, tpi ; , qui a été simplement transcrit dans le latin. J. Thomas.

ARCHAÏSMES. Il y a dans les plus anciens livres de la Bible hébraïque un certain nombre de termes, de locutions et de formes archaïques, qui tombèrent plus tard en désuétude. Quelques-unes de ces expressions et de ces formes vieillies furent reprises par quelques écrivains hébreux qui, comme Ézéchiel, par exemple, s’efforcèrent d’imiter le style des auteurs plus anciens. L'étude de ces formes archaïques peut servir à caractériser le génie propre des auteurs bibliques et servir aussi à montrer l’antiquité de certains écrits. La langue hébraïque a eu une grande stabilité et n’a subi, dans la suite des temps, comme langue parlée ou du moins comme langue écrite, que peu de changements, de même que l’assyrien, qui est resté sensiblement le même dans les plus anciennes inscriptions cunéiformes et dans les plus récentes, quoique les premières soient séparées des secondes par un intervalle d’environ deux mille ans. Cependant, malgré cette fixité, qui est un trait caractéristique des langues des peuples sémites, on remarque, dans le Pentateuque, un certain nombre d’archaïsmes importants. Ainsi le mot 'abîb, désignant « le mois des épis », Exod., ix, 31, etc., n’est usité que dans les livres de Moïse. Le pronom personnel de la troisième personne, sin, hû', t< lui, » y est employé cent quatre-vingt-quinze fois à la forme masculine au lieu de la forme féminine, N>n, hV, « elle, » ce qui n’a point lieu dans les autres livres de l’Ancien Testament. La forme masculine ~i ?2, na’ar, y est aussi employée vingt et une fois pour la forme féminine my : , na’arâh, « jeune fille, » laquelle est seule en usage dans les autres parties de la Bible hébraïque. Quand deux mots sont à l'état construit, comme on l’appelle, c’est-à-dire lorsque un substantif ou un mot employé substantivement a pour complément un autre substantif, le Pentateuque marque quelquefois cette liaison par un yod ajouté au premier mot ; ainsi Gen., xxxi, 39, « vol de jour et vol de nuit » ou « (brebis) volée le jour et volée la nuit » est exprimée par genubti yôm ûgenubti lâyelâh. On ne retrouve plus que de rares vestiges de cette forme antique de construction dans la langue postérieure. Voir F. Vigoureux, Manuel biblique, 7e édit., t. i, n° 247, p. 381 ; Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iii, p. 159.

ARCHANGE fvpxâYY 5 ^ ; ), mot qui signifie « chef des anges », et qui ne se lit que dans le Nouveau Testament, I Thess., iv (15), 16 ; Judæ, 9 ; il était inconnu aux auteurs classiques. Quoiqu’il ne soit pas employé dans l’Ancien Testament, les archanges y sont cependant désignés sous le nom de hasiârîm hârïsônim, « premiers princes, » Dan., x, 13 ; sar haggâdôl, « grand prince, » Dan., xii, 1 ; ou seulement de sar, « prince. » Dan., x, 13, 20. L’archange Raphaël est simplement appelé « ange » dans le livre de Tobie, xii, 15, etc., comme l’archange Gabriel dans l'Évangile de saint Luc, i, 19, 26 (Gabriel est appelé 'ii, « homme, » dans Daniel, ix, 21). Il y a sept

] principaux archanges qui « se tiennent devant le Sei| gneur ». Tob., xii, 15 ; cf. Luc, i, 19 ; Apoc, rai, 2. | Voir Ange, col. 577 ; Gabriel, Michel, Raphaël.

! 1. ARCHE D’ALLIANCE. Hébreu : 'àrôn ; Septante : f, xiêoytG : . À ce mot s’ajoutent ordinairement différents déterminatifs : 'ârôn hâ'êdût, ^ zlômtq ; to-j (iapiu' piou, « arche du témoignage ; » berit Yehôvâh, tïj ; StaSTjxY, ; 

K-jpsov, « de l’alliance du Seigneur ; » habberit, « de l’alliance ; » Yehôvâh, « de Jéhovah. » Ces noms étaient donnés à l’arche, d’abord parce qu’elle contenait les tables de la loi, qui étaient le témoignage de la volonté divine et de la soumission promise par le peuple ; ensuite parce qu’elle était elle-même la marque visible de l’alliance contractée entre le Seigneur et Israël ; enfin parce qu’elle servait de trône à l’invisible divinité.

I. Sa raison d'être. — Les Hébreux avaient été en contact pendant plusieurs siècles avec les Égyptiens idolâtres. Ils avaient vu sur les bords du Nil les représentations multiples des plus étranges divinités. Ils s'étaient familiarisés avec le spectacle de ces dieux et de ces déesses d’or, d’argent, de pierre ou d’argile, portant des têtes d’homme, de singe, de bélier, de chacal, d'épervier et d’autres animaux. Ils avaient été témoins de ces fastueuses processions dans lesquelles on promenait les images des dieux ou les emblèmes sacrés (fig. 241). Ces objets vénérés étaient cachés, ou quelquefois placés à découvert, dans un petit naos ou temple d’or, d’argent ou de bois précieux. Un de ces’petits naos de bois se trouve au musée des antiquités de Turin. Le naos était ordinairement placé sur une bari, ou barque sacrée, de même forme que celles qui naviguaient sur le Nil. La barque était ornée d’emblèmes religieux, et parfois de personnages divins qui abritaient le naos de leurs longues ailes étendues (fig. 242). Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. ii, p. 524.

Au milieu d’une nation si profondément plongée dans toutes les pratiques de l’idolâtrie, Dieu avait conservé au sein de son peuple les traditions du monothéisme spiritualiste. Quand ce peuple se trouva assez nombreux, et suffisamment formé pour être constitué en nation distincte, Dieu le tira d’Egypte et l’emmena au désert. Les merveilles qui avaient accompagné la sortie d’Egypte soutinrent d’abord son courage. Mais dans l’isolement du désert, pendant que Moïse était sur le Sinaï, les Hébreux se sentirent comme abandonnés, et ils réclamèrent un dieu sensible, qui frappât leurs yeux, à qui ils pussent faire honneur de leur délivrance, et dont la protection assurât leur avenir. Exod., xxxii, 1, 4. Aaion leur fabriqua un veau d’or, à l’imitation de l’Apis égyptien. Il y avait quelque chose de légitime dans la réclamation des Hébreux ; ils avaient hesoin d’une représentation sensible qui leur rappelât sans cesse la présence de la divinité attentive à leurs besoins. Dieu le savait, et même avant leur acte de coupable idolâtrie, Exod., xxv, 10-22, il s'était proposé de leur donner un signe sensible de sa présence, mais sous une forme qui ne pût éveiller aucune idée idolâtrique ni même anthropomorphique. Il commanda de faire l’arche. L’arche est une imitation du naos égyptien, l’objet dont on pouvait le plus facilement exclure tout souvenir idolâtrique. C’est un 'ârôn, un coffre destiné à garder les objets ; ce n’est pas une (êbâh, comme l’arche de Noé ou la nacelle dans laquelle Moïse enfant fut déposé, Gen., vi, 14 ; Exod., ii, 5 ; ce n’est pas non plus une barque sacrée : elle ne rappelle en rien la bari égyptienne, qui ' était le véhicule des dieux et des morts sur le Nil céleste.

: La « barque de Iahvé », dont aiment tant à parler les ratio ! nalistes, n’existe donc que dans leur imagination. Ensuite

l’arche, comme nous allons le voir, ne renfermait et ne

! portait aucune image de la divinité ; elle était seulement
; le signe de la présence divine et le lieu où se manifestait

I cette présence. C'était donc comme une sorte de sacre ! ment, révélant par sa réalité visible la présence de celui 913

ARCHE D’ALLIANCE

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qu’on ne peut voir, sans qu’il y eût péril de confondre jamais le symbole matériel avec la divinité spirituelle. Bossuet explique en ces termes le rôle de l’arche : « Depuis que Dieu s’est fait un peuple particulier, à qui il a donné une loi et prescrit un culte, sa présence s’est tournée en chose ordinaire, dont il a établi la marque sensible et perpétuelle dans l’arche d’alliance. La présence de Dieu se rendait sensible par les oracles qui sortaient intelligiblement du milieu de l’arche, entre les deux chérubins. L’arche, en cet état, était appelée l’escabeau des pieds du Seigneur, I Par., xxviii, 2 ; on lui rendait l’adoration qui était duo à Dieu, conformément à cette parole : Adorez

vercle » et « ce qui couvre le péché, ce qui rend propice ». Le premier sens est ici très secondaire, et les versions ont avec raison adopté le second : Septante : îXairriipiov ; Vulgate : propitiatorium. L’or très pur dont cet objet devait être fabriqué indiquait d’ailleurs qu’il ne pouvait être un simple couvercle. Sur le propitiatoire étaient deux Chérubins d’or martelé, un de chaque côté, étendant leurs ailes horizontalement, de manière à couvrir le propitiatoire. Le mot « Chérubin » a différents sens dans la Bible. Bien que d’origine sémitique, il désigne ici des figures qui ont sans doute plus d’analogie avec les divinités ou personnages ailés d’Egypte qu’avec les kirubi à ailes d’aigle

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241. — Barque sacrée portée en procession. D’après Lepsius, Denkmaler, Abth. iii, pi. 189.

l’escabeau de ses pieds, Ps. xcviii, 5, parce que Dieu y habitait et y prenait sa séance. » Élév. sur les myst., IXe sem., 8. Jusqu’à sa disparition, l’arche garda cette haute signification.

II. Description de l’arche. — C’était un coffre fabriqué selon les prescriptions du Seigneur lui-même. Exod., xxv, 10-2-2. Il était en bois de setim, c’est-à-dire d’acacia. Voir Acacia, col. 103. Les dimensions sont indiquées en coudées : deux et demie pour la longueur, soit de l m 30 à l m 40 ; une et demie pour la largeur et autant pour la hauteur, soit de m 78 à 1° 84. Des plaques d’or très pur la revêtaient à l’intérieur et à l’extérieur, et une bordure saillante ou guirlande de même métal régnait tout autour. Aux quatre angles, et vraisemblablement vers le haut, étaient fixés des anneaux d’or sur les deux faces latérales ; dans ces anneaux entraient des perches d’acacia revêtues d’or, au moyen desquelles on portait l’arche. Ces perches restaient là à demeure, même dans le Saint des saints du temple de Salomon. III Reg., viii, 7, 8.

Pour couvrir l’arche, le Seigneur ordonna de fabriquer un kappôrét, mot qui signifie étymologiquernent « cou d’Assyrie. Les Chérubins de l’arche étaient des personnages probablement debout, comme furent plus tard ceux du Saint des saints. II Par., iii, 13. Fr. Lenormant, Origines de l’histoire, t. i, p. 158, pense qu’ils avaient des têtes d’aigles ou de vautours, parce que ces oiseaux sont appelés kurub en assyrien. Mais cette idée est inacceptable. De grands oiseaux d’or eussent rappelé trop vivement les divinités égyptiennes à tête d’ibis ou d’épervier, tandis que la figure humaine pouvait exprimer le respect et l’adoration, et, avec les grandes ailes, représenter sans danger d’idolâtrie les anges, serviteurs de Jéhovah. Ces figures de Chérubins furent la seule exception apportée à la loi qui défendait de faire des images taillées. Mais cette exception ne pouvait créer de difficulté, parce qu’elle était ordonnée de Dieu même, et que l’arche était toujours voilée aux yeux du peuple. Voir Chérubins.

Nous donnons ici deux essais de reconstitution d3 l’arche d’alliance, d’après les données bibliques et les monuments égyptiens. Il est évident en effet qu’on ne peut emprunter qu’à ces derniers les éléments figurés de

cette reconstitution. Les ouvriers hébreux du désert
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n’avaient d’autres notions artistiques que celles du peuple au milieu duquel ils avaient vécu si longtemps, et ils ne connaissaient d’autres procédés d’exécution que ceux dont eux-mêmes avaient pratiqué l’usage dans les ateliers égyptiens. L’arche pouvait être à côtés perpendiculaires (fig.243), comme le coffre de la figure 241, ou à côtés légèrement obliques (fig. 244), comme dans le meuble qui soutient la bari de la figure 242. Elle était presque certainement surmontée de la gorge si nettement accusée qui sert de corniche à la plupart des œuvres égyptiennes, meubles ou édifices. Le texte sacré parle d’une sorte de guirlande ou de bordure décorative en or entourant l’arche. Cette décoration devait être soit la corniche elle-même, ornée de motifs en relief, comme dans la figure 244, soit une frise placée au-dessous, comme dans la figure 243.

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243. — Essai de reconstitution de l’arche.

Les monuments égyptiens sont riches en décorations de ce genre. Les Hébreux ont dû naturellement en choisir qui fussent dépourvues de caractère idolâtrique, et empruntées soit au règne végétal, soit à ces combinaisons de lignes géométriques, dont les artistes égyptiens tiraient des effets si gracieux et si variés. Les bâtons et les anneaux qui les soutiennent ont leur place indiquée au-dessous de la corniche ou de la frise, comme dans la figure 245, où sont représentés deux prêtres portant une arche sacrée. 11- n’y a pas à hésiter quant à la forme qu’il convient de supposer aux Chérubins de l’arche d’alliance. Les orfèvres hébreux avaient eu sous les yeux en Égypte des représentations analogues ; il est probable que, tout en y attachant une signification différente, ils en ont reproduit le type et l’attitude, à en juger par ce que dit l’Exode, xxv, 18-20 ; xxxvii, 7-9. Dans l’une de nos reconstitutions (fig. 243), les Chérubins sont debout ; dans l’autre (fig. 244), ils sont agenouillés. Ces deux attitudes différentes se trouvent aux deux étages du naos de la figure 241. La description fournie par le texte sacré est trop vague pour qu’on puisse décider laquelle de ces deux hypothèses répond le mieux à l’antique réalité. On peut cependant alléguer, pour préférer l’attitude droite, que c’est ainsi que Salomon fit représenter les Chérubins du Saint des saints, II Par., iii, 13. Il est certain en tout cas que, dans une reconstitution de ce genre, la logique réclame qu’on fasse dériver l’œuvre hébraïque de l’art égyptien. Tour qu’il en fût autrement, il faudrait recourir à une intervention directe de Dieu, et ici il n’y a pas de raison suffisante pour la supposer.

III. Destination de l’arche. — L’arche était faite tout d’abord pour contenir le « témoignage », c’est-à-dire les tables de la loi. Exod., XL, 18 ; Deut., x, 5. Moïse reçut ensuite l’ordre de mettre dans le tabernacle, près de l’arche, une urne d’or renfermant de la manne, Exod., xvi, 34, et la verge d’Aaron qui avait fleuri. Num., xvii, 10.

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244. — Autre essai de reconstitution de l’arche.

On comprend que, surtout pendant les longues pérégrinations du désert, il fut bien plus commode et bien plus sur de garder ces deux objets dans l’arche même. Saint Paul, Heb., vii, 4, dont la parole est ici confirmée par la tradition juive, dit qu’en effet ils y furent placés. Dom Calmet croit qu’on y renferma de même le livre où

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245. — Prêtres égyptiens portant un coffre sacré. D’après la Description de l’Égypte.

Moïse avait écrit la loi. Deut., xxxi, 26. Moïse prescrivit que ce livre fût mis « sur le côté de l’arche » ; mais aucun texte ne permet de savoir s’il fut introduit à l’intérieur, comme la mesure de manne et la verge d’Aaron. Quand le temple fut bâti, on ne laissa plus dans l’arche que les tables de la loi. III Reg., viii, 9.

L’arche était surtout destinée à supporter l’oracle, c’est-à-dire l’espace délimité par la table du propitiatoire et les ailes des Chérubins. Le Seigneur avait dit à Moïse : « De là j’ordonnerai, et je te dirai sur le propitiatoire, du milieu des deux Chérubins qui sont sur l’arche du témoi919

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gnage, tout ce que je commanderai par toi aux enfants’d’Israël. » Exod., xxv, 22 ; xxx, 36. Pour parler à Moïse, ; le Seigneur manifestait sa présence par l’apparition d"une nuée. Lev., xvi, 2 ; Num., xvii, 4. En même temps que ; Moïse voyait la nuée, « il entendait la voix de celui qui lui parlait du propitiatoire, qui est au-dessus de l’arehe du témoignage, entre les deux Chérubins.* Num., vii, 89. Le Seigneur parla de même à Josué, Jos., vii, 6-10, et ensuite aux grands prêtres, du moins dans certaines circonstances plus graves. Dans tout l’Ancien Testament, il est parlé du Seigneur comme de celui qui est assis entre les Chérubins. I Reg., iv, 4 ; Il Reg., vi, 2 ; IV Reg., Xix, 15 ; Ps. lxxix, 2 ; xcviii, 1 ; Is., xxxvii, 16 ; Dan., m, 55. « Dieu est au-dessus de tout et incompréhensible à toute créature, dit saint Thomas ; c’est pourquoi, au lieu de représenter par un simulacre sa nature invisible, on se contentait de figurer son trône. La créature intelligible est, en effet, au-dessous de Dieu, comme le trône au-dessous de celui qui est assis. » 1° 2 æ, en, IV ad 6. C’est cette présence divine, sous l’apparence de nuée au-dessus de l’arche, que les Juifs ont appelée plus tard sekînàh, cx^vioaic, c’est-à-dire « résidence », du verbe Mkan, employé continuellement dans l’Écriture pour marquer que Dieu réside en quelque endroit.

IV. Histoire de l’arche. — L’arche fut construite par Béséléel, conformément aux prescriptions du Seigneur. Exod., xxxvii, 1-9. Le premier mois de la seconde année après la sortie d’Egypte, la fabrication du tabernacle et de tous les objets nécessaires au culte fut achevée, et l’on en fit l’inauguration. Moïse mit les tables de la loi dans l’arche, passa les bâtons dans les anneaux, disposa le propitiatoire à sa place, introduisit l’arche dans le tabernacle, et suspendit en avant un voile qui devait la dérober aux regards. Exod., xxx, 6 ; XL, 1-3, 18, 19. Ce jour-là se montra pour la première fois au-dessus du tabernacle la nuée glorieuse qui révélait la présence du Seigneur, et qui, par sa disparition ou sa permanence, devait régler les départs et les séjours de l’immense émigration. Parmi les lévites, ceux de la famille de Caath furent chargés de garder l’arche, Num., iii, 31, et aucun membre des autres tribus, ni même des autres familles lévitiques, n’avait le droit de la porter, ni seulement de la toucher. Jos., iii, 4 ; II Reg., vi, 6 ; I Par., xv, 2. Quand on levait le camp, les lévites détachaient le voile qui fermait l’entrée du Saint des saints et en enveloppaient l’arche. Ils mettaient par-dessus une couverture de peau teinte en bleu, et une troisième enveloppe couleur d’hyacinthe. Num., iv, 5, 6. Toutes choses étaient remises en état, quand on s’arrêtait pour un séjour prolongé. Dans les marches, l’arche était toujours portée en avant. Quand on l’élevait pour le départ, ou qu’on la déposait à l’arrivée, on entonnait un chant solennel. Num., x, 33-36. Le cantique du départ a été par la suite magnifiquement développé dans le Psaume lxvii.

L’arche était la garantie de l’assistance divine dans le voyage et dans les combats. On le comprit surtout quand, après le retour des explorateurs de Chanaan, le peuple révolté, puis châtié, voulut marcher contre les Amalécites et les Chananéeus. Comme le Seigneur n’approuvait pas cette entreprise, l’arche ne sortit pas du camp, et en son absence les Hébreux furent défaits. Num., xiv, 44. Pendant le séjour au désert, l’arche guida ainsi le peuple et présida à tous ses actes.

Sous Josué, c’est à son contact que les eaux du Jourdain se séparèrent, et permirent à tout le peuple de traverser le fleuve. Jos., iii, 1-iv, 18. Elle fut ensuite portée pendant sept jours autour de Jéricho, jusqu’à l’écroulement des murs de la ville. Jos., vi, 6-16. Enfin elle présida, entre ! le mont Hébal et le mont Garizim, à la scène grandiose | des bénédictions et des malédictions. Jos., viii, 33. Dès | l’établissement dans la Palestine, il avait fallu se préoccuper de trouver au tabernacle et à l’arche qu’il contenait un lieu de résidence ordinaire. Le lieu choisi fut

Silo, dans la tribu d’Éphraïm, au centre du pays conquis. Jos., xviii, 1. Là fut établie la « maison du Seigneur », Jud., xviii, 31 ; xx, 18 ; I Reg., i, 21, auprès de laquelle demeurait le grand prêtre. I Reg., iii, 3. Mais comme alors le tabernacle était fixé dans des conditions qui ne permettaient plus de le déplacer facilement comme au désert, l’arche était emportée seule en cas de guerre. C’est ainsi qu’on la trouve à Béthel pendant la lutte contre les Benjamites, Jud., xx, 18, 26, 27 (et non à Silo, comme saint Jérôme l’explique à tort au y. 18). Sous le grand prêtre Héli, elle fut emmenée à la guerre contre les Philistins et prise par eux. Cette catastrophe inouïe plongea tout Israël dans la plus amère désolation, I Reg., iv, 3-22 ; mais Dieu lui-même allait prendre soin’de sa gloire. Aux yeux des Philistins, la capture de l’arche était la victoire remportée par leur dieu sur le Dieu des Israélites ; aussi placèrent-ils le glorieux trophée dans le temple de Dagon, à Azot. Mais deux jours de suite ils trouvèrent leur idole d’abord renversée, puis mutilée devant l’arche. En même temps, une maladie honteuse frappa les habitants d’Azot, et de terribles fléaux fondirent sur leur région. Les Philistins promenèrent alors l’arche de ville en ville ; mais partout où elle arrivait, la colère divine se déchaînait, si bien que les gens d’Accaron refusèrent de lui ouvrir leurs portes. I Reg., v. Enfin, au bout de sept mois, sur le conseil de leurs prêtres et de leurs devins, les Philistins la placèrent sur un chariot neuf traîné par deux vaches, y joignirent des présents expiatoires, et laissèrent les animaux aller où ils voulurent. Ceuxci se dirigèrent vers le pays des Israélites. Dès que les habitants de Bethsamès, dans la tribu de Juda, virent arriver l’arche, ils furent au comble de la joie. Les lévites la déposèrent sur une grande pierre, et l’on immola devant elle les deux animaux qui l’avaient conduite. Mais les Bethsamites jetèrent volontairement sur elle des regards indiscrets, soit qu’elle n’eut plus ses voiles, soit qu’ils eussent eu la témérité de les soulever. Un certain nombre de Bethsamites payèrent de leur vie cette irrévérence. Les survivants envoyèrent alors dire aux gens de Cariathiarim de venir chercher l’arche. I Reg., vi. Ceux-ci arrivèrent, et, instruits par l’expérience de leurs voisins, se comportèrent avec plus de respect. On ne voulut pas, sans une révélation spéciale, reconduire l’arche jusqu’à Silo, et on l’arrêta à Gabaa, colline voisine de Cariathiarim, I Par., xiii, 6 ; on la plaça dans la maison du lévite Abinadab, et on consacra son fils Eléazar pour la garder. Elle resta là pendant vingt ans, I Reg., vii, 1, 2, et Saùl vint l’y prendre pour l’emmener avec lui dans la guerre contre les Philistins. I Reg., xiv, 18.

Après avoir battu à son tour ces irréconciliables ennemis, David voulut retirer l’arche de sa demeure provisoire, afin de la placer à Sion, le siège de sa puissance. Pendant près de trois siècles, elle avait été à Silo, sous la garde de la tribu d’Éphraïm, alors prépondérante. Avec David, la suprématie politique passait à la tribu de Juda, à qui la prophétie de Jacob promettait de si glorieuses destinées. Il importait que le centre religieux ne fut pas distinct du centre politique. Les veaux d’or érigés à Béthel et à Dan ne montrent que trop ce qu’on eut fait à Silo, si l’arche y eût résidé encore au temps de Jéroboam. David se rendit à Gabaa avec les hommes de Juda, et fit placer l’arche sur un chariot neuf, que dirigeaient Oza et Ahio, fils d’Abinadab ; le roi et ses hommes jouaient des instruments dans le cortège. À un moment, un faux pas des bœufs fit vaciller l’arche, et Oza étendit la main pour la soutenir. Il fut aussitôt frappé de mort, sans doute parce que, bien que lévite, il s’était arrogé un droit qui n’appartenait qu’aux descendants de Caath. Xum., iii, 31. Cet accident effraya David, qui laissa l’arche dans la maison d’Obédédom le Géthéen, probablement dans le voisinage de Jérusalem. Elle y devint une source de bénédictions pour toute la maison où elle résidait. Au bout de trois mois, le roi vint la reprendre, et en fit la translation 921

ARCHE D’ALLIANCE

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solennelle dans le nouveau tabernacle qu’il avait élevé à Sion. II Reg., vi, 1-17 ; I Par., xiii, 3-14 ; xv-xvi, 1. A l’occasion de cette fête furent composés les Psaumes xxm et civ ; le Psaume cxxxi, de date plus récente, rappelle les principaux détails de cette translation.

Toutefois l’arche n’avait encore à Sion qu’un abri précaire ; David et ses officiers y songeaient avec peine, II Reg., vii, 2 ; xi, 11, et le saint roi préparait tout pour que son fils put élever un temple digne d’elle. Dans son respect pour l’arche, il ne voulut pas qu’on l'éloignàt de Jérusalem, quand lui-même eut à fuir devant Absalom révolté, et il ordonna au grand prêtre Sadoc et aux lévites qui la lui apportaient de retourner avec elle à Sion. II Reg., xv, 24-29. Salomon alla offrir des holocaustes devant l’arche, à la suite du songe où il avait demandé à Dieu la sagesse, III Reg., iii, 15, et il eut l’honneur de l’installer dans son sanctuaire définitif, après la dédicace solennelle du temple. III Reg., viii, 1-21 ; II Par., v, 7-9. La sortie de l’arche n’est plus mentionnée sous les successeurs de Salomon. Il est à croire pourtant que des rois impies, comme Manassé et Amon, la retirèrent du Saint des saints pour la reléguer ailleurs ; car Josias dut ordonner aux lévites de la remettre à sa place, en leur défendant de la transporter désormais. II Par., xxxv, 3.

Aux approches de la captivité, Jérémie annonça que le rôle de l’arche était fini ; désormais, surtout au temps du Messie, « on ne dira plus : l’arche de l’alliance du Seigneur. On n’y pensera plus, on ne s’en souviendra plus, on ne la visitera plus, et elle ne sera pas rétablie. » Jer., m, 16. Le prophète eut lui-même mission de la faire disparaître avant les mauvais jours. Dans une lettre des Juifs de Jérusalem à ceux d’Egypte, le fait suivant est rapporté comme extrait d’un écrit de Jérémie : « Le prophète, sur un ordre reçu de Dieu, commanda qu’on apportât avec lui le tabernacle et l’arche, jusqu'à ce qu’il fût arrivé à la montagne sur laquelle Moïse était monté, et d’où il avait vu l’héritage de Dieu. Quand Jérémie y fut parvenu, il y trouva l’emplacement d’une caverne, y plaça la tente, l’arche et l’autel des parfums, et en boucha l’entrée. Or quelques-uns de ceux qui étaient avec lui s’approchèrent pour remarquer l’endroit, et ils ne purent le trouver, jérémie s’en aperçut et les blâma en disant : Cet endroit restera ignoré jusqu'à ce que Dieu rassemble la famille de son peuple et lui fasse miséricorde. C’est alors que le Seigneur manifestera ces choses, que la majesté du Seigneur apparaîtra, et qu’il y aura une nuée comme celle qui se montrait à Moïse, et comme celle que vit Salomon quand il demanda que ce lieu fut consacré au Dieu souverain. » Cette lettre, consignée au second livre des Machabées, ii, 4-8, ne participe pas, d’après certains exégètes, à l’inspiration du livre, parce qu’elle y est simplement rapportée ; mais elle représente assurément une tradition sérieuse, antérieure de plus d’un siècle à l'ère chrétienne, et bien plus digne de foi que le récit du IVe livre apocryphe d’Esdras, x, 22, qui fait prendre l’arche par les Chaldéens, ou que celui des Talmudistes, d’après lesquels Josias aurait caché l’arche dans un réduit très secret, ménagé par Salomon, en prévision de la prise et de l’incendie du temple. Les rabbins pensent que l’arche sera retrouvée à la venue du Messie.

Ce qui est certain, c’est que l’arche n'était pas dans le second temple. Il n’en est jamais fait mention, dans les occasions mêmes où son souvenir s’imposait, par exemple dans les récits de la consécration du temple ou de la restauration du culte. Il est vrai qu’au second livre des Paralipomènes, v, 9, le chroniqueur, qui est probablement Esdras, dit de l’arche : « Elle fut là jusqu’au jour présent. » Mais tout le monde reconnaît que l’auteur a puisé à des sources diverses, et a inséré dans son œuvre des documents antérieurs. La remarque qui précède doit appartenir à un de ces documents, écrit avant la captivité et cité mot à mot, tel que le rédacteur des Paralipomènes l’a trouvé dans ses sources.

V. Allégations rationalistes. — Nous les empruntons à deux auteurs qui font habituellement écho aux rationalistes allemands.

1° « Dès leur séjour dans le pays de Gosen (Gessen), les Israélites se firent sans doute une arche » semblable à celle des Égyptiens ; « ils l’emportèrent probablement avec eux quand ils quittèrent le pays. » Renan, Histoire du peuple d’Israël, t. i, p. 145. Le même auteur cite plus loin, p. 179, avec complaisance l’opinion de ceux qui prétendent qu’Aaron n’est autre chose que le nom de l’arche 'ârôn devenu nom d’homme, et que les beni-ahron sont tout simplement les porteurs de l’arche. — Cette dernière opinion n’a d’autre base que la similitude des mots 'ârôn et 'Ahârôn, et le besoin de dire le contraire de ce que raconte la Bible. Quant à l’arche même, les Israélites n’en furent en possession qu’un an après la sortie d’Egypte. Le critique n’a ici à opposer au récit positif de l’Exode qu’un « sans doute » et qu’un « probablement ».

2° « Nous n’avons aucun motit pour admettre qu’il n’y eut jamais qu’un coffret de cette espèce sur le territoire israélite ; la vraisemblance, tout au contraire, est que plusieurs sanctuaires possédaient des objets qualifiés arches de Dieu. » M. Vernes, Du prétendu polythéisme des Hébreux, t. i, p. 108. — La même arche a été transportée successivement dans plusieurs endroits, jamais il n’est question de l’existence simultanée de différentes arches. M. Renan le constate expressément : « L’arche israélite était une chose unique par essence ; il ne vint jamais à la pensée de personne qu’on put créer une seconde arche. » Histoire du peuple d’Israël, t. i, p. 294.

3° « Dans l’arche divine du temple de Jérusalem, comme dans les autres, nous devons supposer la présence d’un objet sacré, probablement d’une pierre précieuse… Il est malheureux que nous ne possédions aucune donnée authentique sur le coffret sacré de Jérusalem : nous ignorons la nature de son contenu. » M. Vernes, Du prétendu polythéisme des Hébreux, 1. 1, p. 109, 110. — Cette ignorance et cette supposition ne sont possibles que si, comme les rationalistes, on commence. par ne tenir aucun compte des livres historiques. On a vu plus haut ce que l’Exode et le troisième livre des Rois disent du contenu de l’arche.

4° L’arche n’aurait été qu’un objet d’idolâtrie, analogue aux bari d’Egypte. La Bible dit bien qu’elle n'était que le siège du Dieu spirituel et invisible ; « l’idée à elle seule est d’une incomparable beauté, d’une réalité spirituelle avec laquelle rien ne saurait rivaliser. » Mais « assurément l’arche de Dieu n’a jamais existé dans ces conditions, soit avant l’entrée en Palestine, soit dans la période qui court de 1100 à 600 environ avant notre ère ». — « Avant de rendre un culte à Yahvéh sous la forme d’un taureau, comme à Dan et à Béthel, d’un serpent, comme à Jérusalem, etc., les Israélites, cela est conforme à toutes les analogies, ont dû l’adorer sans images, c’est à-dire dans les objets informes, dans les pierres, par exemple. » M. Vernes, Du prétendu polythéisme des ) Hébreux, t. i, p. 149, et Revue de l’histoire des religions, janvier 1882, mai 1883. — Cette accusation d’idolâtrie est une des thèses favorites du rationalisme, quand il s’occupe du peuple hébreu. Jusqu'à la captivité, il est vrai, les Israélites ont manifesté des tendances à l’idolâtrie, et ils ont fréquemment succombé à la tentation. Mais les livres historiques démontrent clairement que jamais, de Moïse jusqu'à l’exil, l’idolâtrie ne fut la religion officielle, universelle et incontestée des Israélites ; que jamais surtout le culte de Jéhovah ne fut un culte idolâtrique. Les analogies n’ont pas de prise contre l’histoire positive, et l’on ne peut conclure logiquement de l’idolâtrie des Égyptiens à celle des Hébreux du désert, ni de quelques écarts idolâtriques à l’idolâtrie légale des Israélites. Tout, au contraire, dans l’histoire biblique montre l’action de Dieu pour faire de son peuple le dépositaire des grandes traditions spiritualistes et mono923

ARCHE D’ALLIANCE — ARCHE DE NOÉ

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théistes, traditions dont l’origine naturelle n’est pas plus explicable après la captivité, quand le monde entier était polythéiste, qu’elle ne l’est au temps de Moïse. Dieu est intervenu à son heure : l’histoire en fait foi, et les raisonnements ne peuvent entamer son témoignage.

VI. Symbolisme de l’arche. — Conformément au principe posé par saint Paul : « Toutes ces choses leur arrivaient en figure, » I Cor., x, 11, la tradition catholique a trouvé dans l’arche d’alliance le symbole des réalités merveilleuses de la loi de grâce. L’arche représente donc :

1° Le Fils de Dieu incarné. « L’arche représentait au vieux peuple le Fils de Dieu fait homme, qui est le prince du peuple nouveau. » Bossuet, Sermon pour l’Ascension, 1656, exorde. Voici comment s’explique le symbole : « Le Christ lui-même était signifié par l’arche ; car de même que l’arche était construite en bois de séthim, ainsi le corps du Christ se composait de membres très purs. Elle était revêtue d’or, parce que le Christ fut rempli de sagesse et de charité, dont l’or est le symbole. Dans l’arche était une urne d’or : c'était la sainte âme contenant la manne, c’est-à-dire la sainteté et la divinité dans toute leur plénitude. Il s’y trouvait aussi la verge, figure de la puissance sacerdotale du Christ fait prêtre pour l'éternité. Enfin les tables de la loi, qu’on y avait placées, marquaient que le Christ est l’auteur de la loi. » S. Thomas, 1° 2 « , q. 102, a. 4, ad &'". Le symbole s’applique aussi au mystère de l’Ascension, par lequel Jésus-Christ remonte au ciel après sa victoire, comme l’arche remontait à Sion, Ps. xlvi, 6, et au mystère de l’Eucharistie : « Les espèces sacramentelles sont figurées par le voile, le corps du Christ par l’arche, l'âme par l’urne, la divinité par la manne. » S. Bonaventure, Serm. u in Domin. iv Advent.

2° La très Sainte Vierge. « Le prophète David dansa devant l’arche. Quelle est cette arche, sinon la bienheureuse Marie ? Car, si l’arche renfermait les tables de la loi, Marie portait l’héritier même de la loi. » Serm. xlii (attribué à) saint Ambroise, Patr. lat., t. xvii, col. 089. C’est pourquoi, dans les litanies, l'Église appelle la très Sainte Vierge Fœderis arca, « arche d’alliance ».

3° L'Église. Isaïe permet de faite cette application à

l'Église militante, Is., iv, 5, et saint Jean à l'Église triomphante, Apoc, xi, 19.
H. Lesêtre.

2. ARCHE DE NOÉ, en hébreu tébâh, mot qui ne se rencontre plus que dans l’Exode, ii, 3, pour désigner la petite nacelle de papyrus dans laquelle Moise fut exposé sur le Nil ; dans le grec des Septante et dans Hebr, ix, 7, xiêoùTÔ ; , et dans Josèphe XàpvaÇ. Ces noms et les détails de sa description montrent que l’arche n'était pas un vaisseau proprement dit, muni de mâts, dévoiles, d’avirons, etc., quoique l’auteur de la Sagesse, xiv, 6, l’appelle naturellement par analogie <r/e813c, « navire ; » mais plutôt une sorte de coffre, une énorme caisse flottante, sans quille et à fond plat. Sa forme, apparemment cubique, était peu favorable à la navigation, mais la rendait elle-même très propre à porter une forte cargaison et à bien se tenir sur l’eau. Saint Augustin, De Civitate Dei, xv, 27, t. xli, col. 475, a vu dans cette disposition une marque de la Providence divine, et de fait Dieu, en qualité d’architecte de l’arche, Gen., vi, 14-16, a dû lui donner la forme qui répondait le mieux à sa destination. Un riche marchand hollandais, Pierre Jansen, construisit en 1604, à Hoorn, un bâtiment de mêmes proportions que l’arche, quoique plus petit, et il constata que s’il n'était pas apte aux voyages de long cours et à une marche rapide, il était très commode pour le fret : on calcula qu’il pouvait contenir un tiers de plus de marchandises que les autres vaisseaux, sans exiger un plus grand nombre de bras pour le manœuvrer.

L’arche était en bois de gôfer, sorte d’arbre résineux dont on ne peut préciser la nature, et qui serait le cèdre, ou plutôt le cyprès, que sa légèreté et sa dureté rendent

très propre aux constructions navales. Les Septante et saint Jérôme y ont vu des bois équarris ou aplanis. Les ais furent enduits de kôfer, bitume ou résine, à l’intérieur et à l’extérieur, pour que l’eau ne put pénétrer. Le dedans était distribué en un certain nombre de qinnim ou nids, c’est-à-dire de petits compartiments isolés, destinés à recevoir les diverses espèces d’animaux. Ces nids superposés formaient trois étages, appelés inférieur, deuxième et troisième. Contrairement au texte sacré, Pliilon, Vita Mosis, ii, et Josèphe, Antiq.jud., i, iii, comptent quatre étages.

Les dimensions de l’arche étaient de 300 coudées en longueur, de 50 en largeur et de 30 en hauteur. On a beaucoup discuté sur la valeur de la coudée. Origène, Hom. n in Genesim, t. xii, col. 165 ; Contra Celsum, IV, t xi, col. 1096, et saint Augustin, De civitate Dei, xv, 27, t. xli, 474 ; Quœstiones in Heptateuchum, i, 4, t. xxxiv, col. 549, pour répondre aux objections de Celse, ont supposé, sans raison suffisante, que ces coudées valaient six coudées ordinaires ; ils aboutissaient à des chiffres invraisemblables. Il est plus probable que la mesure adoptée était la coudée commune, la coudée d’homme, comme Moïse s’exprime ailleurs, Deut., iii, 11, équivalant à la longueur de l’avantbras ou à la distance du coude à l’extrémité du doigt du milieu, et évaluée approximativement à 525 millimètres. En nombres ronds, la longueur de l’arche était donc de 156 mètres, sa largeur de 26, et sa hau leur de 16 ; la capacité totale s'élevait à 64 896 mètres cubes.

Des ouvertures devaient laisser passer la lumière. Le texte ne permet pas de déterminer avec certitude si Noé se contenta de la seule fenêtre par laquelle sortit le corbeau, Gen., viii, 6, ou s’il établit tout un système d'éclairage dont le détail est inconnu. Il est ridicule de dire avec R. Ahia-ben-Zeira qu’au milieu des ténèbres de l’arche Noé distinguait le jour de la nuit à l’aide de perles et de pierres précieuses, dont l'éclat pâlissait le jour et brillait la nuit, Talmud de Jérusalem, traité Pesahim, i, 1, traduction Schwab, Paris, 1882, t. v, p. 2, ou avec Edouard Dickinson que Noé, très habile chimiste, avait découvert une huile éthérée, qui donnait une lumière aussi éclatante que le soleil. L’ouverture par laquelle sortit le corbeau avait un treillis ou un transparent, (lallôn, distinct de sôhar, qui pouvait s’ouvrir et se fermer. Gen., viii, 6. Nous ignorons comment elle était disposée, et si elle se trouvait sur un côté de l’arche ou sur le toit. Quelques interprètes pensent qu’elle allait en se rétrécissant, de telle sorte qu’elle n’avait plus au sommet qu’une coudée de largeur. Gen., vi, 16. Il est plus vraisemblable qu’il s’agit dans ce passage du toit de l’arche, dont l’inclinaison n'était que d’une coudée. Une porte était ménagée sur un des flancs de l’arche. Dieu lui-même la ferma du dehors, quand Noé fut entré. Gen., vii, 16.

Obéissant avec crainte aux ordres divins, Noé, pour sauver sa famille, Hebr., xi, 7, exécuta l’arche sur les plans que Dieu avait dressés. Gen., vi, 22. Quelques rationalistes se sont demandé comment Noé, seul avec ses fils, avait pu construire un vaisseau d’une si grande dimension. Mais ils supposent à tort que le patriarche n’eut pas d’autres aides que ses enfants. Le récit biblique, en attribuant à Noé la construction de l’arche, n’exclut pas l’emploi d’auxiliaires, il rapporte seulement au personnage principal la bâtisse de tout l'édifice ; c’est ainsi qu’il est dit que Salomon a bâti le temple de Jérusalem. Noé a fait comme les chefs de toutes les grandes entreprises, il a recouru aux bras de nombreux ouvriers. Ses contemporains, bien qu’incrédules à la prédiction du déluge, Matth., xxiv, 37 ; I Petr., iii, 20, ne lui refusèrent pas leur concours. Cf. S. Augustin, Quœstiones in Heptateuchum, i, 5, t. xxxiv, col. 549. Le temps ne lui a pas fait défaut non plus, puisque Dieu lui annonça longtemps à l’avance le commencement du déluge ; et l’histoire a conservé le souvenir de gigantesques constructions que les anciens

ont terminées à la longue et, pour ainsi dire, par les seules forces de leurs bras.

L’arche était destinée à recevoir, outre Noé et sa famille, sept couples ou au moins sept têtes de chaque espèce d’animaux purs, et deux couples d’animaux impurs, Gen., vi, 18-21 ; vii, 1-3, 7-9, 13-16, des aliments appropriés non seulement pour toute la durée du déluge, mais encore sans doute pour le temps nécessaire aux premières productions du sol après le retrait des eaux. Or les dimensions de l’arche, toutes considérables qu’elles soient, ont paru insuffisantes pour fournir le logement nécessaire à toutes les espèces animales. Tant que le nombre des espèces connues fut peu considérable, les calculs plus ou moins ingénieux des Kircher, des Butéo, des Lepelletier, sur la distribution des animaux dans l’arche, satisfaisaient la légitime curiosité des croyants. Les progrès de la zoologie ont plus que décuplé le nombre des espèces décrites, et les savants les évaluent à plusieurs centaines de mille. Voir Vigouroux, Manuel biblique, 7e édit., t. i, p. 560, note. Il y a donc lieu de se demander si l’arche, si vaste qu’elle fût, aurait pu les contenir toutes. Pour résoudre cette difficulté, il est inutile de recourir avec quelques exégètes d’autrefois à des moyens extrêmes, que le texte sacré n’indique pas, tels que la diminution de la taille des animaux ou leur compénétration. Il importe d’abord de remarquer que certains savants exagèrent le nombre des espèces animales, parmi lesquelles ils introduisent de simples variétés. Du nombre réel, s’il était connu, il faudrait retrancher les espèces d’animaux fossiles, déjà éteintes avant le déluge, celles de beaucoup d’animaux aquatiques et amphibies, et celles enfin dont les larves ne sont pas détruites par l’eau. D’ailleurs, si l’on admet que le déluge ne s'étendit qu'à la terre alors habitée (voir Déluge), l’objection disparaît ; car Noé ne prit dans l’arche que les espèces animales qu’il connaissait, et qui étaient relativement peu nombreuses. La capacité de l’arche répondait donc au but que son divin architecte s'était proposé.

Les eaux du déluge, en s'élevant, soulevèrent l’arche qui voguait à la surface, tandis que l’inondation dévastait la terre, Gen., vii, 17 et 18 ; Dieu gouvernait de sa main puissante le navire qui portait le salut du monde et le germe de la postérité future. Sap., xiv, 6. Seuls ses habitants échappèrent à l'épouvantable cataclysme. Gen., vu, 23. Le vingt-septième jour du septième mois, cinq mois après le commencement du déluge, l’arche se reposa sur les montagnes de l’Ararat, Gen., viii, 4, en Arménie, selon la traduction de saint Jérôme. Voir Ararat. Par sa position centrale dans l’ancien continent, ce lieu était très propre à favoriser le repeuplement de la terre et la dispersion des descendants de N’oé. Deux montagnes particulières de la chaîne se disputent l’honneur d’avoir reçu l’arche. D’après Josèphe, Antiq. jud., i, iii, 6 ; Bérose, cité par Eusèbe, Prsep. Evang., ix, 11, t. xxi, col. 697 ; les targumistes Onkélos et le pseudo - Jonathan ; saint Éphrem, Hseres., 1, 4 ; xviii, 3, et la version syriaque, c’est le Djebel des monts Gordyens, dans le Kurdistan. Bérose ajoute qu’une partie du vaisseau de Xisuthrus y subsistait encore de son temps, et que les pèlerins raclaient l’asphalte des débris et s’en servaient comme d’amulettes pour repousser les maléfices. La tradition juive et arménienne a fixé le lieu du repos de l’arche sur le mont Ararat lui-même. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., 1889, t. i, p. 251-254.

Après un séjour d’un an et dix jours, Noé, ses enfants et tous les animaux, sur l’ordre de Dieu, quittèrent l’arche qui les avait préservés. Gen., viii, 14-19. L'Écriture ne nous dit pas ce que devint le grand navire, sauveteur du genre humain. Son souvenir ne s’est pas perdu, surtout dans le pays où l’arche s’est arrêtée. Du temps de l’empereur Auguste, les Arméniens assuraient qu’il y avait encore sur la montagne Barris [le vaisseau] des restes de l’arche. Saint Théophile d’Antioche, cité par saint Épiphane,

Adversus hsereses, i, t. xli, col. 260, et saint Isidore de Séville, Etymolog., xiv, 8, t. lxxxiii, col. 521, ont enregistré cette tradition. Dans le ne et le me siècle de l'ère chrétienne, les autorités sacerdotales d’Apamée de Phrygie firent frapper des médailles qui ont pour type l’arche ouverte, renfermant Noé et sa femme ( fig. 24C). La ville elle-même s’appelait KiSidtoç. Les premiers chrétiens du

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246. — Monnaie d’Apamée de Phrygie.

AYTOK. A. SEIIT SEOYHPOS. Tête diadémée de l’empereur Septime Sévère. - É$. EIII ArÛNOQETOT APTEMA T. En exergue : AIIAMEQN. Sur l’arche : NŒ. Dans Parche sont Noé et sa femme. Au-dessus sont deux oiseaux : l’un est perché sur le navire, l’autre arrive en volant vers le premier. Devant l’arche, à gauche, on voit Noé et sa femme sortis du vaisseau qui les a sauvés.

pays bâtirent au lieu désigné par la tradition comme le point d’arrêt de l’arche un couvent, dit le monastère de l’Arche, où ils célébraient une fête annuelle en mémoire de la sortie de Noé et de sa famille.

L’arche de Noé a reçu dans le christianisme de nombreuses significations mystiques. L’abbé Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit., art. Noé, p. 501-502, a recueilli celles que lui donnent les monuments figurés. Les Pères, s’appuyant sur I Petr., iii, 20, ont surtout vu dans l’arche la figure de l'Église. L’arche était pour les contemporains de Noé le seul moyen de salut : en dehors de l’unique arche sacrée du Christ, les hommes ne peuvent se sauver. Cf. Jos. Brucker, L’universalité du déluge, Bruxelles, 1886, p. 38-49 ; Ch. Robert, La non-universalité du déluge, Paris et Bruxelles, 1887, p. 28-42. L’arche renfermant des animaux purs et impurs représentait l'Église, composée de justes et de pécheurs. Ces animaux d’espèces différentes et de tous les genres étaient l’image de la belle variété des membres de l'Église et de sa catholicité. Fortement ballottée sur les eaux du déluge, l’arche ne fut ni renversée ni submergée : symbole de l'Église, sans cesse roulée par les Ilots agités de l’océan du monde, sur lequel elle vogue, et échappant toujours à la tempête. Voir Tailhan, Christologia Veteris Testamenti, autographie, Laval, p. 37-41 ; Hurter, De arca Noe Ecclesise typo Patrum sententise, dans ses Opuscula Patrum selecta, Inspruck, 1868, t. iii, p. 217-233.

Bibliographie, — S. Ambroise, De Koe et arca, vi-ix, t. xiv, col. 368-374 ; Arias Montanus, Exemplar, sive de sacris fabricis Noah, etc., Anvers, 1672 ; Jean Butéo, De arca Noe, Lyon, 1554 ; Athanase Kircher, Arca Noe, Amsterdam, 1675 ; * Matth. Hosti, Inquisitio in fabricant arcse Noe, Francfort, 1575, et Leyde, 1695 ; * G. Mœbius, Arca Noe conservatrix generis humani, Leipzig, "1686 ;

  • G. Gaspard Kirchmaier, Dissertatio de paradiso, arca

Noe, diluvio, etc., YVittenberg, 1662 ; Matthieu Petitdidier, Dissertationes historicse, etc., diss. xvii, sect. ii, Toul, 1699 ; Pereira, Comment, in Genesim, 1. x, Dearca Noe, diss. 1-13, Mayence, 1612 ; Noël Alexandre, Historia ecclesiastica Veteris Testamenti, dissert, x ; Jean Le Pelletier, Dissertation sur l’arche de Noé, Rouen, 1700 ; Bernard Lami, De tabernaculo fœderis, 1. ii, c. ii, Paris, 1720 ; Bible de Vence, Paris, 1767, t. i, p. 400-413.

E. Masgexot.

    1. ARCHÉLAUS##

ARCHÉLAUS ('Ap-/É).ao ; , « chef du peuple, » ) fils d’Hérode le Grand et de la Samaritaine Malthace (fig. 247). Il fut élevé à Rome avec son frère Hérode Antipas. À la mort de son père (4 avant J.-C), il était âgé de dix-huit ans. D’après le dernier testament d’Hérode le Grand, Arohélaùs devait, avec l’assentiment de l’empereur Auguste, hériter de la Judée, de la Samarie et de l’Idumée, et recevoir le titre de roi. Avant même les funé 247. — Monnaie d’Hérode Ârchélatts. IIPQAOT. Grappe le raisin avec une leuille de vigne. — i$. EQNAPXOY". Casque avec une double aigrette et deux paragnathldes. Dans le champ, a gauche, un caducée.

railles d’Hérode, qu’il fit d’ailleurs magnifiques, il se fit reconnaître par les soldats, et il essaya ensuite de gagner la faveur des Juifs par une diminution d’impôts. Mais ceux-ci, rassemblés pour les fêtes de Pâques, sur le refus d’Archélaûs de destituer le grand prêtre Joasar, fils de Boéthos, crurent le moment venu de se débarrasser de la famille d’Hérode, et se révoltèrent. Archélaùs réprima cruellement l'émeute : trois mille Juifs furent tués. Joséphe, Ant. jud., XVII, IX, 1. Une députation juive alla à Rome demander à l’empereur Auguste de rattacher la Judée à la province de Syrie. De leur côté, Archélaùs et son frère Antipas se rendirent aussi à Rome, pour plaider chacun leur cause devant l’empereur. Quelques commentateurs ont cru que Notre-Seigneur avait fait allusion à ces événements dans une de ses paraboles, rapportée par saint Luc, xix, 12-14 : « Un homme de grande naissance [le fils d’Hérode] s’en alla en un pays lointain [à Rome] pour recevoir un royaume [la Judée] et revenir ensuite… Or ceux de son pays [les Juifs] le haïssaient, et ils envoyèrent après lui une ambassade [à l’empereur Auguste], disant : Nous ne voulons point que cet homme règne sur nous. » Les ambassadeurs juifs n’obtinrent pas gain de cause. Pendant leur absence, la Judée s'était révoltée contre l’autorité romaine.

Auguste confirma en partie le dernier testament d’Hérode, et Archélaùs eut en partage la Judée, la Samarie et l’Idumée, avec les villes de Césarée, Joppé et Sébaste ; il avait six cents talents de revenu. L’empereur lui accorda seulement le titre d’ethnarque, mais lui promit celui de roi, s’il s’en rendait digne. Il ne l’obtint jamais. C’est donc dans son acception générale de « gouverner », que saint Matthieu, ii, 22, emploie le terme fSairiXE-Jît en parlant d’Archélaûs. Josèphe cependant appelle Archélaùs paaiXeuç, Ant. jud., XVIII, iv, 3 ; mais les monnaies le qualifient toujours de 1%-tipy^ : , « ethnarque ». De Saulcy, Recherches sur la numismatique judaïque, p. 133-138 ; Madden, History of Jeivish Coinage, p. 91-95.

Aucun événement important ne signala le règne d’Archélaûs ; il fit rebâtir avec magnificence le palais de Jéricho et fonda la ville d’Archélaûs. Malgré la défense de la loi mosaïque, il épousa la veuve de son frère, Glaphyra, fille d’Archélaûs, roi de Cappadoce, laquelle avait eu des enfants de son premier mari. Il se montra digne fils de son père Hérode par ses cruautés et sa tyrannie. Poussés à bout, ses sujets, Juifs et Samaritains, portèrent plainte à l’empereur Auguste. Appelé à Rome, Archélaùs dut se défendre contre les accusations des premiers personnages de la nation. N’ayant pu se justifier, il fut dépouillé de ses biens, et envoyé en exil à Vienne, en Gaule. Il avait régné dix ans.

C’est donc avec raison, et parce qu’il connaissait la cruauté d’Archélaûs, que saint Joseph, à son retour de

: l’Egypte, ne voulut pas, par crainte de ce fils d’Hérode, 
! retourner en Judée. Instruit en songe, il alla demeurer

à Nazareth, en Galilée, dans les États d’Hérode Antipas,

dont le gouvernement était beaucoup plus doux. Matth.,

' ii, 22-23. E. Jacquier.

' ARCHÉOLOGIE BIBLIQUE. C’est la science des . choses anciennes qui se rapportent à la Bible, et dont la

: connaissance est nécessaire, ou du moins utile, à l’intelligence du texte sacré.

I. Son objet. — En principe, cette science devrait comprendre tout ce qui concerne la doctrine philosophique et théologique de la Bible, l’histoire, la géographie, la linguistique, etc., en un mot tous les ordres de connaissance impliqués par le texte sacré. Mais plusieurs de ces matières sont si importantes, qu’elles forment à elles seules des sciences à part. L’archéologie restreint d’autant son domaine, ce qui lui permet de l'étudier plus à fond. Les objets dont elle s’occupe sont les suivants : 1° Antiquités domestiques : la famille, le mariage et ses conditions, les enfants, la santé et les soins qu’on lui donne, la mort et les funérailles, le vêtement et la parure, l’alimentation et les festins, la chasse et la pêche, les travaux de l’agriculture, de l'élevage et des métiers mécaniques. — 2° Antiquités sociales : les lieux habités, villes et villages, les relations amicales, hostiles ( guerre et armées) et commerciales, les monnaies, les poids et mesures, la division du temps, les institutions politiques et les fonctionnaires, les lois et leur sanction. — 3° Antiquités religieuses : le culte du vrai Dieu et des idoles, le culte primitif, patriarcal et mosaïque, les lieux du culte (tabernacle, temple de Salomon, de Zorobabel, d’Hérode, synagogues), les jours de fête, le sacerdoce (ses droits, ses pouvoirs, ses fonctions, ses vêtements), enfin les corporations d’ordre religieux, prophètes, sectes, etc. — 4° Antiquités littéraires et artistiques : écriture, poésie, musique et instruments, peinture, sculpture, architecture, épigraphie, élude et restitution des monuments anciens, etc. La géographie biblique, tant physique qu’historique, forme une science indépendante. Mais la configuration du pays est si nécessaire à connaître, pour se rendre compte des mœurs et des usages de la population et s’expliquer une foule de particularités du texte sacré, qu’on en joint ordinairement l'étude à celle de l’archéologie proprement dite. Du reste, il est souvent impossible de trouver à la topographie une autre base que l'épigraphie et l’examen des monuments. Enfin le peuple juif n’a été isolé ni géographiquement ni historiquement. Nous le voyons en relations tantôt amicales, tantôt hostiles, avec les Égyptiens, les Arabes, les Chananéens, les Phéniciens, les Assyriens, les Perses, les Grecs et les Romains. L’archéologie biblique doit donc, pour être complète, faire les emprunts indispensables aux archéologies de ces différents peuples. Sans nul doute la doctrine révélée est suffisamment claire par elle-même, indépendamment de toute notion archéologique ; mais du moment que la révélation a eu un cadre historique, il y a un intérêt majeur à connaître par le détail tous les éléments qui composent ce cadre : le texte n’en est alors que mieux compris, et son authenticité trouve un point d’appui inébranlable dans l’impossibilité où sont les rationalistes d’adapter convenablement l’histoire sacrée à un milieu différent de celui que lui assigne la tradition.

II. Son développement. — À vrai dire, les écrivains sacrés ont été les premiers à se préoccuper de fournir des éléments à l’archéologie. S’ils supposent beaucoup de choses connues de leurs lecteurs, il en est un grand nombre d’autres sur lesquelles ils prennent soin de les renseigner. Malheureusement ils ne pouvaient guère répondre qu’aux besoins de leurs contemporains, et n’avaient pas à prendre souci des détails qui seraient ignorés de longs siècles après eux. C'était l’enseignement oral qui suppléait chez les Juifs à l’insuffisance des connaissances

archéologiques. Mais cet enseignement portait surtout sur la doctrine et son interprétation. Josèphe s’en fait l’écho dans ses ouvrages, spécialement dans ses Antiquités judaïques, ’Apyxio’koyia’louSaïKïj. Son œuvre n’apprend presque rien en dehors de ce qui est connu directement par la Bible, et encore les préjugés nationaux et personnels de l’auteur obligent-ils à n’accepter ses dires qu’avec réserve. Philon, qui a écrit sur la création, la vie de Moïse, le Décalogue, la circoncision, les sacrifices, etc., n’est pas non plus un guide sur, à cause de la tendance qui le porte à chercher une origine juive à ses idées platoniciennes. Cf. Siegfried, Philo von Alexandria als Ausleger des allen Testaments, in-8o, léna, 1875. Les Talmuds sont des archéologies à leur manière. La Slischna traite des semences (agriculture, dîmes, année sabbatique, etc.), des fêtes, des femmes (mariage, famille, divorce, etc.), des dommages (législation civile et criminelle, idolâtrie, sanhédrin, etc.), des choses saintes (sacrifices et description du temple) et des purifications. Avec la Mischna, les Ghémaras de Babylone et de Jérusalem sont riches en renseignements sur l’antiquité juive. Mais les compilateurs de ces recueils se sont fait une conception trop arbitraire de l’archéologie. Tantôt ils sont l’écho fidèle des traditions anciennes, tantôt ils présentent comme antiques des usages tout récents, tantôt même ils inventent de toutes pièces, de sorte qu’il est toujours difficile de savoir à quoi s’en tenir avec eux. Néanmoins, quand ils n’ont pas intérêt à inventer ou à vieillir les choses dont ils parlent, ils peuvent être reçus comme des témoins utiles.

Les premiers siècles chrétiens eurent autre chose à faire que de l’archéologie. Après Constantin, on commença à s’en préoccuper dans l’explication de la Sainte Écriture. Mais les Pères d’Occident manquaient des éléments voulus pour l’étudier avec grand fruit. Aussi saint Augustin, dans la Cité de Dieu, fait-il surtout de l’archéologie grecque et romaine. Parmi les Pères grecs, ceux d’Alexandrie étaient trop épris de l’allégorie pour attacher une importance suffisante aux choses tangibles. Les Pères de l’école d’Antioche s’en préoccupèrent davantage, et consignèrent dans leurs écrits bien des détails que leur voisinage des pays bibliques les mettait à même de connaître. Les deux écrivains anciens qui firent accomplir le plus de progrès à la science archéologique furent Eusèbe de Césarée et saint Jérôme ; vivant tous les deux en Palestine, ils purent interroger, examiner et contrôler avec soin. Après eux et durant tout le moyen âge, l’archéologie biblique ne fut guère alimentée que par les récits des pèlerins de Terre Sainte. Ceux-ci avaient habituellement plus de piété que de critique, et acceptaient volontiers comme vrai tout ce qui était édifiant. Les savants de l’époque, absorbés par le travail de la spéculation philosophique ou théologique, laissèrent à faire aux siècles suivants un travail en vue duquel, il faut le reconnaître, ils n’étaient pas suffisamment outillés. L’occupation de la Palestine par les croisés fut trop précaire et trop agitée pour permettre une étude à fond du pays. Ce fut seulement quand on put parcourir la Terre Sainte avec plus de facilité et de sécurité que l’archéologie prit son essor. À la fin du xvie siècle, avec Arias Slontanus, chapelain de Philippe II, elle commença à devenir une science à part. L’étude des anciens monuments écrits lui fournit un premier aliment. L’institut du Caire, fondé par Bonaparte pendant sa campagne d’Egypte, contribua puissamment à développer le goût des recherches archéologiques dans les pays orientaux, et montra ce qu’on pouvait attendre de travaux scientifiques exécutés sur les lieux mêmes. L’archéologie biblique profita de cette impulsion. Dans notre siècle, l’étude directe des pays bibliques, les fouilles nombreuses pratiquées sur l’emplacement des lieux célèbres de Palestine et des anciennes cités de l’Egypte et de l’Assyrie, les découvertes vraiment merveilleuses et inespérées qui ont récompensé les efforts DIGT. DE LA BIBLE.

des explorateurs, ont fait de l’archéologie biblique une science du premier ordre. Catholiques, protestants, rationalistes, tous s’y appliquent, avec des vues diverses sans doute, mais avec des résultats qui prennent d’eux-mêmes le chemin de la vérité. Les protestants anglais ont fondé à Londres, en 1865, une société intitulée Palestine Exploration Fund, pour l’étude exacte et systématique de l’archéologie, de la topographie, de la géologie, de l’histoire naturelle et de l’ethnographie de la Palestine. Elle a pour organe une revue, Quarterly Statement, et on lui doit un grand nombre de publications. En 1878, les protestants allemands, à l’exemple de leurs voisins, ont fondé à Leipzig une société d’études bibliques, qui a pour organe le Zeitschrift des deutschen Palâstina Vereins. Une société américaine analogue s’est établie, après les deux autres, pour l’exploration des pays à l’est du Jourdain. Enfin une école pratique d’études bibliques fonctionne depuis 1890 au couvent de Saint-Étienne de Jérusalem, sous la direction des Pères dominicains, et depuis 1892 publie à Paris une Revue biblique. Pendant ce temps, les recherches se poursuivent activement en Egypte, en Assyrie et dans toutes les contrées où l’archéologie biblique peut recueillir d’utiles renseignements pour l’intelligence plus complète et la défense des Livres Saints. De grandes lacunes restent encore à combler. Mais les progrès accomplis au xixe siècle permettent d’espérer que de précieuses découvertes sont réservées aux siècles suivants, et que plus les attaques de l’incrédulité se multiplieront, plus Dieu fera surgir de partout des témoins irrécusables pour venger l’honneur de sa parole écrite.

III. Bibliographie. — Les ouvrages qui traitent de l’archéologie biblique peuvent se diviser en deux classes : les archéologies proprement dites et les dictionnaires. A ces ouvrages il convient d’ajouter ceux qui concernent l’archéologie des anciens peuples en rapport avec les Juifs. Nous ne donnerons pas la liste complète de tous les travaux écrits sur le sujet ; nous nous contenterons des principaux, en faisant remarquer que les meilleurs, parmi les plus récents, reproduisent ordinairement ce qu’il y a de plus utile dans les livres antérieurs. Les relations de voyages contiennent généralement des indications archéologiques souvent fort précieuses ; les principales seront indiquées au mot Géographie biblique.

1° Archéologies bibliques proprement dites. — Segonius, De republica Hebrœorum libri viii, in-f », Francfort, 1585 ; Arias Montanus, Antiquitatum judaicarum libri ix, in-4o, Leyde, 1593 ; * Goodwin, Hosesand Aaron, civil and ecclesiastical Rites used by the ancient Bebrews, in-4o, 1614 ; traduit en latin par J. H. Reiz, 1679 ; édition revue et augmentée par Hottinger, 1710 ; Menochius, De republica Hebrœorum libri viii, in-f° ; Paris, 1648 ; * H. Reland, Antiquitates sacrse veterum Hebrœorum, Utrecht, 1708 ; Leipzig, 1713 ; édition augmentée par Vogel, Halle, 1769 ; Cl. Fleury, Mœurs des Israélites, in-12, Paris, 1681 ; * C. lken, Antiquitates hebraicse, in-4°, Brème, 1730 ; in-8o, Utrecht, 1810 ;

  • D. Jennings, Jewish Antiquities, 2 in-8o, Londres, 1730 ;
  • "Canner, Antiquitates Hebrœorum, 2 in-4o, Gœttingue,

1743 ; * J. G. Carpzov, Apparatus historico-criticus antiquitatum Sacri Codicis et gentis hebrxse, in-4o, Leipzig, 1748 ; * Warnekros, Enhvurf der hebrûischen Attert humer, "VYeimar, 1782 ; 3e édit. par Hoffmann, 1832 ; Ugolini, Thésaurus antiquitatum sacrarum, 34 in-f°, Venise, 1744-1769, ouvrage dans lequel sont reproduites les meilleures monographies archéologiques publiées antérieurement ;

  • Rosenmùller, Handbuch der biblischen

Alterthumskunde, 6 in-8o, Leipzig, 1816-1820 ; * De Wette, Lehrbuch der hebrûischen jùdischen Archéologie, in-8o, Leipzig, 1814 ; 4e édit. par Ràbiger, 1864 ;

  • Pareau, Antiquitas hebraica breviter descripta, Utrecht,

1832 ; J. Jahn, Biblische Archéologie, Vienne, 1797-1805 ;

I. — 32

2\{\{e\}\} édit., 5 in 8°, Vienne, 1817-1825 ; Archxologia biblica in epilomen redacta, in-8o, Vienne, 1814 ; ouvrage amendé et amélioré par Ackermann, Archxologia bibhca breviter exposita, in-8o, Vienne, 1826 ; de Montbron, Essais sur la littérature des Hébreux, 4 in- 12, Paris, 1819 (archéologie sous forme romanesque, avec notes) ; * W. Brown, The Anliquities of the Jews from authenlic sources, and their Customs illustrated by modem travels, 2 in-8o, Londres, 1820 ; Kalthoff, Handbuch der hebràischer Alterthûmer, Munster, 1840 ;

  • G. L. Bauer, Kurzgefasstes Lehrbuch der hebràischen

Alterthûmer des alten und neuen Testament, 2e édit., par E. F. K. Rosenmùller, in-8°, Leipzig, 1835 ; * J. G. Palfrey, Academical Lectures on the Jewish Scriptures and Anliquities, 2 in-8o, Boston, 1840 ; Àllioli, Handbuch der biblischen Alterthumskunde, Landshut, 1844 ; * Ewald, Alterthûmer des Volkes Israël, in-8o, Goettingue, 2e édit., 1858 ; Saalschùtz quif), Arcliàologie der Hebràer, 2 in-8o, Kdnigsberg, 1855 ; * Keil, Handbuch der biblischen À rchàologie, 2 in-8o, Leipzig, 1858 ; Haneberg, Die religiôsen Alterthûmer derBibel, Munich, 2e édit., 1869 ; Scholz, Handbuch der biblischen Archàologie, Bonn, 1834 ; Id., Die heiligen Alterthûmer des Volkes Israël, Ratisbonne, 1868 ; * Kingler, Die biblischen Alterthûmer, Calwer, 5e édit., 1877 ; * Thomson, The Land and the Book, in-8, Londres, 1863 ; Schàfer, Die religiôsen Alterthûmer der Bibel, Munster, 1878 ; Schegg, Biblische Archàologie, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1886 ; Trochon, Archéologie biblique, dans l’Introduction générale à la Sainte Bible, in-8o, Paris, 1887, et abrégé, in-12, dans l’Introduction à l'étude de l'Écriture Sainte, 1890 ; V. Ancessi, Atlas géographique et archéologique pour l'élude de l’Ancien et du Nouveau Testament, in-4o, Paris, 1876 ; L. Cl. Fillion, Atlas archéologique de la Bible, in-f°, Paris, 1883.

2° Dictionnaires. — Dom Calmet, Dictionnaire de la Bible, in-f°, Paris, 1730, plusieurs fois réimprimé ; *Winer, Biblische Reahvôrterbuch, 2 in-8o, Leipzig, 3e édit., 1847 ;

  • Bost, Dictionnaire de la Bible, 2 in-8°, Paris, 1849 ;

de Saulcy, Dictionnaire des antiquités bibliques, gr. in-8o, Paris, 1859 ; 'Smith, À Dictionary of the Bible, 3 in-8o, Londres, 1863 ; * Schenkel, Bibellexicon, 5 in-8o, Leipzig, 1869 ; * Riehm, Handworterbuch der biblischen Alterthums fur gebildete Bibelleser, 2 in-8°, Leipzig, 1884, etc. Voir Dictionnaires de la Bible.

3° Archéologies orientales. — B. d’Herbelot, Bibliothèque orientale, ou Dictionnaire universel contenant tout ce qui fait connaître les peuples de l’Orient, leurs mœurs, leurs arts, in-f", Paris, 1697 ; 3 in-f°, La Haye, 1777-1779, etc. ; *S. Burder, Oriental Customs, 21n-8°, Londres, 1812 ; 5e édit., 1816 ; traduit et considérablement augmenté par G. F. C. Rosenmùller, Das alte und dos neue Morgenland, 6 in-8o, Leipzig, 1818 ; * Th. Harmer, Observations on divers passages of Scriplure placing them in neio light, compiled from relations incidentally menlioned in books of voyages and travels into the East, in-8°, 1764 ; 2 in-8°, 1776 ; 4 in-8o, 1816 ; Id., Beobachtungen ùber den Orient aus Reisebeschreibungen mit Anmerkungen von J. C. Faber, 3 in-8°, Hambourg, 1772 ; * J. G. Wilkinson, Manners and Customs of the ancient Egyptians, 2e édit., par S. Birch, 3 in-8o, Londres, 1878 ; * Lane, Modem Egyptians, 2 in-12, Londres, 1836 ; Maspero, Archéologie égyptienne, in-8o, Paris, et Lectures historiques, in-18, Paris, 1890 ; Babelon, Archéologie orientale, m-8°, Paris ; Lenormant et Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, 6 in-4o, Paris, 1881-1888 ; Ancessi, L’Egypte et Moïse, in-8o, Paris, 1875 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes en Palestine, en Egypte et en Assyrie, 5e édit., 4 in-12, Paris, 1889 ; Le Nouveau Testament et les découvertes modernes, in-12, Paris, 1887 ; Sayce, Fresh light from the ancient monuments, traduit en français par Trochon, La lumière nouvelle, in-12, Paris, 1888. On trouvera dans ces divers ouvrages

les renvois aux nombreux travaux de toute espèce qui

intéressent les points particulière de l’archéologie biblique.
H. Lesêtre.
    1. ARCHER##

ARCHER, celui qui tire de l’arc. Le premier archer mentionné dans l'Écriture est Ismaël, Gen., xxi, 20 ; le second est Ésaù, Gen., xxvii, 3. Mais l’usage de l’arc était connu avant eux. Quoique nous ignorions à quelle époque on commença de s’en servir, les monuments égyptiens, sur lesquels les archers figurent en si grand nombre dès la plus haute antiquité (flg. 223, 225, col. 902 et 903), montrent que cette arme est extrêmement ancienne. Déjà, à la fin du récit du déluge, dans la Genèse, ix, 14, elle donne son nom hébreu, qését, à l’arc-en-ciel. Cependant les archers ne paraissent être devenus nombreux en Israël qu'à l'époque des rois. Ceux de la tribu de Benjamin sont alors les plus renommés. I Par., viii, 40 ; xii, 2 ; II Par., xiv, 8 ; xvii, 17. Après eux viennent ceux des tribus transjordaniques, Ruben, Gad et Manassé, I Par., v, 18, et ceux d'Éphraïm. Ps. lxxvii (hébreu, lxxvhi), 9. Voir Arc.

    1. ARCHI##

ARCHI (hébreu : Hâ'arkî, avec l’article ; Septante : 'A-zocTocpuOi, forme altérée des deux noms Archi et Ataroth, qui ont été à tort confondus en un seul), localité située sur la frontière de la tribu d'Éphraïm et de Benjamin, Jos., xvi, 2, et d’où était originaire Chusaï, ami de David, appelé pour cette raison l’Arkite, ou, selon l’orthographe de la Vulgate, l’Arachite. II Reg., xv, 32 ; xvi, 16 ; xvii, 5, 14 ; I Par., xxvii, 33. La forme hébraïque hâ'arki signifie proprement Arkite ou Arachite, et ne semble pas désigner directement un nom de ville ; celle - ci devait s’appeler 'Érek (ou Arach), comme la ville de la plaine de Sennaar, mentionnée Gen., x, 10, et de là avait été tirée la dénomination ethnique : Arachite, « originaire d’Arach » ou « habitant d' Arach ». Le passage de Josué, xvi, 2, qui a embarrassé beaucoup de traducteurs anciens et modernes, doit se traduire : « [La frontière d'Éphraïm] passe par le pays des Arachites [pour aller] vers Ataroth. » Plusieurs commentateurs ont supposé que les Arachites étaient une tribu chananéenne ; mais ce n’est qu’une hypothèse.

D’après les savants du Palestine Exploration Fund, Archi ou Érech n’est pas autre que l’Ain Arik actuel. Conder, Tenlwork in Palestine, 1878, t. ii, p. 104 ; Id., Palestine, 1889, p. 253 ; The Survey of Western Palestine, Memoirs of the topography, 1883, t. iii, p. 7. Cette identification, sans être certaine, peut être considérée comme probable. Ain Arik est un petit village complètement chrétien. G. Ebers et H. Guthe, Palâstina, t. i, p. 238. Il est situé entre Béthel et Béthoron, au fond d’une vallée. À l’ouest est une source d’eau excellente (Ain Arik, « source d’Arik » ), qui forme un petit ruisseau. Tout à l’entour sont des oliviers. Sur les bords de l’eau, des citronniers et d’autres arbres forment un épais bosquet. Marino Sanuto a marqué sur sa carte, en 1321, Ain Arik sous le nom d’Arécha.

    1. ARCHIPPE##

ARCHIPPE ("Ap-/iimo ; ), chrétien du premier siècle. Dans son épître aux Colossiens, iv, 17, saint Paul fait dire à Archippe de considérer le ministère qu’il a reçu dans le Seigneur afin de le remplir ; dans la lettre à Philémon, 2, il l’appelle son compagnon d’armes, <Tucrrpa-riiûT ?) ; . Archippe était probablement de la famille de Philémon, peut-être son fils. Quel était le ministère qu’il avait à remplir ? On ne peut là-dessus qu'émettre des conjectures. Saint Jérôme, Théodoret et Œcuménius ont cru qu’il avait été évêque de Colosses ; d’autres, Conslit. apost., vii, 46, 1. 1, col. 1053 ; Théodoret, In Col., iv, 17, t. lxxxii, col. 628, ont supposé qu’il était docteur, et qu’il enseignait à Laodicée. D’après la tradition, Archippe aurait été un des soixante-dix disciples, et aurait souffert le martyre à Chones, près de Laodicée. Les Grecs célèbrent

sa fête le 22 novembre, et les Latins, le 20 mars. Voir Dietelmair, De Archippo, in-4o, Altorꝟ. 1750.

E. Jacquier. ARCHISYNAGOGUS (Ap-/t<W Y ur ;  ; Vulgate : archisynagogus), mot inconnu aux auteurs profanes et inventé par les Juifs hellénistes qui rendirent ainsi l’expression rôs hakkenésép, usitée en Palestine pour désigner le chef de la synagogue. Marc, v, 22, 35, etc. ; Luc, viii, 49 ; xiii, 14 ; Act., xiii, 15 ; xviii, 8, 17. Voir Synagogue.

ARCHITECTE. Les Hébreux ne s'étant pas adonnés aux arts, il y eut chez eux des maçons et des constructeurs, mais non des architectes proprement dits. Hiram, l’architecte qui construisit le temple de Salomon, était Phénicien. III Reg., vii, 13. Il n’y avait même pas, dans l’ancien hébreu, de nom spécial pour désigner l’architecte. (Le mot architectus, qu’on lit dans la Vulgate, Is., m, 3, est la traduction de hàrâs, « ouvrier. » ) Il n’est nommé que dans les livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament, Eccli., xxxviii, 27 (28) ; II Mach., Il, 29 (30), et dans le Nouveau Testament, I Cor., iii, 10 ^ « pXitéxtwv). L’Ecclésiastique en parle d’une manière peu précise ; l’auteur du second livre des Machabées dit que l’architecte édifie une maison nouvelle et prend soin de tout ce qui se rapporte à sa construction ; saint Paul, se comparant à un architecte sage, dit qu’il a commencé par poser solidement les fondements de l'édifice de la conversion des Corinthiens, et qu’un autre a continué son « euvre en bâtissant sur ses fondements. Voir Architecture HÉBRAÏQUE.

ARCHITECTURE HÉBRAÏQUE. — L’architecture est l’art de bâtir suivant des règles déterminées par la destination des édifices. Cet art, quand il s’agit des monuments du passé, fait partie de l’archéologie, dont il est une des branches les plus importantes. Les monuments, en effet, forment une histoire très expressive des croyances, des mœurs, de la civilisation des peuples anciens. Leur étude est donc très utile ; sans elle, pour la Sainte Écriture en particulier, il est bien des scènes et des expressions dont on ne peut se faire une idée très exacte.

Si l’on considère l’architecture par rapport à la destination des monuments, on peut la diviser en religieuse, civile et funéraire. L’architecture religieuse comprend les édifices destinés au culte : temple, synagogues ; l’architecture civile : les maisons, les palais, les piscines et aqueducs, les forteresses ; l’architecture funéraire : les tombeaux. Voir, pour les détails, ces différents mots.

De même que tous les arts, l’architecture a débuté d’une façon rudimentaire. Les grottes naturelles, les cabanes de feuillage ou les tentes furent les habitations primitives. Les hauts lieux ou les clairières des forêts servaient de temple ; un tertre en terre ou quelques pierres assemblées formaient un autel. Ce n’est pas à dire que les premiers hommes fussent des sauvages : une civilisation matérielle peu développée s’allie très bien avec un état intellectuel et moral élevé. Ce que les exigences de la vie et la simplicité des goûts avaient commencé, le progrès de la civilisation, le sentiment du beau, la recherche du bien-être et du luxe, l’achevèrent. Les édifices prirent des formes plus correctes, plus agréables, plus savantes. C’est alors seulement que l’architecture constitua un art. La première mention d’une construction qui soit faite dans la Bible se trouve dans l’histoire de Caïn. Ce fut lui qui bâtit la première ville, Gen., iv, 17 ; ce qui sans doute ne désigne encore qu’un ensemble de constructions assez rudimentaires, protégées par quelque fossé ou retranchement (voir col. 661). À l'époque du déluge, les hommes, habiles à travailler le bois et le fer, devaient bâtir avec plus d’art ; mais nous n’avons aucune donnée sur leur architecture. Après le déluge, les races issues de Noé se dispersent par le monde ; chaque peuple se développa suivant son génie particulier, qu’il traduisit par une archi tecture spéciale en rapport avec le climat où il avait fixé sa demeure, et avec les matériaux qu’il avait sous la main. La tour de Babel, élevée probablement par des peuples de la race de Sem, semble se rattacher au système des édifices à étages de la Chaldée. Gen., xi, 4. Les ancêtres du peuple hébreu, Abraham, Isaac et Jacob, menèrent la vie pastorale dans la terre de Chanaan et habitèrent sous la tente. Eu Egypte, les nombreux descendants des patriarches échangèrent leurs habitudes nomades contre une vie plus sédentaire et s’initièrent aux arts d’une civilisation déjà avancée. Obligés de bâtir pour le Pharaon les importantes villes de Pithom et de Ramsès, ils durent aussi se construire pour eux des maisons semblables à celles qu’ils avaient sous les yeux dans les villages égyptiens : petites huttes de terre, entourées d’un enclos de verdure, le amm si cher à l’habitant de la chaude vallée du Nil. Après la conquête de la Palestine, les Hébreux s'établirent dans les maisons des Chananéens qu’ils avaient dépossédés, Deut., vi, 10, 11, et au besoin en élevèrent d’autres de même genre :-c'étaient de simples maisons en argile, en brique ou même en pierre, bâties sans style. Un monument, qui au dire de plusieurs savants date de cette époque, sans être bien remarquable au point de vue de l’art, a cependant un certain cachet architectural : c’est le tombeau de Josué à Tibnéh ; il paraît être de style chananéen. Pendant la période agitée des Juges et des commencements de la royauté, les enfants d’Israël ne purent cultiver les arts. Aussi, quand David voulut be construire m palais à Jérusalem, dut-il recourir aux habiles ouvriers que lui envoya Hiram, roi de Tyr. II Reg., v, 11. De même, pour diriger les travaux pendant la construction du temple et des palais royaux, Salomon employa des architectes et des ouvriers phéniciens. C’est ce qui a fait penser à plusieurs auteurs que le style de ces édifices devait être phénicien. Mais, on le sait, ce peuple commerçant ne fut pas original dans les arts ; il emprunta beaucoup à l’Egypte et à l’Assyrie. Il ne faut pas oublier d’ailleurs que le temple de Salomon fut bâti d’après le plan du tabernacle mosaïque. Par ses dispositions générales, il rappelle certains temples de l’Egypte, comme celui de Khons à Karnak, ceux de Louqsor et de Dendérah. Dans quelle mesure l’art égyptien et assyrien, modifié déjà par les Phéniciens, adopta-t-il en Judée des éléments ou changements nouveaux de façon à présenter une certaine originalité ? La question ne peut être élucidée que par une étude approfondie des édifices salomoniens. Voir Temple de Jérusalem. Il suffit de remarquer ici, comme on peut le constater par ce qui reste des murs de soutènement du temple et par quelques parties des souterrains dits de Salomon, que les constructions de cette époque se distinguent par la grande dimension des matériaux et par l’appareil à refends. Le grand roi constructeur fit faire aussi des piscines. Eccl., ii, 6. Voir Aqueduc. De plus, il fortifia Jérusalem et quelques autres places. Ses successeurs achevèrent les parvis du temple, II Par., xx, 5, et embellirent la ville. De leur côté, les rois d’Israël se bâtirent une capitale, Samarie, <c la couronne d’orgueil d'Éphraïm ; ils y élevèrent des palais : palais d’hiver, palais d'été, palais d’ivoire. » Ainos, iii, 15. Mais de toutes ces constructions il ne reste plus aucune trace. Au retour de la captivité de Babylone, les Juifs, sous la conduite de Zorobabel, relevèrent de ses ruines le temple de Salomon ; il ne fut pas rétabli avec la même magnificence, et en plus d’un point le souvenir de l’art babylonien et persépolitain dut se faire jour. À partir des Machabées, surtout sous Hérode, l’art grec et romain exerça son influence en Judée. Les synagogues se bâtissent toutes à peu près dans le même style : la synagogue de Kefr-Birim, avec ses trois portes sculptées, les restes de sa colonnade intérieure et son style dorique romain, permet de se faire une idée du plan et de l’ornementation de ces édifices. Voir Synagogue. Plusieurs des belles tombes de la vallée de Josaphat et de la vallée d’Hinnom

présentent la même architecture gréco-romaine, modifiée d’après les principes judaïques, qui en particulier n’admettent pas dans les décors des figures d’animaux, mais empruntent de préférence l’ornementation au règne végétal. On sait qu’Hérode le Grand entreprit la reconstruction du second temple sur un plan plus vaste et plus riche, et qu’il embellit la ville de nombreux et splen’dides monuments, comme son palais en marbre blanc et la forteresse Antonia agrandie ; le temps et les révolutions ont tout détruit, sauf quelques murailles de l’enceinte du temple.

Il ressort de ce rapide exposé que les Hébreux n’ont pas eu un art national, un style particulier nettement caractérisé, mais des imitations plus ou moins modifiées des architectures égyptienne, assyrienne, phénicienne, grecque et romaine. Il est donc utile d'étudier l’architecture de ces différents peuples pour se rendre un compte plus exact de l’art judaïque, qui leur a fait des emprunts si considérables. Il l’est encore pour la pleine intelligence des Livres Saints, composés dans ces divers pays ; ainsi Ézéchiel et Daniel nous font vivre à Babylone, Esther au palais de Suse. Les scènes décrites, les expressions employées ont une couleur locale qu’on ne peut bien saisir sans être initié à la civilisation de ces peuples étrangers, et en particulier à leur architecture.

Cf. £. Bosc, Dictionnaire raisonné d’architecture, 4 in-4o, Paris, 1877, aux mots Architecture et Assyrienne, Babylonienne, Persépolitaine (architecture) ; Phénicien (an) ; Perrot et Chipiez, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iv, Judée, Paris, 1887 ; de Saulcy, Histoire de l’art judaïque, in-8°, Paris, 1858 ; Batissier, Histoire de l’art monumental, in-4o, Paris, 1860 ; J. Fergusson, History of architecture in ail countries, 2 in-8o, Londres, 1865-1867 ; J. Fergusson, The palaces of Nineveh andPersepolis restored, an essay on ancient Assyrian and Persian Architectures, in-8°, Londres, 1851 ; W. Liibke, Geschichte der Architekture, in-8o, Leipzig, 1865 ; The Dictionary of Architecture, in-f°, t. iv, Londres, 1868, p. 38-39. E. Levesque.

    1. ARCHITRICLINUS##

ARCHITRICLINUS, en vieux français, Architriclin. Le mot grec 'apyixp : .Y.}.v/n-, Joa., ii, 8, signifie « le chef du TpsxXivov, triclinium ». Le triclinium est proprement la réunion de trois lits de table, disposés de manière à former trois côtés d’un carré, comme le montre un bas-relief

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248. — Triclinium. Bas-relief de Padoue.

trouvé à Padoue (fig. 248). Il y a, au milieu, un espace vide pour la table. Un côté reste ouvert, pour faciliter le service aux esclaves. Le chef du triclinium ou architriclin est l’intendant du festin. Plusieurs commentateurs ont pensé que l’architriclin était un titre équivalent à celui de symposiarque (<rju.îro<7Îap-/r l : ) chez les Grecs, magister ou rex convivii chez les Latins. Le symposiarque ou maître du festin était un des convives choisi pour diriger la marche du repas et la manière dont on devait boire. Xénophon, Anab., vi, 1, 30 ; Horace, Od., i, 4, 18 ;

h, 7, 25 ; Sat., ii, 2, 123. L’Ecclésiastique parle de ce personnage, qu’il appelle ^ycrjy.vio ;  : « Si tu es établi chef [du festin], ne t’enorgueillis pas. Sois au milieu [des convives] comme l’un d’entre eux ; prends soin d’eux et assieds-toi ensuite ; quand tu as fait tout ce que tu dois faire, prends ta place, afin que tu puisses te réjouir avec eux et recevoir la couronne pour la bonne ordonnance du festin. » Eccli., xxv, 1-2 (texte grec) ; Vulgate, xxxii, 1-3. Il est probable que l’architriclin des noces de Cana dont parle saint Jean, n’est pas, d’après le contexte, Joa., Il, 8-9, le symposiarque, mais une sorte de maitre d’hôtel chargé de préparer les tables et les lits où l’on s'étendait pour manger, de disposer les plats, .de goûter les viandes et le viii, pour s’assurer qu’ils sont bons ou bien préparés. Héliodore, vii, 27. Ce n’est que par une méprise grossière que quelques auteurs ont pu penser qu' Architriclin était le nom de l'époux de Cana, comme on le lit dans le roman de Garin le Lorrain :

Par cil Dame Deu, qui de l’iau fit viii, Au jor des noces de saint Architriclin.

Saint Jean, ii, 9, distingue expressément l'époux de Varchitriclinus. Voir Walch, De architriclino, Iéna, 1753.

ARCHIVES. Lorsque la royauté eut été établie en Israël, les rois eurent des archives dont la garde fut confiée au grand officier appelé en hébreu mazkîr, « l’historiographe. » (Vulgate : a commentariis.) Ces archives renfermaient les annales des rois, dont il est souvent question dans l'Écriture, III Reg., xi, 41 ; xiv, 29 ; xv, 7, etc., et sans doute, de plus, tout Ce qui servait à l’administration du royaume. Les rois perses avaient aussi des archives. Elles sont mentionnées expressément Esth., vi, 1, et I Esdr., iv, 15. Elles sont appelées, dans Esther, séfér hazzikrônôt ; et dans Esdras, se far dâkrânayâ' dî 'âbâhâtâk, « le livre des souvenirs (de tes pères). »

ARCHIVISTE. Lemazkîr (Vulgate : a commentariis) ou historiographe officiel, chargé à la cour des rois de Juda et d’Israël d'écrire les annales des rois (Voir Annaliste, col. 626), devait aussi les conserver et remplir les fonctions que nous désignons aujourd’hui sous le nom d’archiviste. II Reg., viii, 16 ; xx, 24 ; III Reg., iv, 3 ; IV Reg., xviii, 18, 37 ; I Par., xviii, 15 ; II Par., xxxiv, 8 ; Is., xxxvi, 3, 22. C'était un des emplois les plus importants des cours orientales, parce que celui qui le remplissait était toujours un des principaux ministres et que son office était un poste de confiance qui mettait entre ses mains les secrets d'État. Voir Archives.

    1. ARCONES##

ARCONES (André Luc de), commentateur espagnol, né à Grenade en 1592, entra au noviciat des Jésuites en 1610, professa l'Écriture Sainte pendant trente ans, et mourut à Grenade, le 26 août 1658. Il a laissé un long commentaire d’Isaïe : Isaiae prophétie dilucidatio literalis, mystica et moralis, exornata discursuum varietate, 2 in-f », Lyon, 1642-1652. C. Sommervogel.

    1. ARÇONS##

ARÇONS (César d'), physicien français, originaire de Viviers en Gascogne, mort en 1681. Il était avocat au parlement de Bordeaux et s’occupa de physique et de théologie comme de droit. On a de lui, relativement à l'Écriture Sainte, trois dissertations : Sur la dispute entre saint Pierre et saint Paul ; Sur l’endroit où Jésus-Christ établit saint Pierre pour son vicaire en terre ; Sur la généalogie de Jésus-Christ, in-4o, Bruxelles, 1680 ; Eschanlillon sur le premier des trois tomes d’un ouvrage qui fera voir dans l’Apocalypse les traditions apostoliques ou les mystères de l'Église, passés, présents et à venir, in-4°, Paris, 1658. L’auteur avait le projet de découvrir dans l’Apocalypse les sept sacrements, les sept ordres de la hiérarchie, etc. ; mais il s’en tint à son Eschantillon, qui contient ce qu’il avait à dire de l’ancienne

loi, de la Trinité et de l’histoire de Jésus-Christ. Voir Moréri, Dictionnaire historique, 1759, t. i, p. 276.

    1. ARCTURUS##

ARCTURUS, étoile de première grandeur, la plus belle de notre hémisphère boréal avec Véga ; elle se trouve dans la constellation du Bouvier ; mais comme on la rencontre sur la prolongation de la ligne courbe tracée par les trois étoiles qui forment la queue de la grande Ourse, les Grecs lui donnèrent le nom de 'Apx700po ; , « la queue de l’ourse » (SpxTo ; , « ourse, » et oïpa, « queue » ). En fait, elle ne paraît être nulle part spécialement mentionnée dans la Bible, quoique les Septante au moins une fois, la Vulgate quatre fois, se soient servis de son nom pour désigner d’autres constellations ou phénomènes célestes. Ainsi : 1° dans Job, ix, 9, Arcturus rend le nom hébreu 'as ; d’après le contexte et l’autre passage de Job, xxxviii, 32, où 'ai ('ayis) se rencontre, et où la Vulgate le traduit par Vesperum, ce mot désigne une constellation plutôt qu’une étoile en particulier, et, selon toute probabilité, la grande Ourse elle même. La relation étroite dans laquelle, par sa position et par son nom, Arcturus se trouve avec la grande Ourse, explique comment saint Jérôme a été amené dans ce cas à cette traduction. De plus, dans ce même passage, Job, ix, 9, les Septante s'étaient servis du nom d' Arcturus pour rendre une des trois constellations nommées. — 2° Dans Job, xxxvii, 9, l’hébreu meiârim, « ceux qui dispersent, » désigne sans doute les vents du nord ; ce qui cadre exactement avec le contexte : « Du midi vient l’ouragan, et des vents du nord le froid. » Dans la traduction de la Vulgate, et ab Arcturo frigus, Arcturus a été choisi peut-être pour désigner d’une façon générale la région boréale. — 3° Il est plus difficile d’expliquer comment Arcturus se trouve pour kcsîl dans Job, xxxviii, 31, alors que la Vulgate a bien traduit ailleurs ce même mot par Orion. Job, ix, 9 ; Amos, v, 8. — 4° Dans Amos, v, 8, saint Jérôme a rendu par Arcturus l’hébreu kimâh, tandis qu’il y avait vu avec plus de raison les Pléiades dans Job, xxxviii, 31, et à tort les Hyadcs dans Job, ix, 9. On voit par cet exemple qu’il n’a pas été en ces matières très constant dans ses traductions, malgré la note intéressante sur kimâh et kesil que nous fournit son commentaire d’Amos, v, 8, Patrol. lat., t. xxv, col. 1042 : « Arcturus se dit en hébreu chima ; Symmaque et Théodotion le rendent par vluiha (Pléiade) ; on l’appelle vulgairement le bouvier (bootem). Orion, qui suit dans le texte, se dit en hébreu chasïl ; Symmaque le traduit simplement : les étoiles ; Théodotion : Vesperus. Le Juif qui nous a instruit dans les Saintes Écritures pensait que chasil peut s’interpréter éclat, splendeur, et signifier d’une façon générale astres brillants. »

Ces incertitudes expliquent les variations de notre traducteur latin ; et comme d’Homère et Hésiode à Virgile et Horace, Arcturus est une des étoiles souvent célébrées par les poètes grecs et latins, son nom se présentait aussitôt à la pensée de saint Jérôme, si accessible aux réminiscences classiques, quand il se trouvait en présence de mots hébreux rares et obscurs, là où le contexte laissait conjecturer le nom de quelque astre. Et voilà pourquoi, dans la Vulgate, le même Arcturus a été employé pour les trois constellations nommées dans l’hébreu 'as, kimâh, kesil (probablement la grande Ourse, les Pléiades et Orion), et, de plus, pour traduire le nom obscur de meiârim.

J. Thomas.

    1. ARCULFE##

ARCULFE, évêque français de la seconde moitié du VIIe siècle. On ignore le siège qu’il occupait ; ce serait Périgueux, selon quelques critiques. (Alexis de Gourgues, Le saint Suaire, Périgueux, 4868, p. 16.) Il semble plutôt avoir été ordonné seulement pour le service d’un monastère. Bède, Hist. eccles. Anglorum, v, 15, t. xcv, col. 256, nous rapporte qu’au retour de son pèlerinage en Terre Sainte, vers 670, Arculfe fut jeté par la tempête sur les côtes des lies Britanniques : ce qui est difficile à croire, quand on songe que notre pèlerin se rendait de Rome en

France. N’est-il pas plus probable qu’après être rentré dans sa patrie, il entreprit bientôt un nouveau voyage pour aller visiter Iona, appelée alors l’Ile des saints ? Après avoir échoué sur les côtes occidentales de la GrandeBretagne, il aurait atteint le but de son pèlerinage. Reçu par Adamnan, abbé du monastère de Columb-Hill, il lui raconta son voyage aux Lieux Saints, accompagnant son récit du dessin des sanctuaires qu’il décrivait. Adamnan recueillit cette précieuse relation par écrit, et en la rédigeant fit quelques additions tirées de différents auteurs. Cet ouvrage est divisé en trois livres : 1° Jérusalem ; 2° Bethléem et les villes principales de la Palestine ; 3° Constantinople. Outre les éditions de Gretzer et de Mabillon (voir Âdamxan, col. 210), nous en avons d’autres plus récentes : l'édition de Migne en 1850, réimpression de celle de Mabillon, Patr. lat., t. lxxxiii, col. 779 ; celle de Delpit en 1870, Essai sur les anciens pèlerinages à Jérusalem, suivi du texte du pèlerinage d' Arculfe ; c’est le texte de Mabillon avec quelques variantes tirées d’autres manuscrits ; enfin l'édition de Tobler, Arculfi relatio de Locis Sanctis, dans Itinera Terrai Sanctæ, t. i, in-8°, Genève, 1877. Cf. Itinera hierosolymitana, de Tobler et Molinier, préface, p. xxx-xxxm, in-8°, Genève, 1880, et M. Delpit, ouvr. cité ; D. Ceillier, Histoire générale des auteurs ecclésiastiques, édit. Bauzon, t. xi, p. 800-801.

E. Levesque. ARDON (hébreu : 'Ardon, « fugitif ; » Septante : 'ApS(ov), fils de Caleb et d’Azuba, de la famille d’Hesron de Juda. I Par., ii, 18.

ARÉA (hébreu : 'Arah, « émigrant ; » Septante : "Apec, 'Hpad, 'Hp « ), chef de la famille dont les descendants revinrent de Babylone au nombre de sept cent soixantequinze, d’après I Esdr., ii, 5 ; de six cent cinquante-deux, d’après II Esdr., vii, 10. Le premier dénombrement fut peut-être fait à Babylone, et le second seulement après le retour en Judée. Un de ses descendants est appelé Séchénias, II Esdr., vi, 18, et était gendre de Tobie l’Ammonite.

    1. AREBBA##

AREBBA (hébreu : Hârabbâh, avec l’article, « la

grande ; » Septante : Ewôr^â ; Codex Alexandrinus : 'Apsôêi), ville de Juda, nommée seulement dans Josué, xv, 60. Beaucoup de commentateurs modernes l’appellent « Rabba », en supprimant l’article. Elle est énumérée, avec Cariathiarim, dans le groupe des villes situées à l’ouest de Jérusalem, sur la frontière septentrionale de la tribu de Juda. Quelques commentateurs ont supposé qu’Arebba n'était qu’une épilhète désignant Jérusalem comme « la grande » ville, parce que Jérusalem n’est pas nommée par son nom dans la liste de Josué, xv, 48-60 ; mais c’est là une hypothèse peu vraisemblable : Jérusalem étant appelée de son vrai nom dans le reste du livre de Josué, v, 1, 3, 5, etc., pourquoi ne le serait-elle pas également ici ? Cf. Jos., xv, 63. De plus cette ville fut donnée à la tribu de Benjamin, non à celle de Juda. Jos., xviii, 28. La situation d’Arebba est douteuse. Plusieurs géographes modernes l’identifient avec Rebba, au sud-ouest de Jérusalem, au nord-est d'Éleuthéropolis (Beit-Djibrin). On peut objecter contre cette identification qu’Arebba est nommée avec Cariathiarim (Kiriet el-Énab), dans le texte de Josué, xv, 60, et que Rebba est bien éloignée de Kiriet el-Énab, puisque cette dernière est à quatre heures de marche environ au nord-est. Cependant cet éloignement n’est pas suffisant pour rejeter l’identification, qui a pour elle la similitude du nom, Rebba étant la même chose que hâ-Rabbàh et étant certainement comprise dans la tribu de Juda. — Rebba n’est plus aujourd’hui qu’un monceau de ruines « d’une assez grande étendue, dit M. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 336 ; ces ruines couvrent le sommet et les pentes d’une colline, De nombreuses citernes et des caveaux pratiqués dans le roc attestent une haute antiquité. Les maisons, de dimensions très restreintes, étaient pour la plupart construites 939

AREBBA — ARÉOPAGE

avec des pierres de taille d’appareil moyen et généralement bien équarries ; elles jonchent partout le sol de leurs débris. Un édifice renversé également de fond en comble paraît avoir été une église, ce qui prouve que, à l'époque chrétienne, cette localité était encore habitée. »

    1. ARECON##

ARECON (hébreu : Hâraggôn, avec l’article), ville de la tribu de Dan, Jos., xix, 46. Le texte original porte ici pi^m ppl’n » d, mê hayyarqôn vehâraqqôn, « les eaux

du Yarqon, » ou aquse flavedinis, « eaux de couleur jaune, » ce que laVulgate rend littéralement par Meiarcon et Arecon. Mais les Septante traduisent ainsi : àrc’o OiXauffri ; 'Ispixwv. Ils ont donc lu j’pii d s o, miyyâm Yeraqôn, « à partir de la mer, Yeraqon, » ne voyant dans le second mot, hâraqqôn, que la répétition du premier, ou bien ce mol lui-même n’existant pas dans leurs manuscrits. Les autres versions anciennes suivent l’hébreu.

Arecon, auparavant inconnue, a été identifiée par Conder et les explorateurs anglais avec Tell er-Rakkeit, localité située sur les bords de la mer, au nord de Jaffa. Meiarcon se retrouverait ainsi dans le Nahr el-Audjéh, qui coule un peu plus au sud. Cf. Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 262 ; G. Armstrong, W. Wilson, Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 147, au mot Rakkon. Cette identification semble conforme à l'énumération de Josué, xix, 45, 46, et la frontière septentrionale de Dan se trouve par là même bien déterminée. Voir la carte de la tribu de Dan.

A. Legendre.

ARED (hébreu : 'Ard, « fugitif (?) ; » Septante : 'ApâS), dixième fils de Benjamin. Gen., XLVI, 21.

ARÉE (hébreu : Arah, « émigrant ; » Septante : 'Apâ), un des fils d’Olla, de la tribu d’Aser. I Par., vii, 39.

    1. ARÉLI##

ARÉLI (hébreu : 'Ar'êli ; Septante : 'Aper, Xsfç, Gen., xlvi, 16 ; 'Aprrç)., Num., xxvi, 17), septième fils de Gad, chef de la famille des Ariélites (hébreu : hâ'ar'êli). Gen., xlvi, 16. La Vulgate le nomme Ariel dans les Nombres, xxvi, 17. Voir Ariel 1.

AREM ( hébreu : Hârim, « camus ; » Septante : 'Hpâji.), chef de famille dont les descendants revinrent de la captivité de Babylone au nombre de mille dix-sept. Il Esdr., vii, 42. Il est appelé Harim, I Esdr., ii, 39 ; x, 21, et Harem, II Esdr., x, 5, probablement, dans les deux derniers cas, comme désignant la famille. Voir Harem et Harim 3.

    1. ARÉOPAGE##

ARÉOPAGE, nom d’une colline d’Athènes sur laquelle on supposait, d’après la tradition mythologique, que Mars avait du se justifier du meurtre d’Hallirrhotius, fils de Neptune (de là son nom 6 "Apeioc racyo ; , « colline de Mars » ), et plus tard Oreste de celui de sa mère (fig. 249). Un tribunal y siégea de très bonne heure,-r, èv ApstM 7ci-f m PouXtj, ou encore r, 2v&> 30u), r„ « le conseil d’en haut ». On supposait le tribunal de l’aréopage fondé par Minerve elle-même par opposition à l’autre conseil, qui tenait ses séances dans un palais situé en bas, sur l’Agora. Voir Aréopagite. D’abord les Eupatrides seuls en firent partie. Dans la suite il suffit d’avoir été archonte, et de s'être honoré en remplissant dignement cette charge, pour y siéger. Au reste, les attributions de l’Aréopage s'étendirent bientôt considérablement. Solon lui confia le soin de surveiller les mœurs publiques et de maintenir la constitution de l'État. L’iniluence de cette assemblée devint si grande, qu’après avoir longtemps siégé lien que les trois derniers jours de chaque mois, elle se vit contrainte par la multiplicité des affaires à tenir des séances quotidiennes. Sous Périclès, chef du parti démocratique, une loi restreignit sa juridiction ; mais, après l’expulsion des Trente, on lui rendit la plupart de ses anciennes attributions, en

sorte que même à l'époque de la décadence d’Athènes, jusque sous les empereurs romains, l’Aréopage jouait encore un rôle important.

Le livre des Actes, xvii, 19 - 22, raconte comment saint Paul, prêchant dans l’Agora Jésus et la résurrection, se vit prié par les philosophes épicuriens et stoïciens de monter à l’Aréopage pour y exposer devant un auditoire plus compétent les doctrines dont il se faisait le propagateur. De tout temps, les Athéniens se montrèrent avides de nouveautés en philosophie comme en politique. Bien que le tribunal de l’Aréopage eût spécialement qualité pour connaître des questions religieuses touchant de près ou de loin à la morale publique, comme dans le procès de Socrate, rien n’indique que Paul ait été traduit devant l’auguste assemblée comme devant des juges. Le contexte, au contraire, semble dire, qu’il fut poliment conduit (è7ciXagô[j.Evot, cf. îx, 27 ; xxiii, 19) devant des. curieux. De plus, il commence par ces mots : « "AvSpec 'AÔTjVaîot, « Athéniens, » qui ne peuvent s’adresser au tribunal, mais à la foule des auditeurs. Aussi le discours qu’il prononce ne ressemble-t-il pas à une apologie. Dans le récit que saint Luc nous fait de l’incident, on ne trouve trace ni d’accusation, ni de défense, ni de jugement ; la séance se lève sans attendre que Paul ait fini d’exposer ce qu’il a à dire, au milieu des plaisanteries de moqueurs et de sceptiques qui le prient de remettre la suite à une autre fois. En réalité les Athéniens pouvaient bien être sévères envers quiconque semblait tendre à supprimer les dieux de la patrie ; ils se montraient très accueillants pour les nouveaux cultes importés du dehors, surtout quand ces cultes leur venaient de l’Orient. Strabon, x, p. 474 ; Philostrate, Vie d’Apollonius, vi, 7.

Il est aisé de retrouver aujourd’hui, à Athènes, le site où Paul parla si éloquemment du Dieu Inconnu. On sait, d’après Hérodote, viii, 52, que la colline de l’Aréopage était en face de l’extrémité sud-ouest de l’Acropole, et que les Perses s’y établirent pour lancer des projectiles enflammés contre les fortifications de bois protégeant la citadelle vers ce point, où elle était plus accessible à l’ennemi. Pausanias, qui, i, 28, nous a décrit le site de l’Aréopage, donne la même indication topographique, et la tradition actuelle est absolument autorisée quand elle nous le montre au couchant de l’antique Acropole et séparé d’elle par une inflexion de terrain. Le lieu où se tenait l’assemblée est encore marqué par un rectangle creusé dans le rocher de la colline, où nous sommes monté par seize degrés également taillés dans la pierre et usés par le temps. C’est au point où le renflement de terrain, après s'être élevé insensiblement de l’ouest à l’est, se termine tout à coup d’une façon abrupte, que se trouve cet étroit carré où siégeaient, debout, les Aréopagites. On sait qu’ils jugeaient en plein air, ùrattûpioi ÊSiy.iÇovTo. Pollux, viii, 118. À l'époque où Pausanias visita l’Aréopage, il y avait dans le lieu même de l’audience deux gradins de pierre blanche ou de pierre non polie, àpToùs XiSo’j ?, servant de sièges, l’un à l’accusateur et l’autre à l’accusé. Le siège de l’accusateur s’appelait « la pierre de l’implacabilité », AiOo ; 'AvaiSsia ; , et celui de l’accusé, « la pierre de l’injure », "TêpEasc. Pausanias, i, 28, 5. Quoi qu’il en soit de détails impossibles à reconstituer aujourd’hui dans l'étroit carré des trois bancs rectangulaires qui s’ouvrent vers le midi (voir notre Voyage aux pays bibliques, t. iii, p. 251), la vue sur l’Agora et l’Acropole, où se dressait un monde de statues, témoignage moins éloquent peut-être, si prodigieux qu’il fût, du génie artistique de la Grèce que de sa honteuse idolâtrie, durent inspirer saint Paul. Il y exposa les plus grandes vérités, le Dieu créateur du ciel et de la terre, l’origine commune de tous les hommes, leur fraternité et leur solidarité, Jésus ressuscité. Après son discours, quelque insignifiants qu’en parussent les résultats, la cause du vrai Dieu fut gagnée contre les idoles. Un des juges i de l’Aréopage, Denys, se convertit, ainsi qu’une femme DM

AREOPAGE

ARESI

942

nommée Damans. Au pied de la colline, vers le nord, se voient les ruines d’une église dédiée à l’illustre Aréopagite. D"immenses blocs de pierre, en se détachant de la colline, y ont comblé une cavité profonde. Là avait été jadis le temple et la grotte sacrée des Euménides. Oreste, poursuivi par les Furies, s’y était réfugié demandant son salut à Minerve, dont il embrassa la statue. Depuis les esclaves y trouvèrent un asile où nulle main ne pouvait les atteindre. Pour d’autres détails, voir l’article Athènes. Cf. Vigoureux, Le Nouveau Testament et les découvertes modernes, p. 246-253. E. Le Camus.

    1. ARÉOPAGITE##

ARÉOPAGITE, 'Ap£io7ta-f l 1 "1?- Dans ' es Actes des Apôtres, xvii, 34, parmi les Athéniens convertis par la prédication de saint Paul est cité un Aréopagite du nom

par conséquent tous les anciens archontes n’en firent pas toujours partie. L’Aréopage était présidé par un èm<ruiTY]c. Plutarque : An seni sit gerenda respubl., XX, 1, D. 970. Un autre dignitaire nommé dans les inscriptions porte le nom de xr, p’j ! j t^î il. 'Apei’ov itdcyou (jo’j).yi ; . Corp. Inscr. attic, iii, 10, 680, 714, 1005, 1006, etc. Il figure dans les listes de magistrats après les archontes thesmothètes, c’est dire l’importance de ses fonctions. — Voir Caillemer, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Saglio, t. i, p. 403, au mot Aréopage ; E. Dugit, Étude sur l’Aréopage athénien, in-8°, Paris, 1867 ; D. J. van Lennep, De varia variis temporibus Areopagi potestate, in-8o, Amsterdam, 1834 ; W. van Swinderen, Quæ fuit senatus areopagilici auctoritas variis Reipublicse atlicx temporibus, Groningue, in-8°, 1848. E. Beurlier.

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249. — Rocher de l’Aréopage, à Athènes.

de Denys. À l'époque où l’Apôtre vint prêcher à Athènes, le conseil de l’Aréopage occupait encore une place importante dans la cité. Les Romains, en effet, avaient laissé à Athènes le titre et les prérogatives de ville libre, c’est-à-dire son ancienne constitution. L’Aréopage continua donc à être le premier et le plus respectable corps de la république ( to cts^vôtoctov iuvé8piov, Corpus Inscriptionum atticarum, iii, 57, 714, etc.). Dans les décrets rendus au nom de l'État, il est placé avant le conseil des Six-Cents. D’après Cicéron, c'était vraiment lui qui gouvernait la république. De Nat. deor., ii, 29, 74. Il avait conservé en particulier d’importantes attributions judiciaires, et les Romains avaient recours aux Aréopagites ut ad judices graviores exercilatioresque. Aulu-Gelle, xii, 7. Son consentement était nécessaire pour l'érection des statues élevées par les particuliers et les corporations à leurs bienfaiteurs. Corp. Inscript, attic, iii, 731, 734, etc. Il s’occupait aussi de l’instruction de la jeunesse et de la police de la ville. Les décrets de l’Aréopage portaient les noms de Soy^a, 'l^çcfftxx, èitEp J n ; [j.x ou JTiOfivTifj.aTtajvo ?. Corp. Inscript, attic, iii, 331, 687, 824 a, 924, etc. Il est probable qu’un changement se produisit à l'époque romaine dans le recrutement des Aréopagites, qu’ils furent élus par un mode d'élection que nous ignorons, et que

    1. ARÉOPOL##

ARÉOPOL, ARÉPOL, ARIPOL Samuel, rabbin de Palestine, fils de R. Isaac, fils de Jom. Tob. Arépol, vivait au XVIe siècle, à Safed, dans la haute Galilée. On a de lui : 'Imrat 'Ëlôha, « Parole de Dieu, » commentaire homilétique sur le Pentateuque, in-4o, Venise, 157. (sic) ; Mizmôr lefôdâh, « Psaume de louange, » exposition du psaume alphabétique cxviii (cxix) et des quinze psaumes graduels, in-4o, Venise, 1576 ; Prague, 1610 ; Lêb hàkàm, Piov., xvi, 23 ; « Cœur du sage, » commentaire de l’Ecclésiaste, in-4°, Constantinople, 1591 ; Lublin, 1604 ; Sar sàlôm, « Le prince de la paix, » Is., ix, 5, commentaire sur le Cantique des 'cantiques, in-4o, Safed, 1579 ; Venise, 1596, etc. L. Guillereau.

    1. ARESI Paul##

ARESI Paul, théologien italien, né à Crémone, vers l’an 1574, mort à Tortone, le 16 juin 1644. Il prit le nom de Paul en entrant chez les Théatins, à l'âge de seize ans. Il enseigna la philosophie et la théologie à Naples, puis à Rome. Il s’acquit aussi un grand renom comme prédicateur. Choisi pour confesseur, à Turin, par Isabelle de Savoie, il fut nommé à l'évêehé de Tortone. Outre divers ouvrages philosophiques et des traités sur l'éloquence de la chaire, on a de lui : Novse qutedam vehtationes de vero sacri Cantici Salomonis cum historico

tum spirituali sensu, in-4°, Milan, 1640 ; Vélitationes sex in Apocalypsim, in-f", Milan, 1647, ouvrage posthume édité par le P. Paul Sfondrati, qui y joignit une Vie de l’auteur. L. Guillereau.

    1. ARÉTAS##

ARÉTAS (grec : 'ApÉTaç ; nabatéen : ffartat), nom de plusieurs rois des Nabatéens ou d’Arabie Pétrée. L'Écriture n’en mentionne que deux :

1. ARÉTAS I er, contemporain du grand prêtre Jason et d’Antiochus Épiphane, vers 170 avant J.-C., le plus ancien roi connu de ce nom. Ce fut lui qui empêcha Jason, poursuivi par Antiochus IV, de trouver un refuge dans le pays des Ammonites, qui devait être par conséquent sous la domination du roi des Arabes. L'Écriture donne à Arétas le titre de t’jpavvo ; . II Mach., v, 8.

2. ARÉTAS iV PHILODÈME, contemporain de saint Paul (7 avant J.-C. - 40après J.-C). II Cor., xi, 32 (fig. 250). Arétas porta d’abord le nom d’AZnéas. À la mort d’ObodasII,

[[File: [Image à insérer]|300px]]
250. — Monnaie d' Arétas IV Philodème.

Tête imberbe et lamée a droite. — % Femme debout à gauche, levant la main droite. 1TD32-fro nm ["]. — „rnw (Arétas, roi de Nabat. Année…).

roi des Nabatéens, il changea son nom en celui d' Arétas et prit possession du trône. Josèphe, Ant. jud., XVI, iv, 4. Il trouva un compétiteur en la personne de Syllæus, qui l’accusa auprès d’Auguste d’avoir pris le titre de roi sans la permission impériale. Arétas écrivit à l’empereur pour se justifier, et accusa Syllæus d’avoir fait empoisonner Obodas. Il joignit à sa lettre l’envoi d’une couronne d’or du poids de plusieurs talents. Auguste renvoya le présent ; mais, bientôt après, Nicolas de Damas, venu à Êome pour plaider la cause d’Hérode I er, démasqua Syllæus, qui fut condamné a mort. Josèphe, Ant. jud., XV, K, 4 ; x, 8 et 9. Auguste, toujours mal disposé pour Arétas, voulait donner ses États à Hérode I er, mais il changea d’avis en apprenant la manière indigne dont ce dernier traitait ses fils ; il se contenta de blâmer Arétas d’avoir pris le titre de roi sans son ordre, accepta ses présents et le confirma dans sa royauté. Josèphe, Ant. jud., XVI, ix, 9 ; Strabon, xvi, p. 782 ; Nicolas de Damas, dans C. Mùller, Fragm. hist. grsec, t. iii, p. 351. Devenu l’allié des Romains, en haine d’Hérode, Arétas fournit des troupes auxiliaires au légat de Syrie Varus, dans la guerre qu’il fit, l’an 4 après J.-C, aux Juifs révoltés. Josèphe, Ant. jud., XVII, x, 9 ; Bell, jud., II, v, 1. Plus tard cependant il donna sa fille en mariage au tétrarque Hérode Antipas ; mais celui-ci la répudia pour épouser Hérodiade, femme de son frère Philippe. La fille. d’Arétas se réfugia auprès de son père, qui déclara la guerre au tétrarque et le vainquit. Hérode invoqua le secours des Romains. Sur l’ordre de Tibère, Vitellius, légat de Syrie, marcha contre Arétas ; mais, à la nouvelle de la mort de l’empereur, il abandonna la campagne. Josèphe, Ant. jud., XVIII, v, 1-3. Ce fift probablement alors que le roi des Nabatéens reprit possession de Damas, qui avait appartenu à son prédécesseur. Deux faits appuient cette hypothèse : 1° Caligula apporta de grands changements dans les royaumes vassaux de Rome ; 2° la série des monnaies de Damas portant l’effigie impériale s’interrompt pendant les règnes de Caligula et de Claude. Mionnet, Description des monnaies, t. v, p. 286 ; Supplément, t. viii, p. 193 ; De Saulcy,

Numismatique de la Terre Sainte, p. 36. Saint Paul, qui venait de se convertir au Christianisme, fut obligé de se faire descendre, pendant la nuit, dans une corbeille, le long des remparts, pour échapper aux poursuites de l’ethnarque ou gouverneur q’u’Arétas avait placé à la tête de la ville. II Cor., xi, 32-33. Quelques auteurs ont pensé que cet événement avait eu lieu pendant une occupation antérieure et temporaire de Damas par Arétas ; mais cette explication est moins probable. On possède un certain nombre d’inscriptions nabatéennes datées des diverses années du règne d’Arétas IV. Euting, Nabatàische Inschriften, p. 24-61, n. 1 à 20 ; de Vogué, Syrie centrale, inscript, sentit., p. 113 ; E. Renan, Journal asiatique, 1873, p. 373 ; Zeitschrift der deutschen nwrgenlàndischen Gescllschafl, 1869, p. 150 ; 1871, p. 429 ; R. P. Lagrange, Zeitschrift fur Assyriologie, 1890, p. 290. Sur les inscriptions et sur les monnaies, Arétas IV est appelé Ràhem amméh, d’où son surnom grec de Philodème qui en est la traduction, « qui aime son peuple. » Ses deux femmes, Halda et Seqailat, sont souvent représentées au revers. Voir Joh. Goltlob Heyne, De ethnarcha Aretse Arabum régis, 1755 ; Wieseler, Chronologie des Apostolischen Zeitalters, 1848 ; E. Schùrer, Geschichte des jûdisclten Volkes ini Zeitaller Jesu Christi, t. i, p. 617-619 ; duc de Luynes, Revue numismatique, 1858, p. 294-296 ; de Vogué, ibid., 1868, p. 162 ; Babelon, ibid., 1887, p. 374-377 ; de Saulcy, Annuaire de numismatique, 1873, p. 13-17 ; 1878, p. 461-464 ; de Vogué, Syrie centrale, inscriptions sémitiques, 1868, p. 103-106 ; Levy, dans la Numismatisclie Zeitschrift, de Huber de Karabacek, t. iii, 1871, p. 445-448 ; Euting, Nabalâische Inschriften, in-4°, Berlin, 1885, p. 81-87.

E. Beurlier.

3. ARÉTAS, commentateur grec, évêque de Césarée en Cappadoce. On trouve dans les éditions anciennes d'Œcuménius, et comme complément de ses commentaires des Actes des Apôtres et des Épîtres, un commentaire ou édition glosée de l’Apocalypse qui porte le nom d’Arétas. Ainsi dans l'édition d'Œcuménius par J. Henten, Paris, 1630-1631, t. n : Arethse explanaliones in Apocalypsin. Cette édition laisse à désirer. Un texte meilleur du commentaire d’Arétas a été donné par Cramer, dans ses Calense grœcorum Patrum in N. T., Oxford, 1840. (Le texte de Cramer est reproduit par Migne, Patr. gr., t. evi, col. 493-786.) Le titre exact de l'œuvre d’Arétas est : Brève explication, tirée des commentaires sur l’Apocalypse du bienheureux André, archevêque de Césarée de Cappadoce, mise en ordre par Arétas, indigne évêque de Césarée de Cappadoce. Par ailleurs on possède un commentaire sur l’Apocalypse qui porte le nom d’André, archevêque de Césarée de Cappadoce ; il a été publié en grec pour la première fois par Sylburg, en 1596, et il est reproduit d’après Sylburg par Migne, Patr. gr., t. evi, " col. 215-458. Voir André 4, col. 564. Cet Arétas a été considéré sans fondement suffisant, par quelques critiques, comme ayant été évêque de Césarée au v c siècle : en réalité il est à identifier avec l'évêque de ce nom que la liste épiscopale de Césarée compte au commencement du xe siècle, et dont on a récemment mis en lumière l’activité littéraire et philosophique. Voyez O. von Gebhardt, Der Erzbischof Arethas von Câsarea, seine Sludien und seine Bibliothek, dans les Texte und Untersuchungen de Gebhardt et Harnack, t. i, Leipzig, 1883, p. 36-46. Le commentaire de l’Apocalypse a dû être composé entre 895 et 914. Le commentaire d’Arétas n’est pas une simple reproduction du texte d’André ; il l’abrège, l’améliore et le complète de son propre fonds en maint endroit. Toutefois la science de l'Écriture a peu à y prendre. Voir Fabricius, édit. Harless, Bïbliolheca grasca, t. viii, p. 696-699.

P. Batiffol.

    1. ARETIUS Benedict##

ARETIUS Benedict, théologien et botaniste suisse, né à Berne vers 1505, mort le 22 avril 1574. Son véritable nom était Marti ; Aretius est la traduction grecque

de ce nom (de "Aprj ; , « Mars » ). Choisi, en 1548, comme professeur de logique à l’université de Marbourg, il devint ensuite professeur de langues à Berne, et enseigna plus tard la théologie d’après les doctrines de Calvin, qu’il avait embrassées avec ardeur. Il explique le sens avec bonheur dans ses commentaires, mais il faut tenir compte de ses tendances. Il a composé : Commentant brèves in Mosis Pentateuchum, in-8°, Berne, 1602 et 1611 (ouvrage posthume) ; Commentarii in Domini Nostri Jesu Christi Novum Testamentum, in-f° et Il in-8°, Morsée, 1580-1584 ; in-f°, Paris, 1607. Les éditions partielles en sont nombreuses : Commentarii in quatuor Evangelia, in-8°, Lausanne, 1577 ; Commentarii in Actuum Apostolorumhistoriam, 1590 ; Commentarii in onines Epistolas Pauli et canonicas, itemque m Apocalypsim Joannis, 1589, etc. Voir Chr. Saxi, Onomastic. literar., part, iii, p. 399 ; Biblioth. instit. a Gesnero in Epitom. redact. per J. Simlerum et Joh. Frisium, Zurich, 1693, p. 111 ; G. Walch, Biblioth. theol. critic, t. IV, passim. Le nom d’Aretius se trouve parmi ceux des auteurs condamnes par le concile de Trente. L. Guillereau.

AREUNA. LaVulgate écrit ainsi, dans le second livre des Rois, xxiv, 16-23, le nom du propriétaire de l’aire sur laquelle fut bâti le temple dé Jérusalem (voir Aire d’Ornan, col. 328). Ailleurs, elle l’appelle Oman. Voir Ornan.

1. ARGENT. Hébreu : késéf, de la racine kâsaf. Késéf signifie « ce qui est blanc » et « ce qui est désirable ». Le nom donné à l’argent dans les autres langues montre, par analogie, que la première étymologie doit être préférée. Égyptien : nub het, « or blanc ; » grec : àpyupo ; , d'àpvôç, « blanc. » D’après une autre étymologie, késéf signifie « coupure, » segmentum.

I. Son origine. — L’argent ne se trouvait pas en Palestine, et la découverte de quelques liions argentifères dans les montagnes du Liban paraît être relativement moderne. Cf. Kitto, Physical History of Palestine, p. 73. Ce métal précieux était, au contraire, commun en Chaldée avant Abraham ; il était appelé, dans ce pays, kaspu, qui est le même mot que késéf. Les Egyptiens avaient dans l'île de Méroé, territoire de la Nubie, des mines d’argent assez productives, mais bien moins riches que les mines d’or qui donnaient leur nom au pays. Diodore de Sicile, i, 33, 4 ( J. Abraham rapporta d’Egypte une grande quantité d’argent. Gen., xiii, 2. Les Égyptiens en faisaient des coupes, Gen., xliv, 2, de la vaisselle, Exod., xi, 2 ; xii, 35, des miroirs et toutes sortes d’objets (fig. 251). « Ils émaillaient l’argent, de manière à y reproduire l’image d’Anubis, ils le coloraient, mais ils ne le ciselaient pas. Ils se servirent ensuite de ce métal pour leurs statues triomphales, et quand l’argent était mat, le prix en était très grand. » Pline, H. N., xxxiii, 131, édit. Teubner, t. v, p. 27.

Les anciens tiraient encore l’argent de la Colchide, de l’Attique, du pays des Chalybes ou Chaldéens du Pont, de la Bretagne. Strabon, I, ii, 39 ; IX, i, 23 ; XII, iii, 19 ; IV, v, 2. Mais les mines d’argent de beaucoup les plus riches et les plus facilement exploitables étaient celles d’Ibérie ou Espagne, le pays appelé Tharsis dans la Bible. Voir Tharsis. Les écrivains de l’antiquité célèbrent à l’envi ces fameuses mines. L’argent s’y trouvait à l'état natif et à une faible profondeur, de sorte que son exploitation ne présentait aucune difficulté. Aussi le voit-on aux mains des indigènes dès le début de l'âge du bronze. Cf. L. et H. Siret, Les premiers âges du métal en Espagne, dans la Revue des questions scientifiques, avril 1888, p. 50, 379-384. D’autres fois, il était enveloppé dans une gangue qui rendait le quart de son poids de métal pur. Diodore, v, 36. On exploita ensuite la galène (plomb sulfuré) argentifère. Pour en tirer l’argent, on pilait et on lavait à cinq reprises la pépite argentifère, on faisait foudre le sédiment, et « le plomb s'échappait sous l’action du feu, tandis que

i l’argent surnageait, comme l’huile sur l’eau ». Pline, xxxiii,

! 95, 96. Au rapport de Strabon, III, ii, 8, telle mine rapporj tait en trois jours à son propriétaire la valeur d’un talent

euboïque ( environ 4 400 fr.). Plus tard les Romains s’emparèrent du pays ibérien et de ses riches gisements. I Mach., vin, 3. Polybe, d’après Strabon, loc. cit., rapporte que quarante mille ouvriers étaient employés à l’exploitation, près de Carthage la Neuve, et que le rendement quotidien était de vingt-cinq mille drachmes (24250 francs). Mais bien auparavant, les Phéniciens, dont les vaisseaux longeaient sans cesse toutes les côtes de la Méditerranée, s'étaient aperçus de l’abondance de l’argent en Ibérie. Comme les indigènes n’en appréciaient pas la

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251. — Coupe et ornements d’argent. Musée du Louvre.

En haut, fond de coupe en argent, représentant des poissons et des fleurs de lotus. L’inscription porte : « Celui qui emplit le cœur du Seigneur des deux mondes, le loué du Dieu bon, le basilicogrammate, le gouverneur des pays septentrionaux, Teti. » — Au bas, a droite, fragment d’ornement en argeM ; £ » gauche, pendant d’oreille en argent.

valeur et employaient souvent le précieux métal à des usages vulgaires, les Phénicien : i échangeaient contre des marchandises de vil prix et ils en remplissaient leurs bateaux. Quand le chargement avait atteint son extrême limite, et qu’il restait encore de l’argent sur le marché, ils remplaçaient par ce métal le plomb de leurs ancres. Diodore, v, 35. Ils se firent les pourvoyeurs de tous les pays avec lesquels la Méditerranée les mettait en rapports, et ce trafic leur procura d’immenses bénéfices.

L’argent était en effet très apprécié des anciens, aux yeux desquels sa rareté, comparée à l’abondance de l’or, donnait une plus grande valeur. On s’en servit pour faire les premières monnaies, et comme, malgré sa dureté plus grande que celle de l’or, on pouvait arriver à le travailler par le martelage, on en fabriquait toutes sortes d’objets. La facilité avec laquelle il se ternit, et même se noircit sous l’action des vapeurs sulfureuses. et surtout son abondance à la suite des importations phéniciennes le déprécièrent un peu. Aujourd’hui, à poids égal, l’or vaut quinze fois et demie l’argent ; 450 ans avant J.-C, en Grèce, il ne le valait que quatorze fois, Minerva, p. 87 ; dans l’Asie occidentale, la proportion tendit peu à peu à se rapprocher de ce chiffre. Néanmoins l’argent conti

nuait à être très estimé, et il n’était pas rare que, dans les énumérations d’objets précieux, on le nommât avant l’or. C’est ce qu’on remarque dans beaucoup d’inscriptions assyriennes qui relatent les guerres d’Assurnasirpal et de Salmanasar II en Asie occidentale (Delattre, Revue des questions scientifiques, octobre, 1884, p. 495 et suiv.), et dans un très grand nombre de passages de la Bible. Gon., xxiv, 35, 53 ; Exod., iii, 22 ; xii, 35 ; Num., xxii, 18 ; Dout., vii, 25 ; viii, 13 ; Prov., viii, 7, etc.

II. Ses usages. — L’argent apparaît dans la Bible comme moyen d’échange, sous le nom de « sicle ou poids d’argent », dès le temps d’Abraham ; il était probablement employé alors en lingots d’un poids déterminé. Gen., xxii, 15 ; xliii, 22. Il ne fut monnayé qu’assez longtemps après la captivité de Babylone. Voir Monnaie. Les premiers objets d’argent qui soient mentionnés sont ceux qui furent offerts par Éliézer à Rébecca. Gen., xxiv, 53. Les vases d’argent emportés par les Hébreux à leur départ d’Egypte, Exod., m, 22 ; xii, 35 ; Num., vii, 13, 84, servirent surtout à la construction et à l’ornementation du sanctuaire. Exod., xxv, 3 ; xxxi, 4 ; xxxv, 5, 24. C’est en argent que Béséléel et ses orfèvres tirent les chapiteaux, les ciselures, les revêtements des colonnes des parvis, Exod., xxxviii, 10-18, les quarante bases qui soutenaient les planchers du tabernacle, Exod., xxvi, 19, et les trompettes avec lesquelles Moïse convoquait le peuple. Num., x, 2.

Parmi les trésors que David avait préparés à son fils en vue de la construction du temple, il se trouvait de quoi faire des candélabres, des tables et des lions en argent. I Par., xxviii, 15-27. Sous Salomon l’argent afflua à Jérusalem au point de devenir commun comme les pierres, dit hyperboliquement l’historien. III Reg., x, 27. L’opulent monarque en recevait d’Arabie et de Tharsis, où ses vaisseaux se rendaient avec ceux des Phéniciens. II Par., IX, 14, 20, 21. On faisait alors des lits en argent, Prov. xxv, 11, comme plus tard chez les Perses. Esth., i, 6. Dans le temple, presque tous les ustensiles qui n’étaient pas en or étaient en argent. Quand Cyrus remit aux Juifs les vases que Nabuchodonosor avait emportés du temple, la restitution put encore comprendre quatre cent dix coupes d’argent et en tout cinq mille quatre cents vases d’or ou d’argent. I Esdr., i, 7-10.

La cupidité portait souvent à altérer l’argent par des alliages de métaux inférieurs. Prov., xxv, 4 ; xxvi, 33 ; Is.,

I, 22 ; Jer., vi, 30. L’argent altéré se reconnaissait à différents signes : la buée de l’haleine ne s’y condensait pas immédiatement, le métal ne pouvait plus servir de miroir ni se laminer en feuilles. Pline, H. N., xxxiii, 127, 128. Il fallait alors recourir à la coupellation : on mettait l’argent de mauvais aloi dans des vases formés d’os calcinés et réduits en poudre, qui ont la propriété de retenir l’or et l’argent et de laisser écouler à travers leurs pores les autres métaux en fusion. Les Égyptiens connaissaient ce procédé, et les écrivains bibliques y font de fréquentes et assez claires allusions. Ps. xi, 7 ; lxv, 10 ; lxvii, 31 ; Prov., xvii, 3 ; xxvii, 21 ; Ezech., xxii, 20-22 ; Zach., xiii, 9 ; Mal., iii, 3.

L’idolâtrie a naturellement mis l’argent à contribution aussi bien que l’or. La Bible mentionne, à ce point de vue, les idoles chananéennes, Deut., vii, 25 ; l’idole d’argent du prêtre Michas, l’éphraïmite, Jud., xvii, 3, 4 ; les dieux d’argent des Assyriens et des autres peuples idolâtres, Is., ii, 20 ; xxxi, 7 ; xlvi, 6 ; Ose., viii, 4 ; Barueh, vi, 3 ; Dan., v, 4, 23 ; II Mach., Il, 2. Dans le Nouveau Testament, il n’est question que des édicules d’argent fabriqués en l’honneur de Diane par les orfèvres d’Éphèse. Act., xix, 24.

Dans la statue du songe de Nabuchodonosor, l’argent est le symbole du royaume des Perses et des Mèdes. Dan.,

II, 32, 39, 45. Saint Paul en fait un des symboles des

bonnes œuvres. I Cor., iii, 12.
H. Lesêtre.

2. ARGENT (Monnaie d’). Voir Moxsaie.

    1. ARGENTEUS##

ARGENTEUS (CODEX). Le beau manuscrit désigné sous le nom de Codex Argenteus est le plus important des restes manuscrits de la Bible gothique du IVe siècle. Son nom à’Argenteus lui vient, soit de ce que sa reliure du XVIIe siècle est d’argent massif, soit de ce qu’il est écrit en lettres d’argent, ce qui d’ailleurs lui est une particularité commune avec nombre de manuscrits bibliques, tant grecs que latins. Il est aujourd’hui la propriété de la bibliothèque de l’Université d’Upsal, en Suède. On croyait, au XVe siècle, que lors de l’invasion des Barbares les Goths avaient emporté en Suède et en Danemark une partie des richesses, et en particulier des manuscrits, qu’ils avaient trouvés en Italie ; mais l’arrivée du Codex Argenteus en Suède ne remonte pas si loin. Elle ne remonte même pas à l’époque où Gustavevdolphe vainqueur envoyait en Suède, comme butin de guerre, les belles bibliothèques que les Jésuites avaient formées à Riga, à Brunsberg, à Oppenheim. Voir Graux et Martin, Notices sommaires des manuscrits grecs de Suède, Paris, 1889, p. 12. C’est seulement le 19 janvier 1C69 que fut donné à la bibliothèque de l’Université d’Upsal, en même temps qu’un magnifique lot de manuscrits relatifs aux antiquités Scandinaves, le Codex Argenteus. Le donateur était le chancelier Magnus Gabriel de la Gardie, lequel avait formé jusqu’à trois bibliothèques : l’une à Stockholm, l’autre à Leckci, la troisième à Wenegarn ; c’était un collectionneur de manuscrits, comme l’était sa souveraine la reine Christine.

Où Magnus de la Gardie avait-il acquis le Codex Argenteus ? Il semble établi que notre manuscrit avait été au préalable, vers 1655, entre les mains d’Isaac Vossius, le bibliothécaire de la reine Christine : c’est ce dont témoigne Fr. Junius, le premier éditeur de ce manuscrit, en 1665. A la fin du xvie siècle, il appartenait à la bibliothèque du monastère de Werden, près de Dusseldorf, où Antonio Morilloni le vit et transcrivit le texte gothique de l’oraison dominicale, qu’imprima Becanus, en 1569, dans ses Origines Anlverpianse. Le manuscrit avait quitté Werden avant le commencement du xvii « siècle, car Strenius (Richard Strein von Schwarzenau), mort en 1601, signale sa présence à Prague, si tant est que le manuscrit de Werden soit le même que celui de Prague. On veut, en outre, qu’il ait été pris à Prague par les Suédois, en 1648, et donné par le maréchal Kbnigsmark à la reine Christine. Mais, à notre connaissance, on n’explique ni comment il serait venu de Werden à Prague, ni surtout comment la reine Christine, devenue propriétaire du précieux manuscrit, s’en serait ensuite dépossédée, pareilles libéralités ayant été peu familières à la royale collectionneuse.

Le manuscrit a contenu à l’origine les quatre Évangiles dans l’ordre Mathieu-Jean-Luc-Marc ; mais il avait perdu plus de cent de ses feuillets, avant de venir entre les mains de Vossius. Voir A. Scott, Ulfilas Apostle of tlte Goths, Cambridge, 1885, p. 126. Il compte aujourd’hui, non point 177, mais 187 feuillets, partagés en quaternions ou cahiers de huit feuillets. Le parchemin est teint en pourpre, l’encre est d’argent, et, comme dans la plupart des manuscrits pourpres à lettres d’argent, les premiers mots de chaque section ainsi que les premières lignes des Évangiles sont écrits en lettres d’or. Les initiales sont sans ornement. Aucune décoration, sinon les arceaux tracés à l’encre d’argent qui encadrent les canons de concordance. Point de contractions, sauf celles des noms de Dieu, Seigneur, Jésus, Christ, à leurs différents cas. On sait que l’alphabet gothique d’Ulfilas est emprunté dans ses éléments essentiels à l’alphabet grec ; les caractères du Codex Argenteus sont de belle onciale grecque du vi « siècle.

L’importance du Codex Argenteus tient à ce qu’il nous donne la plus grande partie de ce qui nous reste de la version gothique do la Bible par Ulfilas ; les autres manuscrits que nous en avons ne contiennent, en dehors des Épîtres, que des fragments peu étendus des Évangiles, Dict. de la Bible

CODEX ARGENTEES D’EPSAL [Image à reprendre]

nuait à être très estimé, et il n’était pas rare que, dans les énumérations d’objets précieux, on le nommât avant l’or. C’est ce qu’on remarque dans beaucoup d’inscriptions assyriennes qui relatent les guerres d’Assurnasirpal et de Salmanasar II en Asie occidentale (Delattre, Revue des questions scientifiques, octobre, 1884, p. 495 et suiv.), et dans un très grand nombre de passages de la Bible. Gen., xxiv, 35, 53 ; Exod., iii, 22 ; xii, 35 ; Num., xxii, 18 ; Deut., vii, 25 ; viii, 13 ; Prov., viii, 7, etc.

II..Ses usages. — L’argent apparaît dans la Bible comme moyen d’échange, sous le nom de « sicle ou poids d’argent dès le temps d’Abraham ; il était probablement employé alors en lingots d’un poids déterminé. Gen., xxii, 15 ; xliii. 22. Il ne fut monnayé qu’assez longtemps après la captivité de Babylone. Voir Monnaie. Les premiers objets d’argent qui soient mentionnés sont ceux qui furent offerts par Éliézer à Rébecca. Gen., xxiv, 53. Les vases d’argent emportés par les Hébreux à leur départ d’Egypte, Exod., m, 22 ; xii, 35 ; Num., vii, 13, 84, servirent surtout à la construction et à l’ornementation du sanctuaire. Exod., xxv, 3 ; xxxi, 4 ; xxxv, 5, 24. C’est en argent que Béséléel et ses orfèvres rirent les chapiteaux, les ciselures, les revêtements des colonnes des parvis, Exod., xxxviii, 10-18, les quarante bases qui soutenaient les planchers du tabernacle, Exod., xxvi, 19, et les trompettes avec lesquelles Moïse convoquait le peuple. Num., x, 2.

Parmi les trésors que David avait préparés à son fils en vue de la construction du temple, il se trouvait de quoi faire des candélabres, des tables et des lions en argent. I Par., xxviii, 15-27. Sous Salomon l’argent afflua à Jérusalem au point de devenir commun comme les pierres, dit hyperboliquement l’historien. III Reg., x, 27. L’opulent monarque en recevait d’Arabie et de Tharsis, où ses vaisseaux se rendaient avec ceux des Phéniciens. II Par., ix, 14, 20, 21. On faisait alors des lits en argent, Prov. xxv, 11, comme plus tard chez les Perses. Esth., i, 6. Dans le temple, presque tous les ustensiles qui n’étaient pas en or étaient en argent. Quand Cyrus remit aux Juifs les vases que Nabuchodonosor avait emportés du temple, la restitution put encore comprendre quatre cent dix coupes d’argent et en tout cinq mille quatre cents vases d’or ou d’argent. I Esdr., i, 7-10.

La cupidité portait souvent à altérer l’argent par des alliages de métaux inférieurs. Prov., xxv, 4 ; xxvi, 33 ; Is., I, 22 ; Jer., vi, 30. L’argent altéré se reconnaissait à différents signes : la buée de l’haleine ne s’y condensait pas immédiatement, le métal ne pouvait plus servir dé miroir ni se laminer en feuilles. Pline, H. N., xxxiii, 127, 128. Il fallait alors recourir à la coupellation : on mettait l’argent de mauvais aloi dans des vases formés d’os calcinés et réduits en poudre, qui ont la propriété de retenir l’or et l’argent et de laisser écouler à travers leurs pores les autres métaux en fusion. Les Égyptiens connaissaient ce procédé, et les écrivains bibliques y font de fréquentes et assez claires allusions. Ps. xi, 7 ; lxv, 10 ; lxvii, 31 ; Prov., xvii, 3 ; xxvii, 21 ; Ezech., xxii, 20-22 ; Zach., xiii, 9 ; Mal., iii, 3.

L’idolâtrie a naturellement mis l’argent à contribution aussi bien que l’or. La Bible mentionne, à ce point de vue, les idoles chananéennes, Deut., vii, 25 ; l’idole d’argent du prêtre Michas, l’éphraîmite, Jud., xvii, 3, 4 ; les dieux d’argent des Assyriens et des autres peuples idolâtres, Is., ii, 20 ; xxxi, 7 ; xlvi, 6 ; Ose., viii, 4 ; Baruch, vi, 3 ; Dan., v, 4, 23 ; II Mach., ii, 2. Dans le Nouveau Testament, il n’est question que des édicules d’argent fabriqués en l’honneur de Diane par les orfèvres d’Éphèse. Act., xix, 24.

Dans la statue du songe de Nabuchodonosor, l’argent est le symbole du royaume des Perses et des Mèdes. Dan., n, 32, 39, 45. Saint Paul en fait un des symboles des

bonnes œuvres. I Cor., iii, 12.
H. Lesêtre.

2. ARGENT (Monnaie d’j. Voir Moxxaie.

! ARGENTEUS (CODEX). Le beau manuscrit désigné

sous le nom de Codex Argenteus est le plus important i des restes manuscrits de la Bible gothique du IVe siècle. Son nom d’Argenteus lui vient, soit de ce que sa reliure du XVIIe siècle est d’argent massif, soit de ce qu’il est écrit en lettres d’argent, ce qui d’ailleurs lui est une particularité commune avec nombre de manuscrits bi. bliques, tant grecs que latins. Il est aujourd’hui la pro ! priété de la bibliothèque de l’Université d’Upsal, en Suède. I On croyait, au XVe siècle, que lors de l’invasion des Bar] bares les Goths avaient emporté en Suède et en Danemark une partie des richesses, et en particulier des manuscrits, qu’ils avaient trouvés en Italie ; mais l’arrivée du Codex Argenteus en Suède ne remonte pas si loin. Elle ne remonte même pas à l’époque où Gustave-Adolphe vainqueur envoyait en Suède, comme butin de guerre, les belles bibliothèques que les Jésuites avaient formées à Riga, à Brunsberg, à Oppenheim. Voir Graux et Martin, Notices sommaires des manuscrits grecs de Suède, Paris, 1889, p. 12. C’est seulement le 19 janvier 1669 que fut donné à la bibliothèque de l’Université d’Upsal, en même temps qu’un magnifique lot de manuscrits relatifs aux antiquités Scandinaves, le Codex Argenteus. Le donateur était le chancelier Magnus Gabriel de ( la Gardie, lequel avait formé jusqu’à trois bibliothèques : l’une à Stockholm, l’autre à Lecko, la troisième à "Wenegarn ; c’était un collectionneur de manuscrits, comme l’était sa souveraine la reine Christine.

Où Magnus de la Gardie avait-il acquis le Codex Argenteus ? Il semble établi que notre manuscrit avait été au préalable, vers 1655, entre les mains d’Isaac Vossius, le bibliothécaire de la reine Christine : c’est ce dont témoigne Fr. Junius, le premier éditeur de ce manuscrit, en 1665. A la fin du xvi c siècle, il appartenait à la bibliothèque du monastère de Werden, près de Dusseldorf, où Antonio Morilloni le vit et transcrivit le texte gothique de l’oraison dominicale, qu’imprima Becanus, en 1569, dans ses Origines Antverpianse. Le manuscrit avait quitté Werden avant le commencement du XVIIe siècle, car Strenius (Richard Strein von Schwarzenau), mort en 1601, signale sa présence à Prague, si tant est que le manuscrit de Werden soit le même que celui de Prague. On veut, eu outre, qu’il ait été pris à Prague par les Suédois, en 1648, et donné par le maréchal Konigsmark à la reine Christine. Mais, à notre connaissance, on n’explique ni comment il serait venu de Werden à Prague, ni surtout comment la reine Christine, devenue propriétaire du précieux manuscrit, s’en serait ensuite dépossédée, pareilles libéralités ayant été peu familières à la royale collectionneuse.

Le manuscrit a contenu à l’origine les quatre Évangiles dans l’ordre Mathieu-Jean-Luc-Marc ; mais il avait perdu plus de cent de ses feuillets, avant de venir entre les mains de Vossius. Voir A. Scott, Ulfilas Apostle of the Goths, Cambridge, 1885, p. 126. Il compte aujourd’hui, non point 177, mais 187 feuillets, partagés en quaternions ou cahiers de huit feuillets. Le parchemin est teint en pourpre, l’encre est d’argent, et, comme dans la plupart des manuscrits pourpres à lettres d’argent, les premiers mots de chaque section ainsi que les premières lignes des Évangiles sont écrits en lettres d’or. Les initiales sont sans ornement. Aucune décoration, sinon les arceaux tracés à l’encre d’argent qui encadrent les canons de concordance. Point de contractions, sauf celles des noms de Dieu, Seigneur, Jésus, Christ, à leurs différents cas. On sait que l’alphabet gothique d’Ulfilas est emprunté dans ses éléments essentiels à l’alphabet grec ; les caractères du Codex Argenteus sont de belle onciale grecque du VIe siècle.

L’importance du Codex Argenteus tient à ce qu’il nous donne la plus grande partie de ce qui nous reste de la version gothique de la Bible par Ulfilas ; les autres manuscrits que nous en avons ne contiennent, en dehors des Épitres, que des fragments peu étendus des Évangiles.

Dict. de la Bible

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CODEX ARGENTE US DU PS AL

Le texte du Codex Argenteus a été publié à maintes reprises : en 1665 par Junius, en 1671 par Stiernhielm, en 1750 par Lye, en 1763 par Ihre, en 1805 par Zahn, en 1843 parGobelentz et Loebe, en 1854-1857 par Uppstrom. On pourra consulter l’édition donnée par Ernest Bemhardt, Vulftla oder die gotische Bibel, Halle, 1875. Le facsimilé que nous publions (fig. 252) est emprunté au recueil de la Palœograp/iical Society, de Londres, t. i, p. 118. Il contient le texte de saint Marc, vii, 3-7. Voir Moritz Heyne, Ul/ilas, Text, Grammatik und Wôrterbuch, 3e édit., Paderboni, 1878. P. Batiffol.

ARGILE. Hébreu : hômér, « ce qui est rouge, o nom donné à l’argile à cause de sa couleur ; tît, mot primitif. Ces deux premiers noms sont les plus habituels. Ils sont employés le premier dix-sept fois et le second onze fois. Comme hômér vient de la même racine que hêniâr, qui signifie « bitume », les traducteurs ont quelquefois confondu l’un avec l’autre. On trouve encore, dans le sens d’argile, ’âfâr, « terre desséchée, poussière, » Gen., ii, 7 ; Lev., xiv, 42, et yâvên, « ce qui est trouble. » Ps. xxxix, 3 ; lxviii, 3. Septante : mjXdç, traduisant d’ordinaire les deux premiers noms hébreux, ÎX-j ; , et une fois àirocXri y- ?, , « terre molle ». Sap., xv, 7. Chaldéen : tin, Dan., ii, 41, 43. Vulgate : lutum, limus, cœnum.

L’argile est un silicate d’alumine hydraté, souvent mélangé de poussières de quartz et de mica, et l’enfermant parfois des éléments calcaires, des matières charbonneuses, ou de l’oxyde de fer qui la colore en jaune ou en rouge. L’argile prend différents noms, suivant l’état dans lequel elle se présente ou les usages auxquels elle peut servir. La marne est l’argile calcarifère ; le limon est L’argile mélangée de particules quartzeuses extrêmement ténues et d’oxyde de fer. L’argile s’appelle schiste quand elle est compacte et stratifiée ; jaspe, quand elle est très dure, très siliceuse et formée de couches diversement colorées. L’argile commune ou terre glaise est employée par les potiers et les sculpteurs, l’argile smectique ou terre à foulon sert à dégraisser les étoffes. Cf. A. de Lapparent, Traité de géologie, 2 8 édit., in-8°, Paris, 1885, p 683. Les terrains sédimentaires de la Palestine appartiennent au néocomien, qui occupe la base des assises infracrétacées, et sont recouverts çà et là de couches appartenant aux dépôts postérieurs, jusqu’au turonien, qui est la seconde assise du terrain crétacé. Cf. L. Lartet, Exploration géologique de la mer Morte, de la Palestine et de l’idumée, Paris, in-f° (1876), p. 58 et suiv. La présence de l’argile est assez fréquente dans ces différentes couches, et les Israélites ont pu l’utiliser partout où elle affleurait. Il y avait des potiers à Netaïm et à Gedera, I Par., iv, 23 (texte hébreu’, et dans la vallée de Ben-Hinnom, au sud de Jérusalem, Jer., xviii, 2 ; Matth., xxvii, 7. Près de la ville était un champ où les foulons trouvaient vraisemblablement l’argile smectique. IV Reg., xviii, 17 ; Is., vii, 3.

La Bible fait allusion aux différents usages de l’argile. On l’employait pour faire des briques, à Babel, Gen., xi, 3 ; en Egypte, Exod., i, 14 ; Judith, v, 10, et en Palestine, Nah., iii, 14, et on y imprimait, avant la cuisson, l’empreinte qu’on voulait. Job, xxxviii, 14. Elle servait aux potiers. Sap., xv, 7, 8 ; Eccli., xxxiii, 13 ; xxxviii, 33 ; ls., xxix, 16 ; xli, 25 ; xlv, 9 ; .1er., xviii, 4, 6 ; Rom., IX, 21. C’est en argile mélangée de paille que l’on construisait ces murailles des maisons communes, si facilement percées par les voleurs. Lev., xiv, 42 ; Job, iv, 19 ; Ezech., xiii, 10 ; Job, xxiv, 16 ; Matth., xxiv, 43. Mais le plus noble emploi de l’argile remontait au paradis terrestre, quand Dieu avait formé le corps d’Adam. Gen., il, 7 ; Job, x, 9 ; xxxiii, 6 ; ls., lxiv, 8 ; Tob., viii, 8. Notre-Seigneur en délaya pour oindre les yeux de l’aveugle. Joa., ix, 6.

L’argile, à l’état de vase, Jer., xxxviii, 6 ; Hab., iii, 15, de boue, de mélange sordide et glissant, est prise comme un symbole de misère profonde, Ps. xxxix, 3 ; lxviii,

3, 15 ; d’oppression et de malédiction, II Reg., xxii, 43 ; Job, xiii, 12 ; Ps. xvii, 43 ; xxxiv, 6 ; Dan., ii, 41 ; Jer., xxin, 12 ; xxxviii, 22 ; de chose vile, sans prix, bonne à fouler aux pieds, Job, xxvii, 16 ; xxx, 19 ; xli, 21 ; Sap., vu, 9 ; xv, 10 ; ls., x, 6 ; lvii, 20 ; Mich., vii, 10 ; Zach., ix, 3 ; x, 5. Cuite et à l’état de tesson, elle est l’image de la souffrance et de la désolation suprême. Ps. xxi, 16.

H. Lesêtre.
    1. ARGOB##

ARGOB, hébreu : ’Argôb, « pierreux ; » Septante : ’ApyôS. Nom d’homme et de pays.

1. ARGOB, personnage de la cour de Phacéia, roi d’Israël, et qui mourut avec ce prince, de la main de Phacée, à Samarie, dans la citadelle royale. IV Reg., xv, 25. Au lieu de juxta Argob et juxta Arie, que porte la Vulgate, on lit en hébreu : ’ef’Argôb ve’ët hâ’Aryêh, « avec Argob et Ariéh, » ce que les Septante ont bien traduit par |xSTa toû’Apybê /.ai |x£xà to-j’Apia. Ceci montre que les deux officiers, loin d’être les complices de Phacée, furent ses victimes. C’étaient probablement des commandants de la garde royale, ou tout au moins des employés du palais, des fonctionnaires importants, qui périrent en voulant défendre leur maître, ou que le conspirateur fit mourir parce qu’il redoutait leur influence.

A. Legendre.

2. ARGOB (hébreu : ’Argôb ; une fois, Deut, iii, 13, avec l’article défini, hâ" argôb), contrée située à l’est du Jourdain, dans le royaume de Basan, et renfermant soixante villes fortes, « munies de murs très hauts, de portes et de traverses. » Deut., iii, 4, 5. Échue à la demitribu de Manassé, elle devint la possession de Jaïr, qui donna son nom aux soixante places fortifiées en les appelant Havoth Jair, c’est-à-dire villes de Jaïr. Deut., iii, 13-14. Plus tard, sous Salomon, elle forma une des circonscriptions territoriales soumises aux receveurs généraux qui étaient chargés de lever les impôts en nature. III Reg., iv, 13. Elle n’est nommée que quatre lois dans l’Écriture. Sa situation précise n’est pas facile à déterminer.

I. Nom et situation. — Argob vient de Regôb avec aleph prosthétique, et, se rattachant ainsi à la racine inusitée râgab, signifie « monceau de pierres » ; c’est un mot voisin de régéb, « motte de terre, » employé dans Job, xxi, 33 ; xxxviii, 38. La version samaritaine le rend par Rîgôbaah. Mais les targumistes, Onkélos et Jonathan, voulant reproduire le sens étymologique, nous donnent, le premier, Trachona ; le second, Targona et Tarcona, du grec-rpor/wv, « lieu rude, » pays pierreux, raboteux, d’où est venu le nom de Trachonitide, province transjordanique. C’est pour cela qu’un certain nombre d’auteurs ont identifié Argob avec cette ancienne province, le pays actuel du Ledjah, dont la nature, du reste, comme nous le verrons, répond exactement à l’idée exprimée par l’hébreu et le grec. Ainsi pensent, après J. L. Porter, Five years in Damascus, Londres, 1855, t, ii, p. 271 ; Grove dans Smith’s Dictionary of the Bible, Londres, 1861, 1. 1, p. 104-105, et les auteurs de la nouvelle carte anglaise, feuilles 7 et 8, G. Armstroug, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 14. Le mot hébél, qui précède toujours Argob, ajoute même, d’après Porter, une forte présomption en faveur de cette identification. En effet, hébél, a^ohiaia, îtept|X"pov, funiculus, signifie littéralement « corde à mesurer », et il indiquerait ainsi avec une remarquable exactitude le cercle de rochers qui forme les contours du Ledjah et lui donne un aspect si singulier au milieu des plaines environnantes. J. L. Porter, The giant Cities of Bashan, Londres, 1872, p. 24. C’est, croyons-nous, trop presser le sens du mot, dont la signification dérivée, « champ héréditaire, morceau de terre, » ou, comme traduit la Vulgate, « région, » trouve ici aussi bien qu’ailleurs son application.

D’autres exégètes assimilent Argob à Basan. Ce nom,

d’après Keil, donné d’abord à la partie nord-est de Basan, le Ledjah actuel, ou plutôt à la grande région volcanique dont le point central forme le Safa, aurait été plus tard transporté à tout le pays du Hauran (c’est-à-dire de Basan), parce que non seulement le Djebel Hauran est de nature volcanique, mais encore le terrain de la plaine est en général composé d’un humus rouge-brun, qui est comme une efflorescence des roches éruptives, et le Ledjah lui-même n’est qu’un écoulement des cratères adjacents. Par sa formation basaltique, l’Auranitide se distingue ainsi du Belka, du Djebel Adjloun et du Djaulan, où dominent le calcaire et la craie. Cf. C. F. Keil, Die Bûcher Mose’s, Leipzig, 1870, t. ii, p. 423. De même pour H. Guthe, Argob est identique au royaume de Basan, puisque, dans deux passages différents, Deut., iii, 14, et Jos., xii, 4, 5, nous trouvons la même délimitation pour les deux pays. Seulement Argob, en tant que « district des places fortes », serait le siège particulier de l’empire sur tout le territoire de Basan, et, comme il est limité par les contrées de Gessur et de Maacha, il faut le chercher à l’est du Djaulan actuel. Cf. Zeitschrift des deulschen Palàstina-Vereins, Leipzig, 4889, t, xii, p. 237-238.

Eusèbe et saint Jérôme, parlant d’  « Argob, région d’Og, roi de Basan, sur le Jourdain », mentionnent un bourg appelé’Epfâ ou Arga, situé « dans les environs de Gérasa, ville d’Arabie, dont il était distant de quinze milles ». Cf. Onomaslicon, Gœttingue, 1870, p. 216 ; S. Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxill, col. 867. Pour Reland, Palseslina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. ii, p. 958, ’Ep^â, qu’il faut peut-être lire’EpyoêS, est la Bagab du Talmud, Mischna, Menachoth, viii, 3, renommée pour son huile ; la’Pctycéâ de Josèphe, Ant.jud., XIII, xv, 5, forteresse située au delà du Jourdain, dans la contrée des Géraséniens ; et il voit dans ce nom un vestige de celui d’Argob. On trouve encore aujourd’hui, à l’est du lac de Tibériade, au point de jonction du Nahr er-Rukkâd et du Schériat el-Menàdiréh (Yarmouk ou Hiéromax), une localité nommée Khirbet’Arqûb er-Rahouah. G. Schumacher croit que « c’est là le site de l’ancien Argob de la Bible, plutôt que dans la Trachonitide ou Ledjah ». Across the Jordan, Londres, 1886, p. 45. Ce sentiment nous paraît peu acceptable. A la rigueur, ’Arqùb pourrait rappeler le district dont nous parlons, comme, pour quelques auteurs, la ville de Bataniyéh, à l’est du Hauran, rappelle l’ancienne Batanée ; mais, outre que le nom lui-même, avec aïn initial et qof médial, s’éloigne de Y Argob primitif avec aleph et ghimel, on le retrouve dans plusieurs autres endroits de la Palestine, tant à l’ouest qu’à l’est du Jourdain. Il y a même aux environs de Jérusalem un district qui porte le nom d’Arkûb.

En somme, nous croyons que le territoire d’Argob ne doit pas être restreint au seul Ledjah, dont certains parages sont presque inhabitables ; et que, d’un autre côté, sans avoir toute l’étendue du royaume de Basan, il en devait comprendre une bonne partie. Limité à l’ouest par les pays de Gessur et de Maacha, Deut., iii, 14, c’est-à-dire, d’après plusieurs auteurs, certaines contrées du Djaulan et celles qui s’étendent au sud et au pied de l’Hermon, il devait renfermer le Ledjah et la grande plaine qui, du Djebel Hauran, s’en va vers la Gaulanitide. Pour les villes qui en faisaient la force, voir Havoth Jaïr.

IL Description. — Le Ledjah est un grand plateau d’une forme ovale irrégulière, s’étendant sur une longueur de trente à quarante kilomètres au nord-ouest du Djebel Hauran, dans la direction de Damas. Compris entre l’ouadi Lououa à l’est, l’ouadi el-Haram à l’ouest et l’ouadi Kanaouât au sud, il présente, principalement à son bord occidental, de profondes échancrures qui forment comme des baies et des promontoires. (Voir la carte, fig. 253.) La surface générale, élevée de huit à dix mètres au-dessus des plaines environnantes, n’est qu’une coulée de lave vomie par la montagne volcanique. « Les caractères phy siques du Ledjah, dit Porter, présentent les plus singuliers phénomènes que j’aie jamais vus, et il n’y en a pas, autant que je puis savoir, de semblables au monde, à l’exception du Safa. Le pays est composé de roches basaltiques noires, qui semblent être, par d’innombrables pores, sorties de la terre, aux temps passés, à l’état liquide, et avoir coulé de tous côtés jusqu’à ce que la plaine ait été entièrement couverte. Avant de se refroidir, la surface fut agitée par quelque terrible tempête ; et plus tard elle fut déchirée par des vibrations et convulsions intérieures. Les cratères d’où fut projetée la masse liquide sont encore visibles. » Porter, Five years in Damascus, Londres, 1855, t. ii, p. 241.

Vue même d’une petite distance, la surface du Ledjah

F. Tli nilliM. ^jt

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253. — Carte du pays d’Argob.

paraît aussi plate que la mer ; mais la croûte de laves, épaisse de deux cents mètres en moyenne, est sillonnée d’innombrables crevasses plus ou moins profondes, qui se coupent dans toutes les directions et forment un inextricable labyrinthe de ravins et de précipices. De nombreuses boursouflures formées par la matière en ébullition, de larges fosses naturelles et une multitude de cavernes achèvent de faire de cette région un pays à peu près impraticable, surtout pour des étrangers. Aussi, à toutes les époques, les populations poursuivies ou persécutées ont-elles cherché un asile dans ce canton, qui a pris de là son nom de Ledjah, c’est-à-dire, en arabe, « refuge. » En raison de ces nombreuses cavernes qui à chaque pas recèlent un danger pour l’assaillant, de ce terrain anguleux qui rend la marche difficile, de ces murs ou enceintes de pierres qui autrefois abritaient les plantations et maintenant forment une série de remparts, le Ledjah a une importance stratégique que fait bien ressortir, T. G. Wetzstein, Beisebericht ùber Hauran und die Trachonen, Berlin, 1860, p. 29.

Il y a dans le pourtour occidental de cette contrée environ huit villes et vingt-cinq bourgs, et dans l’intérieur quatre villes et quatorze bourgs qui ont encore de hautes murailles composées de fortes pierres de taille. Quelques-unes de ces villes ont une étendue considérable,

et la beauté de leurs monuments d’architecture témoigne de leur importance et de leur richesse primitives. Il suffit de nommer ElMusmiyéh, Burâk, Nedjrân, Ezra.

Au sud et au sud-ouest du Ledjah s'étend une immense plaine formée d’une terre volcanique de couleur rougeâtre, au-dessus de laquelle s'élèvent des affleurements de basalte ; elle porte le nom d’EnJS’ouq rat elHaurân, « la pente du Hauran. » Très riche et très fertile, quelquefois légèrement ondulée, quelquefois absolument plate, elle renferme çà et là des monticules de forme arrondie, que l’on aperçoit à de grandes distances. Elle est couverte dans toutes les directions de villes construites en basalte noir, dont quelques-unes ne sont plus que des monceaux de débris ; d’autres sont dans un état de conservation presque parfaite. Leurs rues et leurs murs sont bien conservés, et, chose plus étonnante, les portes en pierre tiennent encore sur leurs gonds. Malgré des remaniements postérieurs, quelques-unes des constructions, de l’avis des voyageurs, remontent à une haute antiquité et doivent leur origine à une nation puissante, à un peuple d’une force et d’une taille supérieures à celles d’aujourd’hui. Pour plus de détails, voir Amorrhéens, col. 508, et Auranitide. Outre les ouvrages cités dans cet article, on peut consulter aussi, sur les pays que nous venons de décrire : J. L. Burckhardt, Travels in Sijria and the Holy Land, in-4°, Londres, 1822, p. 51 et suiv., 2Il et suiv. ; U. J. Seetzen, Reisen durch Syrien, Palàstina, etc., Berlin, 1854, t. i, p. 34-134 ; E. G. Rey, Voyage dans le Haouran, Paris,

1860, avec un atlas in-fol.
A. Legendre.
    1. ARIARATHE##

ARIARATHE ('Apiapiâï) ; ), nom porté par un grand nombre de rois de Cappadoce. Les Romains, du temps du gouvernement de Simon Machabée, écrivirent en faveur des Juifs à un prince de ce nom, Ariarathe V Eusèbe Philopator, qui régna de 163 à 130 avant J.-G.

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254. — Monnaie d' Ariarathe V.

Tête d’Ariarathe V, jeune, diadémée, à droite.— %. BASIAEÛS APIAPA0OY Eï'SEBOrS <î>IAOPATOPOS. Dans le champ, S, an 3.

I Mach., xv, 22. Avant son avènement au trône, il s’appelait Mithridate. Diodore, xxxi, 19, 7, édit. Uidot, t. ii, p. 503. Il avait été élevé à Rome, Tite Live, xlii, 19, et fut toute sa vie l’instrument docile des Romains. Dès le début de son règne, il s'était attiré l’inimitié de Démétrius I er Soter, roi de Syrie, dont il avait refusé d'épouser la sœur. Démétrius appuya les prétentions d’Oropherne, qui s’empara du trône de Cappadoce, en 158. Ariarathe fut obligé de se réfugier à Rome, mais bientôt il fut rétabli sur le trône avec l’aide des Romains et d’Attale II, roi de Pergame, son beau-frère. Polybe, iii, 5 ; xxxii, 20 ; Appien, Syr., 47 ; Justin, xxxv, 1. Peut-être, toutefois, fut-il obligé de partager le trône avec Oropherne. Appien, Syr., 47. Ariarathe V fut le plus grand roi de Cappadoce et celui qui fit faire le plus de progrès à la civilisation hellénique dans ce pays. Il intervint dans les affaires de tous les pays voisins, et mourut après un règne de 33 ans, en combattant pour les Romains dans la guerre d’Aristonique. Ariarathe dut accueillir favorablement la lettre de Lucius en faveur des Juifs. — Voir Théodore Reinach, Trois royaumes d’Asie Mineure, in-8°, Paris, 1888, p. 15 et 37, E. Bevrlier.

1. ARIAS MONTANO Benito, orientaliste espagnol, né, en 1527, dans le diocèse de Badajoz, à Frejenal de la Sierra, c’est-à-dire de la montagne, d’où son surnom de Montano ou Montanus, mort à Séville le 6 juillet 1598, l’un des hommes les plus éminents de l’Espagne au xvi 8 siècle. Après avoir fréquenté les écoles de Séville et étudié la théologie et les langues orientales à Alcala, il voyagea dans diverses contrées de l’Europe, en s’appliquant aux langues vivantes. Ensuite il entra dans l’ordre de Saint-Jacques en qualité de clerc ; en 1562, Martin Perez d’Aiala, évêque de Ségovie, se fit accompagner par lui au concile de Trente, et Arias s’acquit une grande réputation au sein de cette assemblée. Philippe II le tira de son ermitage d’Aracena, où il s'était fixé au retour de Trente, pour le charger de l'édition d’une nouvelle Bible polyglotte. Montanus eut pour collaborateurs dans cette entreprise des hommes de haut mérite, tels qu’André Mæs, François Lucas de Bruges, docteur de Louvain, Lefèvre de la Boderie et son frère Nicolas, Fr. Rapheling, gendre de Plantin, Guill. Canter. L’ouvrage entier fut imprimé en trois ans (1569-1572), chez Christophe Plantin, à Anvers, et parut en huit volumes in-folio, sous le titre de Biblia sacra hebraice, chaldaice, grsece et latine, Philippi II régis catholici pietate et studio ad sacrosanctse Ecclesise usum. Cette Polyglotte, bien supérieure à celle d’Alcala par le nombre de ses versions, et surtout à cause de la richesse de son Apparatus biblicus, est plus ordinairement connue sous le nom de Bible royale, ou Polyglotte d’Anvers. Elle renferme, outre ce qui se trouve dans la Bible d’Alcala, des paraphrases chaldaïques, une version syriaque du Nouveau Testament en caractères syriaques et hébraïques, accompagnée d’une traduction latine. Outre la direction générale des travaux, Montanus a contribué pour une large part à cette œuvre. Il a corrigé la version latine de l’Ancien Testament donnée par Santé Pagnini, et son interprétation latine du texte grec du Nouveau Testament a été souvent reproduite par les éditeurs qui vinrent plus tard. Il a composé encore plusieurs dissertations sur les antiquités hébraïques. Ce bel ouvrage fit honneur à Arias, mais lui suscita un ennemi dans la personne de Léon de Castro, professeur de langues orientales à Salamanque. Castro dénonça Arias d’abord à l’Inquisition de Rome, puis à celle d’Espagne, pour avoir altéré le texte de la Bible, et confirmé les Juifs dans leur croyance par ses paraphrases chaldaïques. Arias dut faire plusieurs voyages à Rome pour se justifier. Il fut absous en 1580, et c’est alors que Philippe II lui offrit un évéebé comme récompense de ses travaux ; mais la modestie de ce savant se contenta d’une pension et d’une place de chapelain royal. Il s'était fixé de nouveau dans sa solitude d’Aracena ; Philippe II l’en tira une seconde fois pour lui confier la bibliothèque de l’Escurial, récemment construit, et le soin d’enseigner les langues orientales aux Hiéronymites de ce monastère. Arias Montanus mourut à Séville, dans la maison des chevaliers de Saint-Jacques, enl598. Les contemporains et les écrivains postérieurs s’accordent à louer la science et les vastes connaissances de cet homme vraiment éminent. Ses ouvrages roulent presque tous sur l'Écriture Sainte. Sa traduction latine de la Bible, qui forme le t. vu de la Polyglotte, a été tirée à part et plusieurs fois réimprimée. Elle a pour titre : Rebraicorum Bibliorum Veteris Testaments latina interpretatio, opéra olim Xantis Pagnini Lucensis : nunc vero Benedicti Arise Montani, etc., ad hebraicam dictionem diligenlissime expensa ; Novum Testam.entu.rn grsece cum Vulgala interprelalione latina grseci contextus lineis inserta : quse quidem interpretatio, cum a grsecarum dictionum proprietate discedit, sensum, videlicel magis quant verba exprimens, in margine libri est collocata, atque alla B. Arise Montant hispalensis opérae verbo reddita ac diverso generum charactere distincta ; 2 tomes en 1 in-f°, Anvers, 1572. Onze ans plus tard, Plantin en publia une nouvelle édition avec les livres deutérocaiioniques ; Biblia hebraica.

Eorurndem latina interpretatio Xantis Pagnini, recenter B. Arix Montani et quorumdam aliorum collato studio, ad hebraicam dictionem diligentissime expensa. Accesserunt et huic editioni libri grœce scripti, qui vocantur apocryphi, cum interlineari interpretatione latina ex Bibliis Complutensibus petita, in-f°, Anvers, 1583. La traduction de l’Ancien Testament, d’une littéralité absolue, n’est pas toujours exacte, mais elle est très commode pour ceux qui sont peu familiarisés avec l’hébreu, parce qu’elle donne au-dessus de chaque mot hébreu sa signification en latin et qu’elle indique en marge les racines, aussi a-t-elle été très répandue. Pierre de la Rovière la réimprima in-f°, à Genève, sous la date de 1609 et 1619. Une autre édition in-f° fut publiée à Leipzig en 1657 avec une préface des théologiens de cette ville. Il existe aussi une édition de Rapheling en 9 in-8 « , Liège, 1599 ou 1610-1613.

Arias Montano a laissé aussi toute une série de commentaires, imprimés pour la plupart chez Plantin, à Anvers. Les principaux sont : Commentaria in XII prophetas, in-8o, Anvers, 1571 ; in-4o, 1582 ; Ehtcidationes in quatuor Evangelia, in-4o, Anvers, 1575 ; Elucidationes in Acta Apostolorum, dans le même volume ; De varia republica sive commentantes in librum Judicum, in-4°, Anvers, 1592 ; De optimo imperio sive in librum Josue commentarius, in-4o, Anvers, 1583 ; Antiquitatum judaicarum libri IX, in-4°, Liège, 1593 ; Commentarius in Esaie prophétie sermones, in-4o, Anvers, 1599 ; Commentaria in XXX priores Davidis psalmos, in- 4°, Anvers, 1605. Plusieurs de ses commentaires ont été mis à l’index. Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament, t. ii, ch. x, a jugé sévèrement ses traductions de l’Écriture, auxquelles on peut reprocher, en effet, une littéralité excessive. Ses explications du texte sacré ne sont pas non plus toujours heureuses, mais on ne peut lui contester un grand savoir, et il est certain qu’il a contribué efficacement au progrès des études orientales. Voir Chr. Saxe, Onomasticon literar., part, iii, p. 440 ; Ellies Dupin, Biblioth. des auteurs ecclésiastiques, xvie siècle, t. v, p. 560-564 ; Rich. Simon, Critique de la Biblioth. de Du Pin, 1730, t. ii, p. 213 ; Mohnike, dans YAllgemeine Encyklopàdie, 1820, t. v, p. 233-237 ; T. G. Carvajal, Elogio histôrico del D. B. Arias Montano, dans les Memorias de la real Academia de laHistoria, Madrid, 1832, t. vii, p. 1-199 ; Chapel Gorris, Vie d’Arias Montano, Bruxelles, 1842, in-8o ; C. Ruelens et A. de Backer, Annales Plantiniennes, Paris, 1866, p. 128, 108, 157, 253.

L. GUILLEREAU.

2. ARIAS (Pedro de), commentateur espagnol, prit l’habit religieux dans l’ordre de Saint-Augustin, au couvent de Saint - Sébastien d’Urrea, et fut professeur d’Écriture Sainte à l’université de Huesca, vers 1599. Il mourut au couvent de Notre-Dame del Socorro de Valence, en 1617. On a de lui : Exposition sobre et Cântico y Oraciôn del Profeta Abacuc, en lengua castellana, dedicada à la Serenisima Emperatriz Dona Maria de Austria. Cet ouvrage se conservait en manuscrit au couvent de San Felipe et Real de Madrid. B. Moral.

    1. ARIBON##

ARIBON, commentateur allemand, mort le 13 avrill031. D’abord archichapelain de l’empereur d’Allemagne Henri II, vers 1020 ou 1021, il fut élu archevêque de Mayence, et en 1024 il couronna l’empereur Conrad II. Il présida le concile de Mayence (1023) et ceux de Séligenstadt (1024 et 1026), et fut un des grands zélateurs de la discipline ecclésiastique à cette époque. Entre autres ouvrages, il a composé un Commentarius in XV psalmos graduum, qu’il dédia à Bernon, abbé de Reichenau. Le Commentaire ne paraît pas avoir été imprimé. Voir Fabricius, Bibliotheca latina médise, et infimæ Latinitalis, édit. de 1858, t. I, p. 126 ; U. Chevalier : Répertoire des sciences historiques du moyen-âge, in-4o, Paris, 1877-1883,

t. i, p. 162. L. GUILLEREAU.

    1. ARIDAI##

ARIDAI (hébreu : ’Arîddï ; Septante : ’Apaaîot), neuvième fils d’Aman, pendu avec son père et ses frères. Esth., ix, 9.

    1. ARIDATHA##

ARIDATHA (hébreu : ’Arîdâfâ’; Septante : Sapëax » ), sixième fils d’Aman. Esth., ix, 8.

ARIÉ (hébreu : Haaryéh, « le lion ; » Septante : ’Apia), officier du roi d’Israël Phacéia, tué avec Argob, près de son maître, dans la conspiration de Phacée, fils de Romélie. IV Reg., xv, 25. Voir Argob 1.

    1. ARIEL##

ARIEL, hébreu : ’Âri’êl, « lion de Dieu, » c’est-à-dire héros ; Septante : ’ÀpiyjX. Nom d’homme, nom commun et nom symbolique.

1. ARIEL, fils de Gad. Num., xxvi, 17. Il est appelé Aréli dans la Genèse, xlvi, 16. Voir Aréli.

2. ARIEL, nom propre ou nom symbolique donné à de vaillants hommes de Moab. Le nom se décompose en’ârî, « lion, » et’êl, « Dieu. » Le lion désigne métaphoriquement un héros, un puissant guerrier, et l’expression « lion de Dieu », analogue à d’autres bien connues, « cèdres de Dieu, montagnes de Dieu, etc., » s’emploie comme superlatif pour marquer des héros extraordinaires. En arabe et en persan, un « lion de Dieu » est aussi un héros. Voir Gesenius, Thésaurus lingusehebrsese, p. 147.

— Il est raconté de Banaïas, l’un des compagnons d’armes de David, qu’il « frappa les deux Ariels de Moab ». IPar-, xi, 22 ; II Reg., xxiii, 20. — 1° Dans les Paralipomènes, les Septante et la Vulgate traduisent : « les deux Ariel de Moab. »

— 2° Dans le passage des Rois, les Septante traduisent : « les deux fils d’Ariel de Moab, » et la Vulgate : « les deux lions de Moab. » — Quelques commentateurs suivent les Septante, et traduisent les deux passages : « il frappa les deux fils d’Ariel de Moab, » ou « les deux Ariel de Moab ». Il est difficile de savoir si Ariel est ici un nom propre ou

un terme métaphorique.
H. Lesêtre.

3. ARIEL, un des chefs qu’Esdras envoya d’Ahara à Asphia, afin d’engager des lévites et des Nathinéens à le suivre de Babylone à Jérusalem, pour le service du temple. I Esdr., viii, 16.

4. ARIEL ou AREL, héros. — Isaïe se sert dans ce dernier sens du mot’ér’êl, qui paraît n’être qu’une contraction de’âri’êl : « Voici que leurs héros (’ér’êlâm, Vulgate : videntes) crieront dehors. » Is., xxxiii, 7. L’ariel serait donc un gébér, un homme de grand courage et de grande force musculaire, un de ces géants qui, comme le Goliath philistin, faisaient merveille dans les combats corps à corps, et au besoin défiaient orgueilleusement les adversaires à venir se mesurer avec eux. Dans la suite du verset d’Isaïe, il y a que « les messagers (mâl’âkê) de la paix pleureront amèrement ». Comme mâl’ukê veut aussi dire « anges », la tradition rabbinique a pris le mot parallèle de la première partie du verset, pour en faire le nom de la troisième des dix espèces d’aiiges qu’elle reconnaît, les’ar’êlîm, les « puissants ». Moses Maimonide, Des fondements de la loi, n ; Petau, De Angelis, ii, 1, 14. Par la suite, on a fait d’Ariel le nom d’un mauvais ange. La Vulgate a traduit « voyant », comme Aquila, Symmaque, Théodotion, le Targum et la version syriaque, parce que ces traducteurs ont considéré’ér’êl comme une contraction de’érâ’éh lâm, « je serai vii, je me manifesterai

à eux. »
H. Lesêtre.

5. ARIEL, nom symbolique de Jérusalem. — Le mot’âri’êl est encore employé par Isaïe, dans sa prophétie contre Jérusalem : « Malheur ! Ariel, Ariel, ville qu’habita David ! Qu’on ajoute une année à une année, que le cycle des fêtes se complète, et je ferai tomber la détresse sur Ariel :

elle sera triste et désolée, et elle sera pour moi comme Ariel. » xxix, 1, 2. Ariel désigne ici Jérusalem, ainsi qu’au ꝟ. 7, tous en conviennent. Mais faut-il entendre le mot dans le sens d’  « autel de Dieu » (voir Ariel C), comme l’ont fait les anciens commentateurs juifs et d’autres à leur suite, ou dans le sens de « lion de Dieu », comme le font d’autres interprètes ? Il est certain qu’au début de l’oracle le sens de « lion de Dieu » est appelé par le contexte. Jérusalem est pour le prophète, non « l’autel de Dieu », mais la « ville qu’habita David ». Or David était alors le plus illustre descendant de celui dont il avait été dit : « Juda est le petit du lion ; il s’est courbé, il s’est couché comme un lion et comme une lionne : qui le fera lever ? » Gen., xlix, 9. La cité de David peut donc à bon droit être appelée Ariel, la ville du lion de Dieu. A. la fin de l’oracle, Ariel est en antithèse évidente avec l’Ariel du commencement. Jérusalem dévastée et châtiée sera pour Dieu « comme Ariel », nécessairement comme un Ariel différent de l’Ariel, cité de David et « lion de Dieu ». Quel sera cet autre Ariel ? Le prophète l’indique au ꝟ. 6 du même chapitre : « Le Seigneur des armées la châtiera par Je tonnerre et le tremblement de terre, par la grande voix de l’ouragan et de la tempête et par la (lamme du feu dévorant. » Il s’agit donc à présent d’un Ariel « foyer de Dieu ». Ce sens est justifié par cet autre passage d’Isaïe, xxxi, 9 : « Parole de Jéhovah, qui a son feu (’tir) à Sion et son foyer (tannûr) à Jérusalem. » Si l’on traduit dans les deux cas Ariel par « lion de Dieu », l’antithèse disparait et l’oracle se termine d’une manière inintelligible. Si l’on prend dans les deux cas Ariel comme « foyer de Dieu », on aboutit à une tautologie. Il reste donc à traduire ainsi l’oracle d’Isaïe : Malheur à toi, Ariel, « lion de Dieu », ville qu’habita David ; le châtiment va t’accabler, et tu seras vraiment pour moi Ariel, le « foyer de Dieu », car le feu de ma colère te consumera. Le prophète joue ainsi sur les deux sens du mot’ârl’êl, comme plus loin sur’ûr et (annûr, et très souvent sur d’autres mots qui ont des similitudes radicales ou phonétiques.

H. Lesêtre.

6. ARIEL, nom symbolique donné à un autel. Dans sa description du sanctuaire, Ézéchiel écrit : « Quant à har’êl, il avait quatre coudées, et de har’êl s’élevaient en l’air quatre cornes, et’ârïêl avait douze coudées de long et douze coudées de large. » xliii, 15, 16. Il s’agit ici de l’autel des sacrifices. Les versions traduisent par le même mot, àpiTJX, ariel, les deux termes du texte hébreu qui, à la vérité, désignent un même objet, mais sous des rapports différents. Har’êl, « montagne de Dieu, » c’est l’autel considéré au point de vue de sa masse et de sa hauteur. Quant à’ârî’êl, il ne peut vouloir dire ici « lion de Dieu », ce qui n’aurait aucun sens. On fait donc venir le mot du radical’ârâh, « brûler, être en feu, » d’où le sens de « foyer de Dieu », qui convient très bien à la table de l’autel, sur lequel étaient consumées les victimes. Le jeu de mots entre har’êl et’ârî’êl n’a rien qui doive étonner dans Ézéchiel. De semblables paronomases sont familières aux auteurs hébreux, et même recherchées volontiers par les prophètes. Le nom A’ariel donné à un autel était d’ailleurs d’un usage bien antérieur à Ézéchiel. On le trouve dans l’inscription de la stèle de Mésa. Ce roi se vante d’avoir pris à Israël la ville d’Ataroth, et il ajoute : « J’emportai de là V ariel de dvdh (daoudoh), et je le traînai à terre devant la face de Chamos » (ligne 12). Le sens d’autel est admis par tous, et c’est celui qui convient le mieux au contexte. Quant à dvdh, ce serait, d’après Smend et Socin, Die Inschrift des Kônigs Mesa, in-8°, Fribourgen-Brisgau, 1886, p. 4-5, une divinité du nom de Daoudoh, divinité parfaitement inconnue d’ailleurs, tant en Israël que chez les autres peuples. Il est probable que dvdh n’est autre chose que le nom de David, et que l’autel en question rappelait le souvenir de David à Ataroth, soit par son érection, soit par quelque autre circonstance à nous inconnue. Cinq lignes plus bas, Mésa raconte qu’il a pris

Nébo au roi d’Israël, et il ajoute encore : « J’emportai de là les… de Iavéh, et je les traînai à terre devant la face de Chamos. » Du mot qui manque, la dernière syllabe lî se voit nettement au commencement de la dix-huitième ligne. M. Clermont-Ganneau supplée un caph à la ligne précédente, ce qui donne keli, « les vases, » les objets sacrés servant au culte de Jéhovah. Mais M. P. Berger, Histoire de l’écriture dans l’antiquité, hi-8°, Paris, 1891, p. 191, assure que l’examen de l’estampage, qui est très froissé en cet endroit, fait voir à l’extrémité de la ligne un aleph, et peut-être aussi la queue d’un resch. Il adopte en conséquence la traduction de Smend et de Socin : « les ariels de Javéh. » Il y aurait donc eu à Nébo des autels consacrés à Jéhovah par les rois séhismatiques et idolâtres d’Israël, ou du moins des objets que

les Moabites regardaient comme tels.
H. Lesêtre.
’ARIÉLITE, descendant d’Aréli. Voir Aréli.
    1. ARIGLER Altmann François-Xavier##

ARIGLER Altmann François-Xavier, bénédictin autrichien, né à Kirchdorf, en Autriche, le 6 novembre 1768 ; mort abbé de Gôttweig, le 5 juin 1846. Il fit ses études à Linz, puis fut chargé du cours d’interprétation des Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testament, qu’il professa à Linz, à Gôttweig et à Vienne, jusqu’à l’année 1812, où il fut élu abbé de Gôttweig. Son enseignement fut si brillant, que l’université de Vienne lui conféra le doctorat théologique ad honores ; l’empereur François I er l’honora du titre de conseiller, et Ferdinand I er le nomma chevalier de l’ordre de Léopold. Arigler a laissé : 1° Hermeneutica biblica in usum academicum ; 2° Introductio in libros Veteris Faideris, en six volumes manuscrits, que l’on garde dans la bibliothèque de Gôttweig. J. Parisot.

ARIMATHIE CApi^aca), ville de Palestine. — Arimathie paraît n’être qu’une forme grecque de l’hébreu Ramah ou Ramatah. Les Septante traduisent ordinairement Ramathaïm, duel de Ramah, par’Ap|xa6ai’|x (I Reg., i, 1, 3, 19 ; ii, 11 ; vii, 17 ; xix, 18, 22) ; Josèphe l’exprime quelquefois par’Apjj.a6â et’A p « [mOiï, souvent par’Apajx « 6à. Ant. jud., VI, iii, 3 ; iv, 1 ; XI, iv, 5 ; viii, 15, etc.

Arimathie était le lieu d’origine de Joseph, le noble décurion, Marc, xv, 43 ; Luc, xxiii, 51, disciple de Jésus, Joa., xix, 38, qui ensevelit Notre -Seigneur dans son propre tombeau. Il est peu probable qu’Arimathie ait été le lieu de résidence de Joseph, puisque celui-ci avait son tombeau à Jérusalem, et que, d’après l’opinion commune, il était membre du Sanhédrin.

Arimathie, d’après saint Luc, était une ville des Juifs, toXeùjç tûv’IouSaîinv, ou de la Judée ( Vulgate) ; c’est tout ce que le Nouveau Testament nous dit sur sa position géographique. Aussi n’est-on pas d’accord sur la localité à identifier avec Arimathie. Raùmer, Schegg, Kitto, Guérin, identifient Arimathie avec Ramléh, à trois kilomètres au sud de Lydda. Dans son épitaphe de sainte Paule, saint Jérôme fait suivre à la sainte un itinéraire qui semble placer Arimathie à Ramléh ; elle va en effet d’Antipatris à Lydda, et de là à Arimathie et à Joppé. La plupart des pèlerins et des voyageurs qui, depuis les Croisades, ont visité Ramléh, s’accordent à y retrouver Arimathie. C’était entre autres l’avis de Boniface de Raguse, de Quaresmius, de Reland. V. Guérin déclare que l’identification de Ramléh avec Arimathie, sans être absolument incontestable, repose sur des probabilités telles, qu’elles approchent de la certitude. Description de la Palestine, Judée, t. i, p. 55.

Ramléh, située à la croisée des routes de Jaffa à Jérusalem et d’Egypte à Damas, est bâtie sur un léger renflement de terrain (iig. 255). Précédée de belles haies de cactus, elle est entourée de jardins, où croissent surtout l’olivier, et aussi le sycomore, le caroubier, même quelques palmiers. Le sol sablonneux, fréquemment arrosé artificiellement, est très fertile. Le climat est doux et sain.

Les rues sont peu nombreuses et très sales quand il a plu ; les maisons sont en pierre, quelques-unes assez grandes et bien bâties. Ramléh est actuellement une ville de 5 000 habitants ( Frère Liévin).

Le couvent latin, situé à l’ouest de la ville, est vaste et bien distribué ; il a été fondé en 1240 par Philippe le Bon, duc de Bourgogne, sur l’emplacement d’un ancien khan : il est confié aux Pères franciscains, qui y reçoivent les pèlerins. La chapelle du couvent a été bâtie, dit-on, sur l’emplacement de la maison de Joseph d’Arimathie. D’après une autre tradition, relatée par Boniface de Raguse (xvie siècle), elle aurait remplacé l’atelier où Nicodème travailla le crucifix miraculeux, vénéré actuellement dans la cathédrale de Lucques, et dont la tête du Christ fut sculptée, dit-on, pendant le sommeil de Nicodème, par une main céleste. L’enceinte ancienne de la ville, avec ses douze portes, n’existe plus. En dehors de

sons qu’il en donne dans un travail manuscrit qui nous a été communiqué. Eusèbe identifie Arimathie avec Ramatha ou Ramathaïm-Sophim, la patrie de Samuel, et la place dans le voisinage de Lydda. Saint Jérôme ajoute qu’elle était dans le district de Thamna. Ces deux écrivains nous assurent que de leur temps Arimathie était appelée Remphis (Eusèbe) ou Remphtis (Jérôme). Où est située Rempli tis-Arimathie ? Ce n’est pas Ramléh, pour les raisons qu’en a présentées Robinson ; ni Beth-Rimah, comme l’avait soutenu van de Velde, Map of holy Land, Gotha, 1865. Rimah, avec l’article ha-Rimah, est sans doute identique à Ramah, Ramatha et Arimathie ; de plus, cette localité est certainement dans la Thamnitique et dans la montagne d'Éphraïm ; mais ce nom semble être le nom ancien : il était déjà connu lors de la rédaction du Talmud e en tout cas.1 existait au temps d’Eusèbe et de saint Jérôme ; ce ne peut donc être la RemnV, M..7

e la rte mpntis indiquée par eux.

  • ^*4^—

255, — Vue de Ramk’h d’après une photographie.

la ville, on va visiter la mosquée Blanche et la tour des Quarante Martyrs (fig. 256), du haut de laquelle on a une vue splendide sur Jaffa et les montagnes de la Judée.

D’après la tradition citée plus haut, Ramléh aurait occupé l’emplacement de l’ancienne Arimathie. Mais si nous en croyons les écrivains arabes, Aboulféda en particulier, Tab. Syr., édit. Kôhler, p. 79, elle aurait été fondée en 716 par Soliman, fils d’Abd el-Mélek ; Guillaume de Tyr et Marinus Sanutus confirment ce renseignement. Robinson rejette l’identification de Ramléh avec Arimathie ; les textes anciens, d’après lui, indiqueraient plutôt un emplacement au nord-est ou à l’est qu’au sud de Lydda. Biblical Researches in Palestine, l re édit., t. iii, p. 40-43. En outre, dit-il : 1° la tradition sur Ramléhvrimathie ne remonte qu’au ix B siècle ; les pèlerins plus anciens ont cité les villes voisines sans en parler. 2° Ramléh, ainsi que nous l’avons dit plus haut, n’aurait pas succédé à une ville ancienne, mais aurait été, d’après les géographes arabes, fondée au vm « siècle par Soliman, fils d’Abd el-Mélek. 3° Les deux noms Ramah et Ramléh sont, étymologiquement parlant, tout à fait différents : Ramléh signifie sable, et Ramah hauteur. Cette objection est réfutée par M. Guérin, Judée, t. i, p. 48-55.

M. L. Heidet, professeur à l'École biblique de Jérusalem, identifie Arimathie avec Rentis, localité située au nordest de Loudd, l’ancienne Lydda. Voici en résumé les rai « Il est impossible, écrit M. Heidet, de ne pas reconnaître ce nom dans la localité actuelle de Rentis. Le ?, ph, est ici pour l’euphonie, comme dans BeOpa^Oà ou Bethromphta de YOnomaslicon, pour Beth-Ramtha. Le mot vrai est donc Rendis. La suppression du t dans le texte d’Eusèbe peut être le fait des copistes, à moins qu’il n’ait été supprimé pour raison d’euphonie. Le changement de m en n est ordinaire chez les Arabes. Rentis est un village où se voient de nombreuses ruines, des citernes et des tombes anciennes. On y remarque en particulier les débris d’une église dans le village même, et au dehors, à peu de distance, les habitants signalent les restes d’une grande et belle mosaïque, qu’ils disent être les restes d’une autre église. Le village est sur une hauteur au sommet allongé, s' élevant de 220 mètres au-dessus de la Méditerranée, et dominant tous les environs et la grande plaine. Rentis est à trois lieues au nord-est de Lydda, à deux lieues à l’ouest de Beth-Rimah. Tous les caractères spécifiques de Ramothaïm lui conviennent. Un document officiel vient attester que, pour les croisés de Terre Sainte, Rentis était Arimathie, patrie de Joseph : c’est un chapitre des Assises de Jérusalem. Le voici en français moderne : « Quels « sont les sullïagants de Saint - Georges de Lvdda. — « … L’abbé de Saint-Joseph d’Arirnathie, laquelle est maillet tenant appelée Rantis… » Les autres documents de cette période sont rares. On trouve un pèlerin anonvme de 1 ILO, qui indique Arimathie à quatre milles de Lydda. Deux

chartes de 1160 citent l’abbé Herbert des SaintsJoseph et-Abacuc (E. de Rozière, Cartulaire du saint Sépulcre, n os 64 et 65). Guillaume de Tyr nomme Amalric, un autre « abbé de Saint-Abacuc et de Saint-Joseph surnommé « d’Arimathie » (Hist., xvii, 26). Il ne peut être douteux qu’il s’agit de Rentis, et ces documents supposent la croyance susdite. La situation de Rentis, loin de toutes les routes suivies par les pèlerins, explique leur silence sur Arimathie et celui des chroniqueurs de la première croisade. Il n’est pas douteux non plus que les croisés expriment là une tradition qu’il ont trouvée existante chez les chrétiens du pays, que cette tradition remonte au IVe siècle. Renli ? a donc, en dehors des titres intrinsèques,

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256. — Tour des Quarante Martyrs, à Karuléh.

le témoignage d’Eusèbe, de saint Jérôme, de leur époque et de tout le royaume latin de Jérusalem. C’est la vieille et authentique tradition. » (L. Heidet.)

Enfin, on a aussi identifié Arimathie avecNeby-Samouil, colline au nord-ouest de Jérusalem, où, d’après quelques topographes, était bâti le bourg de Ramathaïm, patrie de Samuel. Voir Ramathaïm. E. Jacquier.

    1. ARIOCH##

ARIOCH, hébreu : 'Aryôk ; babylonien : Eri-aku, « serviteur du (dieu) Lune ; » Septante : 'Apiw^i, 'Apttô-/ (et 'Eipiôr/, Judith, i, 6).

1. ARIOCH, roi mésopotamien allié de Chodorlahomor, dans son expédition en Palestine au temps d’Abraham. Gen., xiv, 1, 9. Chodorlahomor et ses confédérés, Aniraphel, Arioch et Thadal, vainquirent les rois de Sodome et de la Pentapole ; mais, comme ils s’en retournaient chargés de butin, ils furent surpris à l’improviste et défaits par Abraham. Gen., xiv, 1-15. Voir Amraphel et Chodorlahomor.

Les textes cunéiformes anciens nous mettent sur la trace de cet Arioch. La Vulgate l’appelle roi de Pont, saint Jérôme ayant ici suivi la traduction de Symmaque ; mais


il ne peut s’agir évidemment du royaume classique de ce nom, qui n’existait pas encore à cette époque et que sa situation géographique ne permet pas de mettre en relations avec Chodorlahomor, roi d'Élam, au sud-est du Sennaar. Les Septante et l’hébreu lisent d’ailleurs « roi d’Ellasar », c’est-à-dire non pas de la ville d’Assur, la première capitale du royaume assyrien, actuellement KaléhSchergat, sur le Tigre, dont on ne trouve encore aucune trace à cette époque reculée, et qui paraît d’ailleurs trop éloignée de l'Élam, mais, par un changement de lettres assez fréquent, Larsa, actuellement Senkéréh, très ancienne ville du Sennaar ou pays de Sûmes, un peu au nord d’Ur, la patrie d’Abraham. Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 223-224. Nous savons, en effet, qu'à cette époque reculée Larsa formait un royaume vassal des conquérants élamites (appelés Koudourides du nom du premier élément des noms royaux Chodor-lahomor, Koudour-Lagamar, Koudour-Nahoundi, Koudour-Maboug). Arioch paraît être précisément le dernier roi de Larsa, annexée ensuite à la Babylonie à l'époque de Hamrnourabi (ou Hammouragas) (2307 [?]-2252 [?]) ; les deux groupes cunéiformes qui composent ordinairement son nom se lisent Rim-Aku ou Riv-Aku, le syllabaire cunéiforme mésopotamien ne distinguant pas Vm du v ; ils pourraient même se prononcer, d’après G. Smith et Eb. Schrader, Eri-Aku. Cet Arioch, de race élamite, fut vassal de Koudour-Maboug, roi d'Élam, d’Ur, de Sumer, d’Akkad et de Syrie, et allié de Chodorlahomor, roi d'Élam. L'échec que lui infligea Abraham fut bientôt suivi de la prise de Larsa par les rois nationaux de Babylone, qui expulsèrent les Élamites de toute la Mésopotamie. Arioch fut donc le dernier roi de Larsa ; mais sa capitale ne fut pas détruite, Hamrnourabi de Babylone y fit même réparer le temple de Sama’s, « le soleil, » qui y resta en grande vénération jusqu'à la fin de la monarchie babylonienne. Peut-être le livre de Judith, dans les Septante, a-t-il gardé le souvenir de la défuite d’Arioch par les Babyloniens dans la mention qu’il fait, I, 6, de la plaine de Ragau, désignée ensuite comme « la plaine d'Érioch, roi des Élamites », c’est-à-dire de la dynastie élamite. (La Vulgate lit : « Dans la plaine d'Érioch, roi des Éliciens. » Judith, i, 6). L’Arioch du livre de Daniel, ii, 14, montre que ce nom resta familier aux Babyloniens.

L’identification d’Arioch et de Rim-Aku, proposée par G. Smith, Noteson the early history of Assyria and Babylonia, Londres, 1872, p. 10 et 29, acceptée par Eb. Schrader, Lenormant, etc., regardée comme très vraisemblable par Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 224, a été combattue par Tiele, Babylonisch-Assyrische Geschiclite, t. i, p. 124, sous prétexte que les groupes cunéiformes en question peuvent aussi se lire Arad-Sin, le sens du nom propre restant le même, « serviteur du dieu Lune ». Mais une variante dans laquelle ce nom royal est écrit, non plus idéographiquement, mais phonétiquement, affirme la lecture Rim-Aku, et corrobore l’identification proposée par Smith. Lenormant, Choix de textes cunéiformes, t. iii, p. 164 ; The cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. i, pi. ii, n. 3 ; pi. v, n° 16. — Voir SchraderWhitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old Testament, t. i, p. 120 ; t. ii, p. 296-301 ; G. Smith, Early History of Babylonia, dans les Records of the Past, "> série, t. v, p. 64-70 ; Sayce, . ibid., 2e série, t. i, p. 10 ; t. iii, p. 19-20 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. i, p. 485-487 ; Lenormant, La langue primitive de la Chaldée, p. 374 et suiv. ; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. IV, p. 94-97 ; Maspero, Histoire ancienne de l’Orient, 1886, 4e édit., p. 188 ; J. M. Price, Literary Remains ofRimSin (Arioch), King of Larsa, in-4o, Chicago, 1904.

E. Paxkier.

2. ARIOCH, officier à la cour de Nabuchodonosor, roi de Babylone. Dan., ii, 14, 15, 24, 25. Les rationalistes cherchaient autrefois à ce nom une étymologie perse,

I. - 33

sanscrite, etc., Gesenius, Thésaurus lingux hebrxx, ' 1829, p. 148 ; cf. Keil, Daniel, 1869, p. 78 ; Hitzig, Daniel, Leipzig, 1850, p. 26, dans l’intention plus ou moins avouée de renverser l’autorité et le caractère historique de Daniel ; mais présentement on y reconnaît un nom babylonien, soit Ariku, « le long, » soit Rim ou Riv-Aku, « serviteur du dieu Lune, » forme analogue à Sidrach, Sudur-Aku, « envoyé du dieu Lune, » Dan., i, 7. — Arioch remplissait à la cour la charge de « chef de la milice royale », non pas de chef de l’armée babylonienne, mais de chef des gardes du corps, comme porte le texte chaldéen, rab labbâhayà', « chef des satellites ; » au }'. 14, il est chargé d’exécuter les devins, incapables de découvrir le songe du roi ; au y. 24, c’est lui qui introduit Daniel auprès de Nabuehodonosor. Ces fonctions sont souvent confiées, en Orient, aux mêmes officiers. II Reg., iv, 12 ; i, 15. Les bas-reliefs nous montrent que quelquefois même les rois exécutaient en personne leurs prisonniers. — Voir Schrader-Whitehouse, The cuneiform In scriplions and the Old Testament, t. ii, p.l27 ; Lenormant, La divination chez les Chaldéens, p. 198, où il propose 1 étyinologie À riku, « le long », nom propre, certainement usité aussi en Assyrie et en Babylonie, mais rendant peut-être moins bien compte de la présence du vav et du iod dans la transcription chaldéenne. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit.,

t. iv, p. 456.
E. Pannier.
    1. ARISAI##

ARISAI (hébreu : 'Àrîsaï ; Septante : 'Pouçaïo ; ), huitième fils d’Aman. Esth., ix, 9.

AR18TARQUE ('Ap' : <rcap-/oç, « excellent chef » ), chrétien de Thessalonique, Act., xx, 4, qui accompagna saint Paul dans son troisième voyage de missions. Avec Gaïus, il fut entraîné dans le théâtre d'Éphèse, par la foule irritée contre l’Apôtre, Act., xix, 29, et faillit être massacré. Aristarque suivit saint Paul en Macédoine, puis en Grèce, et alla avec lui en Judée, Act., xx, 4, par la Macédoine, la Troade, Milet, la mer Méditerranée, ïyr et Césarée. Il monta avec l’Apôtre captif sur le navire d’Adrurnète, Act., xxvii, 2, qui les conduisit le long des côtes de la province d’Asie, d’où ils partirent pour Rome. Dans cette ville, il fut le fidèle compagnon de captivité et de travail de saint Paul. Coloss., iv, 10 ; Philémon, 21. On perd ensuite ses traces. D’après les Grecs, il fut évêque d’Aparnée, en Phrygie ; d’après le martyrologe romain et Adon, de Thessalonique. Il aurait été décapité à Rome sous Néron avec saint Paul ; sa fête est fixée au 4 août. E. Jacquier.

    1. ARISTEE##

ARISTEE, 'ApKTnxïoç, auteur prétendu d’une lettre relative à l’origine de la version grecque des Septante. Il se dit Égyptien d’origine, païen de religion, devenu prosélyte juif, OjispaunLffTTi ; , c’est-à-dire officier des gardes de Ptolémée Philadelphe (284-247), et très aimé de ce prince. Quand celui-ci, sur le conseil de Démétrius de Phalère, voulut faire traduire en grec la loi de Moïse, pour placer cette version dans la bibliothèque qu’il avait fondée à Alexandrie, Aristée fut un des messagers envoyés au grand prêtre Éléazar, à Jérusalem. Dans sa lettre à son frère Philocrate, il raconte les événements dont il est censé avoir été témoin. Voir Septamte. Son récit trouva créance. Josèphe, Ant.jud., ll, ii, 2 et suiv., le reproduit presque mot pour mot. Philon, Vita Mosis, ii, 6, l’a accepté aussi, mais sans nommer Aristée. Les anciens admettaient unanimement la lettre d’Aristée comme authentique. Louis Vives, dans une note sur saint Augustin, De Civitate Dei, xviii, 42, émit le premier des doutes sur son authenticité. Il fut suivi par Joseph Scaliger, Ad chronicon Eusebii, Patr. lat., t. xxvii, col. 485. Dès lors la plupart des critiques ont tenu cette lettre pour apocryphe. H. de Valois, In l. y, c. 8 Eusebii H. E. ; Léon de Castro, In Isaiain, proœm. ; Salmeron, Comment, in Evang.,

proleg., vi ; Montfaucon, Prxlitnin. in Hexapla Origenis, m, 9, Patr. gr., t. xv, col. 62 -66, etc. Son authenticité a cependant été soutenue par Ussérius, De grœca LXX interpretum versione syntagma, Londres, 1655 ; Isaac Vossius, De LXX interprelibus eorumque translatione, La Haye, 1661 ; Appendix ad librum de LXX interprelibus, 1663 ; Responsio ad objecta nuperse criticx sacras, dans Variarum observationum liber, Londres, 1685, p. 301-304 ; B. "Wallon, Prolegom., ix, 4 ; Le Nourry, Bibliotheca maxima Patrum, t. xi, p. 225 ; Simon de Magistris, Daniel secundum LXX, Rome, 1772, p. 309-623 ; Const. Oikonomos, LTept t&v 6 Épnr)v£UTûv xîj ; naXataç 6daç -fpa ?ri ; (îigXia, Athènes, 1844 ; Grinfield, An apology for the Sepluagint., Londres, 1850. On pense généralement aujourd’hui que cette lettre est l'œuvre d’un Juif pieux, qui a voulu, en la composant, donner de l’autorité à la version grecque de l’Ancien Testament, et glorifier son peuple et sa législation aux yeux des Grecs. Il a pris le nom d’Aristée, qui était celui d’un écrivain, auteur d’un livre sur les Juifs, que mentionne Alexandre Polyhistor. Voir Eusèbe, Prsepar. Ev., ix, 25, t. xxi, col. 728. Cf. Nœldeke, Histoire littéraire de l’Ancien Testament, trad. franc., Paris, 1873, p. 160-169.

VEpistola ad Philocraten a été éditée par Jac. Middendorpius, Historia Aristex, Cologne, 1578 ; par Garbitius, Aristese historia de legis divinx ex hebrsea lingua in grsecam translatione, Francfort, 1610 ; par Hody, De Bibliorum textibus originalibus, Oxford, 1705 ; par Van Dale, Dissertatio super Aristea de LXX interprelibus, Amsterdam, 1705. Une édition critique a été publiée par Schmidt, dans Archiv fur wissenscliaftliche Erforschung des A. T. de Merx, Halle, 1868, t. m.

E. Mancenot.

1. 'ARISTOBULE ('Apicri(560uXoç), Juif d’Alexandrie, de famille sacerdotale, SiSauxd&oç, maître ou conseiller du roi d’Egypte Ptolémée. II Mach., i, 10. Le peuple de Jérusalem, le conseil et un certain Judas, lui adressèrent une lettre, II Mach., i, 10-n, 19, pour l’engager, lui et les Juifs d’Egypte, à rendre grâces à Dieu, qui avait délivré la nation de grands dangers par la mort d’Antiochus, II Mach., i, 11-17, et à célébrer, de concert avec leurs frères de Jérusalem, la fête de la purification ou fête du feu sacré, découvert, par Néhémie. II Mach., n, 15 et i, 30. L’Antiochus dont cette lettre rapporte la mort paraît bien être Antiochus III le Grand et non Antiochus IV Épiphane, qui périt dans des circonstances différentes. Cf. col. 692. Le récit de cette mort semble avoir été écrit peu après l'événement (187 avant J.-C) ; la lettre doit donc être datée de l’an 187 ou 186 avant J.-C, et non pas de l’an 124 avant J.-C. (188 de l'ère des Séleucides), comme le ferait croire la ponctuation défectueuse du ꝟ. 10 de II Mach., i. Cette date se rapporte â la lettre précédente ; elle la termine, comme c'était l’usage. II Mach., xi, 21, 33, 38. Le Ptolémée dont Aristobule fut le maître ou conseiller serait donc Ptolémée V Épiphane (204-181). Dans cette hypothèse très vraisemblable, notre Aristobule pourrait très bien être le même personnage que le philosophe péripatéticien qui dédia à Ptolémée VI Philométor (185-146) une exposition allégorique du Pentateuque. Eusèbe, Prsep. Ev., viii, 9, t. xxi, col. 636. Rien ne s’oppose à ce qu’il ait vécu sous les deux règnes. Le but de son commentaire, intitulé 'E^yrjcrei ;-ri} ; Mo’jits’w ; ypayvi ; ou xo0 Mouas’oi ; vôiiou, était de prouver que les anciens poètes et philosophes grecs avaient largement puisé dans les livres de Moïse, en sorte que le Pentateuque était la source de la philosophie et de la sagesse païenne. Cf. Alexandrie (École exégétique n’J, col. 360. Manquant de preuves, il forgea un bon nombre de passages de poètes et d’historiens. Ainsi il en fit sous le nom de Linus, de Musée, d’Orphée, d’Homère, d’Hésiode, etc., et il le fit si habilement, qu’il trompa plusieurs écrivains profanes et certains Pères de l'Église. Les fragments qui nous restent d' Aristobule ont été réunis par Eichhorn, dans VAllye

meine Bibliothek der biblischen Litteratur, t. v, p. 253259 ; l’authenticité en a été démontrée par Walckenaër, Diatribe de Aristobulo Judsso, contre les négations de R> Simon, Hody, Eichhorn, etc. Aristobule avance qu’avant la version des Septante, certaines parties des livres de Moïse avaient été traduites en grec. Eusèbe, Prsep. Ev., 12, t. xxi, col. 1097. Mais le but que poursuit cet auteur dans son commentaire rend son témoignage suspect. On a voulu lui attribuer la composition du livre de la Sagesse, mais on n’apporte pas de raisons sérieuses ; et ce n’est pas ainsi qu’aurait parlé ce favori des rois d’Egypte. — Voir L. G. Walckenaër, Diatribe de Aristobulo Judseo, in-4°, Leyde, 1806 ; Glrôrer, Philo, 2e édit., in-8°, Stuttgart, 1835, p. 71 et suiv. ; Haneberg, Révélation biblique, 2 in-8o, Paris, 1856, t. ii, p. 84 ; F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iv, p. 625-640. E. Levesque.

2. ARISTOBULE. Saint Paul, dans son Épître aux Romains, xvi, 11, ordonne de saluer les gens (chrétiens) de la maison d'Àristobule. Celui-ci était-il Romain ? Était-il mort ou absent de Rome, lorsque l’Apôtre écrivit sa lettre, ou même était-il chrétien, puisque saint Paul ordonne de saluer seulement ceux de sa maison ? Toutes questions sur lesquelles on a fait des conjectures, mais auxquelles on n’a aucune réponse à faire. Les ménologes grecs font d’Aristobule un des soixante-dix disciples, le frère de Barnabe, et rapportent qu’il prêcha l'Évangile en Grande-Bretagne ; ils fixent sa fête au 15 et 16 mars ou au 31 octobre. E. Jacquier.

    1. ARIUS##

ARIUS ('Apeûç), roi de Sparte. Un roi de ce nom écrivit une lettre à un grand prêtre du nom d’Onias. IMach., xii, 7, 22(20). Le texte reçu des Septante déforme ce nom ; au y. 7, il l’appelle Aœpsîoç ; au y. 22, 'Ovtâpr) ; .

[[File: [Image à insérer]|300px]]
257. — Monnaie d’Arius I".

Tête d’Alexandre imberbe, couverte d’une peau de lion, à droite. — i^. BASIAEOS APEOiZ. Jupiter assis, à gauche, tenant l’aigle de la main droite et la main gauche appuyée sur le sceptre.

Le texte primitif devait porter 'Apsto ; , qui est la forme donnée également par Josèphe, Ant. jud., XII, rv ; v, 8. Dans I Mach., xii, 22 (20), le texte reçu contient ces mots : wv à-nla-siXev 'Oviipr, ; fixaO.i-Jz STtxpTtaTûv 'Ovt’rx, le texte primitif devait être ONIAAPEIOS, et il faut lire : àiréa-v.iv 'Ovfï 'Apsïo ; x. x.).. Les auteurs profanes et les monnaies donnent à deux rois de Sparte de cette époque le nom d"Aps-j ; . Arius I er régna quarante-quatre ans, de 309 à 265, et Arius II, huit ans, de 264 à 256. C’est évidemment du premier qu’il s’agit, car c’est le seul qui ait été contemporain d’un grand prêtre du nom d’Onias, Onias I er, fils de Jaddus, qui exerça le souverain pontificat de 323 à 300. La chronologie s’oppose à toutes les autres hypothèses, notamment à celle de Josèphe, qui suppose les lettres écrites par Arius II à Onias II, car Onias II fut grand prêtre de 222 a 205.

Arius I" appartenait à la famille des Agiades ; il était fils d’Acrotatos, qui mourut avant de monter sur.le trône, et il succéda à son grand-père Cléomène II. Diodore de Sicile, xx, 29. En 280, Arius se mit à la tête d’une ligue

[ des villes grecques, qui s’allia à Ptolémée Céraunos contre | Antigone Gonatas, et attaqua, au nom du conseil des Amphictyons, les Étoliens, qui s'étaient emparés du territoire sacré de Cirrha ; mais ses troupes furent massacrées. Justin, xxiv, 1, 4. Il était occupé à une expédition en | Crète, quand Pyrrhus, roi d'Épire, attaqua Sparte en 272.

! Il revint en toute hâte, conclut une alliance avec les

j Argiens, et bientôt la mort de Pyrrhus, mit fin à la guerre. j Pausanias, iii, 6, 2 ; Plutarque, Pyrrh., 26-29. En 267, Arius s’allia sans succès à Ptolémée Philadelphe pour sauver Athènes du joug d’Antigone Gonatas. Pausanias, ni, 6, 3 ; Justin, xxvi, 2. Il mourut à Corinthe, en 265, dans une bataille contre les Macédoniens. Plutarque, Agis, 3 ; Justin, xxvi, prol. La ville d'Élis lui éleva deux statues. Pausanias, vi, 12, 5, et 15, 5. La principale source de l’histoire d’Arius est le livre de Phylarque dans lequel ?. puise Justin. Il existe (fig. 257) un superbe tétradrachme de ce roi, avec l’effigie d’Alexandre et la légende BASIAEOS APE02, qui se trouve aujourd’hui au Musée de Berlin. Von Sallet, Numismatik Zeitschrift, H, 1875, p. 126 et 285, pi. ix. La lettre d’Arius I er au grand prêtre Onias I er. I Mach., xii, 20-23, dit que « les Spartiates et les Juifs sont frères et de la race d’Abraham ». Sur ce sujet, voir Spartiates. E. Bedrlier.

    1. ARIZTIZABAL##

ARIZTIZABAL (Pierre d'), frère mineur de la Régulière Observance, en la province de Castille, qualificateur du tribunal suprême de l’Inquisition, vivait dans le milieu du xviie siècle. Il a donné au public : Super canticum Habacuc Discursus politico-morales, in-f°, Madrid, 1648, en espagnol ; Commentaria lalina in librum Josue, in-f°, Madrid, 1652. P. Apollinaire.

AR1ZZARRA Hyacinthe, de l’ordre de Saint-Dominique, professeur d'Écriture Sainte et de langues orientales à l’université de Modène. a laissé une bonne introduction à l'étude de la Bible sous ce titre : Elementa sacrée liermeneuticx, in-4o, p. xii-260, Castelnuovo di Garfagnane (dans la province de Massa), 1790. Hurler, dans le Nomenclator litterarius, t. ii, p. 1031, donne à tort la date de 1740. L'épître dédicatoire, adressée à Aloysio Ruffo, nonce apostolique auprès de la cour de Toscane, parle de Pie VI (1775-1799) comme du pape régnant. L’auteur traite avec beaucoup de sûreté et de largeur les questions relatives à l’inspiration, au canon, à l’autorité respective des versions. Il est au courant des meilleurs travaux parus de son temps, non seulement parmi les catholiques, mais aussi parmi les protestants d’Allemagne, qu’il cite avec éloge et utilise là où ils ont un réel mérite. On sent qu’il est de l'école de son savant contemporain et compatriote J. B. de Rossi, quand il recommande l'étude de l’hébreu dans un chapitre spécial intitulé : De necessitate studii Ungita ; sanctx, chap. ix. Il n’exige pas seulement de l’interprète la connaissance des langues, mais aussi celle de l’histoire ancienne, qui doit embrasser l'étude des faits, des mœurs, des institutions, des croyances. Il blâme ceux qui se méfient des explications empruntées à l’histoire et préfèrent résoudre les difficultés par des interprétations ingénieuses patronnées par quelque autorité. « Ils sont dans l’illusion, ajoute-t- ii, quand ils croient que les auteurs sacrés n’ont pas employé les procédés ordinaires de composition parce qu’ils sont inspirés, et pour cela ils se font scrupule de se servir d’une méthode qui est partout reconnue nécessaire pour entendre les auteurs grecs ou romains, » chap. xiv, De munere interpretis. Le chapitre sur l’exégèse des Pères comparée à celle des modernes n’est pas moins intéressant. Des travaux, comme celui d’Arizzarra, ont vu malheureusement le jour à une heure très troublée, et ils sont demeurés trop longtemps sans écho parmi les catholiques. J. Thomas.

    1. ARKEVOLTI Samuel ben Elhanan##

ARKEVOLTI Samuel ben Elhanan, rabbin qui vivait

à Padoue, à la fin du xvie siècle et au commencement du xviie. Il donna en 1CG2 une grammaire hébraïque assez estimée, 'Arugat habbôsêm, « Parterre de plantes aromatiques, » Cant., v, 13, in-4o, Venise, 1602 ; in-8o, Amsterdam, 1730. E. Levesque.

    1. ARLOTTO##

ARLOTTO, de Prato, en Toscane, frère mineur, docteur en théologie, de l’université de Paris, provincial de Toscane, puis général de son ordre, mort à Paris, en 1286. Sixte de Sienne et Marcellin de Pise lui attribuent un ouvrage anonyme intitulé Concordantise utriusque Testament), qui, après avoir été répandu en de nombreuses copies, fut plus tard imprimé, toujours sous l’anonyme. Les bibliographes franciscains en ont noté nombre d'éditions, que malheureusement ils n’ont pas décrites, notamment : Nuremberg, 1485 : Bologne, 1486 ; Bàle, 1196, avec corrections de Sébastien Brandt ; Strasbourg, 1530, avec plus de corrections encore ; Venise, 1549, in-4° ; Anvers, Plantin, 157-2 et 1585 ; Hanovre, 1618 ; Francfort, 1620 ; Anvers, 1625, etc. P. Apollinaire.

    1. ARMAGÉDON##

ARMAGÉDON ( 'kpui.yzàôû,-j). D’après l’Apocalypse, xvi, 14-16, les rois de toute la terre seront rassemblés pour combattre le Dieu toutpuissant dans un lieu qui est appelé en hébreu Armagédon. Aucune localité ne porte ce nom d’Armagédon, mais on peut entrevoir comment saint Jean a formé cette appellation. Armagédon signifie en hébreu la montagne de Mageddo. Or la ville de Mageddo, actuellement Ledjoùn, adossée à la montagne du Carmel, donnait son nom à la partie occidentale de la plaine d’Esdrélon ; les environs de Mageddo ont été le champ de bataille le plus célèbre de la Palestine, celui où se sont livrés les combats les plus décisifs entre les Israélites et leurs ennemis. Au temps des Juges, les rois chananéens furent battus par les gens de Zabulon et de Nephtali, près des eaux de Mageddo. Jud., v, 19. Plus tard le roi Josias périt dans une bataille, livrée dans la plaine de Mageddo contre le roi d’Egypte Néchao. IV Reg., xxm, 29 ; II Par., xxxv, 22. Mageddo fut aussi le théâtre d’une victoire de Thothmès III sur les Héthéens. En souvenir de la défaite de Josias, le prophète Zacharie, xii, 11, pour peindre un grand deuil, rappelle celui de Mageddo. On comprenM que saint Jean, localisant la grande bataille des rois contre le Tout-Puissant, l’ait placée dans la montagne de Mageddo. Galiléen de naissance, il devait en connaître les grands souvenirs. — Il est inutile de signaler les autres explications d’Armagédon qui ont été présentées ; elles sont peu plausibles. E. Jacquier.

ARME. Hébreu : néséq ; keli. Le mot hébreu néséq, III Reg., x, 25 ; Ezech., xxxix, 9, 10, qui répond le plus exactement à notre expression générique d’armes, embrasse de plus les machines de guerre dont on se servait pour assiéger les villes fortes. Job, xx, 24 ; xxxix, 21 ; Ps. cxl (Vulgate, cxxxix). 8, ainsi que les objets composant l'équipement militaire, même ceux qui n’avaient aucune utilité directe pour l’attaque ou la défense ; et par extension les arsenaux qui les renfermaient. II Esdr., iii, 19. — L’hébreu kjli, dérivé de kâlàh, « faire, fabriquer, » et que la Vulgate rend par vas, « vase, » dans le sens d’armes guerrières, signifie dans son acception première des objets quelconques sans autre détermination. Dans un sens plus restreint, il est employé pour désigner certains objets déterminés, comme des meubles, Gen., xxxi, 37 ; xlv, 20 ; Lev., xv, 4 ; des vases précieux, Gen., xxiv, 53 ; Exod., iii, 22 ; xi. 2 : xii, 35 : xxvii, 19 ; ou même des vases ordinaires, Levit.. xi, 33 : des vêtements, Deut., xxii, 5 ; des instruments et en particulier des instruments de musique, I Par., xv, 16 ; II Par., v, 13 ; vii, 6 ; xxiii, 13 ; xxxiv, 12 ; enfin les instruments de la colère divine comme sont les fléaux, guerre, inondations, tempêtes, etc. Is., xin, 5 ; Jer., l, 25 ; Ezecb., xxxii, 7. Il était logique d’appliquer aussi celle expression vague aux instruments de

combat, c’est-à-dire aux armes. C’est ce qu’ont fait souvent les écrivains sacrés, soit qu’ils emploient le mot kelê tout seul, Gen., xxvii, 3, soit qu’ils le fassent suivre d’un déterminant, kelê milhâmâh « vases ou armes de guerre », Jud., xviii, 11 ; cf. Jud., xviii, 16 ; Deut., i, 41 ; kelê mâvét, Ps. vii, 14, « armes de mort. »

Les armes dont il est question dans la Bible sont principalement énurnérées dans les passages suivants : 1 Res., xvii, 5-7, 38-39, 45-47 ; II Par., xxvi, 14-15 ; II Esdr., IV, 13, 16 ; Job, xi.i, 17-20 ; Jerem., xlvi, 3-4 ; Ezech., xxxix, 9 ; Ephes., vi, 13-17. Les unes sont destinées à l’attaque, les autres à la défense. En voici l'énumération. Pour la description, l’usage et l’histoire de chaque arme en particulier, voir l’article consacré à chacune d’elles. Pour les armes de siège, voir Machines de guerre.

I. Armes offensives. — Les principales sont, pour les combats à distance : l’arc, le javelot et la fronde ; pour les combats corps à corps : l'épée et la lance ou pique.

1° L’arc (hébreu : qesst), employé aussi pour la chasse, Gen., xxvii, 3 ; Is., vii, 24, était chez les Hébreux, comme chez les autres peuples, l’arme habituelle des rois et des guerriers, soit à pied, soit à cheval. Gen., xxi, 16 ; II Reg., xxii, 35 ; Job, xx, 24 ; Is., xiii, 18. | 2° Les flèches (hébreu : hêsi), I Reg., xx, 36-38 ; IV Reg., I ix, 24, complément de l’arc, étaient portées dans le car' quois, teli, Gen., xxvii, 3, de la racine (âlâh, suspendre, parce qu’il était suspendu à la ceinture ou à l'épaule. Quelques interprètes donnent à ce mot le sens d'épée, | mais celui de carquois est communément reçu, et il concorde avec le passage de la Genèse, xxvii, 3, où l’on voit le têli placé à côté de l’arc du chasseur. Cf. Is., vii, 24. Le carquois est encore exprimé par le mot 'aspâh, Is., xxii, 6 ; xlix, 2 ; Jer., v, 16 ; Job, xxxix, 23 ; Ps. cxxvii (cxxvi), 5.

3° La fronde (hébreu : qéla'), I Reg., xvii, 40 ; xxv, 29, employée par les bergers, I Reg., xvii, 40, et les chasseurs, Job, xli, 19, mais aussi par les troupes armées à la légère, II Par., xxvi, 14, rendait les plus signalés services, non seulement dans les combats en rase campagne, I Reg., xvii, 49, mais aussi du haut des remparts des forteresses. IV Reg., iii, 25. Elle était employée avec le plus grand succès par les Benjamites. Jud., xx, 16 ; I Par., xii, 2. I Les pierres qu’on lançait avec la fronde, 'abnê gela', II Par., xxyi, 14 ; Job, xli, 20 (19) ; Zach., ix, 15, étaient le complément de cette arme d’attaque. 4° Le javelot. Voir plus loin lance, 6°. 5° Vépée, désignée en hébreu par le mot héréb, est présentée tantôt comme une arme tranchante, III Reg., m, 24, tantôt comme une arme de pointe. I Reg., xxxi, 4 ; II Reg., ii, 16 ; I Par., x, 4 ; Prov., xii, 18 ; Is., xiv, 19. Quelques interprètes donnent le sens d'épée au mot mekêrâh, Gen., xlix, 5, qu’ils rapprochent du grec p.c</a[pa, la courte épée des Lacédémoniens. Ce sens est fort douteux. Cf. Gesenius, Thésaurus linguse hebrsese, p. 672. Les Hébreux ne paraissent pas avoir fart usage de l'épée très raccourcie ou poignard, qui se répandit en Palestine sous la domination romaine et demeura surtout l’arme des sicaires et des brigands. Josèphe, Ant. jud., XX, vin, 10 ; Bell, jud., II, xiii, 3.

6° La lance ou pique, hânit, II Par., xxiii, 9 ; Is., ii, 4 ;

formée d’une hampe de bois, II Reg., xxi, 19 ; xxiii, 7,

terminée par une pointe de fer forgé, lahébét, mot à mot, « flamme, pointe brillante du fer de la lance », I Reg.,

xvii, 7, était très répandue chez les Hébreux dès les

; temps les plus reculés. Dans l’attaque à petite distance

on s’en servait quelquefois comme de javelot, I Sam.

(I Reg.', xviii, 10-11 ; xix, 9-10 ; xx, 33 ; à cause de ce

double emploi, cette arme, appelée II Par., xxm. 9, pique,

est désignée au verset suivant par sélah, qui signifie

i « javelot ». Cette lance, hânit, se distinguait sans doute

; par ses petites dimensions et sa légèreté d’une autre
; lance appelée en hébreu rômah, Num., xxv. 7 ; Jud., 

I v, 8 ; U Par., xi, 12 ; xiv, 8 ; xxv, 5 ; xxvi, 14 ; II Esdr., iv, 13, 16, 21, probablement plus longue et plus lourde, puisque nulle part on ne la voit employée comme javelot. Comme on la trouve souvent citée dans la Bible à côté du grand bouclier, ṣînnâh, I Par., xii, 8, 24 ; II Par., xi, 12 ; xiv, 7 (8) ; xxv, 5, on peut penser qu’elle était l’arme des troupes pesamment armées.

L’arme désignée par le mot kidôn, I Reg., xvii, 6, 7 ; Jer., vi, 23 ; l, 42, se rattache certainement à la série des armes de pointe, et bien que les interprètes ne soient pas d’accord sur son emploi exact, il est certain qu’elle se distinguait de la pique ordinaire, Job, xxxix, 23 ; I Reg., xvii, 6, 7, et qu’elle était à l’usage de la cavalerie, Job, xxxix, 23, comme de l’infanterie, cf. Jer., vi, 23 ; L, 42. On la regarde généralement comme une lance de moindre dimension ou javelot, ce qui semble confirmé par Job, xli, 20, où il est dit qu’on s’en servait en la faisant tournoyer.

L'Écriture mentionne encore d’autres armes, mais qui n'étaient pas ordinairement employées par les Hébreux. D’après beaucoup d’interprètes, l’arme appelée segôr, Ps. xxxv, 3, désigne la hache universellement employée dans l’ancien Orient pour ouvrir des passages, détruire les ouvrages ennemis, surtout pour combattre corps à corps. Le marteau de guerre, mêfiṣ, Prov., xxv, 18, appelé ailleurs mappêṣ, Jer., li, 20, et peut-être aussi pattîš, Jer., i., 20 ; la faux ou faucille de combat, peut-être désignée par le mot mekêrâh, Gen., xlix, 6 ; la massue de bois, probablement désignée par l’hébreu ṡébét, traduit dans la Vulgate par verge ou bâton, II Reg., xxiii, 21 ; I Par., xi, 23 ; Ezech., xxxix, 9, étaient des armes à l’usage des peuples voisins.

II. Armes défensives. — La principale était le bouclier, auquel il faut joindre le casque, la cuirasse et les jambières.

1° Le bouclier, qui était de deux espèces : le grand bouclier, ṣînnâh, III Reg., x, 16, couvrant la plus grande partie du corps, et le petit bouclier, mâgên, Gen., xv, 1 ; III Reg., x, 17, couvrant seulement la poitrine. Cette arme, appelée arme de gauche par opposition aux armes offensives appelées armes de droite, à cause de la main qui les maniait, est le plus ancien de tous les instruments de protection dans les combats. Elle était universellement en usage longtemps avant que le casque et la cuirasse fussent employés dans les armées. Le vir armatus, « l’homme armé, » des Proverbes est dans l’hébreu ʾîš mâgên, l’homme protégé par le bouclier. Prov., vi, 11 ; xxiv, 34.

2° Le casque (hébreu : kôbaʿ), I Reg., xvii, 5, et qôbaʿ, I Reg., xvii, 38, et la cuirasse, širyôn, I Reg., xvii, 5, 38, et širyân, IlIReg., xxii, 34, ne faisaient pas partie de l’armement militaire chez les anciens Hébreux. Exod., xiii, 18 ; Jos., i, 14 ; iv, 12 ; cf. Jud., vii, 11. Introduits comme armes défensives de distinction et réservés aux chefs, cf. III Reg., xxii, 34 ; II Par., xviii, 33, on les voit seulement sous Ozias faire partie de l’armement ordinaire du soldat hébreu. II Par., xxvi, 14 ; cf. II Esdr., iv, 16.

3° Les jambières ou guêtres de combat (hébreu : miṣḥâh), 1 Reg., xvii, 6, destinées à garantir la partie inférieure du corps, comme la cuirasse et le casque garantissaient la partie supérieure, ne sont mentionnées qu’une seule fois dans la Bible, dans la description des armes de Goliath. Elles ne paraissent pas avoir été en usage dans l’armée des Hébreux, dont les soldats apparaissent le plus souvent chaussés de simples sandales, III Reg., ii, 5 ; cf. Ephes., vi, 15, ou de brodequins de cuir garnis de clous, seʾon, Is., ix, 4, expression dont le sens exact est d’ailleurs difficile à préciser.

III. Armes étrangères mentionnées dans la bible. — Les soldats étrangers dont il est question dans l'Écriture étaient pourvus des mêmes armes que les Hébreux. Jérémie, parlant des troupes égyptiennes, les représente armées de boucliers, de lances, de casques et de cuirasses. Jer., XL VI, 3-4. Cet armement était aussi celui des Chaldéens, Ezech., xxiii, 24-25, auxquels Jérémie attribue, ainsi qu’aux Perses, l’usage de l’arc et du javelot (kidôn). Jer., vi, 23 ; L, 42. Les soldats du roi Gog étaient armés d’arcs, d'épées, de cuirasses, de boucliers et de lances. Ezech., xxxviii, 4 ; xxxix, 9. Il est fait également mention de casques et de boucliers dans l’armée des Perses, des Lydiens, des Libyens, Ezech., xxvii, 10, et des Éthiopiens, Ezech., xxxviii, 5, ainsi que d’arcs et de flèches dans l’armée assyrienne. Is., v, 28. L’armement des Syriens, au temps des Séleucides, était le casque d’airain et la cuirasse en forme de cotte de mailles, avec le bouclier d’airain, ou d’or pour les chefs. I Mach., vi, 35-39. À l'époque des Rois ils se servaient aussi de l’arc. III Reg., xxii, 34 ; II Par., xviii, 33.

IV. Histoire des armes dans l'Écriture. — En comparant les divers passages bibliques relatifs aux armes offensives et défensives, on obtient une certaine vue d’ensemble sur les progrès de l’armement des Hébreux et les transformations qu’il eut à subir suivant les progrès de l’art, et les besoins de l’attaque et de la défense.

À l’origine et avant l’invention des métaux, Gen., iv, 22, l’armement du guerrier fut formé de tout ce que la nature peut offrir de résistant, comme massues et épieux du bois le plus dur, haches et couteaux de silex, boucliers de bois ou d’osier recouverts de peaux d’animaux. Depuis lors les armes métalliques remplacèrent peu à peu les armes de pierre et de bois. Cependant, sous les patriarches, l’armement des Hébreux demeura élémentaire. Quand le serviteur, revêtu de ses habits ordinaires, les pieds et la tête nus, avait pris en main, pour défendre la cause de son maître, son arc et ses flèches ou son glaive, Gen., xxvii, 3 ; xlviii, 22 ; xlix-, 23-24, il était armé. C’est toute l’extension qu’il faut donner au mot hâmusîm, « équipés. » Exod., xiii, 18 ; Jos., i, 14 ; iv, 12 ; Jud., vii, 11.

Moïse et Josué commencèrent à donner au peuple dont ils avaient la conduite une organisation militaire, sans que le système d’armement en fût sensiblement changé. À côté de l'épée, de l’arc et du bouclier déjà mentionnés sous l'ère patriarcale, nous trouvons alors la pique, employée quelquefois comme javelot. Num., xxv, 7. Sous les Juges est mentionné le poignard à deux tranchants, Jud., iii, 16, qui d’ailleurs ne paraît pas avoir été très répandu comme arme de combat, et la fronde, Jud., xx, 16, qui devient surtout l’arme d’attaque dans la tribu de Benjamin. Ce qui est certain, bien que l'Écriture n’en parle pas, c’est que la nécessité de combattre, non plus seulement corps à corps et en rase campagne, mais sous les murs de villes fortifiées auxquelles il fallait donner l’assaut, Jos., VI, 1, 20 ; viii, 1, 3 ; x, 2-5, dut introduire dans l’armement de notables modifications.

Jusqu'à David chacun des combattants, quand la guerre éclatait, se procurait des armes comme il pouvait. À certaines époques, sous les Juges et même du temps de Saül, les armes avaient été rares en Israël, autrement on n’aurait pas vu Samgar s’armer d’un soc de charrue contre les Philistins, Jud., iii, 31, et Samson les combattre avec tout ce qui se trouvait sous sa main, jusqu'à une mâchoire d'âne. Jud., xv, 15-16. Si l’on peut raisonnablement interpréter d’une autre manière l’allusion du cantique de Débora à l’absence de lances et de boucliers, Jud., v, 8, il est dit que dans la guerre de Saül contre les Philistins il n’y eut dans toute l’armée d’Israël ni une lance ni une épée, excepté celles de Saül et de son fils, I Reg., xiii, 22, et il est à penser que cette pénurie d’armes dura aussi longtemps que la domination tyrannique des Philistins.

La période des Rois, en amenant la formation d’une armée permanente, produisit dans l'équipement et l’armement des troupes une véritable transformation. Il fallut de plus armer, d’une manière conforme à leur mode de combat, le corps de cavalerie et les chars de guerre créés par Salomon. IU Reg., x, 26 ; II Par., i, 14. Il n’est pas douteux aussi que les relations des rois de Juda et d’Israël avec les Égyptiens, les Syriens, les Assyriens et les Chaldéens, ainsi que l’introduction dans l’armée des Juifs de contingents étrangers, cf. II Reg., viii, 18 ; I Par., xviii, 7, souvent commandés par des chefs eux-mêmes de nationalité étrangère, II Reg., xv, 19 ; xviii, 2 ; xxv, 39, n’aient eu une influence sensible aussi bien sur l’armement que sur la stratégie. La nécessité de se tenir à la hauteur des armées étrangères fit étendre à tous les soldats l’usage d’armes qui jusque-là étaient réservées à certains corps de troupes ou seulement aux guerriers de distinction, par exemple sous le règne d’Asa le bouclier et la lance, II Par., xiv, 8, et sous Ozias le casque et la cuirasse, II Par., xxvi, 14, armes dont l’usage persévéra après la captivité. II Esdr., IV, 13, 16-18, 21 ; I Mach., iii, 3. Les frais de l’armement ainsi organisé étaient supportés par l'État, et comme l’armée permanente n'était qu’une faible portion des contingents susceptibles d'être appelés en temps de guerre, on créa dès lors dans les principales villes des arsenaux assez vastes pour contenir tout l'équipement de l’armée de réserve. Salomon en établit pour les chars de guerre, II Par., i, 14 ; viii, 6 ; ix, 25, Roboam pour les lances et les boucliers, II Par., xi, 12 ; xxvi, 14, ce qui n’empêcha pas de continuer à suspendre aux murailles des villes fortifiées les boucliers de leurs défenseurs. Cant. iv, 4 ; Ezech., xxvii, 10. Ozias et Ézéchias s’appliquèrent aussi à établir des approvisionnements d’armes considérables. II Par., xxvi, 14 ; xxxii, 27. On perfectionna à la même époque la forme et la matière des armes. Le petit bouclier, dont on s'était généralement servi jusque-là, prit à partir de David de plus grandes proportions, I Par., xii, 8, 21, 34, et on commença à le fabriquer en airain, I Reg., xvii, 6, 45 ; III Reg., xiv, 27, sans que le bouclier de bois recouvert de cuir ait été abandonné, comme an peut le conclure de II Reg., i, 21 ; Is., xxi, 5 ; Ezech., xxxix, 9. La tribu de Nephtali en adopta spécialement l’usage, avec la longue pique, I Par., xii, 34, tandis qu’une autre pique fut plus particulièrement l’arme des tribus de Juda et de Gad. I Par., xii, 8, 24. On se servit aussi à cette époque d’arcs d’airain. Ps. xvii, 35 ; Job, xx, 24. Pendant la période agitée des Machabées, l’armement des Juifs, tout en suivant les modifications de détail qui se produisaient dans celui des peuples voisins, demeura pour l’ensemble ce qu’il était sous les rois, car les armes mentionnées sont les mêmes, et les cavaliers célestes qui apparurent pendant quarante jours dans Jérusalem, et dont l’armement devait être conforme au type reçu alors, portaient la lance, le bouclier, le javelot, le casque et la cuirasse. II Mach., v, 2-3. Sous la domination romaine, la courte épée ou poignard des Perses, peu différente de la sica des Romains, s’introduisit en Palestine et demeura plutôt l’arme des fanatiques ou sicaires, auxquels elle a donné son nom. Josèphe, Ant. jud., XX, vm ; Bell, jud., II, XIII.

V. Métaphores des auteurs sacrés empruntées aux armes guerrières. — L’analogie de l’emploi des armes avec l’exercice des vertus, au moyen desquelles le chrétien remporte la victoire sur ses passions, a amené plusieurs fois les auteurs sacrés à parler métaphoriquement de celles-ci au moyen de celles-là, par exemple lorsque le psalmiste, pour exprimer l'étendue de la protection divine sur l’homme, la compare à la protection dont le grand bouclier (ṣinnâh) couvre le guerrier. Ps. v, 13 ; xci, 4. Saint Paul a développé cette application, Éph., VI, 13-17, passage dans lequel il fait allusion aux dards enduits de poix enflammée que les Romains avaient l’habitude de lancer sur leurs ennemis. Cf. Rom., vi, 13 ; xiii, 12 ; I Thess., v, 8. Voir aussi Sap., v, 18 ; Is., lix, 17.

P. Renard.

1. ARMÉE CHEZ LES HÉBREUX. Le nom ordinaire de l’armée chez les Hébreux est ḥayil, qui signifie proprement « force », Exod., xiv, 28 ; II Sam. (Reg.), xxiv, 2, etc., ou ṣâbâʾ, de ṣâbâʾ, « se rassembler (en troupe organisée). » II Sam. (Reg.), viii, 1b ; x, 7 ; I Par., xix, 8, etc. Bien que les Hébreux ne fussent pas un peuple conquérant et guerrier, ils eurent besoin dès l’origine de recourir aux armes pour se défendre contre leurs ennemis, puis, après la sortie d’Égypte, pour conquérir le pays de Chanaan et garantir leur conquête contre l’invasion des peuples voisins. Sous les rois, il y eut des guerres offensives comme des guerres défensives.

I. L’armée avant les rois. — Du temps des patriarches, il n’existait aucune organisation militaire. Quand Abraham, pour délivrer son neveu Lot fait prisonnier, voulut poursuivre Chodorlahomor, roi d'Élam, et ses alliés, il rassembla trois cent dix-huit de ses serviteurs, armés de ce qu’ils purent trouver, et c’est avec cette troupe et le secours de quelques habitants d’Hébron qu’il surprit les ennemis et leur enleva leur butin. Gen., xiv, 13-16. — À l’époque de la sortie d’Égypte, tous les hommes capables de porter les armes furent soldats. On voit alors apparaître une organisation rudimentaire, se rapprochant sans doute de celle des Égyptiens, que les Israélites avaient eue si longtemps sous les yeux, mais calquée aussi sur l’organisation politique des douze tribus. Num., i-iv. Chaque tribu fournit comme une sorte de régiment, ayant ses chefs, Num., x, 14-27, ses étendards, Num., ii, 2. Tout était soigneusement réglé dans cette armée : la position de chaque division dans le camp, Num., ii, 2-20 ; l’ordre de marche et les signaux, Num., x, 5-6 ; et l’ordre qui y régnait était si remarquable, comparé à la confusion des rassemblements armés des tribus arabes, qu’il excitait l’admiration de Balaam. Num., xxiv, 6. Les magistrats civils établis par Moïse, d’après le conseil de Jéthro, et présidant à des sections de mille, cent, cinquante et dix hommes, Exod., xviii, 21-22, semblent avoir été transformés en chefs militaires, et chargés de conduire au combat ceux dont ils réglaient les différends. L'âge de vingt ans fut fixé pour le commencement du service. Num., i, 2-3. Jéhovah lui-même marque cette limite d’âge. Num., i, 1 ; xxvi, 1-2. Elle fut toujours maintenue depuis, II Par., xxv, 5 ; mais les lévites et les prêtres furent à toutes les époques dispensés du service militaire. Num., i, 47, 49. Ainsi formés, ces contingents n’avaient aucun service actif en temps de paix. L’Écriture ne dit rien de la durée régulière du service ; Josèphe, qui donne comme limite extrême l’âge de cinquante ans, s’appuie uniquement sur l’analogie du service des lévites, qui cessait à cet âge. Num., iv, 3. Mais comme, d’après la loi, un homme de soixante ans était réputé vieillard, Lev., xxvii, 3, 7, on est fondé à croire que le service militaire obligatoire n’allait pas au delà. — Sous les Juges, les chefs de famille furent, en cas de besoin, les chefs militaires ; mais il n’y avait aucun pouvoir central qui pût commander à toute la nation et lui faire prendre les armes. La véritable organisation militaire en Israël ne commence qu’avec la royauté. Lorsque Abimélech tenta, par une révolution politique, de se faire roi, il s’efforça du même coup de créer une armée organisée. C'était la première fois peut-être qu’on voyait en Israël des soldats se battre pour une cause qui n'était pas celle de leur défense personnelle. Jud., ix, 25, 34, 35, 43. Cette tentative échoua par suite de la mort d’Abimélech, et l’organisation militaire demeura imparfaite, jusqu’au jour où elle fut transformée par Sai.il, David et Salomon.

II. L’armée sous les rois. — 1° Son origine. — L’armée d’Israël, qui jusqu'à l'époque des rois n’avait été qu’une institution temporaire, répondant à des nécessités accidentelles, commença sous Saùl à devenir une institution permanente. Ce ne fut d’abord qu’un petit corps de troupes, composé de trois mille hommes, destinés, le cas échéant, à former le noyau d’une armée plus considérable, I Reg., xiii, 2, et pour cette raison recrutés avec soin parmi les plus vaillants. I Reg., xiv, 52 ; xxiv, 3 ; xxv, 13 ; xxvi, 2. Saül apportait lui-même le plus grand soin à ce recrutement ; car, « aussitôt qu’il avait reconnu qu’un homme était vaillant et propre à la guerre, il le prenait prés de lui. » I Reg., xiv, 52. David, qui, avant d’arriver au trône, avait toujours été assisté par sa fidèle troupe de quatre cents, I Reg., xxii, 2, puis de six cents hommes, [ Reg., xxiii, 13, continua après son avènement à avoir près de lui, même en temps de paix, cette garde d'élite, éprouvée par tant de privations et de combats. I Reg., xxii, 2 ; xxiii, 13 ; xxv, 13 ; xxvii, 2-8 ; xxx, 1-9 ; II Reg., n. 3 ; v, 6.

Garde du corps. — L'Écriture dit que les soldats qui la composaient étaient en partie Philistins d’origine, II Reg., xv, 18. Malgré les divergences des éditions des Septante sur ce verset, et le silence du Textus receptus grec, en cet endroit, sur les six cents Philistins de Geth mentionnés dans la Vulgate, cf. Hummelauer, Comment. in lib. Samuelis, p. 380 ; malgré aussi la répugnance de plusieurs, Tostat et Thenius, par exemple, à admettre que David ait enrôlé dans son armée régulière six cents hommes des ennemis séculaires d’Israël, et la correction qu’ils croient devoir faire de Giṭtîm (Géthéens) en gibborim (héros), il semble néanmoins qu’il faille maintenir le texte de la Vulgate, avec la mention des Géthéens, dont la nationalité est d’ailleurs essentiellement liée à celle de leur chef « Éthaï le Géthéen », qualifié expressément d' « étranger ». II Reg., xv, 19. Car autrement comment des gibborîm, ces vaillants d’Israël, eussent-ils accepté d’avoir pour chef un Philistin ? La présence de ces étrangers dans la garde ordinaire du roi est suffisamment expliquée par les relations d’amitié qui avaient uni David et Achis, roi de Geth, I Reg., xxvii, 2-12 ; xxix, 2-11, et les services qu’il avait tirés d’eux dans les campagnes contre les troupes de Saül et d’Absalom.

La garde des Géthéens était distincte d’une autre légion étrangère instituée par David d’une manière permanente, et composée de Céréthiens et de Phéléthiens, II Reg., viii, 18 ; cf. I Reg., xxx, 14 ; II Reg., xv, 18 ; xx, 7, 23 ; III Reg., i, 38, 14 ; I Par., xviii, 17 : soldats probablement sortis de deux tribus alliées des Philistins, ou même faisant partie de ce peuple, I Reg., xxx, 16 ; Ezech., xxv, 16, où, selon l’hébreu, les Céréthiens sont mentionnés avec les Philistins, comme ailleurs avec les Phéléthiens, ce qui fait croire que Phelethi équivaut à Philisthæi. Cf. Soph., II, 5. Voir Céréthiens, Phéléthiens. Cette légion formait la garde du corps du roi.

C’est par erreur que quelques exégètes, comme Weiss, David und seine Zeit, Münster, 1880, p. 173, soutiennent que les gibburim de David dont il est question II Reg., xxiii, 8-39 ; I Par., xi, 10-46, sont les six cents Géthéens de II Reg., xv, 18.

Les « gibborîm » de David. — Les gibborîm ne semblent pas avoir formé une cohorte spéciale, mais plutôt un ordre de vaillants soldats que le roi prenait comme ses aides de camp, et auxquels il donnait des commandements ou des missions de confiance, suivant la nécessité du moment. Quand ils n’avaient ni commandement ni mission à remplir, ils faisaient fonction de gardes du corps, cf. II Reg., xxi, 17, et c'étaient eux qui, à tour de rôle, commandaient les sections de vingt-quatre mille hommes qui chaque mois fournissaient le contingent de la garde royale. I Par., xxvii, 1-15. Saül paraît avoir été l’instituteur de cette sorte d'état-major. I Reg., xiv, 52. Amizailab, fils de Banaias, commandait cette garde à la place de son père, retenu par un autre commandement. I Par., xxvii, 6. Quatre gibborîm, Jesbaam, Éléazar, Semma et Abisaï, avaient le haut emploi de šâlîšîm en chef ; deux autres, Banaias, avant d'être général en chef, et Asaël, étaient simples šâlîšîm, II Reg., xxiii, 8, 13, 18, 23, 25, ce qui indique clairement que les gibborîm étaient inférieurs aux šâlîšîm. L'Écriture nomme plusieurs gibborîm : trente-sept dans II Reg., xxiii, 39 ; cinquante-trois dans I Par., xi, 1$1-$26. Rien n’indique d’ailleurs que cette énumération soit complète.

L’infanterie. — Avant Salomon, tous les Israélites combattaient à pied. Même après lui, la plus grande partie des troupes furent des fantassins. L’infanterie, selon la différence des armes, se divisait en deux sections : l’infanterie légère, armée du petit bouclier, mâgên, III Reg., x, 17, et comprenant elle-même deux subdivisions, dont d’une combattait avec l’arc, l’autre avec la fronde ; et la grosse infanterie, dont les armes étaient le grand bouclier, ṣînnâh, III Reg., x, 16, l'épée et le javelot ou la lance. Bien qu’aucune règle n’eût prescrit à chacune des tribus d’Israël l’emploi d’une arme plutôt que d’une autre, ce fut pendant longtemps un usage parmi elles d’avoir une spécialité d’armes pour ses guerriers, ce qui dans l’ensemble constituait une armée complète de soldats exercés. La tribu de Benjamin, par exemple, dont les guerriers étaient armés à la légère, II Par., xiv, 8, s’adonnait avec un rare succès au maniement de la fronde, Jud., xx, 16 ; II Par., xiv, 8 ; ses frondeurs étaient si adroits, « qu’ils auraient pu même frapper un cheveu, sans que la pierre se fût le moins du monde écartée. » Jud., xx, 16. Ils lançaient d’ailleurs la pierre avec la main gauche aussi bien qu’avec la droite. I Par., xii, 2. Les hommes de Juda, armés d’ordinaire plus pesamment, I Par., xii, 24 ; II Par., xiv, 8, donnaient cependant d’importants contingents d’habiles archers. II Par., xvii, 17. Gad et Nephthali fournissaient avec Juda la grosse infanterie ; Juda et Gad, les lanciers armés de la lourde lance, rômaḥ, I Par., xii, 8, 24 ; II Par., xiv, 8 ; Nephthali, les lanciers armés de la courte lance ou javelot, ḥôniṭ, I Par., xii, 34. Ainsi, quand sonnait l’appel aux armes, l’armée d’Israël se trouvait immédiatement formée sur le pied de guerre avec la variété de ses différentes unités, et chaque tribu étant tenue d’envoyer tous ses hommes disponibles, I Par., xii, 24-37, leur réunion formait une armée considérable, capable de tenir tête aux armées étrangères.

Cavalerie. — Salomon créa le premier un corps de cavalerie, à l’exemple des peuples voisins, surtout des Syriens, qui comptaient dans leur armée de nombreux chariots, II Reg., x, 18, des Assyriens et des Chaldéens, IV Reg., vi, 14, et même des Philistins, où la cavalerie formait une légion de six mille hommes au temps de Saül. I Reg., xiii, 5 ; cf. II Reg., 1, 6. L’absence des représentations de troupes à cheval dans les monuments des anciennes dynasties de l’Égypte donne lieu de penser que pendant longtemps la cavalerie ne fut pas employée par les Égyptiens pour les opérations militaires. Cf. Fr. Lenormant, Sur l’antiquité de l'âne et du cheval, IIe partie ; Lefébure, Sur l’ancienneté du cheval en Egypte, dans l’Annuaire de la faculté des lettres de Lyon, 2e année, p. 1-11. Cependant ils devancèrent certainement les Hébreux, qui ne réalisèrent ce progrès qu’après tous leurs voisins, retard qu’on s’expliquerait difficilement, si Dieu, pour garantir le caractère théocratique de leur état politique, ne leur avait maintes fois recommandé de ne pas mettre leur confiance dans les chevaux, et de ne pas en multiplier le nombre. Deut., xvii, 16. À cette recommandation la voix des prophètes fera écho jusqu'à la fin, alors même que la nécessité des temps aura amené les rois de Juda et d’Israël à pourvoir leur armée de ce renfort. Surtout lorsqu’ils verront le peuple oublier l’appui de Jéhovah, et ne penser qu'à s’assurer pour la guerre le secours de la cavalerie et des chars égyptiens, ils feront entendre le même reproche, y joignant de terribles menaces. Is., ii, 8-21 ; xxxvi, 6, 8-10 ; Ose., 1, 7 ; Mich., v, 10 ; cf. Ps. xix, 8. La cavalerie instituée par Salomon formait un contingent de douze mille hommes. III Reg., x, 26 ; II Par., 1, 14 ; ix, 25. Elle ne se composait pas de cavaliers montés sur des chevaux, mais de guerriers combattant sur des chars. Dés leur entrée en Chanaan, les Hébreux avaient appris à connaître à leurs dépens l’utilité des chars de guerre. Jos., xvii, 16 ; Jud., i, 19. Du temps de David, l’usage en était déjà répandu ; on s’en servait surtout comme de véhicules d’apparat, tellement réservés aux rois et aux princes, qu’Adonias, rival de Salomon, ne pensa pas pouvoir mieux affermir ses prétentions au trône qu’en se montrant sur un char, comme faisait le fils de David. II Reg., xv, 1 ; III Reg., 1, 5 ; mais avant Salomon les chars ne furent pas utilisés dans les combats.

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258. — Chars de guerre égyptiens. Temple de Ramsès II, à Thèbes. D’après Lepsius, Denkmäler, Abth. iii, pi. 155.

Cependant depuis longtemps, et au plus tard du temps des Hyksos, l’Égypte s’en servait avec succès ( fig. 2381, et l’on voit dans les peintures anciennes que, dans les opérations stratégiques, l’infanterie égyptienne s’avançait appuyée sur ses flancs et ses derrières par un cordon de ces chars. Lepsius, Denkmäler aus Aegypten, Abth. iii, pi. 155. Les Chananéens et les Philistins, favorisés par leurs vastes plaines de la Séphéla, de Saron et de Jesraël, se servaient aussi de chars dans leurs expéditions guerrières, Jos., xi, 4 ; Jud., i, 19 ; II Reg., i, 6, et ils étaient réputés pour leurs chars blindés de fer. Jos., xvii, 16, 18 ; Jud., i, 19. Les Philistins, sous Saùl, mirent en ligne un nombre considérable de ces chars, bien que le chiffre de trente mille donné dans le texte, I Reg., xiii, 5, soit sûrement une faute de transcription, les Chananéens du nord n’en ayant eu que neuf cents, Jud., iv, 3, les Syriens d’Adarézer mille. I Par., xviii, 4. Les Syriens, II Reg., viii, 4 ; x, 18 ; III Reg., xxii, 81 ; IV Reg., vi, 14, les Assyriens et les Babyloniens usaient depuis longtemps des chars de guerre, quand Israël les introduisit dans son armée. Malgré la difficulté résultant du terrain montagneux de la Palestine, David avait déjà compris quelle cause d’infériorité c'était pour son armée que d'être dépourvue de ce puissant moyen d’attaque. Aussi, en attendant la formation d’un corps spécial, il ne manquait pas l’occasion d’affaiblir de ce chef, quand il le pouvait, la puissance de ses ennemis ; ce qu’il fit notamment dans la guerre contre les Syriens, en coupant aux chevaux de trait le nerf du jarret et en brûlant les chars. II Reg., viii, 4 ; I Par., xviii, 4. La création de ce nouveau corps militaire s’imposa surtout lorsque s'étendirent les relations du royaume avec les peuples étrangers, dont le territoire était plus favorable à son fonctionnement. Elle eut lieu sous Salomon. Quatorze cents chars (d’après II Par., ix, 25, « douze mille chars et cavaliers ») et quatre mille chevaux de trait, tel fut le premier effectif, III Reg., x, 26 ; II Par., i, 14 (d’après III Reg., iv, 26, et II Par., ix, 25, « quarante mille chevaux » ). Il fallait à ce matériel des arsenaux et des magasins, comme il y en avait déjà pour l’armement et l'équipement des troupes à pied. Salomon en établit à Jérusalem et dans les principales villes du royaume, appelées pour cela « villes de chars », urbes quadrigarum, urbes curruum, III Reg., ix, 19, II Par., i, 14 ; viii, 6 ; IX, 25 ; « villes de cavalerie, » civitates equitum, III Reg., IX, 19 ; urbes equitum, II Par., viii, 6.

À l’exemple de Salomon, les rois d’Israël s’empressèrent, après le schisme des dix tribus, de doter leur royaume de troupes de cavalerie et de chars de guerre, III Reg., xvi, 9 ; IV Reg., viii, 21 ; au, 7. Sous Baasa, Zamri, le meurtrier d'Éla, commandait la moitié de la cavalerie. III Reg., xvi, 9. Mais comme le pays d’Israël, aussi bien que celui de Juda, n'était pas très abondant en chevaux, souvent les rois appelèrent à leur secours la cavalerie et les chars de guerre des Égyptiens, IV Reg., xviii, 24 ; Is., xxxi, 1 ; xxxvi, 9, ou insérèrent dans leur traité d’alliance avec l’Égypte une clause concernant les renforts de ce genre à recevoir en cas de guerre.

Chefs de l’armée. — Quant à la hiérarchie militaire.

elle demeura pendant toute la période des rois, I Reg., vin, 12 ; xviii, 13 ; II Reg., xviii, 1 ; IV Reg., i, 9 ; xi, 4 ; II Par., xxv, 5, et jusque sous les Machabées, .I Mach., m, 55, ce que Moïse l’avait faite à la sortie d’Egypte, Exod., xviii, 21 ; cf. Deut., i, 15, en établissant des sections de dix, cinquante, cent et mille hommes, placés sous le commandement de chefs respectifs : décurions, pentachontarques, centurions et chiliarques, appelés dans la Vulgate tribuns. Peut-être avons-nous dans III Reg., ix, 22, la série des principaux degrés de la hiérarchie militaire au temps de Salomon : 'anse hammilhâmâh, simples guerriers ; 'âbâdîm, officiers du second rang, comme nos lieutenants ; sarbn, officiers commandants, comme nos capitaines ; sâlisîm, officiers supérieurs (voir plus bas, 7°) ; enfin sarê hârékéb, chefs des chariots, et êarê happârâsîm, chefs des chevaux. À côté de ces officiers, il y avait dans l’armée d’Israël d’autres chefs appelés èotrim, dont les fonctions n’avaient probablement pas

7° Les « sâliSim ». — Il existait dans l’armée d’Israël, au moins depuis David, une autre catégorie d’officiers. appelés sâlisîm (Septante : zpiazxtxi), dont le nom se rencontre pour la première fois dans l'Écriture au sujet de l’armée du pharaon d'Égyptë poursuivant les Hébreux : « Il (le pharaon) emmena aussi six cents chars d'élite et tout ce qui se trouva de chars de guerre dans l’Egypte, avec les chefs de toute l’armée » ( hébreu : « et les sâlisîm sur chacun d’eux » ). Exod., xiv, 7. Plusieurs exégètes, s’appuyant, pour interpréter ce texte, sur la signification grammaticale du mot SâliS (troisième ou un de trois), ont pensé que, dans l’ordre militaire, il désignait l’un des trois soldats qui se tenaient sur les chars de guerre, le Kocpaiêirr^ des Grecs, Iliad., xxxii, 32, l’essedarius des Romains, César, Bell, gall., iv, 33 ; Cicéron, Ad Fam., vii, 6. Cette explication est contredite par les monuments de l’ancienne Egypte, qui ne représentent ordinairement sur les chars de guerre que deux hommes, le

9. — Chars de guerre égyptiens, montés par un soldat et un cocher. Ipsamboul. D’après Champollion, Monuments d’Egypte et de Nubie, t. i, pi. 33.

pour objet le commandement militaire, car on les distingue souvent des chefs dont nous venons déparier. Deut., i, 15 ; xx, 9 ; I Par., xxvii, 1. L’hébreu solêr, « scribe » (de sàtar, « écrire » ), rendu presque partout dans les Septante par jpau.jj.aTeûç, désigne par extension tout homme exerçant une fonction publique, l’art d'écrire ayant été le plus souvent le privilège de ces personnages. Il est amployé spécialement pour désigner les magistrats du peuple hébreu en Egypte, choisis par lui et ayant mission de rendre des comptes sur leurs concitoyens aux chefs égyptiens constitués par le pharaon. Exod., v, 6-19. On les retrouve au désert du Sinaï, où ils sont mentionnés à côté des anciens du peuple, zegênîm, Num., xi, 16, comme plus tard à côté des anciens et des juges, softhn, Deut., xvi, 18 ; Jos., viii, 33 ; xxiii, 2 ; xxiv, 1, plusieurs fois comme étant euxmêmes lévites, et distingués des autres lévites qui remplissaient les fonctions de juges. I Par., xxiii, 4 ; xxvi, 29 ; II Par., xxix, 11 ; xxxiv, 13. Ce sont eux qui, dans le camp des Israélites, proclament au milieu de chaque tribu les ordres de Josué. Dent., xx, 5, 8, 9 ; xxix, 9 ; xxxi, 28 ; Jos., i, 10 ; iii, 2. Mais aussi ils sont plusieurs fois désignés comme remplissant des fonctions importantes relativement à l’armée. Deut., xx, 5-11 ; I Par., xxvii, 1. Elles concernaient vraisemblablement l’organisation des troupes après l’appel aux armes, Deut., xx, 11, et, durant la paix, le maintien de l’ordre dans l’armée permanente, la répartition des services entre les différentes sections de troupes, et peut-être aussi l’approvisionnement. Le plus élevé des sotrîm de l’armée d’Ozias était un certain Maasia, qui est nommé à côté du scribe (sôfêr) Jéhiel et de Hananias, l’un des généraux du roi. II Par., xxvi, 11. L'étendue de leur autorité faisait dire à Salomon dans ses Proverbes : « La fourmi n’a ni chef, ni sôtêr, ni maître, et cependant elle amasse pendant l'été de quoi se nourrir. » Prov., vi, 7.

conducteur et le combattant (fig. 259). Cf. "Wilkinson, Manners and customs of the ancient Egyptians, 2e édit., t. i, p. 46. Si quelquefois on en rencontre un troisième, qui est l'écuyer du guerrier ou le serviteur tenant sur sa tête le parasol, ce n’est guère que sur le char royal, en Egypte. comme en Assyrie. Mariette, Aperçu de l’histoire d’Egypte, p. 64 ; Birch, Ancient Sis tory from the monuments, Egypt, p. 127 ; Wilkinson, The manners and customs of the ancient Egyptians, t. i, p. 190-192 ; Sharpe, History of Egypt, i, 57. De même chez les Héthéens. Brugsch, Geschichte Aegyptens, Leipzig, 1877, p. 503. Voir Char.

Cette interprétation du titre de sâlîHm a donc trouvé justement de nombreux contradicteurs, qui, niant toute corrélation avec les chars de guerre, expliquent la signification grammaticale de sâlîs (troisième) en disant que les sâlisîm étaient un corps de vétérans, comme les triarii des Romains (Winer, Lexicon hebraicum, t. ii, p. 991), ou bien des officiers du troisième ordre, ou qu’ils occupaient le troisième rang après le roi (S. Jérôme, In Ezech., . xxm, t. xxv, col. 219 ; Vatable, Ira IV Reg., xv, 25), ou encore qu’ils appartenaient à la troisième phalange (cf. Gesenius, Thésaurus lingux hebrœse, p. 1429), ou enfin parce qu’ils avaient sous leurs ordres trente soldats (en faisant dériver salis de selôsîm, « trente » ). Ewald, Geschichte des Volkes Israël, t. ii, p. 601 ; Weiss, David und seine Zeit, Munster, 1880, p. 173-174. Plusieurs, rejetant la traduction de la Vulgate, princeps inter tresou princeps trium, Il Reg., xxiii, 8, 18, 19 ; I Par., xi, 20, et avouant la grande difficulté de donner à ce mot une interprétation grammaticale exacte, s’en tiennent au sens général de « chefs militaires de haut rang », entre lesquels ils regardent le r’os hassâlîsim, I Par., xii, 18, comme supérieur aux simples sâlisîm. Hummelauer, ,

Comment, in lib. Samuelis, Paris, 1886, p. 435, 436. Ces chefs ne formaient point, comme quelques-uns l’ont pensé, une cohorte spéciale, comme celle des Céréthiens et des Phéléthiens. Rien du moins ne l’indique dans les passages où il est question d’eux. II Reg., xxui, 3, 8, 18, 23, 25 ; III Reg., ix, 22 ; IV Reg., vii, 2 ; ix, 25 ; xv, 25, etc.

Quoi qu’il en soit, sous les rois d’Israël, les sâlîsîm devinrent les premiers de la cour ; on les trouve formant avec les « courriers », cursores, ni fini, la garde d’élite de Jéhu, IV Reg., x, 25, et leur commandant portait, comme par excellence, le titre de scillS. Joram avait un de ces officiers toujours attaché à.sa personne, « sur la main duquel il s’appuyait, » IV Reg.. vii, 2, 17, 19, et de même Jéhu, qui avait avec lui. sur son char, son salis Badacer. IV Reg., IX, 25. Phacéia. roi d’Israël, fut assassiné par son sâlU Phacée, qui devint son successeur. IV Reg., xv, 25. La puissance de ces officiers était telle, qu’Ézéchiel se sert de leur titre pour désigner en général les hauts personnages de Babylone, dont les images peintes sur les murailles avaient excité la passion d’Ooliba. Ezech., xxiii, 15.

8° Général en chef. — Enfin au-dessus des sâlisim, des sotrîm et de tous les autres officiers, était établi le prince de la milice ou généralissime, sar hassâbâ’, I Reg., xiv, 50, qui était, sous Saùl, Abner, I Reg., xvii, 55 ; sous David. Joab, II Reg., viii, 16 ; I Par., xi, 6 ; sousSalomon, Banaias. III Reg., iv, 4. C’est par le même titre que la Sainte Écriture désigne les généraux en chef des armées étrangères, comme Sisara, commandant les troupes de Jabin, Jud., iv, 2 ; IReg., xii, 9 ; Sobach, II Reg., x, 16, et Naaman, IV Reg., v, 1, celles des Syriens ; Nabuzardan, celles des Chaldéens. IV Reg., xxv, 11. Le généralissime avait sous ses ordres toute l’armée du roi, excepté la garde royale, qui ne relevait que de son chef particulier ; car il ne paraîl pas que le commandant des Céréthiens et des Phéléthiens, qui composaient la garde de David et de Salomon, aient été sous le commandement de Joab et de Banaias, non plus que les commandants des légions de vingt-quatre mille hommes formant chaque mois la garde ordinaire du roi. I Par., xxvii, 2.

9° Force de l’armée. — L’armée d’Israël ainsi organisée avait une puissance considérable de cohésion et de résistance. Elle n’était pas moins remarquable par le nombre des soldats qu’elle pouvait mettre en ligne. En réunissant plusieurs des unités dont nous avons parlé plus haut, on formait quelque chose d’analogue à ce que nous appelons aujourd’hui des brigades et des divisions. Plusieurs de ces divisions réunies constituaient les corps d’armée, dont le contingent s’élevait quelquefois à un nombre d’hommes considérable. À l’époque de la sortie d’Egypte, on comptait en chiffres ronds 600 000 guerriers dans le camp des Hébreux, Exod., xii, 37 (ou plus précisément 603 550, Exod., xxxviii, 25 ; Num., i, 46) ; lors de l’entrée en Chanaan, 601730. Num., xxvi, 51. David, selon II Reg., xxiv, 9, avait sous ses ordres 1300 000 soldats, dont 800 000 fournis par Israël, et 500 000 par Juda ; selon I Par., xxi, 5, il en avait 1 570000, dont 1 100 000 d’Israël et 470 000 de Juda, chiffres manifestement dénaturés et grossis par les copistes. Le corps de troupes qu’Asa, roi de Juda, opposa aux Éthiopiens était formé, si les chiffres n’ont pas été altérés dans le texte, de 300000 lanciers et de 280000 archers, II Par., xiv, 8-9 : c’était au total 580000 hommes fournis par les deux tribus de Juda et de Benjamin, cf. II Par., xiii, 3, tandis que l’armée du royaume d’Israël à la même époque était de 800000 guerriers, « tous d’élite et très vaillants. » II Par., xiii, 3. Celle de Josaphat se montait à 1 160 000 hommes. répartis en cinq corps d’armée, trois pour la tribu de Juda, formant un effectif de 780000 hommes, et deux pour la tribu de Benjamin, donnant 380000 hommes : chiffres si considérables. que plus d’un interprète les a regardés comme inexacts et grossis par des fautes de

transcription. II Par., xvil, 14-19. Cf. Calmet, Commentaire littéral, in h. loc. Les troupes qu’Amasias opposa aux Iduméens se composaient d’une infanterie de 300000 hommes, tous armés de la lance et du bouclier, Il Par., xxv, 5, et celles d’Ozias, dans ses guerres contre les Philistins, les Arabes et les Ammonites, étaient de 307 500 hommes de différentes armes, sous le commandement de 2600 officiers. II Par., xxvi, 12-14. Au commencement de la royauté, le recensement militaire, fait par ordre de David dans les douze tribus, avait donné les chiffres de 1100000 pour Israël, 470000 pour Juda, 1570 000 soldats au total. II Reg., xxiv, 9 ; I Par., xxi, 5. Ces contingents, qui n’étaient réunis que pour Te temps de la guerre, opéraient leurs mouvements stratégiques sous le commandement du général en chef, dont il a été question, assisté d’un conseil de guerre composé des chefs de tribus. Il arrivait aussi que, pour les engagements moins généraux, des officiers inférieurs au généralissime dirigeaient les opérations. II Reg., x, 9-13 ; xvin, 2.

10° Convocation de l’armée. — Elle se faisait tantôt à son de trompe du haut des montagnes, où veillaient des sentinelles placées sur des tours, Jud., iii, 27 ; vi, 34 ;

I Reg., xiii, 3 ; Jer., iv, 5 ; vi, 1 ; Amos, iii, 6, tantôt en élevant sur les hauteurs quelque drapeau ou un autre signal convenu, auquel tous connaissaient du même coup l’appel aux armes et le lieu du rassemblement. Is., xviii, 3. Quelquefois des hérauts d’armes allaient par les tribus, proclamant le ban de guerre, Jud., vi, 35 ; vii, 24, en y ajoutant même des imprécations et des menaces contre ceux qui feraient défaut, I Reg., xi, 7 ; ou bien ils étaient porteurs d’un ordre écrit rédigé par un secrétaire, sôfêr, du général en chef. IV Reg., xxv, 19 ; cf. II Par., xxvi, 11 ; Is., xxxiii, 18 ; Jer., xxxvii, 15 ; lii, 25. Le refus général de se rendre à la convocation était un délit de lèse-patrie, dont le châtiment pouvait aller jusqu’à l’extermination des récalcitrants, comme il arriva pour les habitants de Jabès de Galaad. Jud., xxi, 8-10.

II y avait pourtant quelques cas d’exemption prévus par la loi, et que les officiers, soterim, proclamaient avant le départ pour la guerre : par exemple, le cas d’avoir construit une maison sans l’avoir encore habitée ; avoir planté une vigne sans en avoir encore recueilli les fruits ; être fiancé ou n’avoir pas encore vécu un an révolu dans le mariage. Deut, xx, 5-7 ; xxiv, 5 ; I Mach., us, 56. De plus, les pusillanimes étaient sommés de se retirer, pour empêcher que leur lâcheté n’eût sur les autres soldats une funeste influence. Dcut., xx, 8.

Après la première concentration avait lieu l’incorporation des combattants dans l’une des divisions militaires ; car en dehors de la répartition naturelle des hommes en douze groupes armés correspondant aux douze tribus, il y avait dans chaque groupe des corps spéciaux, selon les différentes armes dont ils étaient pourvus : infanterie légère, comprenant les frondeurs, les lanciers et les archers ; grosse infanterie munie d’armes plus pesantes, le grand bouclier, la lourde lance, plus tard la cuirasse ; et, à partir de Salomon, cavalerie et chariots de guerre. Chaque homme, étant à l’avance exercé au mar.iement de l’arme avec laquelle il combattait, était aussitôt incorporé. Cf. II Par., xiv, 8. Souvent, pour assurer à l’armée le secours de Dieu et donner confiance aux combattants, on portait au milieu d’eux l’arche d’alliance, Jos., vi, 6 ; I Reg., iv, 4 ; xiv, 18 ; II Reg., xi, 11 ; xv, 24, jusqu’à ce que la construction du temple, en donnant à l’arche un asile permanent, eut mis fin à cette pratique. Les prêtres qui devaient accompagner l’arche étaient convoqués par le chef de l’armée, qui leur donnait, de plus, certaines fonctions sacrées à remplir au milieu des troupes, comme de sonner de la trompette pendant le combat, pour exciter les soldats et appeler sur leurs armes la protection d’en haut, Num., x, 9 ; xxxi, 6 ; II Par., xiii, 12, 14, ministère qu’ils continuèrent de remplir même après que 981

ARMÉE CHEZ LES HÉBREUX — ARMÉES ÉTRANGÈRES (ASSYRIENNE) 982

l’arche eut cessé d’être portée dans les campagnes militaires. On offrait quelquefois des sacrifices avant le comhpt. I fieg., ’VU, 9 ; cf. xiii, 9. Au moment où l’on allait livrer la bataille, les prêtres, selon la prescription du Deutéronome, xx, 2, devaient adresser la parole aux troupes pour exciter leur courage et leur confiance. II Par., xx, 14-22.

11° Entretien de l’année. — Avant la création d’une armée permanente, chacun pourvoyait d’ordinaire à son équipement personnel et à sa subsistance. Cf. I Reg., xvii, 17-18. Cependant dans l’expédition contre les Benjamites, le dixième des hommes était spécialement employé au service des vivres. Jud., xx, 10. On recevait parfois des offrandes volontaires. If Reg., xvii, 28-20 ; I Par., xii, 39-40. De plus, si la nécessité l’exigeait, on réquisitionnait des habitants du pays qu’on traversait ce qui était nécessaire aux guerriers et aux bêtes de somme. Jud., viii, 5-17. Lorsque la guerre avait lieu sur le sol national, les concitoyens offraient souvent d’eux-mêmes, et quelquefois au prix des plus grands sacrifices, tout ce dont l’armée avait besoin. II Reg., xvii, 27-29 ; I Par., xii, 39-40. Les parents avant tous les autres se faisaient un point d’honneur et une joie d’envoyer, autant qu’ils le pouvaient, des vivres à leurs enfants soldats. I Reg., xvii, 17-18. En pays étranger, l’approvisionnement se faisait aussi par le pillage et les razzias, selon les lois de la guerre alors en usage, et qui persistent encore aujourd’hui parmi les Bédouins nomades. Le service militaire, étant transitoire et ne dépassant jamais les nécessités de la défense nationale, n’était pas considéré comme un métier susceptible de rétribution régulière. Aussi ne trouve-t-on aucune trace de solde militaire chez les Hébreux jusqu’à l’établissement d’une armée permanente ; chaque homme se trouvait suffisamment rémunéré par la part de butin qu’il faisait dans la campagne, après laquelle, l’armée étant dissoute, chacun rentrait chez soi et reprenait sa vie ordinaire. L’institution d’une armée permanente amena un changement dans cette organisation, car alors les rois prirent à leur charge l’équipement des soldats, II Par., xxvi, 14, et leur subsistance, cf. III Reg., iv, 27. Quant à la solde en argent, elle parait avoir été inconnue jusqu’aux Machabées. À cette époque, Antiochus est signalé dans l’Écriture comme payant une solde à ses troupes, I Mach., iii, 28, et Simon Mæhabée, peut-être mù par l’exemple des princes étrangers, paraît avoir institué la même chose pour l’armée des Juifs. I Mach., xiv, 32. Cependant les troupes mercenaires, qui étaient de véritables ouvriers aux gages, reçurent toujours une solde fixe. II Par., xxv, 0. Jean Hyrcan osa ouvrir le tombeau de David et en tirer trois mille talents d’argent pour payer celles qu’il avait prises à son service. Josèphe, Anl. Jud., XIII, viii, 4.

1 1° Troupes mercenaires. — En dehors des contingents étrangers incorporés régulièrement dans l’armée permanente, comme les Géthéens, les Céréthiens et les Phéléthiens du temps de David, les rois de Juda et d’Israël firent très peu usage de ces étrangers, qui se louaient pour une campagne, moyennant une solde déterminée ou une promesse de butin. L’Écriture ne mentionne qu’un fait de ce genre, sous Amasias, roi de Juda, qui projeta d’adjoindre à son armée cent mille mercenaires Israélites, pour combattre les Iduméens qui venaient de secouer le joug de Juda. IV Reg., viii, 20-22. Ce projet d’ailleurs ne fut pas complètement exécuté ; car, réprimandé par un prophète de cet acte antithéocratique, Amasias les renvoya avant de s’être mis en campagne. La solde totale promise par Amasias était de cent talents d’argent, environ 850000 fr. de notre monnaie, ce qui donne pour chaque homme la faible rétribution de 8 fr. 50. Il est probable qu’Amasias avait de plus promis une part de butin.

Nous retrouvons plus tard, à l’époque des Machabées, des soldats mercenaires incorporés dans l’armée des Juifs, à côté des troupes nationales, recrutées et organisées selon le mode établi par Moïse. I Mach., iii, 55 ; cf.

Exod., xviii, 21 ; Deut., i, 15 ; I Reg., viii, 12 ; IV Reg., I, 9 ; xi, 4. Ainsi l’armée qu’avait organisée Simon Mæhabée reçut sous son fils et successeur Jean Hyrcan des renforts de troupes mercenaires, Josèphe, Ant. jud., XIII, viii, 4, qui s’élevèrent du temps d’Alexandre Jannée au nombre de 6200 soldats, tous guerriers d’élite, qui n’hésitèrent pas à donner leur vie pour la cause à laquelle ils s’étaient vendus dans le combat sanglant contre le roi de Syrie Démétrius I er Soter. Josèphe, Ant. jud., XIII, xiii, 5 ; xiv, 1. La reine Alexandra entretint également un contingent de soldats étrangers, sur lesquels elle aimait à s’appuyer dans les luttes de partis si fréquentes alors entre les Juifs, Josèphe, AnÇ.jud., XIII, xvi, 2, et enfin dans l’armée d’Hérode il y avait des légions de Thraces, de Germains et de Gaulois. Josèphe, Ant. jud., XVII, viii, 3. A cette époque, le mercenariat s’était tellement généralisé, qu’il n’y avait plus d’armée dans laquelle ce genre de troupes ne tînt une place importante, et les princes s’appuyaient sur elles à ce point, qu’on en voyait licencier leur armée nationale pour ne garder que les mercenaires, comme fît Démétrius II Nicator. Josèphe, Ant. jud., XIII, IV, 9. Les Juifs, qui jusque-là n’avaient combattu que pour se défendre contre l’invasion étrangère, se laissèrent emporter par ce mouvement, et l’on en vit s’enrôler un grand nombre dans les armées d’Alexandre, de Séleucus I" Nicator et des Ptolémée, surtout de Ptolémée I" Soter et de son fils Ptolémée II Philadelphe. Josèphe, Anl. jud., XI, viii, 5 ; XII, ii, 5 ; iii, 1. On en trouve jusqu’à trente mille au service d’Alexandre I er Balas, roi de Syrie. I Mach., x, 36. Ces mercenaires juifs étaient très recherchés à cause de leur fidélité, et pour se les assurer on leur accordait, malgré les exigences du service, toutes les exemptions qui leur étaient nécessaires pour pratiquer leur religion et garder leurs observances rituelles, telles que le repos sabbatique. I Mach., x, 34. — Voir J.-A. Danz, De Ebrœorum re militari dissertatio, in-4o, Iéna, 1690, et dans Ugolini, Thésaurus Antiquitatum sacrarum, t. xxvii, col. ccclxvcccxcvi ; J. Lydius, Syntagma sacrum de re militari, ibid., col. cxxxv-ccclxiv ; J. Jahn, Biblische Archéologie, II Theil, t. ii, 1802, p. 379-524 ; Dissertation sur la milice des Hébreux, dans la Bible de Vence, t. vi, Paris, 1828, p. 233-300 ; Frd. Keil, Handbuch der biblischen Archàologie, 2e édit., in-8o, Francfort-sur-le-Mein, 1875, p. 746-760. P. Renard.

2. ARMÉES ÉTRANGÈRES dont il est parlé dans la Bible. — L’Écriture n’a pas seulement occasion de s’occuper de l’armée des Hébreux, mais aussi des armées des peuples étrangers avec lesquels Israël a été en guerre, Assyriens, Chaldéens, Égyptiens, Philistins, Romains, Syriens, pour ne rien dire des tribus ou peuplades voisines, telles que les Ammonites, les Amalécites, les Moabites, les Iduméens, sur lesquelles nous ne savons rien de bien particulier, ou qui n’avaient même aucune organisation militaire spéciale.

I. Armée assyrienne. — Les Assyriens furent peut-être, avant les Romains, le peuple le plus militaire de l’antiquité. Pendant la période de leur histoire que nous connaissons en détail par les inscriptions cunéiformes, nous les voyons sans cesse en guerre, faisant tous les ans quelque nouvelle campagne, étendant de plus en plus loin leur puissance, et poussant leurs conquêtes jusqu’en Egypte. Ils détruisirent le royaume d’Israël, et portèrent des coups terribles à celui de Juda, qui fut longtemps leur tributaire. Leurs soldats, hommes forts et solides, étaient braves et intrépides, endurcis à la fatigue, aguerris par des combats continuels. Ils étaient ordinairement commandés par le roi en personne. IV Reg., xv, 19, 29 ; xvii, 3 ; xviii, 9, 13 ; I Par., v, 26 ; II Par., xxxii, 1 ; Is., xxxvi, 1 ; Eccli., xlviii, 20. Le général en chef, qui remplaçait quelquefois le roi, portait le titre de tharthan. IV Reg., xviii, 17 ; Is., xx, 1. D’autres grands officiers

avaient le titre, les uns de rabsaiïs ou rabsarès (selon i mettre en déroute (fig. 228, col. 904). Ces cavaliers et l’orthographe diverse de la Vulgate), IV Reg., xviii, 17 ; ' ces chars étaient particulièrement redoutés, comme nous Jer., xxxix, 3, 13 ; les autres de rabsacès, IV Reg., ' le voyons dans Isaïe, v, 28, et Nahum, ii, 3, 4, 13. C|, Jer.,

260.

Le roi d’Assyrie combattant avec l’arc sur son char de guerre. D’après Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pi. 13.

xviii, 17 ; Is., xxxvi, 2, etc. (Voir ces mots). Le roi combattait sur un char (fig. 260) ; les soldats se battaient à pied ou à cheval. Tandis que la cavalerie égyptienne se com iv, 29 ; Judith, xvi, 5. Mais la partie la plus considérable des forces assyriennes était naturellement constituée par les fantassins. Ils étaient ordinairement armés de l’arc

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261. — Assyriens montant à l’assaut d’une place forte. D’après Layard, Monuments of Xineveh, t. ii, pi. 31.

posait exclusivement de chariots, l’armée assyrienne avait, outre des chars (fig. 229, col. 905), IV Reg., xix, 23, de véritables cavaliers, montés tur de forts chevaux, cf. IV Reg., xviii, 23 ; Ezech., xxiii, 6, 12, 23, qui poursuivaient l’ennemi avec vigueur et achevaient de le

(fig. 227, col. 904), IV Reg., xix, 32, de même que les cavaliers. Judith, ii, 7 : Is., v, 28 ; xxi, 15 ; xxxvii, 33, etc. (fig. 228, col. 904 ; fig. 229, col. 905). Ils se servaient aussi de la lance, Judith, ix, 9 ; xi, 2 (fig. 35, col. 227 ; fig. 57, col. 303 ; fig. 158, col. 637 ; fig. 224, col. 902) et

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262. — Assyriens combattant dans un pays montagneux.

Le sommet de la montagne, à droite, est défendu contre les Assyriens par des archers dont on ne voit plus que l’arc, le bouclier et la partie inférieure du corps. Des soldats assyriens escaladent les rochers, Les deux premiers sont armés de la lance, du casque et du bouclier. Le troisième lance des flèches. À gauche, sur la crête de la montagne, on voit anssi des arcbers assyriens qui décochent leurs flèches. D’autres, armés de lances, et placés au milieu des archers, s’avancent vers l’ennemi. Tout le flanc de la montagne est sillonné de soldats, les uns montant, les autres descendant. Ceux qui montent ont la plupart coupé une branche d’arbre qui leur sert de bâton pour gravir la montagne, dont la pente est très raide ; quelques - uns s’accrochent aux branches des arbres pour grimper plus facilement. Les Assyriens qui descendent en courant, afin de pouvoir revenir aussitôt au combat, emmènent des prisonniers ou portent les têtes des ennemis qu’ils ont tués. — D’après Layard. Monuments of Xineveh, t. i, pi. 70.

du glaive, avec lequel ils égorgeaient les ennemis, et qu’ils portaient ordinairement à la ceinture (fig. 37, col. 235 ; fig. 57, col. 303), IV Reg., six, 37 ; II Par., xxxii, 21 ;

Les Assyriens avaient fait de la guerre un art. Cf. Judith, v, 27. Ils avaient soin de s’approvisionner au commencement de leurs campagnes, Judith, ii, 8, sans pré 263. — Soldats assyriens, traversant une rivière à la nage, sur des outres gonflées, dans le registre supérieur. Dans le registre inférieur, d’autres soldats vont les suivre, les premiers tenant sous le bras leurs outres déjà gonflées, tandis que les derniers les préparent en soufflant dedans. Bas-relief de Ninive. D’après Layard, Monuments of Xinewh, t. ii, pi. 41.

Judith, vi, 4 ; IX, 12 ; Ezech., xxxii, 23, ainsi que de diverses autres armes moins importantes (fig. 227, col. 904). Judith, ix, 9 ; xiii, 8. Comme armes défensives, ils avaient

judice des vivres qu’ils se faisaient donner de vive force ; ils établissaient des sentinelles pour garder leur camp, Judith, x, 11 ; ils fabriquaient des machines de guerre

964

Soldats a « syiiens poursuivant les ennemis en barque, au milieu des marais. Bas-relief de Ninive. D’après Layard, Monuments of Nineveh, t. ii, p. 25.

le casque (fig. 57, col. 303 ; fig. 227, 228 et 230, col. 904 et 905) et le bouclier (fig. 230, col. 905), IV Reg., xix, 32 ; Is., xxxvii, 33 ; Nahum, ii, 3 ; Judith, ix, 9 ; quelquefois même une sorte de cotte de mailles (fig. 57, col. 303). Pour les différentes armes, voir les articles spéciaux.

(fig. 230, col. 905), et faisaient méthodiquement le siège des places fortes, les entourant de circonvallations, IV Reg., xrx, 32 ; cf. Nahum, iii, 14 ; Is., xxxvii, 33 ; et attaquant Tes murailles avec une sorte de bélier (Voir Bélier 2), ils montaient à l’assaut des tours et des murailles, à l’abri de nso

ARMÉES ÉTRANGÈRES (ASSYRIENNE) [Image à reprendre]

991

    1. ARMÉES ETRANGERES##

ARMÉES ETRANGERES (ASSYRIENNE — ÉGYPTIENNE)

992 « épines et des buissons », Is., x, 17, des « lions dévorants ». Jer., L, 17. Cf. Nahum, lii, 19. Voir Assyrie. Ils ne se servaient de leur puissance irrésistible, Ezech., xxxi, 1, 3-9, que pour piller et ravager. Le butin était pour eux le but et la fin de la guerre. Is., x, 6, 13 ; cf. Nahum, il, 9 ; IV Reg., xv, 19-20 ; xvi, 8 ; xvii, 4 ; xviii, 14 ; II Par., xxviii, 21. La dévastation et la destruction étaient les moyens qu’ils employaient pour empêcher leurs victimes de se relever de leur défaite. Les habitants des pays qu’ils envahissaient s’enfuyaient pour la plupart épouvantés

emporté par un orage. — Voir Ph.-H. Gosse, Assyria, lier manners and cusloms, arts and arms, in-8°, Londres. 1852, p. 203-397 ; G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. ii, 1864, p. 1-97 ; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. v, 1887, p. 50-67.

II. Amiée chaldéenne. — Nous n’avons point sur l’armée chaldéenne des renseignements aussi abondants que sur l’armée assyrienne, mais l’organisation devait en être à peu près semblable, parce que les deux peuples étaient de même race, et que Babylone et la Chaldée,

267. — Soldats égyptiens armés de la lance et d’armes diverses. Thèbes. Temple de Rarnsès II, xix « dynastie. D’après Lepsius, Denkmiiler aus Aegypten, Abth. iii, pi. 154.

à leur approche, et les Assyriens recueillaient les biens qu’on avait abandonnés « comme un nid d’oiseau ou comme des œufs délaissés ». Is., x, 14. Si on leur résistait, ils détruisaient tout, brûlaient les moissons, coupaient les arbres, Judith, ii, 17 (fig. 265), mettaient le feu aux villes et aux villages, renversaient les maisons et les murailles des cités, Judith, iii, 12, et imposaient enfin de lourds tributs aux vaincus. IV Reg., xv, 19-20 ; xviii, 14. Depuis Thé avant Nabopolassar et Nabuchodonosor, faisaient partie de l’empire d’Assyrie. L’arme principale des soldats babyloniens, comme des autres peuples de l’antiquité, était l’arc. Jer., li, 56 (fig. 217, col. 899). L’Écriture parle de la force des guerriers chaldéens, Jer., L, 36, de leurs chars, de leurs chevaux, Jer., l, 37 ; Ezech., xxiii, 23, et aussi de leurs barques. Is., xliii, 14. Comme les Assyriens, ils faisaient la guerre pour piller, IV Reg., xxiv, 2, 11-19 ;

268. — Soldats égyptiens armés de la lance et de la hache. Tell el-Amarna. xviii Il dynastie. D’après Lepsius, Denlemciler aus Aegypten, Abth. iii, pi. 92.

glathphalasar II, ils transportèrent en masse, dans des régions éloignées, ceux qu’ils avaient défaits, afin de prévenir les révoltes. IV Reg., xv, 29. Les récits des campagnes militaires qui nous ont été laissés par les rois d’Assyrie dans les inscriptions cunéiformes ne sont que l’énumération des villes qu’ils ont incendiées, des hommes qu’ils ont tués, des prisonniers qu’ils ont emmenés captifs (fig. 261, col. 983), des chefs ennemis auxquels ils ont inlligé les plus affreux supplices (fig. 266), des objets précieux qui sont devenus leur proie, des tributs énormes qu’ils ont imposés aux rois et aux peuples qu’ils ont vaincus. Ils devinrent ainsi les maîtres de l’Asie antérieure et même de l’Egypte, autant par la terreur qu’ils répandaient partout que par la force de leurs armes, jusqu’à ce que leur empire, établi sur la violence, disparut soudain comme

II Par., xxxvi, 7, 10, 17-20 ; comme eux, ils assiégeaient en règle les places fortes, les entourant d’un cordon de troupes et exécutant des travaux d’approche, IV Reg., xxv, 1-2, 4 ; Jer., xxi, 4 ; xxxii, 24 ; lii, 4 ; comme eux, ils brûlaient et détruisaient tout, et transportaient ensuite au loin les peuples vaincus. IV Reg., xxv, 9-11 ; Jer., xxxix, 8-9. — Voir G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. iii, 1865, p. 440.

III. Armée égyptienne. — Elle nous est bien connue aujourd’hui par les monuments des pharaons, qui nous représentent souvent les soldats égyptiens en marche (fig. 225, col. 903), ou au milieu même du combat. Le roi commande ordinairement son armée, et de son char (fig. 218, col. 899), ou même à pied (fig. 219, col. 900), se bat comme un simple soldat. La force principale de

l%l’P (e > à partir de la XVIIIe dynastie, celle qui inspire le plus de confiance à ses alliés, IV Reg., xviii, 24 ; Is., xxx, -16 ; xxxi, 1, 3, etc., et le plus de terreur à ses ennemis, c’est sa cavalerie. Elle consistait en chariots et non en

269. — Soldat égyptien perçant un prisonnier de guerre. D’après Wilkinson, Ancient Egyptians, 2\{\{e\}\} édit., t. i, p. 211.

cavaliers proprement dits. Les soldats combattaient ordinairement deux à deux sur des chars à deux chevaux ; un des hommes lançait des llèches, et l’autre, le cocher, le pro 270. — Soldats égyptiens, armés de la lance et du bouclier. Thèbes. D’après’WilMnson, Ancient Egyptians, 2e édit., 1. 1, p. 194.

tégeait avec un bouclier (fig. 226, col. 903). À l’époque de la sortie d’Egypte, la cavalerie des pharaons était de six cents chariots de choix, sans compter d’autres chars de

moindre valeur. Exod., xiv, 7. Ces ehars ne servaient pas seulement à faire la guerre en Egypte, mais aussi au loin. Sésac alla attaquer Roboam, roi de Juda, avec douze cents chars, II Par., xii, 3, et les bas-reliefs égyptiens nous montrent, en effet, la cavalerie égyptienne combattant dans des pays éloignés, comme à Cadès des Héthéens.

Les soldats égyptiens paraissent avoir été bien disciplinés. Ils étaient armés de l’arc (figi 226, col. 903), II Par., xxxv, 23 ; de la lance (fig. 267), de la hache ^ (fig. 268) et de diverses autres armes, en particulier

! d’un poignard droit ou d’une harpe ( petite épée recourbée

) (fig. 267). Le glaive ou le poignard leur servait à i transpercer leurs ennemis (fig. 269). Il y avait aussi des frondeurs dans l’armée égyptienne. Voir Fronde. L’arme défensive des Égyptiens était le bouclier (fig. 267, 268, 269, 270). Ils enrôlaient des étrangers dans leur armée, soit auxiliaires, soit mercenaires. II Par., xii, 3 ; Jer., xlvi, 9. — Voir Wilkinson, Manners and Customs of the Ancient Egyptians, 2e édit., t. i, p. 187-221 ; G. Rawlinson, The histonj of Hewdolus, 4 in-8°, Londres, 18581860, t. iii, p. 156 ; t. iv, p. 78-81.

IV. Armée piiilistine. — Nous savons peu de chose sur l’armée des Philistins ; mais il y a tout lieu de croire que ce peuple, d’origine aryenne, était plus exercé à la guerre que les Chananéens, ce qui explique comment les Hébreux ne purent se rendre maîtres de la plaine de la Séphéla, dont les Philistins avaient pris possession avant l’entrée des enfants de Jacob dans la Terre Promise. Leur force principale, comme celle des Chananéens du nord, Jos., xvii, 18 ; Jud., IV, 3, consistait en chars de guerre, bardés de fer (non armés de faux, comme traduit en quelques endroits la Yulgate ) ; ces chars étaient la terreur des Israélites, Jud., i, 19 ; I Reg., xiii, 5. Ils fabriquaient sans doute des armes chez eux, cf. I Reg., xiii, 19-20 ; leurs soldats étaient bien armés ; la description de l’armure du Philistin Goliath est la plus complète que nous lisions dans l’Écriture. 1 Reg., xvii, 5-7. Elle se composait d’un casque [kôba’) de bronze, d’une cuirasse ou cotte de mailles en forme d’écaillés (Sireyôn qasqasim) et de jambières (mishat) de bronze. Ses armes offensives étaient l’épée, la lance et le javelot.

I Reg., xvii, 6-7, 45. Ce fut probablement chez les Philistins que David apprit l’art de la guerre, et qu’il conçut les projets d’organisation militaire qu’il réalisa lorsqu’il fut monté sur le trône. I Reg., xxvii, 2, etc. — Voir K. B. Stark, Gaza und die philislâische Kùste, in-8°, Iéna, 1852, p. 143-147. F. Vigouroux.

V. Armée romaine. — La puissance des Romains et les exploits de leurs années sont mentionnés pour la première fois dans le premier livre des Machabées, viii, 1-13.

II est souvent fait allusion à leur organisation militaire dans le Nouveau Testament. Voici quelle était l’organisation de cette armée : 1° à l’époque des Machabées, au IIe siècle avant notre ère, et 2° à l’époque impériale, au I er siècle de notre ère.

1° L’ARMÉE ROMAINE À L’ÉPOQUE DE LA RÉPUBLIQUE.—

a) La légion. — Le noyau de î’armée romaine était constitué par la légion. La légion, au temps de la seconde guerre punique (219-201 avant J.-C), Polybe, vi, 20 ; viii, 9 ; il, 24, 13, se composait de quatre catégories de soldats, les hastati (1 200 hommes), les principes (1 200 hommes), les triarii (600 hommes) et les veliles (1200 hommes), en tout 4200 hommes, auxquels s’adjoignaient 300 cavaliers. Dans des cas spéciaux, les forces de la légion pouvaient être portées jusqu’à 5 000 et même 6000 soldats. — -L’infanterie des légions se divisait en trente manipuli ou compagnies, qui à l’origine se composaient de cent hommes, et étaient par couséquent identiques aux centuries ; ils prenaient leur nom de l’enseigne employée primitivement (manipulus), laquelle était une botte de foin au bout d’une perche. Plus tard, le manipulus, ayant éié augmenté de nombre, fut partagé en deux centuries, et toutes les légions se composèrent de trente manipules. — La cavalerie, formée par 300 cavaliers, se divisait en dix turinac

1. - 31

de 30 hommes. Chaque turrna avait trois decuriones, trois optiones (sorte d’adjudant) et un vexillum ou étendard. Le commandement des légions fut variable, comme toutes les autres charges républicaines, jusqu’à la fin de la république. Les officiers supérieurs étaient six tribuni militum ; deux d’entre eux commandaient pendant deux mois, un jour chacun alternativement ; au-dessous d’eux étaient les soixante centurions, qui commandaient aux soixante centuries. — La nomination des tribuns militaires était faite aux temps les plus anciens par les consuls, mais dans la suite elle fut faite dans les cornitia tributa (assemblées des tribus ou des quartiers) au moins pour les premières légions ; quant aux autres, le choix resta attribué aux consuls. Ceux qui avaient été élus par les comices s’appelaient tribuni militum a populo ; les autres prenaient le nom de tribuni rufuli, de Rutilius Rufus, qui avait présenté la loi en vertu de laquelle ils

pas de recrues aux légions, mais elles étaient tenues de donner un certain nombre de soldats de terre et de mer, selon leurs conventions spéciales avec Rome. — L’armée des socii se divisait en aise et en cohortes. Elle était composée de quatre légions, commandées par douze chefs appelés prœfecti sociorum. Ceux-ci étaient nommés par les consuls de Rome, et leur, grade correspondait à celui des tribuns militaires. Il ne faut pas les confondre avec les commandants indigènes de ces troupes, qui, d’après Tite-Liye, xxv, 14, 4, s’appelaient prœtores. — Les socii se partageaient en ordinaires et en extraordinaires : les premiers partagés en deux ailes de dix cohortes, formant un total de 8400 hommes ; les seconds, comprenant quatre cohortes de 400 hommes chacune. — La cavalerie des socii se divisait en aise et en turmse.

c) Auxilia. — Jusqu’aux guerres puniques, l’armée romaine se composa des deux éléments dont nous venons

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271. — Soldats romains. Colonne Trajane, à Rome.

L’armée romaine est en Dacle. Au bas, à gauche, des soldats, dont l’un tient une lance avec son bouclier, conduisent des chevaux qu’on vient de débarquer. Au-dessus sont des gardes du corps, armés du bouclier ; Ils se distinguent par la peau d’ours sur la tête et par les cercles de métal destinés à soutenir cette coiffure. Devant les gardes marche la cohorte auxiliaire germaine, vêtue seulement d’un pantalon, tenant le bouclier de la main gauche et la massue de la droite. Elle suit l’empereur Trajan, qui traverse à cheval une forêt. Deux cavaliers, équités slngulares de la garde, viennent lui annoncer l’approche de l’ennemi. À droite, des cavaliers romains combattent contre les Daces.

étaient nommés. Les tribuns n’étaient pas pris parmi les centurions, mais parmi les jeunes gens de famille sénatoriale ou équestre, qui inauguraient par cette charge leur carrière politique. Tous les tribuns portaient comme marque distinctive l’anneau d’or des chevaliers, et se divisaient en laticlavii (d’origine sénatoriale) et angusticlavii (d’origine équestre).

Les soixante centurions des légions étaient choisis au nom des consuls par les tribuns, et portaient pour insigne un cep de vigne, qui indiquait l’autorité dont ils étaient investis pour punir les soldats. Le premier poste parmi les centurions était celui de primipilus ou commandant du premier manipule des triarii. Les centurions n’étaient pas ordinairement promus à des grades supérieurs ; mais, leur temps de service terminé, ils se retiraient dans la vie privée, et étaient quelquefois élevés à l’ordre équestre.

Du temps de Polybe, on recrutait ordinairement chaque année quatre légions, qui, unies à un contingent correspondant de socii, formaient deux armées consulaires. — Les seuls citoyens romains étaient appelés à servir dans les légions. Pendant la durée de son service militaire, de dix-sept à quarante-six ans, le soldat légionnaire était obligé à seize ou tout au plus à vingt campagnes, et le soldat de cavalerie à dix seulement.

b) Les « socii ». — Aux légions s’adjoignaient les troupes des socii. Après la dissolution de la ligue latine, on doit entendre par socii les contingents des villes confédérées et des colonies latines. Celles-ci ne fournissaient

de parler. Mais quand les Romains commencèrent à faire la guerre hors de l’Italie, ils prirent dans les pays où ils combattirent d’autres troupes qui constituèrent une classe spéciale et distincte, appelée auxilia (troupes auxiliaires). Cf. I Mach., viii, 25. Le nombre de soldats qu’elle comprenait n’était pas fixé relativement aux légions, mais il variait selon les temps et les circonstances. Plus tard, dans la période postérieure, lorsque les socii, ayant reçu le droit de cité, formèrent une partie intégrante de l’armée romaine, il n’y eut plus que deux classes de soldats, c’est-à-dire les romains et les auxiliaires.

d) Cohorte prétorienne. — Outre ces différents corps et en dehors des légions, il existait aussi une délecta manus imperatoris ou cohors prsetoria. Elle fut diversement organisée selon les temps, mais elle constitua toujours la garde d’élite du commandant en chef. À la fin de la république, chaque commandant avait sa cohorte prétorienne, composée d’infanterie et de cavalerie.

2° L’ARMÉE SOU AISE À UX PREMIERS TEMPS DE L’EMPIRE.

— Avec la monarchie, l’armée romaine (fig. 271), qui n’avait été jusque-là que temporaire et composée de soldats levés seulement pour une campagne, se transforma en armée permanente, qui subsista même en temps de paix ; elle jura fidélité au prince comme imperator, et elle fut ordinairement commandée dans les provinces par les legati Augusti pro prsetore, et à Rome par les trois préfets du prétoire, de la cité et des vigiles. — Dans l’armée impériale réorganisée par Auguste, on doit distinguer six divi

sions spéciales, savoir : a) les légions ; b) les auxiliaires ; c) la garnison de Rome ; d) la flotte ; e) l’artillerie et le génie ; f) la milice municipale et provinciale.

a) Les légions impériales. — Le nombre des légions était devenu excessif pendant la guerre sociale. César le réduisit un peu. À sa mort, il y en avait plus de quarante. Après la bataille d’Actium, Octave en avait plus de cinquante ; plusieurs d’entre elles furent transformées en colonies romaines. Après la mort d’Auguste, il restait seulement vingt-cinq légions, trois d’entre elles ayant été détruites dans le désastre de Varus. De nouvelles furent formées par Claude, Néron, Galba et Vespasien, et elles s’élevèrent ainsi au nombre de trente, qui pendant longtemps resta invariable. — Leurs noms furent quelquefois empruntés à des localités, comme Urbana, Sabina, Mutinensis ; d’autres fois aux peuples contre lesquels elles avaient combattu, comme Scylhiea, Parihica, ou à une enseigne, comme fulminata. Quant aux noms impériaux, elles portèrent d’abord le nom du prince qui les avait formées, comme Flavia Ulpia ; mais, depuis Caracalla, les légions prirent le nom de l’empereur régnant, comme Antoniana, Severiana, Alexandrina. — La légion, pendant l’empire, eut quatre turmae de cavalerie, et fut placée sous le commandement d’un legatus legionis, personnage de rang sénatorial et ordinairement de la classe des prsetorii. Le légat avait sous ses ordres non seulement la légion, mais aussi le détachement de troupes auxiliaires qui était joint à chaque légion. Au-dessous du légat étaient les tribuns militaires, Act., xxi, 31, etc., qui commandaient chacun une des dix cohortes dont se composait la légion depuis César, et les centurions, Matth., vin, 5 ; xxvii, 54 ; Act., x, 1, 22 ; xxii, 26, etc. Chaque camp avait de plus son commandant spécial, appelé prsefectus castrorum.

b) Auxilia. — Tandis que, sous la république, on entendait par auxilia les troupes de soldats non romains, recrutées en partie dans les provinces et fournies en partie par les rois et les peuples alliés, on comprit sous ce nom, pendant l’époque impériale, tous les corps qui étaient dans les provinces, en dehors des légions, qu’ils fussent composés de citoyens romains ou étrangers. Dans cette catégorie, on doit distinguer les subdivisions suivantes : 1. vexilla veteranorum, ou la réunion de tous ceux qui avaient déjà achevé le temps régulier de leur service militaire ; 2. cohortes italicas civium romanorum voluntariorum, composées de ceux qui s’enrôlaient volontairement en Italie, cf. Act., x, 1, dans un but de lucre ou pour faire leur carrière militaire, lorsqu’on eut cessé de recruter les légions en Italie ; 3. cohortes auxiliariee, formées dans les provinces et armées en partie selon l’usage romain, en partie selon l’usage des pays étrangers, d’où les noms de sagittarii « archers », de scularii « portebouclier », de contarii « armés de la longue pique appelée contus », de catafracti « cavaliers pesamment armés », de funditores « frondeurs » ; 4. aise equitum (corps de cavalerie ), appelées quingenarise ou milliariæ selon qu’elles comptaient cinq cents ou mille chevaux. Voir Auxiliaire.

c) Garnison de Rome. — La partie principale de l’armée qui résidait dans les villes capitales se composait des cohortes prétoriennes, dont l’origine remontait à l’époque de la république. Elles constituaient primitivement la garde du commandant en chef au milieu du camp. Auguste rassembla à Rome trois des neuf cohortes prétoriennes, et il détacha les six autres en divers lieux de l’Italie. La garnison de Rome se composait encore de divers autres éléments qu’il est inutile d’énumérer ici.

d) Flotte. — Auguste établit deux grandes flottes : l’une, pour la garde de la Méditerranée, au cap Misène (classis Misenatium) ; l’autre, pour la garde de l’Adriatique, près de Ravenne (classis Ravennatium). À ces deux Hottes principales s’en joignirent quelques autres moins importantes, comme celle d’Alexandrie en Egypte (classis Alexandrina).

e) Poliorcétique. — Le corps des fabri, commandé

par un prsefeetus fabrum, avait la charge de faire manœuvrer les machines de guerre, balistes, catapultes, béliers, et de construire les fortifications, les terre-pleins (aggeres), de creuser les galeries souterraines (cuniculi), etc. Cf. Luc, xix, 43.

f) Milices provinciales et municipales. — Les provinces sénatoriales et aussi celles des provinces impériales qui n’avaient point de légions possédaient une milice provinciale, formée dans la province et divisée en cohortes. Elle était souvent insuffisante pour la défense de la province et même pour le maintien de l’ordre. Les milices municipales étaient destinées à les renforcer. L’existence de ces dernières est connue par l’importante inscription découverte à Osuna, en Espagne, en 1870. — Les troupes romaines de Judée, au temps de NotreSeigneur, avaient leur quartier général à Césarée. Cf. Act., xxiii, 23.

Bibliographie. — Juste Lipse, De mililia romana libri V, in-4°, Anvers, 1596 ; Cl. de Saumaise, De re militari Romanorum, in-4°, Leyde, 1657 ; J. G. Gravi us, Thésaurus antiquitatum ronianarum, t. x ; F. Haase, Demilitarium scriptorum grxcorum et latinorum omnium editione instituenda narratio, in-8°, Berlin, 1847 ; Fr. W. Riickert, Das rômische Kriegswesen, in-8°, Berlin, 1850 ; Cl. Lamarre, De la milice romaine, in-8°, Paris, 1863 ; Br. Renard, Précis de l’histoire militaire de l’antiquité, in-8°, Bruxelles, 1875 ; J. de La Chauvelays, L’art militaire chez les Romains, in-8°, Paris, 1883 ; J. Marquardt, Handbuchder rômischen Alterthûmer, t. ii, Leipzig, 1884, traduction française par J. Brissaud, De l’organisation militaire chez les Romains, in-8°, Paris, 1891 ; F. Kraner, L’armée romaine au temps de César, trad. Baldy et Larroumet, in-12, Paris, 1884 ; R. Câgnat, L’armée romaine au siège de Jérusalem, dans la Revue des études juives, t. xxii, 1891, p. xxviii-lviii ; J. B. Mispoulet, Des institutions politiques des Romains, t. ii, in-8°, Paris, 1883, p. 310-379 ; Bouché-Leclercq, Manuel des institutions romaines, in-8°, Paris, 1885, p. 206-337 ; L. Fontaine, L’armée romaine, in-12, Paris, 1883. H. Maiujcchi.

VI. Armée syrienne des séleucides. — Les Séleu* cides, qui furent si longtemps en guerre avec les Juifs à l’époque des Machabées, les combattirent avec des ressources et des armes inconnues jusqu’à cette époque dans la terre de Chanaan. Ils avaient la science militaire des Grecs et des Macédoniens, docti ad prselium, I Mach., iv, 7. Leur armée se composait d’éléments grecs et d’éléments indigènes. Cf. Corpus inscriptionum grascarum, 3137 ; Polybe, v, 79. La phalange en constituait la force principale. Elle était recrutée en partie parmi les Macédoniens, en partie parmi les citoyens des villes grecques d’Asie, Corpus inscript, gr., 3137, lig. 14. Ce corps était devenu plus mobile depuis Alexandre et était divisé en (TTtsfpai équivalant à peu près aux cohortes romaines ; les crctetpat étaient subdivisées elles-mêmes en a-rs.a.ia<. de quatorze hommes, Polybe, v, 4. À ces troupes se joignaient des contingents indigènes levés en temps de guerre. Josèphe, Ant. jud., i, xii, 9. Les Séleucides empruntèrent de plus à l’Inde ses terribles éléphants, qui jetèrent un si grand effroi parmi les Romains eux-mêmes, quand ils les virent dans l’armée de Pyrrhus. Tite Live, Supplem., x, 6-7, édit. Lemaire, t. iii, p. 267. Nous voyons un de ces éléphants sur une terre cuite de Myrina (fig. 272). Ils sont aussi représentés sur les monnaies des rois de Syrie (fig. 173, col. 689). Les livres des Machabées en parlent dans plusieurs passages. I Mach., i, 18 ; iii, 34 ; vi, 30-46 ; viii, 6 ; II Mach., xi, i ; xiii, 2, 15 ; xiv, 12. On les couvrait de cuirasses pour les garantir des traits ennemis, I Mach., vi, 43, et on les enivrait pour exciter leur fureur. I Mach., vi, 34. Les Séleucides avaient aussi des chariots redoutables, à cause des faux dont ils étaient armés. L’armée de Lysias, quand elle marcha contre Judas Machabée, en comptait trois cents. II Mach., xiii, 2. Les soldats syriens étaient divisés en différents corps, selon l’arme dont ils faisaient usage. Les phalangistes étaient

armés de la sarisse ou longue pique de vingt et un pieds et de l’épée. Les corps auxiliaires avaient des armes particulières, presque toujours celles de leur pays. Le premier livre des Machabées, ix, 11, distingue expressément les archers et les frondeurs, qui étaient placés au premier rang dans le combat. Les cavaliers sont aussi souvent

272. — Éléphant broyant nn Galate. Terre cnlte de Myrina. Musée du Louvre.

Ce groupe a douze centimètres de haut sur autant de large. La tour et la housse avaient été peintes en rouge, les deux bossettes placées sur la tour en bleu. L’éléphant appartient à la race de l’Inde. Le soldat qu’il écrase est un Galate, roconnaissable en particulier à ses armes. Cette figurine est peut-être un souvenir de la victoire qu’Antiochus Soter remporta en 375 avant J.-C. sur les Galates, grâce aux seize éléphants qu’il avait dans son armée. Voir E. Potticr et S. Reinacb, Faillies dans la nécropole de Myrina, dans le Bulletin de correspondance hellénique, t. ix, 1885, p. 485 à 493.

mentionnés, ils étaient très nombreux et ils jouaient un rôle important dans les batailles. I Mach., i, 18 ; iii, 39 ; IV, 1, 28, 31, etc. Ils commençaient l’attaque et soutenaient les fantassins, I Mach., iv, 7 ; vi, 38 ; ils étaient chargés en particulier de protéger les éléphants, quand ces animaux faisaient leur charge. I Mach., vi, 35. La cavalerie était placée avec les corps auxiliaires sur les flancs ; la phalange au centre. Tous les soldats des rois de Syrie étaient d’ailleurs bien fournis de ces nombreuses armes défensives qu’avait imaginées ou perfectionnées l’esprit inventif des Grecs. Cf. H Mach., v, 3. L’auteur du premier livre des Machabées, iv, 6-7, signale le contraste entre les trois mille hommes de Juda, « qui n’avaient ni armure ni épée, » et les soldats ennemis, « établis solidement dans leur camp, couverts de leurs cuirasses et entourés de cavaliers. » Cf. I Mach., vi, 35. Plus loin, I Mach., VI, 35, 39, il admire leurs casques de bronze et « leurs boucliers d’or et d’airain, qui resplendissent sur les montagnes et brillent comme des flambeaux éclatants ». Certains corps étaient en eiîet armés de bouchère d’argent, on les appelait àp-ppâ<ri « ôs ; , Tite Live, xxxvii, 40 ; Polybe, v, 79 ; d’autres avaient des boucliers d’airain, ysïï.Y.i.G-iôi ; , Polybe, ii, 66. Pour les sièges, les Syriens avaient un grand nombre de machines, anciennes et nouvelles, qui lançaient des traits enflammés, des flèches et des pierres. I Mach., vi, 51. Les auteurs des livres des Machabées parlent aussi des vaisseaux des rois d’Antioche. I Mach., i, 18 ; xv, 3, 14, 37-38 ; II Mach., iv, 20 ; xiv, 1. — Voir Rûstow et Kôchly, Geschichte der griechischen Kriegsuesens, in-8°, Argovie, 1852 : G. Busolt

et Bauer, dans Iwan Mûller’s Handbuch der classischen Alterthums Wissenschaft, t. iv, l r « part., Nordlingue, 1887, p. 318-329 ; G. Gilbert, Handbuch der griechischen Staatsallerthùmer, 2 in-8°, Leipzig, 1881-1885 _ H. Droysen, Heerwesen und Kriegfùhrung der Griechen, dans K. F. Hermann’s Lehrbuch der griechischen Antiquitàten, t. ii, 2e part., in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1889.

F. Vigouroux.

ARMÉNIE. I. Nom. — L’Arménie est appelée, dans la Bible, de différents noms, quelques-uns désignant l’ensemble du pays, d’autres ne s’appliquant qu’à l’une ou l’autre province.

1° noms désignant L’ENSEMBLE du PAYS. — L’appellation Arménie ou son équivalent terre des Arméniens ne se rencontre que dans deux passages de la "Vulgate : Gen., vin, 4 et IV Reg., xix, 37. Ailleurs l’Arménie est désignée par le mot Ararat. Is., xxxvii, 38, et Jer., li, 27 ; Tob., i, 21 (texte grec). — Dans ces différents passages, le texte hébreu porte’Ârârât. Les Septante ont’Apapcb, Gen., vin, 4 ; IV Reg., xix, 37 ; eî ; ’Apu.eviav, Is., xxxvii, 38, et, faute manifeste de copiste, « pare, Jer., xxviii (hébreu : li, 27). Voir aussi Tobie, i, 21. Aquila, Symmaque et Théodotion, comme la Vulgate, ont Armenia dans les deux premiers passages. Théodoret emploie aussi’Apnevia pour le passage que les Septante ont si mal lu. La version syriaque et l’arabe ont tantôt Qardu, c’est-à-dire Gordyène (Syriaque : Gen., viii, 4, et Is., xxxvii, 38 ; Arabe : Gen., vin, 4), tantôt Ararat (Syriaque : IV Reg., xix, 37 ; Jer., ii, 27 ; Arabe : IV Reg., xix, 37) et tantôt Arménie. Arabe : Is., xxxvii, 38. Les deux noms Arménie et Ararat ont donc été employés à une certaine époque pour désigner, dans son ensemble, un seul et même pays ; nous allons les étudier au point de vue de leur histoire et de leur étymologie. Pour ce qui est de Qardu, ce terme ne désignait que les montagnes du Kurdistan, et non celles d’Arménie.

A) Arménie. — Ce mot ne se rencontre jamais dans les inscriptions cunéiformes d’Assyrie ni dans celles d’Arménie. Les auteurs arméniens n’emploient pas davantage cette appellation pour désigner leur pays, qu’ils nomment Haïk. Le document le plus ancien où nous trouvions le mot Arménie est l’inscription colossale de Darius à Béhistoun. Ce monument exécuté, suivant sir H. Rawlinson, en 516, contient plusieurs fois le mot A-r-m-i-n-a. Hérodote, m, 93, emploie aussi le mot’Apu.evia, et, après lui, tous les historiens et géographes classiques s’en sont servis à l’exclusion de tout autre. C’est de là qu’il a passé dans les versions de la Bible. Strabon, xi, 14, et, après lui, Justin, xlii, 2, font dériver Arménie d"’Apu.svoç, Thessalien qui faisait partie de l’expédition des Argonautes. Moïse de Khorène, Hist., i, 12, dit que c’est du roi Aram, fils d’Harma, et sixième descendant de Haïg, que les Grecs appellent son pays Armen ; les Perses et les Syriens, Arméni. Suivant Bochart, Phaleg., i, 3, l’étymologie la plus probable serait har-Minni (mont de Minni), que le Targum de Jonathan porte, Jer., li, 27, là où le texte original a simplement Minni. Calmet, Dictionnaire de la Bible, au mot Menm, suggère Aram et Minni, c’est-à-dire le Syrien de Minni. D’autres, assez nombreux, croient que l’Arménie est ainsi appelée à cause de sa grande élévation, aram, en hébreu, n’étant qu’une variante de la racine rûm, être élevé. Cf. Rosenmûller, Handbuch der biblisclien Alterthumskunde, t. i, p. 267. — L’étymologie qui croyait retrouver l’élément Arya dans le nom de l’Arménie (Saint-Martin, Mémoires sur l’Arménie, 1. 1, p. 269 ; Spiegel, Beitrâge iur vergl. Spracltforschung, 1. 1, p. 131, etc.) est aujourd’hui reconnue par les meilleures autorités comme à tout le moins douteuse. Fr. Lenormant la tient pour radicalement fausse (Les origines de l’histoire, t. ii, p. 378). Max Mûller, La science du langage, l re série, traduction française, p. 260, est du même avis. Moins probable encore est l’opinion de Wahl, Asien, p. 807, Anmerk. 11, cité par Rosenmûller, Handb. der biblisch. Alterth-, 1. 1, p. 267,

qui fait dériver Arménie du harMinni du Targum de Jonathan, et l’explique par har (hébreu) = montagne, et mino (zend) = ciel. Sir H. Ravvlinson suggère le dieu Armennu, qui, suivant une inscription cunéiforme mythologique, était adoré à Suse (G. Rawlinson, Herodotus, t. iv, essay iii). Une autre étymologie a été récemment proposée par M. Darmesteter, Journal asiatique, janvier-février 1891, p. 140. D’après ce savant, l’appellation perse Armina (de laquelle 'Apiievia est dérivée) est un nom artificiel formé par les Perses, dans le but de réunir dans un même nom les deux États principaux de l’Arménie : l’Ararat et le Minni.

B) Ararat. — L’Arménie ni aucune de ses provinces n’est jamais désignée par ce nom dans les inscriptions vanniques. Les rois d’Arménie appellent toujours leur pays Èiaïna. En revanche, ce même pays de Biaïna est constamment appelé Urartu dans les inscriptions cunéiformes d’Assyrie. Le nom Urartu se lit pour la première fois dans le récit d’une campagne de Salmanasar II (860 avant, T.-C). Il serait pourtant beaucoup plus ancien encore suivant quelques savants, tels que Fr. Lenormant, Les origines, t. ii, p. 38, et H. Sayce, Journal of the Royal Asiatic Society, t. xiv, p. 392, qui identifient l’Urartu des Annales des rois de Ninive avec l’Urtu d’une tablette bilingue. Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. ii, p. 48, recto, 1. 13. M. II. Sayce place ce document au XVIe ou au xviie siècle avant. T. -C. Quelques-uns pensent aussi que le nom Urartu doit encore être identifié avec VArardu (Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. i, p. 18, 1. 58) des Annales d’Assurnasirpal (885-860). D’après sir H. Rawlinson (dans Y Herodotus de G. Rawlinson, t. iv, essay iii, On the Alarodians of Herodotus) et Fr. Lenormant, Les origines, t. ii, p. 372 et 472, le nom des Alarodiens d’Hérodote, iii, 94, ne serait qu’une variante de celui des Urartiens des textes cunéiformes. Cette opinion est généralement admise. Enfin le nom d' Ararat se retrouve sans déguisement dans celui d’Aïrarad, que les auteurs arméniens de notre ère donnent au bassin de l’Araxe, depuis l’endroit où ce fleuve franchit l’Aghri-Dagh jusqu'à son confluent avec le Kizil-tehaï, à peu près à la hauteur du vieux Djoulfa. — Moïse de Khorène, i, 15, fait dériver le nom d’Aïrarad du roi Ara le Beau, sans expliquer le second élément, arad ; car nulle part, ni dans V histoire ni dans la géographie de cet auteur, je n’ai trouvé l’explication arad — llétrissure, que donne Gescnius, Thésaurus, p. 155 (probablement d’après la traduction latine des frères Whiston), et que, répète Fr. Lenormant, Les origines, t. ii, p. 36. Cf. Rosenmuller, Handbuch der bibl. Alterth., t. i, p. 260. À peu près tous les auteurs contemporains dérivent Ararat de l’assyrien Urartu. Quant à l'étymologie du mot Urartu lui-même, les opinions varient. Sir H. Rawlinson (dans G. Rawlinson, Herodotus, t. iv, essay iii) se demande si ce mot ne seiait pas un composé de ut ; « lune, » et aredh, « terre ; » Urartu serait alors un synonyme de Chaldée, en supposant que ce dernier nom vienne de Khaldi, le dieu suprême des Urartiens et que sir H. Rawlinson croit être le dieu Lune. Cette hypothèse serait en accord avec l’opinion de ceux qui croient que les anciens Chaldéens avaient d’abord habité l’Arménie, mais à une époque fort ancienne (H. Rawlinson, loc. cit.) et non, comme le voulaient Gesenius, Thésaurus, p. 270 ; Heeren, Politique et commerce des peuples de l’antiquité, p. 169, et d’autres, jusqu’au vine siècle avant J.-C. ; ce dernier point ayant été reconnu comme faux depuis le déchiffrement des inscriptions cunéiformes. G. Rawlinson, The five great monarchies, i, ch. in ; Tiele, Babylonisch-assyrische Geschicltte, p. 65. — M. Sayce, The Cuneiform inscriptions of Van, dans le Journal of the Boyal Asiatic Society, t. xiv, p. 394, 6uppose que Urtu est une contraction de Urartu ; mais de ce dernier il ne donne aucune étymologie. D’après Fr. Lenormant, Urartu se compose de ar, montagne, et urtu, pays élevé, appellation dont les Assyriens se servaient

aussi pour désigner l’Arménie. On aurait eu d’abord arurlu, puis ur-artu. Mais Fr. Lenormant n'étend cette étymologie qu'à l’Ararat des Rois, d’Isaïe et de Jérémie ; celui de la Genèse aurait une autre origine. Ce serait l’appellation À ryaratha, c’est-à-dire char des Aryas ou des illustres, parce qu’autour du sommet de l’Aryaratha était censé tourner le char des sept Maharschis brahmaniques, des sept Amescha-çpentas mazdéens, envisagés comme les sept étoiles de la Grande - Ourse ; appellation que les tribus aryennes donnaient au massif montagneux qu’elles considéraient comme le berceau de l’humanité. Lenormant, Les origines, t. ii, p. 36 et suiv. Cf. Obry, Le berceau de l’espèce humaine, p. 8. Ce point de l’hypothèse de Fr. Lenormant a été vivement contesté par le P. van den Gheyn, Le séjour de l’humanité postdiluvienne, dans la Revue des questions scientifiques, 1883, t. xiil, p. 454 et suiv. Quelques auteurs ont cru trouver une désignation de l’Arménie dans l’airai ; Xsfôpievov harmôndh. Amos, iv, 3. Plusieurs des anciennes versions, prenant la première syllabe pour le mot har, y ont vu un nom de montagne. Ainsi les Septante traduisent et ; to opoç tô To(<.[j.ïv (variante : 'Pejj.jj.iv). Théodotio'.. cité par saint Jérôme : mont Mona, et cité par Théodoret : ûij/r^bv ô'poç. Aquila, cité par saint Jérôme, avait mont Armoria ; Symmaque, cité par saint Jérôme et par Théodoret, portait : en Arménie. Saint Jérôme a opté pour ce dernier sens et traduit : Et projiciemini in montes Armenise quee vocantur Armona. Bochart, Phaleg., i, 3, 1. 1, col. 20, édit. de Leyde, 1692, penche pour la leçon mont Mona, et suggère l’identification Mona = Mini = Minyas. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 390 ; Rosenmuller, Scholia in Yct. Test., Amos, iv, 3 ; Keil, Die zwôlf kleine Propheten, 1888, note, p. 193. Voir Armon.

2° NOMS QUI NE SE RAPPORTENT QU’A UNE PARTIE DE

L’Arménie. — A) Menni (hébreu : Minni. Jer., li, 27). — Quelques écrivains, par exemple Bochart, Phaleg., col. 20, 1. 19, avaient cru que le nom de Minni s'était étendu, au moins à une certaine époque, à toute l’Arménie. Cette opinion, basée sur le har-Minni = Arménie, dont nous avons déjà parlé, n’a jamais été très répandue. Toutefois il est généralement admis que le pays de Menni ou Minni, associé par Jérémie à ceux d’Ararat et d’Ascenez, était une province de l’Arménie ; mais on ne s’accorde pas sur la position de cette province. On l’a d’abord identifiée avec le Minyas, au pied du mont Baris (le Masis dos Arméniens, notre, mont Ararat), dont parle Josèphe, Ant. jud., i, iii, 6, d’après Nicolas Damascène. Mais où est exactement le Minyas de Nicolas Damascène ? SaintMartin, Mémoires, t. i, p. 250, pense que c’est la ville de Manasguerd des historiens d’Arménie (Mantzikiert de Constantin Porphyrogénète et de Cédrénus), maintenant Melazguert, dans la vallée du Mourad-Sou (Euphrate oriental ; Arzanias des classiques), Cette opinion, adoptée par Gesenius, Thésaurus, p. 807, etc., est vieillie. Les textes cunéiformes ayant révélé l’existence du peuple de Man ou Mun (Schrader, Keilinscliriften und Al te Testament, 1883, p. 423), on s’empressa d’identifier Minni = Minyas avec la ville actuelle de Van, le » i en assyrien s'échangeant facilement contre un v. Voir Fr. Lenormant, Lettres assyriologiques, t. i, p. 22 ; Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. iv, p. 245 ; A. Delattre, Esquisse de géographie assyrienne, dans la Revue des questions scientifiques, t. xiv, 1883, p. 125 et passim. — D’après une vue plus récente, le pays de Minni doit être transporté plus à l’est encore. M. Sayce, dans le Journal of tlie Royal Asiatic Society, t. xiv, p. 389 et 400, soutient, non sans beaucoup de vraisemblance, que le royaume de Minni = Minyas = Man se trouvait sur le littoral sud-ouest du lac d’Ourmiah. B) Thogormah (hébreu : Jôgarmùh ; Septante : Qot.va(ii, ©opyofii). On le rencontre quatre fois dans la Bible, à savoir : Gen., x, 3, et I Par., i, 6, où Thogormah est nommé à côté d’Ascenez et de Riphath. les deux autres fils de Gomer ; et Ezech., xxvii, 14 ; xxxviii, 6. — À part

quelques interprétations extravagantes, qui ont vu dans Thogormah les Boréades et les Goths (par exemple, le Chrome. Paschale, 27, t. xcii, col. 120, Patr. gr.), ou bien encore les Turcs et les Hongrois (Joseph ben-Gorion, dans Bochart, Phaleg., 1. 1, Leyde, 1692, col. 198 et 199), on peut réduire à deux toutes les identifications proposées jusqu’ici : l’Asie Mineure (Phrygie et Cappadoce) et l’ouest de la Grande Arménie. Joséphe, Ant. jud., i, vi, 1 ; S. Jérôme, Qusest. hebr. in Gen., x, 3, t. xxiii, col. 951, et Zonaras, Ann., i, 5, identifient Thogormah avec la Phrygie. C’est aussi l’opinion des Targums (Targum de Jérus., Gen., x, 3), car c’est la Phrygie que ceux-ci sem rité de ses chevaux (TTomère, Iliad., iii, 185 ; Claudien, Laus seren., 191), l’Arménie ne l'était pas moins. Strabon, xi, 14, 9 ; cf. Hérodote, i, 194. D’ailleurs les deux peuples étaient apparentés l’un à l’autre. Les Arméniens étaient une colonie des Phrygiens, « 7101x01, Hérodote, vii, 73, et ils avaient gardé dans leur langage des traces de leur origine : v/j ^ wvrj 7to), Xâ çpuYc'Çouatv. Eudoxe, dans Etienne de Byzance, au mot 'Apjjieviâ. Cependant la grande majorité des géographes, par exemple H. Kiepert, Monatsberichte de l’académie de Berlin, 1859, p. 201 ; des archéologues, notamment Fr. Leuormant, Les origines, p. 402 et suiv., et des exégètes modernes se rangent à l’identification de Tho Tt "…If" — — -" " _.

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273. — Carte de l’Arménie.

Ment désigner sous le nom de Barbarie. Bochart, Phaleg., col. 170 ; Fr. Lenormant, Les origines, t. 11, p. 401 et suiv. — Eusèbe, Chrome, bipart., édition Aucher, 11, p. 12 ; George le Syncelle, le Scholiaste grec d'Ézéchiel, xxxviii, 6, dans le manuscrit de la version des Septante de la bibliothèque Vaticane, et peut-être aussi les docteurs du Talmud et du Midrasch (voir Lenormant, Origines, 11, p. 402) identifient Thogormah avec l’Arménie. Bochart penche pour la Cappadoce et se prévaut de la leçon Qo^ix^i des Septante, pour suggérer l’assimilation des Trocmes ou Trogmes des classiques (Strabon, IV, 1, 13 ; XII, v, l-2, etc.) au Thogormah de la Bible. Phaleg-, col. 178. Ce dernier point n’est pas acceptable, les Trocmes ne s'étant guère établis en Galatie et en Cappadoce qu’au nr 3 siècle avant J.-C. Lenormant, Les origines, 1. 11, p. 405. Il est d’ailleurs assez difficile de se prononcer, l’Arménie et la Cappadoce, ou la Phrygie, donnant également satisfaction aux deux passages d'Ézéchiel. La Phrygie comme l’Arménie et la Cappadoce sont également au nord relativement à la Palestine. Si la Phrygie était renommée pour la supério gormah avec l’Arménie occidentale, sur la rive gauche de l’Euphrate, avant sa réunion avec le Mourad-Sou. Telle est en particulier l’opinion de Dillmann, Genesis, 1886, p. 172 ; du P. Knabenbauer, Etechiel, p. 274. Smend, Ezechiel, 1880, p. 202, accepterait indifféremment la Phrygie, la Cappadoce ou l’Arménie. Franz Delitzsch, Genesis, 1887, p. 205, opinerait volontiers pour l’Arménie occidentale ; mais il est tenté d’y substituer la province de Méliténe, sur la rive droite du fleuve, et cela parce que son fils Friedrich a proposé d’identifier le Thogormah d’Ezéchiel avec la ville de Til-Garimmu, que les textes assyriens nous disent avoir existé dans cette province. Fried. Delitzsch, ~Vo lag das Paradies, p. 216 ; Dillman, loc. cit., pensent que cette identification n’est pas suffisamment prouvée. Cf. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, 1883, p. 85 ; Lenormant, Les origines, t. ii, p. 408 et suiv.

II. Géographie. — L’Arménie est un massif montagneux, compris entre les 36° et 44° de longitude est Paris, d’une part, et_ les 38° et 41° de latitude nord, d’autre part. Cepen

dant la surface quadrangulaire, limitée par ces quatre lignes extrêmes, englobe certains pays qui n’ont jamais été arméniens, au sens propre du mot, et, en retour, la domination et l’influence arméniennes ont fréquemment dépassé ces limites, à l’ouest de l’Euphrate surtout. Déjà, au temps des Romains, une partie de l’Asie Mineure occidentale était devenue l’Arménie Mineure, le grand massif dont nous avons parlé ayant pris le nom d’Arménie Majeure. Nous étudierons rapidement : A, la géologie ; B, l’orographie ; C, l’hydrographie : D, le climat ; E, les productions ; F, la population de l’Arménie.

A) Géologie. — Le massif de l’Arménie consiste en chaînes de montagnes parallèles, reliées par de hauts plateaux au-dessus desquels elles ne s'élèvent pas considérablement. Ces chaînes suivent la même direction que celles du Caucase, de l’Asie Mineure et du Kurdistan ; d’ailleurs elles sont dues aux mêmes causes que celles-ci ; elles remontent à la même époque et sont composées des mêmes roches. Ces roches sont, en très grande partie, d’origine plutonienne, et dans l’espèce le trachyte et le porphyre y sont plus communs que le granit et la syénite. A la fin de l'époque tertiaire, l’Arménie avait déjà le relief et l’aspect général qu’elle présente aujourd’hui, et la période d’activité volcanique avait commencé. Celle-ci fut de très courte durée sur les hauts plateaux : elle ne réussit même pas à y former de vrais cratères d'éruption, sans doute à cause de la trop grande résistance des assises plutoniennes. En revanche elle s’exerça librement le long des grandes lignes de dislocation, où elle créa de gigantesques cônes de soulèvements : par exemple, sur le rebord méridional du haut plateau qui domine la vallée de l’A. axe au nord (Ala-Gueuz, 4100 iii), et sur le rebord septentrional du haut plateau qui domine cette même vallée au sud : le grand et le petit Ararat, respectivement 5 1(50™ et 4 000 m ; le Tandourek, 3300™ ; l’Ala-Dagh, 3520™, et toute la rangée des cônes qui jalonnent l’Aghri-Dagh, à l’ouest de l' Ararat ; de même encore sur les bords du lac de Van : le Seïpan-Dagh, 3800 m au nord, et le NimroudDagh, 2600 m à l’ouest. Sur ces différents points, l’action volcanique fut persistante autant qu'énergique, et finit par ouvrir une longue ceinture de cratères d'éruption, d’où s'échappèrent de fortes coulées de laves et d’autres roches volcaniques, qui couvrirent comme d’une série de manteaux les anciens cônes de soulèvement. Cette activité des forces intérieures survécut à l'époque tertiaire ; elle était encore puissante à l’aurore des temps historiques, et maintenant elle n’est pas encore complètement éteinte.

B) Orographie. — On peut réduire tout le système orographique de l’Arménie à deux grandes chaînes (lig. 273). L’une part du mont Ararat, d’où elle se dirige vers l’ouest en décrivant une courbe, dont la convexité est tournée vers le nord, et qui se termine au Bin-gueul-Dagh ; puis elle se continue, toujours vers l’ouest, presque en ligne droite, s’abaissant graduellement, et s’arrête enfin brusquement pour livrer passage à lEuphrate. Du mont Ararat au Bin-gueul-Dagh, cette importante chaîne sépare les deux grandes vallées de l’Araxe et du Mourad-Tchaï ; à partir du Bin-gueul-Dagh, elle divise les bassins du Kara-sou ou Euphrate occidental (le véritable Euphrate), de celui du Mourad-Tchaï, ou Euphrate oriental. Sa longueur totale est d’environ 700 kilomètres. Du Bin-gueul-Dagh se détache, au nord, une ramification puissante, qui s'étend jusqu'à la grande chaîne du Caucase, formant le faîte de séparation entre les vallées de l’Euphrate et de l’Araxe d’abord, puis entre les bassins de la mer Noire et de la mer Caspienne. À peine arrivée au quart de sa course, elle pousse deux branches vigoureuses : l’une, à droite, qui sépare les deux vallées de l’Araxe et du Kour ; l’autre, à gauche, qui, après avoir divisé les eaux de l’Euphrate de celles de la mer Noire, va se perdre dans les hauts plateaux de la Cappadoce. — La seconde chaîne part aussi du mont Ararat, et, de même que la première, commence par décrire une courbe, dont la convexité toutefois est

tournée vers le sud. Aux temps préhistoriques, cette chaîne devait, dans la première partie de son cours, séparer la vallée du Mourad-Tchaï de celle du Tigre oriental, comme plus loin elle la sépare du bassin du Tigre occidental. Une dépression survenue à son centre a créé le bassin du lac de Van ; en sorte que la chaîne semble se bifurquer, presque dès son origine, en deux rameaux qui entourent le lac et se rejoignent au sud-ouest, pour continuer ensuite vers l’ouest sous la forme d’une chaîne unique, jusqu'à la profonde crevasse où coulent les eaux réunies des deux Euphrates.

On ne saurait dire quels noms les géographes classiques donnaient à ces deux chaînes et à leurs différentes parties. Ils les désignent parfois sous le nom général de Taurus, qui s’appliquait aussi et principalement aux montagnes de la Cilicie. Toutefois il est à peu près certain que l’AlaDagh, au nord du lac de Van, est le mont Niphales des anciens. Aucun des nombreux noms de montagnes qu’on lit dans les annales des rois d’Assyrie n’a pu être identifié. Voir Ararat.

C) Hydrographie. ~ Les trois fleuves principaux de l’Arménie sont : l’Euphrate, le Tigre et l’Araxe. Voir ces mots. L’Arménie possède un grand nombre de lacs ; en général ils ne sont pas très considérables. Les deux principaux sont : celui de Sevanga et celui de Van. Le lac du Sevanga (Lychnitis des anciens, Gueuk-Tchaï des Turcs) occupe une vaste dépression au centre de la chaîne de l’Anti -Caucase. Il se déverse dans l’Araxe par le Zengui - Tchaï, au nord-ouest. Le lac de Van (peutêtre la mer supérieure du Naïri des textes assyriens, le Thospitis des classiques) est le lac, ou plutôt la mer arménienne par excellence.

D) Climat. — L’Arménie doit les particularités de son climat à sa grande élévation, qui est de 1 500 à 2000 mètres en moyenne, ainsi qu'à la grande multiplicité de ses lacs et au voisinage de la mer Noire. L’humidité est assez considérable : on évalue à cinquante centimètres la quantité moyenne de pluie que reçoivent les hauts plateaux. Il n’y a guère que deux saisons : l’hiver et l'été ; les extrêmes observés du jour le plus froid au jour le plus chaud de l’année sont de — 25° et de + 44° degrés, même et surtout dans la plaine de l’Araxe.

E) Production. — Les montagnes de l’Arménie sont complètement dénudées. On n’y rencontre d’autres arbres que ceux qui ont été plantés de la main de l’homme, autour des villages. Ces vergers sont généralement d’une fraîcheur et d’une fertilité surprenantes. La vigne est cultivée avec succès dans les vallées, principalement dans celle de l’Araxe et tout autour du lac de Van. Dans quelques endroits très abrités, l’oranger et le citronnier vivent en pleine terre ; mais nulle part ne croît l’olivier. On cultive le froment jusqu'à dix-huit cents mètres, et à deux mille cent mètres on trouve encore des orges. Les hauts plateaux abondent en excellents pâturages, qui nourrissent des milliers de moutons à grosse queue. Le gros gibier, manquant d’abris, est fort rare. Les lacs et les rivières abondent en palmipèdes. La perdrix pullule partout. Les corneilles sont presque aussi communes, près des villages, que les passereaux chez nous. — Les deux animaux domestiques par excellence sont le cheval et le buffle. Notre vache domestique y est rare. Peu de contrées sont aussi riches que l’Arménie en sources minérales chaudes ou froides. Il paraîtrait que certains districts contiennent d’importants gisements de charbon. Nulle part on ne s’en sert. On brûle généralement des galettes faites de bouse de buffle avec une faible proportion de paille hachée.

F) Population. — Elle est très mélangée ; les Arméniens et les Kurdes y sont en nombre à peu près égal ; ils forment ensemble la moitié de la population ; l’autre moitié est turque ou turcomane. Telle est au moins la proportion dans les deux vilayets d’Erzeroum et de Van ; les Arméniens sont relativement beaucoup plus nombreux

dans la vallée de l’Araxe. L’Arménien est trapu et vigoureux ; il s’entend à l’agriculture, mais plus encore au commerce, dont il est le roi en Orient. Les centres d’habitation sont loin d’avoir l’importance et la population dont ils jouissaient s’rant les invasions arabes et tartares, qui ont décimé ou chassé les habitants.

III. Histoire. — Il est démontré que, dans les temps historiques, l’Arménie a été habitée par deux races différentes : une race blanche allophyle et une race aryenne.

A) La race blanche allophyle est celle que la table ethnographique delà Genèse, .x, 2, désigne scfUs le nom ethnique de Magog (Lenormant, Les origines, t. ii, p. 470 et suiv. ; Histoire ancienne, t. i, p. 295 et 302), second fils de Japhet. Elle correspond aux Alarodiens et aux Saspires d’Hérodote. Par les traits physiques elle se rattache incontestablement au type de la race aryenne ; mais elle s’en distingue radicalement par sa langue. Cette race semble avoir d’abord habité les vallées du Kour et de l’Araxe, d’où elle se serait répandue dans les montagnes et sur les hauts plateaux de l’Arménie, à une époque difficile à préciser. Là elle établit un royaume que les monuments indigènes nomment Biaïna, tandis que les monuments assyriens l’appellent Urartu ; on peut expliquer ce désaccord apparent en supposant que le royaume & Urartu désignait primitivement la vallée de l’Araxe, l’Ararat de Moïse de Khorène, et que ce royaume ayant été dans l’origine le plus puissant de l’Arménie, les Assyriens prirent l’habitude de désigner le pays tout entier par le nom d 'Urartu, même après que le royaume de Van, Biaïna des textes vanniques, lui eut ravi l’hégémonie de l’Arménie.

Quant à la capitale, la ville de Van actuelle, elle est appelée Dliuspas par les inscriptions vanniques, et Turuschpa par les textes assyriens. L’histoire de l’Urartu = Biaïna nous est connue par les annales des rois d’Assyrie et par les monuments indigènes. Ceux-ci sont en très grande partie de colossales inscriptions sculptées sur la face préalablement aplanie des rochers, ou des inscriptions votives gravées sur des stèles, dont quelques-unes semblent avoir servi d’autels. On a trouvé aussi quelques fragments de boucliers avec des inscriptions dédicatoires aux dieux nationaux. Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. ii, p. 756.

Voici, d’après les monuments des deux pays, la liste synehronistique des rois d’Urartu et d’Assyrie, pour l'époque qui nous occupe.

Bois d’Assyrie.

Rois d’Arménie.

859

825.

Salmanasar II.

Arram, vaincu en 857 et 845°

Lutipris. »

Sarduris I, vaincu en 833.

824

812.

Samsi-Rammân III.

Ischpuïnis.

811

783.

Raramâu-Nirâr III.

Menuas.

782

773.

Salmanasar III.

Argischtis I.

772

755.

Assurdan III. »

7.M

746.

Assur-Nirâr II.

Sarduris II.

745

-728.

Théglatûphalasar II. » battu en 743.

722

705.

Sargon.

Ursa, vaincu, se suicide en 71°

Argischtis II intrigue en 708.

704

681.

Sennacliérib. »

631

669 (?) Asarhaddon.

Ériménas.

609

626

(?) Assurbanipal.

Rusas. »

Sarduris lit.

Les deux rois d’Urartu les plus célèbres sont Ménuas et son fils Argischtis I er. Celui-ci porta à son apogée la gloire militaire de son pays ; c'était à une des périodes d’abaissement de l’Assyrie. Sarduris II ne fut pas moins heureux que son père, pendant les premières années de son règne ; mais l’Assyrie s'étant relevée plus forte que jamais avec Sargon, le roi d’Urartu vit rapidement décli ner sa fortune. Son successeur Ursa, homme aussi diplomate que belliqueux, lutta héroïquement, mais en vain. L Urartu ne fut pas moins maltraité que le royaume d’Israël, qui avait succombé quelques années auparavant sous les coups du conquérant assyrien. Ursa préféra se donner la mort que de tomber aux mains du vainqueur. Néanmoins, grâce à ses montagnes presque inaccessibles et à son éloignement, l’Urartu se releva insensiblement et vécut en assez bons termes avec sa puissante voisine, jusqu’au jour où la fortune de celle-ci commençant à décliner, les Mèdes, entraînant les Urartiens à leur suite, allèrent se joindre aux Chaldéens pour renverser définitivement le colosse ninivite, qui les avait tous opprimés pendant si longtemps.

Les Urartiens adoraient le dieu Khaldis, leur dieu national, et d’autres dieux, dont quelques-uns, quarantesix environ, ont chacun leur nom, tandis que d’autres sont désignés par le titre d’enfants de Khaldis. Khaldis est généralement associé aux dieux de l’Air et du Soleil (Teïsbas et Ardinis, suivant M. Sayce). Cette triade suprême semble empruntée du Panthéon assyrien ; suivant M. Sayce, les Urartiens avaient aussi pris des Assyriens le culte de la déesse Istar, la seule divinité féminine de leur Panthéon. D’ailleurs il est démontré que le syllabaire vannique est d’origine assyrienne : il fut introduit par Sarduris I er, et même les deux inscriptions que nous avons de ce roi sont rédigées en langue assyrienne. — La langue employée par les successeurs de ce roi n’a rien de sémi- tique ni d’aryen. Fr. Lenormant a été le premier à montrer qu’elle était étroitement apparentée au géorgien, et cette découverte a été confirmée par les études des savants qui se sont occupés après lui de la langue des anciens Arméniens. — Les arts industriels de l’Urartu, tels que nous les connaissons d’après les objets de bronze ou autres, trouvés dans les fouilles de Toprak-Kaléh, près de Van, sont également empruntés des Assyriens.

Le quatrième livre des Rois et celui d’Isaïe, xxxvii, 38, nous disent qu’Adramélek et Sarasar, après avoir assassiné leur père Sennachérib, s’enfuirent en Ararat. D’après Moïse de Khorène, qui s’appuie sur le témoignage de Mar Apas Catina (Moïse de Khorène, i, 32, dans la Collection des historiens anciens et modernes de l’Arménie, par Langlois), Sarasar ou Sannasar se serait établi dans la montagne de Sim, entre le Murad-Sou et le Tigre occidental. Adramélek ou Atramélek, appelé aussi Arkamozan, aurait eu en partage les montagnes au sud du lac de Van. C’est de ce dernier que descendraient les deux grandes familles des Ardzrouniens et des Kenouniens. La famille des Ardzrouniens acquit une influence considérable en Arménie, à l'époque des invasions arabes, et fonda un royaume qui eut Van pour capitale (908-1080). Un de ses rois les plus fameux, Sennachérib (1003-1021), fonda le fameux monastère dit maintenant « les sept églises », dans la montagne de Varak, à l’est, et près du lac de Van. Cf. Moïse de Khorène, Histoire d’Arménie, passim, dans la Collection de V. Langlois, et aussi Dulaurier, Historiens arméniens [dans les Historiens des Croisades], Chronologie arménienne, etc. — Le souverain d’Arménie qui accueillit si bien les deux parricides est probablement l’Argischtis II des inscriptions vanniques. Moïse de Khorène, i, ch. xxiii, le nomme Sgaïorti.

B) Bace aryenne. — Cette race est désignée dans la table ethnographique de la Genèse, x, 3, par l’ethnique Thogormah, troisième fils de Gomer. D’après Fr. Lenormant, les fils de Gomer. après avoir erré dans les grandes plaines au nord du Caucase et du Pont-Euxin (plaines où ils habitaient probablement encore au temps de la rédaction de la table ethnographique), continuèrent, en descendant sur le bassin inférieur du Danube, la migration qu’ils avaient commencée sur les hauts plateaux de l’Asie centrale. De là ils passèrent en Thrace ; puis, franchissant l’Hellespont et le Bosphore, ils pénétrèrent dans l’Asie Mineure. Les uns (Ascenez) s'établirent dans la partie occidentale,

et plus spécialement dans la Phrygie ; les autres (Riphath) s’arrêtèrent en Paphlagonie ; les derniers enfin, la race de Thogormah, poussèrent plus à l’orient encore, et commencèrent à envahir l’Arménie. C'était environ au vm « ou VIIe siècle avant J.-C. Cet envahissement de l’Arménie par les nouveaux venus se fît lentement. Ils occupèrent d’abord la partie occidentale, le Thogormah d'Ézéehiel, sans toucher aux royaumes d' Urartu ou Ararat et de Man ou Minni, où habitaient encore les Urartiens ou Alarodiens. Ce n’est guère, dit Fr. Lenormant, Histoire, t. i, p. 294, qu'à la fin du vne siècle ou au commencement du VIe que les Arméniens proprement dits, les fils de Thogormah, « firent la conquête de ces contrées, où plus lard une infiltration lente de nouveaux éléments ethniques, sous la domination perse, en fit un peuple entièrement iranien de langue et même de type physique, comme le sont les Arméniens modernes. »

Le défaut de documents authentiques ne nous permet pas de préciser l'époque à laquelle la race aryenne arriva au gouvernement du pays ; ce ne fut probablement pas avant la chute de Ninive ; tandis que le Tigrane I er de Moïse de Khorène, dont les récits, à dater de ce roi, ont quelque vraisemblance, semble avoir appartenu aux nouveaux venus. Quoi qu’il en soit, on ne saurait douter que les premiers rois de la nouvelle race, comme les derniers de l’ancienne, n’aient été sous la dépendance directe des Mèdes et des Perses. Ils n’y échappèrent que pour passer sous la domination d’Alexandre le Grand (328) et des Séleucides, ses successeurs. L’Arménie fut alors administrée par des gouverneurs indigènes nommés par le suzerain. Le dernier de ces gouverneurs, Ardavatz, fut chassé par Arsace le Grand ou Mithridate, qui établit son frère Valarce roi d’Arménie (149). C’est ainsi que commença la dynastie arménienne des Arsacides, qui se maintint tant bien que mal jusqu’en 428 après J.-C, époque où elle tomba sous les coups des Sassanides.

On a prétendu que les Hébreux avaient connu l’Arménie par les Phéniciens (Lenormant, Origines, ii, 408), et que les textes bibliques montrent clairement la progression dans la connaissance de l’Arménie chez les auteurs sacrés. Personne ne voudrait nier le premier point, pourvu que les autres sources d’information ne soient pas exclues. Quant au second point, on peut concéder que la connaissance de l’Arménie a dû progresser, chez les Hébreux, comme toute autre connaissance ; mais les textes bibliques ne le montrent pas. Le rédacteur de la table ethnographique ne pouvait connaître le Thogormah d'Ézéehiel, puisque cette race n’avait pas encore achevé sa migration ; mais cela ne prouve nullement que Moïse n’en savait pas autant, sur l’Arménie de son temps, qu'Ézéchiel sur l’Arménie du sien.

Voir, pour la géographie : Tournefort, Relation d’un voyage du Levant, 2 in-4o, Paris, 1717 ; Jlorier, Voyage en Perse, en Arménie, traduit de l’anglais, 2 in-8o, Paris, 1813 ; Kinneir, Voyage dans l’Asie Mineure, l’Arménie, trad. de l’anglais, 2 in-8°, Paris, 1818 ; SaintMartin, Mémoires historiques et géographiques sur l’Arménie, 2 in-8, Paris, 1819 ; Jaubert, Voyage en Arménie et en Perse, in-8°, Paris (sans date) ; Indjidjian, Description géographique de l’Arménie ancienne, in-4o, Venise, 1832 ; Smith et Dwight, Missionary researches in Armenia, in-8o, Londres, 1834 ; Bore, L’Arménie, in-8°, Paris, 1838 ; Southgute, Narrative of a tour through Armenia, 2 in-8o, Londres, 1840 ; Fraser, Travels in Koordistan, Mesopotaniia, 2 in-8o, Londres, 1840 ; Chesney, The expédition for the Survey of the rivers Euphrates ; and Tigris, 2 in-8o, Londres, 1850 ; Ainsworth, Travels and j Researches in Asia Minor, Mesopotamia, Clialdxa and Armenia, 2 in- 12, Londres, 1842 ; Texier, Description ! de l’Arménie, 2 in-f°, Paris, 1842 ; Deyrolle, Voyage dans le Lazistan et l’Arménie, dans le Tour du monde, t xxix, xxx et xxxi : Schweiger-Lerchenfeld, Arménien, in-8o, léna, 1878 ; Alishan, Description de la province 1

d' Ararat (en arménien), m-4°, Venise (récent) ; P. MùllerSimonis et Henri Hyvernat, Du Caucase au golfe Persique à travers l’Arménie, in-4o, Paris, 1892. — Pour l’histoire et les antiquités : Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 6 in-8o, Paris, 1881-1888, t. iv, p. 241 et suiv. ; Tiele, Babylonischassyrische Geschichle, in-8o, Gotha, 1886 ; Schulz, Inscriptions cunéiformes copiées à Van et dans les environs, dans le Journal asiatique, IIIe série, t. ix, 1840 ; Hincks, On the Inscriptions of Van, dans le Journal of the Royal Asiatic Society, t. ix ; Fr. Lenormant, Sur l’ethnographie et l’histoire de l’Arménie, dans les Lettres assyriologiques, t. i, p. 117 et suiv. ; Mordtmann, Entzifferung und Erklârung der armenischen Keilinschriften von Van, dans la Zeitsclirift der deutsclien morgenlândischen Gesellschaft, t. xxxi et xxxii ; Sayce, The Cuneiform inscriptions of Van, dans le Journal of the Royal Asiatic Society, t. xiv et xx (contient une bibliographie complète des inscriptions de Van) ; Tchamitehian, Histoire d’Arménie, 3 in-i°, Venise, 1784-1786 (en arménien) ; Avdall, History of Armenia, 2 in-8o, Calcutta, 1827 (traduction abrégée du précédent) ; Indjidjian, Antiquités arméniennes, 3 in-i°, Venise, 1835 (traduit par Cappelletti en italien, 3 vol., Turin, 1841) ; Cappelletti, L' Armenia, in-8o, Florence, 1841 ; Hamilton, Researches in Asia Minor, Pontus and Armenia, 2 in-8°, Londres, 1842 ; Brosset, Voyage archéologique dans la Géorgie et l’Arménie, in-8°, . avec atlas, Saint-Pétersbourg, 1851 ; Victor Langlois, Collection des historiens anciens et modernes de l’Arménie, 2 in-8o, Paris, 1869. H. Hyvernat.

    1. ARMÉNIENNE##

ARMÉNIENNE (VERSION) DE LA BIBLE. Nous traiterons : I. de l’histoire de la version arménienne ; II. des principales éditions ; III. de la nature et de l’importance de la version arménienne.

I. Histoire de la version arménienne. — Dès que Mesrob eut fixé l’alphabet arménien (406 après J.-C), il entreprit, sous la direction du patriarche Isaac, et avec l’aide de ses principaux disciples, Jean d’Eguéghiatz et Joseph de Baghin, une traduction « des vingt-deux livres canoniques de l’Ancien Testament, et du Nouveau Testament ». Ce travail était terminé en 411. Voyez Gorioun, Biographie de Mesrob, dans Langlois, Collection des historiens anciens et modernes de l’Arménie, 2 in-4°, Paris, 1809, t. ii, p. 10 ; F. Nève, L’Arménie chrétienne et sa littérature, in-8o, Paris, 1886, p. 13, 22. Cf. Moïse de Khorène, iii, 53. Cette première version fut faite par saint Isaac sur la version syriaque, dit l’historien Moïse, ni, 54, parce qu’on ne possédait pas le texte grec, et parce que, de plus, la langue syriaque avait été, pour différentes raisons, la langue liturgique dans certaines contrées de l’Arménie, jusqu'à l’invention de l’alphabet arménien par Mesrob. Voir Gorioun, Biographie de Mesrob, p. Il ; Lazare de Pharbe, Histoire, x, dans Langlois, Collection, t. ii, p. 226. Cf. Saint-Martin, Mémoires historiques et géographiques sur l’Arménie, 2 in-8°, Paris, 1819, t. i, p. Il ; Tchamitehian, History of Armenia translated by Avdall, 2 in-8o, Calcutta, 1827, 1. 1, p. 239 ; R. Simon, Histoire critique des versions du Nouveau Testament, chap. xvii, in-4o, Rotterdam, 1690, p. 196. Ce premier travail, fait à la hâte, sur des exemplaires quelconques, laissait sans doute beaucoup à désirer ; car, quelques années plus tard, Isaac et Mesrob envoyèrent à Édesse Joseph de Baghin avec un autre de leurs disciples, Eznik, « afin qu’ils traduisissent en arménien les Saintes Écritures sur le texte syriaque. » Gorioun, Biographie de Mesrob, p. 11-12.. D'Édesse les deux jeunes gens se rendirent à Byzance, où ils furent rejoints par d’autres disciples de Mesrob, parmi lesquels se trouvait Gorioun, l’auteur de la Biographie de Mesrob. Ils passèrent plusieurs années à Byzance, et ils s’y trouvaient encore à l'époque du concile d'Éphèse (431). Leurs travaux terminés, ils reprirent le chemin de l’Arménie,

emportant dans leur bagage littéraire les actes du concile et « des copies authentiques des Saintes Ecritures ». Gorioun, ibid. Isaac et Mesrob cherchèrent immédiatement à mettre ces dernières à profit pour faire remanier l’ancienne version faite sur le syriaque, en la confrontant exactement avec « les copies authentiques qu’on leur avait apportées ». Gorioun, ibid. Mais les traducteurs qui travaillaient sous leurs ordres n’avaient pas une connaissance suffisante de la langue grecque, et leur travail fut jugé par trop imparfait. On envoya donc d’autres jeunes gens étudier le grec à Alexandrie. Moïse de Khorène était du nombre de ceux-ci (Moïse de Khorène, iii, 61). Ils rapportèrent sans doute d’Egypte d’autres exemplaires grecs de la Bible, dont ils se servirent pour perfectionner le travail de leurs prédécesseurs, en traduisant fidèlement sur le texte des Septante, d’après les Hexaples d’Origène ; car les mêmes signes et astérisques se trouvent dans les anciens manuscrits arméniens de la Bible. Cf. P. Zohrab, Bible arménienne, 4 in-8°, Venise, 1805, introd., p. 6, 7. Voyez Gorioun, Biographie de Mesrob, p. Il et 12 ; Moïse de Khorène, iii, 61 ; Tchamitehian, Ilistory of Armenia, t. i, p. 239. Langlois, Collection, t. ii, p. 168, note, dit que cette version fut officiellement adoptée par les Pères du concile d’Aschdischad, en 434. Si le fait et la date sont exacts, l’approbation des Pères ne pouvait guère se rapporter qu’à la première rédaction de la version faite sur le grec. Voir P. Donat-Vernier, Histoire du patriarcat arménien catholique, in-8°, Paris, 1891, p. 128-129.

Quelques auteurs, s’appuyant sur un passage de B, ir-Hébrœus, ont avancé que la version arménienne avait été retouchée sur la Peschito. Mais l’opinion de Bar-Hébrœus est une pure conjecture, que ne confirme aucun document arménien ou syriaque. Pour les paroles de Bar-Hébrœus, voir Wallon, Prolegomena, xiii, 16 ; Wiseman, Horse syriacse, p. 142. Cf. Rhode, Gregorii Bar Hebrxi scholia in Ps. v et xviii, p. 74 ; Bredenkamp, Ueberdiearmenische Uebersetzung desvlten Testaments, dans Eichhorn, Allgemeine Bibliolheh, t. iv, p. 634 et suiv. On a aussi prétendu que la version arménienne avait été retouchée sur la Vulgate par le roi Haiton ii, à la fin du XIIIe siècle. La Groze, Thésaurus epistolicus, iii, 3 et suiv., 69 ; Michælis, Introduction to tlie New Testament, édit. Marsh, 1823, t. ii, p. 103. C’est là une affirmation qui n’est rien moins que fondée. Voyez Alter, Philologischkritische Miscell., Vienne, p. 140 et suiv. ; Holmes, Prsefalio in edit. LXX, cap. rv. L’histoire politique (Tchamitchian, History of Armenia, t. ii, p. 263 et suiv.) et l’histoire littéraire (Somal, Quaâro délia storia litteraria di Armenia, in-8°, Venise, 1829, p. 126) ignorent ce remaniement de la version arménienne. L’une et l’autre se contentent de dire que Haiton avait fait de la Bible son compagnon favori : qu’il s’en était fait faire une très belle copie, et que, ayant abdiqué la royauté, il se retira dans un couvent, où il revêtit, par esprit d’humilité, l’habit des franciscains. Il n’en a pas fallu davantage à certains esprits pour l’accuser d’avoir « corrompu » la version arménienne. D’ailleurs, parmi les nombreux manuscrits que l’on connaît, aucun ne justifie cette accusation.

II. Principales éditions. — En 1563, Séfer Abgar, d’une noble famille arménienne et secrétaire du patriarche Michel, fut envoyé comme ambassadeur à Rome par celui-ci, pour traiter des affaires ecclésiastiques de son pays avec le pape Pie IV. Il profita de son séjour à Rome pour faire graver et fondre les premiers caractères arméniens. Il se transporta ensuite à Venise, et c’est là, et non pas à Rome, comme on le dit généralement, qu’il publia le Psautier, 1565. Cette édition princeps de la littérature arménienne est enrichie de gravures. Quant à l’édition de 1515, dont parle Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift, § 174, p. 143, d’après Scholz, sans doute, Einleitung in die heilige Schrift, p. 500, elle n’a jamais existé. Pendant les cent années qui suivirent l’édition de 1505, rien ne parut de la Bible, sinon quelques autres éditions des

Psaumes (Venise, 1587 ; Lemberg, 1616 ; Venise, 1642 ; Amsterdam, 1661 [édit. Avedis] et 1664 redit. Garabed]), bien que plusieurs imprimeries arméniennes eussent été établies, notamment à Rome, 1584 ; à Lemberg, 1616 ; à Milan, 1624 ; à Paris, 1633 ; au nouveau Djoulfa, en Perse, 1640, et à Livourne aussi en 1640. D’ailleurs toutes ces imprimeries étaient assez mal montées. En 1656, le patriarche Jacques IV, sincère catholique, envoya en Europe un de ses diacres, Matthieu de Dsar, pour y fonder un établissement plus parfait. Matthieu s’établit à Amsterdam en 1660 ; mais il ne publia rien des Saintes Écritures, et mourut presque aussitôt. À la suite d’un concile tenu en 1662, le patriarche envoya Uscan, évêque d’Ouschovank (dans la province d’Érivan ; voir le sieur de Moni [Rich. Simon], Histoire critique de la créance et des coutumes des nations du Levant, in-12, Francfort, 1693, p. 219), pour remplacer Matthieu, et lui fixa comme mission spéciale le soin de publier une édition complète de la Bible. Il vint d’abord à Rome, où il séjourna quinze mois. Moréri, Dictionnaire, édit. de 1759, t. x, p. 737, dit qu’il fut fort bien reçu du pape Alexandre VII. Plusieurs auteurs (Herbst, Histor.-kritkche Einleitung, 1. 1, p. 225 ; Coniely, ffis fonça et critica Introduclio, t. i, p. 388, etc.) prétendent qu’Uscan voulait d’abord établir son imprimerie à Rome, mais qu’on ne le lui permit pas. Kaulen, Einleitung, § 174, p. 143, ajoute que ce fut « parce qu’il avait retouché sur la Vulgate l’ancien manuscrit qu’il avait apporté d’Arménie ». Cette raison peut être la vraie ; mais il ne faut pas oublier que sept ans plus tard la Propagande, pour des raisons que nous sommes loin de censurer comme Richard Simon, Histoire critique des versions, ch. xviii, p. 215, faisait imprimer une version arabe retouchée sur la Vulgate. Nous croirions plutôt que la congrégation de la Propagande n’avait pas des preuves suffisantes de l’orthodoxie d’Uscan ; car ce n’est que quelque temps avant de mourir (1680) que Jacques IV rédigea sa profession de foi catholique. Somal, Quadro, p. 156. Michælis, Introduction, édit. Marsh, t. ii, p. 103, s’appuyant sur « l’édition complète de Chardin », affirme qu’Uscan voulut imprimer la Bible arménienne en France, mais qu’il ne put en obtenir l’autorisation ; je n’ai pu trouver ce détail dans l’édition de Langlès, 1811, qui passe pourtant pour l’édition la plus complète des œuvres de Chardin. Quoi qu’il en soit, Uscan s’établit à Amsterdam, où il publia une édition complète de la Bible, in-4°, 1666, et une édition du Nouveau Testament, in-8°, 1668. En 1669, il obtint la permission de transporter son imprimerie à Marseille. Une nouvelle édition du Psautier parut dans cette ville en 1677, sous le nom d’Uscan et C ie, bien qu’Uscan fût déjà mort à cette époque. J. Townley, Biblical Anecdotes, illustrative of the History of the Sacred Scriplures and of theearly Translations of them inlo various languages, in-12, Londres, 1813, p. 136. Toujours est-il qu’après la mort d’Uscan, ses successeurs furent en butte à mille difficultés de la part des autorités ecclésiastiques de Rome et de Paris, auprès desquelles d’autres Arméniens avaient, par pure jalousie, décrié leurs intentions. Voyez R. Simon, Histoire critique des versions du Nouveau Testament, p. 196-203. Ces vexations poussèrent celui qui dès l’origine avait été le principal collaborateur d’Uscan, Matthieu de Vanaud, à retourner à Amstejrdam, 1683. Il y fondit de nouveaux caractères, qui furent acquis plus tard par les Méchitaristes de Venise. Il publia une édition du Nouveau Testament en 1698, et une des Psaumes en 1714. On cite encore (Lelong, Bibliolheca sacra, part, ii, t. i, Halle, 1781, p. 179) deux éditions du Psautier, Amsterdam, 1672 et 1677, dont il est difficile de se rendre compte, à moins de supposer qu’Uscan, tout en s’établissant à Marseille, avait laissé une succursale à Amsterdam. D’ailleurs ces deux éditions ne sont pas mentionnées dans la Bibliographie arménienne des pères Méchitaristes, Venise, 1883. D’un autre côté, l’auteur de cet ouvrage place en 1684 un Psautier publié à Venise, et en 1710 une autre édition du

même livre, publiée à Marseille. En 1677, une autre imprimerie fut fondée à Constantinople ; elle a publié une seconde édition de la Bible complète d’Uscan en 1705.

L'édition de la Bible par Uscan passe justement pour inexacte. Tout le monde est d’accord sur ce point, tous conviennent aussi qu’elle a été considérablement retouchée et complétée sur la Vulgate. Les éloges qu’en a faits R. Simon, Histoire critique des versions du Nouveau Testament, p. 106, ne sont donc pas fondés. Ainsi il est certain qu’Uscan y inséra le verset des Trois Témoins, Uoa., v, 7. Le quatrième livre d’Esdras et l’Ecclésiastique furent traduits par lui-même du texte de la Vulgate, et l’Apocalypse, quoique publiée d’après un manuscrit d’un certain âge, n’en est pas moins une traduction de la Vulgate. Malgré cela, Uscan ne méritait point les censures que La Croze et d’autres lui ont prodiguées. À l'époque où il vivait, les exemplaires de la Bible étaient excessivement rares en Arménie ; ils se vendaient au poids de l’or, bien qu’ils ne fussent pas toujours des meilleurs. Imprimer la Bible sans plus de retard était de première nécessité. Certains livres étaient perdus, ne valait-il pas mieux les traduire de la Vulgate que de ne pas les publier ? D’ailleurs il ne faut pas oublier qu’Uscan était l'élève du dominicain Paul Piromalli, qui enseignait la théologie au couvent d’Etchmiazin. Il avait appris à son école à recourir à l’autorité de l'Église de Rome, toutes les fois qu’il n'était pas sur de la vérité ; on ne saurait l’en blâmer. En somme, on peut l’accuser d’avoir manqué de sens critique, mais non d’avoir montré de l’ignorance ou de la superstition, et encore moins de la malice, comme l’insinue Michælis, ouvr. et édlt. cités, t. ii, p. 104 ; cf. R. Simon, ouvr. et lieu cités ; Scholz, Einleitung, t. i, p. 501.

L’oeuvre commencée par Uscan fut continuée et perfectionnée par les Méchitaristes, ainsi nommés de Méchitar (1676-1749), leur fondateur, et formellement reconnus comme congrégation religieuse par le pape Clément XI, en 1712. En 1717, ils s'établirent à Venise, dans l'île Saint-Lazare. Leurs premières publications furent imprimées chez Antonio Bortoli ; de ce nombre est une troisième édition de la Bible d’Uscan, revue et corrigée par Méchitar lui-même. Elle parut en 1733, in-folio, avec gravures. Plus tard, Zohrab, un de leurs hommes les plus distingués, qui dès 1789 avait donné une édition du Nouveau Testament d’après un manuscrit de bonne recension, entreprit une édition critique de l’Ancien et du Nouveau Testament, d’après un manuscrit cilicien de 1319, avec des variantes tirées de huit manuscrits pour l’Ancien Testament, et de vingt-cinq pour le Nouveau. Il relégua dans un appendice tout ce qui lui parut avoir été traduit en arménien postérieurement au reste de la version arménienne : le livre de l’Ecclésiastique, le troisième (quatrième de la Vulgate) livre d’Esdras, la prière de Manassé, la lettre des Corinthiens à saint Paul avec la réponse de celui-ci, le testament de saint Jean et la prière d’Euthale. Voir Scholz, Einleitung, p. 212 et 502. Cette édition fut imprimée chez les Méchitaristes et parut en 1805, in-4o. Les Méchitaristes découvrirent plus tard « une traduction classique du Ve siècle » de l’Ecclésiastique ; elle fut d’abord publiée séparément en 1833 et 1853, in-24, et puis insérée dans une nouvelle édition critique de toute la Bible, qui parut en 1859 en un volume in-4°, avec et sans gravures. Dans cette édition, comme dans celle de 1805, le verset des Trois Témoins fut omis, comme ne se trouvant dans aucun manuscrit dé bonne époque.

Nous ne pouvons donner ici le détail de toutes les éditions, qui sont fort nombreuses, surtout celles des Psaumes et du Nouveau Testament ; nous l’envoyons les amateurs à la nouvelle Bibliographie arménienne [en arménien], par P. Karekin, un des ouvrages les plus utiles et les plus intéressants qu’ait produits l’imprimerie de Saint-Lazare. Voir aussi, du même auteur, le Catalogue des anciennes traductions arméniennes, m-8°, Venise, 1889, p. 82-245. où toutes les questions relatives à

la version de la Bible en arménien sont traitées in extenso. — Les sociétés bibliques protestantes ont également publié un certain nombre d'éditions de la Bible, ou de parties de la Bible, en langue littéraire. Voici les principales : 1. Bible complète, Saint-Pétersbourg, 1814 (Société biblique de Russie) ; 2. Ancien Testament et Nouveau Testament, séparément, Saint-Pétersbourg, 1817 (même société) : ces deux éditions ont été surveillées par Jean, archevêque arménien d’Astrakhan ; 3. toutela Bible, Calcutta, 1817 (par les soins d’Heber, archevêque anglican de Calcutta) ; 4. Nouveau Testament complet et Évangiles seulement, Constantinople, 1823 (British and Foreign Bible Society) ; 5. Nouveau Testament, Smyrne, 1838 (American Bible Society). Enfin, pour compléter cet article, nous mentionnerons quelques-unes des éditions qui ont été publiées, principalement par les sociétés protestantes, ou à leurs frais, dans les deux dialectes modernes de Constantinople et d’Ararat. Plusieurs de ces éditions ont la langue littéraire en regard du dialecte vulgaire. 1. La Bible complète, Moscou, 1835, éditée par Dittrich, de la Société des missionnaires de Basle, à Schouscha ; publiée par la British and Foreign Bible Society ( dialecte d’Ararat) ; 2. le Psautier, 1844, publié par la Société des missionnaires de Basle (langue littéraire et dialecte d’Ararat) ; 3. Nouveau Testament, préparé à Constantinople, 1860, par la British and Foreign Bible Society (langue littéraire et dialecte d’Ararat) ; 4. Nouveau Testament, édité par le P. Zohrab, revisé par Saint - Martin, Paris, 1825, publié par la British and Foreign Bible Society (langue littéraire et dialecte de Constantinople) ; 5. Nouveau Testament, revisé par Adger, Smyrne, 1842, publié par les soins de V American Bible Society, aux frais de la British and Foreign Bible Society (dialecte de Constantinople) ; 6. Ancien et Nouveau Testaments, séparés, Constantinople, 1857, par les soins de V American Bible Society, aux frais de la British and Foreign Bible Society (dialecte de Constantinople). — (Le P. Élie Toomadjan, méchitariste de Venise (1777-1848), a traduit la Bible arménienne en latin, mais son travail reste manuscrit.)

III. Nature et importance de la version arménienne. — La version arménienne suit de très près le texte grec reçu, pour l’Ancien comme pour le Nouveau Testament. Elle n’appartient à aucune recension connue, ce qui s’explique peut-être par le fait mentionné plus haut, que quelques-uns des manuscrits grecs dont se servirent les traducteurs venaient de Constantinople ou d'Éphèse, tandis que d’autres venaient d’Alexandrie. Bertholdt, Einleitung, t. ii, p. 560, croit que les premiers appartenaient à la recension de Lucien, et les derniers à celle d’IIésychius. D’ailleurs la version arménienne est assez peu connue. La plupart des savants qui se sont occupes de la critique du texte grec de la Bible ne savaient pas l’arménien. Us ont dû travailler sur des variantes en nombre insuffisant, qu’ils tenaient des arménisants, et, pour comble de malheur, ces variantes ont souvent été tirées de l'édition fort peu critique d’Uscan. Trégelles fut plus heureux. M. Charles Rieu, chef du département des manuscrits orientaux au British Muséum, collationna pour lui le texte du Nouveau Testament des éditions d’Uscan et de Zohrab, et traduisit aussi toutes les variantes que le savant méchitariste avait réunies. Le travail de M. Rieu a été publié dans le Greek New Testament, de Trégelles. j Voir Scrivener, À plain introduction to the criticism of ' the New Testament, 3e édit., Cambridge, 1883, p. 408.

! Kaulen a donné, dans son Einleitung in die heilige Schrift, 

I un certain nombre de passages de la version arménienne (Ancien et Nouveau Testaments), qui montrent : 1° que cette version suit le grec fidèlement, quoique non servilement, ibid., § 176, p. 144 ; 2° que cette version concorde avec les textes reçus non seulement au point de vue du dogme, mais encore au point de vue de la critique, . substantiellement au moins, ibid., § 177, p. 145.

Bibliographie. — Parmi les ouvrages cités dans le cours de cet article, on devra consulter plus spécialement : Joh. Joacb. Schrœder, Thésaurus lingvse armenicæ antiquse et hodiernx, in-4°, Amsterdam, 1711 ; Lelong, Bibliotheca sacra, édit. de Maseh, 5 in-i°, Halle, 1778-1790 ; Sukias Somal, Quadro délia storia letteraria cl’Arrnenia, in-8°, Venise, 1829 ; Neumann, Versuch einer Geschkhte des armenischen Literatur, nach den Werken der ilecliitaristen frei bearbeitet, in-8°, Leipzig, '1836 ; P. Karekin, Bibliographie arménienne : historique et catalogue des livres arméniens imprimés du xvi' siècle jusqu'à nos jours, avec extraits des préfaces ( en nxinénien moderne), in-8°, Venise, 1883 ; du même auteur, Catalogue des anciennes traductions arméniennes (ive-xme siècle), in-8°, Venise, 1889 (en arménien moderne). On trouvera d’intéressantes notices sur les éditions complètes de 1666, 1705 et 1733, dans Clément, Bibliothèque curieuse, t. iii, p. 428 et suiv. H. Hiterxat.

    1. ARMON##

ARMON (hébreu : Haharmônâh, avec l’article ; Septante : 'Pojijiiv ou TE|i[j.dc), lieu d’exil où devaient être transportés les Israélites. Amos, IV, 3. C’est un nom qu’on ne lit qu’une fois dans la Bible et qui est une énigme pour les interprètes. Les moyens que fournissent la critique textuelle et l’exégèse n’ont pu jusqu’ici en donner une explication satisfaisante. Voici les renseignements que nous pouvons tirer des manuscrits, des versions, des interprètes et du contexte.

Au point de vue des variantes, on trouve : dans seize manuscrits, " : 2-nn, haharmanah ou haharmonah, sans vav porte cholem ; dans trois : nnsinn, haharmônâh, avec heth et vav porte cholem ; dans un : ~-~2 "~n, hahar Monah, en deux mots ; enfin, dans un autre : - :  !  : - ; -, ha’armônah, avec aïn. Cf. B. Kennicott, Vêtus Testamentum hebraicumeum variis lectionibus, Oxford, 17701780, t. ii, p. 264 ; J.-B. de Rossi, Scholia critica in V. T. Ubros, Parme, 1798, p. 85-86.

Les versions anciennes, suivant plus ou moins l’une ou l’autre de ces leçons, ont toutes vu ici un nom composé, dont la première partie est ~nn, hàhâr, « la montagne ; » Symmaque seul fait exception. Les Septante semblent avoir lu jsi inn, hâhàr Rimmân, puisqu’ils traduisent :

eî ; t’o opoç tô 'Po ; j.u.dcv ou 'Pe|i)xiv, « vers la montagne de Remman. » Aquila donne : e ! ç 'Apijiavoc ô'po : , « vers le mont Armana ; » Théodotion : eî ; j^ïjXôv 6'po ; , « vers une montagne élevée ; » et la cinquième version : [s !  ; 6'po ; ] Movi, « [vers la montagne] de Mona. » Pour ces deux dernières, nous suivons les Hexaples d’Origène, d’après l'édition de Montfaucon, Paris, 1713, t. ii, p. 356 ; car saint Jérôme, dans son Commentaire sur Amos, t.xxv, col. 1024, attribue à Théodotion la traduction de la cinquième version et vice versa. Symmaque donne simplement : d ; 'Epur^i’av ou 'Appievîav, « vers l’Arménie. » C’est également cette province que désignent la paraphrase chaldaïque et la version syriaque, qui traduisent toutes deux : > ; >mn >", ."'3, turc

harmênî, « les montagnes d’Arménie. » Saint Jérôme, dans la Vulgate, se rapproche d' Aquila en mettant Armon. En résumé, les versions anciennes, à l’exception d’une seule, voient dans Haharmônâh un nom propre, soit celui de l’Arménie, soit celui d’une montagne particulière. Parmi les interprètes anciens et modernes, les uns, de l'école juive surtout, reconnaissent ici un nom commun ; les autres, et c’est le plus grand nombre, y trouvent un nom propre. — Raschi prétend qu’il faut demander l’explication de Haharmônâh à l’araméen nrc", harmô nah, ou NJDin, harmântV, usité aussi dans le Talmud,

et qui signifie « pouvoir royal ». Le sens de la phrase serait alors : Et abjicietis auctoritatem seu potestatem regiam, c’est-à-dire « vous perdrez ce faste, cette arrogance, cette autorité dont vous vous prévalez aujourd’hui ». Cf. Rosenmûller, Scholia in V. T., Prophète minores,

Leipzig, 1827, t. ii, p. 93. La ponctuation massorétique, d’après laquelle le verbe n ; r : Ttri, hislakténâh, est à la

forme hiphil, par conséquent active, semblerait favoriser cette opinion ; mais une double difficulté se rencontre. D’abord on ne comprend pas comment, pour une chose si souvent mentionnée dans l’Ancien Testament, le prophète eût employé ici un mot qui ne se retrouve pas dans l’ancien hébreu ; c’est la remarque de Keil, Die zwôlf kleinen Propheten, Leipzig, 1838, p. 193, n. 1. Ajoutons ensuite avec Rosenmiiller. loc. cit., que, si haharmônâh était un nom féminin. l’accent serait sur la dernière syllabe, tandis qu’il est placé sur la pénultième : le lié final est donc local ; à moins qu’on en fasse un lié paragogique. Kimehi, pensant que ri : 1.-", hartnônâh, est mis pour

n : '~-s, 'armûnàh (avec permutation entre hé et aleph),

adopte ce sens : « Vous vous précipiterez vous-mêmes dans le palais » ou la citadelle royale, pour fuir de là par une porte dérobée, comme fit Sédécias. IV Rcg., xxv, 4 ; Jer., xxxix, 4. C’est également, avec une légère variante, l’opinion de Gesenius, Thésaurus linguee heb., p. 390. Rattachant harmônâh à la racine inusitée nin,

hâram, identique à r _ x, 'âram, « être élevé, » il assimile

harmôn à 'armôn, « palais, citadelle, » et traduit ainsi le passage d’Amos : « Vous serez jetées, » c’est-à-dire captives, vous serez honteusement emmenées, « dans la citadelle ennemie. » Afin que ce sens fût acceptable, il faudrait au mot « palais » ou « citadelle » un déterminatif quelconque.

Pour les exégètes qui admettent ici un nom propre, c’est un nom de lieu ; pour quelques-uns seulement, un nom de déesse. Bochart, Phaleg., Cæn, 1646, p. 22, 23, se demande si nra, mônâh, ne serait pas identique à

iîd, Minnî, dont parle Jérémie, li, 27, contrée qui, jointe

à 'Arâratet 'Askenâz, doit correspondre à Minyas, partie de l’Arménie. En effet, dit-il, au lieu de Minni, le chaldéen a Harmênî, « Arménie ; » ce qui n’est probablement pas inexact, car le mot « Arménie » semble venir de > : D™in, Har-Mini, c’est-à-dire « montagne de Mini » ou de Minyas, dénomination qui s'étendit plus tard à toute la province. Vater, adoptant la leçon ru-n^n-, haharmônâh, avec un

heth, traduit ainsi : « Vous serez chassés vers l’Hermon, » c’est-à-dire que, pour être transportés en Assyrie, les Israélites devaient passer au delà du grand Ilermon, frontière septentrionale du royaume d’Israël. Reuss, Les Prophètes, Paris, 1876, t. i, p. 106, ne trouvant au texte imprimé aucun sens plausible, admet cette traduction, tout en la regardant comme purement conjecturale. Il ne lui manque, pour être acceptable, que d'être appuyée par un plus grand nombre de manuscrits.

Malgré leurs défauts, ces opinions sont encore plus admissibles que certaines conjectures des commentateurs modernes, rapportées et justement combattues par Keil, Die kleinen Propheten, p. 193. Hitzig veut décomposer nrainn en inrt, hàhâr, et ni^2, mônâh, mis pour n : 'yc,

me'ônâh : « vous vous précipiterez dans la montagne comme dans une place de refuge. » À ce sens s’oppose cette triple raison : 1° que le verbe hislik ne signifie pas « se précipiter » ; 2° que la contraction de me'ônâh en mônâh est invraisemblable, puisque Amos, au chapitre précédent, iii, 4, emploie me'ônâh ; 3° enfin que me'ônâh signifie « habitation », et non pas « place de refuge ». Ewald lit comme les Septante Hâhàr Rimmônâh, et traduit : « Vous jetterez dans la montagne la Rimmona, » qu’il tient pour une déesse des Syriens. Mais de cette divinité l’antiquité ne sait rien, et de l’existence du dieu Bimmon, mentionné IV Reg., v, 18, ne suit pas celle d’une déesse Rimmona. Encore plus faible est l’explication donnée par Schlottrnann, Hiob, p. 132, et Paul Botticher, Rudimenta mythologim semiliese, in-8°, Berlin,

1848, p. 10, d’après laquelle Harmônâh serait la déesse phénicienne Chusarthis, appelée par les Grecs 'Appovs’a. Ce dernier nom vientaussi peu du talmudique /Zarmdw que celui-ci du sanscrit pramâna (Bôtticher, p. 40) ; bien plus, Harmàn signifie « hauteur », de la racine sémitique /tarant, et l’on ne connaît pas de divinité Harman ou Harmonie* dans la religion phénicienne.

Le contexte n’apporte que peu de lumière pour la solution de la difficulté. S’adressant aux femmes de Samarie, qui, pour satisfaire leur amour du luxe et des plaisirs, ont poussé leurs maris aux plus injuslesexactions contre les petits et les pauvres, le prophète leur annonce le châtiment divin :

V- 2. Le Seigneur Dieu l’a juré par sa sainteté : Voici venir sur vous des jours Où Ton vous enlèvera avec des hameçons, Et vos enfants (ou celles qui resteront), avec dos harpons ?. 3. Et par les brèches vous sortirez, [de pêcheurs ; Chacune devant soi, Et vous serez chassées vers l’Harmon.

Le texte massorétique, nous l’avons dit, met à la forme hipliil le verbe qui précède Haharmônâh, dont il semble par là même faire un nom commun. Mais aux raisons que nous avons données pour éloigner ce sens, ajoutons que les anciennes versions ont lu ce verbe à la forme hophal, et l’ont traduit par le passif ou l'équivalent du passif. De Rossi cite un manuscrit qui porte cette leçon, et la plupart des commentateurs la trouvent plus conforme au contexte. Enfin une remarque tirée de la division même delà prophétie peut, par une certaine analogie, montrer qu’il s’agit ici d’un nom propre de lieu. G. Hoffman, Versuche zu Amos, dans la Zeitschrift fur die altlestamentliche Wissenschaft, Giessen, 1883, p. 102, voit dans notre verset la fin du premier oracle contre Israël, le second comprenant iv, 4-v, 27, et le troisième, vi, 1-15. Or les deux derniers se terminent par l’annonce des événements politiques qui seront le châtiment de l’injustice et de l’impiété d’Israël : 1° l’exil au delà de Damas, v, 27 ; 2° l’arrivée d’un peuple (les Assyriens) qui brisera la nation infidèle, « depuis l’entrée d’Emath jusqu’au torrent du désert, » vi, 15. II est donc vraisemblable qu’ici, IV, 3, Arnion indique un lieu d’exil. Quel est-il au juste ? Peut-être l’Arménie ; mais les moyens nous font défaut

pour en préciser la situation.
A. Legendre.

ARMONI (hébreu.'Armôni, « palatin », de 'armôn, « palais » ; Septante : 'Epuwvof), fils aîné de Saül et de Respha. David le livra aux Gabaonites, qui le crucifièrent avec ses frères sur la montagne près deGabaon. IIReg., xxi, 8.