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Préface (1738)
Recueil des historiens des Gaules et de la France, Texte établi par Léopold Delisle et Émile CampardonVictor PalméTome I (p. I-LXXIX).

PRÉFACE
SUR LA
NOUVELLE COLLECTION
DES HISTORIENS
DE FRANCE.



N
OUS entreprenons d’exécuter un projet formé depuis longtems par les personnes les plus capables de le conduire à sa perfection ; présenté successivement à différens Ministres qui ont cru s’honorer eux-mêmes en le favorisant ; et toujours arrêté par quelque nouveau genre d’obstacles : un projet aussi utile en soi que vaste dans ce qu’il renferme ; le plus important qui puisse être proposé pour la gloire de nos Souverains, et le plus intéressant pour nôtre Nation.

Sur la fin du XVIe siècle, Monsieur Pithou conçut le dessein de réunir en un corps les principaux Historiens de France, soit imprimés, soit manuscrits : les années 1588 et 1596 virent paroître les fruits de son travail. Mais comme s’il eût suffi à la France d’avoir donné aux États voisins un exemple, qu’ils s’empressèrent en effet de suivre ; une partie du siècle suivant s’écoula sans que personne entrât dans la carriere que l’illustre Pithou avoit ouverte, et se mît en devoir ou de suppléer à ce qu’il avoit omis, ou de continuer ce qu’il avoit commencé.

M. du Chesne, si digne par tant de titres du nom de pere de notre Histoire, publia en 1635 le plan d’une nouvelle Collection plus étendue et plus ample que la précédente. Au lieu que celle-ci composée seulement de deux volumes, l’un in-8o, l’autre in-folio, se terminoit à l’année 1285 ; celle-là devoit contenir en quatorze volumes in-folio, toute la suite des anciens monumens de l’Histoire générale de la Monarchie, depuis son origine jusqu’au regne d’Henri II. Les deux premiers furent mis au jour en 1636 ; pendant que le troisiéme et le quatriéme étoient sous la presse, un accident funeste enleva l’Auteur dans un âge où il pouvoit se flatter de recueillir toute la gloire que son entreprise lui promettoit. Néanmoins l’édition commencée de son vivant, fut achevée en 1641 par les soins de son fils, qui donna de plus en 1649 un cinquiéme volume, le dernier du recueil le plus complet que nous aïons eu jusqu’à présent.

Ce ne fut qu’en 1676 qu’un Ministre, protecteur des Lettres par cette supériorité de vues qui caractérise l’homme d’Etat, M. Colbert, invita plusieurs Savans assemblés chez lui à conférer en sa présence sur les moïens de perfectionner le projet d’André du Chesne. Par quelle fatalité faut-il que la présomption et la jalousie soient si souvent compagnes de la science, dans les hommes mêmes qui sembloient devoir être le moins susceptibles de l’une et de l’autre : et que les gens de Lettres ne sachent ni soutenir leur avis sans passion, ni attaquer sans aigreur celui des autres ? M. du Cange souffrit impatiemment que le sien n’eût pas prévalu, et la difficulté de le ramener au sentiment qui fut adopté dans les Conférences, rendit inutiles les favorables dispositions du Ministre. Celles de M. le Tellier, Archevêque de Reims, soutenues du crédit de M. de Louvois, de meurerent de même, quoique par un principe different, sans aucun effet. Le célebre P. Mabillon trouvant dans une humble défiance de soi-même des raisons pour se dispenser d’un travail, dont lui seul peut-être eût été capable, résista constamment aux solicitations du Prélat qui le pressoit de s’en charger.

Enfin, M. Daguesseau fut nommé Chancelier de France. Les Savans qui n’avoient pas pris moins de part à son élevation que les Ministres de la Justice, sentirent croître leurs forces avec leurs esperances. La Collection de nos Historiens fut une des premières entreprises que M. le Chancelier leur proposa pour exercer le zéle qu’ils lui montraient. Dans des Assemblées où il présidoit, on délibéra sur la maniere de l’exécuter ; et l’on convint d’un nouveau plan, qui étoit le résultat de plusieurs Mémoires dressés par des personnes choisies. Le laborieux et savant P. le Long, de l’Oratoire, se préparait à le suivre. Qui connoissoit mieux que lui les sources de notre Histoire, après les avoir indiquées dans sa Bibliothéque Historique ? Il s’appliqua tout entier à ramasser les pièces qui devoient entrer dans le Recueil qu’il méditoit : mais il mourut en 1721.

Dans ces circonstances, D. Denys de Ste Marthe fit agréer au Ministère que la Congrégation de S. Maur, dont il étoit Supérieur Général, se saisît d’un projet qu’on avoit lieu de regarder comme abandonné : et dès l’année 1723 il jetta les yeux sur nous pour l’exécution. Nous ne pouvions justifier son choix que par l’excès de notre zéle. Qu’il nous soit donc permis de nous rendre ce témoignage, que l’ardeur avec laquelle nous embrassâmes le travail qu’on nous imposoit, ne s’est jamais rallentie, et que nous n’avons pas cessé d’y rapporter toutes nos études. Le premier volume est déjà imprimé, et le second le sera dans quelques mois.

Dans les Conférences tenues, tant chez M. Colbert que chez M. le Chancelier Daguesseau, les Savans qui y avoient été appelés, convenoient qu’il falloit donner à la tête du Recueil une parfaite connoissance des Gaulois avant l’établissement des François dans les Gaules. M. du Cange vouloit pour cela qu’on réimprimât la premiere partie de l’Histoire de France de Dupleix, après l’avoir traduite en Latin. Quelque exacte que la suppose M. du Gange, elle ne mérite certainement pas qu’on lui fasse tant d’honneur. D’ailleurs, selon la réflexion de M. l’Abbé Gallois, il ne s’agit pas ici de donner une Histoire, mais seulement de compiler les Actes qui peuvent y servir. C’est aussi ce que nous faisons. Nous donnons des Extraits de tout ce qui se trouve dans les auteurs Grecs et Latins touchant les Gaulois. Pour les Grecs on les imprimera dans leur Langue originale avec la traduction Latine. Nous serons par-là dispensés d’imprimer les Traités particuliers de quelques modernes sur l’origine, les mœurs, les loix, etc. des anciens Gaulois. Nous aurons cependant soin de mettre en note au bas des pages leurs remarques et leurs réflexions, quand elles peuvent servir à éclaircir le texte des anciens Auteurs. Nous n’avons eu garde d’omettre les Commentaires de César sur la guerre des Gaules : mais nous ne nous sommes pas cru obligés de suivre le sentiment de M. du Cange qui vouloit qu’on imprimât aussi la traduction Gréque de Planudes, avec tous les Commentateurs de l’édition de Jungerman, et les autres que Jungerman n’avoit pas vus. Il est inutile de dire les raisons qui nous ont portés à n’être pas en cela de l’avis de M. du Cange : elles se font assez sentir d’elles-mêmes.

Cette partie, qui regarde nos anciens Gaulois, semblerait demander qu’on présentât en différentes Planches les monumens de leur tems, comme les Amphithéatres, les Aqueducs, les Arcs de triomphe, les Bains, les Obelisques, les Tombeaux, les Inscriptions, les Médailles : c’étoit l’avis de Messieurs du Cange et des Thuilleries ; et la chose seroit d’autant plus facile, qu’on trouve la plupart de ces monumens fort bien gravés dans les Antiquités de D. Bernard de Montfaucon. Mais comme ils font partie de l’Histoire des Provinces où ils se trouvent, nous les renvoïons aux Actes de l’Histoire particuliere. Nous mettrons à la tête du premier volume une Carte géographique des Gaules Cisalpine et Transalpine, dressée sur les descriptions des anciens, tant Historiens que Géographes. Nous ferons graver la partie de la Carte de Peutinger, qui regarde la Gaule, et nous la placerons à l’endroit qui lui convient. Le Volume sera terminé par quatre Tables ; la premiere contiendra les noms des villes, des lieux et des peuples ; nous mettrons dans la seconde les noms François des villes, avec les noms Latins ; la troisiéme sera pour les noms des personnes ; la quatriéme pour les matières. On trouvera des notes critiques dans les endroits qui en auront besoin. Nous marquerons en marge, autant qu’il sera possible, les années ausquelles se seront passées les choses énoncées dans le texte. En comptant les années depuis la fondation de Rome, nous ne suivons pas avec le P. Petau le calcul de Vairon ; mais nous suivons, comme Sigonius, celui de Verrius Flaccus, auteur des Fastes Capitolins. Ces deux sentimens diffèrent d’une année entière, en sorte que ceux qui suivent celui de Varron, mettent la prise de Rome par les Gaulois dans la 364 année depuis la fondation de cette ville ; au lieu que ceux qui suivent le calcul de Flaccus, la mettent dans la 363. Nous traiterons dans cette Préface plusieurs questions qui concernent les Gaulois, et nous en poserons le sujet ci-dessous. La Préface sera suivie d’une Table chronologique, c’est-à-dire, d’Annales Gauloises et Françoises, qui contiendront par ordre des tems les principaux faits dispersés ça et là dans le Volume.

Après avoir exposé ce que nous croions devoir précéder le Recueil des Actes de l’Histoire de France, il faut maintenant que nous parlions du Recueil même. Nous savions que la Collection de du Chesne, qui d’ailleurs finit au regne de Philippe le Bel, étoit très-défectueuse dans ce qu’elle contient ; et que les découvertes faites depuis sa mort avoient tiré de la poussiere des Bibliothèques un grand nombre de Pieces qu’il n’avoit pas connues. Personne n’ignore combien l’Histoire de France s’est enrichie par les utiles compilations des PP. Labbe, d’Achery, Mabillon et Martene, des Bollandistes et de M. Baluze. Notre premier soin a été de tirer des différens Volumes, que ces Auteurs ont publiés, tout ce qui nous a paru appartenir à notre dessein : et bien-tôt encouragés par le succès de leurs recherches, nous avons de notre côté fouillé dans les Bibliothéques qu’ils n’avoient pas eu occasion de parcourir. L’espérance que nous avions conçue d’y trouver des monumens qui leur avoient échapé, n’a pas été vaine ; soit par nous-mêmes, ou avec le secours de nos amis, soit par la bienveillance de plusieurs gens de Lettres, à qui nous faisons gloire d’avoir obligation, nous avons découvert tantôt des Manuscrits qui n’avoient point été consultés par les Editeurs, tantôt des Ouvrages qui n’ont jamais été imprimés. Telle enfin a été notre assiduité au travail, que les matériaux de l’Histoire des deux premières races déjà rassemblés dans nos porte-feuilles et disposés dans leur ordre, sont prêts à être donnés au Public ; et que la Collection de ceux qui concernent l’Histoire de la troisiéme est assez avancée, pour que nous osions présumer de voir la pousser jusqu’au regne de François I, si celui qui tient nos jours dans sa main, ne les abrége pas.

Il ne nous manquoit plus pour voir notre confiance égaler notre courage, que d’être éclairés par des lumières supérieures aux nôtres sur le choix de la méthode que nous devions suivre. Graces à la protection dont Monseigneur le Chancelier honore l’Ouvrage et les Auteurs, nous avons eu à cet égard plus de secours qu’il ne nous étoit permis de l’esperer. Ce premier Magistrat du Roïaume nous a fait l’honneur de nous appeller chez lui, et a bien voulu former une Assemblée de Savans pour l’examen de notre projet. C’est dans ces doctes Conférences qu’après avoir discuté en sa présence les différentes vues qui ont été proposées, on s’est arrêté, ou par son inspiration, ou par son choix, à celles qui nous ont dirigés dans le nouveau plan que nous suivons.

Les Savans sont partagés sur l’usage qu’on doit faire des Chroniques qui ne répétent que ce qui se trouve en d’autres Chroniques plus anciennes : les uns voudraient qu’on les donnât toutes entieres : d’autres soutiennent au contraire qu’il n’en faut prendre que ce en quoi elles différent. Ce sentiment est sans doute le meilleur, et c’est aussi celui que nous suivons : car pourquoi donner au Public des Piéces qui n’apprennent rien de nouveau, et qui ne font que grossir le Volume ? Les Annales, par exemple, qu’on attribue à Eginhard, ne font dans les commencemens que copier celles de Loisel : les Annales de S. Bertin copient aussi celles de Loisel et celles d’Eginhard. Il suffit d’imprimer les Annales de Loisel, et de marquer au bas des pages les différentes leçons qui se rencontrent dans les autres. Nous aurions souhaité faire la même chose pour l’Historia Epitomata, qui n’est qu’un abrégé de l’Histoire de Gregoire de Tours, et pour l’Histoire d’Aimoin, qui transcrit Grégoire de Tours, Fredegaire et quelques autres qui l’avoient précédé. Mais comme ces deux Ouvrages sont imprimés dans le du Chesne, et que d’ailleurs nous avons peu d’Actes pour la premiere race de nos Rois, on nous a conseillé de les donner.

M. du Chesne pour rendre son Recueil plus commode, a coupé plusieurs de ses Chroniques selon les différens regnes ausquels elles convenoient : bien des gens approuvent cette division, parce qu’on trouve rassemblé tout ce qui concerne chaque regne en particulier : d’autres prétendent qu’une bonne Table chronologique feroit le même effet, et veulent qu’on imprime les Chroniques tout de suite, et qu’on les place sous les regnes où elles finissent. Il y a des inconveniens de part et d’autre : mais le dernier sentiment est sujet à de plus grands. Si nous plaçons nos Chroniques sous les regnes où elles finissent, il n’y a plus de distinction entre les Actes des trois races de nos Rois : car comme les Chroniques vont d’une race à l’autre, parmi les Actes de la seconde race, il s’en trouvera de la première ; et parmi ceux de la troisième, il y en aura et de la première et de la seconde. Pour obvier à cet inconvénient, nous coupons nos Chroniques ; mais moins fréquemment que M. du Chesne. Nous prenons d’abord tout ce qui regarde la première race, ensuite ce qui concerne la seconde. Pour ce qui est de la troisieme, nous fixerons des époques, ausquelles nous couperons les Chroniques, comme, par exemple, depuis Huges Capet, jusqu’à la fin du regne de Louis VII, c’est-à-dire, depuis l’an 987 jusqu’en 1180 : ainsi nos Chroniques seront moins coupées, et il n’y aura pas autant de divisions que de regnes. Il seroit inutile de nous objecter que des Chroniques ainsi coupées perdent beaucoup de leur force : on ne cherche dans les Chroniques que des faits ; et le plus souvent ces faits n’ont aucune connexion les uns avec les autres. D’ailleurs nous sommes souvent obligés de retrancher de ces Chroniques bien des choses qui nous sont étrangères, et qui n’ont aucun rapport avec notre Histoire : si on peut en retrancher, on peut aussi les diviser. Nous donnerons les Chroniques Françoises de S. Denys, et nous les imprimerons à côté des Auteurs dont elles contiennent la traduction.

Nous ne poursuivrons le Recueil des Actes de l’Histoire générale que jusqu’à la mort de François I. Nous mettrons quatre Appendices à la fin de la premiere et de la seconde race, et dans la troisiéme à la fin de chaque époque. Le premier contiendra des Extraits des Vies des Saints, dans lesquelles on trouve une infinité de bonnes choses pour notre Histoire, qu’on chercherait inutilement ailleurs. On donnera en entier les Vies du Roi Sigebert, du Duc Pépin, de S. Leger, et quelques autres Vies qui concernent directement l’Histoire. Le second sera pour les Lettres historiques des Rois, des Papes, des Evêques, des Abbés, etc. On les rangera suivant l’ordre chronologique, à moins qu’on ne trouve plus à propos de joindre ensemble celles d’un même Auteur. On mettra un sommaire à la tête de chaque Lettre. Le troisiéme comprendra les Lois, les Formules, les Constitutions des Rois, des Extraits des Conciles et des Capitulaires, qui auront rapport à l’Histoire et aux Coûtumes. Dans la premiere race, on ne donnera que les Lois Saliques et celles des Ripuaires : on omettra celle des Bourguignons et des Visigots. Nous mettrons dans le quatriéme Appendice les Diplomes de nos Rois, on pourra les continuer jusqu’à Philippe Auguste inclusivement. A l’égard des Chartres des Rois suivans, on en pourra donner celles qui sont les plus considérables, et qui concernent l’Histoire ; comme celles qui regardent les Fondations des Eglises et des Monastères ; les Contrats de mariage, tant des Rois que des Princes du sang ; les Traités de Paix, de Treves et d’Alliance ; les Donations, les Acquisitions, les Réunions à la Cou ronne, les Appanages, les Testamens des Rois, des Reines et des Princes, et autres semblables Pieces. Pour ce qui est des Diplomes donnés dans des Pays qui ne font plus partie de la Monarchie Françoise, on n’en rapportera que l’inscription et la souscription. Les Diplomes paroissent plutôt appartenir au Recueil des Actes de l’Histoire particuliere des Provinces : cependant il est mieux de les voir recueillis tous ensemble à la fin de chaque race. On y renverra quand on sera à l’Histoire particuliere : car, comme le remarque fort judicieusement M. l’Abbé des Thuilleries, les Actes de l’Histoire générale et ceux de l’Histoire particuliere, ne doivent faire qu’un seul corps, et servir de supplément les uns aux autres.

Nous accompagnerons chaque Volume de Préfaces, de Notes critiques et de Tables. Nous aurons soin de marquer à la marge les années, quand elles ne seront pas énoncées dans le texte, et de les rectifier, quand il y aura faute. Tout cela manquoit à l’Edition de M. du Chesne. On trouve à la vérité des Tables à chaque Volume : mais les connoisseurs tombent d’accord qu’elles auraient pu être mieux faites. Outre les Tables que nous avons dit que nous mettrions au Volume qui concerne les Gaulois, on pourrait en ajouter ici encore deux autres ; l’une serait pour les mots barbares, dont on donnerait l’explication ; l’autre pour les Généalogies des Princes et autres grands du Roiaume, telles qu’elles seraient prouvées par les Actes du Volume. Il y aura au commencement de chaque race une Carte géographique pour représenter les États que nos Rois possédoient. Le Titre de l’Ouvrage, les Préfaces, les Annales ou les Tables chronologiques, et quelques autres choses seront en Latin et en François.

Quoique les Actes des Guerres saintes entreprises en différens tems par nos François, entrent d’eux-mêmes dans l’Histoire générale, cependant comme il les faudrait séparer, si on les mettoit sous les regnes auxquels ils appartiennent, nous avons résolu de les donner tous ensemble, pour qu’ils ne fassent qu’un corps. Outre les Actes que M. Bongars a imprimés, et ceux que M. du Chesne a mis dans son quatrième Tome, on en trouve encore dans les Bibliothèques un si grand nombre qui n’ont pas été imprimés, que ce Recueil des Actes qui regardent l’Histoire des Croisades, pourra aller à quatre ou cinq Volumes.

Pour orner et illustrer l’Ouvrage que nous entreprenons, il serait à propos de donner les Antiquités Françoises, et de faire graver pour cet effet les monumens qui nous en restent. On tirerait les portraits des Rois, des Reines, des Princes du sang et autres grands Seigneurs, des Eglises qu’ils ont bâties, des Monasteres qu’ils ont fondés, de leurs Tombeaux, des Edifices publics, et des vieux Livres écrits de leurs tems. Les cabinets des curieux nous fourniraient des Cachets, des Sceaux, des Pierres gravées, des Médailles, etc. Mais l’Ouvrage en cinq Volumes que D. Bernard de Montfaucon vient de donner touchant les monumens de la Monarchie Françoise, nous dispense de ce travail.

Il ne nous reste plus maintenant qu’à prier les Savans de nous faire part de leurs lumières, de nous aider de leurs conseils, et de nous communiquer ce qu’ils auroient de particulier concernant notre dessein. C’est ce que nous attendons de leur amour pour les Lettres, et de leur zéle pour la gloire de nos Rois et de la Nation Françoise.

Après avoir rendu compte de ce que nous avons fait, et de ce que nous devons faire dans la suite, il est à propos de traiter quelques questions touchant les Gaules et les Gaulois, afin que l’on voie ramassé sous un seul point de vûe ce qui est répandu dans le Volume. Nous traiterons I. De la Gaule, de ses différens noms, et de ses divisions. II. De l’origine des Celtes ou des Gaulois. III. Des noms des Celtes et des Gaulois. IV. De la Langue des Celtes ou des Gaulois. V. De la Religion des Gaulois. VI. Des Mœurs et des Coutumes des Gaulois. VII. Du Gouvernement des Gaules. VIII. Des Marseillois, et de leur République. IX. Des Expéditions des Gaulois. X. De l’Etat des Lettres dans les Gaules. XI. Conclusion de cette Préface.

Les chiffres marqués en marges, désignent les pages de ce Volume.


I.

De la Gaule, de ses différens noms, et de ses divisions.

Differens noms de la Gaule.Les Romains ont appelé Gaule Cisalpine et Citerieure la partie de l’Italie de la dont les Gaulois se sont emparé et qu’ils ont habitée. La Gaule Cisalpine a aussi été appelée Togata, à cause qu’on y portait la Toge, habillement des Romains en tems de paix. Dion Cassius ajoute une autre raison, parce que, dit-il, cette Gaule paroissoit plus pacifique que l’autre. Notre Gaule, qui est la Gaule proprement dite, a été appelée par les Romains Gaule Transalpine et Ultérieure, parce qu’elle est au-dela des Alpes par rapport à eux. On l’appeloit encore la Gaule Comata, parce que les Gaulois y portaient les cheveux fort longs. Quelques Auteurs la nomment aussi la Gaule derniere, intérieure et inférieure. La partie méridionale de cette Gaule Transalpine, qu’on nommoit la Gaule ou la Province Narbonnoise, s’appeloit Braccata, à cause de l’usage des Braies. Les Romains qui s’en étaient rendus maîtres long-tems avant Cesar, l’appeloient la Province Romaine. Cesar la nomme notre Province, et Appien l’ancienne Gaule. Elle a encore été appelée Bebrycie ; mais c’est une fable qui a donné lieu à ce nom.

Ses limites.La Gaule Transalpine, dont il est ici uniquement question, était contenue entre l’Ocean, la Méditerranée et les Alpes, et s’étendait depuis les monts Pyrenées jusques au bord du Rhein. Elle était bornée, selon Strabon, au couchant par les Pyrénées, au levant par le Rhein, au septentrion par l’Οcean Britannique, au midi par la Méditerranée et les Alpes. Ces bornes ne sont pas assez exactes : nous la bornons au septentrion par l’Ocean Britannique ; à l’orient par le Rhein, la grande Germanie, la Rhétie et une partie des Alpes avec l’Italie ; au midi par la mer Méditerranée, les Pyrénées et l’Espagne ; à l’occident par l’Ocean occidental.

Première division.César qui a réduit le premier la Gaule sous la puissance des Romains, du moins pour la plus grande partie, la divise en trois parties, qui sont la Belgique, l’Aquitanique et la Celtique. Il ne parle pas de la Narbonnoise, parce qu’elle faisoit déjà partie de l’Empire Romain, et qu’il ne fait mention que de la Gaule qu’il avoit subjuguée. La Celtique est, selon lui, séparée de l’Aquitaine par la Garonne, et de la Belgique par la Marne et la Seine : elle commence au Rhone, et elle est contenue entré la Garonne, l’Ocean et la frontiere de la Belgique : elle va même jusques au Rhein par le moien des Sequanois et des Helvetiens. La Belgique commence à la frontiere de la Celtique, c’est-à-dire, à la Seine et à la Marne, et s’étend jusques à la partie inférieure du Rhein. L’Aquitaine est enfermée entre la Garonne, les Pyrénées et cette partie de l’Ocean qui regarde l’Espagne. Tout le reste jusques aux Alpes étoit pour la Gaule Narbonnoise.

Seconde division.
IV Provinces, Belgique, Aquitanique, Celtique, Narbonnoise.
Auguste a divisé les Gaules en quatre parties, qui sont la Belgique, la Celtique ou Lyonnoise, l’Aquitanique et la Narbonnoise : et pour rendre ces parties plus égales, il a retiré de la Celtique quatorze Nations qu’il a attribuées à l’Aquitaine, et il a ajouté à la Belgique les Sequanois et les Helvetiens. Pline et Ptolemée ont suivi cette division, dont Strabon parle le premier : et il y a lieu de s’étonner que Pomponius ne la suive pas, puisqu’il est certain qu’il est postérieur à Auguste.

Troisième division.
VI Provinces. Les deux Germanies.
Tacite, en parlant de ce qui s’est passé sous l’Empereur Othon, fait mention des deux Germanies ; les uns pensent que ces deux Provinces ont été démembrées de la Belgique peu après Auguste ; les autres rapportent ce démembrement au regne de Néron.

Autres divisions.Il est difficile de marquer au juste le tems des autres divisions : elles auront été faites peu à peu sous différens Empereurs, en sorte que sous Honoré le nombre des Provinces étoit cru jusques à dix-sept. Vopiscus qui écrivoit avant la fin du troisiéme siécle, dit que les tyrans Procule et Bonose avoient attiré à leur parti les Bretagnes, les Espagnes et les Provinces de la Gaule Narbonnoise. Comme la révolte de ces tyrans arriva l’an 280, il paroît que la ViennoiseLa Viennoise. étoit déjà cette année divisée de la Narbonnoise, et qu’elle faisoit une Province particuliere. Une Inscription rapportée par Gruter, page 166, nous apprend que la SequanoiseLa Sequanoise. étoit une Province séparée de la Belgique sous l’Empire de Diocletien. Lactance ou l’Auteur du Livre de la mort des persécuteurs, dit que sous cet Empereur les Provinces de l’Empire furent partagées. Belgique II.
Novempopulanie.
Lyonnoise II.
XI Provinces.
Aussi lui attribue-t-on l’érection de la Sequanoise, de la seconde Belgique, de la Novempopulanie et de la Lyonnoise seconde. Il est fait mention de cette dernière dans une Loi du Code Théodosien de l’an 312. On comptoit donc onze Provinces sous l’Empire de Dioclétien. On croit que l’Empereur Constantin en instituant les quatre Préfets du Prétoire de l’EmpireAlpes Maritimes.
Alpes Gréques.
XIII Provinces.
, a uni aux Gaules les deux Provinces des Alpes Maritimes et des Alpes Gréques : ce qui feroit treize Provinces.

L’Aquitaine n’était pas encore divisée en deux Provinces en 358 ; car S. Hilaire, en adressant cette année sa Lettre des Synodes aux Evêques de toutes les Provinces des Gaules, ne fait mention que d’une seule Aquitaine. Gruter, page 465, nous donne une Inscription de l’an 362, où Saturnin est appellé Président de l’Aquitaine : ce qui prouve qu’en cette année 362 l’Aquitaine IIAquitaine II. n’étoit pas encore érigée en Province : elle l’aura sans doute été entre cette année et l’année 370, puisque Sextus Rufus, dans l’Abregé des gestes du peuple Romain qu’il composa vers l’an 370, parle le premier de l'Aquitaine II, en faisant l’énumération des quatorzeXIV Provinces. provinces des Gaules. On peut voir cette énumération page 564 de ce Volume.

Ammien Marcellin, qui écrivoit après Rufus, ne nous donne que douze Provinces ; il omet les Alpes maritimes et l’Aquitaine II. On ne peut pas dire pour l’excuser, que la Notice qu’il donne des Provinces des Gaules, soit rélative à l’année que Julien vint dans les Gaules : car outre que les Alpes Maritimes faisoient déjà une Province en 355, il paroît qu’il parle du tems auquel il écrivoit : On compte présentement, dit-il, telles Provinces dans toute l’étendue des Gaules. Il faut avouer bonnement que cet Auteur est très-peu exact : car entr’autres fautes qu’il fait en cet endroit, il attribue à la Lyonnoise I la ville de Bourges, qui appartenoit à l’Aquitaine I ; il donne aux Alpes Gréques Avenches qui étoit de la Sequanoise, et il place dans la Narbonnoise Eause, Métropole de la Novempopulanie.

Le Concile d’Aquilée de l’an 381 parle pour la première fois de la Narbonnoise IINarbonnoise II.. M. de Marca croit que cette Province fut érigée en 375 sous l’Empire de Gratien. On met encore sous le régné du même Empereur l’érection des deux Provinces Lyonnoise III etLyonnoises III et IV. Lyonnoise IV. Si nous joignons ces trois dernieres Provinces aux quatorze dont parle Sextus Rufus, nous aurons le nombre des dix-sept ProvincesXVII Provinces. énoncées dans l’ancienne Notice que nous a donné le P. Sirmond, et dans la Notice de l’Empire Romain. Nous avons imprimé la premiere en entier, et nous avons donné seulement des extraits de la seconde.

Il y avoit sur la fin du quatriéme siécle de l’Eglise une division des Gaules en Gaules proprement dites et en Cinq ProvincesLes V Provinces.. Le Concile de Valence en 374 est le premier qui parle de cette division : sa Lettre Synodique est adressée aux bien-aimés Freres Evêques établis par les Gaules et les Cinq Provinces. L’Empereur Maxime écrit en 385 au Pape Sirice qu’il assemblera un Synode ou de toutes les Gaules, ou seulement des Cinq Provinces. Une Loi des Empereurs Arcade et Honoré de 399 est adressée à Proclien, Vicaire des Cinq Provinces. Enfin les Evêques du Concile de Turin en 401 adressent leur Lettre Synodique aux Evêques établis dans les Gaules et dans les Cinq Provinces. Quelles étaient ces Cinq Provinces ? c’est sur quoi les Savans sont fort partagés. Nous nous abstenons de rapporter ici leurs différens sentimens : nous nous en tenons à celui du P. Lacarry, qui croit que ces Cinq Provinces étaient l’Aquitaine, la Novempopulanie, la Narbonnoise, la Viennoise et les Alpes Maritimes. Voiez la Note que nous avons faite sur le titre de la Loi d’Honoré, page 763 de ce Volume. Nous observerons seulement ici, comme nous l’avons fait toutes les fois que l’occasion s’en est présentée, que l’Aquitaine étoit regardée par les Anciens comme un corps séparé des Gaules. Or cette partie des Gaules, qu’on appelloit l’Aquitaine, ne comprenoit pas seulement l’ancienne Aquitaine, mais encore toute l’ancienne Narbonnoise, comme le prouvent les Auteurs de la Nouvelle Histoire de Languedoc. Ainsi il paroît que l’on ne doit chercher les Cinq Provinces, qui faisoient un corps séparé du reste des Gaules, que dans l’ancienne Aquitaine et dans l’ancienne Narbonnoise, comme a fait le P. Lacarry.

La Notice des Gaules, dont nous venons de parler, et qu’on croit avoir été dressée sous le regne de l’Empereur Honoré, nous donne une autre division des Gaules : elle les divise en Provinces Gallicanes et en Sept Provinces. Les VII Provinces.Il n’y a aucune difficulté sur le nom de ces sept Provinces : la Notice les nomme elle-même ; ce sont la Viennoise, les deux Aquitaines, la Novempopulanie, les deux Narbonnoises et les Alpes Maritimes. Elles sont les mêmes, comme l’on voit, que les Cinq Provinces, à l’exception que l’Aquitaine et la Narbonnoise sont chacune séparées en deux. Le Pape Zosime reconnoît cette division dans la Lettre qu’il écrit en 417 à tous les Evêques établis dans les Gaules et les Sept Provinces. L’Empereur Honoré dans sa Constitution de l’an 418 adressée à Agricola, Préfet du Prétoire des Gaules, ordonne aux Sept Provinces de se trouver à Arles tous les ans : il les nomme en général, et il ne parle que de deux en particulier, qui sont la Novempopulanie et l’Aquitaine II. La Notice de l’Empire Romain, qu’on rapporte au regne de l’Empereur Valentinien III, fait bien mention de sept Provinces ; mais on croit qu’il y a faute, et qu’il faut lire, dix-sept Provinces. La même Notice parle de l’intendant des Finances, et de l’intendant des biens particuliers des Cinq Provinces : mais pourquoi ne nomme-t-elle que cinq Provinces, puisque les sept avoient été instituées du tems de l’Empereur Honoré ? Les Auteurs de la nouvelle Histoire de Languedoc conjecturent, que les Visigoths s’étant déjà rendu maîtres de deux de ces sept Provinces, sçavoir, de l’Aquitaine seconde et de la Novempopulanie, les Romains n’en possédoient alors que cinq, et que depuis ce tems-là ils ne se servirent plus que du nom de cinq Provinces pour désigner cette partie des Gaules qu’on regardoit toujours comme faisant un corps distinct du reste de cette portion de l’Empire. Pour moi je croirois plus volontiers que les Cinq et les Sept Provinces étant la même chose, c’est-à-dire, contenant la meme étendue de pays, on les appelloit indifféremment tantôt les Cinq, tantôt les Sept Provinces. En effet il est certain qu’en 370 l’Aquitaine faisoit deux Provinces, et qu’en 381 la Narbonnoise II étoit déjà démembrée, ou de la Narbonnoise I, comme il y a plus d’apparence, ou de la Viennoise, comme quelques-uns le prétendent : cependant le corps séparé du reste des Gaules est appellé en 374 les Cinq Provinces, quoiqu’il y en eût au moins six : il est appellé du même nom en 385, 399 et 401, quoique certainement en ces années il fut composé de sept Provinces. Dans le tems que j’écris ceci, il me tombe entre les mains une Dissertation manuscrite de M. Gallet, lequel j’ai vu il y a environ vingt ans Supérieur du Séminaire de S. Louis, et qui est mort depuis quelques années Curé de Compan au Diocèse de Meaux. Ce très-habile homme prétend et prouve par des raisonnemens solides, que la Notice de l’Empire Romain a été faite en 401 : ce sentiment confirme ce que je viens de dire, que depuis l’établissement des Sept Provinces, ces mêmes Provinces n’ont pas laissé dans l’usage commun d’être appellées les Cinq Provinces. Si l’on admet l’époque de M. Gallet, c’est-à-dire, si la Notice de l’Empire Romain a été véritablement dressée en 401, il ne nous reste aucun monument depuis cette année, où il soit fait mention des Cinq Provinces : et il est probable que peu de tems après l’usage a prévalu de diviser les Gaules en Gaules et en Sept Provinces. Le P. Pagi rapporte l’institution des Sept Provinces à l’an 402, et l’attribue à Petrone Préfet du Prétoire des Gaules. L’institution étoit déjà faite en 381, comme nous l’avons vû ci-dessus : Petrone a seulement ordonné que les Sept Provinces s’assembleroient tous les ans dans la ville d’Arles, comme le dit la Constitution d’Honoré adressée à Agricola. On peut donc attribuer à Petrone, sinon l’institution, au moins l’appellation des Sept Provinces. La Notice des Gaules est le dernier monument où il soit parlé des Sept Provinces, les Visigoths et les autres Nations barbares s’en étant emparé, ainsi que du reste des Gaules. Le P. Pagi après M. de Marca, a prétendu que les Sept Provinces avoient donné leur nom à la Septimanie ; mais le P. Dom Vaissete dans son Histoire de Languedoc, fait voir que ce sentiment n’est pas soutenable.

Nous trouvons dans quelques Auteurs une autre division de la Gaule ; à sçavoir, en Citérieure et Ultérieure. Nous croions avec Dom Vaissete, que je viens de citer, que cette division est la même que la division en Gaules proprement dites, et en Sept Provinces : et que la Gaule n’étoit citérieure ou ultérieure que relativement ; en sorte qu’on prenoit pour la Gaule citérieure la partie des Gaules qu’on habitoit, et l’autre pour l’ultérieure. Voiez ce que nous avons dit à la page 639 de ce Volume.


II.

De l’origine des Celtes ou Gaulois.

Les origines de presque toutes les Nations sont si obscures, que ceux qui ont entrepris de les rechercher ou de les expliquer, ne nous ont donné le plus souvent que l’incertain pour le certain, que le faux pour le vrai. Ceux qui se sont appliqués, soit Anciens, soit Modernes, à rechercher l’origine des Gaulois, n’y ont pas mieux réussi ; ou ils ne nous donnent que des fables et des mensonges, ou ils ne s’appuient que sur de pures conjectures. Ammien Marcellin assure que les anciens Ecrivains n’aiant rien de certain sur la premiere origine des Gaulois, nous en ont laissé une connoissance très-imparfaite, et où il reste la moitié des difficultés : mais ce qu’il en dit lui-même d’après Timagenes, Auteur Grec, ne nous rend pas plus savans. « Quelques-uns ont assuré, dit-il, que les Gaulois étaient nés dans les pays où ils sont, qu’ils ont été appellés Celtes du nom de leur Roi, et Galates du nom de sa mere : car le mot de Galates en Grec signifie Gaulois ; d’autres ont dit que les Doriens aiant suivi le vieil Hercule, avoient habité les lieux voisins de l’Ocean. Les Druides racontent qu’à la vérité une partie du peuple étoit née dans le pays, mais que d’autres aussi y étoient venus des Isles éloignées et des contrées d’au-delà du Rhein, contraints de quitter leurs pays à cause des fréquentes guerres qu’ils y avoient à soutenir, et à cause des violens débordemens de la Mer. Il s’en trouve qui disent qu’après le sac de Troye, une poignée de gens fuiant les Grecs qui étoient répandus partout, trouva ces lieux vuides, et y fixa sa demeure. Mais ce que les gens du pays assurent par dessus tout, et que nous avons lû nous-mêmes gravé sur leurs monumens, c’est qu’Hercule, fils d’Amphitryon, se hâta de venir combattre les cruels tyrans Geryon et Tauriscus, dont l’un ravageoit les Espagnes, l’autre les Gaules : et que les aïant défaits l’un et l’autre, il eut commerce avec des femmes de bonne famille, dont il eut plusieurs enfans, qui donnèrent leurs noms aux pays où ils régnoient ». Hercule, selon Parthenius, revenant d’Erythie, parcourut la Celtique, s’arrêta chez un certain Bretannus, dont la fille Celtine éprise d’amour pour Hercule, lui cacha les bœufs de Geryon, et ne voulut pas les lui rendre, qu’il n’eût couché avec elle. Il en eut un fils nommé Celtus, d’où vient le nom de Celtes. Diodore de Sicile raconte la chose autrement sur le rapport des autres. Il dit qu’Hercule au tems de son expédition contre Geryon, prit son chemin par la Celtique, qu’il y bâtit la ville d’Alise, et que la fille du Roi de ce pays devint éperdument amoureuse d’Hercule, dont elle eut un fils appellé Galatés : que ce fils aiant succédé dans la suite au Roiaume paternel, donna à ses sujets le nom de Galates, d’où est venu celui de Galatie ou de Gaule. Cette diversité d’opinions répand plus de ténébres qu’elle n’apporte de lumière.

L’Historien Joseph dit que les Gaulois viennent de Gomer, fils aîné de Japhet. Gomar, dit-il, a été le pere et le fondateur des Gomarites, que les Grecs appellent Galates, ou Gaulois. Eustathe d’Antioche, S. Jerôme, Isidore, la Chronique Pascale, Joseph, fils de Gorion, donnent la même origine aux Gaulois. Joseph n’a point forgé cette opinion de son chef ; il est plus vraisemblable qu’il l’a puisée dans quelques anciens monumens. Il ne faut donc pas la rejetter légerement ; et le P. Dom Pezron ne serait pas à blâmer s’il s’étoit contenté de la soutenir, et qu’il en fut resté là. Mais lorsque dans son Livre intitulé, Antiquité de la Nation et de la Langue des Celtes, autrement appellés Gaulois, il fait venir les Gomerites de l’Asie, qu’il les conduit comme par la main dans le pays qu’on a appelle Gaule ; lorsqu’il recherche scrupuleusement les noms qu’ils ont eus, et l’étymologie de ces noms ; lorsqu’il examine soigneusement les terres qu’ils ont parcourues, et où ils ont fixé leur demeure ; il nous donne à la vérité de grandes preuves de son érudition, mais (ne lui déplaise) il se livre trop aux conjectures : et pour le faire voir, il ne faut qu’exposer son sentiment en abrégé.

Opinion du P. Pezron sur l’origine des Gaulois.Les Gomerites donc, si nous en croions le P. Pezron, habitérent la Margiane, la Bactriane et la Sogdiane. Ceux des Gomerites, qui avoient occupé les Provinces situées au nord de la Medie et du mont Taurus, furent appellés Scythes avec les autres Peuples septentrionaux. Ce qui est si vrai, dit Dom Pezron, que lorsqu’ils passèrent en Europe, et qu’aiant pris le nom de Celtes, ils s’y établirent, ils furent appellés Celto-Scythes par les anciens Grecs. Les Gomerites, qui habitaient la Margiane, pays riche et fertile, s’étant infiniment multipliés, ne vécurent pas long-tems dans le repos et la tranquillité : la jalousie et les dissensions s’étant glissées parmi eux, ils se divisérent en plusieurs factions, en sorte que ceux qui se trouvèrent les plus foibles, soit en force, soit en nombre, furent contraints de quitter le pays. Ces fugitifs aiant passé les vastes montagnes qui sont au midi de la Margiane, entrèrent dans un pays alors occupé par les Medes, et ils s’y établirent. Et comme ils avoient été chassés de leur pays, ils furent appellés Parthes, comme si vous disiez, séparés des autres, bannis, exilés : car encore aujourd’hui Parthu signifie séparer, diviser en Langue Celtique qui étoit celle des Gomerites. C’est de ces mêmes Parthes que sont venus les Perses. Après cela le P. Pezron n’est pas surpris de trouver un grand nombre de mots Celtiques dans la Langue des Perses : ceux-ci les ont reçus des Parthes, les Parthes des Gomerites, auxquels les Celtes doivent leur origine.

Les Gomerites bannis, appellés Parthes, pour se venger de ceux qui les avoient chassés, leur donnérent le nom de Saques, qui veut dire larrons, brigands. Voilà l’origine des Saques, selon le P. Pezron, qui en cela, comme dans les autres choses qu’il forge à plaisir, ne mérite aucune créance : mais continuons de l’écouter. Les Gomerites appellés Saques s’étant trop multipliés, menèrent des Colonies en différentes parties de l’Asie. Les Saques, dit Strabon, se sont rendus maîtres du meilleur pays de l’Arménie, auquel ils ont donné le nom de Sacasene. Isidore l’appelle la Sacastene, c’est-à-dire, pays des Saques : car stan et tan signifie pays en Langue Celtique. Ce qui prouve clairement, à ce que prétend D. Pezron, que la Langue des Saques ou des Gomerites est la même que celle des Celtes. Les Saques n’occupérent pas seulement l’Arménie ; mais, suivant le même Strabon, ils s’avancèrent dans la Cappadoce, et principalement dans la partie qui est proche du Pont Euxin, et qu’on appelle Pontique. Les Saques donc établirent une florissante Colonie dans les contrées de la Cappadoce, arrosées par l’Iris et le Thermodon. Mais quel fut le chef de cette Colonie ? vous le chercherez inutilement dans les anciens Auteurs : le P. Pezron que rien n’arrête, vous le trouvera sur le champ, et sans se donner de grands mouvemens. Ce fut Acmon, fils de Mance, qui dans la suite passa dans la Phrygie avec les Saques, qui y prirent le nom de Titans. Comment se fit ce changement de nom ? c’est ce que D. Pezron n’a pu deviner.

Acmon eut pour successeur son fils Urane, qui aïant passé le Bosphore, s’empara à main armée de la Thrace, de la Gréce et de l’Isle de Créte : non content de ces avantages, il fit des courses dans les autres Provinces de l’Europe, et pénétra jusques aux extrémités de l’Espagne. Saturne le plus jeune des enfants d’Urane se révolta contre lui, lui enleva plusieurs de ses Provinces, et le dépouilla d’une grande partie de son autorité. Urane étant mort, Saturne commanda seul aux Titans, et prit la qualité de Roi : mais il fut vaincu et pris avec sa femme Rhéa par Titan son frere aîné. Jupiter qui étoit dans l’Isle de Créte, où il avoit été élevé, aïant appris la triste et fâcheuse situation de son pere, partit avec un grand nombre de Crétois, livra bataille à son oncle Titan, et le défit lui et ses enfans. Après avoir retiré son pere et sa mere de prison, et les avoir remis sur le Trône, il s’en retourna dans l’Isle de Créte. Mais dans la suite Saturne aïant attenté à la vie de Jupiter, étant même venu en Créte pour le surprendre et le faire périr, Jupiter l’attaqua ouvertement ; et l’aïant défait, il l’obligea de s’enfuir en Italie. Jupiter étant devenu le maître de tout confia à son frere Pluton le gouvernement des Provinces qui étoient vers l’Occident, c’est-à-dire, des Espagnes et des Gaules. Et voilà la véritable raison, pourquoi les Gaulois dans César se disent descendus de Pluton. Après la mort de Pluton, Jupiter donna à son fils Mercure l’Empire d’Occident, qui comprenoit au moins l’Italie, la Gaule, l’Espagne, et peut-être même la Germanie. Mercure par son esprit et par son éloquence adoucit la férocité de ses Sujets, leur donna des Loix, inventa les Arts, établit le commerce entre les peuples d’Occident. Les Titans ou les Celtes, habitans des Gaules, furent si reconnoissans des bienfaits qu’ils avoient reçus de Mercure, qu’ils eurent pour lui une profonde vénération pendant l’espace de deux mille ans. Les Gaulois, dit Cesar, révérent Mercure plus que tous les autres Dieux.

Voilà en abrégé l’opinion du P. Pezron sur la première origine des Gaulois : et j’ai cru que pour la réfuter, il suffisoit de l’exposer. Ceux donc, selon D. Pezron, qui habitent les Gaules, furent d’abord appelés Gomerites, puis Parthes et Saques, après Titans, enfin Celtes et Gaulois. Pour prouver que les Celtes ou Gaulois ont été de vrais Titans, il se sert de deux argumens qu’il croit invincibles. Il appuie le premier sur les noms des Rois et des Reines des Titans : lesquels noms sont tous pris de la Langue des Celtes. Les Savans voient quel cas on doit faire d’une telle preuve. Il fonde le second argument sur l’autorité de Callimaque, à qui il fait dire que les Celtes sont les descendans des Titans. Callimaque dit seulement que les Celtes sont des Titans nés long-tems après, et il ne veut dire autre chose, selon son Scholiaste, sinon que, comme les Titans ont fait la guerre à Jupiter, les Celtes la déclareront de même à Ptolomée Philadelphe.

Je crois en avoir dit plus qu’il ne falloit sur le sentiment de D. Pezron. Je m’abstiens de rapporter les opinions des autres sur l’origine des Gaulois : ce ne sont que conjectures, que mensonges, que fables.


III.

Des noms des Celtes et des Gaulois.

Il est absolument incertain d’où les Celtes et les Gaulois ont pris leurs noms. Car les uns, comme nous avons vu ci-devant, font venir les Celtes d’un Roi nommé Celtus, et les Galates de sa mere appellée Galaté : les autres prétendent que les Celtes tirent leur nom d’un certain Celtus, fils d’Hercule et de Celtiné, et les Galates de Galatés, autre fils d’Hercule. Quelques-uns disent que Celtus et Gallus, fils de Polyphéme et de Galatée, ont donné leurs noms aux Celtes et aux Galates : il s’en trouve enfin qui, à cause que les Gaulois sont blancs de corps, font venir le nom de Galates du mot Grec γάλα, qui signifie lait. Tant de différens sentimens rendent la chose plus incertaine et plus obscure.

Le nom de Celtes chez les Anciens n’étoit pas propre et particulier aux seuls habitans des Gaules ; il avoit une signification plus étendue. Les Celtes, dit Herodote, sont au-delà des Colonnes d’Hercule, ils sont voisins des Cynetes, et les derniers de tous ceux qui en Europe habitent au couchant. Ephore dans Strabon divise la terre en quatre parties, et place les Celtes dans celle qui est vers l’Occident : le même Auteur fait la Celtique d’une si grande étendue, qu’il donne aux Celtes presque toute l’Espagne jusqu’à Cadiz. Les nations Septentrionales connues, dit Strabon, étoient d’abord appellées d’un seul nom Scythes ou Nomades : et dans la suite dès qu’on eut connu les pays Occidentaux, on commença à les appeller Celtes, Iberiens, ou, les deux noms joints ensemble, Celtiberiens et Celtoscythes. Plutarque rapporte que quelques-uns disoient que la Celtique s’étendoit depuis l’Océan et les pays Septentrionaux jusques à l’Orient vers le Palus Méotide, et qu’elle touchoit même à la Scythie Pontique. Cependant Cesar ne donne pas même le nom de Celtes à tous les Gaulois : car après avoir divisé la Gaule en trois parties, il dit que l’une est habitée par les Belges, l’autre par les Aquitains, et la troisième par ceux qui en leur Langue s’appellent Celtes, et que les Romains appellent Gaulois. Nous apprenons de Strabon que les Gaulois, qui habitoient la Province Narbonnoise, avoient autrefois été appelés Celtes : et il croit que la réputation des Narbonnois avoit donné lieu aux Grecs de donner le nom de Celtes à tous les Gaulois, ou que les Marseillois n’y avoient pas peu contribué à cause du voisinage. Voici de quelle maniere Diodore de Sicile distingue les Celtes des Gaulois : Ceux, dit-il, qui occupent le pays le plus avancé au-dessus de Marseille, et qui habitent les environs des Alpes et en deça des Monts Pyrenées, s’appellent Celtes : mais ceux qui au-dessous de cette même Celtique occupent les parties situées vers le midi, l’Ocean et le mont Hercynie, et tous ceux mêmes qui s’étendent jusques à la Scythie, se nomment Gaulois. Cependant les Romains comprennent généralement toutes ces Nations sous le nom de Gaulois. Ainsi il ne faut plus s’étonner si Diodore appelle Gaulois les Germains que César dompta au-delà du Rhein. Dion Cassius au contraire par les Celtes entend toujours les Germains, et il dit que c’est le Rhein qui sépare les Gaulois des Celtes, c’est-à-dire, des Germains : il croit cependant qu’anciennement les peuples qui bordoient le Rhein des deux côtés, n’avoient que le seul nom de Celtes. Pausanias prétend que dans les tems les plus reculés, les Gaulois se sont toujours appellés eux-mêmes Celtes, et que les autres les appelloient de même : et que la coutume de les appeller Gaulois n’est venue que fort tard. Les autres, comme Plutarque, les nomment indifféremment Celtes et Gaulois. L’Empereur Julien semble quelquefois les distinguer les uns des autres : cependant ailleurs par le nom de Celtes, il entend les Gaulois : Autrefois, dit-il, j’étois en quartier d’hyver dans ma chere Lutece : car c’est ainsi que les Celtes appellent la petite ville des Parisiens. Ceux que les Grecs ont nommés Galates, et le pays qu’ils ont nommé Galatie, ont été appellés par les Latins Gaulois et Gaules, ainsi que par les Grecs du moien âge.

Il est constant, par ce que je viens de dire, que les Anciens ont donné le nom de Celtes à plusieurs nations, tant Septentrionales qu’Occidentales : ainsi je n’oserois rapporter aux Gaulois tout généralement ce que nous trouvons écrit touchant les Celtes. Car, par exemple, les Celtes dans Strabon et dans Arrien interrogés par Alexandre ce qu’ils craignoient le plus, ils répondent qu’ils n’appréhendent rien tant que d’être écrasés par la chute du Ciel. Qui pourra affirmer que les Gaulois ont fait véritablement cette réponse ? Qui fera un procès à l’Auteur du Supplément de Quint-Curce, parce qu’il la met cette réponse dans la bouche des Germains ? De plus, parce que les Géographes placent dans les pays Occidentaux les Celtes, les Celtiberiens et le Promontoire Celtique, parce qu’ils mettent dans les régions Septentrionales les Celtes et les Celtoscythes, irai-je pour cela avec quelques modernes faire sortir les Gaulois de leurs demeures pour aller s’emparer de tous ces pays et y conduire des Colonies ? Peut-être aussi que lorsque les Auteurs Latins emploient le nom de Gaulois, on ne doit pas les entendre à la rigueur, en sorte que ce qu’ils racontent des Gaulois, ne puisse pas convenir à d’autres : il s’est fort bien pu faire qu’ils aient attribué aux Gaulois ce qu’ils ont trouvé écrit des Celtes. Car pour dire en un mot mon sentiment, je suis persuadé que tous les Gaulois étoient Celtes, mais que tous les Celtes n’étoient pas Gaulois.

L’opinion du P. l’Empereur, Jésuite, sur le nom de Gaulois est si singulière qu’elle mérite de trouver place ici. Il s’imagine que le nom Galli a été donné à la nation Celtique par les Romains comme une espece de sobriquet, à cause que par leur parure et par leurs manieres, ils ressembloient beaucoup à l’oiseau appellé Gallus, c’est-à-dire au Coq.


IV.

De la Langue des Celtes ou Gaulois.

Si l’origine des Celtes est tout-à-fait obscure et incertaine, l’origine de leur Langue ne l’est pas moins : c’est ce qui cause cette si grande diversité de sentimens. Car les Savans appercevant dans presque toutes les Langues un grand nombre de mots Celtiques, vont chercher l’origine de la Langue Celtique ; les uns chez les Hebreux, les autres chez les Phéniciens, ceux-ci chez les Scythes, ceux-là chez les Grecs, quelques-uns chez les Latins, d’autres enfin chez les Germains. D. Paul Pezron, qui, comme nous avons vu ci-dessus, fait descendre les Celtes de Gomer fils de Japhet, et qui après leur avoir donné différens noms, les fait promener dans presque toutes les parties de l’univers, n’est pas surpris de trouver dans la Langue Celtique des mots Syriaques, Chaldaïques, Arabes et d’autres : car les Celtes les auront puisés dans ces Nations, dont ils ont été voisins. Qui plus est, ce Pere prétend et tache de prouver qu’une infinité de mots Grecs, Latins et Germains dérivent de la Langue Celtique, comme de leur source. Il est vraisemblable qu’anciennement toutes les Nations Celtiques parloient le même langage. Cluvier prouve par plusieurs raisons que les Germains, les Illyriens, les Bretons et les Espagnols parloient la Langue Celtique, qu’ils ne différoient que dans les dialectes. Boxhorne prétend que les anciens Gaulois et les anciens Germains avoient presque tout commun, et principalement le langage. Ce qui doit s’entendre des Germains les plus anciens, puisqu’il est constant que du tems de Cesar les Germains et les Gaulois ayoient un langage différent : car il rapporte qu’Arioviste, Roi des Germains, avoit appris la Langue Gauloise dans le long séjour qu’il avoit fait dans les Gaules. Tacite nous apprend que le langage des Bretons étoit peu différent de celui des Gaulois. D’ailleurs c’étoit la coutume chez les Gaulois, selon César, que ceux qui vouloient s’instruire plus à fond de la doctrine des Druides, passassent dans la Bretagne : il falloit pour cela que les Bretons parlassent la même langue que les Gaulois. Cette Langue Gauloise s’est conservée jusqu’aujourd’hui sans altération dans cette partie de la grande Bretagne, qu’on appelle le pays de Galles : c’est aussi celle dont se servent encore aujourd’hui nos Bas-Bretons, peuples situés sur les côtes de l’Océan. C’étoit aussi du tems de César la Langue que parloient les Celtes qui habitoient la troisième partie des Gaules, qui fut appellée depuis la Gaule Lyonnoise. De même que les Celtes, ont été appellés Gaulois par les Romains, aussi leur Langue a-t-elle été nommée la Langue Gauloise. Cependant dans la suite des tems on ne donna le nom de Langue Gauloise, qu’à celle qui fut formée de la Latine, ensorte que peu à peu ce fut deux choses différentes de parler Celte et de parler Gaulois. C’est pour cela que Sulpice Severe introduit une personne qui tient ce cours à un autre : Ou parlez Celte, ou parlez Gaulois, si vous aimez mieux.

Cesar assure que de son tems les Belges, les Aquitains et les Celtes avoient entr’eux un langage différent. Bien des gens estiment que ce n’étoit pas la Langue qui fut différente, mais les dialectes seulement : de même qu’aujourd’hui nous disons que les Provençaux, les Languedociens, les Auvergnats et les habitans des autres Provinces des Gaules parlent différemment, quoiqu’au fond la Langue soit la même, et que la différence ne soit que dans le dialecte. Saint Jerôme me paroît résoudre la question lorsqu’il dit que les Galates, outre le langage Grec dont se sert tout l’Orient, ont leur Langue propre, qui est à peu près la même que celle des Trevirois. Or les Trevirois étoient Belges, les Tectosages qui établirent la Galatie, étoient certainement Celtes. Les Belges donc et les Celtes avoient la même Langue. Comme les Belges sont voisins des Germains, qui ont leur demeure au-delà du Rhein ; comme outre cela il est constant que la plupart deux venoient des Germains, et qu’ils avoient passé le Rhein pour venir se loger dans des lieux fertiles après en avoir chassé les Gaulois qui y habitoient ; on ne doit pas être surpris si du tems de César ils avoient déjà souffert quelque changement dans leur Langue. Les Aquitains aussi à cause du voisinage de l’Espagne et de leur commerce avec les Espagnols, auront fort bien pû introduire dans leur Langue quelques mots Espagnols.

La Gaule Narbonnoise, qui étoit une Province Romaine long-tems avant César, en recevant des Romains le joug de la servitude, reçut en même-tems celui de leur Langue. Les autres Provinces des Gaules, après qu’elles furent vaincuës par César, et qu’elles devinrent Provinces de l’Empire Romain, subirent le même joug, si cependant l’on en excepte quelques peuples de la Gaule Lyonnoise, c’est-à-dire les Bas-Bretons, qui ont conservé jusqu’à présent le langage Celtique. Les Gaulois néanmoins en prenant la langue des Romains, n’ont pas absolument abandonné la leur : car ils ont retenu un grand nombre de mots Celtiques, dont ils se servent encore aujourd’hui. Antonius Primus né à Toulouse, zelé défenseur du parti de Vespasien fut surnommé Beccus dans sa jeunesse, comme nous l’apprend Suétone, qui ajoute que ce mot signifioit bec de coq. Nous nous servons encore aujourd’hui de ce mot pour exprimer non seulement le bec du coq, mais encore celui de toute sorte d’oiseaux.

Les Marseillois, qui tiroient leur origine des Phocéens peuples de l’Ionie dans l’Asie, ne parlaient pas seulement Grec, mais ils mirent encore l’étude du Grec en si grande vogue dans les Gaules, que les formules mêmes des contrats s’écrivoient en Grec. Ils persuaderent même aux plus nobles d’entre les Romains de venir à Marseille apprendre cette langue, au lieu d’aller à Athènes. Les Romains et les Gaulois qui venoient étudier à Marseille, y apporterent leurs langues ; de sorte que Varron, au rapport d’Isidore, dit que les Marseillois avoient trois langues, parce qu’ils parloient Grec, Latin et Gaulois, c’est-à-dire, Celte. Les Rhodiens dans Tite-Live, disent qu’ils avoient appris que les Marseillois étaient honorés et considérés par les Romains, autant que s’ils demeuroient au milieu de la Grèce ; que la communication avec leurs voisins n’avoit non seulement, ni changé, ni corrompu le son de leur langue et leur maniere de s’habiller : mais sur-tout que leurs mœurs, leurs loix, leur génie n’en avoient souffert aucune altération. Plusieurs ont cru que la langue Gréque avoit été en usage, non seulement chez les Marseillois, mais encore chez les autres peuples des Gaules : ils appuioient leur sentiment sur l’autorité de César, qui assure qu’on avoit trouvé dans le camp des Helvétiens des tables écrites en lettres Gréques et qu’on les lui avoit apportées. Mais par ces lettres Gréques César n’entend pas la langue Gréque, mais seulement les caractéres Grecs, ou il se contredit lui-même : car si les Gaulois eussent sçu le Grec, et qu’ils se fussent servi non-seulement des caractéres, mais même de la langue Gréque ; pourquoi César envoie-t-il à Ciceron une Lettre écrite en Grec, de peur que si cette lettre est interceptée, les Gaulois ne connoissent ses desseins ? César en cet endroit se sert aussi de ces mots, lettres Gréques ; mais elles signifient nécessairement la langue Gréque ; au lieu que dans l’endroit précédent elles doivent s’entendre des caractéres Grecs. On cite un autre passage de César, où en parlant de la doctrine des Druides, il dit qu’ils croioient qu’il n’étoit pas permis de rien écrire de leurs Dogmes, au lieu que dans presque toutes les autres choses, et dans les comptes tant publics que particuliers, ils se servoient de lettres Gréques. Il est évident qu’il ne s’agit pas ici de langue, mais de caractéres, et qu’on oppose seulement la coûtume de ne rien coucher par écrit de ce qui concernoit la Religion, à la coûtume d’écrire les choses qui regardoient le Civil.


V.

De la Religion des Gaulois.

Je ne prétens pas traiter à fond la Religion des Gaulois : je n’en ai pas le tems, et cela n’est pas de mon sujet. Je n’avancerai rien que de certain, et je ne me livrerai pas aux conjectures. A cause que Diodore de Sicile, par exemple, appelle mal-à-propos Gaulois les Germains subjugués par César au-delà du Rhin, et parce qu’il donne le nom de Gaulois aux peuples situés à l’Océan et vers la Forêt d’Hercynie, et à tous ceux qui s’étendent jusqu’à la Scythie ; je ne ramasserai pas pour cela ce que les Anciens ont dit de la Religion et des Dieux de ces peuples pour l’attribuer aux Gaulois. Je ne m’arrêterai pas non plus à rechercher l’origine des Dieux des Gaulois, ni celle du culte qu’on leur rendoit : je n’examinerai pas si les Gaulois ont eu des Temples ou non, cela me meneroit trop loin : je marquerai seulement ce qu’en ont dit les Anciens. Pour les Monuments déterrés en différens tems, et qui peuvent regarder la Religion des Gaulois, ils ont été expliqués par d’habiles gens, et l’on peut consulter leurs ouvrages.

Sacrifices des Gaulois.« Tous les Peuples des Gaules, dit César, sont fort superstitieux : et c’est pour cela que lorsqu’ils ont de grosses maladies, ou qu’ils se trouvent dans quelques combats ou en danger de leur vie, ils immolent des hommes au lieu de victimes, ou ils font vœu de les immoler : et ils se servent pour ces sacrifices du ministère des Druides. Ils s’imaginent que la vie d’un homme ne peut être rachetée que par celle d’un autre homme, et que les Dieux ne peuvent être appaisés autrement : ils ont des sacrifices publics de cette sorte. D’autres ont des statues de grandeur énorme tissues d’osier ; et après en avoir rempli le vuide d’hommes vivans, ils y mettent le feu, et ces pauvres victimes y sont bien-tôt étouffées et consumées par la flamme. Ils croient que les supplices des voleurs et des autres malfaiteurs sont plus agréables aux Dieux ; cependant quand ils n’ont pas de ces criminels, ils sacrifient des innocens. » Ils avoient, selon Strabon, d’autres manieres de sacrifier les hommes : ou il les perçoient de coups de fléches, ou il les attachoient à une croix : ils élevoient en forme de colosse un grand monceau de foin ; ils y jettoient grande quantité de bois, et ils y brûloient des hommes et toutes sortes d’animaux. Les Gaulois, dit Diodore de Sicile, après avoir gardé leurs criminels pendant cinq ans, ils les attachent à un poteau, et les immolent à leurs Dieux avec plusieurs autres prémices. Ils en font autant à leurs captifs : quelques-uns d’entr’eux tuent ou brûlent avec les hommes tous les animaux qu’ils ont pris à la guerre. Plusieurs autres Auteurs font aussi mention de la coutume qu’avoient les Gaulois d’immoler des hommes : nous rapportons leurs passages dans ce Volume.

Les Dieux que les GauloisDieux des Gaulois., selon Lactance, s’imaginoient se rendre propices par ces sortes de victimes, étaient Esus et Teutates : tous les Antiquaires croient qu’Esus est Mars, et Teutates Mercure. D. Jacques Martin est seul d’un sentiment contraire quant à Esus : voyez ce qu’il en dit au Tome I. de la Religion des Gaulois, Livre 2. Chapitre 2. Lucain joint Taranes à Esus et à Teutates ; et il dit que l’Autel de ce Taranes, qu’on croit être Jupiter, n’est pas moins cruel que l’autel de la Diane de Scythie. César dit que les Gaulois adoroient Mercure, Apollon, Mars, Jupiter et Minerve : mais qu’ils avoient une vénération plus particulière pour Mercure. Ils avoient sur ces Dieux, selon le même, presque la même opinion que les autres Nations : ils regardoient Mercure comme l’inventeur de tous les Arts : ils croioient qu’il présidoit aux chemins, qu’il pouvoit beaucoup pour le négoce et pour faire avoir de l’argent ; qu’Apollon chassoit les maladies ; que Minerve donnoit le commencement aux Manufactures, aux Arts et aux Métiers ; que Jupiter avoit l’empire des cieux ; et que Mars conduisoit les guerres. C’est pour cela qu’ils dévouoient à Mars tout ce qu’ils prenoient à la guerre : de ce qu’ils y avoient pris, ils en immoloient les animaux, le reste ils l’amassoient dans un endroit sans oser y toucher. Si quelqu’un négligeant ce point de Religion osoit ou toucher à ce monceau, ou se reserver quelque chose de ce qui avoit été pris, il étoit puni du dernier supplice. Les Gaulois donnoient à Mars le nom de Camulus, comme l’on voit dans deux Inscriptions de Gruter que nous avons données, page 144 : on ne sait guéres la véritable signification de ce nom. Il est nommé dans une autre Inscription Mars Vincius : on croit qu’il tire ce nom de la ville de Vence où il étoit honoré. Mercure tenoit le premier rang entre les Dieux des Gaulois : cependant dans l’une des Inscriptions que nous venons de citer, il n’est nommé que le quatriéme. Zenodore fameux Statuaire, a mis dix ans à faire pour les Auvergnats une statue de Mercure, laquelle, au rapport de Pline, revenoit à quarante millions de Sesterces ; ce qui fait quatre millions de notre monnoye. Quoique Cesar ne mette point Hercule au nombre des Dieux des Gaulois, on ne peut raisonnablement douter que son culte n’ait été en vogue chez eux, avant même que César vînt dans les Gaules. On ne saurait appuier ce culte sur les Inscriptions, parce qu’elles auraient pu être faites depuis le tems de César : mais comme nous apprenons des anciens Auteurs qu’Hercule étoit venu dans les Gaules, qu’il y avoit bâti la ville d’Alise, qu’il y avoit épousé une femme, dont les enfans avoient donné leurs noms aux Gaulois ; et comme les Gaulois même du tems d’Ammien Marcellin avoient des monumens qui attestaient ces faits, il est à présumer que pour témoigner à ce Dieu leur reconnoissance, ils lui ont rendu un culte tout particulier. En effet, Lucien fait mention d’un Hercule que les Gaulois appelloient Ogmius, et qu’ils peignoient d’une maniere nouvelle et inusitée : il ajoute que comme il paroissoit surpris d’une peinture si extraordinaire, un Philosophe Gaulois en la lui expliquant lui avoit dit : Nous autres Gaulois nous ne prenons pas Mercure pour le Dieu de l’éloquence, comme vous autres Grecs : mais nous attribuons l’éloquence à Hercule, parce qu’il a été bien plus fort que Mercure. Strabon rapporte que Q. Fabius Maximus, après avoir taillé en pieces deux cens mille Gaulois à la jonction de l’Isere et du Rhone, y avoit construit deux Temples, l’un à Mars, l’autre à Hercule : si cela ne prouve pas qu’Hercule fut un Dieu des Gaulois, on voit du moins que son culte avoit été apporté dans les Gaules par les Romains soixante ans avant que César y entrât. Apollon avoit un Temple à Marseille, ainsi qu’à Toulouse et à Autun. Les Gaulois déifioient les villes, les forêts, les montagnes : nous trouvons dans les Inscriptions les Dieux Nemausus, Vosegus, Penninus, les Déesses Ardoinne, Aventia, Bibracte, la Déesse des Vocontiens, la Déesse de Feurs, ville des Segusiens, etc. Les Gaulois avoient un si grand respect pour le vent Circius, qu’ils lui rendoient des actions de graces, lors même qu’il renversoit leurs maisons, comme s’ils lui étoient redevables de la bonté de l’air qu’ils respiroient. Auguste étant dans les Gaules lui fit construire un Temple. La Déesse Epone étoit honorée à Soleurre, Isis chez les Helvétiens, Andarte chez les Vocontiens. Je passe sous silence plusieurs autres Dieux des Gaules peu connus, qu’on peut voir dans l’Antiquité expliquée de D. Bernard de Montfaucon, et dans la Religion des Gaulois de D. Jacques Martin.

Druides.Les Druides étoient les chefs de la Religion des Gaulois : c’étoient leurs Philosophes, leurs Theologiens. Ils avoient l’intendance de tous les sacrifices, tant publics que particuliers ; ils interprétoient les points de Religion, ils avoient un grand nombre de disciples, et ils étoient fort honorés. Ils jugeoient de presque tous les différends ; crimes, meurtres, héritages, limites, tout étoit soumis à leurs décisions. Ils établissoient ou les peines ou les récompenses. Si quelqu’un soit public, soit privé, ne se rendoit pas à leurs jugemens, on lui interdisoit les sacrifices : ce qui étoit chez eux une grande punition. Celui qui étoit ainsi excommunié, passoit pour un impie et pour un scélerat : on le fuioit, on évitoit de l’aborder et de lui parler, de peur que son commerce ne fût préjudiciable : on lui dénioit la justice quand il la demandoit : et on ne lui décernoit aucun honneur. Un d’entre les Druides présidoit à tous les autres, et il avoit toute l’autorité. Après sa mort celui qui étoit le plus considéré d’entr’eux lui succédoit : et dans le cas d’égalité de mérite, c’étoient les Druides qui l’élisoient à la pluralité des suffrages : quelquefois même pour l’élection de ce chef on en venoit aux mains. Dans un certain tems de l’année ils s’assembloient en un lieu consacré dans le pays Chartrain, qui passoit pour le milieu de la Gaule : là se rendoient tous ceux qui avoient des différends, et ils se soumettaient aux jugemens et aux décisions des Druides. On croit que leur science a d’abord été trouvée dans la (grande) Bretagne, et que de-là elle a été transférée dans la Gaule : et même du tems de César qui nous apprend tout ce détail, ceux qui vouloient s’instruire plus à fond de cette science, passoient pour l’ordinaire dans cette Isle. Les Druides n’avoient pas coutume d’aller à la guerre : non-seulement ils en étoient exempts, mais encore ils ne payoient aucun tribut, et n’étoient sujets à aucune charge. Bien des gens excités par ces priviléges se rangeoient de leur plein gré sous leur discipline, ou y étoient envoiés par leurs parens. Ils y apprenoient par cœur un grand nombre de vers : quelques-uns restoient à cette école une vingtaine d’années. Les Druides croioient qu’il ne leur étoit pas permis de rien écrire de leur doctrine, quoiqu’ils se servissent de lettres pour leurs affaires, tant publiques que particulieres. Cesar croit qu’ils en usoient ainsi pour deux raisons ; la premiere, pour que leur doctrine ne transpirât pas au-dehors ; la seconde, de peur que leurs disciples se reposant sur l’écriture, négligeassent d’exercer leur mémoire. Leur principal dogme étoit que les ames ne mouraient pas, mais qu’après la mort elles passoient dans d’autres corps. Ils s’imaginoient que cette doctrine, qui fait mépriser la crainte de la mort, excitoit davantage à la valeur. Ils discouroient encore sur les astres et leur mouvement, sur la grandeur du monde et de la terre, sur la nature des choses, sur la force et la puissance des Dieux immortels : et ils transmettaient à la jeunesse leurs opinions sur toutes ces choses.

Bardes, Vates.Voilà ce que Cesar nous apprend des Druides, de leur Religion et de leur doctrine. Les autres Ecrivains disent à peu près la même chose, si ce n’est qu’outre les Druides, ils font encore mention des Bardes et des Vates, qui étoient aussi en grande vénération chez les Gaulois. Les Bardes étoient des Poëtes et des Chantres, qui sur des instrumens semblabes à des lyres, louoient les uns et blâmoient les autres. Les Vates étaient des sacrificateurs, qui contemploient la nature des choses, et qui par les oiseaux et par les entrailles des victimes, prédisoient l’avenir. « Quand on les consulte, dit Diodore de Sicile, sur quelque chose de grande conséquence, ils observent une cérémonie étrange et incroiable : ils percent au-dessus du diaphragme l’homme qu’ils immolent : l’homme tombe, et sur sa chute, sur la convulsion de ses membres et sur le sang qui coule, ils prédisent ce qui doit arriver ». Ces Vates ne pouvoient sacrifier qu’en présence et sous la direction des Druides ; c’est pour cela qu’on attribue à ces derniers l’art de deviner. « Il y a, dit Cicéron, dans les Gaules des Druides, entre lesquels j’ai connu Divitiac Eduen votre hôte, et qui vous préconise par tout. Il se vantoit de connoître les secrets de la nature : (les Grecs appellent cette connoissance Physiologie) : et il prédisoit l’avenir partie par des augures, partie par conjecture ».

Il est surprenant que presque tous les Auteurs, qui ont parlé des Druides, ne nous aient rien dit de certaines cérémonies qu’ils observoient très-religieusement, et dont Pline nous a conservé la mémoire. Guy de Chêne.Celle du Guy de Chêne est la plus célebre, et il nous la décrit de cette sorte : « Les Druides n’ont rien de plus sacré que le Guy et l’arbre qui le porte, pourvu que ce soit un Chêne. Ils choisissent toujours des bois de Chêne, et ils ne font aucun acte de Religion sans la feuille de cet arbre… Le Guy est fort difficile à trouver ; et d’abord qu’ils l’ont découvert, ils vont le chercher avec beaucoup de religion. Ils prennent pour cela le sixiéme jour de la Lune, jour qui commence leurs mois, leurs années, et même leurs siécles qui sont de trente ans : la Lune en ce jour a assez de force, quoiqu’elle ne soit pas encore dans le milieu de son accroissement : et ils lui donnent en leur Langue un nom qui signifie, qui guérit tout. Apres qu’ils ont préparé sous l’arbre tout ce qui est nécessaire pour le sacrifice et le festin, ils font approcher deux taureaux, qu’ils attachent par les cornes pour la premiere fois. Alors le Prêtre vêtu de blanc monte sur l’arbre, et avec une faulx d’or il coupe le Guy qu’on reçoit dans un drap blanc. Après quoi les Druides immolent des victimes, en conjurant Dieu que le présent qu’il vient de leur faire leur soit profitable. Ils tiennent que le Guy pris en boisson donne la fécondité aux animaux stériles, et que c’est un préservatif contre toutes sortes de poisons ».

Pline fait aussi mention des cérémonies qu’on observoit en cueillant la SelageLa Selage. et le Samolus. La Selage est une herbe qui ressemble à la Sabine. « On la cueille, dit-il, sans couteau et de la main droite, en la faisant passer du côté gauche par le dedans de la robe, comme qui voudroit voler. Celui qui la cueilloit étoit vêtu de blanc et nuds pieds, après les avoir bien lavés : avant que de la cueillir, il devoit avoir offert un sacrifice de pain et de vin. On la porte dans une serviette qui n’a pas encore servi. Les Druides débitoient que cette herbe étoit un préservatif contre toutes sortes de malheurs, et que sa fumée étoit excellente contre les maladies des yeux. Une autre herbe appellée SamolusLe Samolus., et qui naissoit dans des lieux humides, devoit être cueillie à jeun et de la main gauche. Celui qui la cueilloit, ne devoit pas la regarder, mais la mettre dans une auge, et l’y broyer pour les animaux qui venoient boire. Cette herbe ainsi broyée étoit un reméde souverain contre les maladies des bœufs et des porcs ».

Œuf de serpens.Pline rapporte une autre superstition des Druides au sujet de l’œuf de Serpens. En Eté une grande quantité de Serpens entortillés ensemble formoient cet œuf par leurs baves et l’écume qui sortaient de leurs corps ; c’est pour cela qu’on l’appelloit anguinum. Les Serpens par leurs sifflemens élevoient en l’air cet œuf, et il falloit le recevoir dans un drap, de peur qu’il ne touchât à terre. Celui qui l’avoit reçu, montait vîte à cheval et s’enfuioit ; parce que les Serpens couroient après lui, jusqu’à ce qu’ils fussent arrêtés par quelque riviere. Pour faire l’épreuve de cet œuf, on le jettoit dans l’eau : il falloit qu’il surnageât même avec le cercle d’or qui l’entourait. Les Druides débitoient qu’il falloit le prendre en un certain jour de la Lune. Pline assure qu’il avoit vû un de ces œufs, qui étoit gros comme une pomme ronde de moienne grosseur, et que sa coque étoit cartilagineuse. On louoit fort la vertu de cet œuf pour le gain des procès, et pour avoir facile accès chez les Princes. L’Empereur Claude fit mourir un Chevalier Romain du pays des Vocontiens, uniquement parce qu’il portait sur lui un de ces œufs dans l’esperance de gagner son procès.

Immortalité de l’ameLes Gaulois instruits par les Druides tenoient que les âmes étaient immortelles. Ils croioient, selon Strabon, que les ames et le monde étoient incorruptibles, mais qu’il y aurait un tems où le feu et l’eau domineraient. Presque tous les Auteurs, qui attribuent aux Gaulois l’opinion de l’immortalité de l’ame, leur attribuent aussi celle de la Metempsycose : cependant ce qu’ils rapportent des cérémonies qui s’observoient aux Funérailles.funérailles des Gaulois, ne peut s’accorder avec le Dogme de la Metempsycose. On brûloit le corps du défunt, et l’on jettoit dans le feu tout ce qu’on croioit lui avoir été le plus cher, même jusques aux animaux. Peu de tems avant César, les esclaves et les clients, que le défunt avoit le plus aimés, étoient après les obseques brûlés avec lui. « Un des dogmes des Druides, dit Mela, qui a transpiré au-dehors, est que les ames sont éternelles, et qu’il y a une autre vie après celle-ci. C’est pourquoi l’on brûle et l’on enterre avec les morts ce qui leur plaisoit le plus pendant leur vie. Les Gaulois remettoient à l’autre monde à rendre leurs comptes, et à se faire payer de ce qu’ils avoient prêté : il s’en trouvoit même qui se jettoient volontiers dans le bûcher de ceux qui leur avoient appartenu, comme pour vivre avec eux ». Les Gaulois, dit Valere Maxime, avoient coutume de prêter de l’argent, dont ils ne dévoient demander le payement que dans l’autre monde, parce qu’ils étoient persuadés de l’immortalité de l’ame. « Quand on enterre un Gaulois, dit Diodore de Sicile, il s’en trouve qui jettent dans le bûcher des lettres qu’ils écrivent à leurs parens défunts, comme s’ils devoient les lire. Qui ne voit que ceux qui pensoient et agissoient ainsi, ne pouvoient s’imaginer que les âmes passassent dans d’autres corps ?

Abolition des Druides.La coutume usitée chez les Gaulois d’immoler des victimes humaines a toujours paru si cruelle et si barbare, que les Empereurs Romains ont tâché en différens tems d’abolir la Religion des Druides. Auguste se contenta de l’interdire aux Citoiens, c’est-à-dire, à ceux qui dans les Gaules avoient droit de Bourgeoisie Romaine. Pline rapporte que les Gaules avoient conservé jusqu’à son tems la superstition d’immoler des hommes, et que les Druides en avoient été chassés sous l’Empire de Tibere : mais on croit qu’il parle de l’Empereur Claude, dont le prénom étoit Tibere. « En effet, selon Suetone, l’Empereur Claude abolit entièrement la cruelle Religion des Druides, qu’Auguste s’étoit contenté d’interdire aux Citoiens ». Aurelius Victor nous apprend aussi que les fameuses superstitions des Druides avoient été supprimées dans les Gaules par le même Empereur. La race cependant des Druides ne fut pas entierement éteinte : car Ausone, en parlant de Phébicius, Grammairien de Bourdeaux, et de son fils Attius Patera Rhéteur, dit qu’ils étoient nés à Bayeux de race de Druides. Ce Phébicius étoit, selon le même Ausone, Sacristain ou Trésorier du Temple de Belenus, qu’on croit être Apollon. Il y avoit dans les Gaules au troisiéme siécle de l’Eglise des femmes appellées Druiades ou Dryades : c’étaient des Sorcières et des Devineresses très-renommées, qu’on consultait dans les choses fâcheuses, comme autrefois les Oracles de Delphes. Lampridius rapporte, qu’Alexandre Severe partant pour une expédition de laquelle il ne revint pas, une Dryade lui cria en langue Gauloise : Allez, n’esperez pas la victoire, et ne vous fiez pas à vos soldats. Une autre Dryade, selon Vopiscus, reprochant à Diocletien lorsqu’il étoit à Tongres, qu’il n’étoit pas libéral ; Je le serai, lui dit Diocletien en badinant, lorsque je serai Empereur. La Dryade lui répliqua : Dioclétien, ne badinez pas ; car vous serez Empereur, quand vous aurez tué Aper. En effet Diocletien aiant tué Aper, beau-pere de Numerien, il parvint à l’Empire. Saumaise croit que ces Dryades des Gaules n’avoit rien de commun avec les fameux Druides, dont nous venons de parler.

Voilà ce que j’ai recueilli dans les Anciens touchant la Religion des Gaulois. J’ajouterai ici encore quelque chose que j’avois oubliée. Temples.Les Temples des Gaulois, ou les Lieux consacrés au culte de leurs Dieux regorgeoient d’or : cependant ils étoient si religieux qu’il n’y touchoient pas, quoiqu’ils fussent très-avares. Les Gaulois en Adoration.adorant leurs Dieux se tournoient vers le côté gauche, c’est du moins ce que Pline nous apprend : car Athenée assure qu’ils adoroient les Dieux en se tournant à droite. Le P. Hardouin dans ses savantes Notes sur Pline, remarque que les anciens Gaulois se tournoient de la gauche à la droite : il me semble que les paroles de Pline disent tout le contraire, et que pour se tourner vers le côté gauche, in lævum, on ne peut le faire que de droite à gauche. Sulpice Severe dans la Vie de Saint Martin, rapporte que les Païsans avoient coutume de porter par les champs les StatuesStatues. de leurs Dieux couvertes d’un voile blanc. Les Actes de Saint Symphorien Martyr, dit Gregoire de Tours, portent qu’il y avoit à Autun un simulacre de Berecynthie ; le peuple idolâtre avoit coutume de porter dans un char cette Déesse pour la conservation des vignes et des fruits de la campagne, en dansant et en chantant devant sa statue. Berecynthie est la même que Cybele.


VI.

Des Mœurs et des Usages des Gaulois.

Je serois trop long, si je rapportais tout ce que les Auteurs disent des bonnes et des mauvaises qualités des Gaulois : il faudrait que je répetasse ce qui est répandu de côté et d’autre dans ce Volume ; et ce serait faire deux fois la même chose. Il suffit de consulter pour cela la Table des matières, principalement au mot Celtæ et Galli. Les Auteurs se contredisent souvent entr’eux sur le compte des Gaulois : quelquefois ils se contredisent eux-mêmes : ils en parlent en bien ou en mal selon qu’ils sont affectés, ou bien il faut distinguer les tems. Presque tous les Auteurs dépeignent les Gaulois comme une Nation inhumaine, cruelle, barbare : car outre qu’ils immoloient des victimes humaines, ils pendoient au cou de leurs chevaux les têtes des ennemis qu’ils avoient tués dans les combats ; après avoir frotté d’huile de cédre celles des plus distingués, ils les conservoient soigneusement dans des coffres pour les montrer aux étrangers : ils se vantoient de ce que leurs ancêtres ou eux-mêmes avoient refusé une grosse somme d’argent qu’on leur avoit offerte pour le rachat de ces têtes. Il s’en trouvoit même de si vains, qu’ils ne vouloient pas échanger ces têtes pour le même poids en or. Les Boiens porterent dans leur Temple en triomphe la tête du Consul Postumius, et après l’avoir vuidée, ils en enchasserent le crâne dans de l’or pour s’en servir dans les sacrifices. Cependant quand les Gaulois s’emparèrent de Rome, ils ne couperent la tête à aucun Romain, ils ne firent point d’insulte aux corps de ceux qu’ils avoient tués ; et même ils ne poursuivirent pas les autres ni dans leur retraite, ni dans leur fuite. Les Gaulois, dit Florus, n’étoient pas seulement barbares, mais ils se servoient de ruses : ils choisissoient toujours, selon Polybe, des lieux embarrassés de bois pour y dresser des embuches : cependant Hirtius Pansa nous les donne comme des gens ouverts, incapables de dresser des embuscades, et qui faisoient la guerre en gens d’honneur sans fraude, sans artifices. Tite-Live rapporte que tandis que les Romains pesoient aux Gaulois l’or qu’ils étoient convenus de leur donner, Camille enleva cet or aux Gaulois, et qu’il les défit dans deux combats : Plutarque dit la même chose d’après Tite-Live : mais Polybe, Suetone, Justin disent tout le contraire ; et Tite-Live lui-même dans un autre endroit avoue que ce n’est pas à tort que les Gaulois se vantent d’avoir vaincu le peuple Romain, et de l’avoir obligé de se racheter avec de l’or.

Tous les Auteurs conviennent que les Gaulois étoient guerriers, braves, courageux. Ils passoient chez les Romains pour invincibles, et ils les surpassoient en hardiesse et en bravoure. Les Romains les redoutoient si fort, qu’au premier bruit de leur marche, ils faisoient des levées de troupes extraordinaires, ordonnoient des prieres, faisoient des sacrifices. Et même dans la loi qui exemptoit les Prêtres et les Viellards du service militaire, il y avoit une exception particulière pour la guerre des Gaulois. Cependant la plûpart de ces Auteurs, pour faire leur cour aux Romains, ne laissent échapper aucune occasion de diminuer la réputation des Gaulois : s’il faut les en croire, les Gaulois ne pouvoient supporter ni le travail, ni la soif, ni le chaud ; ils étoient lâches, mous, sans vigueur ; l’ardeur du soleil les faisoit fondre comme de la neige : au premier choc c’étoient des lyons, non des hommes, au second ils étoient pires que des femmes : la rage et l’emportement leur tenoient lieu de courage. César qui connoissoit mieux la valeur des Gaulois pour avoir eu souvent affaire à eux, leur rend plus de justice : il donne à leur courage toute la louange qu’il mérite, et tout ce qu’il dit à leur désavantage, c’est qu’ils sont aussi mous à supporter les calamités, que prompts et ardens à entreprendre des guerres. Lui-même s’il n’avoit pas trouvé le moien de les diviser entr’eux, et de les attaquer les uns après les autres, il ne seroit jamais venu à bout de les subjuguer. Polybe en parlant d’un combat où les Gaulois battirent courageusement, et où ils n’abandonnerent jamais leurs postes, quoiqu’ils fussent tout couverts de coups, avoue que les Romains ne leur furent supérieurs que par la bonté de leurs armes. En effet les boucliers des Gaulois étoient si petits qu’ils ne leur couvraient pas le corps : leurs épées étoient de mauvaise trempe, elles n’avoient point de pointe, et l’on ne pouvoit s’en servir que pour frapper de taille : au premier coup elles se recourboient ; il falloit les redresser avec le pied : d’ailleurs elles n’étoient bonnes que dans la mêlée. On voit par-là que s’ils avoient combattu à armes égales, ils auraient été invincibles.

Les Gaulois étoient naturellement guerriers : mais leur Cavalerie valoit mieux que leur Infanterie : les plus Septentrionaux et ceux qui habitoient vers l’Océan, étoient les plus courageux. Il ne se trouva jamais personne parmi les Gaulois qui se fût coupé le pouce pour ne pas servir. Dans les batailles ils se servoient de chariots à deux chevaux : ils attaquoient l’ennemi avec des traits qu’ils appelaient Saunies, et descendoient ensuite pour aller sur lui avec l’épée. Quelques-uns d’entr’eux bravoient la mort jusqu’au point de se battre tout nuds, n’aiant qu’une ceinture autour du corps : ils n’étoient nuds, selon quelques-uns, que jusqu’au nombril, et il n’y avoit que ceux du premier rang qui combattissent ainsi, ils menoient avec eux à la guerre des serviteurs de condition libre, mais pauvres, qui dans les combats conduisoient leurs chariots, et leur servoient de gardes. César appelle ces sortes de gens Soldurii, et Athenée Siloduri. L’armée rangée en bataille, les Gaulois s’avançoient, et défioient les plus apparens à un combat singulier en branlant leurs armes pour leur inspirer plus de terreur. Si quelqu’un acceptoit le défi, ils lui vantaient la gloire de leurs ancêtres, et se mettoient sur leurs propres louanges : au contraire ils rabaissoient autant qu’ils pouvoient leur adversaire, et par leurs discours ils lui faisoient perdre courage. Quelques-uns avoient sur leurs boucliers des figures d’airain en bosse qui représentaient des animaux, et qui étoient travaillées avec beaucoup d’art. Leurs casques aussi d’airan étoient surmontés de grands panaches pour se faire remarquer davantage : les uns y mettaient de véritables cornes d’animaux, d’autres des têtes d’oiseaux ou des bêtes à quatre pieds. Ils se servoient de trompettes qui rendoient un son barbare et singulier, mais convenable à la guerre. Polibe ajoute qu’outre le son d’une infinité de trompettes, ils faisoient tous ensemble des cris et des hurlemens épouvantables. La plûpart avoient des cuirasses de fer : au lieu d’épées ils portaient de longues Spathes, qui leur pendoient sur la cuisse droite par des chaînes de fer ou d’airain : quelques-uns avoient par-dessus leurs habits des baudriers d’or ou d’argent. Ils se servoient aussi de certaines piques qu’ils appelloient lances, dont le fer avoit une coudée ou plus de longueur, et deux palmes de largeur. Tous ceux des premières cohortes avoient des colliers et des bracelets d’or. Ils se servoient à la guerre de leurs chiens et de ceux qu’ils faisoient venir de la grande Bretagne. Leurs femmes et leurs enfans traînés par des chariots, les s ni voient dans leurs expéditions. Ils avoient coutume de mener avec eux grand nombre de chariots et beaucoup de bagage. A l’armée ils s’asseioient sur des bottes de paille ou sur des fascines. Les soldats Gaulois étoient destinés à garder les Grands : Decimus Brutus, Général des Romains, et Bérénice femme d’Antiochus Roi de Syrie se faisoient garder par eux. Auguste en donna quatre cens à Herode, lesquels avoient auparavant servi de gardes à Cleopatre. Les Gaulois étoient toujours la ressource des plus foibles : les Rois d’Orient n’entreprenoient point de guerre, qu’ils n’en eussent à leur solde : étaient-ils chassés de leur Trône, aussi-tôt ils avoient recours à eux. Le seul nom de Gaulois imprimoit une si grande terreur, que les Rois achettoient d’eux la paix avant même que d’être attaqués. Les Gaulois se louoient indifféremment à tout venant, en sorte qu’ils se battaient les uns contre les autres, et s’entregorgeoient. Les cohortes Gauloises se révoltaient souvent contre les Empereurs Romains, et s’en faisoient redouter : elles les faisoient et défaisoient, comme bon leur sembloit. Elles avoient coutume de se mettre en campagne au solstice d’Eté. Les Gaulois étoient légers et inconstans dans leurs résolutions ; ils aimoient ordinairement la nouveauté, et faisoient la guerre pour la moindre chose. Pour marque qu’ils approuvoient la harangue de leur Chef, ils avoient coutume de faire du bruit avec leurs armes.

Les Gaulois étoient fort blancs et de grande taille : ils avoient les cheveux naturellement roux, et ils usoient d’artifices pour augmenter cette couleur. Ils les lavoient fréquemment dans une espèce de lessive de chaux ; et ils les rendoient aussi plus luisans en les retirant sur le sommet de la tête et sur les tempes : par ce moien leurs cheveux s’épaississoient tellement qu’ils ressembloient aux crins des chevaux. Quelques-uns se rasoient la barbe ; d’autres la portaient médiocrement longue. Les Nobles se rasoient les joues, et portaient néanmoins des moustaches qui leur couvroient toute la bouche. C’est pourquoi lorsqu’ils mangeoient, leur viande s’embarrassoit dans leurs moustaches ; et lorsqu’ils bûvoient, elles leur servoient comme de chausses pour filtrer leur boisson. Ils ne prenoient pas leurs repas assis sur des chaises ; mais ils se couchoient par terre sur des couvertures de peaux de loups et de chiens, et ils étoient servis par leurs enfans de l’un et de l’autre sexe qui étoient encore dans la première jeunesse. Ils avoient à côté d’eux de grands feux garnis de chaudieres et de broches, où ils faisoient cuire de gros quartiers de viandes, et ils en présentoient les meilleurs morceaux aux plus distingués. Ils invitoient les étrangers à leurs festins, et à la fin du repas ils leur demandoient de quel pays ils étoient, et ce qu’ils venoient faire. César parle de cette coutume des Gaulois d’arrêter les Voiageurs, et de les interroger sur ce qu’ils avoient appris dans le pays d’où ils venoient. Ils étoient si crédules, qu’ils prenoient un simple oui-dire pour une chose très-sûre. Souvent leurs propos de table faisoient naître des sujets de querelles, et le mépris qu’ils avoient pour la vie, étoit cause qu’ils ne faisoient pas une affaire de s’appeler en duel. Ils portoient des habits singuliers : c’étoient des tuniques peintes de toutes sortes de couleurs, et des hauts de chausses qu’ils appelloient Brayes. (Il n’y avoit cependant que les peuples de la Narbonnoise qui portassent de ces sortes de brayes.) Par-dessus leurs tuniques ils mettoient une casaque rayée ou divisée en petits carreaux, épaisse en hiver et legere en été, et ils l’attachoient avec des agraffes. Comme les Gaulois avoient beaucoup d’or chez eux, il servoit à la parure des femmes, et même à celle des hommes. En effet ils en faisoient non-seulement des brasselets qu’ils portaient aux bras et aux poignets, mais encore des colliers extrêmement massifs, et même des cuirasses. Les Gaulois étoient terribles à voir, ils avoient la voix grosse et rude. Ils parloient peu dans les compagnies, et toujours fort obscurément, affectant de laisser à deviner une partie de ce qu’ils vouloient dire. Ils emploioient le plus souvent l’hyperbole, soit pour s’exalter eux-mêmes, soit pour rabaisser leurs adversaires. Leur son de voix étoit menaçant et fier, et ils aimoient dans leurs discours l’enflure et l’exaggération qui alloit jusqu’au tragique : ils étoient cependant spirituels et capables de toutes les sciences. Quoique leurs femmes fussent parfaitement belles, ils ne vivoient que rarement avec elles : mais ils étoient extrêmement adonnés à l’amour infâme des garçons. La plus grande partie de ce que je viens de dire touchant les mœurs des Gaulois, est tirée de Diodore de Sicile : mais comme cet Auteur étend le nom de Gaulois à des peuples qui certainement ne l’étoient pas, je ne prétens pas attribuer toutes ces choses aux Gaulois : je suis même persuadé qu’il y en a quelques-unes qui ne leur conviennent pas.

Les Gaulois ne comptaient pas les espaces du temps par le nombre des jours, mais par celui des nuits : c’était la nuit qui donnoit le commencement des mois, des années et des jours de naissance. Ils ne mesuroient pas les chemins par milles, mais par lieues. Pour éviter la chaleur, ils se logeoient ordinairement près des forêts et des fleuves : leurs maisons étoient grandes, rondes, construites d’ais et de claies, avec un grand toit : elles étoient couvertes de chaume ou de bardeaux de chêne. Ils couchoient par terre, mangeoient assis. Leurs mets pour l’ordinaire étoient du lait et toutes sortes de viandes, sur-tout du porc frais ou salé. Ils étoient grands mangeurs, et aimoient fort le vin : leur boisson ordinaire étoit de l’hydromele, ou ils en faisoient une autre avec de l’orge, laquelle ils appelloient Zythus. Ils étoient querelleux et hauts à la main : une troupe d’étrangers n’auroit osé en attendre un seul lorsqu’il étoit en colere, sur-tout si sa femme étoit avec lui : car c’étoit alors que la femme comme une enragée remuant et agitant les bras, frappoit rudement à coups de poings et de pieds. Ils portoient un anneau au doigt du milieu. Ils étoient fort propres, sur-tout les Aquitains ; les pauvres même avoient un air de propreté. Ils aimoient extrêmement les chevaux ; et pour en avoir, ils n’épargnoient pas l’argent. Ils étoient fort adroits, ils imitoient et faisoient tout ce qu’ils voioient faire aux autres. Ils s’exercoient beaucoup à la chasse, et ils empoisonnoient leurs flèches en les frottant avec de l’ellebore ou avec une autre plante appelée Limeum. La vieillesse n’étoit pas une excuse légitime pour s’exempter de commander les troupes. Quand un pere vouloit marier sa fille, il donnoit un grand repas, auquel il invitoit un grand nombre de personnes, et même les étrangers. Après le repas on faisoit venir la fille, et elle choisissoit pour époux celui des convives à qui elle présentoit de l’eau. Le mari en recevant la dot de sa femme, y ajoutoit pareille somme de son bien : on mettait le tout ensemble, on le faisoit profiter, et on en reservoit les fruits : après la mort de l’un des deux le tout étoit pour le survivant avec les fruits qui en provenoient. Les maris avoient droit de vie et de mort sur leurs femmes aussi-bien que sur leurs enfans. Lorsque quelque homme de considération mouroit, ses proches parens s’assembloient : si la femme étoit soupçonnée d’avoir contribué à la mort de son mari, on la mettait à la question, comme on auroit fait un esclave : et si elle étoit trouvée coupable, on la faisoit mourir cruellement par le feu et par toutes sortes de supplices. Les enfans ne paroissoient pas devant leurs peres qu’ils ne fussent déjà grands et en état de porter les armes : on regardoit comme une chose honteuse que des enfans dans leur bas âge parussent en public et en présence de leurs peres. Les femmes non seulement égaloient leurs maris en grandeur, elles ne leur cédoient pas même en courage. Avant que les Gaulois passassent en Italie, ils étoient tourmentés d’une cruelle guerre civile. Leurs femmes se jetterent au milieu des armées, et après avoir pris connoissance du sujet de leurs querelles, elles terminèrent leurs différends avec tant d’équité, que la paix fut bien-tôt rétablie dans les villes et dans les familles. Les Gaulois depuis ce tems-là conserverent la coutume d’admettre les femmes dans leurs conseils, lorsqu’il s’agissoit de guerre ou de paix, et de vuider par leur entremise les différends qui leur survenoient avec leurs Alliés. C’est pour cela que le traité qu’ils firent avec Annibal portait, que si les Gaulois se plaignoient des Carthaginois, la décision en seroit dévoluë aux Commandans des Carthaginois ; mais que si les Carthaginois accusoient les Gaulois, on s’en tiendrait au jugement des femmes des Gaulois.

On attribue aux Gaulois bien des choses que les Auteurs ne disent que des Celtes en général : mais comme ces Auteurs donnent une très-grande étendue à la Celtique : et qu’ils comprennent sous ce nom presque tous les pays Septentrionaux et Occidentaux, ce qu’ils disent des Celtes, convient moins aux Gaulois qu’aux autres nations Celtiques. Les Celtes avoient plus de vénération pour les Dioscures que pour les autres Dieux. Ils ne donnoient qu’un vêtement très-mince à leurs enfans dès qu’ils naissoient. Pour s’assurer de la fidélité de leurs femmes, ils mettaient sur un bouclier les enfans nouvellement nés, et les exposoient ainsi sur le Rhein : si les enfans étoient légitimes, l’eau les soûtenoit ; s’ils ne l’étoient pas, les flots les engloutissoient. Les Celtes prenoient leurs repas assis sur du foin, et mettaient leurs mets sur des tables de bois un peu élevées de terre. Les mets consistaient en un peu de pain et beaucoup de viande cuite dans l’eau ou sur des charbons, ou bien rotie à la broche. Le tout étoit servi proprement : mais à la maniere des lions ils prenoient à deux mains de gros morceaux de viande, et mordoient dedans : s’il se trouvoit quelque chose de difficile à détacher, ils le coupoient avec un petit couteau qui étoit attaché à la gaine de leur épée dans un étui particulier. Ceux qui habitaient près des fleuves ou sur les bords de la Méditerranée et de l’Océan, servoient du poisson cuit dans le sel, le vinaigre et le cumin, et ils mêloient le tout dans leur boisson. Ils ne se servoient pas d’huile, parce qu’elle étoit rare chez eux, et que n’y étant pas accoutumés, elle leur paroissoit dégoutante. Quand ils étoient plusieurs convives, ils s’asseioient en rond, et mettaient dans le milieu le plus apparent de la compagnie, c’est-à-dire celui qui l’emportait sur les autres, soit en exploits militaires, soit en noblesse, soit en richesses. Le maître du logis se plaçoit auprès de lui, et les autres se mettaient des deux côtés chacun, selon leur rang. Leurs serviteurs leur donnoient à boire dans des vases de terre ou d’argent : les plats étoient de la même matiere ; il y en avoit aussi de cuivre et même de bois ou d’osier. Les riches bûvoient du vin qu’ils faisoient venir d’Italie ou de Marseille : ils le bûvoient ordinairement pur, quelquefois ils y mettaient de l’eau. La boisson des pauvres s’appelloit Zythus : elle étoit composée de froment et de miel : plusieurs n’y mettaient pas de miel, pour lors elle se nommoit Corma. Ils bûvoient tous du même vase, ils n’en prenoient pas à la fois plus d’un verre, mais ils y revenoient souvent. Il leur arrivoit quelquefois de se battre dans leurs festins : d’abord ce n’étoit que jeu, que badinerie, et ils ne se battaient, pour ainsi dire, que du bout des doigts : mais ensuite dès qu’ils étoient un peu échauffés, ils se battaient tout de bon, et si on ne les séparoit pas, ils s’égorgeoient fort bien. Dans des tems plus reculés la cuisse des animaux qu’on servoit sur table, était pour le plus distingué de la compagnie : si quelqu’autre s’avisoit de la prendre, alors les deux contendans se battoient jusqu’à la mort de l’un ou de l’autre. Quelques-uns pour de l’or ou de l’argent qu’ils recevoient sur le théâtre, d’autres pour un certain nombre de pièces de vin, qu’ils avoient soin auparavant de distribuer à leurs amis, se laissoient couper la gorge. Ils avoient chez eux un poison si subtil, que les chasseurs, lorsqu’ils avoient tué un cerf ou quelqu’autre animal, accouroient au plus-tôt, et coupoient l’endroit blessé, de peur que le venin venant à gagner, l’animal ne se putréfiât, et ne fût plus bon à manger :, mais ils avoient une écorce de chêne pour contre-poison. Ils ne craignoient ni les tempêtes, ni les tremblemens de terre, et prenoient leurs armes pour aller à la rencontre des flots. Ils affrontaient les dangers : c’est pourquoi ils faisoient des chansons en l’honneur de ceux qui étoient morts courageusement à la guerre, ils combattoient la couronne sur la tête : ils érigeoient des trophées, et se glorifiant de leurs belles actions, ils laissoient à la postérité des monumens de leur valeur, à la maniere des Grecs. Ils regardoient comme une chose si honteuse de s’enfuir, que souvent quand les maisons crouloient, tomboient, brûloient, ils ne bougeoient point de place. Quelques-uns attendoient de pied ferme le débordement de la mer ; d’autres se jettoient dans les flots tout armés. Ils nourrissoient de poissons les bœufs et les chevaux. Ils avoient grand soin de s’empêcher de devenir gras ou ventrus ; car lorsqu’un jeune homme excédoit une certaine mesure, il étoit condamné à une amende pécuniaire. J’omets peut-être quelque chose ; mais on ne peut pas tout dire.


VII

Du Gouvernement des Gaules.

Les Gaules étoient divisées en Provinces, les Provinces en Cités : chaque Cité avoit sa ville principale, dont la jurisdiction s’étendoit sur les cantons qui composoient son territoire. Il y avoit des factions non-seulement dans toutes les Cités et tous les cantons, mais même presque dans chaque maison. Les Chefs de ces factions étoient ceux qui passoient pour avoir plus d’autorité : ils régloient tout, disposoient de tout, et rien ne se faisoit que par leur volonté. César croit que cela avoit été institué anciennement pour que le peuple eut un appui contre la puissance des grands. Car ces Chefs ne souffroient pas que ceux de leurs factions fussent opprimés et trompés : s’ils eussent fait autrement, ils n’auroient eu aucune autorité. Ceux qui s’attachoient à leur service, s’appelloient Ambactes, clients, dévoués, ou en langage du pays Solduries. Leur condition étoit d’avoir part à la bonne ou mauvaise fortune de ceux qu’ils servoient, et de mourir ou de se tuer avec eux, s’ils venoient à périr. César remarque que de mémoire d’homme il ne s’en étoit pas trouvé un seul qui eût manqué à ce devoir. Non-seulement les Rois avoient de ces sortes de gens à leur service, mais encore ceux qu’on appelloit Chevaliers : et plus ils étoient puissans, plus ils en avoient. Adcantuannus roi des Sotiates en avoit six cens.

Il y avoit deux partis dans chaque Cité : et il naissoit presque toujours des contestations lorsqu’il s’agissoit de faire un Roi ou un Souverain, chaque parti élisant le sien. Les Eduens créoient tous les ans un Magistrat, qu’ils appelloient Vergobret, et qui avoit sur ses sujets droit de vie et de mort. Ce Magistrat ne pouvoit être élû que par les Prêtres, et il falloit que ce fût au tems et au lieu marqués. Les Loix non-seulement défendoient de créer Magistrats deux de la même famille pendant la vie de l’un et de l’autre ; elles ne souffraient pas même qu’ils fussent ensemble du nombre des Sénateurs. Ce fut pour cela que César déposa Cotus, que son frère Vedeliacus, qui venoit de quitter la Magistrature, avoit fait élire en cachette avec peu de personnes, hors du lieu et du tems marqués ; et qu’il donna la souveraine puissance à Convictolane, qui avoit été selon la coutume créé par les Prêtres. Ce Magistrat ne pouvoit pas sortir des limites de la Cité. Les Rois regnoient toute leur vie : le Royaume n’étoit pas héréditaire ; cependant après la mort d’un Roi les premiers de la Cité choisissoient ordinairement en sa place un de ses enfans ou de ses proches. Les ancêtres de Tasgetius, que César fit Roi des Carnutes, avoient régné dans cette Cité : Cavarinus, que César donna pour Roi aux Senonois, avoit eu aussi ses ancêtres pour prédécesseurs ; et même son frère Moritasgus regnoit dans cette Cité, lorsque César vint dans les Gaules. Les Gaulois, qui avoient toujours eu la liberté de se choisir des Rois, souffroient fort impatiemment que César se mêlât de leur en donner. Aussi les Carnutes tuerent-ils Tasgetius au bout de trois ans : et les Senonois n’aiant pû tuer Cavarinus, ils le chassèrent du trône et de sa maison. Quand César vint dans le pays des Trevirois, Cingetorix et Induciomarus se disputoient la souveraineté : César la déféra à Cingetorix ; mais les Trevirois obéirent toujours à Induciomarus, et après sa mort ils donnerent le commandement à ses proches. Il arrivoit ordinairement que ceux qui étoient les plus puissans et qui avoient de quoi lever des troupes, s’emparoient de la Roiauté. Mais Celtillus Auvergnat, qui avoit eu le commandement de toutes les Gaules, fut tué pour avoir affecté la Roiauté dans sa Cité.

Quoique chaque Cité eût son Roi, et qu’elles ne dépendissent pas les unes des autres ; cependant elles s’allioient ensemble pour fortifier leur parti, et se mettre en état de résister à ceux qui les attaqueroient. Les Auvergnats s’étoient attaché les Sequanois ; les Remois et les Soissonnois ne faisoient, pour ainsi dire, qu’un seul peuple : ils avoient mêmes Loix, mêmes Coutumes, même Gouvernement, mêmes Magistrats. Toutes les Cités des Belges, s’étant donné entr’elles des otages, conspirerent contre le peuple Romain, et donnèrent toute la conduite de cette guerre à Galba Roi des Soissonnois. Les Remois, qui ne voulurent pas se joindre aux autres Belges, ne purent jamais empêcher les Soissonnois leurs freres et leurs alliés d’entrer dans cette conspiration. Il y avoit dans les Gaules deux principales factions, dont les Eduens et les Auvergnats étaient les Chefs : ils se disputaient depuis long-tems la souveraine autorité dans l’administration des Gaules, et ils tâchoient de s’attirer le plus grand nombre de Cités qu’ils pouvoient. Enfin les Auvergnats et les Sequanois se voiant les plus foibles, firent venir des troupes de Germanie, et subjuguerent les Eduens, apres avoir passé au fil de l’épée toute leur Noblesse. Cette victoire coûta cher aux Sequanois : car Arioviste Roi des Germains s’empara de la meilleure partie de leur pays, et leur commanda de sortir de celle qui leur restait. A peine César fut-il arrivé dans les Gaules que les choses changerent de face : les Eduens prirent le dessus, et les Auvergnats avec les Sequanois furent obligés d’abandonner la souveraineté. Les Remois leur succéderent ; et ceux qui à cause d’anciennes inimitiés ne pouvoient se joindre aux Eduens, se donnerent aux Remois. Ceux-ci eurent grand soin de cultiver et de défendre leurs alliés, et de conserver leur nouvelle autorité, en sorte cependant que les Eduens avoient un pouvoir bien plus grand, et que les Remois ne tenoient que le second rang. Les Cités qui se donnoient à une des principales factions, lui paioient un certain tribut : et même lorsque deux Cités avoient guerre l’une contre l’autre, celle qui avoit le dessous, devenoit tributaire de l’autre, et lui donnoit des ôtages. Ambiorix Roi ou chef des Eburons, témoigne l’obligation qu’il avoit à César, de ce qu’il l’avoit fait décharger du tribut qu’il avoit coutume de paier aux Atuatiques ses voisins, et de ce qu’il lui avoit renvoié son fils et son neveu qu’ils avoient eus en ôtage, et qu’ils avoient tenus dans les fers.

Quand une cité avoit une affaire importante, ou qu’elle étoit attaquée par une cité voisine ou par d’autres ennemis, le Roi indiquoit une assemblée, qu’on convoquoit au son des trompettes. Elle n’étoit ordinairement composée que des Nobles de la Cité : car, comme le remarque César, il n’y avoit dans toute la Gaule que deux sortes de gens qui fussent honorés et distingués, les Druides et les Chevaliers : le peuple étoit regardé presque comme des esclaves ; il n’osoit rien entreprendre, et on ne le consultoit en rien. Cependant César nous apprend lui-même que le peuple quelquefois avoit grande part aux affaires, et que souvent il faisoit pencher la balance. Liscus Vergobret des Eduens déclare à César qu’il y en avoit plusieurs dans sa Cité qui avoient grand crédit auprès du peuple, et qui tout particuliers qu’ils étoient, avoient plus d’autorité que les Magistrats mêmes ; que c’étoient ces gens-là qui détournoient le peuple de fournir le blé que les Eduens avoient promis. Dumnorix étoit de ce nombre : il avoit gagné le peuple par ses largesses, et par ce moien tenoit depuis plusieurs années les grosses-fermes à bon marché, parce que personne n’osoit mettre l’enchere sur lui. Ambiorix Commandant des Eburons, pour s’excuser de ce qu’il avoit attaqué le camp des Romains, dit qu’il l’avoit fait malgré lui et contraint par sa Cité ; et que le commandement dont il étoit chargé ne lui donnoit pas plus de droit sur le peuple, que le peuple en avoit sur lui. Lorsqu’il s’agissoit de guerre, l’on indiquoit une assemblée armée : c’étoit une loi commune que tous les jeunes gens en âge de puberté s’y rendissent en armes : et celui qui arrivoit le dernier, étoit tué en présence de tous les autres, après avoir souffert toutes sortes de tourmens. Quand on eut appris que Labienus étoit venu camper auprès de Paris, aussi-tôt les Cités voisines assemblerent leurs troupes, et en donnerent le commandement à Camulogenus Aulerque. Lorsqu’il arrivoit une affaire de la derniere conséquence qui demandât qu’on la fît savoir à toutes les Cités des Gaules, ils la publioient dans les champs et dans les cantons en criant de toute leur force : et la nouvelle se communiquoit ainsi des uns aux autres. César observe que par ce moien ce qui s’étoit passé à Orléans au lever du soleil fut sçu dans l’Auvergne avant neuf heures du soir, quoiqu’il y eût plus de cinquante lieuës de distance.

Quand il s’agissoit des affaires générales de toute la Gaule, on indiquoit une assemblée générale pour un certain jour, à laquelle toutes les Cités étoient obligées d’envoier leurs Députés. C’étoient ordinairement les Eduens, qui comme étant la faction principale, et celle qui avoit le plus d’autorité, convoquoient l’assemblée, et en indiquoient le jour et le lieu. Chacun s’obligeoit par serment à garder le secret, et à ne reveler ce qui s’étoit passé dans l’assemblée qu’à ceux à qui on étoit convenu de le dire. Ceux qui y manquoient, étoient punis très-sévèrement. Vercingetorix Auvergnat s’étant fait déclarer Roi par une poignée de gueux et de bandis qu’il avoit ramassés dans la campagne, fit soulever un grand nombre de Cités, qui d’un commun consentement lui déférerent le commandement. Les Eduens quelque tems après quittèrent aussi le parti de César : et ils firent prier Vercingetorix de venir les trouver pour prendre ensemble les mesures nécessaires pour soutenir la guerre. Vercingetorix étant venu au rendez-vous, les Eduens prétendirent avoir le commandement et la principale conduite de la guerre : mais comme on leur disputoit leur prétention, on indiqua à Autun une assemblée de toute la Gaule. On y vint de tous les côtés, et la décision de cette affaire fut abandonnée à la multitude, qui d’un consentement unanime donna le commandement à Vercingetorix. Les Eduens furent très-piqués de ce choix ; mais comme ils étoient engagés dans la guerre, ils n’oserent se séparer des autres. Eporedorix et Virdumarus jeunes Eduens de grande espérance, obéirent bien malgré eux à Vercingetorix. Les Remois et les Lingonois ne vinrent pas à cette assemblée, parce qu’ils suivoient le parti des Romains : les Trevirois ne s’y rendirent point non plus, parce qu’ils étoient trop éloignés, et que les Germains les tenoient en échec. Pendant qu’on faisoit le siège d’Alise, Vercingetorix envoia des Ambassades à toutes les Cités des Gaules, demandant qu’on lui envoiât tous ceux qui pouvoient porter les armes. Les Gaulois aiant assemblé les principaux des Cités, ne jugerent pas à propos d’envoier à Vercingetorix tous ceux qu’il demandoit ; mais ils ordonnèrent à chaque Cité d’envoier un certain nombre de troupes. Les Bellovaques ne voulurent pas fournir leur contingent, alleguant pour raison qu’ils feroient la guerre aux Romains en leur nom et à leur maniere, et qu’ils n’obéiroient à personne : cependant à la priere de Comius, ils envoierent deux mille hommes. On fit la revûe de ces troupes dans le pays des Eduens, et l’on en donna le commandement à Comius Atrebat, à Virdumarus et à Eporedorix tous deux Eduens, et à Vergasillaunus Auvergnat : mais chaque Cité donna à ces Commandans des gens choisis, dont ils devoient suivre le conseil. Il ne faut pas oublier un trait particulier rapporté par Strabon, et qui regarde les assemblées des Gaulois. Si quelqu’un dans ces assemblées faisoit du bruit, ou troubloit celui qui parloit, l’Huissier venoit l’épée à la main, et lui ordonnoit avec menaces de se taire ; ce qu’il répetoit deux ou trois fois : s’il ne se taisoit pas, l’Huissier lui coupoit un grand morceau de son habit, en sorte que le reste devenoit inutile.


VIII.

Des Marseillois, et de leur Republique.

Les Phocéens, peuples de l’Ionie, fuiant la dureté d’Harpalus Préfet de Cyrus Roi des Perses, après avoir vaincu les Carthaginois dans un combat naval, vinrent dans les Gaules, et y bâtirent une Ville, qu’ils appellerent Marseille, d’où leur est venu le nom de Marseillois. Aristote cité par Athenée, après avoir attribué à des Marchands Phocéens la fondation de Marseille, ajoute ce qui suit : « Euxéne Phocéen étoit logé chez le Roi Nanus, [ ou plutôt dans la Ville où regnoit ce Roi. ] Nanus aiant préparé les nôces de sa fille, invita au festin Euxéne qui se trouvoit là par hazard. Les nôces se faisoient de cette maniere : Après le repas on faisoit entrer la fille ; elle devoit présenter une phiole à celui qu’elle vouloit d’entre ceux qui étoient présens et qui la recherchoient en mariage, et celui à qui elle donnoit la phiole, devenoit son époux. La fille du Roi, appellée Petta, étant entrée, soit par hazard, soit pour une autre raison, présenta la phiole à Euxéne. Le pere qui regarda cet évenement comme un effet de la Providence, donna sa fille en mariage à Euxéne, qui changea le nom de sa femme en celui d’Aristoxéne. Ils eurent un fils nommé Protis, dont les descendans s’appellent encore aujourd’hui à Marseille Protiades ». Justin raconte la chose différemment : « Les Phocéens, selon lui, faisant le métier de Pirates, vinrent dans ** Le Golfe de Leon. la mer Gauloise à l’embouchure du Rhône : charmés de la beauté du pays, ils s’en retournèrent chez eux ; et racontant ce qu’ils avoient vu, ils engagèrent plusieurs de leurs compatriotes à venir dans les Gaules. Simos et Protis furent Commandans de la flotte. Arrivés dans les Gaules, ils allerent voir Nannus Roi des Segobrigiens, sur les terres duquel ils avoient envie de bâtir une Ville : Ce jour-là par hazard Nannus étoit occupé à préparer les nôces de sa fille Cryptis, qu’il devoit donner en mariage, selon la coutume de la Nation, à celui qui serait choisi pour son gendre pendant le repas. Tous ceux qui avoient été invités aux nôces étant venus, on invita aussi les Grecs au festin. On fit venir ensuite la fille : et son pere lui aiant commandé de présenter de l’eau à celui qu’elle choisissoit pour son époux, laissant là tous les autres, elle se tourna du côté des Grecs, et présenta de l’eau à Protis, qui devenu gendre d’hôte qu’il étoit, obtint de son beau-pere une place pour bâtir une Ville. Marseille fut ainsi bâtie à l’embouchure du Rhône. »

« Les Liguriens jaloux de l’accroissement de cette Ville, attaquoient sans cesse les Grecs, qui leur résisterent avec tant de courage, qu’ils les vainquirent, s’emparèrent de leur pays et y établirent plusieurs Colonies ». Le Roi Nannus étant mort, son fils Comanus lui succeda. Comanus poussé par un certain petit Roi, dressa des embuches aux Marseillois le jour des jeux Floraux. Les Marseillois les aiant découvertes, tuerent le Roi Comanus avec sept mille hommes de ses gens. « Depuis ce tems-là les Marseillois eurent grand soin de fermer leurs portes les jours de fêtes, de faire la garde ; de poster des sentinelles sur les remparts, d’examiner les étrangers, enfin de garder leur Ville en tems de paix, comme si effectivement ils avoient guerre. Ils eurent depuis de grandes guerres à soutenir contre les Liguriens et contre les Gaulois. Ce qui contribua beaucoup à augmenter la gloire de leur Ville : et les différentes batailles qu’ils remporterent, les rendirent célébres chez leurs voisins. Ils battirent souvent les armées des Carthaginois, avec lesquels ils étoient en guerre pour des vaisseaux de pécheurs que les Carthaginois leur avoient enlevés : et après les avoir vaincus, ils leur donnerent la paix. Ils firent alliance avec les Espagnols ; ils observerent fidélement le traité qu’ils avoient fait avec les Romains presque dès la fondation de Rome, et ils secoururent leurs alliés dans toutes leurs guerres. Ce qui augmenta la confiance qu’ils avoient en leurs forces, et leur procura la paix du côté des ennemis. Comme donc Marseille étoit florissante tant par la réputation de ses belles actions, que par l’abondance de ses richesses et l’éclat de ses forces, tous les peuples voisins conspirèrent ensemble pour abolir le nom des Marseillois, comme pour éteindre un incendie commun. Ils élurent d’un consentement unanime pour Chef le Roi Catumandus, qui lorsqu’il assiégeoit Marseille avec une grande armée de troupes d’élite, épouvanté d’une apparition qu’il eut, pendant le sommeil, d’une femme qui se disoit Déesse, et dont le regard étoit affreux et menaçant, accorda de son propre mouvement la paix aux Marseillois. Des Ambassadeurs des Marseillois revenant de Delphes où ils avoient été envoiés pour faire des présens à Apollon, apprirent que la Ville de Rome avoit été prise et brûlée par les Gaulois. A cette nouvelle toute la Ville de Marseille fut en deuil, et contribua de l’or et de l’argent tant du public que des particuliers pour parfaire le poids, dont ils avoient sçu que les Romains étoient convenus avec les Gaulois pour acheter la paix. En reconnoissance d’un si grand service, Rome accorda l’immunité aux Marseillois, leur donna place aux spectacles avec les Sénateurs, et fit avec eux un traité qui leur étoit honorable ».

Les Marseillois furent toujours amis des Romains, auxquels ils furent d’un grand secours dans la guerre contre Annibal. Le Consul Cnéus Servilius fit précéder la flotte des Romains par deux vaisseaux des Marseillois, qui s’exposèrent courageusement à tous les dangers. Les Marseillois donnèrent à P. Cornelius Scipion quatre galeres à trois rangs de rames pour l’accompagner jusqu’à Tarragone. Marius, à cause des bons services qu’ils lui avoient rendus dans la guerre contre les Ambrons, leur fit présent de la fosse qu’il avoit creusée à l’embouchure du Rhône. Non-seulement ils avoient recours aux Romains, quand ils étoient attaqués par leurs ennemis, mais encore leur recommandation étoit d’un grand poids auprès des Romains. Le Sénat avoit ordonné qu’on détruisît la ville et le nom des Phocéens, parce qu’ils avoient porté les armes contre le peuple Romain ; les Marseillois envoierent à Rome des Ambassadeurs, pour demander grâce pour eux, et ils l’obtinrent. Leur trop grande fidelité pour le peuple Romain fut la cause de leur perte. Dans la guerre civile entre Pompée et César, ils fermerent à celui-ci les portes de leur ville. César manda les quinze premiers d’entr’eux, et leur dit tout ce qu’il put pour les faire revenir. Ils lui répondirent qu’ils voioient bien que le peuple Romain étoit divisé en deux partis, qu’ils ne leur convenoit en aucune maniere de décider lequel des deux avoit raison : que Pompée et César, tous deux leurs patrons, étoient chefs de ces partis ; qu’aiant pareille obligation à l’un et à l’autre, ils ne dévoient se déclarer ni pour l’un ni pour l’autre, ni recevoir l’un dans leur ville et dans leurs ports au préjudice de l’autre. César voiant qu’il ne gagnoit rien, les fit attaquer par mer et par terre ; et après les avoir vaincus et pris leur ville, il leur enleva tout, armes, vaisseaux, argent ; et il ne leur laissa que le seul nom de liberté. Ciceron plaignoit le sort de cette ville : Nous avons vû, dit-il, porter en triomphe la ville de Marseille, sans laquelle nos Empereurs n’ont jamais triomphé des nations Transalpines.

Les Marseillois suivoient les Loix Ioniques, qui étoient exposées dans un lieu public. Leur gouvernement étoit Aristocratique : car leur République étoit gouvernée par six cens Sénateurs, qui à cause de l’emploi dont ils étoient honorés, et qu’ils exerçoient toute leur vie, s’appelloient Timuques. Ils avoient à leur tête quinze Sénateurs, qui expédioient les affaires les plus faciles. Trois entre ces quinze avoient la préséance et une autorité souveraine. Celui qui n’avoit pas d’enfans, et qui n’étoit pas du nombre des Citoiens depuis trois générations, ne pouvoit prétendre à la dignité de Timuque. Si quelqu’un avoit rendu une Sentence injuste, non-seulement il étoit condamné à perdre ses biens, mais encore il étoit déclaré infâme par les six cens. Ciceron donne de grandes louanges à cette République : car après avoir dit que sa gravité et sa discipline, étoient préférables non-seulement à la Gréce, mais même à toutes les Nations de l’Univers ; il ajoute que quoiqu’elle fût éloignée de la Grèce, entourée de Gaulois, et arrosée par les flots de la barbarie, elle étoit gouvernée par le conseil de ses Sénateurs avec tant de prudence, qu’on pouvoit plus aisément louer ses maximes que les imiter. Presque tous les Auteurs font les mêmes éloges de la gravité et de la discipline des Marseillois, en sorte que Plaute voulant exprimer des mœurs irréprochables, il les appelle des mœurs Marseilloises. Ils avoient une loi qui défendoit aux femmes de boire du vin. Ils portoient à si haut point la modestie, que la plus grande dot ne passoit pas cent écus d’or, et qu’il n’étoit permis à personne d’en emploier plus de cinq en habits, et plus de cinq autres en ornemens d’or. Leur discipline étoit si sévére, qu’ils permettoient à un maître de casser jusqu’à trois fois l’affranchissement qu’il avoit accordé à son esclave, s’ils connoissoient que le maître avoit été trompé trois fois par ce même esclave : que si le maître l’affranchissoit une quatrième fois, il ne pouvoit plus revenir contre cet affranchissement. Ils n’admettoient aucun Comédien sur la scene : leurs portes étoient fermées à ceux qui sous prétexte de religion cherchoient à entretenir leur fainéantise. On conservoit dans la ville, depuis sa fondation, un glaive pour égorger les criminels : ce glaive étoit si mangé par la rouille qu’à peine pouvoit-il servir : mais c’est une marque, dit Valere Maxime, que dans les plus petites choses on doit conserver tous les monumens des anciens usages. Ils ne laissoient entrer dans la ville personne qui eût des armes. Il y avoit à la porte quelqu’un de préposé pour prendre et garder les armes de ceux qui y entroient, et pour les leur rendre à leur sortie. Ils en agissoient ainsi pour que l’hospitalité, qu’ils exerçoient avec beaucoup d’humanité, ne préjudiciât point à leur sûreté. Il faut que dans la suite les Marseillois aient bien dégenéré de leur ancienne vertu, et qu’ils soient tombés dans le luxe et la mollesse, puisque lorsqu’on partait à des gens mous, efféminés et adonnés à toutes sortes de débauches, il étoit passé en proverbe de leur dire : Allez à Marseille, ou Vous êtes venus de Marseille. Petrone, dont Servius rapporte les paroles dans son Commentaire sur Virgile, attribue aux Marseillois une coutume bien barbare. Toutes les fois, dit-il, que les Marseillois étoient attaqués de la peste, un d’entre les pauvres s’offrait pour être nourri pendant une année entiere très-délicatement aux dépens du public. Après quoi on l’ornoit de vervénes et de vêtemens sacrés : et après lui avoir fait faire le tour de la ville, en le chargeant de malédiction, pour que les maux de la ville retombassent sur lui, on le chassoit, ou selon la leçon de Pierre Daniel, on le sacrifioit, et on le mettoit en pièces.

Le pays des Marseillois étoit couvert d’oliviers et de vignes : mais comme la terre n’étoit guéres propre à porter du blé, ils s’appliquerent moins à l’agriculture qu’à la navigation. Aussi leur Arsenal étoit-il fourni de vaisseaux, d’amies, d’une grande quantité de machines pour la navigation et pour l’attaque des places. Leurs maisons n’étoient pas couvertes de tuiles, mais de torchis. Il y avoit devant les portes de la ville deux biéres, l’une pour les corps morts des gens de condition libre, l’autre pour ceux des esclaves : ces biéres étoient portées dans un chariot au lieu de la sépulture. Le deuil ne duroit que le jour de l’enterrement, qui se faisoit sans pleurs, sans gémissemens : on faisoit un sacrifice domestique, et un repas entre les parens. On conservoit publiquement dans la ville du poison fait avec de la ciguë, que l’on donnoit à celui qui avoit exposé aux six cens les raisons qu’il avoit de souhaiter la mort. Si Marseille, quoique conservant toujours ses coutumes, n’a pas laissé de prendre quelque chose du génie de ses voisins, les Gaulois en revanche ont beaucoup pris d’elle : car c’est chez elle qu’ils ont puisé la politesse, l’amour des belles lettres, l'etude de la langue Grecque. Les Gaulois, dit Justin, ont appris des Marseillois à quitter leurs manieres rudes et grossieres pour en prendre de plus polies, à cultiver les terres, et à entourer les villes de murailles. Alors ils s’accoutumerent à ne plus vivre de leurs armes, mais à s'assujettir à des loix, à tailler la vigne, à planter des oliviers. Les hommes et tout ce qui servoit à leur usage acquirent un si grand lustre, qu’il sembloit, non que la Gréce fût passée dans la Gaule, mais que la Gaule eût été transferée dans la Gréce.


IX.

Des Expeditions des Gaulois.

Au tems de Tarquin l'Ancien, Ambigat roi des Celtes étant deja fort vieux, et voyant que son Roiaume étoit si peuplé qu’il pouvoit à peine le gouverner, il prit la résolution de le décharger d’une grande partie de ses habitans. Il déclara donc qu’il avoit dessein d’envoier Bellovese et Sigovese, fils de sa sœur, jeunes Princes hardis et courageux, dans les pays que les Dieux leur désigneroient par les augures ; qu’ils n’auroient qu’à prendre avec eux telle quantité d’hommes qu’ils voudroient. Le sort donna la forêt d’Hercynie à Sigovese, et l’Italie à Bellovese. Celui-ci prit avec lui les Bituriges, les Auvergnats, les Eduens, les Ambarres, les Carnutes, et les Aulerques. Etant parti avec un grand nombre d’infanterie et de cavalerie, il vint sur les terres des Tricastins : de-là il trouva en face les Alpes qui lui parurent insurmontables, et que personne n’avoit encore traversées. Là tandis que les Gaulois se trouvoient comme enfermés par la hauteur des montagnes, et qu’ils examinoient par quel endroit de ces montagnes, dont le sommet touchoit au ciel, ils passeraient dans un autre monde, ils apprirent que des Etrangers (c’étoient les Marseillois) cherchant un lieu pour y fixer leur demeure, étoient attaqués par les Salyens. Les Gaulois tirant un bon presage de cet évenement, aiderent les Marseillois : ils traverserent ensuite les Alpes par le détroit des Tauriniens ; et après avoir mis en fuite les Toscans près du Tesin, ils apprirent que le lieu où ils s’étoient arrêtés, s’appelloit le pays des Insubres, du même nom qu’un canton des Eduens. Ce lieu leur étant d’un bon augure, ils y bâtirent une ville, à qui ils donnerent le nom de Milan.

Une autre troupe de Cenomanois suivant les traces des premiers sous la conduite d’Elitovius, passa les Alpes par le même détroit, à la faveur de Bellovese, et s’arrêta à l’endroit où sont maintenant Bresse et Verone. Les Salluviens vinrent ensuite, et habiterent aux environs du Tesin. Après eux les Boiens et les Lingonois ayant aussi traversé les Alpes par le mont Apennin, comme tout ce qui étoit entre le Pô et les Alpes étoit déjà occupé, passèrent le Pô, et chassèrent non-seulement les Etruriens, mais encore les Ombriens : ils se tinrent cependant entre l’Apennin. Les Senonois enfin vinrent les derniers, et s’établirent entre le fleuve Utis et le fleuve Esis. Il est sûr que cette

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niitris ei> ab Imperatort missis >tmm 

ut copiis prmutemt, tum ut jtu rwtdertnt, atque rem mrariam admi- • nistrarè/U denique de veetigaÛbtu i qum in G<iUUs Populus Ronummt i percipiebat, et unde ista vectigaUà ̃ cogebantur. ’̃•’ Tom. i. Yi TA RLE • CHRONOLOGIQUE, ,oa G A V LOIS ES «T. FRJNÇOtSES OU L’ON TROUVE rassemblés par ordre des tems les principaux faits épars çà et là dans le volume, et où l’on corrige les fautes qui se sont glissées en marquant les années aux marges. Smis le règne de Vancien Tarquin, environ l’an f 62 depuis la fondation de Rome, 591 avant l’Ere de- J. C. T ES Gaulois quittent leur pays pour aller -«chercher «le nouvelles demeures. 376. d. Sous le regne de l’ancien Tarquin ils entrent dans l’Italie, aiant Bellovese à leur télé, 322. b. Les Gaulois avec une nombreuse armée attaquent les Etruriens, et tes chassent da paya des environs du Pô. 155. b. 368. d. Après avoir passé les Alpes, iU mettent en déroute les Etruriens près du Tesin et bâtissent Milan dans le pays des Insubriens. 322. o. Les Cenumanois «pus la conduite d*EUtovius franchissent le» Alpes, et s’arrêtent dans le lieu oh sont à présent Bresse et Vérone, 322. Les Gaulois après avoir passé les montagnes Riphées, s’emparèrent des extrémités de l’Europe une partie demeura long-tem» entre le» monts Pyrénées et les Alpes depuis aiant gouté du vm apporté d’Italie, elle aUa dans ce pays. 377. a. Les Marseillots partis de PhoceV par mer, cherchent une ure dans les Gaules ; Us sont attaqué» par les SaJyens. $£2. c. Au tems du roi Tarquin de jeunes Phocéens vinrent par mer de l’Asie dans les Gaules, et y bâtirent Marseille. 483. e. Simos et Protis oonduisoiénl la notte Nannus Roi des Segobrigiens avoit donné à Protis un endroit pour bâtir cette ville. Cryptia fille de Nannus avoit choisi Protis pour son époux. 484. a. Les Liguriens jaloux du progrès de Marseille, bar- J cèlent sans cesse les Grecs. Les Marsculoi», aiant vaincu leurs enriemis, envoient des coloniesdansles terre» qu’ils a voient prises. 486. b. Comanus (Us de Nannus roi des Segobrigiens ( aiant succédé A son père, dresse des embûche» ’7"t~- ANNALES ~x. INDEX- ’vl f CHRONOtOGXCUS, | M~ ANNAL%S v GALLiçi GALLiCÏ v~ T FR ANCÏCI tN QUI BUS, T£Wi>ÔBUM I sen^ata raiione, prmcipun facta hue Mue in volumine dispersa simul colliguntùr et, in quibut emendatur si quid erratum est in annotandis annis in marginibus. Régnante Tarquùiio Prisco circa annum ab IStfte oondita 1t ;2, ante /tram Christi 5 !M. Çl’ALlâ, patria retirta, ad nova* oiubVJ rendat tedts pro/icitruntur 376. d. Prùeo Tarquinào régnante, in Italiam tranmmt, Belhveto duce. 322. b. Galli cum numermo ecrercit* Etnaro* invadunt alque «r regione Ctrcumpatlana ejicïunt. i 55. b. 368. rf. Alpettrameendmt, Tutco$prMHo/imdt$ntprtfeTieinm(hh TtUt’OI in apw lna&Wuj~râw Titi, mm, in agro Insubrium Mtdiolamrnamdunt. 322. e. Cenomani, Elitovio dure Alpes trantem* dunt, et eotuidunt ubi nme Brimi* et eronatunt. 322. Galli, Rtphris tuperati* montibts*, ultima insederunl Europm part intrr Pyretuem montes cl Alpes div habitaverunt poiteà gustato #im w lialia illato, in ittam rtgionem contenderunt. 377. a. Massilienses à Pfiocsea navibus proferti locvm qiunvnt in GaUta à Satyum ytnte oppuynantur. 322. c. Temporibu* Tarquinii régit «r Âtia Phoemrtuium juventus in ultimot Galli» sinus navibui profecta, Mautliam condidit. . «. Duces classa fuere Simm et Protis. Locus eondend* urbù à Nanhp Segobrigiorum rege daim Proti, qmm in virum ~MfMn ~<Mt j~<~ 9’ :9’" ill f.rMOt sibi elegerat Narmi filia. 484. a. Ligures Massili* incrementis tmvdentes, Grmcosassiduisbellis fatigant. Mauilitnies, victis kottibut, in eaptivis agris colonias conttitmmi. 486. 6. Comanm filiut Nàmi Segobrtywrum régis, (pipatri*ucto$swMttMamlimuibv»itrmt h 4’ m^r ~i` ~kyy .t’ sit~’ ,urif,v,t~~y.°~.2r, i. ~A~~ ,"1"8"c"1, , ? i, $~ <)).t ;.<~t~j~ ~o~h~.M~o. A ~o11M1 ; ` x ;cur,tl~ <~M nmt. «f» a" 311. 6. ?.22. ’/Mt,. ~M" T))~)j~ An. ab U. C. 362. «ete vEnun Chr. 391 Galli illam jmr**ki*tim, m «m wmrc Jfediokmià atf, tom» «rf AwiramM /h*vtum Mutai*. 5p3. «, fiatti Senones CttuiumiAndmt. 34 ». 6. 922. «. 37», a. 628. A Ô3I. d. WH. d. 587.’ «. M Chumù Ltgati AomuM uMtitnt contra Gallo» atuptlium pelmh». 322. e. Ad 6«//<* Rotua miUuntur tr*t Ugali. 322. é. 3T». a, ^31. d. 564. d. Brmni responsio Legatis /"arto. 378. 6.. JLoj/ati rtowiànonw» cwro Clwtinia dimicant contra GaUàt. 3t 1 c. 587. >. /é//it b Leyatii dueem tialloruut occidil. 311. d. 323. b. 378. e. MY%. d. Légat, Gailos violant. 529. a. Gaili Leyatum à Ruinants euyotcunt. 323. b. Quu negato Homam conteiuiunt. 370. 5’JD. a. 531. d. 587. e. Finitimi populi ad delendum Massiltcnsium nouum sitnul conspirant. Catuumndus reyulus consentit omnium etigitur, .4/ojuiliam obèùlet per quietem specie Utje rjctrrritut, oww Massilù/nsibuS pactm fucï*. 484. ». Ah. ab U. ( :. 363. unie £nun Chr, 31)0. Gai/u occurrit Fabius rum eawcitu, qui cxditur ad Alluim flumen. 10t. a. 312. 323. d. 354. e. 380. a. 531 d. 5«4. rf. . r. Rontani desrrta urbe Capitolium Irlis cl munitionibus finiumt. 313. c. 324. d. 380 r. Galli Romam rapiunt et diripiunt. 37. b. 155. e. 313. d. 325. 38 !. 4«G. < 4 :>0. r. W2. rf. l»88. 090. r. 691. r. 723. a. Capitolium obsident. ̃65tî. b. r. Uaud procut ab urbe Ardea a Cumillo trucidantw. 326. 38 1V 382. 564. Galli Capitolium atcnùierf intentes aiuterutn clfingore produntur, tt repelluntur. 3» 4. 327. 3^4. d. 384. 385. 50’». e. M’<i. e. 688. e. Quid eo* rompuht ad omittntdam obtidiorwm. (>0f>. c. ln#r Romanot et Gallos inducw et colloquia ret Brermum inter et Sulpicium trantitjittrr. Roma mille pondoauriredemta : 327. d. e. 386. 532. b. 588. a. Mille pondo auri, qux Galliidebebantwr mulierum cultu expteta. 666. a. Gallit et Romanis de pondère altercantibut, advmit Camillus aurum aufert, et Gallm faeeuere jubet. 3*27. e. 386. 532. b. Galli trptem mentn Romam tenent, d Çamillo ejcpelkmtur. 699. b. Romani mm Gatlis fadu* faciunl hi, cmditianibu

  • ut tributa eu pendermt,

Mn MyrÉMliy* -InJ ma, aLînl d^^n«M^ î m«H-am pfl^ugwipM èisn wir rot, m>-Mm ». 4^4. e. 4.. ’$ I

~)6 !M<MÈ< !t~~ ~wo let, Jjft~ 

<wo« et Im G»uld« &> tettlwnl touvmii Im Cwtiwrbio)*, et trent «Bnnee «reo l*E«p«- | gqe, 4Q4. d. «,’̃ ;s L’a* 362. rftJtoffMjSM. avant J. C. j Le* 0aaloi» oooufioieat k partie ditelie, où ’̃ wt prëhsntanehl Milan. jimiiu’Âu fleuve Ru- • bk»S, fifi».e. » ï be» Gauloia Senottoi*- auUgent Cluaium. 31 1/ b. 322, d. 378. a. 538. d. 531 d. 564. d. 587V · e. Le* habUan» ikt octte ville tkiputoirt à BAmé DttUr den)M)Miet’d~tecoutit< !ontretetGtutuJw. . e. Le Sehal envoie trois Ambautadeurs aux Gaulois. 324. e. 378. a. 531 d. 564 d. Breiuius t leur r»’j>oo<l. 378. b. b., Ia*s Ambassadeur* des Romaiiw ae joignent à ceux de’ Clusiiim, et combattent contre Im Gaulow. 311. e. 587. e. Un de cm AiuInusaiiuuni tue un des Chefs dat Gaulois. 311. d. 323. b. 378. e. 5&4. d. 529. a. I^tr Gaulois demandent aux Romains qu’on leur renvoie cet Ambassadeur. 323. U. Sur k- refus qu’on leur eu fait ,’ils vont droit a Home. 379. 529, a. 531. d. 587. e. Len [teuples voisins conspirent ensemble pour abolir le nom de» MameiUoM. Catumandus élu roi d’un consentement unanime assiéra Mai’seillt* une Déesse lui .ap|>aroit |jendant le sommeil épou vanté de eetle ai>|M«ntion, il (ait la |wix avw les Maiseillois. 484. e. ,c Llan 363. iti Rome 390 avant /C. Fabius ’vient au devant des Gaulois avec sou armée, qui est mis*’ en déroute ai|près de la rivière Allia. 101. a. 31’2. 323..I. 354. c. 380. a. 531. d. 564. d. 587. e, Les Romains, aiant abandonné Home, |Knirvoieut le ( ’.apitoie d’urines et de munitions. 313. e. 32’». cl. 380. e. I^es Gaulois prennent Rome et la pillent. 37. b. 155. e. 313. d. 32.r.38J..426. d. 459. e. W12. d. (>88. 690. e. 691. <•. 723. a. Ils :.ssi«’gent le ( Apitoie. 6.r)(>. b. e. Ils siinl tletailN piir Camille auprès «le la ville d’iriiee. 3’26.Hi 382. 56’». Les (ituilois sVfli)ieant de Kvioi|MT au (apitoie, soiit ifix)lissés après avoir elé dé<’ouvcrts (Mil.’ cri des oies, ai ’T27. 354. «1. 38’». 385. 564. e. 663. e. 688. e. liaison qui les oblige d’ulMiulonner le siège. M’A), c. Trévt-s et |>ouriNtrrers enti-e l»-s Romains et les Gaulois. L’affaire »e tmiu- euti-e Brennus et Sulpieiu-s. Rome est riiehetée pour mille livres d’or.T27. d. e. 386. 532. b. 588 a. I^«s femmes donnent leurs joyaux pour faire cette somme. 666. a. Tandâsque le* Gaulois et tra Romains sonl en <iillermd sur le poids (juuille survient, enfeve l’or aux Gauhis, et leur ordonne de se retirer. 327 e. 386. 532. b. I^s Gaulois xont les mattres de Rome pendant sept mois, et Camille lies en chasse. 699. b. ’J I^s Romain* font un traité avec les Gaulois à ’*̃ condition qu’ils leur payeroùmt un tribut, i t.. ,C .r :I¡’1’1.iJ~ ;W~¡t Sa j_ », ti « _»_ «_ ̃*̃ p. ’s~St§~ t)Mt~S~ESS~S’

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’T~ jt~" ~v~~ U raotaterentavco daTor 40. è, MB. Amm W* t~T< )Ot<M<W j~tjjtt~.wM~.Mt~Otttt’t fi MaHÊH0t,r enVirpQ la MMplsam atMNst.pMi«P^ |, ̃ Ornapiade. 308. 0. ̃ ̃ ̃ ̃• |l CMJMimjp’ -OH JWMRM imiMI Sw Wr ̃ • fTirafi^ r "̃ •̃ «elle ittuvèfie obec wh, m MmmÉ4Î ’«a. ’nrenent le deuil, et Ht at a(«sias*t ̃mtrBjav jlrfaentte deIoiI ,et :. · faire la soaame prrtarim au» CiwJnli M*>M ï lionMim. Le Sénat par rweoawpitMho* >fowfa l’immunité" «ut MtaraniHow, |»v donan jpboe aux SpooUokw, et feit un traité ava» «m. . a. L’a* m. de Rom*, 367. attontJ.C. Au bruit de la guerre des Gaulois, CamiOe mt < bit Dictateur "anur la rinquittane fou. 0 m> dont» un comnat proche l’Aiiio, les Gaulois «ont vaincus. 339. b. c. 387. 388. *60. a 099. c. Imh Romain* «iaat leur tAe le Diotatcur Camille, •« battent oonlre les Gaulois dam le (wyft des Aibaim. La victoire fut du côté des Romain». 338. o. Cependant Potybe fapporU- que kw OauloU s’avancèrent juaquw à Albt- Pt que les Romain» n’ouvrent k» attaquer. 156. b. L’an 387. A- Home, 366. avatii J. C. ̃ ,̃ Ia bruit courait, que les Gaulois rtpRuUu» dan» i la PouiUe, se rassembloient. 328. o. L’ 39’1. tÚ 36{. 4t,IGni J.C. L’an 392. de Rom», 361 avant J. C. I.*m Gaului» campent au-delà du Pont de l’Anio. l ̃ r Un Gaulois provoque à un combat singulier le plus vaillant des Romains. 338. d. T. Manlius tue ce Giuloi», lui. ôte son ouUier ; d’où lui est venu le surnom de Torquattu. Les Gauloi» «ont uillés en pieoM. 329. a. 460. a. ft32 0. 565. c : 570. a. 588. b. 661 r. 690. e. 691 a. L’an 393. de Marne, 36<k avant J. C. Ijc bruit de la guerre de* Gaulois oblige de i enfer Dictateur Q. Servika» Ahah. Le combat se donne près de la porte CoQine 1>e» Gaulois sont mis en fuite. 329. e. Petelius triomphe des Gaulois. 3*49. d. L’a» 39b. d* àme, 358. avant J. C. t Les Gaulois viennent à Frénésie, ils campent ( aux environs dp. la ville appelée FVdum. C. Sulpicius eut fait Dictateur. 32V. d. l^e» Gaulois se battent contre les Romains, et ils sont vaincus. 330. a. b. 460. b. 670. a. 588. b. 086. d. l’ai» 403. de tome, 350. avant J. C. t OÀ’ apprend qu’une nombnvwe armée des Gaulois étoit campée dans le pays des Latins. On charge le Consul Popilliu* de la guerre «Mitre les Gaulois. 330 : o. Les Gaulois sont nn en déroute. 330. e. 331 a. 460. o. Po-

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  • »«* DkUUor. Fit fmfaa ad Attimm, r

emm^r fi«jli. 328. t. r. 387. 388. 460. a. 099. e. i» itttano ofra^mm fia^M «f»ta mKate, Jf. Fwio Dietmton net d&im, née d*0ieilii Momemie Victoria fm(. 328. c. Galli ad Albam progrediuntur contra quoi Romani ire nom tant <MOt. 1 66, 6. ̃ Au. ab (J. C. 387. ante *Jram Chr. 366. ama erat Galbe per Apultam pakum canaregari, 328. t. An. ab.lJ. ( :. 392. ante -€ram Chr. 361. ail» Iront ponlem Anitni* cattra hâtent. Galhu umm è Montants prtvocat êé mmgular* cm-Umen. 328. i, Tilm atasiàat Gallum interfitit, et kwmm eaoUml^ «•» .«  de nomen Torouati. Gatti Iruriénmemt. •̃ 329. a. ». 460. a. KM. «. 6«0. c. 570. a. m. 6. 662. «. 690. t. «*.«. «Ai», ab U C. 393. ante £ram Chr. 360. ^urnultu* Catlinu Q. Stwilnm Âhaimm Dictamrem rreari cogit. Puf/natur 4aW finirai parla Coltim :̃ Galli (itgamtw. KM. c. Ptmtelnu de Galli* trimnpkat. 3p9. d. ji. ab U. C. 395. ante JEnm Chr. 358. Wi Frmmtte vmiunt, et eirva MHtm tuneidunt. CreaêÊtr ùietator C. fàUpieitte. 329. d. Pugnant Galli advrrtxu /terni- «  «m, et vmcHNnr. 330. a. t. 460. ». 570. a. m. ». 686. d. m. ab U. C. 403. ante <£ram Chr. 350. npmtm Gallontm eoeertitum m o^ro Latim castra peeuism mmeiatur. GmlUcwm seflwM Poftiltio Cmemli datmr. 390. e. Galli prmho vinemtur. 330. e, 331 a. 460. r. De GaltU i Popillw timmptmt d ,s 0"9 SI’ ~~1y ~·Ar `I.r, ; et~1’h y w~. ~,r’1~ ~E~iuY ,n ~.v uJ. `,R :~Y PRÆFA T10. lxxix le revenu des cités, de quelle maniéré elles étoient gouvernées, en quoi con¬ sistait leur milice. On y traite de leurs assemblées générales ; de l’autorité im¬ periale dans les Gaules ; des Officiers que l’Empereur y envoioit tant pour commander les troupes , que pour ren¬ dre la justice, et administrer les Finan¬ ces ; enfin des revenus que l’Empire Romain avoit dans les Gaules, et en quoi ils consistaient. conditione ineunte sæculo quinto, de civitatum reditu, de modo quo gubernabantur ; de earum militia; de comitiis generalibus ; de Impe¬ ratoria in Galliis potestate ; de Mi¬ nistris eo ab Imperatore missis , tum ut copiis prseessent, tum ut jus red¬ derent, atque rem ærariam admi¬ nistrarent ; denique de vectigalibus quæ in Galliis Populus Romanus percipiebat, et unde ista vectigalia cogebantur.

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