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Mai 2005


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CES CLASSIQUES LITTÉRAIRES.

[1] Ces mots expliquent, à ce que je crois, le véritable sens du titre l’Ingénieux hidalgo, titre fort obscur, surtout en espagnol, où le mot ingenioso a plusieurs significations. Cervantès a probablement voulu faire entendre que don Quichotte était un personnage de son invention, un fils de son esprit (ingenio).

[2] Il y a, dans l’original, padrastro, le masculin de marâtre.

[3] Cette coutume, alors générale, était très-suivie en Espagne. Chaque livre débutait par une série d’éloges donnés à son auteur, et, presque toujours, le nombre de ces éloges était en proportion inverse du mérite de l’ouvrage. Ainsi, tandis que l’Araucana d’Alonzo de Ercilla n’avait que six pièces de poésie pour recommandations, le Cancionero de Lopez Maldonado en avait douze, le poëme des Amantes de Teruel de Juan Yaguë, seize, le Viage Entretenido d’Agustin de Rojas, vingt-quatre, et les Rimas de Lope de Vega, vingt-huit. C’est surtout contre ce dernier que sont dirigées les railleries de Cervantès, dans tout le cours de son prologue.


Au reste, la mode de ces ornements étrangers ne régnait pas moins en France : qu’on ouvre la Henriade et la Loyssée de Sébastien Garnier (Blois, 1594), ces deux chefs-d’oeuvre réimprimés à Paris en 1770, sans doute pour jouer pièce à Voltaire, on n’y trouvera pas moins de vingt-huit morceaux de poésie française et latine, par tous les beaux esprits de la Touraine, entre autres un merveilleux sonnet où l’on compare le premier chantre d’Henri IV à un bastion :


Muni, pour tout fossé, de profonde science…

Qui pour mare a Maron, pour terrasse Térence.

[4] Cervantès avait cinquante-sept ans et demi lorsqu’il publia la première partie du Don Quichotte.

[5] Personnage proverbial, comme le Juif errant. Dans le moyen âge, on croyait que c’était un prince chrétien, à la fois roi et prêtre, qui régnait dans la partie orientale du Thibet, sur les confins de la Chine. Ce qui a peut-être donné naissance à cette croyance populaire, c’est qu’il y avait dans les Indes, à la fin du douzième siècle, un petit prince nestorien, dont les États furent engloutis dans l’empire de Gengis-Khan.

[6] C’est ce qu’avait fait Lope de Vega dans son poëme El Isidro.

[7] En effet, ce n’est point Horace, mais l’auteur anonyme des fables appelées Ésopiques. (Canis et Lupus, lib. III, fabula XIV.)

[8] Ces vers ne se trouvent point parmi ceux qu’on appelle Distiques de Caton; ils sont d’Ovide. (Tristes, elegia VI.)

[9] Don Antonio de Guévara, qui écrivit, dans une de ses Lettres, la Notable histoire de trois amoureuses. « Cette Lamia, dit-il, cette Layda et cette Flora furent les trois plus belles et plus fameuses courtisanes qui aient vécu, celles de qui le plus d’écrivains parlèrent, et pour qui le plus de princes se perdirent. »

[10] Rabbin portugais, puis médecin à Venise, où il écrivit, à la fin du quinzième siècle, les Dialoghi d’amore. Montaigne dit aussi de cet auteur : « Mon page fait l’amour, et l’entend. Lisez-lui Léon Hébreu… On parle de lui, de ses pensées, de ses actions; et si, n’y entend rien. » (Livre III, chap. v.)

[11] Cet ouvrage est justement le Peregrino ou l’Isidro de Lope de Vega, terminés l’un et l’autre par une table alphabétique des auteurs cités, et qui contient, dans le dernier de ces poëmes, jusqu’à cent cinquante-cinq noms. Un autre Espagnol, don José Pellicer de Salas, fit bien mieux encore dans la suite. Son livre, intitulé Lecciones solemnes a las obras de Don Luis de Gongora (1630), est précédé d’un index des écrivains cités par lui, par ordre alphabétique, et divisés en 74 classes, 2165 articles.

[12] Il y a dans le texte duelos y quebrantos ; littéralement des deuils et des brisures. Les traducteurs, ne comprenant point ces mots, ont tous mis, les uns après les autres, des œufs au lard à la manière d’Espagne. En voici l’explication : il était d’usage, dans les bourgs de la Manche, que, chaque semaine, les bergers vinssent rendre compte à leurs maîtres de l’état de leurs troupeaux. Ils apportaient les pièces de bétail qui étaient mortes dans l’intervalle, et dont la chair désossée était employée en salaisons. Des abatis et des os brisés se faisait le pot-au-feu les samedis, car c’était alors la seule viande dont l’usage fût permis ce jour-là, par dispense, dans le royaume de Castille, depuis la bataille de Las Navas (1212). On conçoit comment, de son origine et de sa forme, ce mets avait pris le nom de duelos y quebrantos.

[13] Voici le titre littéral de ces livres : La Chronique des très-vaillants chevaliers don Florisel de Niquéa, et le vigoureux Anaxartes, corrigée du style antique, selon que l’écrivit Zirphéa, reine d’Agines, par le noble chevalier Feliciano de Silva. – Saragosse, 1584. Par une rencontre singulière, cette Chronique était dédiée à un duc de Bejar, bisaïeul de celui à qui Cervantès dédia son Don Quichotte.

[14] « Que j’achève par des inventions une histoire si estimée, ce serait une offense. Aussi la laisserai-je en cette partie, donnant licence à quiconque au pouvoir duquel l’autre partie tomberait, de la joindre à celle-ci, car j’ai grand désir de la voir. » (Bélianis, livre VI, chap. LXXV.)

[15] Gradué à Sigüenza est une ironie. Du temps de Cervantès, on se moquait beaucoup des petites universités et de leurs élèves. Cristoval Suarez de Figueroa, dans son livre intitulé el Pasagero, fait dire à un maître d’école : « Pour ce qui est des degrés, tu trouveras bien quelque université champêtre, où ils disent d’une voix unanime : Accipiamus pecuniam, et mittamus asinum in patriam suam (Prenons l’argent, et renvoyons l’âne dans son pays). »

[16] « Ô bastard ! répliqua Renaud à Roland, qui lui reprochait ses vols, ô fils de méchante femelle! tu mens en tout ce que tu as dit; car voler les païens d’Espagne ce n’est pas voler. Et moi seul, en dépit de quarante mille Mores et plus, je leur ai pris un Mahomet d’or, dont j’avais besoin pour payer mes soldats. » (Miroir de chevalerie, partie I, chap. XLVI.)

[17] Ou Galadon, l’un des douze pairs de Charlemagne, surnommé le Traître, pour avoir livré l’armée chrétienne aux Sarrasins, dans la gorge de Roncevaux.

[18] Pietro Gonéla était le bouffon du duc Borso de Ferrare, qui vivait au quinzième siècle. Luigi Domenichi a fait un recueil de ses pasquinades. Un jour, ayant gagé que son cheval, vieux et étique, sauterait plus haut que celui de son maître, il le fit jeter du haut d’un balcon, et gagna le pari. – La citation latine est empruntée à Plaute (Aulularia, acte III, scène VI).

[19] Ce nom est un composé et un augmentatif de rocin, petit cheval, bidet, haridelle. Cervantès a voulu faire, en outre, un jeu de mots. Le cheval qui était rosse auparavant (rocin-antes) est devenu la première rosse (ante-rocin).

[20] Quixote signifie cuissard, armure de la cuisse; quixada, mâchoire, et quesada, tarte au fromage. Cervantès a choisi pour le nom de son héros cette pièce de l’armure, parce que la terminaison ote désigne ordinairement en espagnol des choses ridicules.

[21] Quelquefois, en recevant la confirmation, on change le nom donné au baptême.

[22] Allusion à un passage d’Amadis, lorsque Oriane lui ordonne de ne plus se présenter devant elle. (Livre II, chap. XLIV.)

[23] En Espagne, on appelle port, puerto, un col, un passage dans les montagnes.

[24] Je conserve, faute d’autre, le mot consacré d’hôtellerie ; mais il traduit bien mal celui de venta. On appelle ainsi ces misérables auberges isolées qui servent de station entre les bourgs trop éloignés, et dans lesquelles on ne trouve guère d’autre gîte qu’une écurie, d’autres provisions que de l’orge pour les mulets.

[25] Vers d’un ancien romance :


Mis arreos son las armas, Mi descanso el pelear.

(Canc. de Rom.)

[26] Il y a ici un double jeu de mots : Castellano signifie également châtelain et Castillan; mais Cervantès emploie l’expression de sano de Castilla, qui, dans l’argot de prison, signifie un voleur déguisé.

[27] C’est la continuation du romance cité par don Quichotte :


Mi cama las duras peñas,

Mi dormir siempre velar.

[28] L’hôtelier trace ici une espèce de carte géographique des quartiers connus pour être exploités de préférence par les vagabonds et les voleurs.

[29] Il doit paraître étrange qu’un laboureur porte une lance avec lui. Mais c’était alors l’usage, chez toutes les classes d’Espagnols, d’être armés partout de l’épée ou de la lance et du bouclier, comme aujourd’hui de porter une escopette. Dans le Dialogue des chiens Scipion et Berganza, Cervantès fait mention d’un bourgeois de campagne qui allait voir ses brebis dans les champs, monté sur une jument à l’écuyère, avec la lance et le bouclier, si bien qu’il semblait plutôt un cavalier garde-côte qu’un seigneur de troupeaux.

[30] Ce romance, en trois parties, dont l’auteur est inconnu, se trouve dans le Cancionero, imprimé à Anvers en 1555. On y rapporte que Charlot (Carloto), fils de Charlemagne, attira Baudouin dans le bocage de malheur (la foresta sin ventura), avec le dessein de lui ôter la vie et d’épouser sa veuve. Il lui fit, en effet, vingt-deux blessures mortelles, et le laissa sur la place. Le marquis de Mantoue, son oncle, qui chassait dans les environs, entendit les plaintes du blessé, et le reconnut. Il envoya une ambassade à Paris pour demander justice à l’empereur, et Charlemagne fit décapiter son fils.

[31] Les Neuf de la Renommée (los Nueve de la Fama) sont trois Hébreux, Josué, David et Judas Machabée ; trois gentils, Hector, Alexandre et César ; et trois chrétiens, Arthur, Charlemagne et Godefroi de Bouillon.

[32] C’est Alquife, mari d’Urgande la Déconnue, qui écrivit la Chronique d’Amadis de Grèce. La nièce de don Quichotte estropie son nom.

[33] On ne sait pas précisément ni quel fut l’auteur primitif d’Amadis de Gaule, ni même en quel pays parut originairement ce livre célèbre. À coup sûr, ce n’est point en Espagne. Les uns disent qu’il venait de Flandre; d’autres, de France; d’autres, de Portugal. Cette dernière opinion paraît la plus fondée. On peut croire, jusqu’à preuve contraire, que l’auteur original de l’Amadis est le Portugais Vasco de Lobeira, qui vivait, selon Nicolas Antonio, sous le roi Denis (Dionis), à la fin du treizième siècle, et, selon Clemencin, sous le roi Jean Ier, à la fin du quatorzième. Des versions espagnoles circulèrent d’abord par fragments; sur ces fragments manuscrits se firent les éditions partielles du quinzième siècle, et l’arrangeur Garcia Ordoñez de Montalvo forma, en les compilant, son édition complète de 1525. D’Herberay donna, en 1540, une traduction française de l’Amadis, fort goûtée en son temps, mais oubliée depuis l’imitation libre du comte de Tressan, que tout le monde connaît.

[34] Ce livre est intitulé : Le Rameau qui sort des quatre livres d’Amadis de Gaule, appelé les Prouesses du très-vaillant chevalier Esplandian, fils de l’excellent roi Amadis de Gaule, Alcala, 1588. Son auteur est Garcia Ordoñez de Montalvo, l’éditeur de l’Amadis. Il annonce, au commencement, que ces Prouesses furent écrites en grec par maître Hélisabad, chirurgien d’Amadis, et qui les a traduites. C’est pour cela qu’il donne à son livre le titre étrange de las Sergas, mot mal forgé du grec . Il voulait dire las Ergas.

[35] L’histoire d’Amadis de Grèce a pour titre : Chronique du très-vaillant prince et chevalier de l’Ardente-Épée Amadis de Grèce, etc., Lisbonne, 1596. L’auteur dit aussi qu’elle fut écrite en grec par le sage Alquife, puis traduite en latin, puis en romance. Nicolas Antonio, dans sa Bibliothèque espagnole, t. XI, 394, compte jusqu’à vingt livres de chevalerie écrits sur les aventures des descendants d’Amadis.

[36] L’auteur de ces deux ouvrages est Antonio de Torquémada.

[37] Ou Félix-Mars d’Hircanie, publié par Melchior de Ortéga, chevalier d’Ubéda, Valladolid, 1556.

[38] Sa mère Marcelina, femme du prince Florasan de Misia, le mit au jour dans un bois, et le confia à une femme sauvage, appelée Balsagina, qui, des noms réunis de ses parents, le nomma Florismars, puis Félix-Mars.

[39] Chronique du très-vaillant chevalier Platir, fils de l’empereur Primaléon, Valladolid, 1533. L’auteur de cet ouvrage est inconnu, comme le sont la plupart de ceux qui ont écrit des livres de chevalerie.

[40] Livre de l’invincible chevalier Lepolemo, et des exploits qu’il fit, s’appelant le chevalier de la Croix, Tolède, 1562 et 1563. Ce livre a deux parties, dont l’une, au dire de l’auteur, fut écrite en arabe, sur l’ordre du sultan Zuléma, par un More nommé Zarton, et traduite par un captif de Tunis ; l’autre en grec, par le roi Artidore.

[41] Cet ouvrage est formé de quatre parties : la première, composée par Diego Ordoñez de Calahorra, fut imprimée en 1502, et dédiée à Martin Cortez, fils de Fernand Cortez ; la seconde, écrite par Pedro de la Sierra, fut imprimée à Saragosse, en 1586 ; les deux dernières, composées par le licencié Marcos Martinez, parurent aussi à Saragosse, en 1603.

[42] Tout le monde sait que Boyardo est auteur de Roland amoureux, et l’Arioste de Roland furieux.

[43] Ce capitaine est don Geronimo Ximenez de Urrea, qui fit imprimer sa traduction à Lyon, en 1556. Don Diego de Mendoza avait dit de lui : « Et don Geronimo de Urrea n’a-t-il pas gagné renom de noble écrivain et beaucoup d’argent, ce qui importe plus, pour avoir traduit le Roland furieux, c’est-à-dire pour avoir mis, où l’auteur disait cavaglieri, cavalleros ; arme, armas ; amori, amores ? De cette façon, j’écrirais plus de livres que n’en fit Mathusalem. »

[44] Ce poëme, écrit en octaves, est celui d’Agustin Alonzo, de Salamanque, Tolède, 1585. Il ne faut pas le confondre avec celui de l’évêque Balbuéna, qui ne parut qu’après la mort de Cervantès.

[45] De Francisco Garrido de Villena. Tolède, 1585.

[46] Le premier des Palmerins est intitulé : Livre du fameux chevalier Palmerin d’Olive, qui fit par le monde de grands exploits d’armes, sans savoir de qui il était fils, Médina del Campo, 1563. Son auteur est une femme portugaise, à ce qu’on suppose, dont le nom est resté inconnu. L’autre Palmerin (Chronica do famoso é muito esforzado cavaleiro Palmeirim da Ingalaterra, etc.), est formé de six parties. Les deux premières sont attribuées, par les uns, au roi Jean II, par d’autres, à l’infant don Louis, père du prieur de Ocrato, qui disputa la couronne de Portugal à Philippe II ; par d’autres encore, à Francisco de Moraes. Les troisième et quatrième parties furent composées par Diego Fernandez ; les cinquième et sixième, par Balthazar Gonzalez Lobato, tous Portugais.

[47] Ce roman est intitulé : Livre du valeureux et invincible prince don Bélianis de Grèce, fils de l’empereur don Béliano et de l’impératrice Clorinda ; traduit de la langue grecque, dans laquelle l’écrivit le sage Friston, par un fils du vertueux Torribio Fernandez, Burgos, 1579. Ce fils du vertueux Torribio était le licencié Geronimo Fernandez, avocat à Madrid.

[48] C’est-à-dire le délai nécessaire pour assigner en justice ceux qui résident aux colonies, six mois au moins.

[49] L’une était suivante et l’autre duègne de la princesse Carmésina, prétendue de Tirant le Blanc.

[50] Cet auteur inconnu, qui méritait les galères, au dire du curé, intitula son ouvrage : Tirant le Blanc, de Roche-Salée, chevalier de la Jarretière, qui, par ses hauts faits de chevalerie, devint prince et césar de l’empire grec. Le héros se nomme Tirant, parce que son père était seigneur de la marche de Tirania, et Blanco, parce que sa mère s’appelait Blanche ; on ajouta de Roche-Salée, parce qu’il était seigneur d’un château fort bâti sur une montagne de sel. Ce livre, l’un des plus anciens du genre, fut probablement écrit en portugais par un Valencien nommé Juannot Martorell. Une traduction en langue limousine, faite par celui-ci et terminée, après sa mort, par Juan de Galba, fut imprimée à Valence en 1490. Les exemplaires de la traduction espagnole publiée à Valladolid, en 1516, sont devenus d’une extrême rareté. Ce livre manque dans la collection de romans originaux de chevalerie que possède la bibliothèque impériale de Paris. On l’a même vainement cherché dans toute l’Espagne, pour la bibliothèque de Madrid, et les commentateurs sont obligés de le citer en italien ou en français.

[51] Portugais : il était poëte, musicien et soldat. Il fut tué dans le Piémont, en 1561.

[52] Salmantin veut dire de Salamanque. C’était un médecin de cette ville, nommé Alonzo Perez.

[53] Poëte valencien, qui continua l’œuvre de Montemayor, sous le titre de Diana enamorada.

[54] Voici le titre de l’ouvrage : Les dix livres de Fortune d’amour, où l’on trouvera les honnêtes et paisibles amours du berger Frexano et de la belle bergère Fortune, Barcelone, 1573.

[55] Par don Bernardo de la Vega, chanoine de Tucuman, Séville, 1591.

[56] Par Bernardo Gonzalez de Bobadilla, Alcala, 1587.

[57] Par Bartolome Lopez de Enciso, Madrid, 1586.

[58] Par Luis Galvez de Montalvo, Madrid, 1582.

[59] Par don Pedro Padilla, Madrid, 1575.

[60] Imprimé à Madrid en 1586.

[61] Cervantès renouvela, dans la dédicace de Persilès y Sigismunda, peu de jours avant sa mort, la promesse de donner cette seconde partie de la Galatée. Mais elle ne fut point trouvée parmi ses écrits.

[62] Le grand poëme épique de l’Araucana est le récit de la conquête de l’Arauco, province du Chili, par les Espagnols. Alonzo de Ecilla faisait partie de l’expédition. L’Austriada est l’histoire héroïque de don Juan d’Autriche, depuis la révolte des Morisques de Grenade jusqu’à la bataille de Lépante. Enfin le Monserrate décrit la pénitence de saint Garin et la fondation du monastère de Monserrat, en Catalogne, dans le neuvième siècle.

[63] Poëme en douze chants, de Luis Barahona de Soto, 1586.

[64] Il y avait, à l’époque de Cervantès, deux poëmes de ce nom sur les victoires de Charles-Quint : l’un de Geronimo Sampere, Valence, 1560 ; l’autre de Juan Ochoa de la Salde, Lisbonne, 1585.

[65] El León de España, poëme en octaves, de Pedro de la Vecilla Castellanos, sur les héros et les martyrs de l’ancien royaume de Léon. Salamanque, 1586.

[66] Los hechos del imperador. C’est un autre poëme (Carlo famoso), en cinquante chants et en l’honneur de Charles-Quint, composé, non par don Luis de Avila, mais par don Luis Zapata. Il y a dans le texte une faute de l’auteur ou de l’imprimeur.

[67] Allusion au tournoi de Persépolis, dans le roman de Bélianis de Grèce.

[68] Cervantès aura sans doute écrit Friston, nom de l’enchanteur, auteur supposé de Bélianis, qui habitait la forêt de la Mort.

[69] En Espagne, dans la hiérarchie nobiliaire, le titre de marquis est inférieur à celui de comte. C’est le contraire en Angleterre et en France.

[70] Cette aventure de Diego Perez de Vargas, surnommé Machuca, arriva à la prise de Xérès, sous saint Ferdinand. Elle est devenue le sujet de plusieurs romances.

[71] Règle neuvième : « Qu’aucun chevalier ne se plaigne d’aucune blessure qu’il ait reçue. » (MARQUEZ, Tesoro militar de cavalleria).

[72] Cervantès divisa la première partie du Don Quichotte en quatre livres fort inégaux entre eux, car le troisième est plus long que les deux premiers, et le quatrième plus long que les trois autres. Il abandonna cette division dans la seconde partie, pour s’en tenir à celle des chapitres.

[73] Ainsi ce fut le sage Alquife qui écrivit la chronique d’Amadis de Grèce ; le sage Friston, l’histoire de don Bélianis ; les sages Artémidore et Lirgandéo, celle du chevalier de Phœbus ; le sage Galténor, celle de Platir, etc.

[74] Ou cette plaisanterie, fort heureusement placée par Cervantès en cet endroit, avait cours de son temps, même hors de l’Espagne, ou Shakespeare et lui l’ont imaginée à la fois. On lit, dans les Joyeuses bourgeoises de Windsor (acte II, scène II) :


FALSTAF

Bonjour, ma bonne femme.

QUICKLY

Plaise à Votre Seigneurie, ce nom ne m’appartient pas.


FALSTAF

Ma bonne fille, donc.


QUICKLY

J’en puis jurer ; comme l’était ma mère quand je suis venue au monde.

[75] Cervantès veut parler de l’hébreu, et dire qu’il aurait bien trouvé quelque juif à Tolède.

[76] On a donné le nom de Morisques aux descendants des Arabes et des Mores restés en Espagne après la prise de Grenade, et convertis par force au christianisme. Voyez, à ce sujet, mon Histoire des Arabes et des Mores d’Espagne, t. I, chap. VII.

[77] Pour accommoder son livre à la mode des romans de chevalerie, Cervantès suppose qu’il fut écrit par un More, et ne se réserve à lui-même que le titre d’éditeur. Avant lui, le licencié Pedro de Lujan avait fait passer son histoire du chevalier de la Croix pour l’œuvre du More Xarton, traduite par un captif de Tunis.


L’orientaliste don José Conde a récemment découvert la signification du nom de ce More, auteur supposé du Don Quichotte. Ben-Engéli est un composé arabe dont la racine, iggel ou eggel, veut dire cerf, comme Cervantès est un composé espagnol dont la racine est ciervo. Engéli est l’adjectif arabe correspondant aux adjectifs espagnols cerval ou cervanteño. Cervantès, longtemps captif parmi les Mores d’Alger, dont il avait appris quelque peu la langue, a donc caché son nom sous un homonyme arabe.

[78] Au contraire, c’est la seule fois que Sancho soit nommé Zancas. Il est presque superflu de dire que Panza signifie panse, et Zancas, jambes longues et cagneuses.

[79] Cervantès fait sans doute allusion au nom de chien que se donnaient réciproquement les chrétiens et les Mores. On disait en Espagne : Perro moro.

[80] La Santa Hermandad, ou Sainte Confrérie, était une juridiction ayant ses tribunaux et sa maréchaussée, spécialement chargée de la poursuite et du châtiment des malfaiteurs. Elle avait pris naissance dès le commencement du treizième siècle, en Navarre, et par des associations volontaires ; elle pénétra depuis en Castille et en Aragon, et fut complètement organisée sous les rois catholiques.

[81] Ou Fier-à-Bras. « C’était, dit l’Histoire de Charlemagne, un géant, roi d’Alexandrie, fils de l’amiral Balan, conquérant de Rome et de Jérusalem, et païen ou Sarrasin. Il était grand ennemi d’Olivier, qui lui faisait des blessures mortelles ; mais il en guérissait aussitôt en buvant d’un baume qu’il portait dans deux petits barils gagnés à la conquête de Jérusalem. Ce baume était, à ce qu’on croit, une partie de celui de Joseph d’Arimathie (qui servit à embaumer le Sauveur). Mais Olivier, ayant réussi à submerger les deux barils au passage d’une profonde rivière, vainquit Fier-à-Bras, qui reçut ensuite le baptême et mourut converti, comme le rapporte Nicolas de Piamonte. » (Historia de Carlo Magno, cap. VIII et XII.)

[82] Orlando furioso, canto XVIII, CLXI, etc.

[83] Voici le serment du marquis de Mantoue, tel que le rapportent les anciens romances composés sur son aventure : « Je jure de ne jamais peigner mes cheveux blancs ni couper ma barbe, de ne point changer d’habits ni renouveler ma chaussure, de ne point entrer en lieux habités ni ôter mes armes, si ce n’est pour une heure, afin de me laver le corps, de ne point manger sur nappe ni m’asseoir à table, jusqu’à ce que j’aie tué Charlot, ou que je sois mort dans le combat… »

[84] Dans le poëme de Boyardo, le roi de Tartarie, Agrican, vient faire le siége d’Albraque avec une armée de deux millions de soldats, qui couvrait quatre lieues d’étendue. Dans le poëme de l’Arioste, le roi Marsilio assiége la même forteresse avec les trente-deux rois ses tributaires et tous leurs gens d’armes.

[85] Royaumes imaginaires cités dans l’Amadis de Gaule.

[86] Il peut être curieux de comparer cette description de l’âge d’or avec celles qu’en ont faites Virgile, dans le premier livre des Géorgiques, Ovide, dans le premier livre des Métamorphoses, et le Tasse, dans le chœur de bergers qui termine le premier acte de l’Aminta.

[87] Presque tous les instituts de chevalerie adoptèrent la même devise. Dans l’ordre de Malte, on demandait au récipiendaire : « Promettez-vous de donner aide et faveur aux veuves, aux mineurs, aux orphelins et à toutes les personnes affligées ou malheureuses ? » Le novice répondait : « Je promets de le faire avec l’aide de Dieu. »

[88] Rabel, espèce de violon à trois cordes, que l’on connaissait en Espagne dès les premières années du quatorzième siècle, car l’archiprêtre de Hita en fait mention dans ses poésies.

[89] Il y a dans l’original « … Plus que sarna (la gale) » pour Sara, femme d’Abraham. Don Quichotte répond ensuite : « Sarna vit plus que Sara. » Ces jeux de mots ne pouvaient être traduits.

[90] Il est dit, au chapitre XCIX du roman d’Esplandian, que l’enchanteresse Morgaïna, sœur du roi Artus, le tenait enchanté, mais qu’il reviendrait sans faute reprendre un jour le trône de la Grande-Bretagne. Sur son sépulcre, au dire de don Diégo de Véra (Epitome de los imperios), on avait gravé ce vers pour épitaphe :


HIC JACET ARTURUS, REX QUONDAM, REXQUE FUTURUS,


qu’on pourrait traduire ainsi :


CI-GÎT ARTHUR, ROI PASSÉ, ROI FUTUR.


Julian del Castillo a recueilli dans un ouvrage grave (Historia de los reyes godos) un conte populaire qui courait à son époque : Philippe II, disait-on, en épousant la reine Marie, héritière du royaume d’Angleterre, avait juré que, si le roi Artus revenait de son temps, il lui rendrait le trône.


Le docteur John Bowle, dans ses annotations sur le Don Quichotte, rapporte une loi d’Hoëlius le Bon, roi de Galles, promulguée en 998, qui défend de tuer des corbeaux sur le champ d’autrui. De cette défense, mêlée à la croyance populaire qu’Artus fut changé en corbeau, a pu naître l’autre croyance que les Anglais s’abstenaient de tuer ces oiseaux dans la crainte de frapper leur ancien roi.

[91] L’ordre de la Table-Ronde, fondé par Artus, se composait de vingt-quatre chevaliers et du roi président. On y admettait les étrangers : Roland en fut membre, ainsi que d’autres pairs de France. Le conteur don Diégo de Véra, qui recueillait dans son livre (Epitome de los imperios) toutes les fables populaires, rapporte que, lors du mariage de Philippe II avec la reine Marie, on montrait encore, à Hunscrit, la table ronde fabriquée par Merlin ; qu’elle se composait de vingt-cinq compartiments, teintés en blanc et en vert, lesquels se terminaient en pointe au milieu, et allaient s’élargissant jusqu’à la circonférence, et que dans chaque division étaient écrits le nom du chevalier et celui du roi. L’un de ces compartiments, appelé place de Judas, ou siége périlleux, restait toujours vide.

[92] Le romance entier est dans le Cancionero, p. 242 de l’édition d’Anvers. Lancelot du Lac fut originairement écrit par Arnault Daniel, poëte provençal.

[93] Renaud de Montauban devint empereur de Trébisonde ; Bernard del Carpio, roi d’Irlande ; Palmerin d’Olive, empereur de Constantinople ; Tirant le Blanc, césar de l’empire de Grèce, etc.

[94] « Tirant le Blanc n’invoquait aucun saint, mais seulement le nom de Carmésine ; et, quand on lui demandait pourquoi il n’invoquait pas aussi le nom de quelque saint, il répondait : « Celui qui sert plusieurs ne sert personne. » (Livre III, chap. XXVIII.)

[95] Ainsi, lorsque Tristan de Léonais se précipite d’une tour dans la mer, il se recommande à l’amie Iseult et à son doux Rédempteur.

[96] L’article 31 des statuts de l’ordre de l’Écharpe (la Banda) était ainsi conçu : « Qu’aucun chevalier de l’Écharpe ne soit sans servir quelque dame, non pour la déshonorer, mais pour lui faire la cour et pour l’épouser. Et quand elle sortira, qu’il l’accompagne à pied ou à cheval, tenant à la main son bonnet, et faisant la révérence avec le genou. »

[97] Don Quichotte veut parler sans doute de la princesse Briolange, choisie par Amadis pour son frère Galaor. « Il s’éprit tellement d’elle, et elle lui parut si bien, que, quoiqu’il eût vu et traité beaucoup de femmes, comme cette histoire le raconte, jamais son cœur ne fut octroyé en amour véritable à aucune autre qu’à cette belle reine. » (Amadis, lib. IV, cap. CXXI).

[98] Nessun la muova !

Que star non possa con Orlando a prova.

(Ariosto, canto XXIV, oct. 57.)

[99] On donnait alors dans le peuple le nom de cachopin ou gachupin à l’Espagnol qui émigrait aux Grandes-Indes par pauvreté ou vagabondage.

[100] Chrysostome étant mort désespéré, comme disent les Espagnols, c’est-à-dire par un suicide, son enterrement se fait sans aucune cérémonie religieuse. Ainsi il est encore vêtu en berger, et ne porte point la mortaja, habit religieux qui sert de linceul à tous les morts.

[101] Les stances de ce chant (canción) se composent de seize vers de onze syllabes (endecasilabos), dont les rimes sont disposées d’une façon singulière, inusitée jusqu’à Cervantès, et qu’on n’a pas imitée depuis. Dans cet arrangement, le pénultième vers, ne trouvant point de consonance dans les autres, rime avec le premier hémistiche du dernier.


Mas gran simpleza es avisarte desto,

Pues se que esta tu gloria conocida

En que mi vida llegue al fin tan presto.


Comme ces singularités, et même les principales beautés de la pièce (où elles sont rares) se trouvent perdues dans la traduction, je l’aurais volontiers supprimée, pour abréger l’épisode un peu long, un peu métaphysique, de Chrysostome et de Marcelle, s’il était permis à un traducteur de corriger son modèle, surtout quand ce modèle est Cervantès.

[102] L’érudition de l’étudiant Ambroise est ici en défaut. Tarquin était le second mari de Tullia, et c’est le corps de son père Servius Tullius qu’elle foula sous les roues de son char.

[103] Que fué pastor de ganado

Perdido por desamor.


Il y a dans cette strophe un insipide jeu de mots entre les paroles voisines ganado et perdido ; celle-ci veut dire perdu ; l’autre, qui signifie troupeau, veut dire aussi gagné.

[104] Habitants du district de Yanguas, dans la Rioja.

[105] Amadis tomba deux fois au pouvoir d’Archalaüs. La première, celui-ci le tint enchanté ; la seconde, il le jeta dans une espèce de souterrain, par le moyen d’une trappe. Le roman ne dit pas qu’il lui ait donné des coups de fouet ; mais il lui fit souffrir la faim et la soif. Amadis fut secouru dans cette extrémité par une nièce d’Archalaüs, la demoiselle muette, qui lui descendit dans un panier un pâté au lard et deux barils de vin et d’eau. (Chap. XIX et XLIX.)

[106] Tizona, nom de l’une des épées du Cid. L’autre s’appelait Colada.

[107] Beltenebros.

[108] Avant leur expulsion de l’Espagne, les Morisques s’y occupaient de l’agriculture, des arts mécaniques et surtout de la conduite des bêtes de somme. La vie errante des muletiers les dispensait de fréquenter les églises, et les dérobait à la surveillance de l’Inquisition.

[109] Voyez la note 80 chap. X.

[110] Le supplice de Sancho était dès longtemps connu. Suétone rapporte que l’empereur Othon, lorsqu’il rencontrait, pendant ses rondes de nuit, quelques ivrognes dans les rues de Rome, les faisait berner… distento sagulo in sublime jactare. Et Martial, parlant à son livre, lui dit de ne pas trop se fier aux louanges : « Car, par derrière, ajoute-t-il : Ibis ab excusso missus in astra sago. »


Les étudiants des universités espagnoles s’amusaient, au temps du carnaval, à faire aux chiens qu’ils trouvaient dans les rues ce que l’empereur Othon faisait aux ivrognes.

[111] C’est Amadis de Grèce qui fut appelé le chevalier de l’Ardente-Épée, parce qu’en naissant il en avait une marquée sur le corps, depuis le genou gauche jusqu’à la pointe droite du cœur, aussi rouge que le feu. (partie I, chap. XLVI.)


Comme don Quichotte dit seulement Amadis, ce qui s’entend toujours d’Amadis de Gaule, et qu’il parle d’une épée véritable, il voulait dire, sans doute, le chevalier de la Verte-Épée. Amadis reçut ce nom, sous lequel il était connu dans l’Allemagne, parce que, à l’épreuve des amants fidèles, et sous les yeux de sa maîtresse Oriane, il tira cette merveilleuse épée de son fourreau, fait d’une arête de poisson, verte et si transparente qu’on voyait la lame au travers. (Chap. LVI, LXX et LXXIII.)

[112] Nom de l’île de Ceylan dans l’antiquité.

[113] Peuples de l’intérieur de l’Afrique.

[114] Ce ne sont pas les portes du temple où il périt qu’emporta Samson, mais celles de la ville de Gaza. (Juges, chap. XVI.)

[115] Littéralement : cherche mon sort à la piste, dépiste mon sort.

[116] On croit que ce nom, donné par les Arabes à la rivière de Grenade, signifie semblable au Nil.

[117] De Tarifa.

[118] Les Biscayens.

[119] Andrès de Laguna, né à Ségovie, médecin de Charles-Quint et du pape Jules III, traducteur et commentateur de Dioscorides.

[120] Le texte dit simplement encamisados, nom qui conviendrait parfaitement aux soldats employés dans une de ces attaques nocturnes où les assaillants mettaient leurs chemises par-dessus leurs armes, pour se reconnaître dans les ténèbres, et que par cette raison on appelait camisades (en espagnol encamisadas). J’ai cru pouvoir, à la faveur de ce vieux mot, forger celui d’enchemisé.

[121] Don Bélianis de Grèce s’était appelé le chevalier de la Riche-Figure. Il faut remarquer que le mot figura, en espagnol, ne s’applique pas seulement au visage, mais à la personne entière.

[122] Concile de Trente (chap. LV).

[123] Cette prétendue aventure du Cid est racontée avec une naïveté charmante dans le vingt et unième romance de son Romancero.

[124] C’est sans doute une allusion au Nil, dont les anciens plaçaient la source au sommet des montagnes de la Lune, dans la haute Éthiopie, du haut desquelles il se précipitait par deux immenses cataractes. (Ptolémée, Géogr., livre V.)

[125] Les bergers espagnols appellent la constellation de la petite Ourse le cor de chasse (la bocina). Cette constellation se compose de l’étoile polaire, qui est immobile, et de sept autres étoiles qui tournent autour, et qui forment une grossière image de cor de chasse. Pour connaître l’heure, les bergers figurent une croix ou un homme étendu, ayant la tête, les pieds, le bras droit et le bras gauche.


Au centre de cette croix est l’étoile polaire, et c’est le passage de l’étoile formant l’embouchure du cor de chasse (la boca de la bocina) par ces quatre points principaux, qui détermine les heures de la nuit. Au mois d’août, époque de cette aventure, la ligne de minuit est en effet au bras gauche de la croix, de sorte qu’au moment où la boca de la bocina arrive au-dessus de la tête, il n’y a plus que deux ou trois heures jusqu’au jour. Le calcul de Sancho est à peu près juste.

[126] Quelquefois les contes de bonne femme commençaient ainsi : « … Le bien pour tout le monde, et le mal pour la maîtresse du curé. »

[127] L’histoire de la Torralva et des chèvres à passer n’était pas nouvelle. On la trouve, au moins en substance, dans la XXXIe des Cento Novelle antiche de Francesco Sansovino, imprimées en 1575. Mais l’auteur italien l’avait empruntée lui-même à un vieux fabliau provençal du treizième siècle (le Fableor, collection de Barbazan, 1756), qui n’était qu’une traduction en vers d’un conte latin de Pedro Alfonso, juif converti, médecin d’Alphonse le Batailleur, roi d’Aragon (vers 1100).

[128] On appelle vieux chrétiens, en Espagne, ceux qui ne comptent parmi leurs ancêtres ni Juifs ni Mores convertis.

[129] Allusion au proverbe espagnol : « Si la pierre donne sur la cruche, tant pis pour la cruche ; et si la cruche donne sur la pierre, tant pis pour la cruche. »

[130] Armet enchanté appartenant au roi more Mambrin, et qui rendait invulnérable celui qui le portait. (Boyardo et l’Arioste.)

[131] Palmérin d’Olive, chap. XLIII.

[132] Esplandian, chap. CXLVII et CXLVIII.

[133] Amadis de Gaule, chap. CXVII.

[134] Amadis de Gaule, chap. LXVI, part. II, etc.

[135] Amadis de Gaule, chap. XIV ; le Chevalier de la Croix, chap. CXLIV.

[136] Bernard del Carpio, canto XXXVIII ; Primaléon, chap. CLVII.

[137] Tirant le Blanc, part. I, chap. XL, etc. ; le Chevalier de la Croix, livre I, chap. LXV et suiv., etc.

[138] Suivant les anciennes lois du Fuero Juzgo et les Fueros de Castille, le noble qui recevait un grief dans sa personne ou ses biens pouvait réclamer une satisfaction de 500 sueldos. Le vilain n’en pouvait demander que 300 (Garibay, lib. XII, cap. XX).

[139] On croit que Cervantès a voulu désigner don Pedro Giron, duc d’Osuna, vice-roi de Naples et de Sicile. Dans son Théâtre du gouvernement des vice-rois de Naples, Domenicho Antonio Parrino dit que ce fut un des grands hommes du siècle, et qu’il n’avait de petit que la taille : di picciolo non avea altro que la statura.

[140] « Quand le seigneur sort de sa maison pour aller à la promenade ou faire quelque visite, l’écuyer doit le suivre à cheval. » (Miguel Yelgo, Estilo de servir a principes, 1614.)

[141] On trouve dans le vieux code du treizième siècle, appelé Fuero Juzgo, des peines contre ceux qui font tomber la grêle sur les vignes et les moissons, ou ceux qui parlent avec les diables, et qui font tourner les volontés aux hommes et aux femmes. (Lib. VI, tit. II, ley 4.) Les Partidas punissent également ceux qui font des images ou autres sortilèges, et donnent des herbes pour l’amourachement des hommes et des femmes. (Part. VII, tit. XXIII, ley 2 y 3.)

[142] Ce célèbre petit livre, qui parut en 1539, et qu’on croit l’ouvrage de don Diego Hurtado de Mendoza, ministre et ambassadeur de Charles-Quint, mais qui a peut-être pour auteur le moine Fray Juan de Ortega, est le premier de tous les romans qui composent ce que l’on nomme en Espagne la littérature picaresque. J’en ai publié l’histoire et la traduction dans l’édition illustrée de Gil Blas, comme introduction naturelle au roman de Lesage.

[143] L’auteur de Guzman d’Alfarache, Mateo Aleman, dit de son héros : « … Il écrit lui-même son histoire aux galères, où il est forçat à la rame, pour les crimes qu’il a commis… »

[144] Amadis de Gaule, ayant vaincu le géant Madraque, lui accorde la vie, à condition qu’il se fera chrétien, lui et tous ses vassaux, qu’il fondera des églises et des monastères, et qu’enfin il mettra en liberté tous les prisonniers qu’il gardait dans ses cachots, lesquels étaient plus de cent, dont trente chevaliers et quarante duègnes ou damoiselles.


Amadis leur dit, quand ils vinrent lui baiser les mains en signe de reconnaissance : « Allez trouver la reine Brisena, dites-lui comment vous envoie devant elle son chevalier de l’Île-Ferme, et baisez-lui la main pour moi. » (Amadis de Gaule, livre III, chap. LXV.)

[145] On appelle en Espagne sierra (scie) une cordillère, une chaîne de montagnes. La Sierra-Morena (montagnes brunes), qui s’étend presque depuis l’embouchure de l’Èbre jusqu’au cap Saint-Vincent, en Portugal, sépare la Manche de l’Andalousie. Les Romains l’appelaient Mons Marianus.

[146] La Sainte-Hermandad faisait tuer à coups de flèches les criminels qu’elle condamnait, et laissait leurs cadavres exposés sur le gibet.

[147] Il paraît que Cervantès ajouta après coup, dans ce chapitre, et lorsqu’il avait écrit déjà les deux suivants, le vol de l’âne de Sancho par Ginès de Passamont. Dans la première édition du Don Quichotte, il continuait, après le récit du vol, à parler de l’âne comme s’il n’avait pas cessé d’être en la possession de Sancho, et il disait ici : « Sancho s’en allait derrière son maître, assis sur son âne à la manière des femmes… » Dans la seconde édition, il corrigea cette inadvertance, mais incomplètement, et la laissa subsister en plusieurs endroits. Les Espagnols ont religieusement conservé son texte, et jusqu’aux disparates que forme cette correction partielle. J’ai cru devoir les faire disparaître, en gardant toutefois une seule mention de l’âne, au chapitre XXV. L’on verra, dans la seconde partie du Don Quichotte, que Cervantès se moque lui-même fort gaiement de son étourderie, et des contradictions qu’elle amène dans le récit.

[148] Témoin celle d’Amadis de Gaule :


Leonoreta sin roseta

Blanca sobre toda flor,

Sin roseta no me meta

En tal culpa vuestro amor, etc.

(Livre II, chap. LIV.)

[149] Carta signifie également lettre et charte ; de là la question de Sancho.

[150] Coleto de ambar. Ce pourpoint parfumé se nommait en France, au seizième siècle, collet de senteur, ou collet de fleurs. (Voy. Montaigne, livre I, chap. XXII, et les notes.)

[151] Personnages de la Chronique de don Florisel de Niquea, par Féliciano de Silva.

[152] Chirurgien d’Amadis de Gaule.

[153] Voyez la note 146 du chap. XXIII.

[154] Amadis de Gaule, chap. XXI, XL et suivants.

[155] On peut voir, dans l’Amadis de Gaule (chap. LXXIII), la description d’un andriaque né des amours incestueux du géant Bandaguido et de sa fille.

[156] Orlando furioso, chants XXIII et suivants.

[157] Imitation burlesque de l’invocation d’Albanio dans la seconde églogue de Garcilaso de la Vega.

[158] Orlando furioso, chant IV, etc.

[159] In inferno nulla est redemptio.

[160] Les poëtes, cependant, n’ont pas toujours célébré d’imaginaires beautés, et, sans recourir à la Béatrix du Dante ou à la Laure de Pétrarque, on peut citer, en Espagne, la Diane de Montemayor et la Galathée de Cervantès lui-même.

[161] Il est sans doute inutile de faire observer que, pour augmenter le burlesque de cette lettre de change, don Quichotte y emploie la forme commerciale.

[162] Expression espagnole pour dire : Elle me porterait respect.

[163] C’est Thésée que voulait dire don Quichotte.

[164] C’était Ferragus, qui portait sept lames de fer sur le nombril. (Orlando furioso, canto XII.)

[165] Orlando furioso, canto XXIII.

[166] Phaéton.


… Currus auriga paterni,

Quem si non tenuit, magnis tamen excidit ausis.

(Ovid., Met., lib. II.)

[167] Ces strophes sont remarquables, dans l’original, par une coupe étrange et par la bizarrerie des expressions qu’il fallait employer pour trouver des rimes au nom de don Quichotte : singularités entièrement perdues dans la traduction.

[168] À la manière de l’archevêque Turpin, dans le Morgante maggiore de Luigi Pulci.

[169] Roi goth, détrôné en 680, et dont le nom est resté populaire en Espagne.

[170] Comme le plus grand charme des trois strophes qui suivent est dans la coupe des vers et dans l’ingénieux arrangement des mots, je vais, pour les faire comprendre, transcrire une de ces strophes en original :


¿ Quien menoscaba mis bienes ?

Desdenes.

¿ Yquien aumenta mis duelos ?

Los zelos.

¿ Y quien prueba mi paciencia ?

Ausencia.

De ese modo en mi dolencia

Ningun remedio se alcanza,

Pues me matan la esperanza

Desdenes, zelos y ausencia.

[171] Malgré mon respect pour le texte de Cervantès, j’ai cru devoir supprimer ici une longue et inutile série d’imprécations, où Cardénio donne à Fernand les noms de Marius, de Sylla, de Catilina, de Julien, de Judas, etc., en les accompagnant de leurs épithètes classiques. Cette érudition de collège aurait fait tache dans un récit habituellement simple et toujours touchant.

[172] Parabole du prophète Nathan, pour reprocher à David l’enlèvement de la femme d’Urie. (Rois, livre II, chap. XII.)

[173] Pellicer croit voir ici une allusion à cette sentence de Virgile :


Una salus victis, nullam sperare salutem.

[174] Malgré cet éloge des épisodes introduits dans la première partie du Don Quichotte, Cervantès en fait lui-même la critique, par la bouche du bachelier Samson Carrasco, dans la seconde partie, beaucoup plus sobre d’incidents étrangers.

[175] Espèce de casquette sans visière, dont se coiffent les paysans de la Manche et des Andalousies.

[176] Cervantès voulait probablement désigner le duc d’Osuna, et peut-être y avait-il un fond véritable à l’histoire de Dorothée.

[177] Pour Ganelon, voyez la note 17 du chap. I. Vellido est un chevalier castillan qui assassina le roi Sanche II au siége de Zamora, en 1073.

[178] Zulema est le nom d’une montagne au sud-ouest d’Alcala de Hénarès, au sommet de laquelle on a trouvé quelques ruines qu’on croit être celles de l’ancien Complutum. Cervantès consacre ici un souvenir à sa ville natale.

[179] En Espagne, on appelait ensalmo une manière miraculeuse de guérir les maladies, en récitant sur le malade certaines prières. Ce charme s’appelait ainsi (ensalmo), parce que les paroles sacramentelles étaient ordinairement prises dans les psaumes.

[180] Allusion à l’un des tours de maquignonnage des Bohémiens, qui, pour donner du train au mulet le plus lourd ou à l’âne le plus paresseux, leur versaient un peu de vif-argent dans les oreilles.

[181] Ce roman fut composé par Bernardo de Vargas ; il est intitulé : Les livres de don Cirongilio de Thrace, fils du noble roi Élesphron de Macédoine, tels que les écrivit Novarcus en grec, et Promusis en latin, Séville, 1545, in-folio.

[182] Voyez la note 37 du chap. VI.

[183] Gonzalo Fernandez de Cordova. Son histoire, sans nom d’auteur, fut imprimée à Saragosse en 1559.

[184] En 1469. Il mourut à Bologne en 1533.

[185] Voici comment la Chronique du Grand Capitaine raconte cette aventure : « Diégo Garcia de Parédès prit une épée à deux mains sur l’épaule… et se mit sur le pont du Garellano, que les Français avaient jeté peu auparavant, et, combattant contre eux, il commença à faire de telles preuves de sa personne, que jamais n’en firent de plus grandes en leur temps Hector, Jules César, Alexandre le Grand, ni d’autres anciens valeureux capitaines, paraissant réellement un autre Horatius Coclès, par sa résolution et son intrépidité. » (Chap. CVI.)

[186] À la fin de la Chronique du Grand Capitaine, se trouve un Abrégé de la vie et des actions de Diégo Garcia de Parédès (Breve suma de la vida y hechos de Diego Garcia de Paredes), écrit par lui-même, et qu’il signa de son nom.

[187] Mulierem fortem quis inveniet ? (Prov., cap. XXXI.)

[188] Périclès. (Voy. Plutarque, de la Mauvaise Honte.)

[189] Luigi Tansilo, de Nola, dans le royaume de Naples, écrivit le poëme des Larmes de saint Pierre (le Lagrime di San Pietro), pour réparer le scandale qu’avait causé son autre poëme licencieux intitulé : le Vendangeur (il Vendemmiatore). Le premier fut traduit en espagnol, d’abord partiellement, par le licencié Gregorio Hernandez de Velasco, célèbre traducteur de Virgile ; puis, complétement, par Fray Damian Alvarez. Toutefois, la version de la stance citée est de Cervantès.

[190] Allusion à l’allégorie que rapporte Arioste dans le XLIIe chant de son Orlando furioso, où Cervantès a pris l’idée de la présente nouvelle. Arioste avait emprunté lui-même l’histoire du vase d’épreuve au livre premier de Tristan de Léonais.

[191] Guzman d’Alfarache réduit tout ce raisonnement à peu de paroles : « Ma femme seule pourra m’ôter l’honneur, suivant l’opinion d’Espagne, en se l’ôtant à elle-même : car, puisqu’elle ne fait qu’une chose avec moi, mon honneur et le sien font un et non deux, comme nous ne faisons qu’une même chair. » (Livre II, chap. II.)

[192] Ce billet est littéralement conservé dans la comédie composée par don Guillen de Castro, sur le même sujet et sous le même titre que cette nouvelle.

[193] Cervantès a répété ce sonnet dans sa comédie intitulée la Casa de los zelos (la Maison de jalousie), au commencement de la seconde jornada ; ou plutôt c’est de cette comédie qu’il l’a pris pour l’introduire dans sa nouvelle.

[194] Voici, d’après un vers de Luis Barahona, dans son poëme des Larmes d’Angélique (Lagrimas de Angélica, canto IV), ce que signifient ces quatre SSSS :


Sabio, Solo, Solicito y Secreto,


qu’on peut traduire ainsi :


Spirituel, Seul, Soigneux et Sûr.

[195] Je laisse cette faute d’orthographe, qui se trouve aussi dans l’original (onesto pour honesto) ; une camériste n’y regarde pas de si près.

[196] Cervantès commet un anachronisme. Le Grand Capitaine, après avoir quitté l’Italie en 1507, mourut à Grenade en 1515. Lautrec ne parut à la tête de l’armée française qu’en 1527, lorsque le prince d’Orange commandait celle de Charles-Quint.

[197] On portait alors, surtout en voyage, des masques (antifaces) faits d’étoffe légère, et le plus souvent de taffetas noir.

[198] Lella, ou plutôt Étella, veut dire en arabe, d’après l’Académie espagnole, l’adorable, la divine, la bienheureuse par excellence. Ce nom ne se donne qu’à Marie, mère de Jésus. Zoraïda est un diminutif de zorath, fleur.

[199] Macange est un mot turc corrompu (angé mac), qui veut dire nullement, en aucune façon.

[200] Ainsi, au dire de don Quichotte, Cicéron, avec son adage cedant arma togœ, ne savait ce qu’il disait.

[201] Le mot letras, transporté de l’espagnol au français, produit une équivoque inévitable. Dans la pensée de Cervantès, les lettres divines sont la théologie, et les lettres humaines, la jurisprudence, ce que l’on apprend dans les universités. Le mot letrado, qu’il met toujours en opposition du mot guerrero, signifie, non point un homme de lettres, dans le sens actuel de cette expression, mais un homme de robe. En un mot, c’est la magistrature et ses dépendances qu’il oppose à l’armée.

[202] Don Quichotte, qui emprunte des textes à saint Luc, à saint Jean, à saint Matthieu, oublie ces paroles de l’Ecclésiaste (chap. IX) Et dicebam ego meliorem esse sapientiam fortitudine… Melior est sapientia quam arma bellica.

[203] Estudiante. C’est le nom qu’on donne indistinctement aux élèves des universités qui se destinent à l’Église, à la magistrature, au barreau, et à toutes les professions lettrées.

[204] Aller à la soupe (andar a la sopa), se dit des mendiants qui allaient recevoir à heure fixe, aux portes des couvents dotés, du bouillon et des bribes de pain. La condition des étudiants a peu changé en Espagne depuis Cervantès. On en voit un grand nombre, encore aujourd’hui, faire mieux que d’aller à la soupe : à la faveur du chapeau à cornes et du long manteau noir, ils mendient dans les maisons, dans les cafés et dans les rues.

[205] Don Quichotte n’est pas le premier qui ait traité cette matière. L’Italien Francesco Bocchi avait publié à Florence, en 1580, un discours Sopra la lire delle armi e delle lettere ; et, précédemment, en 1549, l’Espagnol Juan Angel Gonzalez avait publié à Valence un livre latin sous ce titre : Pro equite contra litteras declamatio. Alia vice versa pro litteris contra equitem.

[206] On sait ce que veut dire avoir la manche large.

[207] Cervantès répète ici les imprécations de l’Arioste, dans le onzième chant de l’Orlando furioso :


Come trovasti, o scelerata e brutta

Invenzion, mai loco in uman core !

Per te la militar gloria è distrutta ;

Per te il mestier dell’ armi è senza honore ;

Per te è il valore e la virtù ridutta,

Che spesso par dei buono il rio migliore…

Che ben fu il più crudele, e il più di quanti

Mai furo al mondo ingegni empi e maligni

Chi immagino si abbominosi ordigni.

E crederò che Dio, perche vendetta

Ne sia in eterno, nel profondo chiuda

Del cieco abisso quella maladetta

Anima appresso al maladetto Giuda…

[208] Lope de Vega cite ainsi ce vieil adage, dans une de ses comédies (Dorotea, jorn. I, escena CLI) : Trois choses font prospérer l’homme : science, mer et maison du roi.

[209] Ce Diégo de Urbina était capitaine de la compagnie où Cervantès combattit à la bataille de Lépante.

[210] Cervantès parle de cette bataille en témoin oculaire, et l’on conçoit qu’il prenne plaisir à rapporter quelques détails de ses campagnes.

[211] Il s’appelait Aluch-Ali, dont les chrétiens ont fait par corruption Uchali. « Aluch, dit le P. Haedo, signifie, en turc, nouveau musulman, nouveau converti ou renégat ; ainsi ce n’est pas un nom, mais un surnom. Le nom est Ali, et les deux ensemble veulent dire le renégat Ali. » (Epitome de los reyes de Argel.)

[212] Uchali, dit Arroyo, attaqua cette capitane avec sept galères, et les nôtres ne purent la secourir, parce qu’elle s’était trop avancée au delà de la ligne de combat. Des trois chevaliers blessés, l’un était F. Piétro Giustiniano, prieur de Messine et général de Malte ; un autre, Espagnol, et un autre, Sicilien. On les trouva encore vivants, enterrés parmi la foule des morts. " (Relación de la santa Liga, fol. 67, etc.)

[213] Capitan-Pacha.

[214] Cervantès fit également cette campagne et celle de l’année 1573.

[215] On appelait ainsi les marins de l’Archipel grec.

[216] « Don Juan d’Autriche, dit Arroyo, marcha toute la nuit du 16 septembre 1572, pour tomber au point du jour sur le port de Navarin, où se trouvait toute la flotte turque, ainsi que l’en avaient informé les capitaines Luis de Acosta et Pero Pardo de Villamarin. Mais le chef de la chiourme, ajoute Aguilera, et les pilotes se trompèrent dans le calcul de l’horloge de sable, et donnèrent au matin contre une île appelée Prodano, à trois lieues environ de Navarin. De sorte qu’Uchali eut le temps de faire sortir sa flotte du port, et de la mettre sous le canon de la forteresse de Modon. »

[217] Au retour de leur captivité, Cervantès et son frère Rodrigo servirent sous les ordres du marquis de Santa-Cruz, à la prise de l’île de Terceira sur les Portugais.

[218] Marco-Antonio Arroyo dit que ce capitan, appelé Hamet-Bey, petit-fils et non fils de Barberousse, « fut tué par un de ses esclaves chrétiens, et que les autres le mirent en pièces à coups de dents. » Geronimo Torrès de Aguilera, qui se trouva, comme Cervantès et comme Arroyo, à la bataille de Lépante, dit que « la galère d’Hamet-Bey fut conduite à Naples, et qu’en mémoire de cet événement, on la nomma la Prise. » (Cronica de varios sucesos.) Le P. Haedo ajoute que ce More impitoyable fouettait les chrétiens de sa chiourme avec un bras qu’il avait coupé à l’un d’eux. (Historia de Argel, fol. 123.)

[219] Muley-Hamida et Muley-Hamet étaient fils de Muley-Hassan, roi de Tunis. Hamida dépouilla son père du trône, et le fit aveugler en lui brûlant les yeux avec un bassin de cuivre ardent. Hamet, fuyant la cruauté de son frère, se réfugia à Palerme, en Sicile. Uchali et les Turcs chassèrent de Tunis Hamida, qui se fortifia dans la Goulette. Don Juan d’Autriche, à son tour, chassa les Turcs de Tunis, rappela Hamet de Palerme, le fit gouverneur de ce royaume, et remit le cruel Hamida entre les mains de don Carlos de Aragon, duc de Sesa, vice-roi de Sicile. Hamida fut conduit à Naples, où l’un de ses fils se convertit au christianisme. Il eut pour parrain don Juan d’Autriche lui-même, et pour marraine doña Violante de Moscoso, qui lui donnèrent le nom de don Carlos d’Autriche. Hamida en mourut de chagrin. (Torrès de Aguilera, p. 105 y sig. Bibliot. real, cod. 45, f. 531 y 558.)

[220] Don Juan d’Autriche fit élever ce fort, capable de contenir huit mille soldats, hors des murs de la ville, et près de l’île de l’Estagno, dont il dominait le canal. Il en donna le commandement à Gabrio Cervellon, célèbre ingénieur, qui l’avait construit. Ce fort fut élevé contre les ordres formels de Philippe II, qui avait ordonné la démolition de Tunis. Mais don Juan d’Autriche, abusé par les flatteries de ses secrétaires, Juan de Soto et Juan de Escovedo, eut l’idée de se faire couronner roi de Tunis, et s’obstina à conserver cette ville. Ce fut sans doute une des causes de la mort d’Escovedo, qu’Antonio Perez, le ministre de Philippe II, fit périr par ordre supérieur, comme il le confessa depuis dans la torture, et sans doute aussi de la disgrâce d’Antonio Perez, que ses ennemis accablèrent à la fin. (Torrès de Aguilera, f. 107 ; don Lorenzo Van-der-Hemmen, dans son livre intitulé Don Felipe el Prudente, f. 98 et 152.)

[221] Cette petite île de l’Estagno formait, d’après Ferreras, l’ancien port de Carthage. L’ingénieur Cervellon y trouva une tour antique, dont il fit une forteresse, en y ajoutant des courtines et des boulevards. (Aguilera, f. 122.)

[222] Gabrio Cervellon fut général de l’artillerie et de la flotte de Philippe II, grand prince de Hongrie, etc. Lorsqu’il fut pris à la Goulette, Sinan-Pacha le traita ignominieusement, lui donna un soufflet, et, malgré ses cheveux blancs, le fit marcher à pied devant son cheval jusqu’au rivage de la mer. Cervellon recouvra la liberté dans l’échange qui eut lieu entre les prisonniers chrétiens de la Goulette et de Tunis et les prisonniers musulmans de Lépante. Il mourut à Milan, en 1580.

[223] C’est le nom qu’on donnait alors aux Albanais.

[224] Le petit moine. – Le véritable nom de cet ingénieur, qui servit Charles-Quint et Philippe II, était Giacomo Paleazzo. Outre les constructions militaires dont parle ici Cervantès, il répara, en 1573, les murailles de Gibraltar, et éleva des ouvrages de défense au pont de Zuaro, en avant de Cadix. Ce fut son frère, Giorgio Paleazzo, qui traça le plan des fortifications de Mayorque, en 1583, et dirigea les travaux de la citadelle de Pampelune, en 1592.

[225] Le P. Haedo donne la même étymologie à son nom.

[226] Dans sa Topografia de Argel (chap. XXI), le P. Haedo lui donne le titre de Capitan des corsaires. « C’est, dit-il, une charge que confère le Grand Turc. Il y a un capitan des corsaires à Alger, un autre à Tripoli, et un troisième à Tunis. » Cet Uchali Fartax était natif de Licastelli, en Calabre. Devenu musulman, il se trouva, en 1560, à la déroute de Gelvès, où plus de 10 000 Espagnols restèrent prisonniers. Plus tard, étant roi ou dey d’Alger, il porta secours aux Morisques de Grenade, révoltés contre Philippe II. Nommé général de la flotte turque, en 1571, après la bataille de Lépante, il se trouva l’année suivante à Navarin, et mourut empoisonné en 1580.

[227] Les Espagnols le nomment Azanaga.

[228] Bagne (balio) signifie, d’après la racine arabe dont les Espagnols ont fait albañil (maçon), un édifice en plâtre. – La vie que menaient les captifs dans ces bagnes n’était pas aussi pénible qu’on le croit communément. Ils avaient des oratoires où leurs prêtres disaient la messe ; on y célébrait les offices divins avec pompe et en musique ; on y baptisait les enfants, et tous les sacrements y étaient administrés ; on y prêchait, on y faisait des processions, on y instituait des confréries, on y représentait des autos sacramentales, la nuit de Noël et les jours de la Passion ; enfin, comme le remarque Clémencin, les prisonniers musulmans n’avaient certes pas autant de liberté en Espagne, ni dans le reste de la chrétienté. (Gomez de Losada, Escuela de trabajos y cautiverio de Argel, lib. II, cap. XLVI y sig.)

[229] Ce maître du captif était Vénitien, et s’appelait Andreta. Il fut pris étant clerc du greffier d’un navire de Raguse. S’étant fait Turc, il prit le nom d’Hassan-Aga, devint élamir, ou trésorier d’Uchali, lui succéda dans le gouvernement d’Alger, puis dans l’emploi de général de la mer, et mourut, comme lui, empoisonné par un rival qui le remplaça. (Haedo, Historia de Argel, fol. 89.)

[230] Ce tel de Saavedra est Cervantès lui-même. Voici comment le P. Haedo s’exprime sur son compte : « Des choses qui se passèrent dans ce souterrain pendant l’espace de sept mois que ces chrétiens y demeurèrent, ainsi que de la captivité et des exploits de Miguel de Cervantès, on pourrait écrire une histoire particulière. » (Topografia, fol. 184.) Quant au captif qui raconte ici sa propre histoire, c’est le capitaine Ruy Perez de Viedma, esclave, comme Cervantès, d’Hassan-Aga, et l’un de ses compagnons de captivité.

[231] Zalemas.

[232] Le P. Haedo, dans sa Topografia et dans son Epitome de los reyes de Argel, cite souvent cet Agi-Morato, renégat slave, comme un des plus riches habitants d’Alger.

[233] Il se nommait Morato Raez Maltrapillo. Ce fut ce renégat, ami de Cervantès, qui le sauva du châtiment et peut-être de la mort, quand il tenta de s’enfuir, en 1579. Haedo cite à plusieurs reprises ce Maltrapillo.

[234] Cette esclave s’appelait Juana de Renteria. Cervantès parle d’elle dans sa comédie los Baños de Argel, dont le sujet est aussi l’histoire de Zoraïde. Le captif don Lope demande au renégat Hassem : « Y a-t-il par hasard, dans cette maison, quelque renégate ou esclave chrétienne ? » Hassem. « Il y en avait une, les années passées, qui s’appelait Juana, et dont le nom de famille était, à ce que je crois bien, de Renteria. » Lope. « Qu’est-elle devenue ? » Hassem. « Elle est morte. C’est elle qui a élevé cette Moresque dont je vous parlais. C’était une rare matrone, archive de foi chrétienne, etc. » (Jornada I.)

[235] Prière, oraison.

[236] Cervantès dit, dans sa comédie de los Baños de Argel (jornada III), que cette fille unique d’Agi-Morato épousa Muley-Maluch, qui fut fait roi de Fez en 1576. C’est ce que confirment le P. Haedo, dans son Epitome, et Antonio de Herrera, dans son Historia de Portugal.

[237] Bab-Azoun veut dire porte des troupeaux de brebis. Le P. Haedo, dans sa Topografia, dit au chapitre VI : « En descendant quatre cents pas plus bas, est une autre porte principale, appelée Bab-Azoun, qui regarde entre le midi et le levant. C’est par là que sortent tous les gens qui vont aux champs, aux villages et aux douars (aduares) des Mores. » Alger, comme on voit, n’avait point changé depuis la captivité de Cervantès.

[238] Ce projet de Zoraïde est précisément celui qu’imagina Cervantès, quand son frère Rodrigo se racheta pour lui envoyer ensuite une barque sur laquelle il s’enfuirait avec les autres chrétiens : ce qu’il tenta vainement de faire en 1577.

[239] Ceci est une allusion à l’aventure de la barque qui vint chercher, en 1577, Cervantès et les autres gentilshommes chrétiens qui étaient restés cachés dans un souterrain pour s’enfuir en Espagne.

[240] Cet arrangement de l’achat d’une barque fut précisément celui que fit Cervantès, en 1579, non pas avec Maltrapillo, mais avec un autre renégat nommé le licencié Giron.

[241] Tagarin veut dire de la frontière. On donnait ce nom aux Mores venus de l’Aragon et de Valence. On appelait, au contraire, Mudejares, qui signifie de l’intérieur, les Mores venus de l’Andalousie. (Haedo, Topografia, etc. Luis del Marmol, Descripcion de Africa, etc.)

[242] Ce marchand s’appelait Onofre Exarque. Ce fut lui qui procura l’argent pour acheter la barque où Cervantès devait s’enfuir avec les autres chrétiens, en 1579.

[243] Sargel, ou Cherchel, est situé sur les ruines d’une cité romaine qui s’appelait, à ce qu’on suppose, Julia Caesarea. C’était, au commencement du seizième siècle, une petite ville d’environ trois cents feux, qui fut presque dépeuplée lorsque Barberousse se rendit maître d’Alger. Les Morisques, chassés d’Espagne en 1610, s’y réfugièrent en grand nombre, attirés par la fertilité des champs, et y établirent un commerce assez considérable, non-seulement de figues sèches, mais de faïence, d’acier et de bois de construction. Le port de Sargel, qui pouvait contenir alors vingt galères abritées, fut comblé par le sable et les débris d’édifices, dans le tremblement de terre de 1738.

[244] Voyez la note 239 du chap. XL.

[245] C’est la langue franque. Le P. Haedo s’exprime ainsi dans la Topografia (chap. XXIX) : « La troisième langue qu’on parle à Alger est celle que les Mores et les Turcs appellent franque. C’est un mélange de diverses langues chrétiennes, et d’expressions qui sont, pour la plupart, italiennes ou espagnoles, et quelquefois portugaises, depuis peu. Comme à cette confusion de toutes sortes d’idiomes se joint la mauvaise prononciation des Mores et des Turcs, qui ne connaissent ni les modes, ni les temps, ni les cas, la langue franque d’Alger n’est plus qu’un jargon semblable au parler d’un nègre novice nouvellement amené en Espagne. »

[246] C’est-à-dire de l’Albanais Mami. Il était capitan de la flotte où servait le corsaire qui fit Cervantès prisonnier, et « si cruelle bête, dit Haedo, que sa maison et ses vaisseaux étaient remplis de nez et d’oreilles qu’il coupait, pour le moindre motif, aux pauvres chrétiens captifs. » Cervantès fait encore mention de lui dans la Galatée et d’autres ouvrages.

[247] Le zoltani valant 40 aspres d’argent, ou presque 2 piastres fortes d’Espagne, c’était environ 15 000 francs.

[248] Bagarins, de bahar, mer, signifie matelots. « Les Mores des montagnes, dit Haedo, qui vivent dans Alger, gagnent leur vie, les uns en servant les Turcs ou de riches Mores ; les autres, en travaillant aux jardins ou aux vignes, et quelques-uns en ramant sur les galères et les galiotes ; ceux-ci, qui louent leurs services, sont appelés bagarinès. » (Topografia, cap. II.)

[249] Commandant d’un bâtiment algérien.

[250] Nazaréens.

[251] Kava est le nom que donnent les Arabes à Florinde, fille du comte Julien. Voici ce que dit, sur ce promontoire, Luis del Marmol, dans sa Description general de Africa (lib. IV, cap. XLIII), après avoir parlé des ruines de Césarée : « Là sont encore debout les débris des deux temples antiques…, dans l’un desquels est un dôme très-élevé, que les Mores appellent Cobor rhoumi, ce qui veut dire sépulcre romain ; mais les chrétiens, peu versés dans l’arabe, l’appellent Cava rhouma, et disent fabuleusement que là est enterrée la Cava, fille du comte Julien… À l’est de cette ville, est une grande montagne boisée, que les chrétiens appellent de la mauvaise femme, d’où l’on tire, pour Alger, tout le bois de construction des navires. » Cette montagne est probablement le cap Cajinès.

[252] On sait que les musulmans sont iconoclastes, et qu’ils proscrivent, comme une idolâtrie, toute espèce de représentation d’êtres animés.

[253] L’aventure du captif est répétée dans la comédie los Baños de Argel, et Lope de Vega l’a introduite également dans celle intitulée los Cautivos de Argel. Cervantès la donne comme une histoire véritable, et termine ainsi la première de ces pièces : « Ce conte d’amour et de doux souvenir se conserve toujours à Alger, et l’on y montrerait encore aujourd’hui la fenêtre et le jardin… »

[254] La charge d’auditeur aux chancelleries et audiences, en Espagne, répondait à celle de conseiller au parlement parmi nous.

[255] Rui, abrévation, pour Rodrigo.

[256] Pilote d’Énée.


Surgit Palinurus, et omnes

Explorat ventos…,

Sidera cuncta notat tacito labentia cœlo.

(AEn., lib. III.)

[257] Clara y luciente estrella ; jeu de mots sur le nom de Clara.

[258] Il n’y avait point encore de vitres en verre à Madrid, même dans la maison d’un auditeur.

[259] Tergeminamque Hecaten, tria virginis ora Dianae.

(VIRGILE.)

[260] Le Pénée était précisément un fleuve de Thessalie ; il arrosait la vallée de Tempé.

[261] Comme le bon sens de Roland, qu’Astolphe rapporta de la lune.

[262] La garrucha. On suspendait le patient, en le chargeant de fers et de poids considérables, jusqu’à ce qu’il eût avoué son crime.

[263] Allá van leyes do quieren reyes. « Ainsi vont les lois, comme le veulent les rois. « Cet ancien proverbe espagnol prit naissance, au dire de l’archevêque Rodrigo Ximenès de Rada (lib. VI, cap. XXV), lors de la querelle entre le rituel gothique et le rituel romain, qui fut vidée, sous Alphonse VI, par les diverses épreuves du jugement de Dieu, même par le combat en champ clos.

[264] Orlando furioso, canto XXVII.

[265] Les règlements de la Sainte-Hermandad, rendus à Torrelaguna, en 1485, accordaient à ses archers (cuadrilleros) une récompense de trois mille maravédis quand ils arrêtaient un malfaiteur dont le crime emportait peine de mort ; deux mille, quand celui-ci devait être condamné à des peines afflictives, et mille, quand il ne pouvait encourir que des peines pécuniaires.

[266] L’aventure des archers s’est passée dans le chapitre précédent, et le chapitre suivant porte le titre qui conviendrait à celui-ci : De l’étrange manière dont fut enchanté don Quichotte, etc. Cette coupe des chapitres, très-souvent inexacte et fautive, et ces interversions de titres que l’Académie espagnole a corrigées quelquefois, proviennent sans doute de ce que la première édition de la première partie du Don Quichotte se fit en l’absence de l’auteur, et sur des manuscrits en désordre.

[267] La comédie que composa don Guillen de Castro, l’auteur original du Cid, sur les aventures de don Quichotte, et qui parut entre la première et la seconde partie du roman de Cervantès, se termine par cet enchantement et cette prophétie.


Dans sa comédie, Guillen de Castro introduisait les principaux épisodes du roman, mais avec une légère altération. Don Fernand était fils aîné du duc, et Cardénio un simple paysan ; puis, à la fin, on découvrait qu’ils avaient été changés en nourrice, ce qui rendait le dénoûment plus vraisemblable, car don Fernand, devenu paysan, épousait la paysanne Dorothée, et la grande dame Luscinde épousait Cardénio, devenu grand seigneur.

[268] Voir la note 264 mise au titre du chapitre précédent.

[269] Elle est, en effet, de Cervantès, et parut, pour la première fois, dans le recueil de ses Nouvelles exemplaires, en 1613. On la trouvera parmi les Nouvelles de Cervantès dont j’ai publié la traduction.

[270] Gaspar Cardillo de Villalpando, qui se distingua au concile de Trente, est l’auteur d’un livre de scolastique, fort estimé dans son temps, qui a pour titre : Sumas de las súmulas. Alcala, 1557.

[271] Pline, Apulée, toute l’antiquité, ont placé les gymnosophistes dans l’Inde. Mais don Quichotte pouvait se permettre quelque étourderie.

[272] On sait que ce fameux voyageur vénitien, de retour en Italie, et prisonnier des Génois en 1298, fit écrire la relation de ses voyages par Eustache de Pise, son compagnon de captivité. Cette relation fut traduite en espagnol par le maestre Rodrigo de Santaella. Séville, 1518.

[273] Comme Le Tasse, dans la description des enchantements d’Ismène et d’Armide.

[274] Cervantès donnait son opinion sur ce dernier point bien avant la querelle que fit naître Télémaque.

[275] Ces trois pièces sont de Lupercio Leonardo de Argensola, qui a mieux réussi, comme son frère Bartolomé, dans la poésie lyrique que sur le théâtre. L’Isabella et l’Alexandra ont été publiées dans le sixième volume du Parnaso español de don Juan Lopez Sedano. La Filis est perdue.

[276] L’Ingratitude vengée (la Ingratitud vengada) est de Lope de Vega ; la Numancia, de Cervantès lui-même ; le Marchand amoureux (el Mercador amante), de Gaspard de Aguilar, et l’Ennemie favorable (la Enemiga favorable), du chanoine Francisco Tarraga.

[277] Enfant au premier acte et barbon au dernier,

(BOILEAU.)


comme cela se voit dans plusieurs pièces de Lope de Vega, Urson y Valentin, los Porceles de Murcia, el primer Rey de Castilla, etc.

[278] Peu s’en faut qu’il n’en soit ainsi dans plusieurs comédies du même Lope de Vega, el nuevo mundo descubierto por Cristo val Colon, el rey Bamba, las Cuentas del grand Capitan, la Doncella Teodor, etc.

[279] Lope de Vega fit mieux encore dans la comédie la Limpieza no manchada (la Pureté sans tache). On y voit le roi David, le saint homme Job, le prophète Jérémie, saint Jean-Baptiste, sainte Brigitte, et l’université de Salamanque.

[280] Ou Autos sacramentales. Lope de Vega en a fait environ quatre cents : San Francisco, san Nicolas, san Agustin, san Roque, san Antonio, etc.

[281] Je ne sais trop sur quoi Cervantès fonde son éloge des théâtres étrangers. À son époque, les Italiens n’avaient guère que la Mandragore et les pièces du Trissin ; la scène française était encore dans les langes, Corneille n’avait point paru ; la scène allemande était à naître, et Shakespeare, le seul grand auteur dramatique de l’époque, ne se piquait assurément guère de cette régularité classique qui permettait aux étrangers d’appeler barbares les admirateurs de Lope de Vega.

[282] Cet heureux et fécond génie est Lope de Vega, contre lequel Cervantès a principalement dirigé sa critique du théâtre espagnol. À l’époque où parut la première partie du Don Quichotte, Lope de Vega n’avait pas encore composé le quart des dix-huit cents comédies de capa y espada qu’a écrites sa plume infatigable.


Il faut observer aussi qu’à la même époque le théâtre espagnol ne comptait encore qu’un seul grand écrivain. C’est depuis qu’ont paru Calderon, Moreto, Alarcon, Tirso de Molina, Rojas, Solis, etc., lesquels ont laissé bien loin derrière eux les contemporains de Cervantès.

[283] Premier comte de Castille, dans le dixième siècle.

[284] Le Cid n’était pas de Valence, mais des environs de Burgos, en Castille. Cervantès le nomme ainsi parce qu’il prit Valence sur les Almoravides, en 1094.

[285] Guerrier qui se distingua à la prise de Séville par saint Ferdinand, en 1248.

[286] Ce n’est point du poëte que Cervantès veut parler, quoiqu’il fût également de Tolède, et qu’il eût passé sa vie dans les camps : c’est d’un autre Garcilaso de la Vega, qui se rendit célèbre au siége de Grenade par les rois catholiques, en 1491. On appela celui-ci Garcilaso de l’Ave Maria, parce qu’il tua en combat singulier un chevalier more qui portait, par moquerie, le nom d’Ave Maria sur la queue de son cheval.

[287] Autre célèbre guerrier de la même époque.

[288] L’histoire de Floripe et de sa tour flottante, où l’on donna asile à Guy de Bourgogne et aux autres pairs, est rapportée dans les Chroniques des douze pairs de France.

[289] Le pont de Mantible, sur la rivière Flagor (sans doute le Tage), était formé de trente arches de marbre blanc, et défendu par deux tours carrées. Le géant Galafre, aidé de cent Turcs, exigeait des chrétiens, pour droit de passage, et sous peine de laisser leurs têtes aux créneaux du pont, trente couples de chiens de chasse, cent jeunes vierges, cent faucons dressés, et cent chevaux enharnachés ayant à chaque pied un marc d’or fin. Fiérabras vainquit le géant. (Histoire de Charlemagne, chap. XXX et suiv.)

[290] Comme les Juifs le Messie, ou les Portugais le roi don Sébastien.

[291] L’histoire de ce cavalier fut écrite d’abord en italien, dans le cours du treizième siècle, par le maestro Andréa, de Florence ; elle fut traduite en espagnol par Alonzo Fernandez Aleman, Séville, 1548.

[292] Le Saint-Grial, ou Saint-Graal, est le plat où Joseph d’Arimathie reçut le sang de Jésus-Christ, quand il le descendit de la croix pour lui donner la sépulture. La conquête du Saint-Grial par le roi Artus et les chevaliers de la Table-Ronde est le sujet d’un livre de chevalerie, écrit en latin, dans le douzième siècle, et traduit depuis en espagnol, Séville, 1500.

[293] Les histoires si connues de Tristan de Léonais et de Lancelot du Lac furent également écrites en latin, avant d’être traduites en français par ordre du Normand Henri II, roi d’Angleterre, vers la fin du douzième siècle. Ce fut peu de temps après que le poëte Chrétien de Troyes fit une imitation en vers de ces deux romans.

[294] Écrite à la fin du douzième siècle par le troubadour provençal Bernard Treviez, et traduite en espagnol par Félipe Camus, Tolède, 1526.

[295] Cette trompe fameuse s’entendait, au rapport de Dante et de Boyardo, à deux lieues de distance.

[296] Pierre de Beaufremont, seigneur de Chabot-Charny.

[297] Ou plutôt Ravestein.

[298] Juan de Merlo, Pedro Barba, Gutierre Quixada, Fernando de Quevara, et plusieurs autres chevaliers de la cour du roi de Castille Jean II, quittèrent en effet l’Espagne, en 1434, 35 et 36, pour aller dans les cours étrangères rompre des lances en l’honneur des dames. On peut consulter sur ces pèlerinages chevaleresques la Cronica del rey don Juan el IIe, cap. CCLV à CCLXVII.

[299] Suero de Quiñones, chevalier léonais, fils du grand bailli (merinomayor) des Asturies, célébra, en 1434, sur le pont de l’Orbigo, à trois lieues d’Astorga, des joutes fameuses qui durèrent trente jours. Accompagné de neuf autres mantenedores, ou champions, il soutint la lice contre soixante-huit conquistadores, ou aventuriers, venus pour leur disputer le prix du tournoi. La relation de ces joutes forme la matière d’un livre de chevalerie, écrit par Fray Juan de Pineda, sous le titre de Paso honroso, et publié à Salamanque en 1588.

[300] Cronica del rey don Juan el IIe, cap. CM.

[301] La Historia Caroli Magni, attribuée à l’archevêque Turpin, et dont on ignore le véritable auteur, fut traduite en espagnol et considérablement augmentée par Nicolas de Piamonte, qui fit imprimer la sienne à Séville, en 1528.

[302] Malgré l’affirmation du chanoine, rien n’est moins sûr que l’existence de Bernard del Carpio ; elle est niée, entre autres, par l’exact historien Juan de Ferreras.

[303] L’altercation a commencé dans le chapitre précédent, de même que l’entretien entre don Quichotte et Sancho, qui lui sert de titre, avait commencé dans le chapitre antérieur. Faut-il attribuer ces transpositions à la négligence du premier éditeur, ou bien à un caprice bizarre de Cervantès ? À voir la même faute tant de fois répétée, je serais volontiers de ce dernier avis.

[304] Virgile avait dit des Champs-Élysées :


Largior hic campos aether et lumine vestit

Purpureo.

(AEn., lib. VI.)

[305] Allusion au poëme de Giacobo Sannazaro, qui vivait à Naples vers 1500. L’Arcadia fut célèbre en Espagne, où l’on en fit plusieurs traductions.

[306] On ne s’attendait guère à trouver dans le conte du chevrier une imitation de Virgile :


Formosam resonare doces Amaryllida silvas.

[307] Autre imitation de Virgile, qui termine ainsi sa première églogue :


Sunt nobis mitia poma,

Castaneae molles, et pressi copia lactis.

[308] Voilà un passage tout à fait indigne de Cervantès, qui se montre toujours si doux et si humain ; il y fait jouer au curé et au chanoine un rôle malséant à leur caractère, et il tombe justement dans le défaut qu’il a reproché depuis à son plagiaire Fernandez de Avellaneda. Il n’y a point de semblable tache dans la seconde partie du Don Quichotte.

[309] Les processions de pénitents (disciplinantes), qui donnaient lieu à toutes sortes d’excès, furent défendues, en Espagne, à la fin du règne de Charles III.

[310] Dans le reste de l’Espagne, les femmes mariées conservaient et conservent encore leurs noms de filles.


Cervantès, dans le cours du Don Quichotte, donne plusieurs noms à la femme de Sancho. Il l’appelle, au commencement de la première partie, Mari-Gutierrez ; à présent, Juana Panza ; dans la seconde partie, il l’appellera Teresa Cascajo ; puis une autre fois, Mari-Gutierrez, puis Teresa Panza. C’est, en définitive, ce dernier nom qu’il lui donne.

[311] Il y avait alors à Saragosse une confrérie, sous le patronage de saint Georges, qui célébrait, trois fois par an, des joutes qu’on appelait justas dei arnes. (Ger. de Urrea, Dialogo de la verdadera honra militar.)

[312] Garcia Ordoñez de Montalvo, l’auteur de Las sergas de Esplandian, dit, en parlant de son livre : « Par grand bonheur il se retrouva dans une tombe de pierre, qu’on trouva sur la terre dans un ermitage près de Constantinople, et fut porté en Espagne par un marchand hongrois, dans une écriture et un parchemin si vieux, que ce fut à grand’peine que purent le lire ceux qui entendaient la langue grecque. » La Chronique d’Amadis de Grèce fut également trouvée « dans une caverne qu’on appelle les palais d’Hercule, enfermée dans une caisse d’un bois qui ne se corrompt point, parce que, quand l’Espagne fut prise par les Mores, on l’avait cachée en cet endroit ».

[313] Cervantès ne pensait point alors à publier une seconde partie du Don Quichotte.

[314] Je demande pardon pour la traduction des sonnets et des épitaphes qui suivent. Que pouvait-on faire d’une poésie ridicule à dessein ?

[315] Au temps de Cervantès, on commençait à peine à instituer des académies dans les plus grandes villes de l’Espagne, Madrid, Séville, Valence. En placer une à Argamasilla, c’était une autre moquerie contre ce pauvre village dont il ne voulait pas se rappeler le nom. Cervantès donne aux académiciens d’Argamasilla des surnoms ou sobriquets, comme c’était l’usage dans les académies italiennes.

[316] Issu du Congo.

[317] Mot formé de pan y agua, pain et eau ; c’est de ce nom qu’on appelle les commensaux, les parasites, les gens auxquels on fait l’aumône de la nourriture.

[318] Le capricieux.

[319] Le moqueur.

[320] Nom de guerre d’un fameux renégat, corsaire d’Alger, et l’un des officiers de Barberousse, qui, sous le règne de Charles-Quint, fit plusieurs descentes sur les côtes de Valence.

[321] Orlando furioso, canto XXX. – Cervantès répète et traduit ce vers à la fin du premier chapitre de la seconde partie :


Y como del Catay recibio el cetro,

Quiza otro cantará con mejor plectro.