Utilisateur:Zephyrus/Don Quichotte2n

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[1] C’est l’écrivain qui s’est caché sous le nom du licencié Alonzo Fernandez de Avellanéda, natif de Tordésillas, et dont le livre fut imprimé à Tarragone.

[2] La bataille de Lépante.

[3] Allusion à Lope de Vega, qui était en effet prêtre et familier du saint-office, après avoir été marié deux fois.

[4] Il y a dans le texte podenco, qui veut dire chien courant. J’ai mis lévrier, pour que le mot chien ne fût pas répété tant de fois en quelques lignes.

[5] Petite pièce de l’époque, dont l’auteur est inconnu.

[6] On nomme veinticuatros les regidores ou officiers municipaux de Séville, de Grenade et de Cordoue, depuis que leur nombre fut réduit de trente-six à vingt-quatre par Alphonse le Justicier.

[7] Las copias de Mingo Revulgo sont une espèce de complainte satirique sur le règne de Henri IV (el impotente). Les uns l’ont attribuée à Juan de Ména, auteur du poëme el Laberinto ; d’autres à Rodrigo Cota, premier auteur de la Célestine ; d’autres encore au chroniqueur Fernando del Pulgar. Celui-ci, du moins, l’a commentée à la fin de la chronique de Henri IV par Diego Enriquez del Castillo.

[8] Que Cervantes n’acheva point.

[9] Métaphore empruntée à l’art chirurgical. Il était alors très en usage de coudre une blessure, et l’on exprimait sa grandeur par le nombre de points nécessaires pour la cicatriser. Cette expression rappelle une des plus piquantes aventures de la Nouvelle intitulée Rinconete y Cortadillo. Cervantes y raconte qu’un gentilhomme donna cinquante ducats à un bravache de profession, pour qu’il fît à un autre gentilhomme, son ennemi, une balafre de quatorze points. Mais le bravo, calculant qu’une si longue estafilade ne pouvait tenir sur le visage fort mince de ce gentilhomme, la fit à son laquais, qui avait les joues mieux remplies.

[10] Depuis le milieu du seizième siècle, les entreprises maritimes des Turcs faisaient, en Italie et en Espagne, le sujet ordinaire des conversations politiques. Elles étaient même entrées dans le langage proverbial : Juan Cortès de Tolédo, auteur du Lazarille de Manzanarès, dit, en parlant d’une belle-mère, que c’était une femme plus redoutée que la descente du Turc. Cervantes dit également, au début de son Voyage au Parnasse, en prenant congé des marches de l’église San-Félipe, sur lesquelles se réunissaient les nouvellistes du temps : « Adieu, promenade de San-Félipe, où je lis, comme dans une gazette de Venise, si le chien Turc monte ou descend. »

[11] On appelait ces charlatans politiques arbitristas, et les expédients qu’ils proposaient, arbitrios. Cervantes s’est moqué d’eux fort gaiement dans le Dialogue des chiens. Voici le moyen qu’y propose un de ces arbitristas, pour combler le vide du trésor royal : « Il faut demander aux cortès que tous les vassaux de Sa Majesté, de quatorze à soixante ans, soient tenus de jeûner, une fois par mois, au pain et à l’eau, et que toute la dépense qu’ils auraient faite ce jour-là, en fruits, viande, poisson, vin, œufs et légumes, soit évaluée en argent, et fidèlement payée à Sa Majesté, sous l’obligation du serment. Avec cela, en vingt ans, le trésor est libéré. Car enfin, il y a bien en Espagne plus de trois millions de personnes de cet âge… qui dépensent bien chacune un réal par jour, ne mangeassent-elles que des racines de pissenlit. Or, croyez-vous que ce serait une misère que d’avoir chaque mois plus de trois millions de réaux comme passés au crible ? D’ailleurs, tout serait profit pour les jeûneurs, puisque avec le jeûne ils serviraient à la fois le ciel et le roi, et, pour un grand nombre, ce serait en outre profitable à la santé. Voilà mon moyen, sans frais ni dépens, et sans nécessité de commissaires, qui sont la ruine de l’État. »

[12] Allusion à quelque romance populaire du temps, aujourd’hui complètement inconnu.

[13] Ce n’est pas suivant Turpin, auquel on n’a jamais attribué de cosmographie : mais suivant Arioste, dans l’Orlando furioso, poëme dont Roger est le héros véritable.

[14] L’Écriture ne le fait pas si grand. Egressus est vir spurius de castris Philistinorum, nomine Goliath de Geth, altitudinis sex cubitorum et palmi. (Rois, livre I, chap. XVII.)

[15] C’est le poëme italien Morgante maggiore, de Luigi Pulci. Ce poëme fut traduit librement en espagnol par Geronimo Anner, Séville, 1550 et 1552.

[16] Roland, Ferragus, Renaud, Agrican, Sacripant, etc.

[17] Médor fut blessé et laissé pour mort sur la place, en allant relever le cadavre de son maître, Daniel d’Almonte. (Orlando furioso, canto XXIII.)

[18] Le poëte andalous est Luis Barahona de Soto, qui fit Les Larmes d’Angélique (Las Lagrimas de Angélica), poëme en douze chants, Grenade, 1586. Le poëte castillan est Lope de Vega, qui fit La Beauté d’Angélique (La Hermosura de Angélica), poëme en vingt chants, Barcelone, 1604.

[19] Quelques années plus tard, Quevedo se fit le vengeur des amants rebutés d’Angélique dans son Orlando burlesco.

[20] Formule très-usitée des historiens arabes, auxquels la prirent les anciens chroniqueurs espagnols, et après eux les romanciers, que Cervantes imite à son tour.

[21] Le mot insula, que don Quichotte emprunte aux romans de chevalerie, était, dès le temps de Cervantes, du vieux langage. Une île s’appelait alors, comme aujourd’hui, isla. Il n’est donc pas étonnant que la nièce et la gouvernante n’entendent pas ce mot. Sancho lui-même n’en a pas une idée très-nette. Ainsi la plaisanterie que fait Cervantes, un peu forcée en français, est parfaitement naturelle en espagnol.

[22] Quando caput dolet, cetera membra dolent.

[23] On comptait alors plusieurs degrés dans la noblesse : hidalgos, cavalleros, ricoshombres, titulos, grandes. J’ai mis gentilhommes au lieu de chevaliers, pour éviter l’équivoque que ce mot ferait naître, appliqué à don Quichotte.


Don Diego Clemencin a retrouvé la liste des nobles qui habitaient le bourg d’Armagasilla de Alba, au temps de Cervantes. Il y a une demi-douzaine d’hidalgos incontestés, et une autre demi-douzaine d’hidalgos contestables.

[24] Quant aux mœurs, Suétone est du même avis que don Quichotte ; mais non quant à la toilette. Au contraire, il reproche à César d’avoir été trop petit-maître… Circa corporis curam morosior, ut non solum tonderetur diligenter ac raderetur, sed velleretur etiam, ut quidam exprobraverunt… (Cap. XLV.)

[25] Sancho avait changé le nom de Ben-Engeli en celui de Berengena, qui veut dire aubergine, espèce de légume fort répandue dans le royaume de Valence, où l’avaient portée les Morisques.

[26] Il y avait presque un mois, dit Cervantes dans le chapitre premier, que don Quichotte était revenu chez lui en descendant de la charrette enchantée, et voilà que douze mille exemplaires de son histoire courent toute l’Europe, imprimés dans quatre ou cinq villes, et en plusieurs langues. Le Don Quichotte est plein de ces étourderies. Est-ce négligence ? est-ce badinage ?

[27] On peut dire du bachelier Carrasco : Cecinit ut vates.

[28] Sancho répond ici par un jeu de mots, à propos de gramatica, grammaire. « Avec la grama (chiendent), je m’accommoderais bien, mais de la tica je ne saurais que faire, car je ne l’entends pas. » C’était intraduisible.

[29] Le crime de fausse monnaie était puni du feu, comme étant à la fois un vol public et un crime de lèse-majesté. (Partida VII, tit. VII, ley 9.)

[30] On appelle communément el Tostado (le brûlé, le hâlé) don Alonzo de Madrigal, évêque d’Avila, sous Jean II. Quoiqu’il fût mort encore jeune, en 1550, il laissa vingt-quatre volumes in-folio d’œuvres latines, et à peu près autant d’œuvres espagnoles, sans compter les travaux inédits. Aussi son nom était-il demeuré proverbial dans le sens que lui donne don Quichotte.

[31] Ce rôle fut appelé successivement hobo, simple, donaire, et enfin gracioso.

[32] Cette pensée est de Pline l’Ancien ; elle est rapportée dans une lettre de son neveu. (Lib. III, epist. v.) Don Diego de Mendoza la cite dans le prologue de son Lazarillo de Tormès, et Voltaire l’a répétée plusieurs fois.

[33] La citation n’est pas exacte. Horace a dit : Quandoque bonus dormitat Homerus.

[34] Ecclésiaste. chap. X, vers. 15.

[35] Cervantes n’avait pas oublié de mentionner le voleur ; il a dit positivement que c’est Ginès de Passamont ; mais il oubliait le vol lui-même. Voyez tome I, note du chapitre XXIII de la première partie. [Cette note est la suivante : Il paraît que Cervantès ajouta après coup, dans ce chapitre, et lorsqu’il avait écrit déjà les deux suivants, le vol de l’âne de Sancho par Ginès de Passamont. Dans la première édition du Don Quichotte, il continuait, après le récit du vol, à parler de l’âne comme s’il n’avait pas cessé d’être en la possession de Sancho, et il disait ici : « Sancho s’en allait derrière son maître, assis sur son âne à la manière des femmes… » Dans la seconde édition, il corrigea cette inadvertence, mais incomplétement, et la laissa subsister en plusieurs endroits. Les Espagnols ont religieusement conservé son texte, et jusqu’aux disparates que forme cette correction partielle. J’ai cru devoir les faire disparaître, en gardant toutefois une seule mention de l’âne, au chapitre XXV. L’on verra, dans la seconde partie du Don Quichotte, que Cervantès se moque lui-même fort gaiement de son étourderie, et des contradictions qu’elle amène dans le récit.]

[36] Orlando furioso, canto XXVII.

[37] Depuis les hennissements du cheval de Darius, qui lui donnèrent la couronne de Perse, et ceux du cheval de Denis le Tyran, qui lui promirent celle de Syracuse, les faiseurs de pronostics ont toujours donné à cet augure un sens favorable. Il était naturel que don Quichotte tirât le même présage des hennissements de Rossinante, lesquels signifiaient sans doute qu’on laissait passer l’heure de la ration d’orge.

[38] L’Aragon était sous le patronage de saint Georges, depuis la bataille d’Alcoraz, gagnée par Pierre Ier sur les Mores, en 1096. Une confrérie de chevaliers s’était formée à Saragosse pour donner des joutes trois fois l’an, en l’honneur du saint. On appelait ces joutes justas del arnes.

[39] Santiago, y cierra Espana, vieux cri de guerre en usage contre les Mores.

[40] La qualité de vieux chrétien était une espèce de noblesse qui avait aussi ses privilèges. D’après les statuts de Limpieza (pureté de sang), établis dans les quinzième et seizième siècles, les nouveaux convertis ne pouvaient se faire admettre ni dans le clergé, ni dans les emplois publics, ni même dans certaines professions mécaniques. À Tolède, par exemple, on ne pouvait entrer dans la corporation des tailleurs de pierre qu’après avoir fait preuve de pureté de sang.

[41] Le goût des acrostiches avait commencé, dès le quatrième siècle, dans la poésie latine ; il passa aux langues vulgaires, et se répandit notamment en Espagne. On l’y appliquait aux choses les plus graves. Ainsi, les sept premières lettres des sept Partidas, ce code monumental d’Alphonse le Savant, forment le nom d’Alfonso. Entre autres exemples d’acrostiches, je puis citer une octave de Luis de Tovar, recueillie dans le Cancionero general castellano :


Feroz sin consuelo y sañuda dama,

Remedia el trabajo a nadie credero

A quien le siguio martirio tan fiero

Nos seas leon, o reina, pues t’ama.

Cien males se doblan cada hora en que pene,

Y en ti de tal guisa beldad pues se asienta,

Non seas cruel en asi dar afrenta

Al que por te amar y a vida no tiene.


Il y a dans cette pièce singulière, outre le nom de Francina, qui forme l’acrostiche, les noms de huit autres dames : Eloisa, Ana, Guiomar, Leonor, Blanca, Isabel, Elena, Maria.

[42] Les commentateurs se sont exercés à découvrir quels pouvaient être ces trois poëtes que possédait alors l’Espagne, en supposant que Cervantes se fût désigné lui-même sous le nom de demi-poëte. Don Grégorio Mayans croit que ce sont Alonzo de Ercilla, Juan Rufo, et Cristoval Viruès, auteur des poëmes intitulés Araucana, Austriada et Monserate. (Voir les notes du chapitre VI, livre I, 1ère partie.) Dans son Voyage au Parnasse, Cervantes fait distribuer neuf couronnes par Apollon. Les trois couronnes qu’il envoie à Naples sont évidemment pour Quevedo et les deux frères Leonardo de Argensola ; les trois qu’il réserve à l’Espagne, pour trois poëtes divins, sont probablement destinées à Francisco de Figuéroa, Francisco de Aldana, et Hernando de Herréra, qui reçurent tous trois ce surnom, mais à différents titres.

[43] Dulcinea del Toboso.

[44] Castellanas de a cuatro versos.

[45] C’est à cause de cette manière de parler, et de ce que dira plus bas Sancho, que le traducteur de cette histoire tient le présent chapitre pour apocryphe.

[46] Plusieurs anciens romances, très-répandus dans le peuple, racontent l’histoire de l’infante doña Urraca, laquelle, n’ayant rien reçu dans le partage des biens de la couronne que fit le roi de Castille Ferdinand Ier à ses trois fils Alfonso, Sancho et Garcia (1066), prit le bourdon du pèlerin, et menaça son père de quitter l’Espagne. Ferdinand lui donna la ville de Zamora.

[47] Jeu de mots entre almohadas, coussins, et Almohades, nom de la secte et de la dynastie berbère qui succéda à celle des Almoravides, dans le douzième siècle.

[48] On peut voir, dans Ducange, aux mots Duellum et Campiones, toutes les lois du duel auxquelles don Quichotte fait allusion, et le serment que la pragmatique sanction de Philippe le Bel, rendue en 1306, ordonnait aux chevaliers de prêter avant le combat.

[49] Palmérin d’Olive, don Florindo, Primaléon, Tristan de Léonais, Tirant le Blanc, etc.

[50] Vêtement des condamnés du saint-office. C’était une espèce de mantelet ou scapulaire jaune avec une croix rouge en sautoir. San-benito est un abréviatif de saco bendito, cilice bénit.

[51] Dans cette tirade et dans le reste du chapitre, don Quichotte mêle et confond toujours, sous le nom commun de cavalleros, les chevaliers et les gentilhommes.

[52] Othman, premier fondateur de l’empire des Turcs, au quatorzième siècle, fut, dit-on, berger, puis bandit.

[53] Horace avait dit :


Nos numerus sumus et fruges consumere nati.

(Lib. I, epist. I.)

[54] Garcilaso de la Vega. Les vers cités par don Quichotte sont de l’élégie adressée au duc d’Albe sur la mort de son frère don Bernardino de Toledo.

[55] L’oraison de sainte Apolline (santa Apolonia) était un de ces ensalmos ou paroles magiques pour guérir les maladies, fort en usage au temps de Cervantes. Un littérateur espagnol, don Francisco Patricio Berguizas, a recueilli cette oraison de la bouche de quelques vieilles femmes d’Esquivias, petite ville de Castille qu’habita Cervantes après son mariage. Elle est en petits vers, comme une seguidilla ; en voici la traduction littérale : « À la porte du ciel Apolline était, et la vierge Marie par là passait. « Dis, Apolline, qu’est-ce que tu as ? Dors-tu, ou veilles-tu ? – Ma dame, je ne dors ni ne veille, car d’une douleur de dents je me sens mourir. – Par l’étoile de Vénus et le soleil couchant, par le très-saint sacrement, que j’ai porté dans mon ventre, qu’aucune dent du fond ou de devant (muela ni diente) ne te fasse mal désormais. »

[56] Il y a dans l’original une grâce intraduisible. À la fin de la phrase qui précède, Sancho dit, au lieu de rata por cantidad (au prorata, au marc la livre), gata por cantidad. Alors don Quichotte, jouant sur les mots, lui répond : « Quelquefois il arrive qu’une chatte (gata) est aussi bonne qu’une rate (rata). » Et Sancho réplique : « Je gage que je devais dire rata et non gata ; mais qu’importe… etc. »

[57] L’original dit revolear (vautrer), pour revocar.

[58] L’usage des pleureuses à gages dans les enterrements, qui semble avoir cessé au temps de Cervantes, était fort ancien en Espagne. On trouve dans les Partidas (tit. IV, ley 100) des dispositions contre les excès et les désordres que commettaient, aux cérémonies de l’église, ces pleureuses appelées lloraderas, plañideras, endechaderas. On trouve dans celui des romances du Cid où ce guerrier fait son testament (n° 96) : « Item, j’ordonne qu’on ne loue pas de plañideras pour me pleurer ; il suffit de celles de ma Ximène, sans que j’achète d’autres larmes. »

[59] Garcilaso de la Vega. Ces vers sont dans la troisième églogue :


De cuatro ninfas, que del Tajo amado Salieron juntas, a cantar me ofresco, etc.

[60] Le Panthéon, élevé par Marcus Agrippa, gendre d’Auguste, et consacré à Jupiter vengeur.

[61] Cervantes se trompe. Suétone, d’accord avec Plutarque, dit au contraire que ce fut un augure favorable qui décida César à passer le Rubicon, et à dire : Le sort en est jeté. (Vita Caesaris, cap. XXXI et XXXII.)

[62] Jeu de mots, fort gracieux dans la bouche de Sancho, sur le nom de Julio, qui veut dire Jules et juillet, et d’Augusto, Auguste, qui, avec un léger changement, agosto, signifie août. Ce jeu de mots passerait fort bien en français, si l’on eût suivi l’exemple de Voltaire, et que le mois d’août fût devenu le mois d’Auguste.

[63] C’est l’obélisque égyptien, placé au centre de la colonnade de Saint-Pierre, par ordre de Sixte-Quint, en 1586. Cervantes, qui avait vu cet obélisque à la place qu’il occupait auparavant, suppose à tort qu’il fut destiné à recevoir les cendres de César. Il avait été amené à Rome sous l’empereur Caligula. (Pline, livre XVI, chap. XI.)

[64] Cervantes avait pu voir, à l’âge de dix-huit ans, la pompeuse réception que fit le roi Philippe II, en novembre 1565, aux ossements de saint Eugène, que Charles IX lui avait donnés en cadeau.

[65] Sans doute saint Diego de Alcala, canonisé par Sixte-Quint, en 1588, et saint Pierre de Alcantara, mort en 1562.

[66] Media noche era por filo, etc. C’est le premier vers d’un vieux romance, celui du comte Claros de Montalvan, qui se trouve dans la collection d’Anvers.

[67] Nom des palais arabes (al-kasr). Ce mot a, dans l’espagnol, une signification encore plus relevée que celui de palacio.

[68] Mala la hovistes, Franceses,

La caza de Roncesvalles, etc.


Commencement d’un romance très-populaire et très-ancien, qui se trouve dans le Cancionero d’Anvers.

[69] Romance du même temps et recueilli dans la même collection. Ce romance du More Calaïnos servait à dire proverbialement ce qu’exprime notre mot : « C’est comme si vous chantiez. »

[70] Mensagero sois, amigo,

Non mereceis culpa, non.


Vers d’un ancien romance de Bernard del Carpio, répétés depuis dans plusieurs autres romances, et devenus très-populaires.

[71] 0 diem laetum notandumque mihi candidissimo calculo ? (Plin., lib. VI, ep. XI.)

[72] Xo, que te estrego, burra de mi suegro, expression proverbiale très ancienne, et en jargon villageois.

[73] Il y a, dans cette phrase, plusieurs hémistiches pris à Garcilaso de la Vega, que don Quichotte se piquait de savoir par cœur.

[74] « Les physionomistes, dit Covarrubias (Tesoro de la lengua castellana, au mot lunar), jugent de ces signes, et principalement de ceux du visage, en leur donnant correspondance aux autres parties du corps. Tout cela est de l’enfantillage… »

[75] Dans l’original, le jeu de mots roule sur lunares (signes, taches de naissance), et lunas (lunes).

[76] Silla a la gineta. C’est la selle arabe, avec deux hauts montants ou arçons, l’un devant, l’autre derrière.

[77] Cervantes voulait en effet conduire son héros aux joutes de Saragosse ; mais quand il vit que le plagiaire Avellaneda l’avait fait assister à ces joutes, il changea d’avis, comme on le verra au chapitre LIX.

[78] Angulo el Malo. Cet Angulo, né à Tolède, vers 1550, fut célèbre parmi ces directeurs de troupes ambulantes qui composaient les farces de leur répertoire, et qu’on appelait autores. Cervantes parle également de lui dans le Dialogue des chiens : « De porte en porte, dit Berganza, nous arrivâmes chez un auteur de comédies, qui s’appelait, à ce que je me rappelle, Angulo el Malo, pour le distinguer d’un autre Angulo, non point autor, mais comédien, le plus gracieux qu’aient eu les théâtres. »

[79] C’était sans doute une de ces comédies religieuses, appelées autos sacramentales, qu’on jouait principalement pendant la semaine de la Fête-Dieu. On élevait alors dans les rues des espèces de théâtres en planches, et les comédiens, traînés dans des chars avec leurs costumes, allaient jouer de l’un à l’autre. C’est ce qu’ils appelaient dans le jargon des coulisses du temps, faire les chars (hacer los carros).

[80] Autor. Ce mot ne vient pas du latin auctor, mais de l’espagnol auto, acte, représentation.

[81] Il y a dans l’original la Caràtula et la Farandula, deux troupes de comédiens du temps de Cervantes.

[82] Philippe III avait ordonné, à cause des excès commis par ces troupes ambulantes, qu’elles eussent à se pourvoir d’une licence délivrée par le conseil de Castille. C’est cette licence qu’elles appelaient leur titre (titulo), comme si c’eût été une charte de noblesse.

[83] No hay amigo para amigo,

Las cañas se vuelven lanzas.


Ces vers sont extraits du romance des Abencerrages et des Zégris, dans le roman de Ginès Perez de Hita, intitulé Histoire des guerres civiles de Grenade.

[84] Il y a dans l’original : « De l’ami à l’ami, la punaise dans l’œil. » Ce proverbe n’aurait pas été compris, et j’ai préféré y substituer une expression française qui offrît le même sens avec plus de clarté.

[85] Dans tout ce passage, Cervantes ne fait autre chose que copier Pline le naturaliste. Celui-ci, en effet, dit expressément que les hommes ont appris des grues la vigilance (lib. X, cap. XXIII), des fourmis la prévoyance (lib. XI, cap. XXX), des éléphants la pudeur (lib. VIII, cap. V), du cheval la loyauté (lib. VIII, cap. XL), du chien le vomissement (lib. XXIX. cap. IV) et la reconnaissance (lib. VIII, cap. XL). Seulement l’invention que Cervantes donne à la cigogne, Pline l’attribue à l’ibis d’Égypte (lib. VIII, cap. XXVII). Il dit encore que la saignée et bien d’autres remèdes nous ont été enseignés par les animaux. Sur la foi du naturaliste romain, on a longtemps répété ces billevesées dans les écoles.

[86] Saint Matthieu, cap. XII, vers. 34.

[87] In sudore vultus tui vesceris pane. (Genes., cap. III.)

[88] On avait vu en Espagne, du douzième au seizième siècle, une foule de prélats à la tête des armées, tels que le célèbre Rodrigo Ximenez de Rada, archevêque, général et historien. Dans la guerre des Comuneros, en 1520, il s’était formé un bataillon de prêtres, commandé par l’évêque de Zamora.

[89] Il y a dans l’original une expression qu’on ne peut plus écrire depuis Rabelais, et de laquelle on faisait alors un si fréquent usage en Espagne, qu’elle y était devenue une simple exclamation.

[90] Cette phrase contient un jeu de mots sur l’adjectif cruda, qui veut dire crue et cruelle, puis une allusion assez peu claire, du moins en français, sur le déguisement et la feinte histoire de son chevalier.

[91] Saint Matthieu, cap. XV, vers. 14.

[92] Dans la nouvelle du Licencié Vidriéra, Cervantes cite également, parmi les vins les plus fameux, celui de la ville plus impériale que royale (Real Ciudad), salon du dieu de la gaieté.

[93] Cette histoire plaisait à Cervantes, car il l’avait déjà contée dans son intermède la Elecion de los Alcaldes de Daganzo, où le régidor Alonzo Algarroba en fait le titre du candidat Juan Barrocal au choix des électeurs municipaux :


En mi casa probó, los dias pasados,

Una tinaja, etc.


[94] La Vandalie est l’Andalousie. L’ancienne Bétique prit ce nom lorsque les Vandales s’y établirent dans le cinquième siècle ; et de Vandalie ou Vandalicie, les Arabes, qui n’ont point de v dans leur langue, firent Andalousie.

[95] La Giralda est une grande statue de bronze qui représente, d’après les uns la Foi, d’après les autres la Victoire, et qui sert de girouette à la haute tour arabe de la cathédrale de Séville. Son nom vient de girar, tourner. Cette statue a quatorze pieds de haut et pèse trente-six quintaux. Elle tient dans la main gauche une palme triomphale, et dans la droite un drapeau qui indique la direction du vent. C’est en 1568 qu’elle fut élevée au sommet de la tour, ancien observatoire des Arabes, devenu clocher de la cathédrale lors de la conquête de saint Ferdinand, en 1248.

[96] On appelle los Toros de Guisando quatre blocs de pierre grise, à peu près informes, qui se trouvent au milieu d’une vigne appartenant au couvent des Hiéronymites de Guisando, dans la province d’Avila. Ces blocs, qui sont côte à côte et tournés au couchant, ont douze à treize palmes de long, huit de haut et quatre d’épaisseur. Les taureaux de Guisando sont célèbres dans l’histoire de l’Espagne, parce que c’est là que fut conclu le traité dans lequel Henri IV, après sa déposition par les cortès d’Avila, en 1474, reconnut pour héritière du trône sa sœur Isabelle la Catholique, à l’exclusion de sa fille Jeanne, appelée la Beltrañeja.


On rencontre dans plusieurs endroits de l’Espagne, à Ségovie, à Toro, à Ledesma, à Baños, à Torralva, d’autres blocs de pierre, qui représentent grossièrement des taureaux ou des sangliers. Quelques-uns supposent que ces anciens monuments sont l’œuvre des Carthaginois ; mais les érudits ont fait de vains efforts pour en découvrir l’origine.

[97] À l’un des sommets de la Sierra de Cabra, dans la province de Cordoue, est une ouverture, peut-être le cratère d’un volcan éteint, que les gens du pays appellent Bouches de l’Enfer. En 1683, quelqu’un y descendit, soutenu par des cordes, pour en retirer le cadavre d’un homme assassiné. On a conjecturé, d’après sa relation, que la caverne de Cabra doit avoir quarante-trois aunes (varas) de profondeur.

[98] Les deux vers cités par Cervantes sont empruntés, quoique avec une légère altération, au poëme de la Araucana de Alonzo de Ercilla :


Pues no es el vencedor mas estimado

De aquello en que el vencido es reputado

L’archiprêtre de Hita avait dit, au quatorzième siècle :

El vencedor ha honra del precio del vencido,

Su loor es atanto cuanto es el debatido.


[99] Dans les duels, les Espagnols appellent parrains les témoins ou seconds.

[100] C’était l’amende ordinaire imposée aux membres d’une confrérie qui s’absentaient les jours de réunion.

[101] A esto vos respondemos, ancienne formule des réponses que faisaient les rois de Castille aux pétitions des cortès. Cela explique la fin de la phrase, qui est aussi en style de formule.

[102] Senza che tromba ô segno altro accenasse,


dit Arioste, en décrivant le combat de Gradasse et de Renaud pour l’épée Durindane et le cheval Bayard (Canto XXXIII, str. LXXIX.)

[103] C’est de là sans doute que Boileau prit occasion de son épigramme :


Tel fut ce roi des bons chevaux,

Rossinante, la fleur des coursiers d’Ibérie,

Qui, trottant jour et nuit et par monts et par vaux,

Galopa, dit l’histoire, une fois en sa vie.


[104] Dans cette aventure si bien calquée sur toutes celles de la chevalerie errante, Cervantes use des richesses et des libertés de sa langue, qui, tout en fournissant beaucoup de mots pour une même chose, permet encore d’en inventer. Pour dire l’écuyer au grand nez, il a narigudo, narigante, narizado ; et quand le nez est tombé, il l’appelle desnarigado. À tous ces termes comiques, nous ne saurions opposer aucune expression analogue.

[105] Le mot algebrista vient de algebrar, qui, d’après Covarrubias, signifiait, dans le vieux langage, l’art de remettre les os rompus. On voit encore, sur les enseignes de quelques barbiers-chirurgiens, algebrista y sangrador.

[106] Le gaban était un manteau court, fermé, avec des manches et un capuchon, qu’on portait surtout en voyage.

[107] Il faudrait supposer à Cervantes, pauvre et oublié, je ne dirai pas bien de la charité chrétienne, mais bien de la simplicité ou de la bassesse, pour que cette phrase ne fût pas sous sa plume une sanglante ironie. On a vu à la note 4 du chapitre XXXVII, de la première partie, quel sens a le mot lettres en espagnol.

[108] Cervantes avait déjà dit, dans sa nouvelle la Gitanilla de Madrid : « La poésie est une belle fille, chaste, honnête, discrète, spirituelle, retenue… Elle est amie de la solitude ; les fontaines l’amusent, les prés la consolent, les arbres la désennuient, les fleurs la réjouissent, et finalement elle charme et enseigne tous ceux qui l’approchent. »

[109] Lope de Vega a répété littéralement la même expression dans le troisième acte de sa Dorotea. Il a dit également dans la préface de sa comédie El verdadero amante, adressée à son fils : « J’ai vu bien des gens qui, ne sachant pas leur langue, s’enorgueillissent de savoir le latin, et méprisent tout ce qui est langue vulgaire, sans se rappeler que les Grecs n’écrivirent point en latin, ni les latins en grec… Le véritable poëte, duquel on a dit qu’il y en a un par siècle, écrit dans sa langue, et y est excellent, comme Pétrarque en Italie, Ronsard en France, et Garcilaso en Espagne. »

[110] Nascuntur pœtae, fiunt oratores, a dit Quintilien.

[111] Ovide, Art d’aimer, liv. III, v. 547 ; et Fastes, liv. VI, v. 6.

[112] Allusion à l’exil d’Ovide, qui fut envoyé, non dans les îles, mais sur la côte occidentale du Pont. Ce ne fut pas non plus pour une parole maligne, mais pour un regard indiscret, qu’il fut exilé :


Inscia quod crimen viderunt lumina, plector ;

Peccatumque oculos est habuisse meum.

[113] Les anciens croyaient, et Pline avec eux, que le laurier préservait de la foudre. Suétone dit de Tibère : Et turbatiore cœlo nunquam non coronam lauream capite gestavit, quod fulmine adflari negetur id genus frondis. (Cap. LXIX.)

[114] On appelait épées du petit chien (espadas del Perillo), à cause de la marque qu’elles portaient, les épées de la fabrique de Julian del Rey, célèbre armurier de Tolède et Morisque de naissance. Les lames en étaient courtes et larges. Depuis la conquête de Tolède par les Espagnols sur les Arabes (1085), cette ville fut pendant plusieurs siècles la meilleure fabrique d’armes blanches de toute la chrétienté. C’est là que vécurent, outre Julian del Rey, Antonio Cuellar, Sahagun et ses trois fils, et une foule d’autres armuriers dont les noms étaient restés populaires. En 1617, Cristobal de Figuéroa, dans son livre intitulé : Plaza universal de ciencias y artes, comptait par leurs noms jusqu’à dix-huit fourbisseurs célèbres établis dans la même ville, et l’on y conserve encore, dans les archives de la municipalité, les marques ou empreintes (cuños) de quatre-vingt-dix-neuf fabricants d’armes. Il n’y en a plus un seul maintenant, et l’on a même perdu la trempe dont les Mozarabes avaient donné le secret aux Espagnols. (Voir mon Histoire des Arabes et des Mores d’Espagne, vol. II, chap. II.)

[115] Ainsi Amadis de Gaule, que don Quichotte prenait pour modèle, après s’être également appelé le chevalier des Lions, s’appela successivement le chevalier Rouge, le chevalier de l’Île-Ferme, le chevalier de la Verte-Épée, le chevalier du Nain et le chevalier Grec.

[116] Les histoires chevaleresques sont remplies de combats de chevaliers contre des lions. Palmérin d’Olive les tuait comme s’ils eussent été des agneaux, et son fils Primaléon n’en faisait pas plus de cas. Palmérin d’Angleterre combattit seul contre deux tigres et deux lions ; et quand le roi Périon, père d’Amadis de Gaule, veut combattre un lion qui lui avait pris un cerf à la chasse, il descend de son cheval, qui, épouvanté, ne voulait pas aller en avant. Mais don Quichotte avait pu trouver ailleurs que dans ces livres un exemple de sa folle action. On raconte que, pendant la dernière guerre de Grenade, les rois catholiques ayant reçu d’un émir africain un présent de plusieurs lions, des dames de la cour regardaient du haut du balcon ces animaux dans leur enceinte. L’une d’elles, que servait le célèbre don Manuel Ponce, laissa tomber son gant, exprès ou par mégarde. Aussitôt don Manuel s’élança dans l’enceinte l’épée à la main, et releva le gant de sa maîtresse. C’est à cette occasion que la reine Isabelle l’appela don Manuel Ponce de Léon, nom que ses descendants ont conservé depuis, et c’est pour cela que Cervantes appelle don Quichotte nouveau Ponce de Léon. Cette histoire est racontée par plusieurs chroniqueurs, entre autres par Perez de Hita dans un de ses romances. (Guerras civiles de Grenada, cap. XVII.)


¡ O el bravo don Manuel,

Ponce de Leon llamado,

Aquel que sacará el guante,

Que por industria fue echado

Donde estaban los leones,

Y ello sacó muy osado !


[117] Avant d’être abandonnées à des gladiateurs à gages, les courses de taureaux furent longtemps, en Espagne, l’exercice favori de la noblesse, et le plus galant divertissement de la cour. Il en est fait mention dans la chronique latine d’Alphonse VII, où l’on rapporte les fêtes données à Léon, en 1144, pour le mariage de l’infante doña Urraca avec don Garcia, roi de Navarre : Alii, latratu canum provocatis tauris, protento venabulo occidebant… Depuis lors, la mode en devint générale, des règles s’établirent pour cette espèce de combat, et plusieurs gentilshommes y acquirent une grande célébrité. Don Luis Zapata, dans un curieux chapitre de sa Miscelanea, intitulé de toros y toreros, dit que Charles-Quint lui-même combattit à Valladolid, devant l’impératrice et les dames, un grand taureau noir nommé Mahomet. Les accidents étaient fort communs, et souvent le sang des hommes rougissait l’arène. Les chroniqueurs sont pleins de ces récits tragiques, et il suffit de citer les paroles du P. Pédro Guzman, qui disait, dans son livre Bienes del honesto trabajo (discurso V) : « Il est avéré qu’en Espagne il meurt, dans ces exercices, une année dans l’autre, deux à trois cents personnes… » Mais ni les remontrances des cortès, ni les anathèmes du saint-siège, ni les tentatives de prohibition faites par l’autorité royale, n’ont pu seulement refroidir le goût forcené qu’ont les Espagnols pour les courses de taureaux.

[118] La différence qu’il y avait entre les joutes (justas) et les tournois (torneos), c’est que, dans les joutes, on combattait un à un, et, dans les tournois, de quadrille à quadrille. Les joutes, d’ailleurs, n’étaient jamais qu’un combat à cheval et à la lance ; les tournois, nom général des exercices chevaleresques, comprenaient toute espèce de combat.

[119] Cervantes met ici dans la bouche de don Quichotte deux vers populaires qui commencent le dixième sonnet de Garcilaso de la Vega :


¡ O dulces prendas, por mi mal halladas !

Dulces y alegres cuando Dios queria.


Ces vers sont imités de Virgile (AEn., lib. IV) :


Dulces exuviae, dum fata deusque sinebant.


[120] Les joutes littéraires étaient encore fort à la mode au temps de Cervantes, qui avait lui-même, étant à Séville, remporté le premier prix à un concours ouvert à Saragosse pour la canonisation de saint Hyacinthe, et qui concourut encore, vers la fin de sa vie, dans la joute ouverte pour l’éloge de sainte Thérèse. Il y eut, à la mort de Lope de Vega, une joute de cette espèce pour célébrer ses louanges, et les meilleures pièces du concours furent réunies sous le titre de Fama postuma. – Cristoval Suarez de Figuéroa dit, dans son Pasagero (Alivio 3) : « Pour une joute qui eut lieu ces jours passés en l’honneur de saint Antoine de Padoue, cinq mille pièces de vers sont arrivées au concours ; de façon qu’après avoir tapissé deux cloîtres et la nef de l’église avec les plus élégantes de ces poésies, il en est resté de quoi remplir cent autres monastères. »

[121] En espagnol el pege Nicolas, en italien pesce Cola. C’est le nom qu’on donnait à un célèbre nageur du quinzième siècle, natif de Catane en Sicile. Il passait, dit-on, sa vie plutôt dans l’eau que sur terre, et périt enfin en allant chercher, au fond du golfe de Messine, une tasse d’or qu’y avait jetée le roi de Naples don Fadrique. Son histoire, fort populaire en Italie et en Espagne, est pourtant moins singulière que celle d’un homme né au village de Lierganès, près de Santander, en 1660, et nommé Francisco de la Vega Casar. Le P. Feijoo, contemporain de l’événement, raconte, en deux endroits de ses ouvrages (Teatro critico et Cartas), que cet homme vécut plusieurs années en pleine mer, que des pêcheurs de la baie de Cadix le prirent dans leurs filets, qu’il fut ramené dans son pays, et qu’il s’échappa de nouveau, au bout de quelque temps, pour retourner à la mer, d’où il ne reparut plus.

[122] Nemo duplici potest amore ligari, dit un des canons du Statut d’Amour, rapporté par André, chapelain de la cour de France au treizième siècle, dans son livre de Arte amandi (cap. XIII).

[123] La glose, espèce de jeu d’esprit dans le goût des acrostiches, dont Cervantes donne un exemple et fait expliquer les règles par don Quichotte, était, au dire de Lope de Vega, une très-ancienne composition, propre à l’Espagne et inconnue des autres nations. On en trouve, en effet, un grand nombre dans le Cancionero general, qui remonte au quinzième siècle. On proposait toujours pour objet de la glose des vers difficiles non-seulement à placer à la fin des strophes, mais même à comprendre clairement.

[124] Il y a dans cette phrase une moquerie dirigée contre quelque poëte du temps, mais dont on n’a pu retrouver la clef.

[125] Cervantes a voulu sans doute montrer ici l’exagération si commune aux louangeurs, et l’on ne peut croire qu’il se soit donné sérieusement à lui-même de si emphatiques éloges. Il se rendait mieux justice, dans son Voyage au Parnasse, lorsqu’il disait de lui-même : « Moi qui veille et travaille sans cesse pour sembler avoir cette grâce de poëte que le ciel n’a pas voulu me donner… »

[126] Don Quichotte applique aux chevaliers errants le Parcere subjectis et debellare superbos que Virgile attribuait au peuple romain.

[127] On appelait danses à l’épée (danzas de espadas) certaines évolutions que faisaient, au son de la musique, des quadrilles d’hommes vêtus en toile blanche et armés d’épées nues. – Les danses aux petits grelots (danzas de cascabel menudo) étaient dansées par des hommes qui portaient aux jarrets des colliers de grelots, dont le bruit accompagnait leurs pas. Ces deux danses sont fort anciennes en Espagne.

[128] On appelait danseurs aux souliers (zapateadores) ceux qui exécutaient une danse de village, dans laquelle ils marquaient la mesure en frappant de la main sur leurs souliers.

[129] Cada oveja con su pareja. Pareja signifie la moitié d’une paire.

[130] On appelle tierra de Sayago un district dans la province de Zamora où les habitants ne portent qu’un grossier sayon (sayo) de toile, et dont le langage n’est pas plus élégant que le costume. – Alphonse le Savant avait ordonné que, si l’on n’était pas d’accord sur le sens ou la prononciation de quelque mot castillan, on eût recours à Tolède comme au mètre de la langue espagnole.

[131] Hecho rabos de pulpo est une expression proverbiale qui s’applique à des habits déchirés.

[132] Tinajas, espèce de grandes terrines où l’on conserve le vin, dans la Manche, faute de tonneaux.

[133] Les danses parlantes (danzas habladas) étaient, comme l’explique la description qui va suivre, des espèces de pantomimes mêlées de danses et de quelques chants ou récitatifs.

[134] Alcancias. On nommait ainsi des boules d’argile, grosses comme des oranges, qu’on remplissait de fleurs ou de parfums, et quelquefois de cendre ou d’eau, et que les cavaliers se jetaient dans les évolutions des tournois. C’était un jeu arabe imité par les Espagnols, qui en avaient conservé le nom.

[135] La grand’mère de Sancho citait un ancien proverbe espagnol, que le poëte portugais Antonio Enriquez Gomez a paraphrasé de la manière suivante : El mundo tiene dos linages solos En entrambos dos polos. Tener esta en Oriente, Y no tener asiste en Occidente. (Academia III, vista 2.)

[136] Allusion à la sentence si connue d’Horace : Pallida mors, etc.

[137] On appelait ainsi des lames de métal, espèces de médailles bénites, que portaient anciennement les dames espagnoles, en guise de collier, et qui, dès le temps de Cervantès, n’étaient plus en usage que parmi les femmes de la campagne.

[138] Les bancs de sable qui bordent la côte des Pays-Bas étaient fort redoutés des marins espagnols. Les dangers qu’on courait dans ces parages, et l’habileté qu’il fallait pour s’en préserver, avaient fait dire proverbialement, pour résumer l’éloge d’une personne recommandable, qu’elle pouvait passer par les bancs de Flandre. Comme le mot espagnol banco signifia également banque, Lope de Vega dit ironiquement du maestro Burguillos (nom sous lequel il se cachait), qu’on lui avait payé ses compositions, dans une joute littéraire, en une traite de deux cents écus sur les bancs de Flandre. C’est sans doute aussi par une équivoque sur le double sens du mot banco que Filleau de Saint-Martin traduit ce passage en disant de Quitéria : Je ne crois pas qu’on la refusât à la banque de Bruxelles.

[139] Il y a dans cette phrase une allusion à la parabole qu’adressa le prophète Nathan à David, après le rapt de la femme d’Urias ; et une autre allusion à ces paroles de l’Évangile : Quod Deus conjunxit, homo non separet. (Saint Matthieu, chap. XIX, vers. 6.)

[140] Après leur sortie d’Égypte, les Israélites disaient dans le désert : Quando sedebamus super ollas carnium et comedebamus panem in saturitate. (Exode, chap. XVI.)

[141] Mulier diligens corona est viro suo. (Prov.)

[142] On a parlé, dans les notes précédentes, de la Giralda et des taureaux de Guisando. – L’Ange de la Madeleine est une figure informe placée en girouette sur le clocher de l’église de la Madeleine, à Salamanque. – L’égout de Vécinguerra conduit les eaux pluviales des rues de Cordoue au Guadalquivir. Les fontaines de Léganitos, etc., étaient toutes situées dans les promenades ou places publiques de Madrid.

[143] Il fallait dire Polydore Virgile. C’est le nom d’un savant italien, qui publia, en 1499, le traité De rerum inventoribus.

[144] La roche de France est une haute montagne dans le district d’Alberca, province de Salamanque, où l’on raconte qu’un Français nommé Simon Véla découvrit, en 1424, une sainte image de la Vierge. On y a depuis bâti plusieurs ermitages et un couvent de dominicains. – On appelle Trinité de Gaëte une chapelle et un couvent fondés par le roi d’Aragon Ferdinand V, sous l’invocation de la Trinité, au sommet d’un promontoire, en avant du port de Gaëte.

[145] D’après les anciens romances de chevalerie, recueillis dans le Cancionero general, le comte de Grimaldos, paladin français, fut faussement accusé de trahison par le comte de Tomillas, dépouillé de ses biens et exilé de France. S’étant enfui à travers les montagnes avec la comtesse sa femme, celle-ci mit au jour un enfant qui fut appelé Montésinos, et qu’un ermite recueillit dans sa grotte. À quinze ans, Montésinos alla à Paris, tua le traîte Tomillas en présence du roi, et prouva l’innocence de son père, qui fut rappelé à la cour. Montésinos, devenu l’un des douze pairs de France, épousa dans la suite une demoiselle espagnole, nommée Rosa Florida, dame du château de Rocha Frida en Castille. Il habita ce château jusqu’à sa mort ; et l’on donna son nom à la caverne qui en était voisine. Cette caverne, située sur le territoire du bourg appelé la Osa de Montiel, et près de l’ermitage de San-Pédro de Saelicès, peut avoir trente toises de profondeur. L’entrée en est aujourd’hui beaucoup plus praticable que du temps de Cervantes, et les bergers s’y mettent à l’abri du froid ou des orages. Dans le fond du souterrain coule une nappe d’eau assez abondante, qui va se réunir aux lagunes de Ruidéra, d’où sort le Guadiana.

[146] Durandart était cousin de Montésinos, et, comme lui, pair de France. D’après les romances cités plus haut, il périt dans les bras de Montésinos à la déroute de Roncevaux, et exigea de lui qu’il portât son cœur à sa dame Bélerme.

[147] Ce Merlin, le père de la magie chevaleresque, n’était pas de la Gaule, mais du pays de Galles ; son histoire doit se rattacher plutôt à celle du roi Artus et des paladins de la Table ronde, qu’à celle de Charlemagne et des douze pairs.

[148] La réponse de Durandart est tirée des anciens romances composés sur son aventure ; mais Cervantes, citant de mémoire, a trouvé plus simple d’arranger les vers et d’en faire quelques-uns que de vérifier la citation.

[149] Le Guadiana prend sa source au pied de la Sierra de Alcaraz, dans la Manche. Les ruisseaux qui coulent de ces montagnes forment sept petits lacs, appelés lagunes de Ruidéra, dont les eaux se versent de l’un dans l’autre. Au sortir de ces lacs, le Guadiana s’enfonce, l’espace de sept à huit lieues, dans un lit très-profond, caché sous d’abondants herbages, et ne reprend un cours apparent qu’après avoir traversé deux autres lacs qu’on appelle les yeux (los ojos) de Guadiana. Pline connaissait déjà et a décrit les singularités de ce fleuve, qu’il appelle saepius nasci gaudens (Hist. nat., lib. III, cap. III). C’est sur ces diverses particularités naturelles que Cervantes a fondé son ingénieuse fiction.

[150] Expression proverbiale prise aux joueurs, et que j’ai dû conserver littéralement à cause des conclusions qu’en tire, dans le chapitre suivant, le guide de don Quichotte.

[151] Ou plutôt Fugger. C’était le nom d’une famille originaire de la Souabe et établie à Augsbourg, où elle vivait comme les Médicis à Florence. La richesse des Fucar était devenue proverbiale ; et en effet, lorsque, à son retour de Tunis, Charles-Quint logea dans leur maison d’Augsbourg, on mit dans sa cheminée du bois de cannelle, et on alluma le feu avec une cédule de payement d’une somme considérable due aux Fucar par le trésor impérial. Quelques membres de cette famille allèrent s’établir en Espagne, où ils prirent à ferme les mines d’argent de Hornachos et de Guadalcanal, celle de vif-argent d’Almaden, etc. La rue où ils demeuraient à Madrid s’appelle encore calle de los Fucares.

[152] La relation des prétendus voyages de l’infant don Pedro a été écrite par Gomez de Santisteban, qui se disait un de ses douze compagnons.

[153] Les cartes à jouer, d’après Covarrubias, furent appelées naipes en Espagne, parce que les premières qui vinrent de France portaient le chiffre N. P., du nom de celui qui les inventa pendant la maladie de Charles VI, Nicolas Pépin. Mais ce fut Jacquemin Gringonneur qui coloria les cartes au temps de Charles VI, et dès longtemps elles étaient inventées et répandues par toute l’Europe. En effet, dans l’année 1333, elles furent prohibées en Espagne par l’autorité ecclésiastique ; de plus, elles sont citées dans notre vieux roman du Renard contrefait, que son auteur inconnu écrivit entre 1328 et 1342, ainsi que dans le livre italien Trattato del governo della famiglia, par Sandro di Pippozzo di Sandro, publié en 1299.

[154] On accordait fort difficilement, du temps de Cervantes, des licences pour publier un livre. Le docteur Aldrete, qui fit imprimer à Rome, en 1606, son savant traité Origen y principio de la lengua castellana, dit, dans le prologue adressé à Philippe III, qu’on avait alors suspendu en Espagne, pour certaines causes, toutes les licences d’imprimer des livres nouveaux.

[155] Cervantes fait allusion à son protecteur, le comte de Lémos, auquel il dédia la seconde partie du Don Quichotte.

[156] Una sota-ermitaño. Expression plaisante pour dire la servante de l’ermite, qui s’en faisait le lieutenant.

[157] Una ventaja. On appelait ainsi un supplément de solde attribué aux soldats de naissance, qui se nommaient aventajados, et qui furent depuis remplacés par les cadets. Il s’accordait également pour des services signalés, et c’est ainsi que Cervantes reçut une ventaja de don Juan d’Autriche.

[158] Officier municipal, échevin.

[159] Albricias, présent qu’on fait au porteur d’une bonne nouvelle.

[160] Quel poisson prenons-nous ? Expression italienne prêtée par Cervantes à don Quichotte.

[161] Alzar ou levantar figuras judiciarias. On appelait ainsi, parmi les astrologues, au dire de Covarrubias, la manière de déterminer la position des douze figures du zodiaque, des planètes et des étoiles fixes, à un moment précis, pour tirer un horoscope.

[162] Ce n’était pas seulement en Espagne que régnait la croyance à l’astrologie. « En France, dit Voltaire, on consultait les astrologues, et l’on y croyait. Tous les mémoires de ce temps-là… sont remplis de prédictions. Le grave et sévère duc de Sully rapporte sérieusement celles qui furent faites à Henri IV. Cette crédulité… était si accréditée qu’on eut soin de tenir un astrologue caché près de la chambre de la reine Anne d’Autriche, au moment de la naissance de Louis XIV. Ce que l’on croira à peine… c’est que Louis XIII eut, dès son enfance, le surnom de Juste, parce qu’il était né sous le signe de la Balance. » (Siècle de Louis XIV.)

[163] Traducteur, interprète. [Note du correcteur.]

[164] « Callaron todos, Tirios y Troyanos. » C’est le premier vers du second livre de l’Énéide : Conticuere omnes, etc., tel qu’il est traduit par le docteur Gregorio Hernandez de Velasco, dont la version, publiée pour la première fois en 1557, était très-répandue dans les universités espagnoles.

[165] Ces vers et ceux qui seront cités ensuite sont empruntés aux romances du Cancionero et de la Silva de romances, où se trouve racontée l’histoire de Gaïferos et de Mélisandre.

[166] Ce vers est répété dans un romance comique, composé sur l’aventure de Gaïferos, par Miguel Sanchez, poëte du dix-septième siècle :


Melisendra esta en Sansueña,

Vos en Paris descuidado ;

Vos ausente, ella muger ;

Harto os he dicho, miradio.


[167] Le roi Marsilio, si célèbre dans la chanson de Roland sous le nom du roi Marsille, était Abd-al-Malek-ben-Omar, wali de Saragosse pour le khalyfe Abdérame Ier ; il défendit cette ville contre l’attaque de Charlemagne. Dans les chroniques du temps, écrites en mauvais latin, on le nomma Omaris filius, d’où se forma, par corruption, le nom de Marfilius ou Marsilius. (Histoire des Arabes et des Mores d’Espagne, tome I, chap. III.)

[168] La dulzaïna, dont on fait encore usage dans le pays de Valence, est un instrument recourbé, d’un son très-aigu. La chirimia (que je traduis par clairon), autre instrument d’origine arabe, est une espèce de long hautbois, à douze trous, d’un son grave et retentissant.

[169] Vers de l’ancien romance Como perdió a España el rey don Rodrigo. (Cancionero general.)

[170] Il y a trente-quatre maravédis dans le réal.

[171] En style familier, prendre la guenon (tomar ou coger la mona) veut dire s’enivrer.

[172] No rebuznaron en valde

El uno y el otro alcalde.

[173] Les alcaldes sont, en effet, élus parmi les régidors.

[174] Dans le roman de Persilès et Sigismonde (liv. III, chap. x), Cervantes raconte qu’un alcalde envoya le crieur public (pregonero) chercher deux ânes pour promener dans les rues deux vagabonds condamnés au fouet. « Seigneur alcalde, dit le crieur à son retour, je n’ai pas trouvé d’ânes sur la place, si ce n’est les deux régidors Berrueco et Crespo qui s’y promènent. – Ce sont des ânes que je vous envoyais chercher, imbécile, répondit l’alcalde, et non des régidors. Mais retournez et amenez-les-moi : qu’ils se trouvent présents au prononcé de la sentence. Il ne sera pas dit qu’on n’aura pu l’exécuter faute d’ânes : car, grâces au ciel, ils ne manquent pas dans le pays. »

[175] Voici le défi de don Diégo Ordoñez, tel que le rapporte un ancien romance tiré de la chronique du Cid (Cancionero general) : « Diégo Ordoñez, au sortir du camp, chevauche, armé de doubles pièces, sur un cheval bai brun ; il va défier les gens de Zamora pour la mort de son cousin (Sancho le Fort), qu’a tué Vellido Dolfos, fils de Dolfos Vellido : « Je vous défie, gens de Zamora, comme traîtres et félons ; je défie tous les morts, et avec eux tous les vivants ; je défie les hommes et les femmes, ceux à naître et ceux qui sont nés ; je défie les grands et les petits, la viande et le poisson, les eaux des rivières, etc., etc. »

[176] Les habitants de Valladolid, par allusion à Agustin de Cazalla, qui y périt sur l’échafaud.

[177] Les habitants de Tolède.

[178] Les habitants de Madrid.

[179] Les habitants de Gétafe, à ce qu’on croit.

[180] On appelait ainsi une balafre en croix sur le visage.

[181] Cette aventure d’une barque enchantée est très-commune dans les livres de chevalerie. On la trouve dans Amadis de Gaule (liv. IV, chap. XII), dans Amadis de Grèce (part. I, chap. VIII), dans Olivante de Laura (liv. II, chap. I), etc., etc.

[182] Il y a dans l’original longincuos, mot pédantesque dont l’équivalent manque en français.

[183] L’original dit : « puto et gafo, avec le sobriquet de meon. » Puto signifie giton ; gafo, lépreux, et meon, pisseur.

[184] On appelait ainsi la chasse avec le faucon faite à des oiseaux de haut vol, comme le héron, la grue, le canard sauvage, etc. C’était un plaisir réservé aux princes et aux grands seigneurs.

[185] Ces expressions prouvent que Cervantes n’a voulu désigner aucun grand d’Espagne de son temps, et que son duc et sa duchesse sont des personnages de pure invention. On a seulement conjecturé, d’après la situation des lieux, que le château où don Quichotte reçoit un si bon accueil est une maison de plaisance appelée Buenavia, située près du bourg de Pédrola en Aragon, et appartenant aux ducs de Villahermosa.

[186] Le don ou doña, comme le sir des Anglais, ne se place jamais que devant un nom de baptême. L’usage avait introduit une exception pour les duègnes, auxquelles on donnait le titre de doña devant leur nom de famille.

[187] Allusion aux vers du romance de Lancelot cités dans la première partie.

[188] Au temps de Cervantes, c’était un usage presque général parmi les grands seigneurs d’avoir des confesseurs publics et attitrés, qui remplissaient comme une charge domestique auprès d’eux. Ces favoris en soutane ou en capuchon se bornaient rarement à diriger la conscience de leurs pénitents ; ils se mêlaient aussi de diriger leurs affaires, et se faisaient surtout les intermédiaires de leurs libéralités, au grand préjudice des malheureux et de la réputation des maîtres qu’ils servaient. Tout en censurant ce vice général, Cervantes exerce une petite vengeance particulière. On a pu voir, dans sa Vie, qu’un religieux s’était violemment opposé à ce que le duc de Béjar acceptât la dédicace de la première partie du Don Quichotte. C’est ce religieux qu’il peint ici.

[189] Cet Alonzo de Marañon se noya effectivement à l’Île de la Herradura, sur la côte de Grenade, avec une foule d’autres militaires, lorsqu’une escadre envoyée par Philippe II pour secourir Oran, qu’assiégeait Hassan-Aga, fils de Barberousse, fut jetée par la tempête sur cette île, en 1562.

[190] On avait appelé malandrins, au temps des croisades, les brigands arabes qui infestaient la Syrie et l’Égypte. Ce mot est resté dans les langues du Midi pour signifier un voleur de grand chemin ou un écumeur de mer, et il est très-fréquemment employé dans les romans de chevalerie.

[191] On peut voir, dans la Miscelanea de don Luis Zapata, le récit d’une plaisanterie à peu près semblable faite à un gentilhomme portugais chez le comte de Benavente. Peut-être Cervantes a-t-il pris là l’idée de la plaisanterie faite à don Quichotte.

[192] En plusieurs endroits de la seconde partie de son livre, Cervantes s’efforce de la rattacher à la première, et pour cela il suppose entre elles, non point un laps de dix années, mais seulement un intervalle de quelques jours.

[193] Oriane, maîtresse d’Amadis de Gaule, Alastrajarée, fille d’Amadis de Grèce et de Zahara, reine du Caucase, et Madasime, fille de Famongomadan, géant du Lac-Bouillant, sont des dames de création chevaleresque.

[194] Nom que donnèrent les chroniques arabes à Florinde, fille du comte don Julien.

[195] On appelait ainsi une eau de senteur très à la mode au temps de Cervantes. Il entrait dans la composition de l’eau des anges (Agua de angeles) des roses rouges, des roses blanches, du trèfle, de la lavande, du chèvrefeuille, de la fleur d’oranger, du thym, des œillets et des oranges.

[196] Ce fauteuil du Cid (escaño, banc à dossier) est celui qu’il conquit à Valence, au dire de sa chronique, sur le petit-fils d’Aly-Mamoun, roi more du pays.

[197] Wamba régna sur l’Espagne gothique de 672 à 680.

[198] Rodéric, dernier roi goth, vaincu par Thârik à la bataille du Guadaleté, en 711 ou 712.

[199] Ya me comen, y a me comen

Por do mas pecado había.


Ces vers ne se trouvent pas précisément ainsi dans le romance de la pénitence du roi Rodrigue. (Voir le Cancionero general de 1555, tome XVI, f° 128.) Ils étaient sans doute altérés par la tradition.

[200] Miguel Vérino, probablement né à Mayorque ou à Minorque, mais élevé à Florence, où il mourut à l’âge de dix-sept ans, était l’auteur d’un petit livre élémentaire intitulé : De puerorum moribus disticha, qu’on apprenait anciennement aux écoliers. Cervantès, qui dut expliquer les distiques de Vérino dans la classe de son maître Juan Lopez de Hoyos, se sera souvenu également de son épitaphe, composée par Politien, et qui commence ainsi :


Verinus Michael florentibus occidit annis,

Moribus ambiguum major an ingenio, etc.

[201] Sancho se rappelait sans doute ce proverbe : « Si tu plaisantes avec l’âne, il te donnera de sa queue par la barbe. »

[202] J’ai transposé les deux phrases qui précèdent pour les mettre dans l’ordre naturel des idées, et je crois n’avoir fait en cela que réparer quelque faute d’impression commise dans la première édition du Don Quichotte.

[203] Ce genre de politesse envers les dames n’était pas seulement usité dans les livres de chevalerie, où les exemples en sont nombreux. Mariana rapporte que lorsque l’infante Isabelle, après le traité de los toros de Guisando, qui lui assurait la couronne de Castille, se montra dans les rues de Ségovie, en 1474, le roi Henri IV, son frère, prit les rênes de son palefroi pour lui faire honneur.

[204] En espagnol venablo. On appelait ainsi une espèce de javelot, plus court qu’une lance, qui servait spécialement à la chasse du sanglier.

[205] Favila n’est pas précisément un roi goth. Ce fut le successeur de Pélage dans les Asturies. Son règne, ou plutôt son commandement, dura de 737 à 739.

[206] Noël, l’Épiphanie, Pâques et la Pentecôte.

[207] El comendador griego. On appelait ainsi le célèbre humaniste Fernand Nuñez de Guzman, qui professait à Salamanque, au commencement du seizième siècle, le grec, le latin et la rhétorique. On l’appelait aussi el Pinciano, parce qu’il était né à Valladolid, qu’on croit être la Pincia des Romains. Son recueil de proverbes ne parut qu’après sa mort, arrivée en 1453. Un autre humaniste, Juan de Mallara, de Séville, en fit un commentaire sous le titre de Filosofia vulgar.

[208] C’est de là probablement qu’est venu le cri de chasse Hallali !

[209] Mot latin qui était passé, en Espagne, dans le style familier.

[210] Ces expressions doivent se rapporter à quelque propos d’un de ces malfaiteurs que l’on promenait dans les rues sur un âne, après les avoir fouettés publiquement.

[211] Un carrosse, à l’époque de Cervantes, était le plus grand objet de luxe, et celui que les femmes de haute naissance ambitionnaient le plus. On voyait alors des familles se ruiner pour entretenir ce coûteux objet de vanité et d’envie, et six lois (pragmaticas) furent rendues dans le court espace de 1578 à 1626, pour réprimer les abus de cette mode encore nouvelle. Ce fut, au dire de Sandoval (Historia de Carlos Quinto, part. II), sous Charles Quint, et dans l’année 1546, que vint d’Allemagne en Espagne le premier carrosse dont on y eût fait usage. Des villes entières accouraient voir cette curiosité, et s’émerveillaient, dit-il, comme à la vue d’un centaure ou d’un monstre. Au reste, la mode des carrosses, fatale aux petites fortunes, était au contraire avantageuse aux grands seigneurs, qui ne sortaient jamais auparavant sans un cortège de valets de tous les étages. C’est une observation que fait un contemporain, don Luis Brochero (Discurso del uso de los coches) : « Avec la mode des carrosses, dit-il, ils épargnent une armée de domestiques, une avant-garde de laquais et une arrière-garde de pages. »

[212] Diverses significations du mot dolorida.

[213] Sancho fait ici un jeu de mots sur le nom de la comtesse Trifaldi. Falda signifie une basque, un pan de robe.

[214] De la dulce mi enemiga

Nace un mal que al alma hiere,

Y por mas tormento quiere

Que se sienta y no se diga.


Ce quatrain est traduit de l’italien. Voici l’original, tel que l’écrivit Serafino Aquillano, mort en 1500, et qu’on nommait alors le rival de Pétrarque :


De la dolce mia nemica

Nasce un duol ch’esser non suole :

Et per piu tormento vuole

Che si senta e non si dica.

[215] Ven, muerte, tan escondida

Que no te sienta venir,

Porque el placer del morir

No me torne a dar la vida


Ce quatrain fut d’abord écrit, avec une légère différence dans le second et le troisième vers, par le commandeur Escriba (Cancionero general de Valencia, 1511). Lope de Vega en fit le sujet d’une glose poétique.

[216] Les seguidillas, qui commençaient à être à la mode au temps de Cervantes, et qu’on appelait aussi coplas de seguida (couplets à la suite), sont de petites strophes en petits vers, ajustées sur une musique légère et rapide. Ce sont des danses aussi bien que des poésies.

[217] À des îles désertes.

[218] Région de l’Arabie Heureuse : Totaque thuriferis Panchaia pinguis arenis.

[219] Allusion ironique à la célèbre apostrophe de Virgile, lorsque Énée raconte à Didon les malheurs de Troie :


Quis, talia fando,

Myrmidonum, Dolopumve, aut duri miles Ulyssei,

Temperet a lacrymis… ? (AEn., lib. II.)

[220] Ces femmes, dont l’office était à la mode au temps de Cervantès, se nommaient alors velleras.

[221] Cervantès a pris l’idée de son cheval de bois dans l’Histoire de la jolie Magalone, fille du roi de Naples, et de Pierre, fils du comte de Provence, roman chevaleresque, imprimé à Séville en 1533. Le docteur John Bowle fait remarquer, dans ses Annotations sur le Don Quichotte, que le vieux Chaucer, l’Ennius des poëtes anglais, mort en 1400, parle d’un cheval semblable à celui-ci, qui appartenait à Cambuscan, roi de Tartarie ; il volait dans les airs et se dirigeait au moyen d’une cheville qu’il avait dans l’oreille. Seulement le cheval de Cambuscan était de bronze.

[222] Bootès n’est pas un des chevaux du Soleil, mais une constellation voisine de la Grande-Ourse. Ce n’est point non plus Péritoa qu’il fallait nommer, mais Pyroéis, suivant ces vers d’Ovide (Métam., liv. II) :


Interea volucres Pyrœis, Eous et Aethon,

Solis equi, quartusque Phlegon, hinnitibus auras

Flammiferis implent, pedibusque repagula pulsant.

[223] Clavileño el aligero. Nom formé des mots clavija, cheville, et leño, pièce de bois.

[224] On appelait cohechos (concussion, subornation) les cadeaux que le nouveau titulaire d’un emploi était obligé de faire à ceux qui le lui avaient procuré. C’est ainsi qu’on obtenait, au temps de Cervantès, non-seulement les gouvernements civils et les offices de justice, mais les prélatures et les plus hautes dignités ecclésiastiques. Ce trafic infâme, auquel Cervantès fait allusion, était si connu, si général, si patent, que Philippe III, par une pragmatique datée du 19 mars 1614, imposa des peines fort graves aux solliciteurs et aux protecteurs qui s’en rendraient désormais coupables.

[225] On aurait dit, en France, à Montfaucon. Péralvillo est un petit village sur le chemin de Ciudad-Réal à Tolède, près duquel la Sainte-Harmandad faisait tuer, à coups de flèches, et laissait exposés les malfaiteurs condamnés par elle.

[226] Le docteur Eugénio Torralva fut condamné à mort, comme sorcier, par l’inquisition, et exécuté le 6 mai 1531. Son procès avait commencé le 10 janvier 1528. On a trouvé, dans les manuscrits de la bibliothèque royale de Madrid, la plupart de ses déclarations, recueillies pendant le procès. Voici, en abrégé, celle à laquelle Cervantès fait allusion : « Demande lui ayant été faite si ledit esprit Zaquiel l’avait transporté corporellement en quelque endroit, et de quelle manière il l’emportait, il répondit : Étant à Valladolid au mois de mai précédent (de l’année 1527), ledit Zaquiel m’ayant vu et m’ayant dit comment à cette heure Rome était prise d’assaut et saccagée, je l’ai dit à quelques personnes, et l’empereur (Charles Quint) le sut lui-même, mais ne voulut pas le croire. Et, la nuit suivante, voyant qu’on n’en croyait rien, l’esprit me persuada de m’en aller avec lui, disant qu’il me mènerait à Rome, et me ramènerait la nuit même. Ainsi fut fait : nous partîmes tous deux à quatre heures du soir, après être allés, en nous promenant, hors de Valladolid. Étant dehors, ledit esprit me dit : No haber paura ; fidate de me, que yo te prometo que no tendras ningun desplacer ; per tanto piglia aquesto in mano (ce jargon, moitié italien, moitié espagnol, signifie : N’aie pas peur, aie confiance en moi ; je te promets que tu n’auras aucun déplaisir. Ainsi donc, prends cela à la main) ; et il me sembla que, quand je le pris à la main, c’était un bâton noueux. Et l’esprit me dit : Cierra ochi (ferme les yeux) ; et, quand je les ouvris, il me parut que j’étais si près de la mer que je pouvais la prendre avec la main. Ensuite il me parut, quand j’ouvris les yeux, voir une grande obscurité, comme une nuée, et ensuite un éclair qui me fit grande peur. Et l’esprit me dit : Noli timere, bestia fiera (n’aie pas peur, bête féroce), ce que je fis ; et quand je revins à moi, au bout d’une demi-heure, je me trouvai à Rome, par terre. Et l’esprit me demanda : Dove pensate que state adesso ? (où pensez-vous être à présent ?) Et je lui dis que j’étais dans la rue de la Tour de Nona, et j’y entendis sonner cinq heures du soir à l’horloge du château Saint-Ange. Et nous allâmes tous deux, nous promenant et causant, jusqu’à la tour Saint-Ginian, où demeurait l’évêque allemand Copis, et je vis saccager plusieurs maisons, et je vis tout ce qui se passait à Rome. De là, je revins de la même manière, et dans l’espace d’une heure et demie, jusqu’à Valladolid, où il me ramena à mon logis, qui est près du monastère de San Benito, etc. »

[227] Nom que donnent les paysans espagnols à la constellation des Pléiades.

[228] Cervantès veut parler ici, soit de Caton le censeur, soit plutôt de Dionysius Caton, auteur des Disticha de moribus ad filium, et dont l’ouvrage était alors classique dans les universités d’Espagne. On ne sait rien de ce Dionysius Caton, sinon qu’il vivait après Lucain, car il le cite dans ses Distiques.

[229] Allusion au paon, qui, dit-on, défait sa roue dès qu’il regarde ses pieds. Fray Luis de Grenada avait déjà dit, usant de la même métaphore : « Regarde la plus laide chose qui soit en toi, et tu déferas aussitôt la roue de ta vanité. »

[230] Allusion au proverbe : Non, non, je n’en veux pas, mais jette-le-moi dans mon capuchon. Les juges portaient alors un manteau à capuchon (capas con capilla).

[231] La ley del encaje. On appelait ainsi l’interprétation arbitraire que le juge donnait à la loi.

[232] Suétone dit en effet (chap. XLV) que César s’habillait avec négligence, et ne serrait point la ceinture de sa toge. C’était de sa part une affectation, afin qu’on le prît pour un homme efféminé, et qu’on ne pût découvrir tout d’abord son courage et son esprit. Ainsi quelqu’un demandant à Cicéron pourquoi il avait suivi le parti de Pompée plutôt que celui de César : « César, répondit-il, m’a trompé par la manière de ceindre sa toge. »

[233] Sancho s’applique le vieux dicton : Al buen callar llaman Sancho.

[234] Cervantès veut dire qu’il aurait mieux fait d’enlever ces deux nouvelles du Don Quichotte, et de les réunir à son recueil de Nouvelles exemplaires : ce qu’ont fait depuis quelques éditeurs de ses œuvres.

[235] Ces expressions anciennes signifient, d’après Covarrubias (Tesoro de la lengua castellana), à l’improviste, sur-le-champ. Elles peuvent vouloir dire aussi en homme de bien, en bon chrétien.

[236] Ce poëte est Juan de Ména, mort en 1456. Il dit, dans la deux cent vingt-septième strophe du Labyrinthe, ou poëme des Trescientas copias :


¡ O vida segura la manza pobreza !

¡ O dadiva sancta, desagradecida !


Hésiode, dans son poëme des Heures et des Jours, avait aussi appelé la pauvreté présent des dieux immortels, et César s’écrie dans la Pharsale de Lucain (lib. V) :


O vitae tuta facultas

Pauperis, angustique lares !

O munera nondum

Intellecta Deum !

[237] Saint Paul (Ép. aux Corinthiens).

[238] Cervantès dit également, dans sa comédie La gran sultana doña Catalina de Oviedo (Jornada 3a) :


« … Hidalgo, mais non riche ; c’est une malédiction de notre siècle, où il semble que la pauvreté soit une annexe de la noblesse. »

[239] Cervantès fait sans doute allusion à une perle magnifique qui existait alors parmi les joyaux de la couronne d’Espagne, et qu’on appelait l’orpheline ou l’unique (la huerfana ou la sola). Elle pesait cinquante-quatre carats. Cette perle périt, avec une foule d’autres bijoux, dans l’incendie du palais de Madrid, en 1734.

[240] On appelle en Espagne cantimploras des carafes de verre ou des cruches de terre très-mince, que, pour rafraîchir l’eau pendant l’été, l’on agite à un courant d’air. De là vient la bizarre épithète que Cervantès donne au soleil.

[241] Barato est, en espagnol, l’adjectif opposé à caro, cher ; ce que nous appelons, dans notre pauvreté des mots les plus usuels, bon marché.

[242] Au temps de Cervantès, beaucoup de roturiers s’arrogeaient déjà le don jusqu’alors réservé à la noblesse. Aujourd’hui tout le monde prend ce titre, devenu sans conséquence, et qui est comme le esquire des Anglais.

[243] Il y a dans l’original : Si la précédente sentence… Cervantès changea sans doute après coup l’ordre des trois jugements rendus par Sancho ; mais il oublia de corriger l’observation qui suivait celui-ci.

[244] Elle est prise, en effet, de la Lombardica historia de Fra Giacobo dit Voragine, archevêque de Gênes, dans la Vie de saint Nicolas Bari (chap. III).

[245] Cette histoire, vraie ou supposée, était déjà recueillie dans le livre de Fray Francisco de Osuna, intitulé Norte de los Estados, et qui fut imprimé en 1550. Mais Cervantès, qui pouvait l’avoir apprise, ou dans cet ouvrage, ou par tradition, la raconte d’une tout autre manière.

[246] On appelait ainsi un baume composé avec de l’huile d’olive et des fleurs de mille-pertuis. Du nom de cette plante (hiperico en espagnol) s’était formé, par corruption, le mot d’huile d’aparicio.

[247] On lit dans le livre des Étiquettes, composé par Olivier de la Marche pour le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, et qui fut adopté par les rois d’Espagne de la maison d’Autriche pour les règlements de leur palais : « Le duc a six docteurs en médecine qui servent à visiter la personne et l’état de la santé du prince ; quand le duc est à table, ils se tiennent derrière lui, pour regarder quels mets et quels plats on sert au duc, et lui conseiller, suivant leur opinion, ceux qui lui feront le plus de bien. »

[248] L’aphorisme est : Omnis saturatio mala, panis autem pessima.

[249] Peliagudo signifie également, au figuré, embrouillé, épineux, difficile.

[250] La olla podrida (mot à mot : pot-pourri) est un mélange de plusieurs sortes de viandes, de légumes et d’assaisonnements.

[251] Recio signifie roide, intraitable, et agüero, augure. J’ai conservé ce nom en espagnol, au lieu de chercher à le traduire par un équivalent, parce qu’il est resté aussi proverbial, aussi consacré en Espagne, qu’en France celui du docteur Sangrado.

[252] Tirteafuera, ou mieux tirateafuera, signifie va-t’en d’ici. C’est ainsi que l’emploie Simon Abril dans la traduction de l’Eunuque, de Térence, où la servante Pythias dit au valet Chéréa :


Neque pol servandum tib

Quidquam dare ausim, neque te servare. Apage te.

(Acte V, scène II.)


En buena fe que ni yo osaria

Darte a guardar nada, ni menos guardarte

Yo, Tirateafuera.

[253] À l’expiration de leurs charges, les gouverneurs, comme certains autres employés de l’État, étaient tenus à résider quelque temps dans le pays qu’ils avaient administré. Pendant ce temps, ils restaient exposés aux réclamations de leurs subordonnés, devenus leurs égaux. Les Espagnols avaient pris cette sage coutume des Arabes.

[254] Les Biscayens, à l’époque de Cervantès, et depuis le règne de Charles-Quint, étaient en possession des places de secrétaires du roi et du conseil.

[255] En espagnol perláticos (paralytiques).

[256] Il y a, dans l’original, de son atalaya. C’est le nom que les Arabes donnaient (al-thalaya’h) aux petites tours élevées sur des éminences, et d’où leurs éclaireurs avertissaient des mouvements de l’ennemi, au moyen de signaux répétés de poste en poste.

[257] Montañes, né dans les montagnes des Asturies, où tous les habitants se regardent comme les descendants de Pélage et de ses compagnons.

[258] On appelait ainsi des cautères. (Voir Gil Blas, livre VII, chap. I.)

[259] Les cautères et les sétons sur les bras et sur les jambes, et même derrière le cou, étaient très en usage au temps de Cervantès. Matias de Léra, chirurgien de Philippe IV, dit, dans un traité sur la matière, que les uns emploient ce remède pour se guérir de maladies habituelles, d’autres pour s’en préserver, d’autres enfin vicieusement et seulement pour se mettre à la mode. (Prática de fuentes y sus utilidades.)

[260] Ollas podridas. Il y entre du bœuf, du mouton, du lard, des poules, des perdrix, des saucisses, du boudin, des légumes, et toutes sortes d’ingrédients. Le nom de ce mets lui vient sans doute de ce qu’on laisse cuire si longtemps les viandes qui le composent, qu’elles se détachent, se mêlent et se confondent comme des fruits trop mûrs.

[261] On appelait barato l’espèce de gratification que les joueurs gagnants donnaient aux assistants qui prenaient leur parti. Ces assistants, qui se nommaient barateros ou mirones, se divisaient en pedagogos ou gansos, ceux qui enseignaient les joueurs novices, et doncaires, ceux qui les dirigeaient en jouant et décidaient les coups douteux. On appelait aussi barato ce que donnaient les joueurs, pour les cartes et la lumière, aux maîtres des maisons de jeu, tenues aussi bien par des grands seigneurs que par de pauvres hères, et qui avaient une foule de noms, tels que tablagerías, casas de conversacion, leñeras, mandrachos, encierros, garitos.

[262] On appelait modorros des filous expérimentés qui passaient à dormir la moitié de la nuit, et venaient, comme des troupes fraîches, tomber à minuit sur les joueurs échauffés, qu’ils achevaient aisément de dépouiller. C’est ce qu’ils nommaient, dans leur jargon, se réserver pour la glane (quedarse a la espiga).

[263] Le mot espagnol dormir signifie également coucher. De là l’espèce de coq-à-l’âne qui va suivre.

[264] Les hauts-de-chausses appelés calzas atacadas, serrés et collant tout le long de la jambe, arrondis et très-amples depuis le milieu de la cuisse, avaient le nom populaire de pedorreras, auquel je n’ai trouvé d’autre équivalent supportable en français que pet-en-l’air. Ces hauts-de-chausses furent prohibés par une pragmatique royale, peu après l’époque où parut la seconde partie du Don Quichotte. Ambrosio de Salazar raconte qu’un hidalgo ayant été pris vêtu de calzas atacadas, malgré la prohibition, fut conduit devant le juge, et qu’il allégua pour sa défense que ses chausses étaient la seule armoire qu’il eût pour serrer ses hardes. Il en tira effectivement un peigne, une chemise, une paire de nappes, deux serviettes et un drap de lit. (Las Clavileñas de recreacion, Bruxelles, 1625, f. 99.)

[265] Comme les gens de qualité, qui portaient en voyage une espèce de voile ou masque fort léger pour se garantir la figure de l’air et du soleil. Le peuple appelait ces masques papa-higos, gobe-figues.

[266] Jurer par la vie de ses père et mère était une formule de serment très-usitée du temps de Cervantès.

[267] De stercore erigens pauperem. (Ps. CXII, v. 7.)

[268] Voyez la note 250 – chapitre XLVII.

[269] De haldas o de mangas. Ces mots ont chacun un double sens : l’un, qui veut dire les pans d’une robe de magistrat, signifiait aussi les droits à percevoir comme gouverneur ; l’autre, qui veut dire les manches, signifiait les cadeaux qui se faisaient aux grandes fêtes de l’année, comme Pâques et Noël, ou aux réjouissances publiques, comme l’avènement d’un nouveau roi. De là le proverbe : Buenas son mangas despues de Pascuas.

[270] On lit dans un auteur économique du temps de Cervantès : « Tandis que, ces années passées, le blé se vendait au poids de l’or à Ségovie, que le prix des loyers montait au ciel, et qu’il en était de même dans les autres villes, une paire de souliers à deux semelles valait trois réaux (quinze sous), et à Madrid quatre. Aujourd’hui on en demande effrontement sept réaux, sans vouloir les donner à moins de six réaux et demi. Il est effrayant de penser où cela va s’arrêter. » (Man. de la Bibl. royale. – Code 156, f. 64.) Une pragmatique de Charles-Quint, rendue à Monzon en 1552, avait établi un tarif pour le prix des souliers et de toute espèce de chaussure.

[271] Expression fort usitée dans un temps où Rome dispensait toutes les faveurs et tous les pardons.

[272] Tarde piache (pour piaste), phrase proverbiale dont voici l’origine : on raconte qu’un étudiant, mangeant des œufs à la coque, en avala un si peu frais que le poulet s’y était déjà formé ; il l’entendit crier en lui passant dans la gorge, et se contenta de dire gravement : Tu piaules trop tard.

[273] Il y a là un intraduisible jeu de mots sur nones, qui veut dire impairs et non au pluriel, et pares, pairs.

[274] Allusion au proverbe : Les ailes sont venues à la fourmi, et les oiseaux l’ont mangée.

[275] Alpargatas, chaussure ordinaire des paysans espagnols.

[276] En Espagne et en Amérique, les vice-rois, gouverneurs et agents financiers devaient, en quittant leur emploi, résider quelque temps pour rendre leurs comptes.

[277] Du mot allemand Geld, qui veut dire argent.

[278] Cervantès parle, dans ce chapitre, du plus grave des événements dont il fut témoin, l’expulsion des Morisques. Après la capitulation de Grenade, en 1492, un grand nombre de Mores, restés musulmans, séjournèrent en Espagne. Mais bientôt, aux missions envoyées parmi eux, succédèrent les persécutions ; et enfin un décret de Charles Quint, daté du 4 avril 1525, ordonna, sous peine de bannissement, que tous les Mores reçussent le baptême. Ces chrétiens convertis par force furent alors appelés du nom de Morisques (Moriscos), qui servait à les distinguer des vieux chrétiens. Sous Philippe II, on exigea plus que leur abjuration : en 1566, on leur défendit, par une pragmatique, l’usage de leur langue, de leurs vêtements, de leurs cérémonies, de leurs bains, de leurs esclaves et même de leurs noms. Ces dispositions tyranniques, exécutées avec une impitoyable rigueur, provoquèrent la longue révolte connue sous le nom de rébellion des Morisques, qui tint en échec toute la puissance de Philippe II, et ne fut étouffée qu’en 1570, par les victoires de don Juan d’Autriche. Les Morisques vaincus furent dispersés dans toutes les provinces de la Péninsule ; mais cette race déchue continuant à prospérer, à s’accroître, par le travail et l’industrie, on trouva des raisons politiques pour effrayer ceux que ne touchait pas suffisamment le fanatisme religieux déchaîné contre elle. Un édit de Philippe III, rendu en 1609, et exécuté l’année suivante, ordonna l’expulsion totale des Morisques. Douze à quinze cent mille malheureux furent chassés de l’Espagne, et le petit nombre d’entre eux qui survécurent à cette horrible exécution allèrent se perdre, en cachant leur origine, au milieu des races étrangères. Ainsi l’Espagne, déjà dépeuplée par les émigrations d’Amérique, se priva, comme fit plus tard la France à la révocation de l’édit de Nantes, de ses plus industrieux habitants, qui allèrent grossir les troupes des pirates de Berbérie, dont ses côtes étaient infestées. (Voir l’Histoire des Arabes et des Mores d’Espagne, tome I, chap. VII.) Au milieu des ménagements dont Cervantès s’enveloppe, il est facile de voir que toute sa sympathie est pour le peuple opprimé.

[279] C’est le caviar des Russes.

[280] Un autre écrivain du temps de Cervantès, Cristoval de Herrera, avait dit quelques années plus tôt : « Il faudrait empêcher que les Français et les Allemands ne parcourussent ces royaumes en nous soutirant notre argent, car tous les gens de cette espèce et de cet habit nous en emportent. On dit qu’en France les parents promettent pour dot de leurs filles ce qu’ils rapporteront de leur voyage à Saint-Jacques-de-Compostelle, allée et retour, comme s’ils allaient aux Grandes-Indes. » (Amparo de pobres)

[281] Plus loin, il est appelé don Gaspar Grégorio.

[282] Selon la tradition, Galiana était une princesse arabe, à laquelle son père Gadalife ou Galafre éleva un magnifique palais sur les bords du Tage. On donne encore le nom de palais de Galiana à des ruines qui se voient dans le jardin del Rey, à Tolède.

[283] Il y a ici une espèce de contradiction avec la fin du chapitre LI, où l’on dit que les habitants de l’île Barataria observent encore les Constitutions du grand gouverneur Sancho Panza. Mais Cervantès sans doute n’a pas résisté au désir de décocher une épigramme contre le gouvernement de l’Espagne, qui avait, dès ce temps-là, le défaut de rendre force lois et ordonnances sans pouvoir les faire exécuter.

[284] C’est le concile de Trente (de 1545 à 1563). Le canon XIX commence ainsi : Detestabilis duellorum usus ex christiano orbe penitus exterminetur, etc. Le même concile défendit également les joutes et tournois, ce qu’avaient fait précédemment celui de Latran en 1179 et celui de Reims en 1131.

[285] Au dixième chant de l’Orlando furioso, Biréno, duc de Zélande, abandonne son amante Olympie dans une île déserte. À son réveil, elle maudit le perfide et le charge d’imprécations, comme Didon au départ d’Énée. De là les deux comparaisons d’Altisidore.

[286] Cette imprécation forme ce que les Espagnols appellent el estribillo (le refrain), et se trouve répétée à la fin de toutes les strophes.

[287] Littéralement : Tue-Mores.

[288] Regnum cœlorum vim patitur. (Saint Matthieu, chap. II, v. 12.)

[289] Santiago, y cierra, Espana. Littéralement : Saint Jacques, et attaque, Espagne. Le mot cerrar, qui a voulu dire anciennement attaquer, signifie maintenant fermer. De là le jeu de mots de Sancho.

[290] Les gardiens des taureaux destinés aux courses les gardent à cheval, et portent des lances au lieu de fouets. Les taureaux qu’on amène des pâturages au cirque, la veille des combats, sont conduits par des bœufs dressés à cet usage, et appelés cabestros.

[291] Condumio, tout ce qu’on mange avec du pain.

[292] Cervantès parle ici de l’impertinente continuation du Don Quichotte, faite par un moine aragonais qui s’est caché sous le nom du licencié Alonzo Fernandez de Avellanéda, continuation qui parut pendant qu’il écrivait lui-même la seconde partie. Cet Avellanéda peint en effet don Quichotte comme revenu de son amour, dans les chapitres IV, VI, VIII, XII et XIII. Il avait dit au troisième chapitre : « Don Quichotte finit son entretien avec Sancho, en disant qu’il voulait aller à Saragosse pour les joutes, et qu’il pensait oublier l’ingrate infante Dulcinée du Toboso, pour chercher une autre dame qui correspondît mieux à ses services. »

[293] Ce sont des injures grossières adressées directement à Cervantès.

[294] Cervantès oublie que lui-même lui a donné ce nom dans la première partie, et qu’il l’appelle Juana Gutierrez dans le chapitre VII de la seconde.

[295] Ces détails obscènes et ridicules se trouvent principalement dans les chapitres XV, XVI, XVII, XVIII et XIX, des éditions, non expurgées, antérieures à 1732.

[296] La description de cette course de bague est dans le chapitre XI.

[297] Ces paroles sont celles que la tradition place dans la bouche du connétable du Guesclin, lorsque, pendant la lutte de Pierre le Cruel et de son frère Henri de Trastamare, dans la plaine de Montiel, il aida celui-ci à monter sur le corps de Pierre, que Henri perça de sa dague.

[298] Sancho applique à son maître les deux derniers vers d’un ancien romance, composé sur la tradition des sept infants de Lara (Canc. de Amberes, p. 172).


Gonzalo Gustos de Lara avait épousé doña Sancha, sœur de Ruy-Velazquez. Ce dernier, pour venger une offense, livra au roi more de Cordoue son beau-frère et ses sept neveux. Le père fut jeté dans une prison perpétuelle, après qu’on lui eut servi sur une table les têtes de ses sept enfants. Cependant l’amour d’une femme arabe, sœur du roi, le tira de prison, et le fils qu’il eut d’elle, appelé Mudarra Gonzalo, vengea le sang de ses frères dans celui de Ruy-Velazquez. L’ayant rencontré un jour à la chasse, il l’attaqua, et, bien que l’autre lui demandât le temps d’aller chercher ses armes, il le tua après avoir répondu les vers que cite Sancho ;


Esperesme, don Gonzalo.

Iré a tomar las mis armas. –

– El espera que tu diste

A los infantes de Lara :

Aqui moriras, traidor,

Enemigo de doña Sancha.

[299] C’étaient de petits mousquetons, qui avaient pris ce nom de pedreñales de ce qu’on y mettait le feu, non point avec une mèche, comme aux arquebuses, mais avec une pierre à fusil (pedernal).

[300] Cervantès ne pouvait appeler barbare le bienfaisant Osiris ; il voulait dire Busiris, ce tyran cruel d’Ibérie, qui enleva les filles d’Atlas et fut tué par Hercule.

[301] Au temps de Cervantès, la Catalogne, plus qu’aucune autre province d’Espagne, était désolée par les inimitiés de familles, qui jetaient souvent parmi les bandits des jeunes gens de qualité, coupables de quelque meurtre par vengeance. Les Niarros et les Cadells divisaient alors Barcelone, comme les Capuletti et les Montecchi avaient divisé Ravenne. Un partisan des Niarros, obligé de prendre la fuite, se fit chef de voleurs. On l’appelait Roque Guinart ou Guiñart, ou Guiñarte ; mais son vrai nom était Pédro Rocha Guinarda. C’était un jeune homme brave et généreux, tel que le peint Cervantès, et qui eut dans son temps, en Catalogne, la réputation qu’eut dans le nôtre, en Andalousie, le fameux José-Maria. Il est cité dans les mémoires de Commines.

[302] C’est du mot bando, mandement à cri public, qu’est venu celui de bandolero, qui désignait un brigand dont la tête était mise à prix. Peut-être le nom de bandit vient-il aussi de notre mot ban.

[303] Au chapitre XII du Don Quichotte d’Avellanéda, il est dit que Sancho reçut de don Carlos deux douzaines de boulettes et six pelotes de blanc-manger, et que, n’ayant pu tout avaler d’une fois, il mit le reste dans son sein pour le déjeuner du lendemain.

[304] Celui que les Anglais nomment Scott et les Français Scot, ou Lescot, ou l’Écossais, était un astrologue du treizième siècle, fort aimé de l’empereur Frédéric II, auquel il dédia son Traité de la physionomie et ses autres ouvrages. Dante fait mention de lui au chant XX de l’Enfer.


Quell’ altro che ne’ fianchi è cosi poco,

Michele Scotto fu, che veramente

Delle magiche frode sepe li gioco.


Il y eut un autre astrologue du nom de Michaël Scotto, né à Parme, qui vécut en Flandre sous le gouvernement d’Alexandre Farnèse (vers 1580). On raconte de celui-ci qu’il invitait souvent plusieurs personnes à dîner, sans faire apprêter quoi que ce fût ; et, quand les convives étaient à table, il se faisait apporter les mets par des esprits. « Ceci, disait-il à la compagnie, vient de la cuisine du roi de France ; cela, de celle du roi d’Espagne, etc. » (Voir Bayle, article Scot.) C’est sans doute de ce dernier que veut parler Cervantès.

[305] Ce qu’on appelait alors un sarao.

[306] Formule d’exorcisme dont se servait l’Église, et qui avait passé dans le langage commun.

[307] Allusion à un passage d’Avellanéda, au chapitre XII.

[308] On dit en Espagne les prophéties de Péro-Grullo, comme nous disons en France les vérités de M. de la Palice.

[309] Il a été souvent question de ces têtes enchantées. Albert le Grand, dit-on, en fabriqua une, et le marquis de Villéna une autre. Le Tostado parle d’une tête de bronze qui prophétisait dans le bourg de Tabara, et dont l’emploi principal était d’informer qu’il y avait quelque juif dans le pays. Elle criait alors : Judaeus adest, jusqu’à ce qu’on l’en eût chassé. (Super Numer., cap. XXI.)

[310] En espagnol, los juguetes.

[311] Avant que Cervantès se moquât des traducteurs de l’italien, Lope de Vega avait dit, dans sa Filomena : « Dieu veuille qu’il soit réduit, pour vivre, à traduire des livres de l’italien en castillan car, à mes yeux, c’est un plus grand délit que de passer des chevaux en France. »

[312] Le Pastor Fido est de Guarini ; l’Aminta, du Tasse. L’éloge de Cervantès est surtout vrai pour la traduction en vers de Jaurégui, lequel, peintre en même temps que poëte, fit le portrait de Cervantès, auquel il montra sans doute sa traduction manuscrite de l’Aminta, puisqu’elle ne parut qu’en 1618.

[313] Cervantès avait déjà dit des libraires, dans sa nouvelle du Licencié Vidriéra : « … Comme ils se moquent d’un auteur, s’il fait imprimer à ses frais ! Au lieu de quinze cents, ils impriment trois mille exemplaires, et, quand l’auteur pense qu’on vend les siens, on expédie les autres. »

[314] Luz del alma cristiana contra la ceguedad e ignorancia, par Fr. Felipe de Menesès, moine dominicain, Salamanque, 1556.

[315] Allusion au proverbe : À tout cochon vient sa Saint-Martin.

[316] C’était le hourra de l’époque.

[317] Don Luis Coloma, comte d’Elda, commandait l’escadre de Barcelone en 1614, lorsqu’on achevait l’expulsion des Morisques.

[318] Commandant d’un navire algérien.

[319] Le vice-roi de Barcelone était, en 1614, don Francisco Hurtado de Mendoza, marquis d’Almazan.

[320] Vers d’un vieux romance, déjà cités au chapitre II de la première partie.

[321] Cervantès joue ici avec grâce sur le mot deslocado, auquel il donne tantôt le sens de disloqué, tantôt celui de guéri de folie (de loco, fou, comme on dirait défolié).

[322] Il y eut plusieurs commissaires chargés de l’expulsion des Morisques, et ce don Bernardino de Vélasco, duquel Cervantès fait un éloge si mal placé dans la bouche de Ricote, ne fut commissionné que pour chasser les Morisques de la Manche. Il est possible qu’il ait mis de la rigueur et de l’intégrité dans ses fonctions : mais d’autres commissaires se laissèrent adoucir, et, comme on le voit dans les mémoires du temps, bien des riches Morisques achetèrent le droit de rester en Espagne, en changeant de province.

[323] Je demande pardon pour ce barbarisme, qu’il était peut-être impossible d’éviter.

[324] La pensée n’était pas neuve puisqu’il s’agissait d’imiter, non-seulement la pastorale Arcadie, mais l’Arcadie de Sannazar, la Diane de Montemayor, la Galatée de Cervantès lui-même, et enfin un passage de l’Amadis de Grèce (seconde partie, chap. CXXXII). « Au milieu de ses nombreux soucis, don Florisel de Niquéa résolut de prendre l’habit de pasteur et de vivre dans un village. Cela décidé, il partit, il découvrit son dessein à un bon homme, et lui fit acheter quelques brebis pour les conduire aux champs, etc. »

[325] On croit que Garcilaso de la Vega a désigné dans ses églogues, sous le nom de Nemoroso, son ami le poëte Boscan, à cause de l’identité entre le mot italien bosco et le mot latin nemus, d’où s’est formé le nom de Nemoroso.

[326] Terminaison qui indique l’augmentatif en espagnol.

[327] Espèce de cymbales.

[328] Étrille.

[329] Déjeuner.

[330] Tapis.

[331] Officier de justice.

[332] Magasin.

[333] Petite boule creuse, remplie de fleurs, ou de parfums, ou de cendres, qu’on se jetait aux tournois des Arabes, dans les danses à cheval.

[334] Brodequin.

[335] Galetas.

[336] Petite monnaie valant la trente-quatrième partie du réal.

[337] Giroflier.

[338] Faquir, prêtre ou moine musulman. Cervantès oublie alfoli, magasin à sel, et aljonjoli, sésame, plante.

[339] Après les ténèbres j’attends la lumière. Ces mots latins, pris au poëme de Job (cap. XVII, v. 12) et écrits en exergue autour d’un faucon capuchonné, formaient la devise de Juan de la Cuesta, premier éditeur du Don Quichotte, et ami de Cervantès.

[340] Cette strophe et les deux derniers vers de la précédente sont copiés littéralement de la troisième églogue de Garcilaso de la Vega.

[341] Le bonnet pointu des condamnés du saint-office se nommait coroza. On l’appelait aussi mitre scélerate, pour la distinguer de la mitre des évêques.

[342] O mas duro que marmol a mis quejas ! Vers de Garcilaso dans la première églogue.

[343] Voyez la note 339 du chapitre précédent.

[344] Petite monnaie valant le quart d’un réal, un peu plus d’un sou.

[345] Le proverbe entier est : On ne prend pas de truites à braies sèches. No se toman truchas a bragas enjutas.

[346] Ancienne ville du royaume de Léon, qu’assiégèrent longtemps Sancho II et Alphonse VI de Castille, avant que leur sœur doña Urraca la rendît à ce dernier (1109).

[347] En espagnol : De donde diere. Cervantès, dans le Dialogue des chiens, cite le même mot du même Mauléon, qu’il appelle poëte sot, quoique membre de l’académie des Imitateurs.


Cette académie des Imitateurs ou Imitatoria (à l’imitation des académies italiennes) fut fondée à Madrid en 1586, dans la maison d’un grand seigneur, ami des lettres ; mais elle subsista fort peu de temps.

[348] Voyez les chapitres VIII, IX et XXVI du Don Quichotte d’Avellanéda.

[349] Il y a, dans cette tirade, un perpétuel jeu de mots entre gracioso, plaisant, gracias, saillies, bon mots, et gracia, grâce, agrément, dont il est impossible de rendre en français toute la grâce.

[350] Les mêmes expressions proverbiales se trouvaient déjà dans la lettre de Sancho à sa femme Thérèse (chap. XXXVI).

[351] Il n’y a point de granges en Espagne. On bat les grains en plein vent, sur des places unies, disposées à l’entrée des villages, et qu’on appelle las eras.

[352] Le héros d’anciens couplets populaires, où on lui dit :


¡ Ah ! Mingo Revulgo, ò hao !

¿ Que es de tu sayo de blao ?

¿ No le vistes en domingo ?


« Hé ! Mingo Revulgo, ho hé ! qu’as-tu fait de ton pourpoint de drap bleu ? est-ce que tu ne le mets pas le dimanche ? »

[353] Aïna est un vieux mot qui veut dire vite, à la hâte. Térésaïna signifierait Thérèse la pétulante. Sancho l’appelait précédemment Téresona, qui aurait signifié Thérèse la grosse.

[354] Giacobo Sannazaro, né à Naples en 1458, auteur de plusieurs églogues italiennes et du fameux poëme latin De Partu Virginis, auquel il travailla vingt ans.

[355] Barcino est le nom que l’on donne au chien ou au bœuf dont le pelage est mêlé de blanc et de brun.

[356] Ce que les Espagnols appellent albaceas.

[357] Et comme il arriva aux huit villes d’Espagne à propos de Cervantès.

[358] Vers d’un ancien romance.

[359] Le pseudonyme Avellanéda termine la seconde partie de son livre en laissant don Quichotte dans la maison des fous (casa del Nuncio) à Tolède. Mais il ajoute qu’on sait par tradition qu’il quitta cet hôpital, et qu’ayant passé par Madrid pour y voir Sancho, il entra dans la Castille-Vieille, où il lui arriva de surprenantes aventures. C’est à cette menace d’une troisième partie que Cervantès fait allusion.