Valentines et autres vers/Gâté

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Valentines et autres vers, Texte établi par Ernest DelahayeAlbert Messein (p. 96-97).
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GÂTÉ


Comme une femme, hélas ! vous change !
Ainsi, moi… je fume toujours,
Je ris, je dors, je bois, et mange,
Mais tu m’as rendu bien étrange,
Et de tous les fils, le plus lourd.

Un fils qui foule au pied sa mère,
Ce que le dernier des troupiers
Au pas accéléré peut faire,
Qui s’oublie, ô folie amère,
Jusqu’à l’écraser sous ses pieds !

Eh ! oui, je foule aux pieds la Terre
Qu’à deux genoux a su baiser
Un Romain plein d’amour sévère,
Brutus, que j’appelle mon frère,
J’ai pu quelquefois l’écraser.


Écraser qui ? la Terre ou l’homme ?
Les deux, n’en soyons pas surpris :
Le Temps est le grand agronome ;
Il peut aux poussières de Rome
Mêler les cendres de Paris.

Oui, la Terre en travail et soûle,
Notre Mère à tous, n’est-ce pas ?
Mère des fous et de la foule,
Et dont on mange, je la foule
Amoureusement sous mes pas.

Car cette Mère elle ne gronde
Jamais ses fils, et nous avons
Son sang qui circule à la ronde,
Le vin rose et la bière blonde
Dans les verres où nous buvons.

Quant à la vraie ou bien la fausse,
Nous dirons comme nous voudrons,
Elle est morte, elle est dans sa fosse,

. . . . . . . . . . . . . . .

Dans la fosse où nous pourrirons.


Tiens ! qu’entends-je ? mais, là, sans rire…
« Excusez-vous » ce n’est pas Toi,
N’est-il pas vrai, qui l’a pu dire ?
Serait-ce… son ton… plein d’empire ?
Eh ! bien : Madame… excusez-moi.