Vers l’amour/Avant la lettre
Avant la lettre
lle ne connaît pas les battements du cœur,
Ni ce frémissement, ni la main que l’on pose
Sur la fraîcheur du corps d’où s’échappe l’odeur
Du lys voluptueux et de l’ardente rose…
Sans comprendre, elle entend le rythme de la voix
Qui redit lentement : « Je vous aime. »
Sa pudeur délicate a caché ses émois
Mais son âme tressaille à l’éternel poème.
Les jours se sont enfuis laissant le souvenir
Et l’écho de la voix douce et mystérieuse.
Elle s’éloigne en vain ; (Pourquoi vouloir s’enfuir ?)
Le danger la poursuit, elle n’est plus rieuse,
Elle cherche l’oubli de ce charme lointain
Et des mots tentateurs murmurés à l’oreille.
Dans le soir elle dit : « Ce sera pour demain. »
Le jour paraît enfin : le serment de la veille
La tourmente et l’obsède, ainsi qu’un revenant
Qu’on voudrait retenir ou chasser dans l’espace :
L’heure grave a sonné ; l’être tout rayonnant
D’une sensation violente d’audace,
Une sérénité lui caressant le front,
Soudain elle frissonne au fin duvet des lèvres.
Sa chevelure d’or est comme un soleil blond,
Et la vierge tressaille ; elle brûle de fièvres ;
Elle s’abandonne toute à l’étreinte des bras
Crispés nerveusement dans le baiser suprême.
Avec un long sanglot amoureusement las,
Elle dit à mi-voix : « Oui, mon rêve, je t’aime. »
