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Vers posthumes (Dubus)/Trottins

La bibliothèque libre.
Vers posthumesLibrairie Léon Vanier ; A. Messein, SuccrPoésies complètes d’Édouard Dubus (p. 102-103).
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TROTTINS

Les fillettes aux yeux polissons,
Les trottins s’en vont par les rues
Dévisageant les beaux garçons,
Et les vieux chauves à verrues.

Dans les plumes ou dans les fleurs,
Les modes, la parfumerie,
Elles ont même effronterie
Et même gamme de pâleurs.

Toujours sur leurs poitrines maigres
Se meurt un bouquet de deux sous :
Mêmes dessus, mêmes dessous,
Parfumés d’étranges vinaigres.

Elles rêvent, à l’atelier,
De vouer leur beauté du diable,
À la cascade irrémédiable
En cabinet particulier.


Dans leur perversité précoce,
Elles ont de petits amants
Et lisent de mauvais romans
Pour se faire à la grande noce.

Sans autre candeur sur le front
Qu’un maquillage à la céruse,
Singeant l’innocence avec ruse
Dans la vie elles rouleront.

Aussi trottinant par les rues,
Les trottins aux yeux polissons
Dévisageant les beaux garçons,
Et les vieux chauves à verrues.